Summary

Ce document décrit le concept de conditionnement classique en psychologie. Il aborde des expériences, comme celle de Pavlov, pour illustrer comment des associations entre stimuli peuvent influencer le comportement et fait référence à des expériences impliquant des animaux. L'article est un bon aperçu des bases de l'apprentissage dans le domaine de la psychologie.

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# Le conditionnement classique Quand on vous dit «apprentissage», à quoi pensez-vous immédiatement? Sans doute d'abord aux cours que vous suivez et aux connaissances que vous y acquérez. Mais, en fait, l'apprentissage est bien plus que le contenu d'un cours, par exemple, et doit être vu de manière...

# Le conditionnement classique Quand on vous dit «apprentissage», à quoi pensez-vous immédiatement? Sans doute d'abord aux cours que vous suivez et aux connaissances que vous y acquérez. Mais, en fait, l'apprentissage est bien plus que le contenu d'un cours, par exemple, et doit être vu de manière beaucoup plus large. Il correspond en effet à tout ce qu'un individu apprend au cours de sa vie. Vos mimiques, les expressions et les mots que vous utilisez, vos manières, vos préférences alimentaires et votre façon de penser, notamment, en font partie et ont été influencés par vos expériences vécues avec vos parents, votre famille et votre entourage. Ils montrent l'influence que peut avoir l'environnement sur vous. En fait, l'apprentissage, ce sont les expériences acquises par l'interaction avec le milieu, lequel vient moduler puis teinter les comportements et les processus mentaux. De nos jours, la plupart des psychologues s'entendent pour définir l'apprentissage comme toute modification relativement permanente du comportement, du savoir, de la compétence ou de l'attitude qui résulte de l'expérience. L'apprentissage est un sujet central en psychologie. Au fil des ans, la recherche a montré que les humains et les animaux pouvaient apprendre de bien des manières. Comme nous allons le voir, non seulement les animaux sont capables d'apprentissage, mais ils nous en ont appris beaucoup sur notre propre façon d'apprendre. C'est ainsi qu'il est difficile de parler des grands théoriciens de l'apprentissage humain sans évoquer les expériences célèbres avec des chiens, des chats, des rats, des singes et des pigeons. Dans ce chapitre, nous nous intéresserons d'abord aux deux principaux types d'apprentissage que sont le conditionnement classique et le conditionnement opérant. Pour mettre en évidence le conditionnement classique, Pavlov a réalisé des expériences avec des animaux, notamment une expérience sur la salivation des chiens. Ses expériences ont été suivies d'expériences avec des humains, notamment l'expérience avec le petit Albert de John Watson. Ensuite, pour mettre en évidence le conditionnement opérant, portant sur les conséquences des comportements, Burrhus Frederic Skinner a utilisé des cages appelées boîtes de Skinner et démontré les effets des renforcements et des punitions sur des rats. Après ces premiers types d'apprentissage, nous étudierons l'apprentissage social cognitif. En effet, des théoriciens se sont intéressés à d'autres types d'apprentissage que les apprentissages par conditionnement: les apprentissages cognitifs, qui reposent sur des processus mentaux, c'est-à-dire des mécanismes cérébraux de traitement de l'information. Albert Bandura, théoricien et auteur de l'approche sociale cognitive, s'est intéressé à l'apprentissage par observation: processus par lequel un individu acquiert un nouveau comportement par l'observation. Il est à l'origine de l'expérience de la poupée Bobo. Enfin, nous conclurons ce chapitre en abordant un sujet connexe, mais intimement lié à l'apprentissage: la motivation. ## 5.1 Le conditionnement classique Le conditionnement classique est une forme d'apprentissage associatif très simple selon laquelle le sujet apprend en associant un **stimulus** à un autre, de manière répétitive, puis en