Cours de Droit constitutionnel - Chapitre III PDF
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Ce document fournit un aperçu du chapitre III sur la sanction des violations de la constitution et le contrôle de constitutionnalité des lois. Le chapitre aborde les sanctions politiques possibles, comme le droit de résistance et les procédures d'accusation. Il décrit également le contrôle de constitutionnalité des lois.
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Chapitre III : La sanction des violations de la constitution - Le contrôle de constitutionnalité des lois Vous savez déjà que la constitution est la norme suprême, celle qui se situe au sommet de la hiérarchie des normes. A ce titre, elle s'impose à l'ensemble des autres normes qui lui sont subo...
Chapitre III : La sanction des violations de la constitution - Le contrôle de constitutionnalité des lois Vous savez déjà que la constitution est la norme suprême, celle qui se situe au sommet de la hiérarchie des normes. A ce titre, elle s'impose à l'ensemble des autres normes qui lui sont subordonnées et doivent lui être conformes. Mais il faut bien comprendre que cette supériorité ne sera effective que s'il existe à la disposition des personnes ou de certaines autorités politiques un ou des moyen(s) de sanctionner ou de faire sanctionner les éventuelles violations de la constitution. En l'absence de telles sanctions, la supériorité de la constitution restera théorique : rien n'empêchera les pouvoirs constitués de violer, c'est-à-dire de ne pas respecter la constitution. Ainsi, le parlement pourra être tenté d'adopter des lois inconstitutionnelles et le pouvoir exécutif des actes administratifs inconstitutionnels. Quelles sont alors les sanctions possibles du non-respect des règles constitutionnelles ? - Il existe d'abord des sanctions politiques qui peuvent être infligées par les citoyens ou par l'un des pouvoirs constitués. 1. Premier type de sanction politique : l’exercice par les citoyens de leur droit de résistance à l'oppression. Ce droit de résistance a été consacré par plusieurs constitutions révolutionnaires. Il fait aujourd'hui partie du droit positif français puisqu’il est reconnu à l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en tant que droit naturel et imprescriptible de l’homme. Le recours à cette sanction se heurte toutefois à 2 obstacles : - Lorsqu’elle s’exerce de façon violente - et non pas pacifique (c'est-à-dire via l’exercice des droits et libertés constitutionnels : liberté de la presse, de manifestation, etc.) -, elle ne peut être utilisée qu’en dernière extrémité, c’est-à-dire uniquement en cas de violation très grave de la constitution. Elle n’est donc pas adaptée à la sanction des violations mineures de la Constitution. - Autre difficulté : dans tous les Etats, l’insurrection contre les institutions de la République (c’est-à-dire la tentative de renverser les institutions) est pénalement sanctionnée. Tel sera le cas si elle échoue. Elle est donc condamnée à réussir si elle veut échapper à la justice. La Déclaration prévoit d’ailleurs elle-même, à son article 7, que "tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la Loi doit obéir à l'instant : il se rend coupable par la résistance". La résistance ne peut donc s’exercer à l’encontre de ce qui est prévu par la loi. 2. Second type de sanction politique : elle consiste dans la mise en oeuvre d'une procédure d'accusation devant une cour particulière, soit du chef de l’Etat, soit de l’un des ministres. Elle permet d’obtenir - entre autres - leur destitution, c’est-à-dire la fin de leur fonction, en cas d'abus flagrant de pouvoir de leur part, donc en particulier en cas de violation grave de la constitution. La composition de cette cour est variable selon les Etats. Elle est le plus souvent une émanation du parlement, ce qui signifie qu'elle est le plus souvent composée de parlementaires. Tel est le cas en France de la Haute Cour, qui regroupe les 2 chambres (Assemblée nationale et Sénat) et qui est compétente pour