Chapitre 1 - Le titre de paiement - Le chèque PDF
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This document is a chapter on checks, exploring their historical background, legal definitions, types, and different legal aspects. It discusses the nature of checks as payment instruments and provides insights into their functioning, aiming at a theoretical comprehension of financial transactions and payment methods.
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Chapitre 1 : Le titre de paiement : Le chèque Le chèque peut être défini comme le document écrit par lequel le tireur donne au tiré, qui est forcément un établissement bancaire ou un établissement assimilé (C. mon. fin., art L. 131-4), l'ordre de payer à vue une somme déterminée au bénéficiaire ou...
Chapitre 1 : Le titre de paiement : Le chèque Le chèque peut être défini comme le document écrit par lequel le tireur donne au tiré, qui est forcément un établissement bancaire ou un établissement assimilé (C. mon. fin., art L. 131-4), l'ordre de payer à vue une somme déterminée au bénéficiaire ou à son ordre. C'est un mode de retrait des fonds déposés à la banque lorsque le bénéficiaire est le tireur lui-même, mais c'est un instrument de paiement toutes les fois où le bénéficiaire est un tiers. L'origine historique du chèque est débattue. Apparaît-il au Moyen Âge ou remonte- t- il plus loin dans l'histoire? Son berceau se trouve-t-il à Gênes, à Anvers, ou ailleurs? Une chose est sûre: le chèque se développe en Angleterre autour du XVIII siècle. L' é étymologie le confirme : le terme « chèque » vient du mot anglais « check », qui veut dire « talon » et qui est issu de la signification plus large de « vérification ». Introduit en France au XIXe siècle, le chèque y est consacré par une loi du 14 juin 1865. Au niveau international, il fait l'objet de trois conventions signées à Genève le 19 mars 1931. Naturellement le droit français du chèque a été retouché à plusieurs reprises, notamment dans les années 1970. Mais parmi ces réformes, il en est une qui mérite une place à part : celle qui résulte de la loin° 91-1382 du 30 décembre 1991 et du décret n° 92-456 du 22 mai 1992. C'est à cette occasion que le régime du chèque a été profondément remanié. De nos jours, ce régime a son siège principal aux articles L. 131-1 et suivants du Code monétaire et financier. A l'instar de son origine historique, la nature juridique du chèque ne fait pas l'unanimité. Les principales thèses en présence peuvent être évoquées rapidement Certains ont vu dans le chèque une cession de créance particulière, dont le régime serait allégé. Néanmoins, les divergences entre chèque et créance paraissent plus nombreuses que les convergences. D'autres ont expliqué le chèque par la référence au mandat. Ce serait plus précisément un mandat donné par le tireur au tiré de payer le porteur à sa place. Plusieurs objections pourraient être formulées. Une seule suffira : le mandat n'explique pas le chèque de retrait, où le tireur lui-même est le bénéficiaire. D'autres encore, les plus nombreux, ont ramené le chèque dans le giron des effets de commerce (v. infra, chapitre 5). L' objectif est d'insister sur le fait que le mécanisme sous-jacent au chèque est celui d'un titre à ordre. Mais là encore, une différence essentielle entre le chèque et les effets de commerce, qui justifie d'ailleurs leur traitement séparé au sein de cet ouvrage, doit être soulignée. Le chèque peut être, on l'a dit, un instrument de retrait. Ajoutons qu'il peut également constituer, d'une certaine façon, un instrument de crédit qui tient au laps de temps entre l'émission du chèque et la présentation au paiement de celui-ci. Toutefois, cette dernière remarque étant purement factuell1ê', la fonction d'instrument de crédit est accidentelle, indirecte. Le chèque est essentiellement un instrument de paiement. Ce qui le distingue fondamentalement des effets de commerce, qui sont des instruments de crédit. A cet égard, il faut souligner que la pratique très courante des « chèques de garantie » (v. ss 