y répondant à la longue de la même façon. On l'appelle également **conditionnement répondant**, parce qu'il porte sur la réponse ou la réaction à un stimulus donné, ou encore **conditionnement pavlovien**, parce qu'il a d'abord été décrit par Ivan Pavlov. Ce type de conditionnement a été appliqué pour la première fois au comportement humain par John Watson. ### 5.1.1 À la découverte du conditionnement: les chiens de Pavlov Le physiologiste russe Ivan Pavlov (1849-1936) a remporté le prix Nobel de médecine en 1904 pour ses recherches sur la physiologie de la digestion. Cependant, ce sont ses travaux sur les réflexes conditionnés chez les chiens qui l'ont rendu célèbre. Commencés dans les années 1890, ils ont été présentés pour la première fois à Madrid en 1903, mais ils n'ont attiré l'attention des universitaires nord-américains qu'en 1909, grâce à un article scientifique publié à Harvard (Yerkes et Morgulis, 1909). Ses expériences ont permis à Pavlov de définir le phénomène de conditionnement, ses bases et ses notions. #### Les expériences de Pavlov sur les chiens La contribution de Pavlov à la psychologie scientifique a une origine accidentelle. Pendant qu'il étudiait le réflexe de salivation chez les chiens, le chercheur remarqua que les animaux commençaient à saliver dès qu'ils entendaient le bruit des bols ou les pas de la personne qui venait les nourrir. D'abord contrarié par ce phénomène qui pertur-bait ses mesures de salive, Pavlov fut vite intrigué. Comment un réflexe, réaction innée, automatique et involontaire, comme la salivation pouvait-il être déclenché par autre chose que la nourriture? Il en déduisit que ce phénomène résultait d'un apprentissage et passa le reste de sa vie à l'étudier. Dans une célèbre expérience de conditionnement classique, Pavlov exposa à plusieurs reprises un chien à un son de cloche immédiatement suivi de nourriture, laquelle déclenchait la salivation. Il put vérifier qu'après avoir été jumelé à plusieurs reprises à la nourriture, le son de cloche finissait par y être associé et pouvait ensuite déclencher à lui seul la salivation. En tant que chercheur, Pavlov voulait un cadre expérimental qui lui permettrait de contrôler tous les facteurs susceptibles de modifier les réactions du chien durant les expériences: images, sons, odeurs, etc. Il conçut donc un cubicule où le chien, retenu par un harnais, se trouvait isolé de tous les stimulus extérieurs. Installé de l'autre côté d'une glace sans tain, l'expérimentateur pouvait observer l'animal et mesurer sa salive pendant qu'il l'exposait à divers stimulus (nourriture, son de cloche, etc.) à l'aide de commandes à distance (figure 5.1). Grâce à ce dispositif expérimental, Pavlov et ses collaborateurs ont réussi à démontrer l'existence de cette forme d'apprentissage très simple qu'est le conditionnement classique, à en décrire les mécanismes et à en chercher les bases biologiques dans le cortex cérébral. The image shows a diagram depicting the process of classical conditioning using a dog as an example. - **Before conditioning**, the image shows a dog and a bell. The dog has no reaction to the bell. - **During conditioning**, the image shows the dog with a bell and food. The dog drools as a result. - **After conditioning**, the image shows the dog with the bell, and the resulting drooling at the sound of the bell without food. This signifies that the dog has been conditioned to drool at the sound of the bell due to its association with food. # 9.1 Les théories psychanalytiques-psychodynamiques Comme nous l'avons dit au chapitre 1, le terme psychanalyse désigne non seulement la psychothérapie mise au point par Sigmund Freud, mais aussi l'importante théorie de la personnalité qu'il a proposée. Selon l'idée maîtresse de cette théorie, qui est restée au cœur de toutes les théories psychanalytiques‑psychodynamiques de la personnalité, des forces inconscientes façonnent la pensée et le comportement de l'être humain. ## 9.1.1 Les concepts de base de la théorie freudienne ### Les niveaux de conscience Freud distingue trois niveaux de conscience: le conscient, le préconscient et l'inconscient. * **Le conscient** renferme tout ce dont nous sommes capables de nommer, spontanément, dans le moment présent: pensées, sentiments, perceptions ou souvenirs. * **Le préconscient** ressemble un peu à ce que nous appelons aujourd'hui la mémoire à long terme: il contient les connaissances, les souvenirs, les sentiments, les expériences et les perceptions que nous pouvons ramener à la conscience, avec une relative facilité, parfois en y réfléchissant ou avec une aide extérieure. En effet, une émotion, une idée ou un souvenir peut émerger en regardant une photographie, en écoutant une chanson ou lorsqu'on nous pose une question. * **L'inconscient** est pour Freud le plus important des trois niveaux de conscience. Il est pour lui la principale source de motivation du comportement humain. Il renferme toutes les pulsions (sexuelles ou agressives) et tous les désirs qui ne sont jamais parvenus à la conscience, de même que toutes les pulsions et tous les désirs qui ont déjà été conscients, mais qui étaient si anxiogènes qu'ils ont été refoulés (involontairement retirés de la conscience). Freud estimait que les pulsions et les désirs inconscients étaient la source des troubles mentaux. ### Les composantes de la personnalité Freud a proposé une théorie de la personnalité qui repose sur trois systèmes: le ça, le moi et le surmoi. Notons que ces «systèmes» n'ont pas d'existence réelle; ce sont des concepts ou des façons d'aborder la personnalité. La figure 9.1 en fournit une illustration. * **Le ça** est la seule composante de la personnalité qui soit en place dès la naissance. Primitif, inaccessible et complètement inconscient, il englobe: (1) les instincts de vie, c'est-à-dire les pulsions sexuelles et les pulsions biologiques comme la faim et la soif; (2) l'instinct de mort, qui sous-tend les pulsions agressives et destructrices (Freud, 1933/1965). Le ça est le siège de la **libido**, l'énergie psychique qui se dégage des pulsions sexuelles et nourrit toute la personnalité. Mais il ne peut que désirer, imaginer, fantasmer et exiger. Régi par le principe de plaisir, le ça recherche, dans l'immédiat, sans attendre, un état de confort et de satisfaction; il évite, en effet, de ressentir la douleur, comme se sentir gêné, honteux, coupable, effrayé ou ambivalent. * **Le moi** est la part logique, rationnelle et réaliste de la personnalité. Il se met en place au cours de la première année de vie, au fur et à mesure que le bébé prend contact avec son environnement et réalise qu'il est un être distinct de sa mère. Cette compréhension de sa propre existence ne peut émerger que lorsque les exigences du ça ne sont pas systématiquement comblées. C'est en vivant de la frustration que le bébé comprend qu'une personne distincte de lui est chargée de satisfaire ses pulsions. Selon Freud, sans cette frustration, le petit enfant demeure en symbiose totale avec sa mère et ne peut bien construire son identité propre ou son moi. Le moi a, entre autres, pour fonction de satisfaire les pulsions du ça. Cependant, essentiellement conscient, il fonctionne selon le principe de réalité. Cela signifie qu'il doit tenir compte des contraintes du monde réel pour déterminer le moment, le lieu et l'objet les plus appropriés pour la satisfaction des pulsions du ça. Il maîtrise l'art du possible et doit souvent faire des compromis: par exemple, se contenter d'un pique-nique dans un parc au lieu de s'offrir un homard à la terrasse d'un bon restaurant. * **Le surmoi** s'est déjà formé. Il inclut: (1) la conscience morale, qui s'élabore à partir des comportements pour lesquels l'enfant a été puni et dont il se sent coupable; (2) l'idéal du moi, qui s'élabore à partir des comportements pour lesquels l'enfant a été félicité et récompensé, et dont il est fier ou satisfait. Au début, le surmoi ne reflète que les attentes des parents. Mais, avec le temps, il s'élargit