Document Sans Titre (4) PDF - Notes de Cours
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L. Daou
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Ce document contient des notes de cours sur les influences philosophiques et socio-économiques sur Karl Marx. Les notes couvrent les concepts de matérialisme historique et de société civile, ainsi que l'impact des penseurs tels que Hegel et Feuerbach sur la pensée de Marx. Les notes incluent des références à des textes importants de Marx.
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6.1.1. Influences 1) Hegel et Feuerbach 1° Marx veut remettre Hegel et sa dialectique « sur les pieds » car c’est un système de pensée fécond mais qui « marche sur la tête ». Pour HEGEL, le tout domine les partie (la Totalité) et la réalité est faite de contradictions successives dont le mouvement e...
6.1.1. Influences 1) Hegel et Feuerbach 1° Marx veut remettre Hegel et sa dialectique « sur les pieds » car c’est un système de pensée fécond mais qui « marche sur la tête ». Pour HEGEL, le tout domine les partie (la Totalité) et la réalité est faite de contradictions successives dont le mouvement et le dénouement dominent l’histoire (c’est la Dialectique). Cependant, pour Marx son système « marche sur la tête » car l’histoire du monde n’est pas celle de la réalisation de l’Idée; les idées, au contraire, dépendent des conditions matérielles d’existence des hommes et des rapports qu’ils entretiennent entre eux, qui eux aussi évoluent historiquement. Le matérialisme historique de Marx libère ainsi le potentiel révolutionnaire de la dialectique hégélienne. 2° FEUERBACH est un (autre) hégélien de gauche qui analyse la religion comme une création de l’homme qui s’est autonomisée et retournée contre lui (d’où l’aliénation: les hommes ne s’appartiennent plus, ils développent une fausse conscience). Marx reprendra cette idée (la religion est « l’opium du peuple ») et l’appliquera au marché (voir infra). = Il trouve que l’idée de Hegel est intéressante , que le tout domine les partis. Les individus existent mais font parti d’un tout. Tout comme l’idée de la dialectique. Une autre influence importante sur Marx qui était également un Hégélien de gauche était Feuerbach. Ce qu’il a mis en avant, ce sont les hommes qui ont créé la religion. La religion c’est une création des hommes et cette invention elle se retourne contre l’homme pour l’opprimer. C’est de la que vient l’idée de Marx de l’aliénation. Il va reprendre cette idée, créer quelque chose qui se 84 2023-2024 Doctrines politiques L. Daou détache de son créateur. C’est ce qui s’est passé avec le marché selon Marx. Le marché va devenir comme un dieu, l’homme oublie qu’il a créé le marché ce qui mène à la création d’une fausse conscience. Et devenir libre dans sa tête ne suffirait pas. C’est donc une pensée matérialiste. 2) L’influence du communisme français Marx et ses amis choisissent de s’appeler communistes en référence aux révolutionnaires français les plus radicaux qui, tels Gracchus Babeuf, fondateur de la Conjuration des égaux, sous le Directoire (1796-1797), et du babouvisme, dénoncèrent très tôt les contradictions de l’État bourgeois et les inégalités liées à la propriété, dont Marx prône l’abolition. 3) Les classiques de l’économie politique: SMITH (Essai sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776) a mis en évidence l’importance du marché et de ses mécanismes (dont la « main invisible ») RICARDO (XVIIIe) celle des classes sociales et de la marchandise (théoricien du libre-échange et de la valeur: ce n’est pas l’offre et la demande mais le coût de production, le travail qui détermine le prix des choses. Cependant, si leur objet était le bon, selon Marx le problème était mal posé et en défendant le marché et les inégalités, leur solution ne peut être que mauvaise. = Marx et Engels n’ont pas de problème avec la radicalité, avec une forme d’extrémisme. Marx va lier le socialisme à l’économie. Il va lier le socialisme à la connaissance de l’économie politique. Ce qui fait la valeur de quelque chose c’est le travail investi pour produire ce quelque chose, pour Ricardo, donc il faut prendre le travail en considération pour déterminer le prix de quelque chose. 