Agir contre le Décrochage Scolaire : Rapport 2013 PDF

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2013

Anne Armand, Philippe Lhermet, Claude Bisson-Vaivre, Didier Bargas, Bernard André, Joël Goyhenex, Pierre Saget, Anne Vibert, Jean-Claude Ravat, Philippe Sultan, Alain Taupin

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décrochage scolaire éducation pédagogie enseignement

Summary

Ce rapport français de 2013 analyse le décrochage scolaire et propose des solutions. Il explore les facteurs externes et internes du phénomène et étudie des approches internationales, à la recherche d'une approche intégrée et efficace pour la prévention du décrochage scolaire en France.

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Rapport - n° 2013-059  Juin 2013 Inspection générale Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale de l’Éducation nationale et de la Recherche Agir contre le décrochage scolaire : alliance éducative et appro...

Rapport - n° 2013-059  Juin 2013 Inspection générale Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale de l’Éducation nationale et de la Recherche Agir contre le décrochage scolaire : alliance éducative et approche pédagogique repensée Rapport à Monsieur le ministre de l’Éducation nationale Madame la ministre déléguée chargée de la réussite éducative MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE MINISTÈRE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE _____ Inspection générale Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale de l’éducation nationale et de la recherche _____ _____ Agir contre le décrochage scolaire : alliance éducative et approche pédagogique repensée Juin 2013 Anne ARMAND, coordinatrice Philippe LHERMET, coordinateur Claude BISSON-VAIVRE, coordinateur Didier BARGAS Bernard ANDRÉ Christian FLORECK Joël GOYHENEIX Jean-Claude RAVAT Pierre SAGET Philippe SULTAN Anne VIBERT Alain TAUPIN Inspecteurs généraux Inspecteurs généraux de l’administration de l’éducation nationale de l’éducation nationale et de la recherche SOMMAIRE Introduction.............................................................................................................................. 1 1. Pourquoi lutter contre le décrochage ?.......................................................................... 2 1.1. Un défi majeur de société qui n’épargne aucune nation................................................ 2 1.1.1. Un processus complexe........................................................................................................................ 4 1.1.2. Les facteurs externes............................................................................................................................ 5 1.1.3. Les facteurs internes............................................................................................................................ 8 1.2. Des exemples étrangers de politique de prévention du décrochage............................. 13 1.2.1. La prévention du décrochage au Québec : la persévérance scolaire................................................ 13 1.2.2. Les Pays-Bas et le programme BEST (Behaviour and Education Support Teams)........................... 14 1.2.3. Un outil importé pour l’aide à la prévention du décrochage : le LYCAM......................................... 15 1.3. Une réponse française inspirée des expérimentations étrangères : les programmes de réussite éducative (PRE).......................................................................................................... 16 2. Mieux connaître l’absentéisme et le décrochage......................................................... 18 2.1. La lutte pour l’assiduité scolaire.................................................................................. 18 2.1.1. Les données nationales : une tendance à la baisse de l’absentéisme................................................ 18 2.1.2. L’absentéisme est souvent mal appréhendé localement..................................................................... 19 2.2. Les approches multiples de la mesure du décrochage.................................................. 24 2.2.1. Les données statistiques nationales et leurs limites........................................................................... 24 2.2.2. Le système interministériel d’échange d’informations (SIEI) : une réponse à perfectionner............ 26 3. Agir dès à présent pour les décrocheurs...................................................................... 28 3.1. Des instances de repérage dans les établissements scolaires....................................... 28 3.2. Les dispositifs-relais : des modalités à redéfinir.......................................................... 29 3.3. Le LATI (lieu d’accueil temporaire individualisé) : une expérimentation à exploiter 31 3.4. Les établissements scolaires publics innovants (ESPI) : une alternative pédagogique qui cherche encore sa voie........................................................................................................ 33 3.5. La mission générale d’insertion : redéfinir ses priorités.............................................. 35 3.6. Un nouveau dispositif : le Réseau Formation Qualification Emploi (FOQUALE)..... 38 3.7. Un exemple d’une démarche systémique : la Fondation des apprentis d’Auteuil....... 39 4. Prévenir le décrochage : engager le système dans une démarche globale................ 40 4.1. Les axes majeurs d’avancée......................................................................................... 40 4.1.1. Prise en compte de la personne chez l’élève...................................................................................... 40 4.1.2. Organisation d’un tutorat.................................................................................................................. 41 4.1.3. Aide scolaire spécifique..................................................................................................................... 42 4.1.4. Aménagement du temps scolaire........................................................................................................ 43 4.1.5. Professionnalités croisées autour de l’élève : des alliances éducatives............................................ 43 4.1.6. Des relations construites avec les familles........................................................................................ 44 4.2. Les freins identifiés...................................................................................................... 45 4.2.1. Des aspects de la formation des enseignants encore peu abordés..................................................... 45 4.2.2. Des sources de décrochage connues et mal prises en compte........................................................... 46 4.2.3. Une réelle difficulté à faire système................................................................................................... 47 4.3. Des leviers pour une prévention effective.................................................................... 48 4.3.1. Impliquer les inspecteurs dans le pilotage académique du dossier décrochage................................ 49 4.3.2. Agir conjointement entre vie scolaire et enseignants dans l’établissement....................................... 54 4.3.3. Fonder un véritable partenariat avec les associations complémentaires de l’école.......................... 57 4.3.4. Lire les signes d’un possible décrochage dans tous les phénomènes d’absence............................... 58 4.3.5. Prévenir le décrochage dans le quotidien au cœur de la classe........................................................ 61 4.3.6. Clarifier le discours institutionnel..................................................................................................... 69 Conclusion............................................................................................................................... 72 Tableau synthétique des préconisations............................................................................... 75 Annexes................................................................................................................................... 77 Introduction Depuis les années 1990, la question du décrochage scolaire est devenue prioritaire dans nos sociétés. La loi d’orientation de 1989 affirme que nul ne doit quitter l’école sans qualification. La terminologie a évolué et le concept du décrochage s’est imposé progressivement par transfert en France du terme utilisé au Québec. Il est malgré tout intéressant de noter qu’après avoir utilisé ce vocable, le Québec y a substitué celui d’« abandon » scolaire moins stigmatisant, car moins violent. Aujourd’hui, pour marquer encore plus nettement une orientation politique, on y utilise de plus en plus fréquemment le terme de « persévérance scolaire ». Nous sommes passés ainsi en quelques années d’une approche relativement passive selon laquelle l’élève était principalement responsable de son échec à une approche plus active qui veut prendre en considération, outre les causes extérieures du phénomène, les facteurs internes, propres à la formation initiale. Tous les acteurs de l’école sont toutefois loin de partager cette approche. À coup sûr, le sujet fait débat, renforcé depuis quelque temps par la publication d’une profusion d’ouvrages et essais divers1. À y regarder de près, chaque écrit reprend les contenus des précédents ou privilégie une autre entrée pour fonder son développement. Tout n’a sans doute pas été écrit sur ce sujet, mais beaucoup de choses l’ont déjà été. Sur les dix dernières années, la mission a recensé pas moins de cent soixante-cinq préconisations2 dans le champ des politiques publiques pour venir à bout du phénomène. Ce rapport n’a pas pour ambition ni d’analyser l’effet de ces préconisations ni d’ajouter une réflexion totalement nouvelle dans la multitude des actions en cours, mais il veut contribuer à faire évoluer l’approche de la prévention du décrochage en insistant sur le fait que des responsabilités sont d’abord à trouver et à exercer à l’école et que celle-ci doit collaborer mieux avec d’autres services publics. Le thème de notre mission nous a conduits à focaliser nos réflexions sur la prévention du décrochage scolaire, c'est-à-dire sur les actions qui, à l’école, visent ou tendraient à réduire ce phénomène. Si la lutte contre l’absentéisme est un des éléments de la prévention du décrochage, elle n’est pas la seule. À l’approche administrative qui a longtemps prévalu, notamment dans la lutte contre l’absentéisme, notre conviction est qu’il faut ajouter une démarche pédagogique et éducative globale seule en mesure de porter des fruits durables. Tous les pays développés sont confrontés au décrochage, parce que les facteurs externes aux systèmes éducatifs sont présents partout, mais l’intensité du phénomène varie selon les états et notamment en raison des facteurs dits internes, autrement dit de la dimension éducative et pédagogique apportée par le système éducatif lui-même. L’Union européenne a adopté une politique commune de réduction du taux des « sorties précoces » dans le cadre de « Europa 2020 ». Elle s’est fixé l’objectif de le réduire progressivement à une moyenne européenne de 10 % en 2020. 1 Annexe 1, bibliographie et état de la recherche. 