destituer le Président de la République en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat (article 68 de la Constitution). Aux Etats-Unis, c’est le Sénat, donc la chambre qui représente les Etats fédérés (v. suite du cours), qui est compétent pour juger le Président. Mais, dans d’autres Etats, cette compétence peut être attribuée à un organe juridictionnel (Cour de cassation ou Tribunal chargé de contrôler la constitutionnalité des lois). Page 1 sur 8 Là encore, et ce sont les limites de ce type de sanction, elle ne peut jouer qu’en dernière extrémité en raison de la gravité de ses conséquences et ne vaut pas à l’encontre du Parlement. - Ces limites expliquent pourquoi un autre type de sanction, cette fois juridique et non politique, est souvent prévu : il s'agit du contrôle de constitutionnalité. Il consiste à faire constater par une juridiction, donc par un tribunal, qu'un acte juridique adopté par un organe de l’Etat a été pris en violation de la constitution, en d'autres termes qu'il est inconstitutionnel, et qu'il est en conséquence dépourvu de toute force juridique. Section I : La légitimité du contrôle de constitutionnalité des lois En théorie, tous les actes adoptés par les pouvoirs constitués doivent respecter la constitution. Il y a cependant un obstacle important à la mise en place d'un contrôle de constitutionnalité des lois, c’est-à-dire des actes adoptés par le parlement. Cet obstacle n’existe pas - ou plutôt n’existe plus - pour les actes administratifs, c’est-à-dire les actes adoptés par le pouvoir exécutif. En effet, dans les démocraties libérales, le contrôle de leur légalité - c’est-à-dire de leur conformité à la loi - est admis depuis le XIXème siècle, et a progressivement inclus celui de leur constitutionnalité. Il est le plus souvent exercé par des tribunaux spécifiques, les tribunaux administratifs, qui peuvent être saisis par les administrés via un recours, qui porte le nom de REP (recours pour excès de pouvoir) en France. Qu’en est-il des lois ? La question particulière qui se pose est celle de la légitimité du contrôle de constitutionnalité des lois au regard des exigences démocratiques. En d'autres termes, l'institution d'un contrôle de constitutionnalité des lois est-elle compatible avec la démocratie, est- elle acceptable dans une démocratie ? Si la question se pose, c’est parce que dans une démocratie, le souverain, c’est-à-dire l’autorité suprême, c'est le peuple. Les lois, qui sont adoptées par le parlement, expriment donc la volonté du peuple puisque le parlement, élu par le peuple, le représente. Or, quelle est la portée de l'institution d'un contrôle de constitutionnalité des lois ? le pouvoir de contrôler la loi va être confié à une juridiction composée de juges indépendants, qui ne sont pas élus - en tout cas pas directement - par le peuple, mais désignés ou élus par des organes de l’Etat. Si cette juridiction déclare une loi non conforme à la constitution, celle-ci ne pourra entrer en vigueur ou, si elle l’est déjà, sera annulée, c’est-à-dire empêchée d’avoir des effets, au moins dans l’avenir, mais parfois aussi dans le passé. La volonté populaire exprimée par le parlement ne pourra donc pas se réaliser du fait de la volonté du juge. Il y a donc des arguments défavorables à la mise en place d’un tel contrôle, mais il y a aussi des arguments favorables qui l’ont emporté dans la majorité des démocraties libérales. §1. Les arguments défavorables à la mise en place d’un tel contrôle Il est possible de soutenir que, du fait du contrôle des lois, le système politique ne serait plus véritablement démocratique pour deux raisons : - d’une part, parce que la loi ne serait plus souveraine. Alors même qu'il représente le peuple, le parlement ne pourrait plus tout faire et devrait respecter la constitution. Donc, la première objection à l'instauration d'un contrôle de constitutionnalité des lois serait que la loi doit rester souveraine ; - d'autre part, même si l'on admet que la constitution doit l’emporter sur la loi, la seconde