94), notamment des chèques dits « de caution » en matière de bail, est parfaite- ment contraire à la nature d'instrument de paiement à vue. Faut-il se résoudre à voir dans le chèque un instrument sui generis? Sans doute. Après tout, le régime légal du chèque est suffisamment étoffé pour que l'exigence de le qualifier à la lumière d'une autre catégorie connue ne se fasse pas particulière- ment ressentir. Tout au plus, pour mieux en comprendre le fonctionnement, peut-on ajouter la remarque suivante. Lorsque le chèque est un instrument de paiement - hypothèse principale, sur laquelle on se concentrera dorénavant - , sa fonction est d'éviter le maniement de la monnaie fiduciaire (sur laquelle v. ss 54). Ce qui ne doit cependant pas tromper: le chèque ne constitue pas en lui-même de la monnaie scripturale, c'est un moyen de véhiculer la monnaie scripturale (sur laquelle v. ss 55 s.); à cet égard, on soulignera que le législateur interdit les chèques acceptés (C. mon. fin., art. L. 131-5, al. 1"'; v. ss 92), car le danger serait qu'en raison de la confiance que l'on a dans le tiré, qui est un établissement bancaire, le chèque devienne une monnaie concurrente de celle fiduciaire (un chèque de 20 euros accepté par un établissement bancaire serait considéré comme étant autant, sinon plus, susceptible de confiance qu'un billet du même montant). 80 Aux côtés du chèque, si l'on ose dire, de droit commun, il existe, à vrai dire hier plus qu'aujourd'hui, des chèques spéciaux, soumis à des régimes particuliers. D'une part, le chèque postal, apparu à la moitié du xx siècle, faisait l'objet de dispositions propres figurant au sein du Code aujourd'hui appelé des postes et des communications électroniques. Cela dit, la loi n° 2005-516 du 20 mai 2005 ayant donné vie à la banque postale, véritable établissement bancaire, elle a abrogé le régime spécial prévu pour le chèque postal (même si le chapitre du Code monétaire et financier ici étudié - art. L. 131 s. - est intitulé « le chèque bancaire et postal »). D'autre part, le chèque emploi-service universel (CESU) est un titre emploi pour déclarer des salariés, ou un titre spécial de paiement qui permet d'acquitter le montant de la rémunération et les cotisations des salariés qui réalisent certaines prestations. 11 est régi par le Code du travail (C. trav., art L. 1271-1 s.). L'ancien article L. 1271-9 du même code envisageait expressément que ce type de chèque puisse constituer un chèque au sens du Code monétaire et financier. La disposition a toutefois été abrogée en 2015 (Ord. n° 2015-682 du 18 juin 2015). Voilà ce qu'est le chèque. Et voici maintenant ce qu'il n'est pas. Car le terme « chèque » est parfois employé de manière impropre pour désigner des documents fondamentalement différents de lui. Le chèque-restaurant, ou ticket-restaurant, n'est pas un chèque. Le législateur le désigne d'ailleurs par la formule « titre-restaurant » (C. trav., art. L. 3262-1 s.). C'est un titre spécial de paiement, que l'employeur remet aux salariés pour leur permettre d'acquitter en tout ou en partie le prix du repas consommé au restaurant ou acheté auprès de certaines personnes (C. trav., art L. 3262-1). Le chèque-vacances n'est pas, non plus, un chèque au sens strict. 11 s'agit d'un titre spécial, pouvant être remis par le bénéficiaire aux personnes conventionnées en paiement des dépenses effectuées pour ses vacances (C. tour., art. L. 411-1 s.). Il existe en outre une série de documents baptisés en pratique « chèques », qui n'en sont pour autant pas: chèque-cadeau, chèque-cinéma, chèque-théâtre, etc. Leur diversité empêche d'en proposer une qualification unique. Le régime dépend directement des stipulations 1 ntre l'émetteur, le bénéficiaire et le prestataire. Parfois, la Cour de cassation a expliqué ces soi-disant chèques constituent des instruments de paiement (Corn. 6 juin 2001, n° 99-18.296, Bull. dv. IV, n° 111). Une place à part mérite d'être faite au chèque de voyage, également appelé traveller's chèque. Il s'agit d'un document qui permet à son bénéficiaire d'être payé de la somme indiquée par l'un quelconque des guichets ou des partenaires de l'émetteur. La Cour de cassation a refusé d'y voir un véritable chèque, préférant opter pour la qualification de simple engagement de payer (Crim. 20 mars 1955, RTD com. 1956. 