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Panthéon-Assas University Paris II

Patrick Morvan

Tags

labor relations trade unions labor law European Union law

Summary

This document is a set of lecture notes on trade unions, covering topics such as labor rights, international conventions, and European legal frameworks. The author is Patrick Morvan and the institution is the Pantheon-Assas University Paris. The notes discuss history, international and European sources, and justifications for freedom of assembly and affiliation.

Full Transcript

LEÇONS NOS 3 ET 4. – LES SYNDICATS 300. - La liberté syndicale (Chapitre 1) est consacrée par des normes supérieures. Elle permet l’exercice du droit syndical (Chapitre 2). Des prérogatives diverses sont octroyées aux syndicats dont le but ultime est d’accéder à la représentativité syndicale (Chapi...

LEÇONS NOS 3 ET 4. – LES SYNDICATS 300. - La liberté syndicale (Chapitre 1) est consacrée par des normes supérieures. Elle permet l’exercice du droit syndical (Chapitre 2). Des prérogatives diverses sont octroyées aux syndicats dont le but ultime est d’accéder à la représentativité syndicale (Chapitre 3) CHAPITRE 1. – LA LIBERTE SYNDICALE 301. - Histoire. Après que la loi des 2-17 mars 1791 (surnommé « décret d’Allarde ») eut consacré la liberté du commerce99, la loi Le Chapelier des 14-17 juin 1791 interdit toute organisation syndicale100. Sous la IIIe République, la loi Waldeck-Rousseau du 21 mars 1884 abroge la loi Le Chapelier et reconnaît la liberté syndicale : « Les syndicats ou associations professionnelles (…) pourront se constituer librement sans l’autorisation du Gouvernement » (art. 2). Les accords de Matignon du 7 juin 1936 édictent une règle de nondiscrimination des salariés en raison de leur activité syndicale101. Enfin, le 6e alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 dispose que « Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale et adhérer au syndicat de son choix ». La liberté syndicale est reconnue à l’ensemble des travailleurs, salariés ou non (travailleurs indépendants, professions libérales et fonctionnaires) ; elle est reconnue plus généralement à toute personne qui exerce une activité professionnelle, notamment les employeurs. 302. - Sources internationales et européennes. La liberté syndicale est également proclamée par des traités internationaux, en particulier par les conventions OIT n° 87 (sur 99 Art. 7 : « il sera libre à toute personne de faire tel négoce, ou d’exercer telle profession, art ou métier qu’elle trouvera bon ». 100 « L’anéantissement de toutes espèces de corporations du même état et profession étant l’une des bases de la Constitution française, il est interdit de les rétablir sous quelque prétexte et quelque forme que ce soit. Les citoyens d’un même état et profession, les entrepreneurs ; ceux qui ont boutique ouverte, les ouvriers et compagnons d’un art quelconque ne pourront lorsqu’ils se trouveront ensemble, se nommer ni président, ni secrétaire, ni syndic, tenir des registres, prendre des arrêtés ou délibérations, former des règlements sur leurs prétendus intérêts communs ». 101 Accords de Matignon, 7 juin 1936, art. 3 : « L'observation des lois s'imposant à tous les citoyens, les employeurs reconnaissent la liberté d'opinion, ainsi que le droit pour les travailleurs d'adhérer librement et d'appartenir à un syndicat professionnel constitué en vertu du livre III du Code du travail. Les employeurs s'engagent à ne pas prendre en considération le fait d'appartenir ou de ne pas appartenir à un syndicat pour arrêter leurs décisions en ce qui concerne l'embauchage, la conduite ou la répartition du travail, les mesures de discipline ou de congédiement (...) ». Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 26 sur 135 la liberté syndicale, de 1948) et n° 98 (sur le droit d’organisation et de négociation collective, de 1949). Elle figure dans la déclaration de l'OIT « relative aux principes et droits fondamentaux au travail » du 26 janvier 1998, qui enjoint à « l'ensemble des Membres [de l’OIT], même lorsqu'ils n'ont pas ratifié les conventions (…) de respecter, promouvoir et réaliser, de bonne foi et conformément à la Constitution [ces principes et ces droits] ». Dans ce cadre, la liberté syndicale est la seule liberté bénéficiant d'une procédure de contrôle : le Comité de la liberté syndicale, constitué au sein du Bureau international du travail (BIT), est chargé d'examiner les plaintes alléguant une violation de ce principe, que l'État mis en cause ait ou non ratifié les conventions précitées. S’il conclut à une violation, le comité prépare un rapport qu'il soumet au conseil d'administration de l’OIT et formule des recommandations. En Europe, la liberté syndicale est garantie : - par l'article 11 de la Convention EDH selon lequel « toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association, y compris le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts »102 ; - par l'article 5 de la Charte sociale européenne selon lequel les États garantissent et promeuvent « la liberté pour les travailleurs et les employeurs de constituer des organisations locales, nationales ou internationales, pour la protection de leurs intérêts économiques et sociaux et d'adhérer à ces organisations » ; - par l'article 12 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne selon lequel « toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association à tous les niveaux, notamment dans les domaines politique, syndical et civique, ce qui implique le droit de toute personne de fonder avec d'autres des syndicats et de s'y affilier pour la défense de ses intérêts ». À l'instar de l'article 11 de la Convention EDH, ce texte conçoit la liberté syndicale comme une forme de la liberté d'association. 303. - Restrictions justifiées. Comme toute liberté fondamentale, la liberté syndicale peut faire l’objet de restrictions pour un motif d’intérêt général, soumises à un contrôle de proportionnalité au but poursuivi. L’article 11 § 2 de la Convention EDH le rappelle : « L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale à la sûreté publique à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. Le présent article n’interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l’exercice de ces droits par les membres des forces 102 Pour une synthèse de toute la jurisprudence européenne : « Guide sur l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme », 1re édition, 31 août 2019, disponible sur : https://www.echr.coe.int/Pages/home.aspx?p=caselaw/analysis/guides&c=fre Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 27 sur 135 armées, de la police ou de l’administration de l’Etat ». 304. - La liberté syndicale possède une dimension individuelle (1°) qui concerne le salarié et une dimension collective (2°) qui concerne le syndicat. 