EL ALAOUI_Economie du Maroc Chapitres 1-2-3, AU24-25 PDF

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2024

Aicha El Alaoui

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Moroccan economy economic history development economics economic geography

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This document details the economic history of Morocco, tracing the major transformations and significant aspects of its development. It covers various chapters, including the period before independence, the period under protectorate, and recent developments focusing on contemporary context.

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11/12/2024 Economie du Maroc Pr. Aicha EL ALAOUI Année Universitaire 2024-25 Chapiters 1-2 & 3 INTRODUCTION 11/12/2024 INTRODUCTION:...

11/12/2024 Economie du Maroc Pr. Aicha EL ALAOUI Année Universitaire 2024-25 Chapiters 1-2 & 3 INTRODUCTION 11/12/2024 INTRODUCTION: Constat-historique Transformations majeures sur un siècle et demi : Le Maroc a connu des transformations économiques et sociales significatives au cours des 150 dernières années, modifiant profondément sa démographie, sa production, ses infrastructures et ses échanges. Changements radicaux entre le XIXe et le XXe siècle : Entre le milieu du XIXe siècle et la fin du XXe siècle, le pays a radicalement changé, affectant divers aspects de sa structure socio- économique. Persistances et continuités : Malgré ces changements, des traces et des continuités surprenantes subsistent, témoignant des évolutions et bouleversements des structures socio- économiques et politiques sur une période de plus de 200 ans. Isolement relatif avant le XIXe siècle : Avant le milieu du XIXe siècle, le Maroc était relativement isolé en raison des menaces croissantes à ses frontières, limitant ses interactions avec les puissances européennes. Tournant décisif de la bataille d'Isly : La défaite lors de la bataille d'Isly en 1844 a marqué un tournant décisif, révélant la vulnérabilité du Maroc en tant qu'État et mettant en lumière une crise intérieure profonde. Système d'exploitation des ressources : Le pays était enfermé dans un système d'exploitation de ses ressources, avec une organisation territoriale et des structures administratives inadaptées pour faire face à la montée des impérialismes. Économie fragile et population peu nombreuse : L'économie marocaine était déjà fragile, avec une population peu nombreuse, résultant d'une évolution complexe où l'incapacité à garantir une production agricole suffisante était une caractéristique de l'économie rurale. 11/12/2024 Contemporain-Maroccan context Évolution récente de l'économie marocaine : En 2021, le PIB du Maroc a connu une croissance de 7,9%, mais a chuté à 1,2% en 2022 en raison de chocs d'offre exogènes et internes, notamment la sécheresse. Pressions inflationnistes et politiques monétaires : La montée des tensions géopolitiques et les perturbations des chaînes d'approvisionnement ont entraîné des pressions inflationnistes, poussant la Banque centrale du Maroc à resserrer sa politique monétaire. Investissements directs étrangers (IDE) : Le Maroc reste une destination privilégiée pour les IDE, avec une progression de plus de 31% en 2022, principalement dans le secteur manufacturier. Rôle des médinas (villes) dans l'économie locale : Les médinas marocaines jouent un rôle crucial dans l'économie locale et la préservation du patrimoine, avec des efforts de réhabilitation et de digitalisation pour s'adapter aux évolutions du commerce mondial Objectifs du cours 1.Comprendre les principales étapes du développement économique du Maroc depuis 1956. 2.Analyser les réformes économiques clés et leur impact sur la croissance du pays. 3.Étudier les défis actuels et futurs de l'économie marocaine. 11/12/2024 Plan Chapitre 1. Economie marocaine avant l’indépendance Chapitre 2. Ouverture économique et crises financières Chapitre 3. Economie du Maroc sous le protectorat Chapitre 4 : Évolution économique du Maroc après l’indépendance Chapitre 5 : Les structures de l’économie marocaine Chapitre 6 : Orientations des politiques économiques du Maroc Chapitre 7 : Le nouveau modèle de développement et stratégie de développement humain CONCLUSION GENERALE Chapitre 1. Economie marocaine avant l’indépendance Section 1. Caractéristiques territoriales et disparités économiques Section 2. Dynamiques économiques régionales Section 3. Impact colonial sur l'économie marocaine avant l'indépendance 11/12/2024 INTRODUCTION Avant l'indépendance, l'économie marocaine reposait principalement sur l'agriculture, la sylviculture et l'élevage, un ensemble d'activités communément appelé système agro-sylvo-pastoral(1). Cette économie traditionnelle s'appuyait sur les ressources locales pour répondre aux besoins essentiels de la population. Bien que les zones urbaines aient tenté de subvenir à une partie de leurs besoins alimentaires, elles demeuraient largement dépendantes des régions rurales pour l'approvisionnement en céréales, viande, huile, beurre, fruits secs, et autres produits de base. En retour, ces zones rurales fournissaient des biens transformés, tels que des produits en cuir et en laine, issus de leur production agricole. Les variations climatiques influençaient cependant ces activités de manière inégale selon les régions/ territoires. (1)L’agro-sylvo-pastoralisme est une méthode d'agriculture qui concilie les arbres, la production végétale et la production animale. Section 1. Caractéristiques territoriales et disparités économiques Des disparités importantes existaient entre le nord et le sud du pays, mais aussi au sein de chaque région, en raison de la diversité des sols, des pentes, des systèmes hydrologiques, des techniques agricoles, et des cultures pratiquées. Le potentiel et les limites de chaque zone (ou milieu) ont créé des régions de production aux perspectives souvent incertaines. Le Maroc était organisé en grands ensembles agricoles, mais les échanges entre les régions (zones) étaient souvent entravés par les difficultés de transport et l'insécurité ambiante:  Les longs trajets et les risques associés compliquaient les échanges nécessaires à l'économie locale. Le commerce extérieur fluctuait considérablement en fonction des circonstances, influencé par les opportunités d'exportation et le commerce caravanier, qui dépendaient des cycles de récolte, favorables ou défavorables. 