91, obs. J. Becqué et H. Cabrillac). Néanmoins, la question a perdu une bonne partie de son intérêt, puisque le chèque de voyage est aujourd'hui très peu utilisé. Mais revenons au chèqu1 à proprement parler, pour formuler une dernière observation à titre liminaire concernant son importance pratique. Puisqu'il permet des paiements en monnaie scripturale, plus faciles à tracer que les paiements en monnaie fiduciaire, le recours au chèque a longtemps été encouragé. Toutefois, en raison du risque de falsification et de sa lourdeur relative (notamment la nécessité de le présenter au paiement), lie chèque a été, dans une certaine mesure, supplanté de nos jours par d'autres instruments de paiement en tête desquels vient la carte bancaire. Dans une certaine mesure seulement comme le montrent les données de la Banque de France. Certes, en nombre de paiements, le chèque a été utilisé en 2020 treize fois moins que la carte bancaire; il n'en reste pas moins que le montant global des paiements par chèque était, toujours en 2020, supérieur à celui des paiements par carte bancaire (Banque de France, Cartographie des moyens de paiement scripturaux. Bilan de la collecte 2021 (données 2020), p. 3, https://www.banque-france.fr/ sites/default/files/media/2022/06/27/cmp2020_fr.pdf, consulté en mars 2023). En d'autres mots, le chèque est de moins en moins utilisé pour les paiements d'un montant faible, mais il demeure un instrument essentiel pour les paiements de sommes d'argent élevées. Pour étudier le chèque, il est possible de s'intéresser successivement à sa naissance, sa vie et sa fin, ou plus précisément à son émission (section 1), à sa circulation (section 2) et à son paiement (section 3). Section 1 : L'émission du chèque L' émission du chèque nie se réduit pas à sa création par le tireur, elle suppose également sa remise au bénéficiaire (Corn. 31 janv. 2006, n° 04-15.315, Bull. civ. IV, n° 18). La précision étant faite, il faut commencer par relever que l'émission du chèque est soumise à diverses conditions, qui tiennent tantôt à la forme (§ 1) tantôt au fond (§ 2). Seulement après pourra-t-on présenter les effets de l'émission du chèque(§ 3). § 1 Les conditions de forme Certaines conditions de forme du chèque ont trait aux formules de chèque (A), tandis que d'autres, plus nombreuses, encadrent les mentions du chèque (B). Une question transversale doit être évacuée dès le seuil. Contrefaire ou falsifier un chèque, voire faire usage ou accepter un chèque contrefait ou falsifié, est puni d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 375000 euros (C. mon. fin., art L. 163-3). A ce propos, la Cour de cassation a précisé que « s'il incombe à l'émetteur d'un chèque d'établir que celui-ci a été falsifié, il revient à la banque tirée, dont la responsabilité est recherchée pour avoir manqué à son obligation de vigilance et qui ne peut représenter l'original de ce chèque, de prouver que celui-ci n'était pas affecté d'une anomalie apparente, à moins que le chèque n'ait été restitué au tireur» (Corn. 9 nov. 2022, nQ 20-20.031, D. 2023. 220, note L. Siguoirt). A. Les formules de chèque Numérotés et reliés à un carnet à souche, que l'on dénomme habituellement « chéquier », les chèques sont fournis par un établissement bancaire à son dient. Les formules sont normalisées, en ce sens qu'une uniformisation a été prévue pour en faciliter le traitement automatisé (Arrêté 5 août 1970). Les formules de chèque doivent être mises gratuitement à la disposition du titulaire du compte (C. mon. fin., art. L. 131-71, al. 2). Elles doivent contenir certaines informations: le nom de la personne à laquelle la formule est délivrée, mais la sanction du non-respect de cette exigence se limite à une amende de 7,5 euros par infraction (C. mon. fin., art L. 