pour inclure les enseignements du monde social. Régi par le principe de perfection, le surmoi établit des principes moraux qui définissent et limitent la souplesse du moi. Plus sévère que toute autorité extérieure, y compris les parents, il juge non seulement le comportement, mais aussi les pensées, les sentiments et les désirs. ### Les conflits intrapsychiques et les mécanismes de défense Tout se passerait bien si le moi parvenait, par ses décisions, à satisfaire à la fois le ça et le surmoi, sans créer d'incohérences. Toutefois, les trois composantes de la personnalité ont des objectifs incompatibles pouvant mener à un **conflit intrapsychique**, c'est-à-dire à une mésentente entre elles dans une situation donnée, pour l'une des raisons suivantes: * Le ça prédomine et empêche le moi de s'adapter à la réalité comme il le voudrait; * Le surmoi prédomine et empêche le moi de s'adapter à la réalité comme il le souhaiterait; * Le ça et le surmoi sont puissants et s'opposent, tandis que le moi, plus faible, ne parvient pas à trouver un équilibre et à tenir compte de la réalité de manière harmonieuse. Ce conflit intrapsychique est source d'inconfort et d'angoisse pour la personne. Parfois, le moi doit réduire l'angoisse qu'entraîne l'antagonisme des exigences immodérées du ça et des jugements implacables du surmoi. S'il ne parvient pas à résoudre le problème directement, il se protège en recourant à des **mécanismes de défense** inconscients, qui soulagent l'angoisse et maintiennent l'estime de soi. Le plus important de ces mécanismes, à partir duquel se forment tous les autres, est le **refoulement**. Il consiste à empêcher des pulsions sexuelles ou agressives trop anxiogènes d'accéder à la conscience ou à chasser de la conscience les désirs, les perceptions et les pensées qui sont liés à ces pulsions. Le tableau 9.1 énumère et décrit les mécanismes de défense décrits par Freud. The image shows a table that describes the nine defense mechanisms according to Freud: **Mechanism** | **Description** | **Example** ------- | -------- | -------- Refoulement | Mécanisme consistant à empêcher involontairement des pulsions sexuelles ou agressives trop anxiogènes d'accéder à la conscience, ou à chasser involontairement de la conscience les désirs, les pensées ou les souvenirs qui sont liés à ces pulsions. | Mathieu a oublié qu'il a souhaité la mort de son père lorsqu'il était adolescent. Projection | Mécanisme consistant à attribuer à autrui ses propres pulsions, désirs ou pensées jugés inacceptables. | Une femme qui souffre de ne pas avoir de relations sexuelles accuse les hommes de ne penser qu'à ça. Déni | Mécanisme consistant à refuser une réalité qui représente un danger ou une menace. | Un malade refuse d'admettre qu'il souffre d'un cancer incurable. Rationalisation | Mécanisme consistant à justifier une action ou un événement problématique par une raison logique, rationnelle ou socialement acceptable. | Loïc se dit qu'il n'a pas obtenu le poste qu'il convoitait uniquement parce qu'il n'avait pas de contacts dans l'entreprise en question. Régression | Mécanisme consistant à adopter un comportement typique d'un stade de développement antérieur pour se protéger d'une frustration ou d'une anxiété intolérable. | Nadia, qui a 30 ans, fond en larmes chaque fois qu'on la critique. Formation réactionnelle | Mécanisme consistant à exprimer des idées et des émotions qui sont à l'opposé de pulsions et de désirs inconscients et troublants. | Très attiré par la pornographie, David préconise sa censure complète. Déplacement | Mécanisme consistant à remplacer l'objet original d'une pulsion (sexuelle ou agressive) par un objet ou une personne moins menaçante. | Furieux contre son père qui vient de le critiquer, Jérémie claque la porte de sa chambre. Sublimation | Mécanisme consistant à canaliser une énergie sexuelle ou agressive, ou encore une émotion difficile à réguler, et à la réorienter vers des actions ou réalisations socialement acceptables ou admirables. | Camille