objection à l'instauration d'un tel contrôle serait le risque d'un gouvernement des juges. Bien sûr, Page 2 sur 8 lorsque l'on instaure un tel contrôle, c'est la constitution que devra respecter le législateur. Mais quelle constitution ? La constitution telle qu'elle sera interprétée par les juges constitutionnels. Ainsi, en dernière instance, ce n'est pas la constitution mais bien les juges constitutionnels eux-mêmes qui seraient placés au-dessus de la volonté du peuple. Le danger est réel pour la démocratie parce que les textes constitutionnels sont souvent brefs et peuvent être interprétés de différentes manières. En cas d'hésitation sur la signification d'une disposition, le risque est alors que le choix entre plusieurs interprétations possibles se fasse - consciemment ou inconsciemment - en fonction des a priori, c'est-à-dire des opinions politiques de l'interprète. Le danger est donc que l'instauration d'un contrôle de constitutionnalité n'aboutisse à ce qu'on a appelé - et il faut retenir l'expression - un " gouvernement des juges". En raison du contrôle de constitutionnalité, ce n'est plus le peuple par l'intermédiaire du Parlement qui gouvernerait, mais le juge qui imposerait ses propres conceptions politiques sous prétexte d'interpréter la constitution. Le risque n’est pas purement théorique. Il s’est en effet réalisé aux Etats-Unis durant la période qui s’étend de 1865 aux années 1930. La Cour suprême, sous prétexte d’interpréter la Constitution, a imposé aux pouvoirs publics une conception intransigeante du libéralisme économique en annulant les lois sociales adoptées par les Etats fédérés et les principales lois du New Deal adoptées par l’Etat fédéral à l’initiative du Président Roosevelt (227 lois ont ainsi été déclarées inconstitutionnelles dont des lois réglementant le travail des enfants ou limitant la durée du travail à 12 heures). Ainsi, les rédacteurs des constitutions seraient toujours face à un dilemme : - soit ils respectent les exigences démocratiques et ne prévoient pas de contrôle de constitutionnalité des lois. Tel a été le cas en France avant la Vème République. En effet, la tradition française était favorable à la souveraineté de la loi et donc défavorable au contrôle de constitutionnalité considéré comme illégitime. - soit ils relativisent les deux objections à l'instauration d'un contrôle de constitutionnalité que sont la souveraineté de la loi et le risque d'un gouvernement des juges. Les Etats qui mettent en place un contrôle de constitutionnalité des lois considèrent en réalité qu'ils n'en sont pas moins des démocraties, qu’ils restent donc des démocraties, mais que la notion de démocratie a évolué avec le temps. Voyons avec quels arguments. §2. Les arguments favorables à la mise en place d’un tel contrôle - Pour répondre à la première objection, l’on peut ainsi considérer que la démocratie n'implique pas la souveraineté de la loi. On insiste en effet non seulement sur le fait que la constitution elle-même a été adoptée par le peuple, mais aussi sur le fait qu'elle a pour fonction, par les droits qu'elle reconnaît aux personnes et à l'opposition, donc par la limitation du pouvoir qu'elle organise, de protéger la minorité contre l'oppression éventuelle de la majorité. L'histoire a montré que les lois adoptées par la majorité peuvent être liberticides, c'est-à-dire qu'elles peuvent méconnaître les libertés fondamentales. C'est pourquoi la démocratie, dans sa version libérale actuelle, c’est certes le pouvoir de la majorité, mais dans le respect des droits de la minorité. - On ajoute également que la marge de manoeuvre du juge constitutionnel lorsqu'il interprète la constitution, même si elle est réelle, n'en est pas moins étroite. Les pouvoirs publics peuvent en effet réagir en cas d'abus de pouvoir des juges. De façon générale, il ne faut jamais oublier qu’ils peuvent réagir par la révision de la constitution. Qu’est-ce que cela veut dire ? que si la loi est déclarée inconstitutionnelle, ils peuvent toujours modifier la constitution sur