2 Annexe 2, liste des préconisations. -1- La France a décidé d’atteindre, à cette échéance, le taux de 9,5 %3. Plus récemment, en 2012, le Président de la République a fixé comme objectif la réduction de moitié des sorties de formation initiale dans les cinq prochaines années. Comment faire évoluer nos pratiques actuelles pour atteindre cet objectif, c’est la question qui se trouve au centre de notre présente réflexion. Dans une première partie, nous aborderons les fondements de la prévention du décrochage, puis nous traiterons de la connaissance du phénomène dans une deuxième partie. En effet, sur ce point, les définitions divergent suivant les acteurs et une stabilisation s’impose. Dans une troisième partie, nous développerons les réponses de prévention à mettre en place ou à développer dans l’immédiat et dans une quatrième partie les actions à moyen terme à engager pour réduire de manière durable le décrochage. Cette trame explique nos choix méthodologiques. Les douze inspecteurs généraux qui ont assuré cette mission se sont rendus dans onze académies et ont focalisé leurs démarches sur les dispositifs mis en place dans certains établissements pour prévenir les décrochages. Ils se sont également entretenus avec des élèves décrocheurs, des personnels de direction, des équipes enseignantes et d’éducation, des représentants de collectivités territoriales et du milieu associatif dont les propos ont contribué à apporter une dimension qualitative aux seules données chiffrées. Ils ont également exploité les différents travaux menés parallèlement dans le cadre d’autres missions confiées aux inspections générales et relatifs à des questions qui recoupent fortement le thème. Il s’agit notamment des travaux sur l’échec scolaire, sur l’orientation, sur l’évaluation des élèves, sur la mise en place des réformes récentes de l’enseignement du second cycle ou de l’école primaire. Dans le rapport nous utiliserons le terme de décrocheur pour des élèves engagés dans un processus de décrochage afin de les distinguer des décrochés qui ont, du moins momentanément, rompu avec un dispositif de formation. La prévention du décrochage concerne donc ici des décrocheurs ainsi définis. 1. Pourquoi lutter contre le décrochage ? 1.1. Un défi majeur de société qui n’épargne aucune nation Le décrochage scolaire est une problématique commune à tous les systèmes éducatifs. Des programmes de prévention du décrochage et de raccrochage sont proposés dans tous les pays concernés. Pour mieux comprendre l’acuité du phénomène, et même si tous les sans-diplômes ne sont pas des décrochés, il faut avoir présent à l’esprit les quelques données suivantes : 3 Plan Agir pour la jeunesse de 2009. -2- – en France comme à l’étranger, les sans-diplômes sont surexposés au chômage quel que soit leur âge, mais plus encore quand ils sont jeunes. Selon l’INSEE, en France, le taux de chômage des sans-diplômes est environ deux fois plus élevé que celui des diplômés et cette surexposition au chômage est accentuée quand la conjoncture se dégrade4 ; – quel que soit leur âge, les sans-diplômes sont davantage employés en contrats à durée déterminée, en temps partiel subi, en emploi peu qualifié5 ; – les sans-diplômes sont surreprésentés dans les effectifs traités par le système judiciaire6 ; – ils présentent un état de santé dégradé par rapport à la population diplômée7 ; – les enfants des décrocheurs présentent une plus grande probabilité d’être eux- mêmes sans diplôme8 ; – des études canadiennes ont montré que les sans-diplômes présentent une moindre capacité à participer à la vie en société9. En synthèse de ce tableau, quitter le système éducatif sans qualification, et a fortiori sans diplôme, constitue un drame national dont les effets sont aussi à évaluer sur les générations futures. Prévenir le décrochage scolaire doit donc s’assumer comme un projet de société. Un récent travail conduit au niveau européen sur le coût des NEET10 (Not in Employment, Education and Training students) met notamment l’accent sur les jeunes décrocheurs. En 2011, en Europe, on recensait 7 469 100 jeunes de 15 à 24 ans considérés comme NEET soit 12,9 % de la classe d’âge concernée, ce pourcentage variant d’un état membre à un autre : 3,8 % aux Pays-Bas, 14,3 % au Royaume-Uni et plus de 18 % en Italie ou en Espagne ; la France se situe plutôt au milieu de la série, y compris sur la classe d’âge réduite aux15-19 ans où le pourcentage est de 6,1 % contre 8,5 % au Royaume-Uni, 11,1 % en Espagne et 11,7 % en Italie, mais seulement 1,9 % aux Pays-Bas. L’Union européenne a évalué le coût des NEET pour les collectivités nationales en développant une méthode de calcul qui inclut les coûts induits par la prise en charge par les finances publiques, des aides sociales liées au chômage et à la non-insertion ou la sous- insertion sur le marché du travail, à la prise en charge par la collectivité de couvertures sociales diverses, etc. ainsi que le manque à gagner en termes de revenus, d’impôts, de taxes 4 Source : Insee, enquêtes Emploi du 1er au 4e trimestre 2010 ; Investing in Education – Smyth et McCoy, 2007 – BCG/MENJVA. 5 Sources : Insee, enquêtes emploi 2009 ; Trésor Eco septembre 2011, repris par BCG/MENJVA. 6 Sources : "Savoir pour pouvoir: entreprendre un chantier national pour la persévérance scolaire" – Canada, 2009 ; Ministère de la Justice, 2005, repris par BCG/MENJVA. 7 Sources : données publiques canadiennes ; Investing in Education – Smyth et McCoy, 2007. 8 Sources : Insee, Economie et statistique n°443, 2011 ; Investing in Education – Smyth et McCoy, 2007 repris par BCG/MENJVA, repris par BCG/MENJVA. 9 Source: "Savoir pour pouvoir: entreprendre un chantier national pour la persévérance scolaire" – Canada, 2009, repris par / BCG-MENJVA. 10 Eurofound (2012), NEETS – Young people not in employment, education or training : Characteristics, costs and policy responses in Europe, Publications Office of the European Union, Luxembourg. Jeunes sans emploi, ni scolarisés, ni en formation : caractéristiques, coûts et réponses en Europe – Bureau des publications de l’Union européenne, Luxembourg. -3- diverses, de contributions sociales (public finance income), ceux-ci étant réduits ou ne pouvant être prélevés du fait d’une base de calcul faible ou inexistante (resource income). En s’attachant à émettre les réserves nécessaires à toute forme d’extension ou de généralisation, on peut y lire ici une approche du coût du décrochage. Sans entrer dans le détail du calcul, la perte pour les États membres a été estimée pour l’année 2008 à 2,3 milliards par semaine. En se fondant sur ce calcul, le coût économique des NEET dans l’Union était alors de 119,2 milliards d’€ en 2008 soit 0,96 % du PIB et est passé à 153 milliards en 2011 soit 1,21 % du PIB européen. Il serait de 1,1 % du PIB français avec un coût global de 22,1 milliards et n’était que de 0,92 % du PIB en 2008 ; ce qui, en 2011, est beaucoup plus que l’Allemagne (15,4 milliards et 0,60 % du PIB) ou que les Pays-Bas (3,9 milliards d’euros soit 0,66 % du PIB). Par ailleurs les études conduites en lien avec la Direction générale de la modernisation de l’État ont pu montrer que : le décrochage représente un manque à gagner important (salarial pour l’individu, fiscal pour la collectivité) et engendre des dépenses supplémentaires en termes de santé et de prestation sociale ; ainsi, le coût estimé d'un décrocheur pour la collectivité tout au long de sa vie varie entre 166 000 € et 306 000 € selon différentes études anglo-saxonnes (États-Unis et Canada). En se fondant sur les données actuelles, dont on verra en deuxième partie qu’elles sont à préciser et à considérer avec prudence, et si aucune action n’était menée, le nombre d’élèves ayant décroché augmenterait de 700 000 en cinq ans (140 000 décrocheurs de plus par an)11. En France, le coût du décrochage est estimé entre 220 000 et 230 000 euros12 par décrocheur tout au long de sa vie. Dans l’hypothèse ci-dessus, ce sont 154 milliards d’euros qui seraient ainsi hypothéqués (220 000 x 700 000). L’atteinte de l’objectif de diminution en cinq ans de moitié des sorties sans diplôme doit permettre de réduire cette charge de 77 milliards d’euros. Ces chiffres bruts, qui peuvent apparaître « violents » au lecteur, ne prennent pas en considération le préjudice moral et les effets induits sur le plan de la confiance et de l’estime de soi qui, dans un contexte humaniste, ne sont malheureusement pas comptabilisés. 1.1.1. Un processus complexe La diversité des définitions et des approches montre combien le phénomène est complexe et les conséquences lourdes et durables pour les jeunes qui en sont victimes. Le décrochage n’est pas la production d’un instant : c’est un processus qui s’alimente de causes diverses, tout au long du temps de la scolarité du jeune. Et si tous les absentéistes ne sont pas décrocheurs, l’absentéisme est un des symptômes essentiels du décrochage. En repérant les facteurs qui peuvent expliquer le processus, on peut mieux travailler au maintien du jeune dans ses apprentissages et, de fait, on intervient sur la réduction de l’absentéisme. 11 Source DGESCO. 12 Source BCG/MEN. -4- Si l’approche quantitative du phénomène mérite que le débat s’appuie une fois pour toutes sur des bases fiables et partagées, la littérature très fournie et les recherches nombreuses convergent sur les causes. En décembre 2009, l’INRP, devenu depuis Ifé, a synthétisé les connaissances et les résultats de la recherche et a dressé une liste des facteurs. Nous en reprenons ci-dessous l’essentiel, validé par le contenu des entretiens que les membres de la mission ont conduits. 1.1.2. Les facteurs externes Ils sont ceux sur lesquels l’école a peu voire n’a pas de prise mais qui sont connus par elle ; ces facteurs sont ou gagneraient à être pris en considération dans les approches correctives, préventives et éducatives.  L’âge des élèves Le décrochage s’accroît avec l’âge. Captifs à l’école primaire, des élèves s’éloignent progressivement des apprentissages scolaires au fur et à mesure de leur développement. Des « décrochés » ont affirmé à la mission que tout allait bien à l’école primaire, que les résultats y étaient même bons mais que, chemin faisant, les rencontres avec d’autres jeunes, l’attrait d’autres groupes de pairs constitués autrement que sur la proximité scolaire, proposant d’autres centres intérêts, ont été un facteur déclencheur du décrochage. L’apport du groupe externe à l’école était bien supérieur à l’intérêt présenté par le maintien dans la structure scolaire. Si le nombre de conseils de discipline peut être un des nombreux indicateurs expliquant ces ruptures, les entretiens avec les représentants des personnels de direction confirment que le niveau 4ème est particulièrement exposé. En outre, le phénomène de redoublement (maintien à l’école primaire ou redoublement au collège et en seconde générale et technologique) paraît être un des plus forts prédicteurs du décrochage au lycée13.  Le genre Toutes les statistiques montrent que les garçons sont plus exposés au décrochage scolaire que les filles. Les statistiques européennes révèlent que dans la population globale des NEET, la tranche d’âge des 15-19 ans (tranche d’âge qui rejoint la problématique confiée à la mission) alimente le nombre global à hauteur de 7,3 % pour les garçons et 6,6 % pour les filles et cela dans la quasi-totalité des États membres de l’Union. Cependant cette différence s’inverse aux âges ultérieurs, davantage de jeunes femmes s’éloignant du marché de l’emploi et de l’insertion professionnelle. Ainsi, le taux de NEET est de 19,4 % pour les femmes chez les 20-24 ans et 17,1 % chez les hommes. À ce stade du constat, il importe donc à la fois de réfléchir à la situation des garçons au cours de la période de scolarité et de formation initiale et de préparer l’avenir des filles plus fragilisées au regard de l’entrée dans l’emploi. 