transforme la tristesse ressentie après sa rupture amoureuse en paroles de chanson. Nous recourons tous, de temps à autre, à des mécanismes de défense. Certains de ces mécanismes, comme la rationalisation et la sublimation, sont plus adaptés que d'autres à la vie en société et à un développement individuel sain. Freud disait même de la sublimation qu'elle était le fondement de toute vie civilisée, parce qu'elle permettait à l'individu de canaliser et d'orienter ses pulsions sexuelles et agressives vers un objectif évolué et socialement acceptable, comme le sport ou la création (Cervone et Pervin, 2020). Les autres mécanismes de défense, plus infantiles, sont moins adaptés. De plus, Freud soutenait qu'une surutilisation des mécanismes de défense pouvait nuire à la santé mentale, ce qu'a confirmé la recherche (Watson, 2002). Convaincu que les pulsions et les désirs inconscients étaient la source des troubles mentaux, Freud estimait que pour les guérir, il fallait ramener à la conscience les pulsions refoulées à l'origine des mécanismes de défense inadaptés. Comme on le verra au chapitre 10, sa méthode thérapeutique repose sur cette hypothèse. ## 9.1.2 Les quatre stades du développement psychosexuel selon Freud Pour Freud, la libido est le principal facteur qui influe sur la personnalité. Présente dès la naissance, elle évolue au fil des quatre stades du développement psychosexuel: le stade oral, le stade anal, le stade phallique et le stade génital. Chacun de ces stades est centré sur une partie du corps, ou zone érogène, qui procure des sensations agréables. Cette dernière devient une source de conflit psychique parce que des exigences sociales forcent l'individu à retarder le plaisir qu'il en retire ou à y renoncer (Freud, 1920/1994, 1905/1987). Toujours selon Freud, un investissement limité ou, au contraire, trop important dans la zone érogène peut entraîner une **fixation**: une partie de la libido reste alors investie dans les objets, les images ou les gratifications typiques du stade en question. L'enfant a alors moins d'énergie pour surmonter les difficultés des stades suivants. Une gratification excessive à un stade donné peut rendre l'individu réticent à passer au stade suivant, tandis qu'une gratification insuffisante peut le laisser aux prises avec le désir de combler les besoins insatisfaits. Freud croyait que certains traits de personnalité résultaient de la difficulté à résoudre les conflits liés à l'un ou à l'autre des stades du développement psychosexuel. ### Le stade oral (de la naissance à deux ans) Au stade oral, la bouche est la principale source du plaisir sensuel, que Freud considérait comme l'expression d'une sexualité infantile (1920/1994). Le conflit associé est centré sur le sevrage. Si la mère tarde à sevrer son bébé et maintient un état symbiotique avec lui, ou si au contraire elle refuse de l'allaiter ou le sèvre trop brutalement, elle l'empêche de résoudre ce conflit. Autrement dit, une gratification excessive ou insuffisante à ce stade peut entraîner une fixation orale. Celle-ci se traduira par un intérêt excessif pour des activités comme manger, boire, fumer, mâcher de la gomme, se ronger les ongles et même embrasser. Freud croyait que les difficultés rencontrées au stade oral pouvaient expliquer des traits de personnalité comme la dépendance, la crédulité et l'optimisme excessifs ou, au contraire, un pessimisme excessif, une forte tendance à la passivité, au sarcasme, à l'hostilité et à l'agressivité. De plus, comme le moi se met en place durant le stade oral, une bonne résolution des difficultés liées à ce stade lui semblait cruciale pour la formation d'un moi fort et équilibré. ### Le stade anal (de deux à trois ans) Au stade anal, l'expulsion et la rétention des matières fécales procurent un plaisir sensuel à l'enfant, disait Freud. Le conflit apparaît au moment de l'apprentissage de la propreté, alors que les parents, pour la première fois, tentent d'amener l'enfant à renoncer à une gratification