11/12/2024 Une étude couvrant une période de 106 ans (1807-1912) a révélé qu'au nord comme au sud, une année sur deux était jugée bonne ou satisfaisante, tandis qu'une année sur trois était considérée comme moyenne ou médiocre, et une année sur cinq comme mauvaise (Michel, 1997, cité par Naciri, 2009). Cette répartition temporelle doit être interprétée en tenant compte des sensibilités régionales pour en comprendre la complexité. Image 1 : Empire chérifien alaouite vers 1700 Source : https://fr.wikipedia.org/ Les principales caractéristiques de ces disparités territoriales Plaines côtières Plateaux et plaines intérieures Zones montagneuses Milieu des oasis 11/12/2024 Plaines côtières Les plaines côtières, propices à la production céréalière et animale, présentaient des variations de potentiel selon les régions: Par exemple, le Gharb (‫ )الغرب‬rencontrait des difficultés liées à l'expansion des zones inondables, notamment à Sebou (‫ )سبو‬et War'gha (‫)ورغة‬, où les inondations rendaient ces terres souvent inaccessibles. La production céréalière se concentrait sur les digues de ces grands fleuves, tandis que l'économie pastorale se développait principalement dans les zones périphériques aux sols plus pauvres, comme les dunes côtières ou les contreforts du Haut-Gharb. Plus au sud, la Chaouia (‫)الشاوية‬, malgré sa prospérité due aux précipitations, voyait ses conditions climatiques se détériorer progressivement vers le sud, où l'orge remplaçait le blé dur dans les cultures. Seule une bande côtière était principalement dédiée à la culture du maïs, favorisée par l'humidité maritime. Plus au sud, l'économie céréalière cédait place à l'économie sylvo- pastorale dans les forêts d'arganiers, comme au Sous (‫)سوس‬. Plateaux et plaines intérieures Les plateaux et plaines de Saïs (‫)سايس‬, Tadla (‫)تادلة‬, et Haouz (‫)الحوز‬ présentaient une aridité croissante, bien que l'irrigation ait permis une certaine expansion agricole. Les plateaux de Fès et de Meknès, bien que fertiles, étaient entravés par une croûte calcaire peu profonde, favorisant plutôt l'élevage que la culture des céréales. Le Tadla, prolongé par la plaine de Bahira (‫ )سهل البحيرة‬et le semi-aride Benguerir (‫)ابن جرير‬, se caractérisait par un paysage steppique dominé par l'élevage, les cultures céréalières y étant rares. Le Haouz, encore plus aride, était l'une des trois zones de sécheresse majeures du pays, où l'irrigation était indispensable pour toute culture céréalière. 11/12/2024 Zones montagneuses Les régions montagneuses, qui constituent la troisième plus grande zone du pays, se distinguaient par une densité de population plus élevée et une économie plus dynamique, favorisée par les échanges avec les grandes villes comme Fès au nord et Marrakech au sud. Cependant, ces zones présentaient des disparités. Le Moyen Atlas, par exemple, fonctionnait souvent avec une économie fermée, tandis que le Haut Atlas bénéficiait d'une économie d'échange active, notamment grâce au commerce saharien reliant la côte atlantique via le col du Haut Atlas. Le piémont occidental, connu sous le nom de Dir (‫)الدير‬, disposait d'un potentiel considérable pour l'irrigation et la production fruitière, bien que le manque de terres soit un défi. Dans le Rif (‫)الريف‬, le relief difficile limitait les activités agricoles, bien que cette région soit la plus pluvieuse du pays. Les pratiques sylvo- pastorales y jouaient un rôle crucial, malgré la dégradation des forêts due aux cultures sur brûlis. Milieu des oasis Les oasis, situées dans le désert du Sahara, représentaient un élément essentiel de l'économie marocaine. Soutenues par une agriculture intensive et un élevage nomade, ces zones entretenaient des interactions étroites avec le désert et le sud du pays. Ce territoire, marqué par la rivalité entre colons et nomades, se caractérisait par des mouvements tribaux et une gestion communautaire de l'eau. Le commerce à longue distance, via des caravanes sahariennes, jouait un rôle vital dans ces régions, où les échanges incluaient non seulement des produits locaux, mais aussi des marchandises provenant du Soudan. L'occupation française de l'Algérie a modifié ces routes commerciales, réorientant les échanges vers la Méditerranée, via des villes comme Tlemcen (‫ )تلمسان‬et Tétouan. 11/12/2024 Section 2. Dynamiques économiques régionales les principales dynamiques économiques qui caractérisent les différentes régions du Maroc avant l'indépendance, en tenant compte des particularités locales et des influences climatiques. Ainsi, on a montré à partir de la section précédente que le Maroc, bien que riche en diversité régionale, était fortement affecté par les variations climatiques et la menace de pénuries alimentaires. Par conséquent, on peut diviser le pays en trois zones principales de production céréalière :  Nord du Maroc : Zone où la culture des céréales était viable grâce à des précipitations adéquates, garantissant généralement une bonne récolte.  Centre du Maroc : Zone où la production céréalière était largement soumise aux aléas climatiques, les cultures dépendant fortement de la quantité et de la répartition des pluies.  Sud du Maroc : Zone où les céréales ne pouvaient être cultivées que dans les zones irriguées, comme les oasis et les bordures du Sahara Incertitudes climatiques les incertitudes climatiques avaient également un impact majeur sur l'élevage, où la diversité des espèces élevées dépendait des conditions bioclimatiques et des pratiques locales. Plus les conditions étaient difficiles, plus les éleveurs se tournaient vers des animaux résistants comme les ovins, les caprins, et les camélidés, ces derniers étant particulièrement essentiels pour le transport sur de longues distances. 