131-70, al. 1"'); le numéro de téléphone de la succursale ou agence bancaire auprès de laquelle le chèque est payable, ainsi que l'adresse du titulaire du compte, aucune sanction n'étant cependant prévue en ces cas (C. mon. fin., art. L. 131-71, al. 4 et 5). La délivrance des formules de chèque soulève un certain nombre de questions. Nous en retiendrons deux. La première est de savoir à quelles personnes ces formules de chèque peuvent être délivrées. D'une part, elles ne doivent pas être délivrées au titulaire d'un compte à partir d'un incident de paiement relevé en son nom pour défaut de provision suffisante (C. mon. fin., art. L. 131-71, al. 4 et 5), ni à la personne frappée d'une interdiction judiciaire d'émettre des chèques (C. mon. fin., art. L. 163-6, al. 3) - en ce dernier cas, le condamné doit restituer aux établissements bancaires qui les avaient délivrées les formules en sa possession (C. mon. fin., art. L. 163- 6, al. 2). D'autre part la délivrance de formules de chèque peut être refusée à un client même en dehors des cas susmentionnés (C. mon. fin., art L. 131-71, al. 1 '). A ce propos, la jurisprudence retient que la décision de ne plus délivrer des formules de chèque ne constitue pas une rupture abusive de crédit de la part de l'établissement bancaire, au motif que « si les formules de chèques habituellement délivrées par les banques à leurs clients représentent l'un des moyens de faire fonctionner le compte et, par conséquent, de disposer du crédit elles ne constituent cependant pas le seul, et qu'un compte bancaire fonctionne aussi, même si moins commodément par le moyen de virements, d'effets et billets, de prélèvements, de chèques certifiés » (Corn. 6 mai 1997, nQ 94-13.772, Bull. civ. IV, nQ 116). Cependant le refus de délivrer des formules de chèque doit être motivé (C. mon. fin., art. L. 131-71, al. 1"'), ce quj permet au client d'en contester le bien-fondé (Civ. 1"', 23 janv. 2013, nQ 10-28.397, Gaz. pal. 2013, p. 19, note S. Piedelièvre). Seconde question: dans quels cas l'établissement bancaire est-il responsable? D'abord, la délivrance de formules de chèque à certaines personnes peut constituer une faute à l'égard des tiers victimes d'un chèque sans provision. Il en va par exemple ainsi en cas de délivrance d'une formule de chèque pour une opération à un client auquel le chéquier a été pourtant retiré en raison de l'émission de chèques sans provision, et dont le compte est encore débiteur (Corn. 3 mars 1981, nQ 79-14.354, Bull. dv. IV, nQ 115). En revanche, délivrer des formules de chèque à une société en formation ne constitue pas une faute, bien qu'elle ne soit pas encore pourvue de la personnalité morale (Corn. 6 févr. 1990, nQ 88-18.873, Bull. civ. IV, nQ 34). Ensuite, l'établissement bancaire est responsable sur le terrain délictuel en cas de délivrance de formules de chèque qui n'offrent pas toute garantie de sécurité, par exemple si un procédé de marquage ou d'impression indélébile n'a pas été utilisé (Com 11 févr. 2003, nQ 00-18.058, Bull. civ. IV, nQ 18). Enfin, la responsabilité de l'établissement bancaire peut être recherchée en raison des modalités de mise à disposition des formules de chèque, tout particulièrement en cas d'envoi par courrier postal simple (Corn. 28 févr. 1989, nQ 87-17.374, Bull. dv. IV, nQ 70). Le recours à des formules de chèque délivrées par un établissement bancaire est-il facultatif? Peut-on émettre un chèque sur un support autre qu'une formule de chèque? On répond traditionnellement par l'affirmative, au motif que les formules de chèque seraient une simple pratique et non une exigence prévue par la loi. Pour l'illustrer, qu'il nous soit autorisé un brin d'humour - une fois n'est pas coutume-, au travers de la décision suivante rendue en première instance: « attendu qu'à supposer qu'un chèque puisse être établi sur papier libre, encore faut-il que ce papier soit suffisamment solide et résistant pour supporter, sans se désagréger ou sans être endommagé, les différentes manipulations que son encaissement impose; attendu