6.1.2. La société civile et les rapports de production au fondement du social: « D’abord la bouffe, ensuite la morale »* (matérialisme!) * « Complainte de Mackie, », in Bertolt BRECHT, L’Opéra de quat’sous, 1928 Pour Marx, il faut parler des hommes réels, inscrits dans une totalité, leurs racines ne sont pas dans le ciel. Pour comprendre le monde et le changer, il faut voir comment les hommes vivent et sont concrètement reliés: leurs conditions d’existence, leur place dans la production, les relations économiques qui les tiennent ensemble. C’est, contrairement à HEGEL, ce qui détermine leur conscience, leurs idées: « L’ensemble de ces rapports forme la structure économique de la société (« infrastructure »), la fondation réelle sur laquelle s’élève un édifice juridique et politique et à quoi répondent des formes déterminées de la conscience sociale (« superstructure »). » (L’idéologie allemande, 1845-1846). Donc, notre intérêt et ce qu’on pense dépend de notre place dans le système. Et l’État est forcément celui d’une « classe » particulière, dominante, et sert ses intérêts. Il n’y a pas un « peuple » ni un État idéal défendant « l’intérêt général ». Le seul ne fait que masquer les inégalités, les supposés droits et libertés civiques aussi, même si Marx n’est pas « contre » ces droits et libertés dans l’absolu. 85 2023-2024 Doctrines politiques L. Daou Cette idée est tout à fait nouvelle, en rupture avec l’idéalisme des Lumières, y c. de ROUSSEAU. Ce qui compte, pour Marx, ce n’est pas de penser l’idéal mais le fait que les rapports de production sont injustes, et donc la nécessité de les renverser concrètement. = Les rapports de production vont être mis au centre de sa pensée sociale. Quand on parle de le société on parle d’hommes concrets (pas beaucoup de femmes, il en parle très peu). Ces homme concrets existent en tant qu’individus qui forment une totalité. Il faut voir comment ils vivent et voir ce qu’est leur place dans la production. 6.1.3. « Fétichisme de la marchandise », « plus-value » et « aliénation » Dans la société féodale, on ne produisait pas pour accumuler des richesses mais pour consommer; la communauté n’était pas du tout égalitaire (fondée sur le servage), mais elle détermine la valeur de ce qu’on produit, quoi, combien, comment, pour qui = valeur d’usage Dans la société capitaliste, les produits perdent leur valeur d’usage au profit de leur valeur d’échange: ce qui compte, c’est que les produits puissent être échangés sur le marché contre de l’argent (exemple?), et génèrent un profit. La plus-value (différence entre valeur marchande et coût de production) est « volée » aux ouvriers par le capitaliste, qui se paie sur leur travail. Ainsi, le capitalisme détache l’économie de la communauté. On produit de plus en plus de richesse sans que se réduise l’écart entre riches et pauvres, au contraire (ce qui est toujours vrai). L’accumulation du capital devient un but en soi, la richesse devient abstraite. Le marché (créé par les hommes!) s’autonomise, est considéré comme un Dieu: il dirige les conduites, l’homme est à son service (//religion). L’aliénation vient du fait que cette « fausse représentation de soi-même » a des effets très concrets, la domination par le marché est « réelle ». Pour s’en libérer, il faut une transformation complète des rapports sociaux, il faut changer la manière de produire et pas seulement de penser. = Dans les sociétés féodales, ce qui comptait pour la valeur d’une chose c’était la valeur de cette chose pour la communauté, dans la société. Une société inégalitaire, mais la communauté détermine la valeur de ce qu’on produit. Par la suite on ne produit plus pour l’usage de la communauté mais pour l’échange, même si on n’en a pas besoin. On produit plus pour consommer mais pour échanger. Dans cette société l’objectif est d’accumuler du capital, d’où l’alinéation. Il faut changer entre autres la manière de produire. 