1°) La dimension individuelle de la liberté syndicale 305. - Double visage. Toute liberté implique le droit de faire et le droit de ne pas faire. En l’occurrence, la liberté syndicale implique : - le droit de « défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et [d’] adhérer au syndicat de son choix » (selon le Préambule de 1946, auquel fait écho l’article L. 2141-1 du Code du travail : « tout salarié peut librement adhérer au syndicat professionnel de son choix et ne peut être écarté pour l’un des motifs visés à l'article L. 1132-1 »). La liberté syndicale suppose de pouvoir choisir son syndicat, c’est-àdire le pluralisme syndical ; - mais aussi le droit ne pas se syndiquer ou de se retirer d’un syndicat, comme l’affirme l’article L. 2141-3 du Code du travail : « tout membre d’un syndicat professionnel peut s'en retirer à tout instant, même en présence d’une clause contraire ». Une loi du 27 avril 1956 a prohibé les accords collectifs de monopole syndical ou monopole d’embauche (accords de closed shop) qui imposent à l’employeur de ne recruter que des salariés syndiqués. La Cour EDH les a également jugés contraires à l’article 11 de la Convention EDH qui, selon elle, protège aussi bien la « liberté d’association positive » que la « liberté d’association négative ». La liberté a une valeur constitutionnelle sous ces deux versants, positif et négatif. 306. - Discrimination syndicale. Un travailleur peut opposer sa propre liberté d’adhérer à un syndicat : - à l'État, qui ne doit pas entraver cette initiative ; - à son employeur, qui doit s’abstenir de mesures de représailles (discriminatoires) en raison d’une appartenance ou d’une activité syndicale. L’employeur doit, en outre, traiter de façon égalitaire les différents syndicats constitués, en s’abstenant notamment de susciter un « syndicat maison », acquis à la cause de la direction, ou d’en favoriser un en particulier (C. trav., art. L. 2141-7). L’article L. 2141-5 du Code du travail « interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 28 sur 135 de discipline et de rupture du contrat de travail ». Sont interdites les discriminations directes comme les discriminations indirectes (reposant sur un critère ou une pratique apparemment neutre mais en réalité discriminatoire). De plus, en matière de discrimination, la loi a aménagé la charge de la preuve qui repose en grande partie sur l’employeur (cf. Relations individuelles de travail, Leçon n° 2). La discrimination syndicale « est considérée comme abusive et donne lieu à dommages et intérêts » (C. trav., art. L. 2141-8). Elle est une cause de nullité du licenciement. Elle est aussi sanctionnée pénalement par le délit de discrimination syndicale (C. trav., art. L. 21462) qui se distingue du délit d'entrave à l'exercice du droit syndical (art. L. 2146-1). Le Code pénal (art. 225-1 et 225-2) punit également les discriminations fondées sur des « activités syndicales ». Les incriminations du Code du travail et du Code pénal se recoupent en grande partie mais comportent quelques différences de définition. De façon plus ambitieuse, la loi incite l’employeur à adopter des mesures positives et prospectives afin que les salariés exerçant des fonctions électives ou syndicales n’en subissent pas les conséquences négatives : « un accord détermine les mesures à mettre en œuvre pour concilier la vie personnelle, la vie professionnelle et les fonctions syndicales et électives, en veillant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes. Cet accord prend en compte l'expérience acquise, dans le cadre de l'exercice de mandats, par les représentants du personnel désignés ou élus dans leur évolution professionnelle » (C. trav., art. L. 2141-5, al. 2). Ce type d’accord sur les carrières syndicales ne concerne pas les salariés simplement syndiqués mais ceux détenant un mandat électif (membre élu du CSE) ou syndical (délégué syndical, etc.). Le législateur tire les conséquences de la professionnalisation croissante de ces fonctions et souhaite encourager les vocations (qui sont rares, compte tenu des craintes et inconvénients suscités par les activités syndicales dans une entreprise). « Un accord collectif peut instituer des mesures de nature à favoriser l’activité syndicale dans l’entreprise, et dans ce cadre, en vue d’encourager l’adhésion des salariés de l’entreprise aux organisations syndicales, prévoir la prise en charge par l’employeur d’une partie du montant des cotisations syndicales annuelles ». Mais quatre conditions doivent être respectées : le dispositif ne porte pas atteinte à la liberté du salarié d’adhérer ou de ne pas adhérer au syndicat de son choix, ne permet pas à l’employeur de connaître l’identité des salariés qui adhèrent à un syndicat et bénéficie tant aux syndicats représentatifs qu’aux syndicats non représentatifs dans l’entreprise ; enfin, la participation de l’employeur ne doit pas représenter la totalité du montant de la cotisation due par chaque salarié103. 307. – « Statut protecteur » contre le licenciement. Le licenciement d’un « salarié protégé » (au sens strict du terme) doit être précédé d’une consultation spécifique du comité social et économique (s’il en existe un et si le salarié est un élu) et d’une autorisation administrative préalable délivrée par l’inspection du travail (C. trav., art. L. 2411-1 et s. ; 103 Cass. soc., 27 janv. 2021, n° 18-10.672. En effet, l’un des critères de la représentativité syndicale est l’indépendance financière (notamment vis-à-vis de l’employeur) du syndicat (V. infra, n° 410). Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 29 sur 135 art. R. 2421-11 et s.). Cette protection contre le licenciement bénéficie aux vingt catégories de salariés investis d’un mandat électif ou syndical dont la liste figure à l’article L. 2411-1 du Code du travail, à commencer par les délégués syndicaux et les membres du comité social et économique (CSE). Le législateur l’a étendue, notamment, à ceux dont le mandat a pris fin depuis six mois (pour les représentants élus) ou douze mois (pour les délégués syndicaux). Saisi d’une demande d’autorisation, l’inspecteur du travail doit apprécier la justification du licenciement et s’assurer qu’il n’est pas en rapport avec les fonctions représentatives ou l’appartenance syndicale de l’intéressé. Dès lors que l’autorisation administrative de licencier a été accordée à l’employeur, le principe de la séparation des pouvoirs interdit ensuite au juge judiciaire, saisi d’une contestation, d’apprécier le caractère réel et sérieux du motif de licenciement. Un recours hiérarchique peut être formé contre la décision de l’inspecteur du travail devant le ministre du Travail. Un recours contentieux (pour excès de pouvoir) peut aussi être formé devant le juge administratif. Si le ministre annule la décision de l’inspecteur du travail (ou si le juge annule celle du ministre) autorisant le licenciement d’un salarié protégé, celui-ci peut demander à être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision d’annulation (C. trav., art. L. 2422-1). Il a aussi droit au paiement d’une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et la réintégration demandée (C. trav., art. L. 2422-4). S’il ne demande pas sa réintégration dans le délai de deux mois, le salarié protégé ne peut prétendre qu’à être indemnisé, au titre de la période comprise entre son licenciement et l’expiration du délai de deux mois précité. 