ou à la retarder. D'une situation où il est libre de céder à ses pulsions, mais entièrement pris en charge, l'enfant passe à une autre où il doit apprendre à maîtriser ses pulsions et à accepter l'autorité qui lui impose d'être propre, pour devenir, en contrepartie, plus autonome socialement. Si les parents ont une approche trop rigide de l'apprentissage de la propreté, soutenait Freud, l'enfant peut se rebeller. Il peut le faire ouvertement en déféquant où et quand bon lui semble. Cette attitude peut mener à la formation d'une «personnalité anale expulsive»: l'individu devient un adulte négligé, irresponsable, rebelle, hostile et destructeur. Dans d'autres cas, l'enfant défie ses parents et attire leur attention en retenant fréquemment ses selles. Cette attitude peut mener à la formation d'une «personnalité anale rétentrice»: l'individu, qui trouve sa sécurité dans la possession, devient avare, têtu, rigide et obsédé par la propreté, l'ordre et la précision (Freud, 1933/1965). ### Le stade phallique (de trois à six ans) Au stade phallique, l'enfant découvre qu'il peut se procurer du plaisir en touchant ses organes génitaux; la masturbation est courante. Durant ce stade, l'enfant prend conscience des différences anatomiques entre les hommes et les femmes, ce qui le rend à la fois voyeur et exhibitionniste. C'est également à cet âge que l'enfant teste son pouvoir de séduction auprès de ses parents. L'un des aspects les plus controversés de la théorie freudienne est la description que fait Freud du conflit central associé à ce stade, qu'il appelle le **complexe d'Edipe**. Dans la tragédie grecque Edipe roi, de Sophocle, le héros, qui ignore l'identité de ses parents, monte sur le trône en assassinant son père, le roi, et en épousant sa mère. En simplifiant beaucoup, on peut résumer comme suit la notion freudienne de complexe d'Edipe. Durant le stade phallique, le garçon concentre ses pulsions sexuelles sur sa mère et éprouve des pulsions agressives envers son père, qu'il voit comme un rival. Le garçon résout habituellement ce conflit en s'identifiant à son père et en refoulant ses pulsions sexuelles pour sa mère. L'angoisse de castration facilite cette résolution. En effet, réalisant que les filles n'ont pas de pénis, le petit garçon s'imagine qu'on le leur a coupé. Sachant que son père est plus fort que lui, il craint que ce dernier le castre (comme une fille) pour le punir de ses pulsions coupables. Il choisit donc de ressembler à son père pour acquérir son propre pouvoir de séduction. En s'identifiant à son père, l'enfant adopte ses comportements, ses manières et ses jugements moraux; c'est ainsi que son surmoi se forge (Freud, 1929/1934). Dans la théorie freudienne, la présence d'une figure paternelle, un homme qui joue clairement son rôle d'amant auprès de la mère et affirme son autorité sur l'enfant, est essentielle pour que le garçon puisse résoudre son complexe d'Edipe et acquérir un surmoi sain.. Freud proposait un processus développemental tout aussi controversé et encore plus complexe pour les filles au stade phallique. En quelques mots, quand elle découvre qu'elle n'a pas de pénis, la petite fille éprouve une envie du pénis et concentre ses pulsions sur son père, qui possède l'organe convoité (Freud, 1933/1965). Elle devient alors **jalouse de sa mère, qu'elle voit comme une rivale**. Cependant, ses pulsions sexuelles pour son père et ses pulsions agressives envers sa mère finissent par l'angoisser, de sorte qu'elle les refoule puis choisit de s'identifier à sa mère; cela contribue à la formation de son surmoi (Freud, 1929/1934). La résolution de ce complexe est beaucoup plus difficile pour les petites filles, croyait Freud, car elles n'ont pas l'angoisse de castration pour les aider à refouler leurs fantasmes. Selon Freud, chez le garçon comme chez la fille, la non-résolution du complexe d'Edipe au stade phallique peut engendrer une grande culpabilité et une forte anxiété qui persistent jusqu'à l'âge adulte et entraînent des