Partie 2 - Chapitre 2 - Élaboration et révision de la Constitution PDF

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This document provides an overview of constitution creation and revision, highlighting the concept of the constituent power. It explores the historical, political, and theoretical aspects involved in the process. The text delves into the different ways in which a constitution can be drafted and revised

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18/10 DEUXIÈME PARTIE LA CONSTITUTION Chapitre 2 : Élaboration et révision de la Constitution I. La notion de pouvoir constituant A. Le pouvoir constituant, une mystique politique B. Pouvoir constituant originaire et dérivé II\. L'exercice du pouvoir constituant originaire : l'élaboration de...

18/10 DEUXIÈME PARTIE LA CONSTITUTION Chapitre 2 : Élaboration et révision de la Constitution I. La notion de pouvoir constituant A. Le pouvoir constituant, une mystique politique B. Pouvoir constituant originaire et dérivé II\. L'exercice du pouvoir constituant originaire : l'élaboration de la Constitution A. Les modes autoritaires d'élaboration d'une Constitution 1\. La technique de l'octroi 2\. La technique du contrat B. Les modes démocratiques d'élaboration d'une Constitution 1\. L'assemblée constituante 2\. La ratification populaire C. Les modèles hybrides III\. L'exercice du pouvoir constituant dérivé : la révision de la Constitution A. Constitutions rigides et souples 1\. La notion de rigidité constitutionnelle 2\. La rigidité de la Constitution française : l'art. 89 et son contournement B. Les limites au pouvoir de révision 1\. Le caractère institué du pouvoir constituant dérivé 2\. Les limites procédurales 3\. Les clauses d'éternité 4\. Le problème de la supra-constitutionnalité I. LA NOTION DE POUVOIR CONSTITUANT A. LE POUVOIR CONSTITUANT, UNE MYSTIQUE POLITIQUE La notion de pouvoir constituant a été façonnée de toutes pièces par **Sieyès** dans son œuvre *Qu'est-ce que le Tiers-État ?* (1789). Pour lui, **le pouvoir constituant réside essentiellement dans la nation**. La nation existe avant tout, elle est l\'origine de tout. Sa volonté est toujours légale, elle est la loi elle-même. Avant elle et au-dessus d\'elle il n\'y a que le droit naturel. Si nous voulons nous former une idée juste de la suite des lois positives qui ne peuvent émaner que de sa volonté, nous voyons en première ligne les lois constitutionnelles, qui se divisent en deux parties : les unes règlent l\'organisation et les fonctions du corps législatif : les autres déterminent l\'organisation et les fonctions des différents corps actifs. Ces lois sont dites fondamentales, non pas en ce sens qu\'elles puissent devenir indépendantes de la volonté nationale, mais parce que les corps qui existent et agissent par elles ne peuvent point y toucher. Dans chaque partie, la constitution n\'est pas l\'ouvrage du pouvoir constitué, mais du pouvoir constituant. Aucune sorte de pouvoir délégué ne peut rien changer aux conditions de sa délégation. C\'est en ce sens que les lois constitutionnelles sont fondamentales. 🡺 Selon Sieyès, **la première source du droit est la nation**, il n'y a aucun norme juridique au dessus d'elle. **La notion est à l'ordre juridique ce que Dieu est à la création **; c'est la source de tout. 🡺 Les premières lois établies par la nation sont les lois constitutionnelles. **La Constitution est l'axe fondamental de la nation sur laquelle se basent l'ensemble des règles de droit**. 🡺 La Constitution crée des institutions mais **le législateur n'est qu'un pouvoir constitué, il doit donc respecter les bornes et limites que la Constitution met à son action**, c'est pourquoi le législateur lui même ne peut venir modifier la Constitution. On a donc le pouvoir constituant, qui est le **pouvoir de faire et modifier la Constitution**, et le pouvoir législatif, qui est le **pouvoir constitué limité par la Constitution**. 🡺 La Constitution vient placer **l'exercice de la souveraineté non plus dans l'acte législatif mais dans l'acte constituant**. Dans cette théorie du pouvoir constituant, on trouve un **double idéal d'autonomie et de souveraineté**. \- *autonomie* : Le fait de se donner à soi-même une loi (*auto nomos*). De fait, la notion de pouvoir constituant est l'idée selon laquelle **une nation n'est régie par aucune autre règle de droit que celle qu'elle se donne à elle-même**. De cet idéal d'autonomie découle un idéal de souveraineté. \- *souveraineté* : En posant une Constitution, la nation fait table rase de toute politique précédente, **elle crée un nouvel ordre juridique**. De fait, le constituant ne peut être lié par aucun