13 Rumberger 2008 in INRP déc. 2009. -5-  Les conditions économiques et sociales et la précarité de certaines familles Si des exemples viennent indiquer que, même dans des milieux familiaux plutôt favorisés, le processus de décrochage d’élèves peut s’installer, les conditions économiques ont des effets sur les rapports de l’élève à l’école et aux apprentissages. Dans certains territoires ou pour certains groupes, notamment parmi des familles issues de l’immigration récente, la question de la scolarisation et de la réussite scolaire des enfants n’est plus aussi centrale. Il a été également maintes fois confié aux membres de la mission que des jeunes filles puissent être amenées à quitter prématurément l’école ou à s’engager de fait dans un processus de décrochage, contraintes par des contingences familiales (garde des plus jeunes éléments de la fratrie par exemple). Enfin, les assistantes sociales ne manquent pas de relever localement des conditions de vie si précaires qu’il n’y a ni espace, ni moyens financiers à consacrer à l’étude pour mettre le jeune dans un processus de réussite. La difficulté sociale précède alors l’échec scolaire. Les « petits boulots » peuvent être considérés comme un facteur de décrochage parce qu’ils contribuent à créer une situation de fatigue et obèrent le temps consacré au travail personnel quand ils n’empiètent pas sur l’assiduité scolaire elle-même. Ces situations ne devraient pas être ignorées des enseignants comme des personnels en charge de la vie scolaire. Leur fréquence a été maintes fois évoquée à propos des élèves de lycée professionnel.  La structure familiale Faire de la structure familiale une des causes du décrochage est à envisager avec prudence. Si ce phénomène peut se rencontrer statistiquement dans des familles monoparentales, il n’est pas démontré que seule cette caractéristique expliquerait le décrochage de l’enfant. Les différends parentaux et les ruptures familiales sont aussi constitutifs d’histoires personnelles douloureuses que les enseignants n’ont pas forcément perçues à temps ou devant lesquelles ils se sont sentis démunis. Les conditions économiques et sociales brutales (licenciement d’un ou des deux parents, surendettement) peuvent entrer dans l’explication d’un processus qui s’est engagé à côté d’autres facteurs explicatifs.  L’organisation de l’accueil scolaire sur le territoire Cet aspect de la problématique se rencontre notamment dans les départements d’outre-mer. À titre d’exemple, la Guyane n’offrant que peu de places d’internats et les distances entre les lieux de vie et ceux de la scolarisation étant très longues à parcourir, des élèves affectés au lycée ou au lycée professionnel à l’issue du collège assurent la première partie du premier trimestre mais ne rentrent pas en classe après les vacances de Toussaint. Ce constat, proche de celui qui peut être fait dans des zones rurales éloignées de métropole où des raisons de transport voire parfois d’intégration difficile dans un groupe de pairs conduisent au décrochage, ou au mieux à la réduction des ambitions des élèves pour rester dans une formation de proximité. Ce phénomène ne concerne pas uniquement ce type d’espace, certaines métropoles peuvent également générer des difficultés de déplacement. Ainsi, à Marseille, les déplacements des élèves affectés en lycée professionnel du fait de la répartition des lycées sur le territoire de la commune sont considérés comme longs et cause de retard. Ils sont présentés comme un facteur de décrochage. -6- À ce stade du constat, il y a lieu d’être attentif à ne pas se limiter aux analyses et aux politiques qui ne traiteraient qu’un facteur pris isolément des autres ou qui s’adresseraient à un seul groupe de population sans voir l’interaction des éléments d’un système. Dans ce processus, des facteurs purement scolaires et internes à l’institution interviennent également et fortement.  La santé Les motifs d’absence pour raisons de santé sont les plus nombreux. Or l’absence, parce qu’elle génère un manque d’assiduité des élèves, est un facteur de décrochage. Mais au-delà de ce constat, il convient de donner toute sa place à ce facteur finalement mal connu et sous-estimé le plus souvent dans l’institution. Les résultats de l’enquête internationale Health Behaviour in School-aged Children (HBSC) montrent qu’au collège un tiers des élèves expriment des plaintes multiples et récurrentes14. On considère habituellement ces plaintes comme structurelles à l’adolescence et elles n’ont pas forcément de caractère pathologique. Mais elles affectent réellement la vie des élèves et ne devraient pas être négligées par les enseignants. Sur trente-neuf pays, la France arrive en dixième position quant à la fréquence élevée de ce syndrome de plainte. Toutes les infirmières d’établissement confirment qu’une proportion importante d’élèves exprime un mal-être. Ce mal-être conduit parfois à une prise de médicaments qui, elle-même, peut se traduire par des attitudes mal ressenties par les enseignants : fébrilité comme endormissement. Environ 19,2 %15 des élèves sous obligation scolaire déclarent être porteurs d’un handicap ou d’une maladie chronique et bien sûr leur scolarité en subit des conséquences, notamment s’il n’en est pas tenu compte dans l’aménagement des apprentissages. L’augmentation, dont il faut se féliciter, du nombre d’enfants en situation de handicap scolarisés doit nous conduire à réfléchir pour eux à leur insertion professionnelle et donc à leur accès à notre système d’examen. La situation au regard des diverses pratiques addictives (tabac, alcool et drogues16) n’est pas satisfaisante même si des progrès ont été enregistrés s’agissant du tabac. Lors de nos rencontres, il nous a été signalé très souvent qu’une addiction relativement nouvelle aux jeux en réseau sur internet conduit certains élèves à réduire de manière dangereuse leur temps de sommeil, ce qui a des conséquences sur leur attitude et leur concentration en classe. 14 Source La santé des collégiens en France, 2010 Emmanuelle Godeau, Félix Navarro, Catherine Arnaud. Edition INPES. www.inpes.santé.fr. 15 Source La santé des collégiens en France, ouvrage cité, enquête 2010, page 96 et suivantes. 16 La France occupe le 4ème rang pour l’usage du cannabis à 15 ans après le Canada, l’Espagne et les Etats-Unis. Par contre s’agissant de l’alcool, la fréquence de l’ivresse à 15 ans nous classe à la 28ème place sur 38 états. Source enquête HBSC 2010. -7- 1.1.3. Les facteurs internes  L’orientation En novembre 2012, une estimation des résultats déterminée en comparant les listes des élèves inscrits entre juin 2012 et octobre 2012 dans les établissements scolaires a mis en avant les données suivantes17 : Répartition par tranche d’âge des décrocheurs : Tranche d’âge 16 ans 17 ans 18 ans 19 ans 20 ans 21 ans et plus Total En % 24 % 19 % 22 % 19 % 10 % 6% 100 % Répartition par cycle scolaire d’origine Origine Répartition PREMIER CYCLE 17,1% SECOND CYCLE GT 28,2% SECOND CYCLE PRO 49,0% Autre (enseignement spécialisé, classe d’accueil…) 5.8% Le décrochage est un phénomène qui, le plus souvent, intervient dès la fin de la scolarité obligatoire et concerne plutôt les garçons. Majoritairement, il se manifeste dans la voie professionnelle et s’il ne touche pas tous les élèves de cette voie qui conduit dans une proportion importante les élèves à la réussite, les élèves entrant en première année de CAP en sont tout particulièrement victimes. Mais pour autant le second cycle GT est également concerné. Le décrochage est communément associé, notamment dans les déclarations des décrochés, à une orientation subie plutôt qu’à une orientation choisie. De fait, on constate partout un écart entre les demandes des élèves et les capacités de formation prévues. Ce décalage est à l’origine des insatisfactions exprimées par les élèves qui ne peuvent pas comprendre pourquoi ils n’obtiennent pas la formation souhaitée là où ils l’ont souhaitée. La mise en accusation du processus d’orientation porte principalement sur le choix de la formation dans la voie professionnelle et plus rarement sur le premier niveau du choix : seconde générale et technologique / seconde professionnelle. Cela ne saurait pour autant être satisfaisant car, dans ce premier niveau, ce sont plus souvent les notes reçues par les élèves 17 Source DGESCO – Séminaire national de lancement du dispositif "Objectif formation-emploi" pour les jeunes décrocheurs – 4 décembre 2012- Dossier de presse. -8- que leurs véritables aspirations qui président à l’orientation. Les compétences des élèves, que le socle commun devrait pourtant contribuer à mettre en valeur, sont trop souvent encore ignorées. De plus, quand elles ne sont pas validées en fin de troisième, elles ne le sont pas ultérieurement. Malgré tout, la véritable interrogation, ou plus exactement le véritable point de crispation, porte davantage sur le deuxième niveau du choix, une fois opté pour la voie professionnelle, c'est-à-dire pour la formation à choisir. C’est davantage d’ailleurs une question d’affectation et d’adéquation de la demande à l’offre de places disponibles dans une formation donnée qu’une question d’orientation. On aboutit très vite à une orientation vécue comme forcée pour des questions de capacité d’accueil. Contrairement à la seconde générale qui laisse au moins une année supplémentaire pour parachever le projet de formation, le choix de la formation en voie professionnelle doit être fait dès le milieu de la classe de troisième, pour prendre en compte les procédures d’affectation. Beaucoup de nos interlocuteurs ont évoqué le fait que, en raison de la diminution du redoublement, ce choix doit être effectué plus tôt que par le passé, et bien avant l’âge de quinze ans, pour nombre d’élèves dont les capacités n’ont pas été évaluées à un niveau tel qu’ils pourraient aller en seconde générale et technologique. Finalement, on demande à l’élève en difficulté de se déterminer plus tôt que ceux dont les facilités reporteront plus tard l’instant du choix. Par ailleurs, si, entre orientation choisie et affectation non réalisée, la déception ressentie par les élèves peut précipiter le décrochage, il faut aussi admettre qu’une très grande majorité des élèves sont affectés sur leur premier vœu et que certains d’entre eux y décrochent malgré tout. Si, ponctuellement, des explications peuvent trouver leurs sources dans des facteurs externes (voir § 2.1), d’autres sont à puiser dans la méconnaissance des élèves sur les contenus et les attendus des métiers qu’ils ambitionnent. On peut légitimement alors s’interroger sur les effets de l’éducation à l’orientation. La méconnaissance des contenus des métiers, des formations et des modalités pédagogiques qui y sont développées pour parvenir à l’exercice de ceux-ci, reste encore patente en dépit des actions nombreuses développées sur le terrain et dont on ne voit pas toujours la cohérence et les objectifs visés. Il est vrai que les établissements scolaires se sont peu emparés du parcours de découverte des métiers et des formations (PDMF), poursuivant des rencontres formelles, inscrites dans un calendrier renouvelé annuellement (exemple forum des métiers, journées d’orientation) et n’introduisant pas un processus d’élaboration progressive auquel toutes les disciplines sont amenées à contribuer dans le cadre d’une politique d’établissement. Enfin, ces décrochages n’interrogent pas seulement l’amont. Ils interpellent aussi l’accueil des élèves affectés sur leur premier vœu qui n’y trouvent pas ce qu’ils sont venus y chercher, aussi bien que ceux affectés plus tardivement (à l’issue d’une deuxième voire d’une troisième commission, en septembre) ou sur un autre vœu.  