11/12/2024 Milieu urbain Quant au milieu urbain au Maroc, on peut constater qu’il y a émergence d’une économie urbaine. Toutefois, cette économie n'a pas connu les transformations significatives que l'on aurait pu attendre bien que disposant de conditions favorables à son développement. Dans les grandes villes comme Fès et Marrakech, trois éléments clés étaient réunis pour permettre l'essor de la fabrication : l'énergie hydraulique, les matières premières issues de l'agriculture et de l'élevage, et le savoir-faire artisanal. Cependant, la stagnation des techniques n'a pas permis une production à grande échelle, capable de transformer profondément l'économie et la société urbaine. Les élites urbaines, plutôt que d'investir dans l'industrie, préféraient accumuler du « capital symbolique », c'est-à-dire des privilèges et des exemptions, et trouvaient leur avantage ailleurs que dans l'organisation des forces productives. Vulnérabilité de l’économie traditionnelle l’économie traditionnelle était également vulnérable aux changements dans les relations internationales du pays. Pour se protéger, le makhzen (le gouvernement central) a choisi une politique d'isolement. Au début du XIXe siècle, la détérioration de l’économie nationale a rendu l'ouverture au monde extérieur nécessaire pour deux raisons principales : fournir des biens essentiels à la consommation intérieure, comme les produits en coton, et renflouer les finances publiques grâce aux recettes douanières. Les exportations, principalement des produits agricoles, étaient destinées à une Europe en pleine expansion industrielle et démographique, avide de laine et de céréales. Cependant, le monopole exercé par le Sultan sur le commerce extérieur a provoqué une crise commerciale, obligeant le pays à ouvrir davantage son économie, bien que sa structure interne ne soit pas prête à affronter les conséquences de cette libéralisation. 11/12/2024 Section 3. Impact colonial sur l'économie marocaine avant l'indépendance L'économie marocaine avant l'indépendance était caractérisée par une structure archaïque et une forte dépendance aux puissances coloniales, notamment la France et l’Espagne. Économie de subsistance et dépendance agricole Influence coloniale et absence d'industrie Economie Contrôle économique par la France du Dépendance commerciale et Maroc structure coloniale Unification politique et monétaire Ouverture commerciale et endettement 11/12/2024 Économie de subsistance et dépendance agricole : Avant le XXe siècle, l'économie marocaine était principalement une économie de subsistance, fortement dépendante de l'agriculture et de l'artisanat. La production agricole était à faible rendement et souvent irrégulière en raison des conditions météorologiques. Influence coloniale et absence d'industrie : Pendant le protectorat français (1912- 1956), l'agriculture a été réorientée vers des cultures commerciales destinées à l'exportation, et l'industrie a commencé à se développer avec la construction d'infrastructures et l'exploitation des ressources naturelles. Cependant, le Maroc était privé d'une industrie importante et devait importer les compléments nécessaires à son existence. Contrôle économique par la France : L'économie marocaine en 1955 restait similaire à ce qu'elle était avant l'indépendance, avec le secteur moderne contrôlé par des entreprises françaises. La Banque de Paris et des Pays-Bas jouait un rôle dominant, avec environ 90 % des capitaux restant français, et le commerce extérieur était toujours lié à celui de la France. Dépendance commerciale et structure coloniale : Le Maroc exportait principalement des productions agricoles pour les besoins des pays européens, négligeant ses propres besoins en produits sucriers, textiles et oléagineux. Cette dépendance était renforcée par un déficit commercial structurel depuis la fin des années 1870. 11/12/2024 Unification politique et monétaire : La réunification politique du pays s'est faite par étapes, avec l'ajout successif de différentes zones. L'unification économique se limitait principalement à l'unification monétaire, avec le franc marocain remplaçant la peseta dans certaines zones, ce qui a provoqué des perturbations dans la zone Nord restée particulièrement sous-développée. Ouverture commerciale et endettement : Depuis 1856, le Maroc avait une ouverture commerciale accrue, mais cette ouverture a été marquée par une exportation massive de capitaux et une crise monétaire. La dette a joué un rôle majeur dans la colonisation du Maroc, avec des emprunts qui n'ont pas amélioré la situation financière du pays. Conclusion Avant l'indépendance du Maroc en 1956, les dynamiques économiques régionales étaient fortement influencées par plusieurs facteurs, notamment la colonisation, les structures économiques traditionnelles et les inégalités régionales. 11/12/2024 Colonisation et structures économiques: Le Maroc, sous le protectorat français et espagnol, a vu son économie intégrée dans un système colonial qui favorisait l'exploitation des ressources naturelles et l'agriculture de rente. Les régions côtières, comme Casablanca et Tanger, ont été développées pour le commerce et l'exportation, tandis que les zones intérieures restaient souvent sous-développées. Cette dualité a créé des disparités économiques significatives entre les régions. Agriculture et artisanat: L'économie marocaine était principalement agricole, avec une grande partie de la population dépendant de l'agriculture de subsistance. Les régions rurales, notamment dans le Rif et le Moyen Atlas, étaient caractérisées par des pratiques agricoles traditionnelles, tandis que les villes côtières se concentraient sur des activités commerciales et industrielles. L'artisanat, bien que présent, était souvent marginalisé par les politiques coloniales qui favorisaient les produits importés. 11/12/2024 Infrastructures et développement régional: Les infrastructures, telles que les routes et les chemins de fer, ont été développées principalement pour faciliter l'extraction des ressources et le transport des produits vers les ports. Cela a renforcé l'urbanisation des régions côtières au détriment des zones rurales, exacerbant ainsi les inégalités régionales. TD 1: Décrire les caractéristiques de l’économie marocaine avant l’indépendance, le début de 18é siècle 11/12/2024 Chapitre 2. Ouverture économique et crises financières Section 1. Crises monétaires et financières Section 2. Transformations spatiales et urbaines Section 3. Économie d'échange et déclin de l'élite Introduction Au XIXe siècle, les rapports de force en Méditerranée évoluent radicalement, notamment après la conquête de l'Algérie par la France. Ces bouleversements marquent le début d'une période prolongée de rivalité entre les grandes puissances européennes, toutes avides d'étendre leur influence sur le Maroc. Cette ouverture économique, qui se poursuit jusqu'au début du XXe siècle, est caractérisée par une compétition intense entre des nations aux intérêts divergents. La Grande-Bretagne, l'Espagne, la France, et plus tard l'Allemagne, rivalisent pour s'imposer comme puissances influentes dans la politique du Makhzen et dans le développement économique du pays. Les transformations imposées au Maroc par ces puissances modifient les structures économiques existantes sans pour autant en changer les fondements. Le traité anglo-marocain de 18561 marque le début d'une ouverture accrue du pays à l'influence européenne, notamment sous l'impulsion de la Grande-Bretagne, qui cherche à étendre ses ambitions industrielles et commerciales. L'Espagne, quant à elle, affaiblit les finances marocaines en exigeant des réparations de guerre après la guerre de Tétouan (1859-1860). Ces pressions financières et politiques ouvrent la voie à une influence française croissante, qui finira par culminer avec l'occupation du territoire marocain. 