droit, c'est en ce sens il est souverain. Sieyès est un **théoricien de la représentation**. Le pouvoir constituant ne s'exerce pas par l'intervention directe du peuple. Il y a plusieurs techniques d'élaboration d'une Constitution pour lesquelles **l'intervention directe du peuple n'est pas toujours requise**. L'intervention du peuple découle de la justification de la constitution. A travers ces hommes et femmes de chair et d'os qui forment les représentants de la nation, **c'est en réalité la nation qui s'exprime**. C'est pourquoi d'un point de vue juridique, notamment dans un régime démocratique, **l'auteur juridique de la constitution est toujours la nation**. Alors même que la nation n'intervient que rarement dans l'élaboration de la constitution, c'est toujours indirectement elle qui s'exprime. En France, il n'y a eu que 2 référendums sur les 25 révisions de la Constitution durant la Ve République. Alors, même s'il s'agit d'une fiction, c'est une **fiction nécessaire** car autrement, ce pouvoir, si confié à une élite, serait fortement illégitime. Cette fiction nécessaire permet de **légitimer le processus** constituant en faisant en sorte que *in fine*, ce soit toujours la nation qui s'exprime au sein de cette constitution. Il s'agit donc d'une **mystique**, d'une forme de théologique politique, au même sens que l'on peut dire que **c'est Dieu qui s'exprime à travers Moïse dans les 10 commandements.** B. POUVOIR CONSTITUANT ORIGINAIRE ET DÉRIVÉ Il faut distinguer l'**adoption de la constitution** de la **révision de la constitution**. L'*adoption* d'une constitution est **l'acte par lequel on fait table rase du passé**. On parle donc de **pouvoir constituant originaire.** C'est l'**acte constituant à l'origine du système qui va suivre**. En général le pouvoir constituant intervient à la faveur d'une **révolution juridique** (lorsque l'on passe d'un ordre juridique à l'autre dans des conditions qui n'étaient en principe pas licites dans l'ordre juridique préexistant). **L'adoption d'une nouvelle constitution suppose l'abandon des règles juridiques antérieures**. C'est un **acte de rupture**, on passe d'un système juridique antérieur à un système juridique nouveau. On trouvera souvent la rédaction d'une nouvelle constitution après un coup d'État, un acte de sécession ou encore une révolution. A l'inverse, le **pouvoir constituant dérivé** est un acte beaucoup plus anodin puisqu'il s'agit d'une **modification sur tel ou tel point de la constitution déjà existante** (*exemple* : début 2024, la Constitution française a été révisée en son article 34, auquel on a ajouté un nouvel alinéa garantissant à la femme la liberté de recourir à l'IVG). En général, **la révision suppose une procédure spécifique bien plus contraignante que la procédure législative ordinaire**, typiquement des exigences d'une majorité qualifiée. C'est le caractère contraignant de la procédure qui fait le degré de rigidité de la constitution. Relations entre ces deux pouvoirs : Le pouvoir originaire comme le pouvoir dérivé est **l'expression du pouvoir constituant**. En raison de la **règle du parallélisme des formes et des compétences**, le pouvoir de prendre un acte et le pouvoir de modifier ou d'abroger cet acte participent de la **même compétence juridique**. Dans les deux cas, il s'agit bien d'un même pouvoir constituant. Cependant, la question se pose de savoir si **le pouvoir constituant dérivé n'est pas lui même limité par ce qu'a décidé le pouvoir constituant originel**. En effet, le pouvoir constituant dérivé est à la fois un pouvoir constituant par sa fonction, il crée des normes constitutionnelles, mais par sa procédure, par les institutions qui y concourent, il s'agit bien d'un **pouvoir constitué**. C'est bien la même compétence juridique mais **on peut se demander si un pouvoir n'est pas supérieur à l'autre**. Il est parfois difficile de dire si on a affaire au pouvoir constituant dérivé ou originaire. 🡺 **Si on change quelques dispositions essentielles, a-t-on changé LA constitution ou a-t-on changé DE constitution ?