308. – « Statut protecteur » en cas de transfert partiel d’entreprise. Les solutions précédentes s’appliquent à l’identique au salarié protégé qui est simplement inclus dans un « transfert partiel d’entreprise ou d’établissement ». Le Code du travail exige en pareil cas que la cession légale de son contrat de travail par l’effet de l’article L. 1224-1 du Code du travail (voir infra, n° 900) soit précédée d’une autorisation administrative spécifique de l’inspecteur du travail, visant à prévenir une éventuelle « mesure discriminatoire » (C. trav., art. L. 2414-1 et L. 2421-9, art. R. 2421-17). 2°) La dimension collective de la liberté syndicale 309. - Liberté de constitution d’un syndicat. La loi Waldeck-Rousseau du 21 mars 1884 a permis aux syndicats de « se constituer librement sans l’autorisation du Gouvernement » (art. 2). De même, l’article L. 2131-2 du Code du travail dispose que « les syndicats ou associations professionnels de personnes exerçant la même profession, des métiers Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 30 sur 135 similaires ou des métiers connexes concourant à l'établissement de produits déterminés ou la même profession libérale peuvent se constituer librement ». Toutefois, la loi encadre cette liberté de constitution : « les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l’étude et la défense des droits ainsi que les intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des personnes mentionnées dans leurs statuts » (C. trav., art. L. 2131-1). Autrement dit, les syndicats sont soumis à un principe de spécialité qui leur interdit de poursuivre un objectif extérieur à leurs statuts ou étranger à la défense des intérêts d’une profession. Ils ne peuvent, en particulier, poursuivre des « objectifs essentiellement politiques », comme l’a rappelé l’arrêt Front National de la Police 104, ou avoir une activité consistant « exclusivement à proposer des services rémunérés d'assistance et de conseil juridique »105. Les syndicats professionnels « ne peuvent dès lors prétendre [dans leurs statuts] représenter tous les salariés et tous les secteurs d’activité » : ils ne peuvent être interprofessionnels, à la différence des unions de syndicats (voir ci-dessous)106. 310. - Liberté d’organisation interne. Un syndicat dispose d’une liberté d’organisation interne. Il rédige librement ses statuts, sous réserve de ne pas y insérer des clauses contraires à des libertés ou des règles d’ordre public. Les statuts désignent les personnes chargées de l’administration ou de la direction qui doivent jouir pleinement de leurs droits civiques (C. trav., art. L. 2131-3 et L. 2131-5). Depuis la loi du 20 août 2008, la direction du syndicat doit arrêter les comptes qui doivent être approuvés par l'assemblée générale des adhérents ou tout autre organe collégial de contrôle désigné par les statuts (C. trav., art. L. 2135-4). 311. - Liberté d’affiliation et de désaffiliation syndicale. Un syndicat s’affilie librement à des unions, fédérations ou confédérations de syndicats. Les unions de syndicats (C. trav., art. L. 2133-1 et s.) sont des unions locales, départementales ou régionales (ex. : l’union départementale des syndicats FO d’Ille-etVilaine) regroupant plusieurs syndicats dans une zone géographique donnée. Leur champ de compétences est interprofessionnel : une union rassemble tous les syndicats partageant la même étiquette syndicale, quel que soit le secteur d’activité dans lequel évolue l’entreprise où ils sont implantés. 104 Cass. ch. mixte, 10 avr. 1998, n° 97-17870 : « un syndicat professionnel ne peut pas être fondé sur une cause ou en vue d'un objet illicite ; il en résulte qu'il ne peut poursuivre des objectifs essentiellement politiques ni agir contrairement aux dispositions de l'article [L. 1132-1] du Code du travail et aux principes de non-discrimination contenus dans la Constitution, les textes à valeur constitutionnelle et les engagements internationaux auxquels la France est partie ; (…) le Front National de la Police n'est que l'instrument d'un parti politique qui est à l'origine de sa création et dont il sert exclusivement les intérêts et les objectifs en prônant des distinctions fondées sur la race, la couleur, l'ascendance, l'origine nationale ou ethnique » ; le FNP doit donc se voir interdire de se prévaloir de la qualité de syndicat. 105 Cass. soc., 15 nov. 2012, n° 12-27315. 106 Cass. soc., 21 oct. 2020, n° 20-18.669. Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 31 sur 135 Les syndicats peuvent aussi s’affilier à des fédérations professionnelles nationales (ex. : la fédération CGT-Métallurgie) ou des confédérations nationales interprofessionnelles (ex. : la CGT, tout court). La jurisprudence reconnaît aux unions, fédérations et confédérations la même capacité civile (d’agir en justice) qu’aux syndicats. Les fédérations et confédérations de syndicats tirent leur « représentativité » (qui est “ascendante”) des résultats obtenus aux élections professionnelles, dans les entreprises, par les syndicats qui leur sont affiliés et ont présenté des candidats sous leur étiquette ou sigle syndical (voir Chapitre 3). Mais un syndicat peut aussi changer d’affiliation (= d’étiquette, de sigle ou de label syndical), en se désaffiliant d’une union ou d’une fédération syndicale pour s’affilier à une autre (ex. : un syndicat d’entreprise affilié à la CGT décide de s’affilier à la CFDT). Parallèlement, une fédération peut vouloir se désaffilier d’une confédération : selon la jurisprudence, ce changement d’affiliation « doit être décidé dans les conditions prévues par les statuts ; à défaut de disposition statutaire spécifique, la décision est prise aux conditions statutaires prévues pour la dissolution de l’organisation syndicale et à défaut, dans le silence des statuts, à l’unanimité des syndicats adhérents »107. La jurisprudence veille alors à ce que les salariés qui ont accordé leur suffrage à un syndicat ayant présenté des candidats sous une certaine étiquette syndicale, ne se sentent pas trahis, en quelque sorte, par ce reniement. Elle affirme que l’étiquette syndicale sous laquelle un candidat a été élu « constitue un élément essentiel du vote des électeurs ». Il s’ensuit (selon la règle aujourd’hui codifiée à l’article L. 2122-3-1 du Code du travail) que, lors du dépôt de la liste de ses candidats aux élections dans l’entreprise, un syndicat doit indiquer son affiliation éventuelle à une organisation syndicale ; à défaut, cette organisation syndicale