Le décrochage cognitif Cet aspect est souvent sous-estimé mais il renvoie fortement au repérage et à la prévention. Ainsi, dès le premier degré, des élèves peuvent être présents en cours, assidus, sans pour -9- autant être entrés dans les apprentissages ni dans l’accrochage scolaire. Présents-absents, ils peuvent se faire reconnaître dans l’école mais oublier dans la classe, s’extrayant discrètement des apprentissages et s’éloignant progressivement des acquis. Des notions leur ont échappé ce qui contribue à leur faire perdre le fil d’une construction progressive des savoirs. Non repérés dès le premier degré, non diagnostiqués sur des questions de santé ou sur des besoins particuliers (précocité, dyslexie, dyscalculie, dyspraxie…) ces élèves constituent progressivement le vivier des décrocheurs et se révéleront comme tels au moment du passage d’un degré à l’autre. Si des conditions de décrochage s’installent dès le premier degré, des scolarités peuvent se dérouler en apparence normalement à l’école primaire, voire au collège, le processus de décrochage s’installant plus tardivement. Par exemple, des élèves décrochés ont fait savoir à la mission que leurs difficultés étaient apparues dès les premiers mois de la classe de seconde, faute de réponses à des questions de méthode posées, faute de sécurisation dans leurs parcours : « je ne savais pas comment faire », « je n’ai trouvé personne pour m’aider à faire le devoir » ou « alors que je travaillais chez moi le soir, était écrit sur mon bulletin “doit travailler davantage” ».  Le passage d’un cycle ou d’un degré à l’autre Chaque interlocuteur de la mission s’est accordé à dire que les moments de rupture dans la scolarité constituent des moments de forte fragilité. La polyvalence du maître à l’école primaire, sur lequel se centre la responsabilité des apprentissages mais aussi de la réussite de l’élève, laisse la place à une forme de répartition de la responsabilité entre plusieurs intervenants dès l’arrivée au collège. Certains de nos interlocuteurs ont parlé de dilution de la responsabilité. La multiplication des enseignants dès la classe de sixième met l’élève, de fait, en face de pratiques pédagogiques et d’exigences disciplinaires diverses aussi bien dans les modalités de travail et d’évaluation qu’au cours des démarches d’apprentissage auxquelles l’élève n’avait pas été confronté auparavant. C’est souvent la différence d’exigence dans les attentes des enseignants et le passage d’un travail guidé à un travail autonome qui assoient une difficulté qui, si elle n’est pas identifiée et traitée, ouvre la voie de l’abandon et du décrochage. Au lieu unique et sécurisé de la classe, se substituent des espaces diversifiés à l’affectation définie. Si les pairs se retrouvent plus facilement au collège du fait d’une sectorisation qui met en relation un collège et les écoles de son secteur de recrutement, le groupe de pairs éclate entre le premier et le second cycle du second degré. Il n’est pas rare de rencontrer des élèves dont les choix ont été guidés par la relation qui les relie à leurs camarades ou le plus souvent par la proximité de l’offre de formation qui évite que la rupture s’accroisse avec des déplacements longs, fatigants et parfois coûteux pour les familles. Au final, tout changement de cycle est un moment de forte insécurité qui exige vigilance de la part de l’équipe éducative pour ne pas exposer l’élève au risque du décrochage. - 10 -  La rigidité de l’organisation scolaire et les modalités d’évaluation. Ce sont deux dimensions qui ne peuvent être ignorées. Elles sont bien souvent présentées avant toute autre. L'organisation de l'école et la structuration en filières produisent du décrochage, car elles contribuent au « tri » des élèves. « La scolarité obligatoire est conduite dans l'idée que les élèves seront triés et le tri des élèves exclut toute idée de stratégie inclusive »18. Les interlocuteurs de la mission ont tous, à un moment ou à un autre, évoqué le caractère très démobilisateur, pour les élèves les plus fragiles notamment, de l’évaluation dont l’exploitation détermine leur cheminement dans une structure rigide. Si le redoublement a diminué, la pression du passage d’une classe à l’autre ou d’un cycle à l’autre est une constante dans le système éducatif et la politique des cycles instaurée en 1989 n’a pas atteint pleinement les objectifs qui lui étaient fixés. L’évaluation utilisée par les professeurs est « destructrice » a-t-on entendu à plusieurs reprises. Elle entrave la confiance et l’estime de soi. L’évaluation par les compétences introduite avec le socle commun de connaissances et de compétences est souvent considérée comme annexe ou venant s’ajouter plus ou moins artificiellement, pour répondre à la demande institutionnelle, à la seule évaluation quantitative des connaissances qui fonde culturellement l’approche de la valeur des élèves. Quoiqu’il puisse être souhaité, « tout se termine malgré tout par des notes, dit-on, le diplôme national du brevet, le baccalauréat et l’affectation par AFFELNET19 » 20. Par ailleurs, force est de constater que les passerelles introduites dans le cadre de la rénovation de la voie professionnelle et de la réforme du lycée ne fonctionnent pas ou sont utilisées de façon marginale, reléguant la notion de parcours à un concept écrit plus qu’à une réalité. Nous pensons qu’il convient également de s’interroger sur les dispositions en vigueur pour l’obtention des diplômes notamment pour les élèves en situation de handicap et pour ceux issus des CAP dits réservés. Leurs efforts pour développer leurs compétences et leur employabilité butent sur des régimes d’examen qu’il faudrait mieux aménager pour eux. Le volume horaire, qui rejoint l’organisation du temps scolaire et la problématique des rythmes, est souvent mis en avant comme contribuant au décrochage. Ainsi, un élève de 3ème qui suit l’option découverte professionnelle 3h doit assurer un horaire hebdomadaire de 31,5 heures auquel s’ajoute le temps de travail en dehors des cours. Soit l’établissement propose un encadrement (aide aux devoirs, études surveillées ou accompagnées, accompagnement éducatif) après la classe, soit l’élève trouve chez lui les conditions de quiétude pour réaliser ce temps, soit l’élève ni ne participe à l’un ni ne bénéficie de l’autre et il est plus vulnérable à l’échec. La réunion de ces conditions de travail après les cours n’est pas actuellement vérifiée. À cet effet, il est intéressant de relever qu’au moment où 18 Entretien avec les représentants du SNPDEN le 28 mars 2013. Voir ci-dessous quatrième partie, 3.5.2. Des changements pédagogiques de fond pour rendre la classe bienveillante, en particulier p. 63. 19 AFFectation des ELèves par le NET. 20 Voir ci-dessous partie 4, p. 60, « La notation à la française ». - 11 - l’accompagnement éducatif s’est mis en place en 2008, c’est l’aide aux devoirs qui a été plébiscitée (environ 70 % des demandes des familles).  Des programmes et des objets d’apprentissage dont le sens n’est pas toujours perçu par les élèves Nos interlocuteurs ont interrogé l’attachement fort à des programmes dont la construction ne prendrait pas en compte l’évolution physiologique et mentale des élèves. Des représentants des personnels de direction ont indiqué que les apprentissages sont unidimensionnels et d'abord marqués par les connaissances, sans tenir compte des étapes de développement des élèves. Les programmes ne tiennent pas compte des changements physiologiques, le niveau quatrième est emblématique à cet égard : c’est un « programme de cinquième + une année »21 comme si l’élève ne changeait pas fondamentalement à cette période de sa vie alors que nos interlocuteurs sont nombreux à dire que les changements physiologiques s’installent à ce niveau d’âge, influant sur les comportements et fatiguant des organismes auxquels on demande de poursuivre les apprentissages au même rythme. Des enseignants ont aussi regretté que des programmes ne prennent plus ou prennent moins en compte l’environnement auquel l’élève pourrait se rattacher, pour mieux comprendre l’utilité de maîtriser un concept. Le caractère abstrait des notions abordées rend plus complexe le travail de l’enseignant pour mettre en place des séquences qui pourraient ramener l’élève à des objets familiers afin qu’il s’en approprie les contenus plus aisément. À titre d’exemple, même si le programme de mathématiques en classe de CM2 prévoit que « la résolution de problèmes liés à la vie courante permet d’approfondir la connaissance des nombres étudiés, de renforcer la maîtrise du sens et de la pratique des opérations, de développer la rigueur et le goût du raisonnement », on constate que l’approche des nombres telle qu’elle est conçue confronte davantage l’élève à l’abstraction qu’à des situations concrètes auxquelles il peut faire référence. Enfin émerge un surinvestissement qui pourrait, en troublant la lisibilité du système, forcer les apprentissages à des âges où l’élève n’a pas atteint la maturité suffisante pour y entrer. Une forme de recherche de précocité s’installe dès l’école primaire 22 et l’attachement que des enseignants de grande section peuvent avoir à ce que leurs élèves sachent lire avant de quitter leur classe en est une illustration. Au sein de ce niveau, la différence de maturité des élèves peut creuser les écarts et faire entrer, de fait, les élèves les moins matures dans un sentiment de mésestime par rapport à ceux qui, plus matures, maîtriseraient mieux les rudiments de la lecture. Le même syndrome de précocité est perceptible dans la suite du cursus : manuels dépassant les programmes, programmes trop longs qui imposent une course contre le temps pour les finir. – Un recours abusif à l’exclusion Face à l’absentéisme croissant des élèves (absences perlées, retards réguliers), en proie à la montée des incivilités et aux actes de violence longtemps concentrés sur des territoires identifiés mais qui émergent également dans des zones non répertoriées comme à risques, face 21 Cf. note 14. 