1. Le traité anglo-marocain de 1856 fut signé entre le Maroc et la Grande-Bretagne, après de longues négociations entre John Drummond Hay et Mohammed El-Khateeb, représentants respectifs de la reine Victoria et du sultan alaouite Moulay Abderrahmane à Tanger. 11/12/2024 Section 1. Crises monétaires et financières 1. Désordre monétaire et implications économiques 2. Perte de souveraineté financière 1. Désordre monétaire et implications économiques Les transformations économiques du Maroc au XIXe siècle entraînent des bouleversements monétaires significatifs. L'ouverture économique favorise l'expansion du commerce, mais dépasse rapidement les capacités agricoles, minières et industrielles limitées du pays. Les commerçants européens, avec l'appui de leurs gouvernements, cherchent à dominer le marché marocain, en exploitant les réseaux commerciaux locaux et en introduisant des biens qui modifient les habitudes de consommation des Marocains. L'arrivée massive d'immigrants européens, qui passe de quelques centaines au milieu du XIXe siècle à plus de dix mille à la fin de ce siècle, accélère la colonisation des terres agricoles. Bien que le Makhzen tente de s'opposer à cette appropriation des terres, les collaborations entre les Européens et les élites locales facilitent la création d'enclaves foncières dans des régions comme le Gharb (‫)الغرب‬, la Chaouia et les Doukkala, préparant ainsi le terrain pour une future colonisation. 11/12/2024 2. Perte de souveraineté financière L'implication croissante des Européens dans l'économie marocaine conduit à une perte de souveraineté du Makhzen, notamment dans le domaine financier. Les groupes marocains favorisés par les puissances étrangères échappent progressivement à l'autorité du Makhzen, aggravant la crise fiscale de l'État. La guerre de Tétouan1, qui se solde par une défaite marocaine, contraint le Makhzen à verser des indemnités de guerre à l'Espagne, ce qui aggrave les difficultés financières du pays. La moitié des recettes douanières marocaines est alors perçue par l'Espagne pendant deux décennies, affaiblissant encore davantage l'économie nationale. Le recours à l'emprunt devient inévitable, mais aggrave la situation financière du pays. Le Makhzen doit rembourser ces emprunts en devises fortes, accentuant la dépendance économique du Maroc vis-à-vis des puissances européennes. La crise monétaire s'aggrave avec l'afflux de monnaies européennes, qui finissent par supplanter la monnaie nationale. Le mithqal ou miskal (‫)مثقال‬,2 autrefois stable, voit sa valeur chuter tandis que les devises étrangères deviennent dominantes dans les transactions commerciales. 1 La bataille de Tétouan est une bataille de la guerre hispano-marocaine en 1860. Elle a opposé les forces du sultan marocain Mohammed ben Abderrahmane aux forces expéditionnaires espagnoles commandées par Leopoldo O'Donnell à Tétouan, et se solde par une victoire espagnole. 2 Le mithqal est une unité de mesure de masse égale à 4,25 grammes et principalement utilisée pour les métaux précieux. Le dinar d'or est égal à 1 mithqal. Dans le monde musulman, ce terme pouvait désigner un dinar or. L'unité a aussi été appelée « miskal ». Pour tenter de stabiliser la situation, le Makhzen réévalue la monnaie et instaure un taux de change officiel. Cependant, ces mesures sont largement inefficaces face à la spéculation, la contrefaçon, et l'usure, qui continuent d'affaiblir l'économie marocaine. La crise financière qui en résulte entraîne un déficit commercial et compromet les projets d'infrastructures que le Makhzen avait envisagés pour développer le territoire et renforcer la souveraineté nationale. Vue depuis le sud de Tétouan - Maroc, 1860 Maroc 1 mithqal 1774 (AH1188) KM# 41 (1774) - 11/12/2024 Section 2. Transformations spatiales et urbaines 1. Redéploiement des centres urbains 2. Expansion de l'influence urbaine 1. Redéploiement des centres urbains Le XIXe siècle voit un important redéploiement des flux économiques et démographiques au Maroc. Le processus de migration vers la côte atlantique, amorcé au XVIIIe siècle, s'intensifie, entraînant des changements profonds dans l'organisation spatiale du pays. Les centres urbains traditionnels, autrefois dominants, commencent à perdre de leur influence face à l'émergence de nouvelles villes portuaires comme Tanger et Casablanca. Ces villes, devenues des plaques tournantes du commerce international, voient leur population augmenter rapidement en raison de l'afflux d'immigrants européens, de l'installation de maisons de commerce et de missions diplomatiques, ainsi que de l'expansion des activités portuaires. 11/12/2024 1. Redéploiement des centres urbains Le XIXe siècle voit un important redéploiement des flux économiques et démographiques au Maroc. Le processus de migration vers la côte atlantique, amorcé au XVIIIe siècle, s'intensifie, entraînant des changements profonds dans l'organisation spatiale du pays. Les centres urbains traditionnels, autrefois dominants, commencent à perdre de leur influence face à l'émergence de nouvelles villes portuaires comme Tanger et Casablanca. CASABLANCA AU DEBUT DU 20 EME SIECLE Les villes de Tanger et Casablanca sont devenues des plaques tournantes du commerce international, voient leur population augmenter rapidement en raison de l'afflux d'immigrants européens, de l'installation de maisons de commerce et de missions diplomatiques, ainsi que de l'expansion des activités portuaires. Tanger maroc 1880 11/12/2024 En revanche, des villes comme Essaouira et Rabat-Salé subissent les effets négatifs de ces transformations, perdant