07/12/2023 86 2023-2024 Doctrines politiques L. Daou Intermède: « Toby or not Toby » (Tiers Monde, 2014) et l’aliénation https://www.youtube.com/watch?v=Jl-WNphNnm8 Toby or not Toby Est-tu esclave ou maître? Moi je suis dans d'autres dièses Je suis dans le même dièse Plus d'esclaves uniquement couleur ébène Ils sont noirs, blancs, jaunes, loin du jardin d'Éden (…) Je suis dans le même dièse Est-ce que c'est fini? Oh merde! L'esclavage devient moderne Ou sont les fouets et les chaines? Dans les têtes plus dans les abdomens Les champs de coton sont des prisons de béton des H.L.M Les esclaves sont chômeurs ou smicards ou célèbres Parait que c'est la même au bled Le capital qui nous obsède Obsédés par ce qu'on possède Est-ce les choses qui nous possèdent? (…) Soumis si tu te soucies Toby or not Toby Est-tu esclave ou maître? Moi je suis dans d'autres dièses Je suis dans le même dièse Plus d'esclaves uniquement couleur ébène Ils sont noirs, blancs, jaunes, loin du jardin d'Éden (…) Je suis dans le même dièse Est-ce que c'est fini? Oh merde! L'esclavage devient moderne Ou sont les fouets et les chaines? Dans les têtes plus dans les abdomens Les champs de coton sont des prisons de béton des H.L.M Les esclaves sont chômeurs ou smicards ou célèbres Parait que c'est la même au bled Le capital qui nous obsède Obsédés par ce qu'on possède Est-ce les choses qui nous possèdent? (…) 6.2. La « pratique »: Révolution et luttes de classes Marx identifie 5 modes de production dans l’histoire (= matérialisme historique): De ce que va penser ton poto Si tu ne portes pas du Gucci 1. Asiatique, avec e.a. un Etat très développé 2. Antique, fondé sur l’esclavage et l’artisanat 3. Féodal, fondé sur le servage et l’agriculture 4. Capitaliste, fondé sur le salariat et l’industrie Soumis si tu te soucies De ce que va penser ton poto Si tu ne portes pas du Gucci 5. Communiste, sans propriété privée, sans classe et sans État Il ajoute que « l’histoire de toute société jusqu’’à nos jours, c’est l’histoire de luttes de classes » (Manifeste du Parti communiste , « Bourgeois et prolétaires ») Ici se noue le lien indéfectible entre théorie et pratique. Mais c’est bien la seconde, à savoir la révolution, qui domine et détermine la première, qui permet en quelque sorte de faire la clarté sur la domination, de l’étudier et de voir sa fin (Rosa LUXEMBURG (1871-1919), à propos de Marx). 87 2023-2024 Doctrines politiques L. Daou Théoriquement, le capitalisme est condamné par ses contradictions (la « baisse tendancielle des taux de profit ») mais... il faut « l’aider ». D’où le Manifeste. = Auteur charnière dans le cours entre la deuxième et troisième partie du cours. Il a été un acteur politique. On ne peut pas comprendre Marx le théoricien sans comprendre l’acteur et politicien. L’originalité de Marx c’est que sa théorie s’est nourrie de sa pratique et sa pratique s’est nourri de sa théorie. Marx identifie 5 modes de production dans l’histoire qui se sont succédé de manière dialectique. Le cinquième est une utopie c’est un mode de production qui n’existe pas au moment où il le formule. L’histoire des sociétés passe d’un stade à un autre. L’idée fondamentale et directrice du Manifeste selon ENGELS (Préface de 1883) « L'idée fondamentale et directrice du Manifeste, à savoir que la production économique et la structure sociale qui en résulte nécessairement forment, à chaque époque historique, la base de l'histoire politique et intellectuelle de cette époque; que par suite (depuis la dissolution de la propriété commune du sol des temps primitifs), toute l'histoire a été une histoire de luttes de classes, de luttes entre classes exploitées et classes exploitantes, entre classes dominées et classes dominantes, aux différentes étapes de leur développement social; mais que cette lutte a actuellement atteint une étape où la classe exploitée et opprimée (le prolétariat) ne peut plus se libérer de la classe qui l'exploite et l'opprime (la bourgeoisie), sans libérer en même temps et à tout jamais la société entière de l'exploitation, de l'oppression et des luttes de classes; cette idée maîtresse appartient uniquement et exclusivement à Marx. » = Engels « veut rendre à César ce qu’est à César ». C’est un résumé de la thèse du manifeste. 6.2.1. Qu’est-ce qu’une classe sociale? 1) Les membres d’une même classe sociale: - - Ont les mêmes conditions d’existence et le même mode de vie: c’est la « classe en soi »; Ils peuvent devenir une force politique s’ils prennent conscience de leur existence en tant que classe: la classe « en soi » devient alors une « classe pour soi ». 