ne pourra comptabiliser les suffrages exprimés en faveur du syndicat qui lui est affilié (ce serait commettre une sorte de hold-up sur des votes exprimés par les salariés de l’entreprise en faveur d’un syndicat qui n’a pas révélé de façon transparente son affiliation syndicale). De même, un syndicat qui dénonce son affiliation à une confédération syndicale représentative est déchu du droit de se prévaloir des suffrages obtenus – sous l’étiquette confédérale qu’il a répudiée – dans le but de se prétendre toujours représentatif (ex. : un syndicat, ayant présenté des candidats sous l’étiquette CFDT, a obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés et est donc devenu représentatif ; s’il se désaffilie de la CFDT, il ne peut plus se prévaloir de ce score et n’est plus représentatif). De son côté, la confédération syndicale victime de cette dissidence peut procéder à la désignation d’un nouveau délégué 107 Cass. soc., 31 mai 2011, n° 10-17159 : la fédération Cheminots avait voté sa désaffiliation de la confédération CFDT avec 50 % des voix des syndicats adhérents ; or, les statuts de cette fédération, qui n’évoquaient pas le cas d’une désaffiliation, fixaient une majorité de 75 % pour décider d’une dissolution (c’était le seuil à atteindre). Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 32 sur 135 syndical dans l’entreprise afin de maintenir « la présence du mouvement syndical auquel les électeurs ont accordé au moins 10 % de leurs suffrages » 108. Il est toutefois une autre situation où la jurisprudence déroge à cette logique. Imaginons qu’un candidat aux élections professionnelles sur une liste FO ait obtenu sur son nom au moins 10 % des suffrages exprimés (ce qui lui donne le droit d’être désigné personnellement délégué syndical) ; il décide ensuite d’adhérer au syndicat SUD ; ce dernier peut-il le désigner délégué syndical alors que ce transfuge a obtenu son score sous l’étiquette FO (qui pourrait considérer ce salarié comme un traître ou un usurpateur) ? La réponse est (exceptionnellement) affirmative : « si l'affiliation confédérale sous laquelle un syndicat a présenté des candidats aux élections des membres du comité d'entreprise constitue un élément essentiel du vote des électeurs », le score électoral de 10 % exigé d'un candidat pour sa désignation en qualité de délégué syndical (C. trav., art. L. 2143-3) « est un score personnel qui l’habilite à recevoir mandat de représentation par un syndicat représentatif »109. Si le transfuge a trahi le vote des électeurs, il n’en demeure pas moins « l’élu » et cette qualité personnelle ne peut lui être retirée s’il retourne sa veste. Bref, comme en religion, il y a des schismes (= des désaffiliations syndicales) et des reniements ou apostasies (= des salariés candidats aux élections professionnelles voire désignés en tant que délégué syndical abjurent leur étiquette, label ou sigle syndical et, parfois, adhèrent à une organisation concurrente qui n’a pas reçu l’onction des urnes, une véritable hérésie…). 312. - Le droit de mener des négociations collectives (renvoi). Le droit de mener des négociations collectives avec l’employeur est reconnu par la Convention européenne des droits de l’homme et la Constitution (voir infra, n° 701). 313. - Droit d’agir en justice (1) : pour la défense de l’intérêt collectif de la profession. « Les syndicats professionnels sont dotés de la personnalité civile » (C. trav., art. L. 21321). Ils « ont le droit d’agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent » (C. trav., art. L. 2132-3). L’action en défense de l’intérêt collectif avait suscité de vives discussions. La Cour de cassation avait autrefois décidé que l’action d’un syndicat en exécution d’une convention collective était irrecevable au motif qu'il n'avait pas été partie au contrat et n’avait donc pas d’intérêt à agir110. Trois ans plus tard, le tribunal civil de Cholet admit la solution contraire 111, 108 Cass. soc., 18 mai 2011, 5 arrêts, nos 10-60264, 10-60069, 10-60273, 10-60300 et 10-21705. 109 Cass. soc., 28 sept. 2011, n° 10-26762. 110 Cass. civ., 1er févr. 1893, Chauffailles : DP 1893, I, 241. 111 Trib. civ. Cholet, 12 févr. 1897 : Revue des sociétés 1897, p. 303 ; DP 1903, II, 26, note M. Planiol (qui défend cette solution). Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 33 sur 135 avant que le Conseil d’État112 puis la Cour de cassation113 reconnaissent d’une manière générale la recevabilité de l’action d’un syndicat en défense de l’intérêt collectif. La solution fut consacrée par la loi du 12 mars 1920, aujourd'hui codifiée à l'article L. 2132-3 du Code du travail. Encore s’agit-il de démontrer une atteinte à l’« intérêt collectif » de la profession. Celui-ci se distingue tant de l’intérêt individuel des salariés que de l’intérêt général, qu’un syndicat ne saurait défendre114. Il ne se confond pas non plus avec l’intérêt personnel du syndicat ou de ses membres qui peuvent agir, par exemple, lorsqu’ils sont victimes d’une discrimination de la part d’un employeur. L’atteinte à un intérêt collectif peut être directe ou indirecte. Elle est largement entendue par la jurisprudence et recouvre notamment la violation des dispositions légales ou réglementaires relatives au temps de travail, à la santé et la sécurité au travail, à l’emploi, au droit de grève et à la liberté syndicale, au fonctionnement des institutions représentatives du personnel, à la régularité des élections professionnelles, aux contrats de travail à durée déterminée ou au travail temporaire, à l’application de l'article L. 1224-1 du Code du travail en matière de transfert d’entreprise, etc. Un syndicat est également recevable à agir en exécution d’une convention collective : - lorsqu’il en est signataire, en qualité de partie à cette convention (C. trav., art. L. 2262-12). Il dispose en outre d’une « action en substitution » exercée pour le compte d’un ou de plusieurs salariés (art. L. 2262-9) ; - mais aussi lorsqu’il n’est pas lié par cette convention collective (que ce soit une convention d’entreprise ou une convention de branche non étendue) car son inapplication cause « nécessairement un préjudice à l’intérêt collectif de la profession »115. La recevabilité de l’action en justice s’apprécie au regard de l’objet du syndicat tel que défini 112 CE, 28 déc. 1906, Syndicat des patrons coiffeurs de Limoges : Rec., p. 977, concl. Romieu. Cass. ch. réunies, 5 avr. 1913 : DP 1914, I, 65, rapp. Falcinaigre, concl. Sarrut : « l'action civile n'a pas pour objet de donner satisfaction aux intérêts individuels d'un ou plusieurs de ses membres, mais bien d'assurer la protection de l'intérêt collectif de la profession envisagée dans son ensemble et représentée par le syndicat dont la personnalité juridique est distincte de la personne de chacun de ceux qui la composent » ; le syndicat était recevable à « se porter partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ». 