le point litigieux - et dans le sens qui était celui de la loi. C’est Page 3 sur 8 donc au pouvoir de révision de la Constitution, qui appartient au peuple ou à ses représentants dans une démocratie, que revient en réalité le droit de dernier mot. De plus, si les juges s’opposent systématiquement et de manière abusive à la volonté du législateur, les pouvoirs publics peuvent aussi parfois faire pression sur eux. C’est ainsi qu’en 1937 le Président Roosevelt a menacé la Cour suprême d’opérer une "fournée" de juges, c'est-à-dire d’augmenter le nombre de juges (ce qui peut se faire par une loi ordinaire aux USA) et de nommer des juges favorables à sa politique afin de faire basculer la majorité en sa faveur. La menace a suffi et la Cour a modifié sa jurisprudence en laissant l’Etat intervenir dans le domaine économique et social. En réalité, les juges constitutionnels sont conscients de ces possibilités et, de ce fait, n'utilisent en général leur pouvoir qu'avec modération. Ils s’autolimitent. Section II : Les formes de contrôle juridictionnel de constitutionnalité des lois Il n'existe pas un système de contrôle de constitutionnalité des lois, mais en réalité plusieurs entre lesquels les rédacteurs des constitutions peuvent choisir. Ce choix peut s'exercer à différents niveaux : il peut concerner l'organe compétent et la procédure de contrôle. §1. L'organe compétent Le contrôle de constitutionnalité des lois ne sera crédible que s’il est confié à une juridiction, et non pas à un organe politique. Les membres d’une telle juridiction sont le plus souvent désignés par des autorités politiques (qu’il s’agisse du pouvoir exécutif ou du parlement, ou même des deux selon les Etats). Mais une fois nommés, les juges jouissent en général d’un statut qui leur assure une totale indépendance à l'égard des autres pouvoirs, soit qu’ils sont nommés à vie, soit qu’ils sont désignés pour une durée assez longue. Dans ce dernier cas, leur mandat n’est pas renouvelable (pour qu’ils n’aient pas la tentation de rendre des décisions favorables à l’autorité de nomination afin d’être renouvelés dans leurs fonctions). En tant que juridiction, cet organe doit uniquement statuer en droit, c'est-à-dire en utilisant uniquement des arguments juridiques, et non des arguments d’opportunité, c’est-à-dire des arguments politiques. Il doit également rendre des décisions qui s’imposent à tous les pouvoirs publics. Il existe deux sortes d’organes de ce type, auxquels correspondent deux sortes de contrôle différents. A. Le contrôle diffus Dans un système de contrôle diffus, ce sont les juridictions ordinaires qui sont compétentes pour exercer le contrôle de constitutionnalité des lois. Tel est le cas aux Etats-Unis. Ce contrôle est en effet considéré comme un prolongement normal de la fonction du juge depuis le fameux arrêt rendu en 1803 par la Cour suprême : l’arrêt Marbury contre Madison. Chaque juge, s'il est saisi d'une demande en ce sens, doit vérifier la conformité de la loi à la Constitution et refuser d'appliquer une loi inconstitutionnelle. Ce contrôle n’était pas expressément prévu par la Constitution de 1787. C’est le juge lui-même qui, de sa propre autorité, a décidé de l’exercer. Ce contrôle est dit diffus parce qu'il n'est pas monopolisé par une juridiction spécialisée. Mais il s'effectue, comme d'ailleurs toute l'activité judiciaire, sous le contrôle de la juridiction située au sommet de la hiérarchie des juridictions et qui statue en dernier ressort, à savoir la Cour suprême pour les Etats-Unis. La Cour suprême remplit donc une fonction essentielle d'unification de la jurisprudence en matière constitutionnelle (comme dans les autres Page 4 sur 8 domaines) puisqu'elle statue sur les recours exercés contre les décisions rendues par les juridictions inférieures et leur impose en conséquence son interprétation de la Constitution. Cette expérience a inspiré de nombreux Etats et a donné naissance à un modèle particulier de contrôle de constitutionnalité des lois, dit modèle américain de contrôle