22 Cf. L’école maternelle – rapport conjoint IGEN-IGAENR – octobre 2011 – paragraphe 3.3.3.1 page 134. - 12 - à l’expression de souffrance de la part de personnels qui rencontrent des difficultés dans la gestion de leurs classes ou groupes, le système et ceux qui l’animent ont tendance à se protéger et à réagir. Alors que les procédures disciplinaires issues de la réglementation de 201123 avaient pour objectif de réduire le nombre d’exclusions définitives, c’est l’inverse qui s’est produit. Si les conseils de discipline ont été moins nombreux à se réunir, passant de 25 717 en 2009-2010, chiffre le plus élevé recensé, à 23 561 l’année suivante et 21 694 en 2011-2012, première année d’application de ces nouveaux textes24, ils se sont surtout réunis pour prononcer des exclusions définitives : 81,38 % des décisions en 2009-2010, 76,64 % en 2010-2011 et 85,01 % en 2011-2012. À cela s’ajoutent ou se superposent les exclusions temporaires de moins de huit jours qui ne font pas l’objet d’un recensement exhaustif. L’augmentation des exclusions de cours prend une dimension préoccupante selon les observations en établissements scolaires. Or tout ce qui met l’élève en dehors de la classe et de l’établissement l’engage dans un processus d’absentéisme et de décrochage d’autant que certains de ces exclus en font des stratégies d’évitement scolaire. Et le fait que personne ne se préoccupe de faire récupérer le temps perdu rend évident qu’il ne sert à rien de suivre le cours.25  Le climat scolaire Le harcèlement, la violence entre les élèves sont autant de facteurs qui doivent retenir l’attention des responsables de l’école. Parfois occultés ou minimisés, ils conduisent bien des élèves à fuir l’école. Ils entretiennent un contexte déstabilisant qui perturbe l’élève qui en est la victime. L’ensemble de ces facteurs alimente un processus complexe. Si l’approche de chacun des facteurs doit être assurée, chacun d’eux ne saurait être traité isolément. Ils doivent être pris en compte ensemble dans une politique globale. 1.2. Des exemples étrangers de politique de prévention du décrochage 1.2.1. La prévention du décrochage au Québec : la persévérance scolaire Le Québec a saisi cette problématique par cette entrée et est parvenu à des résultats positifs en faisant passer le taux d’abandon scolaire de 24 % en 1996 à 12 % aujourd’hui. Confrontées à des taux d’abandon scolaire particulièrement élevés à la fin des années 90, les autorités du Québec ont fait sortir du cadre strict de l’école la prévention du décrochage scolaire pour en faire également une problématique sociale qui interpelle l’ensemble des forces vives d’une région et implique toutes les composantes de la société, dont l’université, dans la recherche de solutions. Les facteurs externes et les facteurs internes exposés ci-dessus s’y retrouvent également. L’attribution d’un identifiant à chaque élève dès son entrée à l’école et qui le suit jusqu’à l’université, y compris quand il bénéficie de formation continuée à l’âge 23 Circulaire n° 2011-111 du 1er août 2011. 24 Source DGESCO. 25 Voir quatrième partie, § la prise en compte pédagogique de l’élève absent, p.56. - 13 - adulte, a permis de suivre des cohortes successives et de bien repérer des facteurs d’abandon. Surtout, les orientations choisies ont modifié sensiblement l’état d’esprit des acteurs économiques et sociaux et le concept positif de persévérance scolaire s’est substitué à la notion de lutte ou de prévention du décrochage. « L’école, j’y tiens ! » est un slogan qui fonde une stratégie publique nationale et une politique interministérielle dans lesquelles les soixante-douze commissions scolaires territoriales sont parties prenantes et engagées sur la réalisation d’objectifs contextualisés. La forte décentralisation de l’administration scolaire et la large autonomie laissée aux établissements pour trouver localement les solutions sont considérées comme éléments contribuant à l’amélioration des résultats. L’ancrage territorial des interventions et la volonté de ne pas limiter ni l’analyse ni la ou les actions aux découpages strictement scolaires renforcent l’efficacité car « si les stratégies scolaires contribuent largement à façonner le vécu des adolescents, se profilent derrière elles des canalisations qui contraignent leur propre avenir tout autant que celui de leur communauté. Somme toute, la convergence tient bien au fait que le milieu de vie contribue à différencier les élèves entre eux, le territoire devenant ici le reflet de leurs comportements et bien sûr aussi ceux des adultes qui ont la tâche de les accompagner et de les éduquer »26. Le plan engage des actions aussi bien dans le champ de la prévention primaire (aide aux familles) que dans le domaine de la chronobiologie, du sommeil, de la nutrition ou de l’aide aux élèves à distance (dispositif « Allo Profs ! »). Le travail sur l’estime de soi est considéré comme un élément majeur et déterminant et la formule « chaque jeune a besoin d’encouragement chaque jour » traduit une forme d’attention à porter à une école bienveillante et attentive au jeune pris dans sa globalité, notion qui a également émergé au cours des ateliers contribuant au diagnostic préparatoire à la loi de refondation. 1.2.2. Les Pays-Bas et le programme BEST (Behaviour and Education Support Teams)27 Les Pays-Bas ont fondé leur politique de prévention du décrochage, entre autres formes, sur la mise en place d’équipes multidisciplinaires (professionnels scolaires et médico-sociaux) dans les écoles avec des procédures de travail fixées : – réalisation d’un diagnostic et d’un repérage précoce ; – intégration des services scolaires et des services médico-sociaux pour travailler ensemble ; 26 Perron Michel, Veillette Suzanne, Morin Isabelle, « Persévérance scolaire, territorialité et mobilisation des acteurs : état des lieux au Québec », article paru dans la revue Administration et éducation n°2013-1, mars 2013. 27 Dr. Paul Downes - Extraits de Multi/Interdisciplinary teams for early school leaving prevention : Developing a European Strategy informed by international evidence and research – Research Paper for European Commission Network of Experts on the Social Aspects of Education and Training (NESET) (2011). - 14 - – accent porté sur le bien-être, le développement, le comportement positif et le niveau scolaire ; – mise en place de programmes de prévention. L’individualisation des accompagnements (« one child/family, one plan ») fonde le dispositif qui s’inscrit dans une programmation globale et cohérente sur un territoire, intégrant, dans une collaboration étroite (équipes d’écoles, ressources sanitaires, sociales, d’accompagnement des familles, services de soins, services locaux en charge de la jeunesse etc.) équilibrant diagnostics et prévention précoces, préventions et interventions ciblées, articulant politiques de santé, politiques de jeunesse, formation des personnels enseignants. Des formations intercatégorielles sont proposées pour une meilleure connaissance des rôles de chacun et la construction de programmes d’actions partenariales. L’intégration des responsables des équipes enseignantes voire d’enseignants eux-mêmes dans ce type d’équipes pluridisciplinaires au côté de travailleurs sociaux ou de représentants de la justice ou de la police se fait dans un cadre déontologique strict où les règles de confidentialité sont partagées. Le cas hollandais est emblématique des orientations qu’ont prises un certain nombre de pays européens en matière de prévention du décrochage scolaire. Dès 2009, l’Angleterre a bâti une politique volontariste de prévention du décrochage en la fondant également sur le travail en équipes pluridisciplinaires composées d’acteurs internes et externes à l’établissement scolaire. Au bout du compte, les pays confrontés à ce phénomène majeur privilégient tous un travail en équipes multidisciplinaires cohérent, conduit autour de la santé mentale, des alternatives à l’exclusion, de l’accompagnement des familles marginalisées, de la formation des enseignants à la résolution des conflits, à l’aide à la parentalité et à la maîtrise de la langue, à la prévention du harcèlement, à la promotion d’un climat scolaire positif. Des outils méritent d’y être repérés et empruntés. Parmi ceux-ci, nous avons retenu le LYCAM. 1.2.3. Un outil importé pour l’aide à la prévention du décrochage : le LYCAM28 Déjà ancien, le LYCAM (le LYCée ÇA M’intéresse) est un dispositif né au Canada dans les années 1990 et qui a fait son apparition en France au début des années 2000. Plusieurs académies s’en sont emparées et de nombreuses équipes d’établissement et de conseillers d’orientation psychologues en ont fait ou en font un outil de prévention du décrochage. À titre d’exemple, l’académie de Clermont-Ferrand met l’accent sur son utilisation dans sa politique de prévention Le LYCAM prend appui sur un questionnaire à objectif préventif. Il permet un recensement précoce des élèves susceptibles d'abandonner l'école et une mise en place d'actions en fonction du besoin de soutien repéré. Il s’adresse aux lycéens et plus particulièrement aux lycéens professionnels. L'objectif de ce recensement est de partir des difficultés des élèves, de leurs motivations, de leur vision personnelle de l'école. Le diagnostic peut être posé à un 28 Voir annexe 4. - 15 - niveau individuel ou collectif. Le conseiller d’orientation psychologue, en tant qu’expert, doit être impliqué à part entière dans l’analyse des résultats. L’intérêt d’un tel outil est qu’il centre le questionnement sur les facteurs qui ont un lien direct avec le cadre scolaire. Les réponses peuvent donc interpeller directement les équipes sur le champ de leur professionnalité. En mettant l’élève face au questionnement, en le faisant réfléchir à l’intensité de son ressenti, l’outil amène l’élève lui-même à réfléchir à ses propres solutions. Il peut découvrir ainsi qu’il se sous-estime souvent. Outil de positionnement de l’élève dans le contexte de vie scolaire, il n’est pas un outil de positionnement sur les compétences et les savoirs mais il complète ceux qui peuvent exister. Dans bien des situations, l’analyse du questionnaire contribue à expliquer des manques d’appétence scolaire et les résultats qu’il propose doivent être corrélés avec les savoirs. C’est aussi à partir des résultats que des groupes de paroles ou des ateliers d’accompagnement doivent être mis en place pour prolonger les apports de cet outil. Des établissements refondent leur groupe classe sur les caractéristiques qui ont émergé. Cependant, il faut surtout prendre garde que, comme bien des outils de positionnement, le LYCAM ne soit que l’outil d’un jour ou d’une séquence, sans lendemain organisé ou sans qu’il y soit fait référence à des moments réguliers de bilan. Comme tout outil de ce type, ses interprétations exigent également une formation préalable des acteurs et si les conseillers d’orientation psychologue y sont de plus en plus familiarisés, il y aurait avantage à former des professeurs principaux dans le cadre d’un plan de formation d’établissement. 1.3. Une réponse française inspirée des expérimentations étrangères : les programmes de réussite éducative (PRE) Dans son article 12829, la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 a créé des dispositifs de réussite éducative dont la philosophie s’inspire des principes développés au Québec. Après des débuts hésitants au cours desquels les acteurs se réfugiaient soit derrière des présupposés idéologiques, soit derrière des compétences propres, soit derrière des principes déontologiques qui faisaient obstacle au partage d’informations, les programmes de réussite éducative se sont progressivement imposés comme politiques éducatives de territoire associant les partenaires associatifs, les services compétents des collectivités locales et territoriales, les acteurs de l’éducation. 