que si certains papiers dits hygiéniques répondent avantageusement à ces critères, tel n'est pas le cas du papier sur lequel la société Setelinf a cru pouvoir rédiger son ordre de paiement; qu'en effet, il s'agit d'un papier doux, ouaté, perforé et fragile, conforme à l'usage auquel il est normalement destiné mais risquant de se désagréger en cas de manipulations multiples de la nature de celles auxquelles il est habituelle- ment procédé pour l'encaissement d'un chèque; attendu que, dans ces conditions, c'est à juste titre que !la S.A. Bis a considéré que la fragilité d'un tel support l'empêchait de procéder à l'encaissement » (TG! Lyon, 16 avr. 1996, Gaz. pal. 2000, nQ 4, p. 33). Toutefois, le fait que les formules de chèque ne résultent que de la pratique est de nos jours discutable, en ce sens que le législateur les vise à plusieurs reprises (v. not. C. mon. fin., art. L. 131-70 à art L. 131-73). Quoi qu'il en soit, il n'est pas rare que les établissements bancaires découragent contractuellement le recours à des supports autres que les formules de chèque délivrées par eux. Ce que la Cour de cassation n'interdit pas: « attendu que la cour d'appel a exactement écarté le caractère abusif de la clause selon laquelle le Crédit lyonnais s'autorisait à refuser les chèques émis sur des formules non conformes aux normes en usage dans la profession et prévoyait une commission pour le traitement de pareils chèques, dès lors qu'une telle clause, destinée à permettre un traitement rationalisé des formules de chèques normalisées au lieu d'un traitement individualisé de formules singulières nécessairement plus long et plus onéreux, ne crée aucun avantage au profit de la banque ni aucun désavantage au détriment du consommateur qui bénéficie de la délivrance gratuite des chéquiers et d'une facilité d'utilisation » (Civ. 1"', 8 janv. 2009, n° 06-17.630, RTD com. 2009. 418, obs. D. Legeais). B. Les mentions du chèque Un chèque peut contenir trois sortes de mentions: certaines d'entre elles sont obligatoires, d'autres sont facultatives, d'autres encore sont interdites. Commençons par les mentions obligatoires. Elles sont énumérées à l'article L. 131-2 du Code monétaire et financier: la dénomination de chèque, insérée dans le texte même du titre et exprimée dans la langue employée pour la rédaction de ce titre; le mandat pur et simple de payer une somme déterminée; le nom de celui qui doit payer, nommé le tiré; l'indication du lieu où le paiement doit s'effectuer; l'indication de la date et du lieu où le chèque est créé; la signature de celui qui émet le chèque, nommé le tireur. Quelques précisions peuvent être apportées au sujet de certaines de ces mentions. S'agissant de la somme à payer, l'usage est de la rédiger à la fois en lettres et en chiffres. En cas de différence entre les deux, c'est la somme en lettres qui doit être prise en compte (C. mon. fin., art L. 131-10, al. 1"'). La raison d'être de la règle tient au fait qu'une erreur est moins probable dans la mention en lettres que dans celle en chiffres. En outre, le chèque dont le montant est écrit plusieurs fois, que ce soit en lettres ou en chiffres, ne vaut, en cas de différence, que pour la moindre somme (C. mon. fin., art. L. 131-10, al. 2). Concernant l'indication du lieu où le paiement doit s'effectuer, question essentielle, trois solutions ont été organisées par le législateur: à défaut d'indication spéciale, le lieu désigné à côté du nom du tiré est réputé être le lieu de paiement; si plusieurs lieux sont indiqués à côté du nom du tiré, le chèque est payable au premier lieu indiqué; à défaut de ces indications, le chèque est payable au lieu où le tiré a son établissement principal (C. mon. fin., art. L. 131-3, al. 2 et 3). La date et le lieu de création du chèque appellent des observations d'importance inégale. La date doit contenir le jour et le mois, l'indication seule de l'année étant insuffisante (Corn. 24 juin 1997, n° 95-11.300, Bull. civ. IV, n° 199). Notons incidemment que « le chèque présenté au paiement avant le jour indiqué