de constitutionnalité des lois. Quelle est la composition de la Cour suprême des Etats-Unis ? Elle est composée de neuf juges nommés à vie par le Président. Le Sénat doit donner son accord pour chaque nomination, étant précisé qu’en général il se contente de vérifier la moralité du candidat ainsi que sa modération dans les prises de positions politiques qui ont pu être les siennes au cours de sa carrière antérieure. Précisons aussi que les Présidents choisissent pour l'essentiel des juges appartenant au même parti qu’eux (v. les 3 juges nommés par le Président Trump). Ils veillent cependant en général à ce que la Cour demeure représentative des diverses composantes de la société américaine. Tel n’est toutefois pas le cas actuellement, 6 de ses membres étant conservateurs ou ultra-conservateurs et ont contribué, par les décisions dont ils ont permis l’adoption, à entamer fortement la légitimité de la Cour dans l’opinion publique américaine. B. Le contrôle concentré Dans un système concentré, le contrôle de constitutionnalité est réservé à une juridiction spécialement créée à cet effet. C'est le modèle européen de contrôle de constitutionnalité des lois, que l'on trouve réalisé notamment en Autriche, en Allemagne, en Espagne, en Italie ou en France. Pourquoi les européens ont-il inventé un système différent ? dans ces Etats et pour des raisons tenant entre autres à leur histoire particulière, les juges ordinaires bénéficient d'un prestige moins grand qu’aux Etats-Unis. En conséquence, ils n'ont jamais voulu prendre la responsabilité de censurer la loi, considérée comme l'expression inattaquable de la volonté nationale. Lorsque les constituants ont voulu mettre en place un tel contrôle, le pouvoir de l’exercer a donc été confié par une disposition expresse de la Constitution à une juridiction spécifique. En Allemagne, le système est le suivant : c'est un Tribunal constitutionnel qui a le monopole du contrôle de la constitutionnalité des lois, tribunal dont les seize membres sont élus pour 12 ans par le Parlement, chacune des deux chambres désignant huit juges à la majorité des deux-tiers. Là encore, les considérations politiques sont importantes puisque les partis dominants au Parlement se répartissent en fait les sièges (la majorité a besoin de l’accord d’une partie de la minorité pour obtenir cette majorité des 2/3). En Allemagne, c'est donc le pouvoir législatif qui s'est vu attribuer la compétence de nommer les membres de la Cour constitutionnelle alors qu’aux U.S.A, on l’a vu, un tel pouvoir revient à l’Exécutif. En France, c'est le Conseil constitutionnel qui est, à titre exclusif, chargé de contrôler la constitutionnalité des lois. Il comprend neuf membres nommés pour 9 ans. Trois sont désignés par le Président de la République, trois par le Président de l'Assemblée nationale et les trois derniers par le Président du Sénat avec un droit de veto qui est reconnu aux deux chambres (à la majorité des 3/5) depuis la révision de la Constitution de 2008. S'ajoutent éventuellement à ces neuf membres nommés, les anciens présidents de la République qui sont membres de droit du Conseil. Là encore, vous devez vous en douter, le recrutement obéira forcément à des considérations politiques, même si les juges, une fois nommés, sont indépendants. §2. La procédure de contrôle Page 5 sur 8 Seront étudiés les autorités de saisine, le moment de la saisine et, enfin l’objet et les effets de la saisine. A. Les autorités de saisine Qui peut disposer du pouvoir de saisir l'organe ou les organes de contrôle de la constitutionnalité des lois, donc du pouvoir de déclencher ce contrôle ? Plusieurs systèmes sont envisageables : - On peut songer à donner ce droit à toute personne, à ouvrir ce que l'on appelle une actio popularis. Elle est automatique lorsque le recours est diffus puisque ce sont les personnes qui saisissent les juges ordinaires. En revanche, elle est impraticable lorsque le contrôle est concentré car les juges de l'unique cour constitutionnelle seraient rapidement dépassés par