29 Article 128 : Les dispositifs de réussite éducative mènent des actions d'accompagnement au profit des élèves du premier et du second degrés et de leurs familles, dans les domaines éducatif, périscolaire, culturel, social ou sanitaire. Ils sont mis en œuvre dès la maternelle, selon des modalités précisées par décret, par un établissement public local d'enseignement, par la caisse des écoles, par un groupement d'intérêt public ou par toute autre structure juridique adaptée dotée d'une comptabilité publique. Les dispositifs de réussite éducative s'adressent prioritairement aux enfants situés en zone urbaine sensible, ou scolarisés dans un établissement relevant de l'éducation prioritaire. Chaque année, un bilan des dispositifs de réussite éducative est présenté à l'ensemble des partenaires y contribuant. - 16 - Les assises de la réussite éducative, qui se sont déroulées le 15 mai 2013 à l’initiative de la ministre déléguée à la réussite éducative, ont consacré plus que l’existence de ces programmes : elles ont reconnu leurs apports dans le cadre des politiques sociales tournées vers les plus jeunes et leurs familles. Alors qu’à l’origine les premières actions, soutenues par les orientations et les crédits de la politique de la Ville et de l’Agence de la cohésion sociale et de l’égalité des chances (Acsé), ont beaucoup mis l’accent sur des accompagnements collectifs, aujourd’hui l’ANARÉ (association nationale des acteurs de la réussite éducative), qui s’est donnée comme objectif de « positionner la réussite éducative au cœur des politiques éducatives locales » et de faire partager, au sein d’un réseau coordonné, les bonnes pratiques en la matière, déclare que désormais 60 % des actions ont un caractère d’individualisation. Une telle évolution suit le développement de la notion de parcours individualisé que les PRE se sont appropriées. Au-delà, des éléments majeurs doivent être mis en exergue comme caractérisant ces programmes et qui constituent comme des points d’appui des politiques de prévention du décrochage : – une politique de territoire sur lequel se mobilise l’ensemble des acteurs qui partagent la connaissance des contextes de vie ; – des formations intercatégorielles de territoires pour que les différents acteurs apprennent à travailler ensemble et à trouver la synergie dans leur complémentarité ; – une démarche de prévention qui privilégie l’accompagnement des parcours individuels et infléchit dans ce sens les politiques éducatives; à ce propos, l’Acsé a annoncé que désormais le bénéfice des PRE, jusqu’alors limité aux jeunes âgés de 2 à 16 ans, était étendu aux jeunes âgés de 16 à 18 ans. – une considération des jeunes et leurs familles comme acteurs de ces actions plutôt que de les enfermer dans un statut de bénéficiaire assisté, stigmatisant à terme ; – une continuité des parcours individuels qui transcende les degrés d’enseignement et contribue ainsi au gommage des zones de rupture dans la scolarité du jeune mais qui dépasse également les discontinuités des champs de compétences des collectivités. Ces différentes orientations présentes dans les débats qui ont eu lieu au cours des assises font l’objet d’un partage relativement consensuel. Il reste malgré tout deux points importants concernant les PRE qui n’ont pas encore été franchement réglés ni stabilisés : celui du pilotage du programme dont se sont emparées plutôt les municipalités, et la place ainsi que les modalités de participation des équipes enseignantes à ces programmes dans une complémentarité disciplinaire au sens donné par le programme BEST. Cela interroge l’école dans sa faculté à s’emparer de la question de la prévention du décrochage et de la mettre au cœur même de l’enseignement par des réponses pédagogiques adaptées. Ce sera l’objet de la quatrième partie. - 17 - 2. Mieux connaître l’absentéisme et le décrochage 2.1. La lutte pour l’assiduité scolaire Un contresens, souvent rencontré, repose sur la confusion entre le principe de l’obligation scolaire et celui de l’assiduité. En réalité en effet, c’est l’assiduité qui garantit la performance scolaire et c’est son contrôle effectif qui est de la responsabilité partagée entre les représentants de l’école et les parents. La mission a constaté30 par exemple que, dans le cadre de la mise en œuvre de la loi n° 2010-1127 du 28 septembre 2010 visant à lutter contre l’absentéisme privé dite loi Ciotti, des DASEN 31 limitaient son application aux élèves de moins de 16 ans « puisqu’eux seuls sont soumis à l’obligation scolaire ». Les chiffres sur lesquels nous reviendrons montrent à l’évidence qu’il y a une perception différente des obligations des élèves à partir de 16 ans. Cette idée courante est parfaitement contraire aux textes en application. Il est de la responsabilité du ministère de faire comprendre aux acteurs locaux que la priorité est le contrôle de l’assiduité et que celle-ci n’est pas fonction de l’âge mais découle de l’inscription de l’élève. Par ailleurs, il y a une tolérance de fait du non-respect de l’obligation scolaire par certaines familles. Ce phénomène est souvent cité pour les enfants des gens du voyage quand bien même ces familles sont sédentarisées de longue date. 2.1.1. Les données nationales : une tendance à la baisse de l’absentéisme Le ministère via la DEPP 32 publie chaque année une note d’information qui retrace les données de ses enquêtes annuelles sur l’absentéisme. Ces publications régulières permettent de retracer l’évolution du phénomène. Les informations se fondent d’une part sur une enquête annuelle directe auprès d’un échantillon d’un millier d’établissements du second degré public, et d’autre part sur une enquête mensuelle annuelle auprès des DASEN qui recensent pour le premier et le second degrés les signalements des cas d’absentéisme effectués par les écoles et établissements publics et privés sous contrat. Pour l’année 2011-201233, la note fait apparaître un taux d’absentéisme de 2,1 % dans les collèges publics ; de 5 % dans les lycées généraux et technologiques publics et de 12,5 % dans les lycées professionnels publics. Il s’agit de taux moyens qui recouvrent une réalité contrastée entre les établissements. Ainsi, la proportion moyenne des élèves absentéistes touche moins de 1,6 % des élèves dans la moitié des établissements mais dépasse 15 % dans un établissement sur dix. Il y a donc une grande dispersion de l’intensité du phénomène et des IEN-ET/EG 34 sont particulièrement surpris de la faible fréquentation des cours lors des inspections. Cette dispersion se vérifie entre les collèges comme elle se vérifie entre les lycées 30 Voir annexe 7, la note n° 2012-131. 31 Directeur académique des services de l’éducation nationale. 32 Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance. 33 Note d’information de la DEPP 13.01 février 2013. 34 Inspecteur de l’éducation nationale- enseignement technologique/enseignement général. - 18 - et entre les lycées professionnels. 25 % des EPLE 35 comptent moins de 0,3 % d’élèves absentéistes. L’absentéisme varie également au cours de l’année scolaire : dans les LGT36, par exemple, il a varié en 2011-2012 entre 2,7 % en septembre et 7,4 % en mars. La comparaison entre les taux moyens des dernières années fait apparaître une tendance à une décroissance du phénomène, plus marquée s’agissant des lycées professionnels. Si on prend comme référence le mois de janvier, réputé stable car il n’est pas affecté par des périodes de vacances, la proportion est passée de 6,6 % en 2009 à 6 % en 2010, 5,2 % en 2011 et à 4,8 % en janvier 2012. La DEPP s’intéresse également à l’absentéisme lourd dont la définition repose sur une absence non justifiée supérieure à 10 demi-journées dans un mois. Sur l’ensemble des EPLE, la moyenne se situe à 1 % des élèves et varie entre 0,3 et 0,5 en collège, 0,3 à 1,3 en LGT et 1,4 à 3,6 en lycée professionnel suivant les mois. En revanche, ce phénomène apparaît comme persistant dans le temps. Il connaît également une forte dispersion entre les EPLE. Ainsi, 50 % des EPLE ont un taux moyen d’absentéiste lourd inférieur à 0,3 %. En ce qui concerne l’enseignement privé, le pourcentage affiché de l’absentéisme des élèves signalés oscille entre 0,01 % et 0,02 %. Ces données ne nous paraissent pas fiables car elles sont en décalage complet avec celles remontant des établissements de l’échantillon national en ce qui concerne le second degré public. Elles traduisent plus vraisemblablement un décalage entre les pratiques de signalement qui ne devrait pas être accepté. La mission considère que les données statistiques nationales concernant l’absentéisme dans le second degré public en métropole37 sont fiables mais sujettes à caution s’agissant du premier degré et de l’enseignement privé sous contrat. Dans le premier degré public comme dans l’enseignement privé, les données doivent être fiabilisées. 2.1.2. L’absentéisme est souvent mal appréhendé localement Les données nationales insistent tout particulièrement sur le second degré mais à l’occasion de l’évaluation de la mise en œuvre de la loi Ciotti, la mission a relevé combien le premier degré devait être interpellé par les absences au-delà de la notion même d’absentéisme.  Une interprétation variable de la notion La notion d’absentéisme est elle-même à la source de cette grave confusion. La norme de quatre demi-journées par mois à partir de laquelle on mesure l'absentéisme a été fixée dès la loi du 28 mars 1882 sur l'école primaire obligatoire et s'est progressivement appliquée à l'ensemble de la scolarité primaire et secondaire. Elle ne prend en compte que les absences non justifiées et ne tient pas compte des autres absences justifiées ou encore des exclusions de 35 Etablissement public local d’enseignement. 36 Lycée d’enseignement général. 37 L’enquête auprès des EPLE ne porte que sur des établissements de métropole. Il nous semble qu’il est nécessaire de disposer d’informations pour les EPLE des DOM. Pour des raisons de continuité statistique, il faudra faire apparaître les données en distinguant France entière/ métropole et DOM. - 19 - cours. La note sur la mise en œuvre de la loi Ciotti a montré que cette norme officielle était diversement appliquée. Dans une même académie, un département prenait en compte la norme de quatre demi-journées quand son voisin l’avait fixée, lui, à dix demi-journées, comme traduisant l’absentéisme, en se fondant sur la distinction que la DEPP opère pour caractériser l’absentéisme lourd. Le décompte même de ces demi-journées pose problème. Il se peut très bien qu’un élève soit absent à la première heure de cours (retard par exemple) puis présent toute la matinée ou toute l’après-midi au regard de son emploi du temps. Dans ce cas, doit-on considérer qu’il est absent la demi-journée ou bien ne pas décompter cette absence non justifiée ? Or, les textes sont muets sur ce point, laissant cette appréciation aux écoles et aux établissements scolaires. Il en résulte, ici, une tacite admission que l’absence à un cours est tolérée et, là, une surestimation du volume réel des absences injustifiées. En 2008, le ministère a substitué à la notion d’absence non régularisée celle d’absence non justifiée. L’intention était louable car elle voulait mettre l’accent sur l’obligation de la justification et inciter les chefs d’établissement à en apprécier le bien-fondé. En réalité cette évolution n’a pas eu de conséquences durables.38 La mission préconise de mettre de l’ordre dans le contrôle administratif des absences. La norme des quatre-demi journées peut être conservée mais alors elle doit être la base unique du contrôle administratif et les absences inférieures à la demi-journée doivent être décomptées à part, ce qui est maintenant possible avec les logiciels de gestion des contrôles les plus en usage dans l’enseignement public du second degré.  