** 🡺 exemple : Le **référendum du 28 septembre 1958 par lequel le peuple français a approuvé la constitution du 4 octobre 1958**. S'agit-il du pouvoir constituant originaire ou dérivé ? La réponse est la suivante : Formellement, nous sommes toujours sous la IVe République. **La loi constitutionnelle du 3 juin 1958 a été adoptée par le Conseil constitutionnelle de la IVe République**. Elle autorise le gouvernement du général De Gaulle, investi le 1^er^ juin 1958, à **déroger aux dispositions de l'article 90 de la Constitution de 1946 qui posait la procédure de révision de la constitution**. Elle introduit donc une nouvelle procédure de révision de la constitution de 1946 qui serait dérogatoire et par laquelle le gouvernement va élaborer et faire adopter par le peuple une nouvelle constitution. Alors, **la constitution de la Ve République n'est qu'une révision de la Constitution de la IVe République**. Elle a été prise sur le fondement d'une procédure de révision élaborée sous la IVe République et selon les règles applicables sous celle-ci. **Même si le peuple est intervenu par le biais d'un référendum, il n'a fait qu'exercer un pouvoir constituant dérivé**. Ici, l'analyse purement juridique doit céder le pas devant l'analyse politique. Il est en effet évident que, dès que l'on a une constitution adoptée par le peuple, on a bien une nouvelle constitution. II\. L'EXERCICE DU POUVOIR CONSTITUANT ORIGINAIRE : L'ÉLABORATION DE LA CONSTITUTION Il faut distinguer 2 séries de paramètres : +-----------------------+-----------------------+-----------------------+ | | Autoritaire | Démocratique | +-----------------------+-----------------------+-----------------------+ | Rédaction | Octroi | Assemblée | | | | constituante élue | | | Contrat | | +-----------------------+-----------------------+-----------------------+ | Adoption | Unilatérale (par le | \- Directe : par le | | | chef de l'État par | peuple | | | exemple) | | | | | \- Indirecte : par | | | | l'Assemblée | | | | constituante | +-----------------------+-----------------------+-----------------------+ Il y a d'abord les **paramètres de rédaction de la constitution**, puis les **paramètres de son adoption**. Ces derniers peuvent être **autoritaires ou démocratiques**. Souvent, les 2 paramètres sont cohérents entre eux, mais il peut y avoir des **modèles hybrides** (mélangeant paramètre de rédaction autoritaire et paramètre d'adoption démocratique ou vice versa). A. LES MODES AUTORITAIRES D'ÉLABORATION ET D'ADOPTION D'UNE CONSTITUTION On entend par autoritaire **tout procédé d'élaboration de la constitution qui ne procèdent pas directement ou indirectement du peuple**. 🡺 *2 techniques possibles* : l'octroi ou le contrat 1\. La technique de l'octroi Une constitution octroyée est une **constitution procédant d'un acte unilatéral**, un acte généralement d'un chef de l'État qui décide de donner à l'État une constitution 🡺 *exemple* : Charte constitutionnelle du 4 juin 1814 octroyée par Louis XVIII (préambule) Une Charte constitutionnelle était sollicitée par l'état actuel du royaume, nous l'avons promise, et nous la publions. Nous avons considéré que, bien que l'autorité tout entière résidât en France dans la personne du roi, ses prédécesseurs n'avaient point hésité à en modifier l'exercice. 🡺 Le roi, discrétionnairement, décide d'octroyer une constitution. Il aurait pu s'en abstenir mais il le fait quand même. **La charte de 1814 marque un retour de l'Ancien régime** (« renouer les chaînes du temps »). Ici, **le pouvoir constituant revient au roi**. **On nie donc la souveraineté de la nation**. 🡺 Ce mode autoritaire se traduit tant dans la rédaction que dans l'adoption. \- *rédaction* : La charte a été **rédigée par 22 des plus proches conseillers du roi**. \- *adoption* : La charte est **promulguée unilatéralement par le roi** sans qu'une forme de ratification populaire ne soit même envisagée. L'octroi est le **mode autoritaire par excellence de l'adoption d'une constitution**. 2\. La technique du contrat Le contrat est un **mode par le haut de rédaction**, parfois d'adoption, **de la constitution qui résulte non pas d'une décision unilatérale mais d'un accord passé entre les diverses forces politiques antagonistes**. Il s'agit alors de passer un contrat politique afin d'arriver à un consensus sur la future constitution. 🡺 *exemple* : **Lois constitutionnelles de 1875**. On fait alors un compromis sur une constitution provisoire en espérant un jour qu'elle devienne permanente. Cependant, quant à l'adoption, bien souvent **le contrat en question fait l'objet d'une validation par le peuple** (en 1875 notamment, l'Assemblée constituante avait bien validé le contrat). 21/10 B. LES MODES DÉMOCRATIQUES D'ÉLABORATION D'UNE CONSTITUTION Il existe 2 grandes modalités d'élaboration d'une constitution : **la rédaction** puis **l'adoption** de celle-ci. Dans certains cas, le même organe effectue les deux, dans d'autres, un organe la rédige et le peuple l'adopte. 