la tâche du fait du nombre de recours. Lorsque le contrôle est concentré, la seule chose que l’on puisse admettre, c’est une saisine directe par les personnes limitée à certains litiges particuliers. Ainsi en Allemagne, lorsqu'une personne s'estime lésée dans l'un de ses droits fondamentaux du fait d'une loi, mais uniquement dans ce cas, elle peut saisir directement le Tribunal constitutionnel. En revanche, une telle possibilité n’existe pas en France. - Ce droit peut également être confié, en cas de contrôle concentré, à un nombre restreint de personnes qui sont alors certains acteurs de la vie institutionnelle et politique de l'Etat. Un équilibre doit alors être trouvé afin que le système de contrôle de constitutionnalité soit efficace. En effet, si l'on confie ce droit de saisine uniquement à des autorités politiques qui appartiennent au parti majoritaire, on a beau multiplier le nombre de ces autorités (par ex. le président de la République, le premier ministre, le président de l'assemblée représentant le peuple etc.), le système de contrôle a toutes les chances d'être inefficace. En effet, les saisines sont le plus souvent facultatives et ces autorités, qui appartiennent à la majorité qui a voté la loi, n'ont aucun intérêt politique à saisir la cour constitutionnelle. Elles s'abstiendront pour que l’oeuvre législative de la majorité ne soit pas remise en cause. En revanche, les recours risquent d'être plus nombreux et le système plus efficace si la constitution confie également ce droit à l'opposition, par exemple parce qu’un certain nombre de parlementaires peut également saisir la cour. La minorité, frustrée de n'être que la minorité et mécontente de s'être vue imposer le vote d'une loi par la majorité, voit alors la cour comme un dernier rempart et invoquera souvent le non-respect de la constitution afin de tenter par ce biais d’éviter l’entrée en vigueur d’une loi et donc de faire triompher ses idées politiques. Tel est le cas en France, où le Conseil constitutionnel peut être saisi par le Président de la République, le Premier ministre, les Présidents des assemblées, mais également par 60 députés ou 60 sénateurs (nombre total de députés 577, nombre total de sénateurs 348). - Une dernière possibilité, qui ne vaut qu'en cas de contrôle concentré : les tribunaux ordinaires, qui sont par définition incompétents pour exercer eux-mêmes ce contrôle, peuvent également, dans certains Etats, saisir la Cour constitutionnelle lorsque la question de la constitutionnalité d'une loi se pose au cours d'un litige et que la réponse à cette question est nécessaire à sa solution. Une telle possibilité existe dans de nombreux Etats européens, comme en Allemagne ou en Italie. Elle a été introduite en France par la révision de la Constitution du 23 juillet 2008. Seuls la Cour de cassation et le Conseil d'Etat peuvent saisir le Conseil, éventuellement sur saisine d'une juridiction du fond, et seuls les droits et libertés garantis par la Constitution peuvent être invoqués. La révision est entrée en vigueur sur ce point le 1er mars 2010 et la question de constitutionnalité transmise au Conseil porte le nom de QPC : question prioritaire de constitutionnalité. B. Le moment de la saisine Page 6 sur 8 Quand pourra-t-on faire vérifier la constitutionnalité d'une loi ? Deux possibilités existent : avant ou après l'entrée en vigueur de la loi. 1) Le contrôle a priori Le contrôle a priori est celui exercé avant l'entrée en application de la loi. Il présente l'avantage de la sécurité juridique car le problème sera réglé avant que la loi ne soit appliquée aux personnes. Lorsque la loi entre en vigueur, celles-ci savent donc de façon définitive quels sont leurs droits et obligations. Il n’y a pas de risque d'annulation dans le futur. Mais le contrôle a priori présente également des inconvénients. Il intervient alors que les passions politiques, qui se sont parfois déchaînées au Parlement, ne se sont pas encore calmées. Le débat politique est à son apogée, l’organe de contrôle risque alors - d'autant plus facilement et quel que soit le sens de ses décisions - d'être considéré comme un organe politique (favorable à la majorité ou à l’opposition selon le sens de la décision rendue, de conformité ou de rejet). De plus, la Cour intervient dans ce cas avant que la loi n'ait été appliquée. Or certains problèmes de constitutionnalité n'apparaissent qu'avec l'application de celle-ci. Donc ce contrôle est trop précoce pour pouvoir prendre en compte ces hypothèses. Ce contrôle est pratiqué par la France depuis 1958. 