leur statut de centres économiques majeurs. L'expansion commerciale et la migration des zones rurales vers les villes contribuent à la croissance urbaine, mais exacerbent également les inégalités régionales. Le développement des routes commerciales et l'amélioration des communications entre les zones côtières et l'intérieur du pays renforcent la domination des villes portuaires, au détriment des régions plus isolées. Mémoire de Rabat, le Bouregreg Essaouira a été attaquée par les Français au XIXème siècle – Zamane 2. Expansion de l'influence urbaine L'influence des villes côtières s'étend progressivement vers l'intérieur des terres, redéfinissant les dynamiques économiques régionales. Les communautés juives, autrefois influentes dans le commerce des zones montagneuses, déclinent au profit des villes portuaires, où le commerce de biens de consommation importés (sucre, thé, coton) se développe rapidement. Cette redirection des échanges commerciaux renforce la domination des villes côtières sur l'économie nationale, créant des enclaves économiques privilégiées Juifs commerçants au Sud Est du Maroc et accentuant les inégalités régionales. 11/12/2024 Des initiatives agro-industrielles émergent autour des villes, s'étendant progressivement aux plaines côtières, et redéfinissent les structures économiques locales. Le développement de ces zones industrielles et commerciales contribue à la colonisation agricole et à l'affaiblissement du pouvoir du Makhzen sur les régions périphériques. Section 3. Économie d'échange et déclin de l'élite 1. Impact de la crise monétaire sur la population 2. Crise de l'artisanat et paupérisation des agriculteurs 3. Transformation des valeurs et désengagement de l'élite 11/12/2024 1. Impact de la crise monétaire sur la population La crise monétaire qui frappe le Maroc au XIXe siècle affecte particulièrement les citoyens ordinaires, dont les économies s'effondrent rapidement. En revanche, les groupes favorisés par l'ouverture économique, protégés par leur statut et leurs alliances avec les puissances étrangères, voient leurs avantages se renforcer. Cette situation pousse une partie de l'élite marocaine à se rapprocher des puissances européennes, qui garantissent leur position sociale et protègent leurs intérêts économiques. Cette alliance avec les puissances étrangères ne profite pas seulement aux individus, mais également aux communautés rurales, aux organisations religieuses, et aux confréries influentes, telles que la Zawya (‫ )الزاوية‬de Ouezzane. Certains membres de l'élite urbaine tirent parti de cette ouverture pour développer des entreprises commerciales internationales, établissant des liens lucratifs avec des partenaires étrangers. Cette élite, issue de familles respectables, joue un rôle crucial dans l'administration du Makhzen, mais leur loyauté est de plus en plus partagée entre l'État marocain et leurs intérêts personnels. 2. Crise de l'artisanat et paupérisation des agriculteurs L'ouverture économique et l'afflux de produits importés à bas prix mettent en difficulté l'artisanat local, qui ne peut pas rivaliser en termes de coûts. Les artisans voient leurs marchés traditionnels se rétrécir, tandis que le prix des matières premières augmente. Les agriculteurs, déjà confrontés à des crises climatiques récurrentes, aux invasions de criquets et aux fluctuations des marchés, souffrent également de la pression fiscale et de l'autoritarisme croissant des qaïds (‫)القُيﱠاد‬, qui les exploitent sans vergogne/indignité. Caïd 11/12/2024 Face à ces difficultés, de nombreux agriculteurs perdent leurs terres et leurs moyens de subsistance, souvent au profit des citadins ou des étrangers avec lesquels ils s'étaient associés. Contraints par les circonstances, beaucoup migrent vers les villes à la recherche d'un moyen de survie, contribuant ainsi à l'urbanisation rapide du pays. Agriculture ploughing donkey 3. Transformation des valeurs et désengagement de l'élite Les bouleversements économiques et sociaux de cette période entraînent une transformation profonde des valeurs qui structuraient la société marocaine. Les normes traditionnelles sont progressivement remplacées par de nouvelles pratiques, où l'accumulation de richesses par le biais de réseaux de relations remplace la création de richesse par le travail et l'investissement. Cette évolution marque l'émergence d'une société où le changement social et le progrès deviennent des valeurs dominantes, mais où les inégalités se creusent. 11/12/2024 Le désengagement de l'élite marocaine, qui associe son destin aux puissances étrangères plutôt qu'au Makhzen, contribue à l'affaiblissement de l'État marocain. Les réformes tardives en matière d'administration, de fiscalité, d'infrastructures et de redressement financier échouent à créer un environnement propice à l'amélioration de la situation nationale. En fin de compte, la collusion entre les élites et les puissances étrangères force le Makhzen à abandonner progressivement sa souveraineté, ouvrant la voie à l'aliénation de l'indépendance du pays. Conclusion Ce chapitre a retracé les conséquences de l'ouverture économique du Maroc au XIXe siècle, marquée par une perte progressive de souveraineté, des crises financières récurrentes, et une transformation des structures sociales. Ces événements, qui ont façonné l'économie marocaine à l'aube du XXe siècle, ont préparé le terrain pour les bouleversements qui suivront, conduisant à la colonisation et à la lutte pour l'indépendance. 