114 Cass. soc., 12 juill. 2017, n° 16-10460 : « si la violation des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ayant pour objet le maintien des droits des travailleurs en cas de transfert de leur contrat de travail porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat, de sorte que l'intervention de ce dernier au côté du salarié à l'occasion d'un litige portant sur l'applicabilité de ce texte est recevable, l'action en revendication du transfert d'un contrat de travail est un droit exclusivement attaché à la personne du salarié ». 115 Cass. soc., 3 mai 2007, n° 05-12340 : « indépendamment de l'action réservée par l'article [L. 2262-12] du code du travail aux syndicats liés par une convention ou un accord collectif de travail, les syndicats professionnels sont recevables à demander sur le fondement de l'article [L. 2132-3] de ce code l'exécution d'une convention ou d'un accord collectif de travail, même non étendu, son inapplication causant nécessairement un préjudice à l'intérêt collectif de la profession ». 113 Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 34 sur 135 dans ses statuts. En revanche, il n’a pas à être représentatif. 314. - Droit d’agir en justice (2) : actions en substitution ; action de groupe. La loi reconnaît aux « organisations syndicales représentatives » (exclusivement) le droit de se substituer à l’action individuelle d’un salarié dans des cas limitativement énumérés où ses droits sont méconnus. Sont visés les droits d’un travailleur étranger (C. trav., art. L. 82551), d’un salarié en CDD (C. trav., art. L. 1247-1) ou intérimaire (C. trav., art. L. 1251-59), d’un salarié victime d'un prêt de main-d'œuvre illicite (C. trav., art. L. 8233-1), d’un salarié victime de discrimination ou de harcèlement (C. trav., art. L. 1134-2 et L. 1154-2), d’un salarié visé par un licenciement pour motif économique (C. trav., art. L. 1235-8). Le syndicat n’a pas à justifier d'un mandat de l'intéressé mais il doit avertir ce dernier par écrit de son intention d’agir et le salarié peut, dans un délai de 15 jours, s’opposer à l’action en substitution (il dispose d’un droit de veto et peut se réserver d’agir à titre individuel ou ne rien faire) ; enfin, le salarié peut toujours intervenir à l'instance engagée par le syndicat. La loi du 18 novembre 2016 a également introduit la possibilité pour les organisations syndicales représentatives d’exercer une « action de groupe » (inspirée des class actions américaines) en matière de discrimination au sens de l'article L. 1132-1 du Code du travail (C. trav., art. L. 1134-6 et s.). Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 35 sur 135 CHAPITRE 2. – L’EXERCICE DU DROIT SYNDICAL 400. - Jusqu'à la loi du 27 décembre 1968, les syndicats ne pouvaient déployer leur activité à l'intérieur de l'entreprise. À la suite du mouvement de Mai 1968 et des Accords de Grenelle, le législateur a autorisé l’exercice du droit syndical au sein de l'entreprise et accordé aux syndicats représentatifs les moyens d’y conduire une action syndicale. La loi du 20 août 2008 distingue désormais deux sortes de prérogatives : celles réservées aux organisations syndicales représentatives (pleinement représentatives, en quelque sorte) ; et celles qui sont offertes aux syndicats non représentatifs mais qui sont dotés de la « petite représentativité ». 1°) La section syndicale 401. - Texte. Selon l’article L. 2142-1 du Code du travail, ● « dès lors qu'ils ont plusieurs adhérents dans l'entreprise ou dans l'établissement, ● « chaque syndicat qui y est représentatif, chaque syndicat affilié à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel ● « ou chaque organisation syndicale qui satisfait aux critères de respect des valeurs républicaines et d'indépendance et est légalement constituée depuis au moins deux ans et dont le champ professionnel et géographique couvre l'entreprise concernée ● « peut constituer au sein de l'entreprise ou de l'établissement une section syndicale qui assure la représentation des intérêts matériels et moraux de ses membres (…) ». 402. - Petite représentativité. Les syndicats (pleinement) représentatifs remplissent tous les critères légaux de représentativité (voir infra, n° 409). Les syndicats non représentatifs mais dotés de la « petite représentativité » sont ceux qui : - respectent les valeurs républicaines ; - sont indépendants ; - sont constitués depuis au moins deux ans ; - dont le champ professionnel et géographique (défini par les statuts du syndicat) couvre l’entreprise concernée. De plus, « tout syndicat doit, pour pouvoir exercer des prérogatives dans l'entreprise, satisfaire au critère de transparence financière »116. 116 Cass. soc., 22 févr. 2017, n° 16-60123. Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 36 sur 135 Ces syndicats sont admis à exercer trois prérogatives dans l’entreprise. Ils peuvent : - constituer une section syndicale (voir ci-dessous) ; - désigner un représentant de section syndicale (voir infra, n° 406) ; - participer à la négociation préélectorale et aux élections conduisant à la mise en place d’un comité social et économique (CSE) (voir infra, n° 516). De ces élections, un syndicat doté de la « petite représentativité » ressortira, peut-être, pleinement représentatif. 403. - Des adhérents. En tout état de cause, pour constituer une section syndicale, un syndicat représentatif ou doté de la « petite représentativité » doit prouver qu’il compte au moins deux adhérents dans l’entreprise ou l’établissement concerné. Cette démonstration se heurte à un problème de confidentialité que la Cour de cassation a résolu en proposant un mode d’emploi, en cas de contentieux. « L’adhésion du salarié à un syndicat relève de sa vie personnelle et ne peut être divulguée sans son accord ; à défaut d'un tel accord, le syndicat qui entend créer ou démontrer l'existence d'une section syndicale dans une entreprise, alors que sa présence y est contestée ne peut produire ou être contraint de produire une liste nominative de ses adhérents ; (…) « il en résulte qu'en cas de contestation sur l'existence d'une section syndicale, le syndicat doit apporter les éléments de preuve utiles à établir la présence d'au moins deux adhérents dans l'entreprise, dans le respect du contradictoire, à l'exclusion des éléments susceptibles de permettre l'identification des adhérents du syndicat, dont seul le juge peut prendre connaissance »117. 