comme date d'émission est payable le jour de la présentation » (C. mon. fin., art L. 131-31, al. 2); en somme, le chèque postdaté est immédiatement payable. Quant à l'indication du lieu, si elle fait défaut le chèque est considéré comme émis dans le lieu désigné à côté du nom du tireur (C. mon. fin., art L. 131-3, al. 4). Quelle est la sanction du défaut d'une mention obligatoire? Sauf dans les cas, que l'on vient de voir, où la loi vient suppléer au défaut de mention, le titre ne vaut pas comme chèque (C. mon. fin., art L. 131-3, al. 1"'). Par exemple, l'absence de date fait obstacle à la qualification de chèque, mais il est possible de le convertir par réduction: le document peut avoir la valeur d'un commencement de preuve par écrit (Civ. 1"', 10 mars 1992, 90-21.074, Bull. civ. I, n° 78). Autre exemple: l'absence de signature empêche que le titre soit un chèque, même s'il a manifestement été établi par le titulaire du chéquier (Corn. 12 juill. 2011, n° 10-15.833, D. 2011. 2845, note J. Lasserre Capdeville). Une autre sanction peut parfois s'ajouter: le tireur qui émet un chèque ne portant pas l'indication du lieu ou de la date d'émission, celui qui revêt un chèque d'une fausse date, celui qui tire un chèque sur une personne autre qu'un établissement bancaire, est passible d'une amende maximale de 6 % de la somme pour laquelle le chèque E t tiré (C. mon. fin., art L. 131-69). Il faut s'attacher maintenant aux mentions facultatives, que le tireur peut tout à fait ajouter sur le chèque. La plus fréquente est sans doute la désignation du bénéficiaire du chèque. C'est une mention facultative parce que le chèque peut être au porteur. En principe, le bénéficiaire est désigné par son nom ou sa dénomination. Mais la jurisprudence est assez souple. Elle admet notamment que l'inscription du numéro d'un compte et de l'établissement bancaire chez lequel il est ouvert puisse suffire pour désigner comme bénéficiaire du chèque le titulaire de ce compte (Corn. 13 févr. 1996, n° 93-18.593, Bull. civ. IV, n° 45). On peut ajouter le barrement, qui s'effectue au moyen de deux barres parallèles apposées au recto du chèque (C. mon. fin., art L. 131-44, al. 2), et qui impose au tiré de payer ce chèque uniquement à un établissement bancaire ou à un établissement assimilé, ou alors à un client du tiré (C. mon. fin., art. L. 131-45, al. 1"'). Pour terminer, on relèvera que certaines mentions sont interdites. Le chèque ne peut pas être accepté (C. mon. fin., art. L. 131-5, al. 1"'); des intérêts ne peuvent pas y être stipulés (C. mon. fin., art L. 131-8); il ne peut pas contenir d'exclusion de garantie du paiement par le tireur (C. mon. fin., art. L. 131-13); il ne peut pas non plus comporter de mention contraire au fait qu'il est payable à vue (C. mon. fin., art L. 131-31, al. 1"'). Et si l'une de ces mentions interdites était apposée sur un chèque? Cela n'en entraînerait pas la nullité. Simplement, la clause serait réputée non écrite (C. mon. fin., art. L. 131-5, al. 1"', :ut. L. 131-8, art. L. 131-13, et art. L. 131- 31, al. 1"'). § 2 Les conditions de fond Il est des conditions de fond pour l'émission d'un chèque qui sont subjectives. Elles concernent pour le dire autrement les personnes (A). D'autres sont objectives, en ce sens qu'elles ont trait à la provision (B). A. Les personnes Les personnes concernées par le chèque sont au nombre de trois: le tiré, le bénéficiaire et le tireur - Il est une question qui concerne à la fois le tireur et le bénéficiaire : le chèque, instrument de paiement, peut- il être émis à des fins de garantie? En l'occurrence, le mécanisme repose sur l'accord en vertu duquel le chèque ne sera présenté au paiement que si un certain événement se produit (inexécution d'une obligation, survenance d'un dommage, etc.). Les textes n'écartent pas expressément cette hypothèse, mais ils ne l'envisagent pas non plus. Le risque principal est que le bénéficiaire encaisse le chèque avant que l'événement convenu se soit produit Pour protéger le tireur, la jurisprudence admet qu'il puisse remettre au bénéficiaire un chèque non daté, en convenant avec lui que ce chèque ne sera encaissé qu'après l'ajout d'une date (Corn. 22 sept. 2015, n° 14- 17.901, RTD corn. 2016. 