Dans le second degré, une approche incomplète La mesure de l’absentéisme, les absences injustifiées au-delà de la norme des quatre demi- journées par mois, n’est pas à remettre en cause. Cependant, cette terminologie ne tient pas compte des autres absences, absences justifiées et absences provoquées par un comportement fautif de l’élève : exclusion de cours, exclusion temporaire de l’établissement ou, il faut aussi le reconnaître, soit parfois par un degré élevé d’intolérance de certains acteurs du système. Le fait de ne pas avoir « ses affaires » en cours justifie-t-il à lui seul une exclusion de cours qui pourra être comptabilisée comme une absence ? Ce qui pose problème pour un élève, c’est l’accumulation tout au long de l’année de ces différentes absences qui gênent sinon entravent ses apprentissages. La note précitée de la DEPP pour le second degré fait apparaître que, en moyenne, les élèves perdent 6 % de leur temps d’enseignement. Cette proportion varie suivant les mois au cours de l’année ; pour 2011/2012 entre 3,3 % et 8,5 %. Cette proportion varie également entre les types d’établissement : les collégiens perdent 5,3 % de leur temps d’enseignement, les lycéens en LGT 5,3 % et les lycéens de lycée professionnel 9,4 %. La part des heures perdues imputables aux seules absences injustifiées s’établit à 1,3 % en moyenne. Il y a donc 4,7 % en moyenne du temps d’enseignement qui est perdu pour d’autres causes que l’absentéisme 38 Voir annexe 7. - 20 - proprement dit. Cette moyenne recouvre évidemment des disparités fortes entre élèves qui doivent être traitées au niveau des établissements. La mission estime qu’il est impératif de se préoccuper du volume des absences sur le plan pédagogique et éducatif. Force est de constater que, si l’appareil statistique national donne des informations globales sur le phénomène, les acteurs locaux (écoles, EPLE, DASEN et recteurs) ne disposent eux, le plus souvent, d’aucun outil de pilotage pour connaître de plus près ce phénomène et en atténuer, autant que possible, les effets sur le parcours scolaire des élèves. La DEPP a engagé une démarche d’expérimentation prometteuse dans trois académies 39 , fondée sur les données enregistrées dans les EPLE au travers des logiciels de suivi des absences40. La DEPP souhaite à la fois fiabiliser les données de son échantillon national et alléger également la charge de cette enquête dans ces établissements. Il est révélateur que, dès le départ, ces trois académies ont opté pour une remontée systématique de leurs EPLE car elles ont vu dans cette nouvelle approche un moyen pour sensibiliser les établissements à la question des absences des élèves et certaines ont décidé d’intégrer cet indicateur dans leur dialogue avec les établissements. Une évaluation de cette expérimentation sera effectuée ultérieurement mais la mission considère qu’un progrès important est effectué pour aider les établissements à repérer en leur sein les élèves qui accumulent les absences et, subsidiairement, fournir les moyens d’une vision académique ou du moins départementale du phénomène. La généralisation devra d’abord passer par la conviction des acteurs car le syndrome SIGNA41 reste très présent dans l’esprit des personnels de direction. Il est donc extrêmement important d’associer les chefs d’établissement à l’analyse des données remontées et de les faire participer, au sein d’un bassin notamment, à la mise en place des solutions. Sur la base de son évaluation, il faudra envisager la généralisation progressive de cette fiabilisation des données en associant les personnels de direction à l’exploitation des données au plan local. Le dialogue de gestion doit être l’espace approprié pour cette association.  Dans le premier degré, une approche à repenser Si comme on l’a entendu parfois, on « raccroche » des élèves au collège, c’est qu’a priori, le décrochage a pu se faire en amont. En décrivant les dispositifs mis en place et en profilant les publics qui y sont accueillis, des équipes enseignantes et d’éducation ont bien souligné le fait que le symptôme qu’est l’absentéisme est apparu dès l’école primaire. S’il est peu évoqué lors des réunions d’harmonisation, il est souligné ultérieurement lors de rencontres moins formelles ou au moment d’un retour des premiers résultats de sixième vers l’équipe de l’école où des situations particulières d’élèves sont abordées. 39 Besançon, Orléans Tours et Strasbourg en 2012/13. 40 Une grande variété d’outils aux fonctionnalités voisines existent, les principaux sont : Pronote, Molière, Sconet absence…L’établissement extrait automatiquement de son fichier les données de l’enquête et ce fichier est importé mois par mois dans l’application nationale ADE. 41 Enquête nationale sur les faits de violence en milieu scolaire créée par la DEPP en 2001 et abandonnée en 2007. - 21 - Quand la mission a travaillé à la note relative à l’application de la loi Ciotti à l’automne 201242, il a été souvent opposé à ses membres que l’absentéisme n’était pas un phénomène qui touchait le premier degré ; mais en installant les procédures de signalements dès l’école primaire, sans exclure l’école maternelle, les directions des services départementaux de l’éducation nationale ont bien dû admettre que le sujet de l’absentéisme, certes à des niveaux bien moindres que dans le second degré, traversait aussi l’école primaire et parfois très tôt dans le parcours. L’enquête conduite par la DGESCO43 pour rendre le rapport au Parlement à l’issue de la première année de la loi Ciotti a mis en avant que, de janvier à septembre 2011 sur 51 126 premiers signalements, soit 0,43 % de la population scolaire totale, 4 712 concernaient des élèves de primaire, soit 0,07 % de l’ensemble des effectifs du primaire, mais 9,21 % des premiers signalements ; les avertissements adressés par les DASEN aux parents d’élèves du premier degré absentéistes représentaient 10,7 %, proportionnellement plus importants que pour le collège. Les deuxièmes signalements, tels qu’ils étaient prévus par la procédure, ne représentaient plus que 5,2 %, marquant ainsi une relative efficacité de cette procédure. Une analyse plus fine, conduite sur trois départements par l’inspection générale enseignement primaire au cours de l’année 2011-2012, a permis d’approfondir le phénomène et de mettre en lumière les indications suivantes. L’absentéisme touche plus particulièrement deux niveaux : le CP d’abord (dans le Rhône comme dans le Pas-de-Calais, entre 30 et 33 % des signalements d’absentéisme à l’école primaire concernent le CP, 28,3 % dans le Val-de- Marne) et le CM2 (de 20 à 25 % des signalements). Cette situation s’explique le plus souvent par le niveau de difficultés rencontrées : des difficultés dans l’apprentissage des fondamentaux qui conduisent un nombre plus élevé de maintien d’enfants au CP, des difficultés des familles à intégrer peut-être des règles plus strictes pour leurs enfants dès lors qu’ils entrent dans des apprentissages plus structurés en CM2 et des maintiens élevés dans le cycle 3 installant déjà une forme d’ennui scolaire chez certains élèves. Les inspecteurs généraux chargés du rapport sur le traitement de la grande difficulté scolaire en 2012-2013 considèrent que dès la grande section, les difficultés qui peuvent conduire au décrochage sont repérées par les maîtres. Difficultés dans le langage, déficiences cognitives légères, problèmes comportementaux que traduit une difficulté à se concentrer rejoignent les facteurs énoncés dans la première partie (corrélation significative avec les territoires sensibles, histoire personnelle et familiale complexe…). Le vrai défi, c’est que repérées, ces difficultés ne font pas pour autant l’objet d’un accompagnement coordonné voire d’une prise en charge efficace. Au plus les élèves qui en relèvent bénéficient-ils dans l’école d’aides extractives qui les éloignent sur un temps donné des apprentissages poursuivis par le groupe ou la classe. Ces difficultés peuvent être à l’origine d’un absentéisme que l’école primaire a peu mis au centre de ses préoccupations ces dernières années et rejoignent d’une certaine façon les explications données plus haut. 42 Voir annexe 4. 43 Direction générale de l’enseignement scolaire. - 22 - Si le décrochage peut prendre sa source au premier degré et si l’absentéisme en est un symptôme, il est donc urgent de se saisir de la problématique et d’y répondre. Deux ensembles de pistes doivent être étudiés : l’un, plus administratif, n’en exclut pas pour autant la visée éducative ; l’autre ensemble doit apporter des réponses à caractère pédagogique et, inscrites dans des parcours individualisés, celles-ci trouvent leurs places dans d’autres rapports en cours. Au plan administratif, les procédures existantes, banalisées et automatiques, n’ont pas permis de prendre la mesure de l’absentéisme au niveau de la circonscription, encore moins au niveau de l’école elle-même. L’organisation du premier degré entraîne des relations interpersonnelles fortes entre l’enseignant et les familles des élèves de la classe, de telle façon que les situations d’absentéisme sont souvent analysées en termes de surprotection, dans une recherche de bien-être et de sérénité par rapport à une forme de rigueur scolaire qui peut inquiéter les moins préparés. Certes, dans la procédure d’inspections individuelles, le registre d’appel est visé par l’inspecteur, qui en fait bien souvent mention dans son rapport mais ce document, dont les conditions et les modalités de renseignements sont variables d’une école à l’autre, ne fait pas l’objet d’une analyse précise. Le contrôle de la fréquentation scolaire dans le premier degré est pourtant codifié au même titre qu’elle l’est dans le second degré. L’article R. 131-5 du code de l’éducation 44 prévoit un registre d’appel, un signalement aux parents des élèves absents à toute activité organisée dans le temps scolaire y est précisé en face de chaque nom. Engageant la responsabilité de l’enseignant, le registre est toujours bien rempli mais là s’arrête le plus souvent le respect de l’obligation. Le contrôle mensuel, les analyses statistiques, l’exploitation des données qui pourraient justifier après coup des réponses ont été très inégalement voire pas du tout conduites par le passé, notamment dans les écoles de petite taille où la proximité de la famille et du maître est telle que si l’enseignant peut être interpellé et des solutions par lui trouvées, l’institution est mal informée. Cependant, des inspecteurs mentionnent parfois certaines anomalies fréquentes sur des territoires et des écoles où les départs en vacances sont anticipés et les retours retardés. Ils peuvent s’inquiéter des taux élevés d’absence pour maladie. Mais traitent-ils de l’absence ? Au plan administratif, la mission préconise que le cadre du contrôle de la fréquentation scolaire soit précisé. Ces points pourraient trouver leur place dans la circulaire que la DGESCO projette de diffuser : 44 Article R. 131-5. – Il est tenu, dans chaque école et établissement scolaire public ou privé, un registre d'appel sur lequel sont mentionnées, pour chaque classe, les absences des élèves inscrits. Tout personnel responsable d'une activité organisée pendant le temps scolaire signale les élèves absents, selon des modalités arrêtées par le règlement intérieur de l'école ou de l'établissement. Toute absence est immédiatement signalée aux personnes responsables de l'enfant qui doivent sans délai en faire connaître les motifs au directeur de l'école ou au chef de l'établissement, conformément à l'article L. 