11/12/2024 TD 2: Période Fin 19é et début de 20é siècle, Quelles sont les villes qui ont émergé avec l’ouverture du Maroc ? Expliquez les raisons de cette émergence ? Chapitre 3. Economie du Maroc sous le protectorat Section 1. Infrastructure routière comme outil de colonisation agraire Section 2. Colonisation agricole sous le Protectorat et expropriation des terres 11/12/2024 Introduction du Chapitre 3 Avant le Protectorat, l'économie marocaine présentait des caractéristiques déterminantes pour l'avenir sous le régime colonial. Le Traité de Protectorat de 1912 a marqué une rupture décisive, transformant l'économie marocaine sous l'influence coloniale, notamment française. Sous la direction du Maréchal Lyautey, les premières années du Protectorat ont défini les grandes orientations économiques. Des mesures clés ont été adoptées dans les infrastructures, l'agriculture, l'exploitation minière, le commerce et le système bancaire. Le système colonial était autoritaire et militarisé, consolidant le contrôle du Makhzen et réprimant toute résistance. Une minorité européenne bénéficiait de conditions favorables d'installation et d'exploitation, au détriment de la population locale. La population marocaine subissait des perturbations dans ses moyens de subsistance et ses relations sociales. La transformation économique sous le Protectorat a provoqué des inégalités importantes, dont les effets ont perduré au-delà de la colonisation. Section 1. Infrastructure routière comme outil de colonisation agraire 1. Définition de l’économie coloniale 2. Importance des routes dans la conquête et la colonisation 3. Réorientation des axes commerciaux et leurs conséquences 4. Urbanisation rapide et ses effets 11/12/2024 Introduction La stratégie coloniale de contrôle du Maroc reposait sur le développement d'infrastructures de communication, en particulier les routes. Ces infrastructures facilitaient les déplacements des troupes coloniales. Ces infrastructures servaient également à consolider la domination coloniale en facilitant l'accès aux ressources économiques. Ces infrastructures contribuaient à intégrer les territoires conquis dans l'économie coloniale. 1. Définition de l’économie coloniale Les économies coloniales mises en place par les puissances impérialistes se distinguaient par une exploitation systématique des ressources naturelles des territoires sous leur contrôle, tout en négligeant délibérément les régions moins dotées en richesses. Ce modèle économique était basé sur une logique d'extraction maximale des ressources au profit des métropoles coloniales, au détriment du développement local et durable des colonies. Selon Meillassoux (1999), le système d'exploitation colonial, centré uniquement sur l'acquisition des ressources existantes, faisait abstraction de la production et de la reproduction de ces ressources, et excluait la population locale des bénéfices générés par cette exploitation. Les outils principaux de ce système étaient la coercition et la violence. 11/12/2024 Walter Rodney, dans son ouvrage How Europe Underdeveloped Africa (1972), souligne que les économies coloniales étaient structurées de manière à extraire les matières premières, notamment les minéraux et les produits agricoles, sans encourager l'industrialisation ou la transformation locale. L'objectif primordial des colons était d'assurer un approvisionnement régulier et bon marché aux industries européennes, ce qui plongea les colonies dans une situation de dépendance économique, les rendant incapables de développer leurs propres industries. Ce modèle économique ne prenait aucunement en compte la durabilité des ressources. Par exemple, les pratiques agricoles dans de nombreuses colonies se concentraient sur la monoculture de produits d'exportation tels que le coton, le café et le caoutchouc, sans se soucier de l'épuisement des sols ou des conséquences environnementales. Cette approche a souvent conduit à une dégradation environnementale significative, à la déforestation et à une perte de biodiversité, des problèmes qui continuent d'affecter ces régions aujourd'hui. l’exploitation coloniale ne s’est pas seulement contentée de négliger l’industrialisation locale, elle s'est aussi caractérisée par une approche particulièrement agressive. Les infrastructures, telles que les chemins de fer et les ports, ont été conçues principalement pour faciliter l'exportation des ressources naturelles vers l'Europe, plutôt que pour promouvoir le développement industriel local. Walter Rodney souligne que cette politique a engendré une situation où les colonies étaient contraintes de dépendre des importations de produits industriels européens, renforçant ainsi leur dépendance économique. 11/12/2024 Un autre aspect crucial de l'économie coloniale était l'exclusion de larges segments de la population des bénéfices de l'exploitation des ressources. La majorité des revenus générés par cette exploitation était transférée en Europe, tandis qu'une petite partie seulement profitait aux populations locales. Les principaux mécanismes d'exploitation comprenaient le travail forcé, la confiscation des terres, et des impôts exorbitants. Un exemple emblématique de cette brutalité se trouve dans le Congo belge, où les autorités coloniales avaient instauré des quotas de production de caoutchouc. Le non-respect de ces quotas entraînait des sanctions sévères, allant jusqu'à la violence extrême et, dans de nombreux cas, la mort. Ce système d'exploitation violente illustre non seulement l'indifférence envers le développement local, mais aussi le mépris des droits humains et la répression violente utilisée pour maintenir le contrôle sur les populations colonisées. 2. Importance des routes dans la conquête et la colonisation D’après Alain Gresh du « Monde Diplomatique », le colonialisme a « apporté » aux peuples soumis : par exemple, l’instauration de l’éducation a toujours été limitée à une très faible fraction des «indigènes», et, dans un pays comme l’Algérie, la destruction du système traditionnel d’enseignement à partir de 1830 a abouti à une régression qui n’a jamais été rattrapée. Certes, des routes et des chemins de fer ont été construits, mais pour permettre l’exploitation des richesses au profit de la métropole. D’autre part, aucun historien ne prétendra que le nazisme a joué un « rôle positif » parce qu’il a bâti un important réseau d’autoroutes. 11/12/2024 L’entreprise coloniale est condamnable car elle est fondée sur l’idée de l’inégalité des êtres humains, sur l’existence de « races inférieures » et le droit des « races supérieures » à les civiliser. Comme l’écrivait le psychiatre Frantz Fanon dans son célèbre livre Les Damnés de la terre (1961), « le langage du colon, quand il parle du colonisé, est un langage zoologique. On fait allusion aux mouvements de reptation du Jaune, aux émanations de la ville indigène, aux hordes, à la puanteur, au pullulement, au grouillement, aux gesticulations. Le colon, quand il veut bien décrire et trouver le mot juste, se réfère constamment au bestiaire » (Cité par Alain Gresh). Dans ce cadre, les routes construites sous le Protectorat au Maroc suivaient souvent les mouvements des troupes coloniales, reliant les zones conquises aux centres de commandement et aux bases arrière. Ces routes étaient essentielles pour maintenir le contrôle militaire sur le territoire, en assurant une mobilité rapide des troupes et en facilitant l'acheminement des ressources nécessaires à la guerre de pacification menée par les autorités coloniales. Mais ces routes servaient aussi à un autre objectif : la colonisation agricole. En facilitant l'accès aux terres fertiles, elles ont permis l'implantation de nouvelles agglomérations coloniales le long des principales voies de communication. Ces nouvelles colonies agricoles étaient destinées non seulement à améliorer le transit des personnes et des marchandises, mais aussi à établir un réseau dense dans les régions les plus riches en ressources agricoles, garantissant ainsi la sécurité des colons et l'exploitation optimale des terres. 