168, obs. D. Legeais). Surtout, elle décide que le bénéficiaire doit restituer la somme encaissée si le paiement était indu (Civ. 1 , 6 janv. 2011, n° 09-71.400). Cette question de la finalité du chèque s'est notamment posée à propos de la pratique des « chèques de casino », exigés parfois par les établissements de jeux pour garantir les pertes du joueur. Si, malgré la lettre de l'article 1965 du Code civil, qui exclut toute action pour dettes de jeu, la jurisprudence a rappelé que la tenue de jeux de hasard dans les casinos est autorisée et que le paiement par chèque y est donc admis (Cass., ch. mixte, 14 mars 1980, n° 79-90.154), elle a ultérieurement affirmé qu'en revanche l'action est fermée « s'il est établi que la dette se rapporte à des prêts consentis par le casino pour alimenter le je u » (Corn. 31 janv. 1984, n° 82- 15.904; Corn. 16 mai 2006, n° 04-13.225), même si les accords de commodité, tant que le chèque est utilisé comme instrument de paiement, sont possibles (Civ. 1 '", 3 mai 1988, n° 86-16.859, Bull. civ. I, n° 124). L’idée est simple: si le chèque est utilisé comme instrument de paiement des plaques de casino, il est valable; en revanche, s'il est utilisé comme moyen de garantir le remboursement des plaques et permet donc d'alimenter le jeu, il est interdit. Premièrement, diverses questions se posent au sujet du tireur. Le tireur ou, plus largement, toute personne qui remet un chèque en paiement, « doit justifier de son identité au moyen d'un document officiel portant sa photographie » (C. mon. fin., art L. 131-15). Le tireur ne doit pas faire l'objet d'une interdiction d'émettre un chèque. On a déjà vu précédemment que le Code monétaire et financier envisage une telle interdiction judiciaire (art. L. 163-6, al. 3). D'autres hypothèses sont régies notamment par le Code pénal (C. pen., art 434-41 et les dispositions auxquelles il est fait renvoi). Le tireur doit être consentant, ce qui se manifeste par la signature du chèque. Cela pose le problème de l'authenticité de cette signature. A cet égard, la jurisprudence distingue selon que le chèque était faux dès l'origine ou a été falsifié. Pour le chèque faux dès l'origine, il y a une responsabilité objective de l'établissement bancaire, fondée sur le droit du dépôt: il n'est pas libéré de son obligation de restitution vis-à-vis de son client et devra rembourser (jurisprudence constante, v. par ex. Corn. 26 nov. 1996, n° 94-19.071; comp. Civ. 1 , 25 févr. 2010, n° 08-21.484), sauf preuve par la banque de la faute du tireur (Corn. 9 juill. 1996, n° 94- 17.119, Bull. civ. IV, n° 202), par exemple si le chéquier était laissé à disposition du falsificateur. En revanche, pour le chèque falsifié (qui était valable à l'origine, mais détourné), ce sera au tireur de prouver la faute du tiré (Corn. 15 juin 1993, n° 91-15.431, Bull. civ. IV, n° 239): on applique le droit commun. Le tireur doit avoir la capacité de réaliser l'opération en vertu de laquelle le chèque est émis. Pour connaître les règles applicables, il faut donc se référer au droit commun (C. dv., art 388 s.). Le Code monétaire et financier précise simple- ment que si le chèque porte des signatures de personnes incapables de s'obliger par chèques, les obligations des autres signataires n'en sont pas moins valables (art L. 131-11). Outre la capacité, le tireur doit avoir le pouvoir d'émettre un chèque. Diverses situations peuvent être distinguées. D'abord, il se peut que le chèque soit émis par un mandataire ou par un représentant légal. Si cette personne est en réalité dépourvue d'un pouvoir de représentation ou si elle dépasse ses pouvoirs, elle est personnellement obligée en vertu du chèque (C. mon. fin., art. L. 131-12). Ensuite, la Cour de cassation a décidé que le cotitulaire du compte n'est pas tenu solidairement avec le tireur du chèque envers le bénéficiaire de celui-ci (Corn. 8 