2) Marx ne prétend pas que la société ne soit divisée qu’en classes (il considère aussi l’importance des sexes) ni qu’il n’y ait que 2 classes (il va jusqu’à en identifier 7, en France, après 1848) mais cette division est primordiale. 3) En effet, la question de la propriété des moyens de production – la relation entre les producteurs (qui travaille?) et les moyens de production (qui possède?) est cruciale: elle oppose les possédants et les travailleurs, les capitalistes et les ouvriers, les « bourgeois » et les « prolétaires ». = On distingue la classe en soi et la classe pour soi. La classe pour soi a une dimension collectivement subjective, les membres d’une classe sociale prennent conscience qu’ils ont des intérêts communs. Marx ne prétend pas que la société n’est divisée qu’en classes sociales, il existe d’autres divisions, l’importance des sexes importe pour lui-même s’il n’a pas poussé sa réflexion très loin sur ce point. Il ne croit pas non plus qu’il n’y ait que deux classes. Il distingue 7 classes en France. La division entre 88 2023-2024 Doctrines politiques L. Daou bourgeois et prolétaire est primordial dans son système. La question de le propriété des moyens de production. Qui travaille et qui possède ? C’est une question très importante. 6.2.2. « Bourgeois et prolétaires », ou Qu’est-ce que la classe ouvrière? Comparé au « serf », attaché à la terre (féodalisme), l’ouvrier est à la fois « libre » et complètement dépouillé. Marx évoque une « dynamique d’expropriation « inscrite dans l’histoire en lettres de feu et de sang ». Sous le féodalisme, la violence était instituée, statutaire, les serfs n’avaient aucun droit; sous le capitalisme, elle est transférée à la sphère économique (cf. Bonald!), les ouvriers sont libres, (mais) ils ne « possèdent » rien, que leur force de travail. La rupture entre producteurs (travailleurs salariés) et moyens de production est donc typique du capitalisme: « Le processus de dissolution transforme (...) une masse d’individus d’une nation en travailleurs salariés virtuellement libres, c’est-à-dire en individus contraints de vendre leur travail parce qu’ils sont privés de propriétés (...), en individus libérés de toutes attaches. » (Principes d’une critique de l’économie politique, 1857) - Différence avec Locke… D’où l’ambivalence du capitalisme: les travailleurs sont « libres » mais privés de leurs outils. Ils n’ont rien à perdre et c’est pour cela que la classe ouvrière est la seule vraiment révolutionnaire. En se libérant, elle libèrera la société tout entière, d’où la critique de son caractère « messianique » chez Marx (cf. Raymond ARON, L’Opium des intellectuels, 1955), son héroïsation… Au sens étroit, c’est le prolétariat industriel; au sens large, elle regroupe ceux qui vivent de leur travail (les ouvriers, les employés, les fonctionnaires, etc.), et non du travail des autres (comme les capitalistes, les possédants). = Dans la société féodale, il y avait une violence, mais la violence qui s’exerce contre le classe dominé elle est statutaire. Ils n’ont pas de droits, et donc ils sont attachés à la terre et celui qui possède la terre. Ce qu’il se passe avec l’avènement de la société capitaliste, (chose que Bonald avait également observé) la violence est transférée à la sphère économique. De droit les prolétaires sont aussi libres que les bourgeois mais ils n’ont rien. Les ouvrier sont libres mais ils ne possèdent que leurs chaines, leur force de travail, leur corps dont ils se servent pour travailler. Il y a une rupture entre les outils et les moyens de production. Capitalisme qui est quand même ambigu, Marx critique mais ne revient pas sur la liberté des travailleurs. Ils n’ont rien à perdre, on ne peut compter que sur ceux qui n’ont rien à perdre pour mener une révolution. Remarque sur la classe ouvrière, ce sont ceux qui n’ont rien à perdre, les ouvriers ces les ouvrier de la grande industrie mais dans un acceptions plus large les travailleurs se n’est pas que le prolétariat industriel, ce sont les salariées, ceux qui gagnent leur vie eux même en travaillant eux même >< ceux qui gagnent leur vie en faisant travailler les autres. 