1\. L'assemblée constituante Depuis les débuts du constitutionnalisme, l'Assemblée constituante est le **mode classique** de rédaction, voire d'adoption d'une constitution. L'assemblée constituante est un **mode démocratique d'élaboration d'une constitution** dès lors qu'elle est d'une manière ou d'une autre **désignée par le peuple**. Même les apôtres de la démocratie directe ne pensent pas qu'il soit possible au peuple tout entier de rédiger une constitution. Ainsi, tout au plus, le peuple vient adopter une constitution déjà rédigée. Simplement, afin de **conférer au processus de rédaction de la constitution une légitimité**, on fait élire l'organe rédacteur par le peuple. De la sorte le peuple, qui est potentiellement amener à adopter cette constitution, ne sera pas mis face à un choix binaire « oui ou non » puisqu'**il sera la source indirecte du texte qui lui est proposé**. On trouve de telles Assemblées constituantes dès les **deux premières révolutions constitutionnalistes.** 🡺 *exemple 1* : C'est la convention de Philadelphie qui adopta la constitution américaine toujours en vigueur aujourd'hui 🡺 *exemple 2* : L'Assemblée constituante française se réunie le 17 juin 1789 après le serment du jeu de paume et fait adopter la nouvelle constitution. Dans certains cas, l'Assemblée constituante ne se contente pas de rédiger la constitution puisqu'**elle l'adopte**. 🡺 *exemple 1* : La constitution de 1791 a été adoptée par l'Assemblée nationale constituante elle-même sans referendum populaire. Il en a été de même des 3 autres révolutions constitutionnelles, comme par exemple pour l'élaboration de la constitution de 1875. 🡺 *exemple 2* : Aux États-Unis, c'est la convention de Philadelphie qui a adopté la constitution. Néanmoins, celle-ci n'a été effective qu'après avoir été ratifiée par les États fédérés et non pas par référendum. 2\. La ratification populaire La ratification populaire **intervient au stade de l'adoption**. Elle intervient pour **adopter le texte élaboré par l'Assemblée constituante.** Si le peuple rejette le texte, celui-ci ne peut pas entrer en vigueur, il faut qu'une nouvelle Assemblée constituante rédige une nouvelle constitution (*exemple* : en avril 1946, le peuple français dit non au projet de constitution) La ratification populaire n'est **pas toujours nécessaire pour que l'élaboration de la constitution soit démocratique** mais elle assure au texte la légitimité démocratique la plus importante car elle est la **forme la plus pure de l'intervention du pouvoir constituant de la nation**. C. LES MODÈLES HYBRIDES La **constitution de la Ve République** est un tel modèle hybride puisqu'elle a été rédigée dans des conditions particulières ; à aucun moment une Assemblée constituante n'a été élue pour rédiger une constitution. **C'est le gouvernement qui**, sur habilitation de la loi constitutionnelle du 3 juin, **a arrêté une constitution soumise au peuple par un choix binaire « oui ou non »**. On a donc bien un **mode autoritaire de rédaction** de la constitution. Cependant, cette constitution a été adoptée par le peuple français par **referendum** le 28 septembre 1958. Ce mélange fait de l'élaboration de la constitution de 1958 un modèle hybride. III\. L'EXERCICE DU POUVOIR CONSTITUANT DÉRIVÉ : LA RÉVISION DE LA CONSTITUTION **A. CONSTITUTIONS RIGIDES ET SOUPLES** 1\. La notion de rigidité constitutionnelle La rigidité est la suite logique d'une constitution formelle. Une constitution formelle codifie les règles constitutionnelles dans un document unique et qui emporte pour sa modification une procédure plus contraignante que la procédure législative ordinaire. Mais **pourquoi une constitution doit-elle être rigide** ? Ici, deux valeurs sont à mettre en balance. - Un principe de stabilité  La constitution est un acte du pouvoir constituant originel qui traduit la sagesse d'une nation. Cependant, c'est surtout un acte qui vient **manifester un accord autour de certains principes et valeurs fondamentaux**. En ce sens, c'est un texte qui **doit être difficile à modifier** car en effet, « On ne doit changer les lois fondamentales que d'une main tremblante » (Montesquieu) Juridiquement, ce principe se traduit dans une **procédure de révision qui impose de reproduire les conditions de l'accord qui avait présidé à l'élaboration de la constitution originelle**. On ne peut pas permettre à une majorité changeante et éphémère de porter atteinte facilement aux principes et valeurs fondamentaux qui régissent l'organisation dans une société. C'est pourquoi les constitutions du monde entier mettent en place des **exigences spécifiques** (*exemples* : nécessité d'une majorité qualifiée comme en France, d'un bicamérisme égalitaire, obligation de participation des entités fédérées comme aux USA...). - **Un principe d'évolution / d'évolutivité** **La constitution ne peut pas être un texte figé dans le passé**, il est parfois nécessaire d'y apporter une