11/12/2024 3. Réorientation des axes commerciaux et leurs conséquences Le développement des infrastructures routières sous le Protectorat a également entraîné une réorientation des axes commerciaux traditionnels du Maroc. L'ancien axe Nord-Sud, qui structurait historiquement les échanges entre le Maroc et l'Afrique subsaharienne, a été supplanté par un nouvel axe Est-Ouest, orienté vers l'Algérie et les centres coloniaux français. Cette réorientation a renforcé l'intégration de l'économie marocaine dans l'économie coloniale française, tout en affaiblissant les anciennes routes commerciales et les centres urbains qui en dépendaient. Ce changement dans la Réorientation des axes commerciaux a eu des conséquences importantes pour les villes marocaines. Alors que des villes portuaires comme Tanger et Casablanca voyaient leur importance croître, d'autres, comme Essaouira et Rabat-Salé, ont subi un déclin relatif. L'exode massif des populations rurales vers les villes côtières, en particulier Casablanca, a intensifié ce phénomène. Ces migrations étaient principalement motivées par la confiscation des terres et par la concurrence des produits importés, qui avaient fortement affecté les artisans et les agriculteurs locaux. 11/12/2024 4. Urbanisation rapide et ses effets Le développement des infrastructures a favorisé une urbanisation rapide des villes côtières, en particulier Casablanca. Cette ville est devenue un centre économique majeur, attirant non seulement les populations rurales en quête de travail, mais aussi les commerçants et entrepreneurs marocains. Les Fassi (‫ )الفاسيين‬et les Swassa ( ‫أمازيغ سوس‬ deux groupes commerciaux dynamiques, ont profité de cette situation pour s'établir à Casablanca, malgré les pressions coloniales. Ces nouveaux réseaux commerciaux, structurés autour des routes et des voies ferrées, ont joué un rôle clé dans l'économie marocaine sous le Protectorat, mais ont également contribué à accentuer les disparités entre les régions. Section 2. Colonisation agricole sous le Protectorat et expropriation des terres 1. Politique de colonisation et création du Protectorat foncier 2. Héritage de la politique agricole coloniale et son impact sur le Maroc indépendant 3. Irrigation et politique des barrages 4. Impact des infrastructures agricoles sur la productivité 5. Impact socio-économique des politiques agricoles coloniales et post-coloniales 11/12/2024 Introduction Sous le Protectorat, l'administration coloniale a fait de la colonisation agricole une priorité, cherchant à maximiser l'exploitation des terres les plus fertiles du Maroc. Cette politique a entraîné l'expropriation massive de terres appartenant aux tribus marocaines, souvent sous prétexte de leur inclusion dans le domaine de l'État. 1. Politique de colonisation et création du Protectorat foncier La nouvelle administration coloniale a rapidement mis en place un cadre juridique pour faciliter l'expropriation des terres. Les terres Guich, par exemple, ont été considérées comme des biens de l'État, ce qui a permis aux autorités coloniales de limiter les droits des tribus à un simple usage des terres, plutôt qu'à leur possession. Le Protectorat foncier, créé pour réguler ces expropriations, a permis d'étendre la superficie des terres colonisées de manière significative. Les régions du Gharb (‫)الغرب‬, des Saïs de Fès-Meknès, de la Chaouia, du Haouz et du Souss ont été les plus touchées par cette expansion coloniale. L'administration coloniale a souvent utilisé des méthodes coercitives pour obtenir ces terres, notamment l'expropriation sous prétexte d'intérêt public ou la conclusion de compromis forcés avec les propriétaires locaux. En 1932, la superficie des terres colonisées atteignait environ 600000 hectares, englobant les terres les plus fertiles du pays. 11/12/2024 2. Héritage de la politique agricole coloniale et son impact sur le Maroc indépendant D'après Swearingen (1987), les récentes transformations agricoles au Maroc découlent directement de la politique coloniale française des années 1930 et 1940, avec un accent particulier mis sur la production de blé destinée à satisfaire les besoins de la France, malgré des enjeux environnementaux significatifs. Il affirme également que le Maroc a connu une situation économique difficile depuis son accession à l'indépendance au début des années 1960. En réponse à cette crise, le gouvernement marocain a sollicité l'assistance de la Banque mondiale, qui a dépêché une équipe d'experts en 1964 pour mener une enquête. Cette mission a eu une influence considérable sur la politique agricole du pays, notamment en ce qui concerne l'irrigation. Les experts ont conseillé de diriger les investissements vers des projets d'irrigation dans les zones les plus favorables, afin de bénéficier aux agriculteurs les plus innovants. Bien que le gouvernement ait largement intégré ces recommandations, certaines propositions, telles que la récupération des bénéfices exceptionnels des grands propriétaires fonciers, ont été mises de côté. 11/12/2024 3. Irrigation et politique des barrages L'engagement du gouvernement en faveur du développement de l'irrigation s'est manifesté avec l'instauration de la « politique des barrages » à la fin des années 1960. Cette initiative a positionné la grande hydroélectricité comme un élément clé des stratégies de développement agricole du pays. Le Plan quinquennal de 1968 à 1972, qui s'alignait sur les recommandations de la Banque mondiale, mettait en avant l'importance de l'irrigation pour favoriser le progrès agricole. Il a été démontré que les terres bénéficiant d'irrigation surpassent en productivité celles qui sont sèches, justifiant ainsi l'accent mis par le gouvernement sur ce secteur. Par conséquent, un vaste programme de construction de barrages a été lancé, visant à irriguer 1 million d'hectares, un objectif ambitieux qui sera réalisé grâce à l'exploitation complète des voies navigables du pays (Swearingen, 1987). 