mars 1988, n° 86-10.733, Bull. dv. IV, n° 102). Ensuite encore, en application de l'article 221 du Code civil, chaque époux, qui peut se faire ouvrir sans le consentement de l'autre un compte de dépôt est réputé avoir la libre disposition des fonds déposés, y compris naturellement par chèque. Enfin, en cas d'ouverture d'une procédure collective à l'encontre du tireur, le pouvoir d'émission d'un chèque variera selon les cas (C. corn., art. L. 610-1 s.). Observons simplement que « sont inopposables à la procédure collective d'un débiteur, dessaisi du droit de disposer de ses biens en raison de sa mise en liquidation judiciaire, les émissions de chèques ainsi que les virements effectués à partir d'un compte bancaire personnel ou joint » (Corn. 3 nov. 2010, n° 09-15.546, Bull. civ. IV, n° 163). Deuxièmement seules certaines personnes peuvent avoir la qualité de tiré d'un chèque. C'est l'article L. 131-4, alinéa 1 du Code monétaire et financier qui en donne la liste: un établissement de crédit un prestataire de services d'investissement autre qu'une société de 11estion de portefeuille, le Trésor public, la Caisse des dépôts et consignations, la Banque de France. Cette liste est limitative: les titres tirés sous forme de chèques sur toute autre personne « ne sont pas valables comme chèques » (C. mon. fin., art. L. 131-4, al. 4). Ce à quoi s'ajoute une amende maximale de 6% de la somme pour laquelle le chèque est tiré, laquelle peut être, prononcée à l'encontre de celui qui tire un chèque sur une personne qui ne figure pas dans la liste (C. mon. fin., art. L. 131-69). Par ailleurs, encore f au t-il qu'au moment de la création du titre, le tiré ait des fonds à la disposition du tireur et qu'une convention expresse ou tacite entre les deux autorise le tireur à disposer de ces fonds par chèque (C. mon. fin., art. L. 131-4, al. 1"'). Troisièmement, et enfin, toute personne peut en principe être bénéficiaire d'un chèque. Certaines situations particulières appellent quelques précisions. Le bénéficiaire doit avoir la capacité de recevoir le paiement que l'émission du chèque réalise. Cela dit lie paiement fait à un créancier dans l'incapacité de contracter est valable, s'il en a tiré profit (C. civ., art 1342- 2, al. 3). Certes, un époux peut être privé du pouvoir de recevoir seul un paiement en raison du régime matrimonial applicable (v. par ex. C. civ., art. 1424). Mais la jurisprudence décide qu’en vertu de la présomption prévue à l'article 221 du Code civil, un époux peut encaisser seul, y compris sur son compte personnel, le montant d'un chèque (Corn. 21 nov. 2000, n° 97-18.187, Bull. dv. IV, n° 177). Un chèque peut être émis au profit de plusieurs bénéficiaires à la fois, par exemple des cocréanciers ou des indivisaires. En pareil cas, l'encaissement du chèque suppose le consentement de chaque bénéficiaire, sauf circonstances particulières permettant de tenir un tel consentement pour acquis (Corn. 27 nov. 2019, n° 18- 11.439). Bien que cela ne constitue pas une condition d'émission à proprement parler, ajoutons ici que lors de !la remise d'un chèque pour le paiement d'un bien ou d'un service, le bénéficiaire peut interroger la Banque de France pour vérifier la régularité de l'émission. Concrètement, la consultation du Fichier national des chèques irréguliers (FNCI) s'effectue au travers d'un portail en ligne appelé « Vérifiance ». L'origine de ces demandes donne lieu à enregistrement (C. mon. fin., art L. 131-86), et la conservation ou la diffusion des informations sont sanctionnées pénalement (C. mon. fin., art L. 163-12). B. La provision La provision peut être définie comme la créance de somme d'argent du tireur sur le tiré, laquelle permet au premier d'émettre un chèque d'un montant égal ou inférieur à cette somme d'argent La provision doit présenter plusieurs caractères. D'abord, elle doit être préalable à l'émission du chèque (C. mon. fin., art. L. 131-4, al. 1"'). Toutefois, l'émission d'un chèque sans provision n'est pas sanctionnée en elle- même: c'est la présentation au paiement_