modification pour des **raisons anecdotiques ou d'une importance capitale**. On peut modifier une faute d'orthographe par exemple. Il est parfois nécessaire d'**adapter la constitution aux évolutions de la société, des structures économiques et sociales, des mœurs**. C'est pourquoi la rigidité constitutionnelle ne doit jamais être telle qu'elle obère toute révision de la constitution. Sinon, on tombe dans le problème de la *dead hand of the past*, qui conditionne les choix contemporains à des principes posés dans des temps antérieurs. Une constitution **trop rigide**, trop difficile à modifier par la voie normale de la procédure de révision peut conduire les juges à venir interpréter la constitution de manière à ce que celle-ci soit adaptée aux nécessités du moment. **Le pouvoir d'interprétation des juges est d'autant plus important que la rigidité constitutionnelle est importante**. Plus celle-ci est importante, plus les juges tenteront eux même de l'adapter aux nécessités du moment alors qu'ils n'ont pas forcement la légitimité pour le faire, et de surcroît, ces interprétations judiciaires ne pourront pas être mises en cause par une révision de la constitution. 🡺 *exemple* : Aux États-Unis, la rigidité de la constitution est telle que la Cour suprême s'est autorisée un pouvoir d'interprétation énorme sans crainte d'être interdit par une révision constitutionnelle. Finalement, il faut trouver un juste milieu entre ces deux valeurs. **2. La rigidité de la Constitution française : l'art. 89 et son contournement** La procédure de la révision en France (article 89 de la constitution) prévoit une procédure en 4 étapes : ⚠ *VOIR TEXTE MOODLE* Initiative Examen Adoption Approbation *examen* : dès lors que le texte doit être voté en termes identiques par les deux chambres, **pas de 49.3 possible, pas de commission mixte paritaire, pas de dernier mot de l'Assemblée Nationale** (puisque confère au Sénat un droit de veto sur les projets de l'Assemblée nationale) La procédure est donc **bien plus contraignante que la procédure législative ordinaire**. La constitution a été révisée **en tout 25 fois** et selon cette procédure, 23 fois. Lorsque le Président se heurte au veto du Sénat ou à la faible possibilité des 3/5^e^ au Congrès, il est **contraint d'abandonner son projet**. Il peut être tentant pour le Président de recourir a l'**article 11** de la Constitution qui lui permet de **soumettre au referendum tout projet de loi portant sur une série de matières énumérées** dont l'organisation des pouvoirs publics. 🡺 En 1962, De Gaulle souhaite réviser la constitution pour que le Président soit élu au suffrage universel direct. Or, il s'aperçoit que le Sénat refusera de voter une telle révision constitutionnelle (veto sénatorial = le Sénat est majoritairement composé des radicaux pas favorables au projet gaulliste). Alors, de Gaulle fait rédiger un projet de loi qu'il fait soumettre au referendum par lequel il demande au peuple français d'adopter des dispositions organiques et constitutionnelles venant réviser l'article 6 de la constitution pour dire que le Président sera élu au suffrage universel direct. On a donc une procédure de révision relativement rigide, ce qui fait que pour surmonter le veto sénatorial, De Gaulle a utilisé une procédure normalement utilisée pour faire passer des lois normales. Cela pose question : est-ce que l'action de De Gaulle constitue un coup d'État constitutionnel ? B. LES LIMITES AU POUVOIR DE RÉVISION 1\. Le caractère institué du pouvoir constituant dérivé Le pouvoir de révision est, par son objet, par sa fonction, **constituant**. Il est l'**exercice de la même compétence juridique que le pouvoir constituant originaire**, ils sont tout deux constituants au même titre, ils sont donc tout deux **souverains**. Cependant, le pouvoir de révision n'est pas l'intervention pure et simple du pouvoir constituant originaire. C'est un **pouvoir confié par la constitution à un certain nombre d'organes institués** **voire constitués par la constitution** (Président, Assemblée nationale, Sénat, Congrès, voire même le peuple par referendum). Le pouvoir de révision comme tout pouvoir constitué est donc forcement **soumis aux limites que la constitution lui imparti**. Alors que le pouvoir constituant originaire peut se manifester quand il le souhaite (à la suite d'une crise majeure), le pouvoir dérivé doit suivre la procédure contraignante établie par la constitution. Le pouvoir de révision est donc **en principe souverain** par son objet mais il est néanmoins **limité des lors qu'il doit prendre certaines formes, suivre certaines procédures et parfois même avoir un certain contenu.