404. - Une antenne. La section syndicale est l’antenne ou l’implantation d’un syndicat au sein d’une entreprise ou d’un établissement. Elle permet à ses adhérents d’incarner, de faire vivre le syndicat dans l’entreprise. La section syndicale n'a pas la personnalité morale. Elle dispose cependant de moyens matériels (C. trav., art. L. 2142-3 et s.) : un panneau d’affichage syndical ; la possibilité de diffuser des publications et tracts syndicaux dans l’enceinte de l’entreprise aux heures d’entrée et de sortie du travail, sous réserve de ne pas commettre d’infraction prévue par la loi sur la presse (notamment un délit d’injure ou de diffamation publique) ; le droit d'organiser, une fois par mois, des réunions syndicales en dehors des locaux de travail et d'y inviter des personnalités extérieures à l’entreprise (avec l’accord de l'employeur si ce ne sont pas des personnalités syndicales). Dans les entreprises ou établissements d’au moins 200 salariés, la section syndicale dispose d'un local commun avec les autres syndicats ; à partir de 1000 salariés, chaque section syndicale a son propre local. 117 Cass. soc., 8 juill. 2009, n° 09-60032. Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 37 sur 135 2°) Les représentants syndicaux 405. - Les syndicats dotés de la « petite représentativité » ne peuvent désigner qu’un représentant de la section syndicale (RSS) tandis que les syndicats représentatifs peuvent désigner un délégué syndical (DS) et un représentant syndical au sein du comité social et économique (RS-CSE). 406. - Le RSS. Chaque syndicat qui constitue une section syndicale au sein d’une entreprise ou d’un établissement d’au moins 50 salariés et qui n’y est pas représentatif (= un syndicat doté de la « petite représentativité ») peut « désigner un représentant de la section pour le représenter au sein de l’entreprise ou de l’établissement ». Le RSS dispose de quatre heures de délégation par mois (à savoir des heures qu’il utilise pour exercer sa mission et qui sont considérées comme du temps de travail rémunéré par l’employeur). Dans les entreprises de moins de 50 salariés, le RSS est choisi parmi les membres du CSE pour la durée de son mandat (C. trav., art. L. 2142-1-4). Ce RSS n’a pas d’heures de délégation, sauf accord collectif. Ce « représentant de la section syndicale » (RSS) bénéficie des mêmes prérogatives que le délégué syndical, à l’exception (notable) du pouvoir de négocier et conclure des accords collectifs. Le RSS est sur un siège éjectable et doit faire montre de ses talents de syndicaliste s’il souhaite durer voire devenir un jour délégué syndical : son mandat prend fin à l’issue des premières élections professionnelles suivant sa désignation si le syndicat qui l’a désigné n'est pas reconnu représentatif dans l’entreprise (c’est-à-dire s’il n’obtient pas 10 % au moins des suffrages exprimés au 1er tour des élections au CSE). S’il perd son mandat de cette manière, le salarié qui exerçait la fonction de RSS ne peut plus être désigné à nouveau comme RSS jusqu'aux six mois précédant la date des élections professionnelles suivantes dans l’entreprise (C. trav., art. L. 2142-1-1). 407. - Les délégués syndicaux. Chaque organisation syndicale représentative dans une entreprise ou un établissement qui compte au moins 50 salariés (depuis 12 mois consécutifs) peut désigner un délégué syndical, dans la section syndicale, pour la représenter auprès de l’employeur (C. trav., art. L. 2143-3). ► Tout salarié ne peut pas devenir délégué syndical. Ce représentant doit être choisi « parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli à titre personnel et dans leur collège au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité social et économique », dans la limite du nombre maximum fixé par la loi (cf. art. R. 2143-2 : par exemple, 1 délégué par syndicat dans les entreprises de 50 à 999 salariés). Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 38 sur 135 Que faire si aucun des candidats présentés par le syndicat aux élections professionnelles ne remplit cette condition ou si les candidats qui la remplissaient ont quitté l’entreprise ou ont renoncé (par écrit) à devenir délégué syndical ? La loi prévoit que le syndicat représentatif peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats, ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l'entreprise ou de l'établissement ou parmi ses anciens élus ayant atteint la limite de durée d'exercice du mandat au CSE (pas plus de trois mandats successifs dans les entreprises d’au moins 50 salariés : art. L. 2314-33). ► L’établissement au sein duquel un délégué syndical peut être désigné est défini comme un « établissement regroupant des salariés placés sous la direction d'un représentant de l'employeur et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques » (C. trav., art. L. 21433, al. 4). La définition vaut aussi pour le représentant de section syndicale ou RSS (C. trav., art. L. 2142-1-1)118. Il peut donc ne pas y avoir de comité social et économique d’établissement dans ce périmètre. Le but est que les délégués syndicaux et RSS puissent être désignés au plus près des salariés. Dans les entreprises d’au moins 500 salariés, tout syndicat représentatif peut désigner un délégué syndical supplémentaire (dit catégoriel), sous certaines conditions (C. trav., art. L. 2143-4). Dans les entreprises comportant au moins deux établissements d’au moins 50 salariés, chaque syndicat représentatif peut désigner un délégué syndical central d’entreprise, choisi parmi les délégués syndicaux d’établissement ou, si l’entreprise compte au moins 2000 salariés, un délégué spécifique (C. trav., art. L. 2143-5). Dans les entreprises ou établissements qui emploient moins de 50 salariés, les syndicats représentatifs dans l'établissement peuvent désigner comme délégué syndical un membre élu du comité social et économique (CSE) pour la durée de son mandat (C. trav., art. L. 21436). Cette désignation syndicale dérogatoire n’ouvre droit à aucun crédit d’heures de délégation : la Cour de cassation exige donc que l’élu désigné soit un membre titulaire (et non un membre suppléant) du CSE qui pourra utiliser son propre crédit d’heures (les suppléants n’ont pas de crédit d’heures, sauf cas particuliers)119. ► Les noms des délégués désignés sont portés à la connaissance de l’employeur qui peut contester cette désignation (si les conditions légales n’ont pas été respectées) devant le tribunal judiciaire (ex tribunal d’instance) dans un délai de 15 jours à compter de cette notification. Passé ce délai, « la désignation est purgée de tout vice » (C. trav., art. L. 21437 et L. 2143-8). ► Le mandat du délégué syndical prend fin au plus tard lors du premier tour des élections qui renouvellent le CSE (C. trav., art. L. 2143-11). 118 Cass. soc., 10 juill. 2019, n° 18-23873 : « les intérêts propres susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques caractérisant l'établissement distinct permettant la désignation d'un représentant de section syndicale doivent concerner, dans leur ensemble, les salariés de cet établissement ». 119 Cass. soc., 23 mars 2022, n° 20-16.333, qui réserve toutefois quatre situations exceptionnelles où le membre suppléant dispose d’un crédit d’heures (en vertu d’un accord notamment). Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 39 sur 135 ► Le délégué syndical a la capacité de négocier et de conclure des accords collectifs d’entreprise ou d’établissement. Il dispose en principe de 12, 18 ou 24 heures de délégation par mois pour exercer ses fonctions (C. trav., art. L. 2143-13 et s.). Il peut se déplacer librement dans l’entreprise et y prendre tous contacts nécessaires avec les salariés (C. trav., art. L. 2143-20). 408. - Représentant syndical au CSE (RS-CSE). Chaque organisation syndicale représentative dans l’entreprise ou l’établissement peut désigner un représentant syndical au comité social et économique. Il assiste aux séances avec voix consultative (et non délibérative). Il est choisi parmi les membres du personnel de l'entreprise (C. trav., art. L. 2314-2). Toutefois, dans les entreprises de moins de 300 salariés et dans les établissements de ces entreprises, le délégué syndical est de plein droit RS-CSE (C. trav., art. L. 2143-22). CHAPITRE 3. – LA REPRÉSENTATIVITÉ SYNDICALE 409. - De la représentativité présumée et descendante à la représentativité prouvée et ascendante. La loi du 20 août 2008 a révolutionné les règles d’appréciation de la représentativité syndicale. Elle met un terme au système de représentativité présumée qui conduisait à présumer, de façon irréfragable et à tous les niveaux de la négociation collective, la représentativité de cinq confédérations syndicales nationales et interprofessionnelles (un véritable « club des cinq ») : la CGT, FO, la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC. La représentativité était alors centralisée et descendante, irriguant tous les syndicats et unions syndicales affiliés à l’une de ces grandes confédérations. Désormais, la représentativité doit être prouvée. Et, selon une règle dite de concordance, elle doit être prouvée au niveau auquel le syndicat entend exercer une prérogative réservée par la loi aux organisations représentatives (désigner un délégué syndical et, surtout, conclure un accord collectif), à savoir dans l’établissement, l’entreprise, le groupe, au niveau de la branche ou au niveau national interprofessionnel. Être représentatif à un niveau donné ne garantit nullement de l’être à un autre (ex. : un syndicat représentatif dans une entreprise à établissements multiples ne peut pas désigner un délégué syndical dans un de ces établissement s’il n’y est pas aussi représentatif). La représentativité des partenaires sociaux est ainsi décentralisée (appréciée au plus près des salariés appelés à élire leurs représentants). Elle est également ascendante en ce que les résultats des élections professionnelles dans les entreprises détermineront la représentativité des organisations syndicales de branche comme celle des organisations syndicales de niveau national et interprofessionnel (voir infra, n° 415 et n° 417). Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 40 sur 135 Les partenaires sociaux bénéficient ainsi d’une légitimité démocratique qu’ils tirent des urnes (des élections professionnelles). Certes, la liste des organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel n’a pas changé : ce sont toujours les cinq mêmes (voir infra, n° 418) ! Mais, dans les branches et surtout dans les entreprises ou établissements, l’éventail des syndicats représentatifs s’est considérablement diversifié (par exemple, l’UNSA est représentative dans 86 branches et le syndicat Sud-Rail est représentatif à la SNCF). La preuve de la représentativité repose sur un ensemble de critères qui doivent être réunis de façon cumulative. 410. - Critères généraux de représentativité. Selon l’article L. 2121-1 du Code du travail : « La représentativité des organisations syndicales est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants : « 1° Le respect des valeurs républicaines ; « 2° L'indépendance [vis-à-vis de l’employeur et financière120] ; « 3° La transparence financière ; « 4° Une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation. Cette ancienneté s'apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts ; « 5° L'audience établie selon les niveaux de négociation conformément aux articles L. 2122-1, L. 2122-5, L. 2122-6 et L. 2122-9 ; « 6° L'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience ; « 7° Les effectifs d'adhérents et les cotisations ». Une jurisprudence confuse, rendue sous l’empire des règles applicables avant la loi du 20 août 2008, avait tenté d’établir une méthode d’appréciation combinant de façon subtile ces différents critères. Depuis lors, la Cour de cassation a précisé que : ● « si les critères posés par l'article L. 2121-1 du code du travail doivent être tous réunis pour établir la représentativité d'un syndicat ● « et si ceux tenant au respect des valeurs républicaines, à l'indépendance et à la transparence financière [= les trois critères éthiques] doivent être satisfaits de manière autonome, ● « ceux relatifs à l'influence prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience, 120 Cass. soc., 26 févr. 2020, n° 19-19.397 : le fait pour un syndicat de disposer de l’appui financier de la confédération à laquelle il est affilié ne lui fait perdre son indépendance financière ; il en est de même de la modicité des cotisations versées par les adhérents (ses dépenses peuvent être modestes). N’est pas indépendant à l’égard de l’employeur, par exemple, un syndicat dont les membres bénéficient de promotions, de mesures de complaisance ou qui communiquent à celui-ci la liste des grévistes. Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 41 sur 135 aux effectifs d'adhérents et aux cotisations, à l'ancienneté dès lors qu'elle est au moins égale à deux ans et à l'audience électorale dès lors qu'elle est au moins égale à 10 % des suffrages exprimés [= les quatre critères de popularité], doivent faire l'objet d'une appréciation globale »121. Les trois critères éthiques doivent être satisfaits séparément l’un de l’autre et de façon permanente pendant tout le « cycle électoral » : à défaut, la représentativité du syndicat est suspendue jusqu’à ce que ces critères soient à nouveau remplis. De plus, les deux premiers (le respect des valeurs républicaines et l’indépendance) sont présumés satisfaits tandis que le troisième (la transparence financière) doit être prouvé et ce tous les ans (par la publication sur internet des comptes du syndicat). Les quatre critères de popularité (influence, effectifs d’adhérents, ancienneté et audience électorale) forment un faisceau d’indices : ils s’apprécient de façon globale, c’est-à-dire que la force de l’un compense la faiblesse de l’autre (par exemple, un effectif d’adhérents peu nombreux peut être compensé par un très bon score électoral). En outre, une fois que ces critères sont remplis (en particulier celui de l’audience électorale), ils le sont pendant toute la durée du cycle électoral (voir infra, n° 412). 