131-8. En cas d'absence prévisible, les personnes responsables de l'enfant en informent préalablement le directeur de l'école ou le chef de l'établissement et en précisent le motif. S'il y a doute sérieux sur la légitimité du motif, le directeur de l'école ou le chef de l'établissement invite les personnes responsables de l'enfant à présenter une demande d'autorisation d'absence qu'il transmet au directeur académique des services de l'éducation nationale agissant sur délégation du recteur d'académie. - 23 - – le règlement-type départemental doit être réécrit et la place de l’absentéisme mais aussi celle du traitement de l’absence doivent y être centrales ; – le signalement systématique à l’inspecteur de la circonscription doit être effectué pour qu’en établissant un tableau de bord, il puisse être en mesure de construire les contours d’une politique de lutte contre l’absentéisme avec les partenaires œuvrant sur le territoire de la circonscription ; – le règlement des écoles sera retravaillé en référence au règlement-type en partenariat étroit avec les parents. C’est d’ailleurs à ce moment que le traitement de l’absence doit être évoqué et que l’absence doit être abordée comme une question collective à l’école pour dépasser les relations interpersonnelles entre enseignant et parents : rôle du directeur, appel à l’IEN ou à l’équipe de circonscription ; – le règlement-type départemental et les règlements d’écoles sont actualisés régulièrement ; – une fois par an, le conseil d’école traitera du sujet de l’absentéisme et des mesures mises en œuvre ; – une fois par an le CDEN 45 traitera de l’absentéisme dans le premier et dans le second degré mais aussi dans le second degré. Il y sera abordé les solutions mises en œuvre et les résultats obtenus. 2.2. Les approches multiples de la mesure du décrochage 2.2.1. Les données statistiques nationales et leurs limites La mesure du décrochage repose actuellement sur sa définition officielle que l’on trouve à l’article D. 313-59 du code de l’éducation 46 qui précise le niveau de qualification mentionné à l’article L. 313-7 du même code comme étant « soit celui du niveau du baccalauréat général soit d’un diplôme à finalité professionnelle enregistré au répertoire national des certifications professionnelles et classé au niveau V ou IV de la nomenclature des niveaux de formations ». Les élèves concernés sont ceux qui ont été inscrits dans les cycles de formation menant à ces diplômes. Les décrocheurs sont les élèves qui n’obtiennent pas ces niveaux de formations attestés par le diplôme en formation initiale. Pour cerner le nombre de décrochés, deux indicateurs sont utilisés47. Le premier résulte de l’exploitation de l’enquête « Emploi en continu » de l’INSEE par la DEPP. Cette enquête repose sur la déclaration du jeune interrogé et la sortie de la formation est définie comme une interruption des études de plus d’un an. Cet indicateur48 mesure un flux de sortants quel que soit leur âge. En moyenne entre 2008 et 2010, 65 000 des sortants de formation initiale49 ne 45 Conseil départemental de l’éducation nationale. 46 Décret n° 2010-1781 du 31/12/2010. 47 Les données de ce chapitre sont extraites de la note d’information 12.15 de la DEPP. 48 Pour le fiabiliser le chiffre résulte d’une moyenne des trois dernières années. 49 Il s’agit du chiffre pour la métropole. La DEPP au travers d’extrapolation estime entre 135 000 et 140 000 les sortants de ce type pour la métropole et les DOM (note d’information n°12-15). - 24 - détenaient aucun diplôme et 57 000 ne détenaient que le DNB. Les deux chiffres ajoutés représentent 17 % d’une cohorte. Cet indicateur est relativement constant. Le deuxième indicateur dit « des sortants précoces » correspond à la définition arrêtée au niveau européen qui est utilisée par Eurostat pour apprécier la situation des divers États. Sa définition diffère de celle du premier indicateur. Il s’agit des jeunes âgés de 18 à 24 ans qui ne disposent d’aucun diplôme ou uniquement du brevet et qui ne poursuivent aucune étude ni formation au moment de l’enquête « Emploi en continu » de l’INSEE. Cet indicateur est relativement stable. Il a oscillé entre un maximum de 12,6 %50 en 2010 et un minimum de 11,4 % en 2008 au cours des dix dernières années pour une population en France métropolitaine des 18-24 ans de cinq millions d’individus environ, soit 600 000 jeunes en moyenne. En 2012, il s’est établi à 11,6 % : 13,4 % pour les hommes et 9,8 % pour les femmes. Il diffère du premier sur plusieurs points : il s’agit d’un stock et non pas d’un flux ; il s’agit de jeunes qui ne disposent ni d’un CAP, BEP ou diplôme plus élevé (21,7 % des jeunes de 18 à 24 ans en 2011) et qui n’ont pas suivi de formation au cours des quatre dernières semaines précédant l’enquête. On entend ici par formation toute formation initiale ou toute formation professionnelle qu’elles conduisent ou non à un diplôme ou à une qualification. Cet indicateur varie principalement en fonction du flux de sortie de formation initiale qui alimente le stock et en fonction des politiques de retour en formation des jeunes sans emplois ou des politiques de formation des entreprises. En 2011, 43,6 % des 18-24 ans n’étaient pas en situation de formation initiale ou professionnelle. L’Union européenne a fixé comme objectif une réduction des sorties précoces à 10 % en 2020 alors que la moyenne européenne est actuellement de 13,5 % avec une dispersion assez forte des pays européens entre 4,2 % et 33,5 %. La France fait mieux que le Royaume-Uni (15 %) mais moins bien que l’Allemagne (11,5 %) ou les Pays-Bas (9,1 %). Elle s’est fixé pour objectif d’abaisser son taux à 9,5 % ce qui représente un gain à réaliser pour elle dans les huit prochaines années de 475 00051 jeunes du stock des sortants précoces ce qui est loin d’être acquis. Cela représente une moyenne de 59 375 jeunes par an d’ici 2020. Ces indicateurs ont l’avantage de permettre une évaluation nationale et une comparaison avec nos partenaires européens. Cependant ils ont des limites. L’indicateur « sortants précoces » ne permet pas de connaître les sorties précoces des jeunes entre 16 et 18 ans. Or 16 ans représente une charnière importante dans notre système de formation initiale puisqu’il correspond à l’âge de l’orientation pour les élèves qui ont rencontré des difficultés dans leur scolarité et ont connu des doublements. On reviendra plus loin sur ce que nous savons du facteur « orientation » dans le processus du décrochage. Ils ont un inconvénient majeur car ils ne fournissent pas de données au niveau régional et académique. Ils peuvent être complétés. Nous disposons d’autres données au niveau local qui proviennent des missions générales d’insertion (MGI) qui reçoivent une partie des décrochés, normalement ceux qui sont sortis de formation initiale depuis moins d’un an. Le nombre 50 Source : note d’information DEPP 12.15 de septembre 2012 et Eurostat, http://ec.europa.eu/eurostat. 51 Compte non tenu des 18/24 ans des DOM. - 25 - d’entretiens annuels est d’environ 59 000 jeunes par an 52. Les missions locales 53 reçoivent également des décrochés54 : le volume recensé des entretiens55 en 2008 s’élevait à 205 000 jeunes sans CAP ou BEP ou sortis avant la classe de terminale ; 135 000 étaient sortis depuis moins d’un an. Ces chiffres correspondent à une année civile et donc comptabilisent les sorties de deux années scolaires. Enfin, certaines académies peuvent disposer des données des sorties de l’enseignement privé, des CFA et de ceux de l’enseignement agricole. 2.2.2. Le système interministériel d’échange d’informations (SIEI) : une réponse à perfectionner La diversité des décomptes locaux et parfois nationaux par sommation a été fort justement dénoncée. La loi n° 2010-241 du 10 mars 2010 a permis la mise en place d’un système interministériel d’échanges d’information qui autorise désormais un recueil d’information par exploitation croisée des bases informatiques des différents partenaires. Ce repérage56 a débuté en octobre 2011 sous l’autorité des préfets de département. Les deux premières années, il n’a que partiellement atteint ses objectifs car les centres de formation des apprentis (CFA) ont manifesté quelques réticences tout comme les établissements privés sous contrat à répondre quant à la situation des jeunes précédemment scolarisés chez eux et non présents dans les fichiers de l’année scolaire en cours. La première année a fait ressortir 233 000 décrochés de 16 à 18 ans qui n’ont pas terminé un cycle de formation avec succès. Il n’est pas correct de comparer ce chiffre avec celui des 122 000 élèves sortant sans diplôme pour plusieurs raisons. Les périodes de mesure et le champ différent puisque dans le cas du SIEI ne sont pris en compte que les 16/18 ans. Ainsi, un jeune ayant obtenu un CAP ou un BEP mais échouant au baccalauréat professionnel ou abandonnant cette formation est pris en compte dans le SIEI alors qu’il obtint un diplôme professionnel57. Est-il pour autant décrocheur ? Sans doute, si faute d’emploi il interrompt ou ne reprend pas sa formation, mais sans doute pas si, le temps agissant, il considère qu’il peut mettre un terme à sa formation et se satisfaire du diplôme qu’il a déjà. L’écart des données s’explique également puisque le repérage SIEI inclut les élèves des DOM. Pour l’année 2012, une fiabilisation des procédures a permis d’obtenir un chiffre vraisemblablement plus proche de la vérité en faisant apparaître un repérage de 186 353 jeunes. Pour la mission, l’acquis fondamental qu’a permis la mise en place du SIEI est d’apporter aux responsables locaux, aux recteurs pour l’éducation nationale, des données qui bien qu’approximatives apportent une information plus opérationnelle et leur permettent progressivement de se doter d’outils de pilotage à leur niveau. En ce qui concerne les établissements, leur implication directe dans la procédure permet une meilleure connaissance 52 Ce chiffre correspond aux entretiens de décrocheurs mais également de décrochés. 53 Les missions locales pour l’insertion professionnelles et sociales des jeunes ont été créées par une ordonnance de mars 1982, adoptée dans le prolongement du rapport de Bertrand Schwartz. 54 Source : BREF Cereq n° 298-1, avril 2012. 55 Le décompte des entretiens est variable, une même jeune peut avoir plusieurs entretiens. 56 L’organisation détaillée du dispositif a été fixée par la circulaire n° 2011-028 du 09/02/2011. 57 La note d’information12-15 de la DEPP estime à 60 000 le nombre de jeunes ayant un CAP ou BEP sur les 233 000 repérés. - 26 - de ce qui se passe pour leurs élèves. C’est d’abord au travers de cette prise de conscience que peut se développer une démarche de prévention. Au niveau national, la DGESCO a engagé un dialogue de gestion en fixant académie par académie58 un objectif de réduction des sorties ou un retour en formation initiale de 20 000 jeunes pour 2013 dans le cadre du plan gouvernemental de réduction de moitié en cinq ans des décrochés du système éducatif. La mission a cependant constaté dans les académies visitées certains freins. Le calendrier n’est pas vraiment opérationnel. Le repérage demande des délais et ne peut se faire qu’à partir des bases élèves consolidées soit pas avant le mois d’octobre. La recherche de ceux qui « ont disparu » est fastidieuse et est décrite comme chronophage par les agents, le plus souvent des conseillers d’orientation

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