** - **Décision n° 92-312 DC du 2 septembre 1992, « Maastricht Il »**  Considérant que sous réserve, d\'une part, des limitations touchant aux périodes au cours desquelles une révision de la Constitution ne peut pas être engagée ou poursuivie, qui résultent des articles 7, 16 et 89, alinéa 4, du texte constitutionnel et, d\'autre part, du respect des prescriptions du cinquième alinéa de l\'article 89 en vertu desquelles \"la forme républicaine du gouvernement ne peut faire l\'objet d\'une révision\", le pouvoir constituant est souverain ; qu\'il lui est loisible d\'abroger, de modifier ou de compléter des dispositions de valeur constitutionnelle dans la forme qu\'il estime appropriée; qu\'ainsi rien ne s\'oppose à ce qu\'il introduise dans le texte de la Constitution des dispositions nouvelles qui, dans le cas qu\'elles visent, dérogent à une règle ou à un principe de valeur constitutionnelle; que cette dérogation peut être aussi bien expresse qu\'implicite. 🡺 **Sous réserve des limitations x, le pouvoir constituant est souverain**. Deux types de limites typiquement posée par la constitution au pouvoir de révision : \- **limites procédurales** \- **limites substantielles** = clauses d'éternité 2\. Les limites procédurales Les premières limites procédurales, qui concernent la **procédure d'adoption de la constitution** sont celles qui résultent des règles qui encadrent la procédure de révision. On a un **moule procédural** dans lequel toutes les révisions de la constitution doivent se fondre. Les premières limites procédurales sont celles qui **résultent de la rigidité constitutionnelle elle même**. Deuxième catégorie : les **limites circonstancielles.** La constitution peut indiquer **certaines périodes au cours desquelles on ne peut engager ou poursuivre une révision** de la constitution. 🡺 *exemple* : En France, la constitution pose 2 limites circonstancielles. En effet, la constitution de 1958 indique 2 telles périodes. L'article 7 fait interdiction d'engager ou de poursuivre une révision lorsque la fonction du Président de la République étant vacante, le Président du Sénat l'exerce par intérim. De plus, l'article 89-4 statue que « aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu'il est porté atteinte à l'intégrité du territoire » (*exemple *: le régime de Vichy résulte d'une révision constitutionnelle votant les pleins pouvoirs a Pétain alors que la France était envahie par l'Allemagne) Le conseil constitutionnel a ajouté une troisième limite circonstancielle : lorsque l'article 16 est mis en œuvre (le Président exerce les pleins pouvoirs législatifs afin de mettre fin à une crise), il ne peut provoquer ou poursuivre une révision constitutionnelle. 3\. Les clauses d'éternité Les clauses d'éternité font partie des **limites substantielles ou matérielles portant non pas sur la procédure mais sur le contenu**. Le pouvoir de révision est contraint quant au contenu des modifications qu'il souhaite mettre en œuvre. La principale limite de cette sorte sont les clauses d'éternité. La notion de clause d'éternité est tirée du **droit constitutionnel allemand**. C'est une clause qui, au sein de la disposition constitutionnelle relative à la révision, **immunise contre toute révision certains aspects de la constitution**. 🡺 *exemple* : L'article 79-3 de la Loi fondamentale allemande interdit au pouvoir de révision de porter atteinte a 3 séries de principes : le principe de dignité de la personne humaine, le principe démocratique et le principe de l'organisation fédérale de l'État allemand. La constitution peut donc être révisée de bien des manières mais cette révision ne peut pas avoir pour effet de porter atteinte à ces principes. En France, depuis la révision constitutionnelle de 1984, **la constitution protège la forme républicaine du gouvernement** : l'article 89-5 statue que « La forme républicaine du gouvernement ne peut faire l'objet d'une révision ». On peut néanmoins avoir un doute concernant ce que cette notion englobe. \- *conception étroite* : Elle porte avant tout sur le **régime politique** mis en place par la constitution de 1958. On ne peut donc pas la réviser pour mettre en place un régime autoritaire par exemple. \- *conception plus large *: Elle porte sur tout les **principes du gouvernement républicain **; indivisibilité de la nation, laïcité, caractère décentralisé de l'organisation de la nation... Si on retient cette conception plus large, le champ couvert par cette clause d'éternité sera plus important. Néanmoins, cette question ne sera sans doute jamais tranchée en droit positif français. Certaines juridictions constitutionnelles ont mis en œuvre un **outil afin de contraindre le contenu des révisions constitutionnelles**. 