4. Impact des infrastructures agricoles sur la productivité Au cours de la période coloniale, le Maroc n'a vu se construire que quelques barrages. Toutefois, avec l'instauration d'une nouvelle politique en la matière, ces infrastructures ont été érigées de manière continue, entraînant une transformation du paysage marocain. Environ 20 nouveaux barrages ont été construits, tandis que plusieurs autres sont en cours de réalisation. Ces ouvrages ont largement suffi à atteindre l'objectif d'irrigation d'un million d'hectares. 11/12/2024 En 1969, le Roi Hassan II a officialisé cet objectif lors d'une conférence intergouvernementale dédiée à l'élaboration de normes pour le développement agricole. La loi sur l'investissement agricole, adoptée la même année, est devenue une politique nationale officielle, établissant un cadre juridique clair pour les stratégies de développement agricole. Cette loi visait principalement à orienter les investissements vers les zones irriguées, à introduire une réforme agraire limitée et à assurer une intervention quasi totale de l'État dans les activités agricoles. Le gouvernement s'est engagé à financer les infrastructures nécessaires, à octroyer des prêts et à subventionner les prix des cultures. En retour, les agriculteurs devaient se conformer aux directives gouvernementales et gérer leurs terres irriguées dans l'intérêt de la nation. 5. Impact socio-économique des politiques agricoles coloniales et post-coloniales Depuis le milieu des années 1960, ce programme d'irrigation a été au cœur des initiatives de développement agricole au Maroc, devenant un élément essentiel de la stratégie de développement national. Les résultats obtenus sont remarquables : la superficie irriguée par des systèmes modernes a augmenté de 70 000 hectares à la fin de la période du protectorat à environ 700 000 hectares en 1987. En tenant compte des surfaces irriguées par des méthodes traditionnelles, la superficie totale irriguée atteint environ 850 000 hectares. 11/12/2024 La vision coloniale d'atteindre un million d'hectares d'irrigation d'ici l'an 2000 se concrétisait ainsi (Swearingen, 1987). Cette métamorphose du paysage marocain a engendré de nouvelles structures d'organisation rurale, axées sur les réseaux d'irrigation, qui jouaient un double rôle de planification agricole et de contrôle administratif. Parallèlement, le gouvernement a œuvré à l'émergence d'une nouvelle classe d'agriculteurs prospères en instaurant la loi sur les terres agricoles, qui redistribuait les terres récupérées aux agriculteurs sans terre et à ceux disposant de petites exploitations. Les conditions d'éligibilité à cette réforme étaient rigoureuses et comprenaient des critères tels que le lieu de résidence, les revenus et l'expérience en agriculture. Malgré les critiques formulées à son encontre, cette politique a permis au Maroc d'atteindre ses objectifs ambitieux en matière de développement agricole et de se rapprocher de sa vision d'un million d'hectares irrigués. Cependant, ces investissements ont principalement bénéficié aux colons, tandis que la population locale, expropriée et marginalisée, était contrainte de recourir à des méthodes de subsistance traditionnelle sur des terres de qualité inférieure. Cette situation a conduit à une concentration accrue de la richesse entre les mains des colons et à un appauvrissement des populations rurales marocaines. CONCLUSION DE CHAPITRE L'ouverture économique imposée par le Protectorat a bouleversé les dynamiques sociales et économiques du Maroc. La crise monétaire qui a suivi cette ouverture a surtout affecté les citoyens ordinaires, tandis que les élites marocaines, alliées aux colons, ont réussi à renforcer leur position. Trois principales conclusions: 11/12/2024  Crise monétaire et conséquences sociales L’intégration rapide de l’économie marocaine dans les marchés européens a déclenché une série de crises monétaires qui ont affecté principalement les citoyens ordinaires. Tandis que la valeur des petites économies s'effondrait, les élites marocaines, grâce à leurs alliances avec les colons, ont consolidé leur position, intégrant l’administration coloniale ou fondant des entreprises prospères. Les élites religieuses, comme celles de la Zawya de Ouezzane, ont également tiré parti de leur proximité avec les autorités coloniales, contribuant ainsi à la marginalisation des artisans et des agriculteurs, concurrencés par les produits importés.  Transformations sociales et affaiblissement des structures traditionnelles L'augmentation des inégalités sous le Protectorat a progressivement désintégré les structures sociales traditionnelles. Les nouvelles pratiques économiques et sociales, axées sur l'accumulation de richesse via des réseaux de relations, ont érodé les valeurs sociales fondées sur le travail et l'investissement productif. En ville, l’afflux des populations rurales et l’installation des colons ont créé un nouvel ordre social dominé par de profondes inégalités. Les élites marocaines alliées aux colons ont contribué à affaiblir le Makhzen, et les autorités locales, comme les caïds, ont souvent réprimé la population pour renforcer leur propre pouvoir. 11/12/2024  Héritage problématique du Protectorat Malgré des réformes tardives dans les domaines administratif, fiscal et infrastructurel, le Protectorat n'a pas créé les bases d’une modernisation durable de l’économie. Les inégalités et le dualisme économique hérités de cette période ont perduré après l’indépendance. Les fondations laissées par le Protectorat ont montré une résilience qui a limité les possibilités de réformes significatives. On peut conclure que: En somme, les politiques coloniales ont transformé l’économie marocaine tout en consolidant des inégalités graves. Pour bâtir une société plus équitable et harmonieuse, le Maroc doit s’engager dans une transformation économique et sociale profonde. Seule une telle refonte permettra de surmonter l’héritage du Protectorat et d’ouvrir la voie à un avenir plus juste pour tous et toutes.

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