2) Le contrôle a posteriori Ce contrôle est exercé après que la loi est entrée en application. Puisqu'il intervient à l'occasion de cette application, il permet au juge d'envisager des hypothèses qui n'avaient peut-être pas été envisagées par le législateur. Il a également l’avantage d’être plus dépassionné que le contrôle a priori puisque du temps se sera écoulé entre le moment de l’adoption de la loi et le moment où le juge statue. Il présente toutefois l'inconvénient de pouvoir être source d'insécurité juridique. Ce contrôle est dominant en Europe. Il a été introduit en France par la révision de 2008 précitée. C. L'objet de la saisine Le contrôle peut être par voie d’action ou d’exception. 1) le contrôle par voie d’action Dans ce cas, l'auteur du recours attaque la loi - exerce donc une action - en demandant à la juridiction constitutionnelle de la déclarer inconstitutionnelle. C'est un contrôle abstrait de la constitutionnalité des lois car il ne s'exerce pas à l'occasion d'un procès entre deux personnes. Le procès est fait directement à la loi. Le contrôle par voie d'action a le mérite d'aboutir à une situation claire car la sanction de l'inconstitutionnalité est la disparition de la loi de l'ordre juridique, en général uniquement pour l'avenir - ou, si le contrôle est a priori, l'interdiction pour la loi d'entrer en vigueur. 2) Le contrôle par voie d’exception A l'opposé, il s'agit là d'un contrôle concret de constitutionnalité. Le contrôle par voie d'exception est en effet exercé à l'occasion d'un litige en cours d’examen devant un juridiction. Ce procès n'a pas pour objet principal la question de savoir si la loi est ou non constitutionnelle. Simplement, au cours d'un procès quelconque, l'une des parties à qui l'on tente d'appliquer la loi soulève ce qu'on appelle une exception d'inconstitutionnalité, c'est-à-dire prétend que la loi que l'autre partie invoque à son encontre est inconstitutionnelle. Deux hypothèses dans ce cas : Page 7 sur 8 - Soit le contrôle de constitutionnalité est diffus, dans ce cas c'est le juge saisi de la question principale qui statuera sur l'exception. La question est dite préalable. - Soit le contrôle est concentré, dans ce cas le juge ordinaire devra saisir la juridiction constitutionnelle qui tranchera la question de constitutionnalité, et l'affaire reprendra ensuite son cours normal devant la juridiction ordinaire. Dans ce cas, la question de constitutionnalité est dite préjudicielle. C'est une telle question, intitulée QPC (question prioritaire de constitutionnalité) qui peut être posée au Conseil constitutionnel depuis l'entrée en vigueur de la révision de 2008. Lorsque le contrôle est diffus, comme aux Etat-Unis, la sanction de l'inconstitutionnalité n'est pas l'annulation de la loi mais la non-application de la loi au litige en cours. La loi subsiste dans l'ordre juridique. Mais lorsque le contrôle est concentré, comme en France, la sanction est le plus souvent l'abrogation de la loi, c'est-à-dire sa disparition pour l'avenir. Voilà les diverses distinctions qu'il faut connaître et qui permettent de caractériser chaque type de contrôle de constitutionnalité. Il faut savoir croiser ces distinctions et l'on pourra ainsi dire du système américain qu'il est diffus, a posteriori et par voie d'exception alors que le système français est concentré, a priori et par voie d'action avant la révision de 2008. Depuis l'entrée en vigueur de cette révision, il est également a posteriori et par voie d'exception. Page 8 sur 8