🡺 *exemple* : La Cour suprême indienne qui, dans un arrêt de 1970, a indiqué qu'une révision constitutionnelle ne pouvait pas porter atteinte à la structure fondamentale (*basic structure*) de la constitution, c'est-à-dire le socle de principes essentiels que la juridiction constitutionnelle juge ne pas pouvoir être modifiée. Cette limite est donc **beaucoup plus large qu'une clause d'éternité.** C'est une clause d'éternité créée par le juge et appliquée par celui ci avec plus de flexibilité, lui permettant d'asseoir un contrôle assez important sur les révisions constitutionnelles. 25/10 4\. Le problème de la supra-constitutionnalité Quelle est la nature exacte de cette limite ? S'agit-il d'une **limite juridique ou bien morale/politique **? L'interdiction par exemple de porter atteinte la forme républicaine du gouvernement français est-elle le résultat d'une limite juridique liant en droit le pouvoir de révision, ou bien ne s'agit-il que d'une limite morale/politique qui doit guider le pouvoir de révision mais qui ne s'impose pas en définitive à lui vu que ce dernier est juridiquement souverain ? Si on reconnaît le caractère juridique de ces limites, la question se pose de savoir s'il revient aux juridictions et notamment à la juridiction constitutionnelle de faire respecter ces limites. Cela pose donc la question du **contrôle juridictionnel des révisions constitutionnelles**. Les termes du débat se sont principalement cristallisés autour des **limites substantiels**. Les limites procédurales limitent le pouvoir constituant en l'obligeant à se fondre dans une certaine **procédure**. Mais en principe, les divers organes qui interviennent au cours de la révision peuvent en assurer une forme de garantie avant que la révision n'intervienne (**s'il est porté atteinte à l'intégrité du territoire, il est évident que l'un des acteurs viendra mettre un frein à la poursuite ou à l'engagement de la procédure de révision**). Évidemment cette garantie n'est pas toujours effective. En 1962, il a été possible pour le président de contourner ces limites procédurales. La question s'est davantage focalisé sur la **clause d'éternité** puisque celle ci porte sur le **contenu lui-même de la révision**. Le véritable problème se pose en effet davantage lorsqu'on envisage des **limites matérielles**. Ce débat sur la clause d'éternité s'est notamment posé dans les années 1990 à la suite de la **décision Maastricht II** du Conseil constitutionnel, dans laquelle il est indiqué que, **sous réserve du respect de la clause d'éternité, le pouvoir constitutionnel est souverain**. Ce paradoxe a entraîné un débat notamment entre 2 auteurs : Georges Vedel et Louis Favoreu. Ces limites sont-elles des limites juridiques ou simplement morales ? Faut-il permettre un contrôle de constitutionnalité des révisions constitutionnelles ? *Selon Georges Vedel*, la réponse à ces deux questions est négative. Pour lui, **ces limites ne sont pas juridiques** et il mobilise ici le **principe de parallélisme des formes et compétences** : Le pouvoir constitutionnel originel et dérivé participent de la même compétence. De ce fait, les deux sont souverains. Or, **un souverain ne saurait se limiter lui même** (Dieu ne saurait fixer des limites à sa création). **Les limites imparties par les clauses d'éternité sont morales mais ce ne sont pas des limites juridiques**. En effet, pour Vedel, si l'on admet leur caractère juridique, il faut admettre une hiérarchie entre les différentes dispositions constitutionnelles. **Les normes protégées par la clause d'éternité seraient supérieures aux normes constitutionnelles lambda**. Or cela pose un **double problème** : un problème de légitimité et un problème logique. - **problème de légitimité** : Pour Vedel, admettre une telle constitutionnalité c'est admettre que le pouvoir constituant, qui est l'expression directe ou indirecte de la souveraineté nationale, est limité par les principes supérieurs de droit naturel. C'est donc admettre que **le pouvoir constituant est lui même contraint par des règles supérieures auxquelles la souveraineté nationale elle même ne peut pas toucher**. **Or, dans un régime démocratique, le fait que certaines normes soient soustraites à la main mise de la souveraineté nationale pose un problème majeur**. Pour Vedel, la légitimité du juge constitutionnel provient du fait qu'à tout moment, le pouvoir constitutionnel peut intervenir pour renverser ses décisions. Or pour lui, si on part du principe que l'article 89 alinéa 5 pose une limite, alors **on pose le pouvoir constituant sous la main mise du juge constitutionnel qui serait alors le seul a décider quelles sont les révisions acceptables**. 