1°) Représentativité dans l’entreprise ou l’établissement (à propos du critère d’audience électorale) 411. - Critère d’audience de 10 %. « Dans l’entreprise ou l'établissement, sont représentatives les organisations syndicales qui satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 et qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants » (C. trav., art. L. 2122-1). La représentativité dans l’entreprise ou un établissement permet à un syndicat d’y désigner un délégué syndical et un représentant syndical au CSE, mais aussi de signer un accord collectif. Un syndicat doté de la « petite représentativité » n’a aucun de ces pouvoirs. Il peut seulement constituer une section syndicale, désigner un RSS et participer à la négociation du protocole préélectoral. 412. - Représentativité figée pendant tout le « cycle électoral ». La représentativité syndicale dans l’entreprise ou l’établissement repose donc essentiellement sur un critère d’audience de 10 % qui se mesure, en principe, tous les quatre ans (donc par cycles électoraux) en fonction des résultats obtenus au premier tour des dernières élections professionnelles au comité social et économique d’entreprise ou d’établissement (selon qu’on apprécie la représentativité d’un syndicat à l’échelle d’une entreprise ou d’un 121 Cass. soc., 29 févr. 2012, n° 11-13748. Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 42 sur 135 établissement). La jurisprudence affirme alors que « la représentativité des organisations syndicales est établie pour toute la durée du cycle électoral ». Il n’est pas question de réapprécier la représentativité entre deux élections générales, au fil de l’eau, et il convient de raisonner toujours par « cycle électoral ». Entre deux cycles (durant quatre années, en principe), le paysage syndical reste figé en attendant la prochaine mesure d’audience, quelles que soient les restructurations qui affectent le périmètre ou les effectifs de l’entreprise ou de l’établissement concerné. La Cour de cassation a voulu privilégier la stabilité des négociations collectives en évitant que les interlocuteurs syndicaux changent en cours de cycle électoral. Plusieurs conséquences ont été tirées de ce principe. D’une manière générale, un syndicat qui n’a pas été reconnu représentatif au terme des précédentes élections professionnelles (il avait obtenu moins de 10 % des suffrages) ne peut le devenir en cours de cycle électoral, avant les prochaines élections générales, quelles que soient les transformations affectant l’entreprise ; à l’inverse, un syndicat qui avait obtenu son brevet de représentativité au terme des précédentes élections ne peut perdre cette qualité. Par exemple, la représentativité d’un syndicat, établie dans les différents établissements d’une société, ne peut pas ensuite être contestée « au motif tiré du transfert des contrats de travail des salariés résultant de la cession de l’un de ses établissements »122. Pourtant, en cas de fusion-absorption ou même de simple cession d’activité, il pouvait sembler cohérent de réapprécier immédiatement la représentativité syndicale dans l’entreprise absorbante ou cessionnaire en décomptant les suffrages qu’avaient exprimés auparavant, dans leur entreprise ou leur établissement d’origine, les salariés transférés. La légitimité démocratique des organisations syndicales aurait ainsi été réaffirmée mais au prix d’une insécurité juridique. 413. - Le privilège des syndicats catégoriels. Le score de 10 % s’apprécie au premier tour des élections professionnelles tous collèges confondus. Les salariés sont rattachés à deux ou trois collèges électoraux selon la catégorie professionnelle à laquelle ils appartiennent (1er collège : ouvriers et employés ; 2e collège : ingénieurs, chefs de service, techniciens et agents de maîtrise ; un 3e collège est réservé aux cadres s’ils sont au moins 25). Les syndicats présentent généralement des candidats dans tous les collèges : ils sont intercatégoriels, c’est-à-dire que leurs statuts leur donnent vocation à défendre les intérêts de tous les salariés. Mais, même s’ils renoncent à présenter des candidats dans un collège, les suffrages qu’ils recueilleront dans un collège sur deux (ou deux sur trois) seront rapportés à la totalité des suffrages exprimés (en faisant masse des résultats dans les deux ou trois collèges) afin de mesurer leur audience globale. Les syndicats catégoriels sont nécessairement dans cette dernière situation. En vertu de leurs 122 Cass. soc., 19 févr. 2014, nos 13-20.069 et 12-29.354. Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 43 sur 135 statuts, ils n’ont vocation à défendre les intérêts que d’une catégorie professionnelle déterminée de salariés. L’exemple principal (et presque unique) est celui de la CFE-CGC qui est un syndicat de cadres. Compte tenu de la difficulté d’atteindre le seuil de 10 % dans ces conditions, la loi leur accorde un privilège. Selon l’article L. 2122-2 du Code du travail123, les organisations syndicales catégorielles affiliées à une confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle nationale (en clair, les syndicats affiliés à la CFE-CGC) sont représentatives « à l’égard des personnels relevant des collèges électoraux » dans lesquels leurs statuts leur permettent de présenter des candidats, si elles satisfont aux critères généraux de représentativité (voir supra, n° 410) et si elles ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections « dans ces collèges » (donc pas dans tous les collèges). En clair, la CFE-CGC est représentative dans une entreprise si elle recueille au moins 10 % des suffrages exprimés dans le 2e ou le 3e collège électoral, même si, au niveau de l’entreprise (qui peut compter énormément de non-cadres, entraînant ainsi une forte dilution du vote des cadres), elle ne pèse que 1 % des suffrages. Se pose alors la question de savoir si un syndicat catégoriel, tel que la CFE-CGC, peut signer un accord collectif concernant l’ensemble des salariés de l’entreprise voire exclusivement des non-cadres. Aussi surprenant que cela paraisse, cette possibilité n’est pas exclue (voir infra, n° 717). 2°) Représentativité au niveau du groupe 414. - La représentativité des syndicats au niveau de tout ou partie d’un groupe de sociétés s’apprécie suivant les mêmes règles qu’au niveau de l’entreprise, par addition de l’ensemble des suffrages obtenus dans les entreprises ou établissements concernés (plus précisément, dans les entreprises ou établissements compris dans le périmètre de l’accord de groupe que les syndicats comptent négocier). La loi opère cependant des distinctions assez illisibles : 1) selon que le périmètre de l’accord de groupe en cours de négociation est identique ou non à celui d’un accord de groupe conclu au cours du cycle électoral précédent (le périmètre est identique quand aucune restructuration n’est intervenue dans le groupe, entraînant la sortie ou l’acquisition d’une filiale, et que la nouvelle négociation concerne les mêmes sociétés du groupe) ; 2) et selon que les élec

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