6.2.3. La révolution chez Marx (fin) Selon Marx, la classe bourgeoise a été la première classe dominante à avoir porté une révolution (en France). Mais c’est à la classe ouvrière d’achever cette révolution, de dissoudre la société bourgeoise qui en est issue et d’écrire une autre histoire (celle du communisme, qui n’est pas la « fin de l’histoire »). Marx et Engels défendent ainsi: - Le rôle historique du prolétariat, de la classe ouvrière (qui donc sera dénoncé comme un mythe); 89 2023-2024 Doctrines politiques L. Daou - - - - L’idée qu’il faut une révolution sociale (la mobilisation n’est pas spontanée); L’idée de plusieurs étapes: 1) la dictature du prolétariat, 2) le socialisme (Etat prolétarien), 3) le communisme (plus de classe, de propriété, ni d’Etat)...; mais il n’en dit pas grand-chose! Pas un théoricien de l’Etat ni de l’après-révolution. Le rôle de l’Internationale communiste: l’organisation internationale de la classe ouvrière (création de l’AIT en 1864); Le rôle du parti comme avant-garde éclairée (que théorisera LÉNINE en Russie) = Il faut prolonger les révolutions et les achevés. La classe ouvrière doit (chose que Tocqueville anticipait) dissoudre la société bourgeoise. Ce qu’il faut retenir c’est que Marx et Engels et ceux qui ont accepté de les suivre, ils défendent le rôle historique de la classe ouvrière à l’époque pas grand monde le fait. Ils défendent qu’il faut une révolution sociale et qu’il faut la provoquer. Ils défendent aussi l’idée d’un développement en plusieurs étapes. L’idée de socialisme dans un autre sens. Le quatrième élément c’est le fait de théoriser une internationale communiste la révolution doit avoir lieu dans tous les pays. « Unissez-vous. » Le rôle du parti comme avant-garde éclairé. Ils ne conçoivent pas les acteurs de ces partis comme des professionnels de la politique. Il y a une volonté de ne pas enlever aux travailleurs leur rôle politique pour l’attribuer à des chef politiques. C’est ce qui va nourrir leur divergence avec les socialistes et anarchistes. 6.2.4. Divergences avec les socialistes utopiques et les anarchistes Les autres courants socialistes (utopiques, anarchistes, syndicalistes) au sein de la Première internationale (1864) et avant cela ne partagent pas forcément cette vision, même si le diagnostic est commun (l’égalité de droit est contredite par les inégalités de fait; les classes laborieuses sont des « classes dangereuses »…): 1/ Les socialistes utopiques (Saint Simon, +1825, Fourier, +1837, Owen, +1858) se méfient des révolutions et mettent en avant l’importance des minorités éclairées pour expérimenter des sociétés idéales (comme les « phalanstères » de Fourier). 2/ Les anarchistes (Proudhon, +1865, « La propriété, c’est le vol », Bakounine, grand adversaire de Marx dans l’AIT, +1876) mettent en avant le caractère immoral du capitalisme, ils prônent l’action directe, se méfient des organisations partisanes. 3/ Les blanquistes (Blanqui « l’Enfermé », « Ni Dieu ni Maître », +1881, influencera Lénine) assument la violence et défendent que c’est par la dictature que se réalisent la liberté et l’égalité. Le point commun de tous ces mouvements, qui les distancient des « marxistes », c’est une certaine méfiance envers la révolution et/ou la classe ouvrière et son organisation en un parti de masse (l’anarchisme sera particulièrement influent dans le syndicalisme). = Il y a un grand nombre de courant qui parfois précèdent l’action politique de Marx et Engels et ne partagent pas leur vision. Ce qu’ils partagent c’est que le capitalisme est un problème et que les inégalités sont également un problème. Et ces classes ouvrières sont très menaçantes. La violence est néfaste y compris au système. Les socialistes utopiques se méfient du fait de donner un tel rôle à ces classes dangereuses. Puis les gens qui ne sont également pas d’accord avec Marx et Engels, ce 90 2023-2024 Doctrines politiques L. Daou sont les anarchistes comme Proudhon. Pour eux le capitaliste est immoral (et pas amoral). Ils ont moins de problèmes avec la violence, avec l’usage de la violence et une action moins théorisé et directe. Donc ils se méfient à des organisations partisanes. Puis il y a les blanquistes, ceux qui se réclament de quelqu’un qui se réclame Blanquit, il a passé beaucoup de temps en prison. « Ni dieu ni maitre ». « Quand l’homme s’arrête de penser il dit dieu ». C’est un courant qui assume que la révolution doit être violente et qu’en passant par la dictature que la