problèmes sexuels, une grande difficulté relationnelle avec le sexe opposé ou l'homosexualité. ### La période de latence (de six ans à la puberté) Comparativement au stade phallique, la période de latence est relativement calme. Avec le développement de son surmoi, l'enfant peut utiliser des mécanismes de défense plus évolués. Il sublime ainsi temporairement sa libido dans les activités scolaires, le jeu et le sport. Au cours de cette période, l'enfant préfère les camarades de jeu de même sexe. L'enfant au surmoi bien formé peut coopérer avec les autres de manière socialement acceptable. Cependant, l'enfant au surmoi trop faible se transforme en petit tyran. Et l'enfant au surmoi trop fort est inhibé et a beaucoup de mal à s'affirmer dans un groupe. ### Le stade génital (à partir de la puberté) Au stade génital, chez la majorité des gens, la libido se tourne progressivement vers le sexe opposé. Selon Freud, elle culmine dans l'amour hétérosexuel et la sexualité pleinement adulte. Seuls les rares individus qui parviennent au stade génital sans fixation à un stade antérieur atteignent cet équilibre psychologique que Freud assimilait à la capacité d'aimer et de travailler. The image shows a table summarizing the four stages of psychosexual development according to Freud: | Stage | Zone érogène | Conflit/Experience | Traits associés à une fixation à ce stade | ------- | -------- | -------- | -------- Oral | Bouche | Sevrage <br> Gratification provenant des activités buccales: téter, manger, mordre, etc. | Optimisme démesuré, crédulité, dépendance <br> Pessimisme excessif, passivité, hostilité, propension au sarcasme, agressivité | Anal | Anus | Apprentissage de la propreté <br> Gratification provenant de l'expulsion ou de la rétention des matières fécales | Obsession de la propreté, de l'ordre et de la précision, avarice, rigidité <br> Malpropreté, allure négligée, esprit de rébellion, destructivité | Phallique | Organes génitaux | Complexe d'Edipe <br> Curiosité sexuelle, masturbation | Donjuanisme, vanité, tendance à la promiscuité sexuelle, troubles sexuels, difficultés relationnelles avec le sexe opposé | Latence | Aucun | Période de calme sexuel <br> Intérêt tourné vers l'école, les passe-temps et les amis du même sexe | - | Génital | Organes génitaux | Retour de l'intérêt sexuel<br> Établissement de relations sexuelles matures | - | Cela dit, la théorie freudienne a encore de nombreux partisans. Selon ces derniers, par sa popularisation, elle a fait prendre conscience aux gens de la place de la sexualité dans leur vie (Grant et Harari, 2005). Certains de ses aspects, comme l'importance des expériences de la petite enfance et de la dynamique familiale, contribuent encore aujourd'hui à expliquer plusieurs troubles mentaux (par exemple, Pieringer et al., 2005). De plus, sa conceptualisation des mécanismes de défense garde encore aujourd'hui toute sa pertinence dans la compréhension clinique des troubles mentaux et dans la mise en place des plans de traitement (Panichelli, 2007; Chabrol, 2005; Soultanian et al., 2005). Mentionnons finalement que des recherches en neurosciences et en psychologie cognitive soutiennent l'existence de processus mentaux inconscients (Loftus et Klinger, 1992). Cependant, on ne conçoit plus ici l'inconscient comme Freud, c'est-à-dire comme un vaste réservoir de pensées inavouables et coupables. De fait, on le considère plutôt comme un processus mental indirectement accessible à la conscience, une sorte de mémoire implicite ou émotionnelle, qui exerce une influence sur les comportements (Math, 2008). Les cognitivistes parlent aussi de schémas cognitifs structurels et de pensées automatiques stéréotypées qui se sont formés au cours du développement (exemple: <<je dois me méfier des gens») et qui, sans être directement accessibles à la conscience, influeraient considérablement sur les perceptions et les comportements (Cottraux et Blackburn, 2006; Young et al., 2005).

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