🡺 *double problème de légitimité* : Non seulement **certaines matières ne peuvent pas être atteintes par la souveraineté nationale** mais en plus il y aurait **déplacement de la souveraineté des mains de la nation vers les mains du juge constitutionnel**. - **problème logique** : \ Si on veut porter atteinte à la forme du gouvernement, on doit d'abord supprimer la clause d'éternité (vu qu'elle nous pose une limite). En effet, **la clause d'éternité ne s'auto-immunise pas contre une révision, car porter atteinte à celle-ci ne veut pas dire porter atteinte a la forme républicaine du gouvernement**. C'est seulement si on part du principe que la clause d'éternité n'est pas révisable que l'on ne peut porter atteinte à celle-ci. *Selon Favoreu*, **la clause d'éternité est une limite juridique pleine et entière au pouvoir constituant dérivé.** Puisque le pouvoir de révision est un pouvoir institué par la constitution, c'est donc un **pouvoir constitué** et donc **nécessairement limité procéduralement comme matériellement par la constitution elle même**. Le délégataire d'un pouvoir l'exerce dans les formes et les limites de l'autorité constituante. On doit donc, pour Favoreu, admettre que le pouvoir constituant dérivé soir limité. Ce n'est pas une violation du principe de souveraineté nationale ni la reconnaissance d'une supra-constitutionnalité, simplement, **il y a des normes constitutionnelles qui limitent la compétence de tel ou tel pouvoir constitué parmi lesquels on trouve le pouvoir de révision**. La clause d'éternité est donc une limite comme une autre au pouvoir constituant dérivé. **Le pouvoir constituant originaire, qui est lui absolument souverain, peut, s' il le souhaite, intervenir pour modifier la forme républicaine du gouvernement mais le pouvoir dérivé ne le peut pas**. Dans cette optique, la clause d'éternité est bien une limite juridique impartie par le pouvoir constituant originaire au pouvoir de révision. C'est pourquoi la manipulation proposée par Vedel (*cf problème logique*) ne peut pas marcher pour Favoreu puisque **supprimer la clause d'éternité dans le but de porter atteinte à la forme républicaine du gouvernent c'est commettre un retournement, un abus de procédure**. Favoreu en conclue qu'à fortiori, le juge constitutionnel devait être compétant pour contrôler la conformité à la clause d'éternité de l'ensemble des révisions constitutionnelles. Ce débat s'était posé en raison de l'incertitude soulevée par la **décision Maastricht II**. Est ce que, implicitement, le Conseil constitutionnel ne donnait pas raison a Favoreu ? De ce point de vue, la réponse qui a été apportée par le Conseil constitutionnel est une décision en demi-teinte. 🡺 **Décision no. 2003-469 DC du 26 mars 2003 : Révision constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République :** Considérant que l'article 61 de la Constitution donne au Conseil constitutionnel mission d'apprécier la conformité à la Constitution des lois organiques et, lorsqu'elles lui sont déférées dans les conditions fixées par cet article, des lois ordinaires ; que le Conseil constitutionnel ne tient ni de l'article 61, ni de l'article 89, ni d'aucune autre disposition de la Constitution le pouvoir de statuer sur une révision constitutionnelle. Le Conseil constitutionnel répond à la seconde question par la négative donc il n'a pas besoin de répondre à la première. **Il ne tranche pas ici la question de savoir si la clause impartie une limite juridique a l'action du pouvoir constituant**. Tout ce qu'il se contente de dire c'est qu'aucune disposition constitutionnelle ne lui donne compétence pour contrôler la conformité à la Constitution des révisions constitutionnelles. Le Conseil constitutionnel se réfugie donc ici derrière le caractère strictement limité d'une compétence d'attribution, compétence énumérée au cas par cas dans la Constitution. Des lors qu'aucune disposition ne lui donne compétence de contrôler la constitutionnalité des révisions, il n'a pas cette compétence. Des lors qu'on lui la donnerait, il serait compétant. **Il reconnaît donc que le fait que la clause d'éternité soit une limite juridique n'est pas impossible**. Ce n'est pas une impossibilité logique mais en l'état actuel, un contrôle juridictionnel des révisions constitutionnelles est exclu. **Le débat n'a pas vraiment été tranché mais dans les faits, c'est Vedel qui a gagné puisque le Conseil constitutionnel refuse de contrôler la conformité à la Constitution des révisions constitutionnelles**.

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