liberté et l’égalité se réaliserons. L’avertissement de Pierre-Joseph Proudhon (Lettre à Marx, 1846) « Cherchons ensemble, si vous le voulez, les lois de la société... Mais pour Dieu, après avoir démoli tous les dogmatismes a priori, ne songeons point à notre tour à endoctriner le peuple..., ne nous faisons pas les chefs d’une nouvelle intolérance, ne nous posons pas en apôtres d’une nouvelle religion, fût-elle la religion de la logique, la religion de la raison. » (Écrits sur le socialisme, de Platon à Blum, Paris, Seghers, 1963.) = Proudhon et Marx ont bougé la question du socialisme. Il y avait déjà une inquiétude que sa puisse devenir comme une religion. Marx, à la mort de Proudhon (1865) « La nature de Proudhon le portait à la dialectique. Mais n’ayant jamais compris la dialectique vraiment scientifique, il ne parvint qu’au sophisme. En fait, c’était lié à son point de vue petit bourgeois. Le petit bourgeois (…) se compose de “d’un côté” et de “de l’autre côté”. Même tiraillement opposé dans ses intérêts matériels et par conséquent ses vues religieuses, scientifiques et artistiques, sa morale, enfin son être tout entier. Il est la contradiction faite homme. S’il est, de plus, comme Proudhon, un homme d’esprit, il saura bientôt jongler avec ses propres contradictions et les élaborer selon les circonstances en paradoxes frappants, tapageurs, parfois scandaleux, parfois brillants (...). » (Lettre à J.-B. Schweitzer du 24 janvier 1865, citée in Ecrits sur le socialisme, de Platon à Blum, Paris, Seghers, 1963) Conclusion : de la 1ère AIT à 1917 1864: La Ière Internationale (Association internationale des travailleurs, AIT) et ses luttes de pouvoir reflèteront ces luttes idéologiques. Marx et Engels vont l’emporter mais les conflits persistent avec les anarchistes, notamment en Russie, en Italie et en Espagne, au moins jusqu’à la Guerre d’Espagne (1936-1939). Après sa mort, les marxistes « orthodoxes » vont adapter et transformer les idées de Marx, s’en disputant l’héritage. 1889: La IIe Internationale voit en même temps le triomphe théorique du marxisme, et la montée du « réformisme » en Allemagne (la prise de distance par rapport à la voie révolutionnaire, initiée par BERNSTEIN, voie suivie notamment par le Parti Ouvrier Belge). 1914 et la division du mouvement ouvrier face à la guerre signeront la mort de cette IIe Internationale. 91 2023-2024 Doctrines politiques L. Daou 1917 et la Révolution d’Octobre ouvre une nouvelle page du marxisme, en Russie, en Europe, puis dans le monde entier; Lénine adaptera le marxisme à la Russie tsariste, et Mao à la Chine (où le prolétariat industriel est quasiment inexistant). Et divisera les socialistes en deux camps: les partisans de la Révolution russe, du communisme de Lénine… et ceux de la social-démocratie, du réformisme. L’héritage de Marx L’œuvre de Marx reste la contribution doctrinale la plus importante au socialisme comme courant d’idées et courant politique majeur aux XIXe et XXe s; Sa force réside à la fois dans son ambition scientifique (une théorie sociale) et son caratère d‘utopie (un projet révolutionnaire). Elle donne un socle idéologique fédérateur au mouvement ouvrier pendant un siècle. Dans la pensée politique, Marx opère 2 ruptures: - Son oeuvre porte un projet de transformation globale de l’ordre social; ce n’est pas une théorie de l’Etat (critique de l’intérêt général); - Le sujet politique n’est pas « le peuple », ce sont les classes sociales. Marx défend donc que les ouvriers n’ont pas besoin des autres pour se libérer. Cette conception est irréductible à la dictature de parti, comme le rappellera Rosa LUXEMBURG dans sa critique du parti bolchévique lors de la Révolution russe de 1917 (pour elle, socialisme, démocratie et liberté vont ensemble). Pour Marx et Engels, la révolution doit être internationale pour renverser le capitalisme. C’est le sens de « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous! » (Le Manifeste, 1848) MAIS Marx a négligé tout à la fois la question de l’Etat, et la question nationale, qui se révélera fatale pour la Deuxième Internationale (Première Guerre mondiale). ET aussi la question des femmes! ENFIN, sa pensée reste marquée par le mythe du progrès technologique, ce que l’écologie politique dénoncera ou corrigera.