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Recommandations pour la Prise en Charge de la Pré-éclampsie Sévère (2022) PDF

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Summary

Cet article présente des recommandations pour la prise en charge des femmes atteintes de pré-éclampsie sévère. Les recommandations sont basées sur une analyse de la littérature et la méthodologie GRADE1, et se concentrent sur les morbidités maternelle et néonatale. Cette revue d'experts vise à fournir des lignes directrices nationales pour un meilleur prise en charge.

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Gynécologie Obstétrique Fertilité & Sénologie 50 (2022) 2–25 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Recommandations formalisées d’expert...

Gynécologie Obstétrique Fertilité & Sénologie 50 (2022) 2–25 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Recommandations formalisées d’experts. Prise en charge de la patiente avec une pré-éclampsie sévère Republication de : Recommandations formalisées d’experts. Prise en charge de la patiente avec une pré-éclampsie sévère–RFE communes Société française d’anesthésie-réanimation (SFAR)–Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CGNOF)§ Reprint of: Severe pre-eclampsia: guidelines for clinical practice from the French Society of anesthesiology and intensive care (SFAR) and the French College of gynaecologists and obstetricians (CNGOF) M.-P. Bonnet a,b,*, M. Garnier c, H. Keita d, V. Compere e, C. Arthuis f, T. Raia-Barjat g, P. Berveiller h, J. Burey i, L. Bouvet j, M. Bruyère k, A. Castel l, E. Clouqueur m, M. Gonzalez Estevez n, V. Faitot o, C. Fischer p, F. Fuchs q, E. Lecarpentier r, A. Le Gouez s, A. Rigouzzo t, M. Rossignol u, E. Simon v, F. Vial w, A.J. Vivanti x, L. Zieleskewicz y, M.-V. Sénat z, T. Schmitz aa, L. Sentilhes ab a Sorbonne Université, GRC 29, DMU DREAM, Department of Anaesthesiology and Intensive Care, Armand Trousseau University Hospital, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, Paris, France b Centre de Recherche épidémiologie et Statistiques Sorbonne Paris Cité (CRESS) U1153, INSERM, Obstetrical, Perinatal and Paediatric Epidemiology (EPOPé) Research Team, Université de Paris, Paris, France c Sorbonne Université, APHP, GRC 29, DMU DREAM, Département d’Anesthesie-réanimation, CHU Tenon, Paris, France d Département d’anesthésie-réanimation pédiatrique et obstétricale, hôpital Necker-Enfants malades, université de Paris, AP–HP, Paris, France e Département d’anesthésie-réanimation, CHU de Rouen, Rouen, France f Service de gynécologie-obstétrique, centre hospitalier universitaire de Nantes, hôpital Mère-Enfant, Nantes, France g Inserm, U 1059 SainBioSE, département de gynécologie, obstétrique, et médecine de la reproduction, CHU de Saint-Étienne, université de Saint-Étienne Jean-Monnet, 42023 Saint-Étienne, France h Service de gynécologie-obstétrique, école nationale vétérinaire d’Alfort, CHI Poissy Saint-Germain, UVSQ, INRAE, BREED, Jouy-en-Josas, BREED, Poissy université Paris-Saclay, Maisons-Alfort, France i Service d’anesthésie-réanimation chirurgicale, hôpital Tenon, AP–HP, Paris, France j Service d’anesthésie-réanimation, groupement hospitalier Est, hospices civils de Lyon, Bron, Claude-Bernard Lyon 1, hôpital Femme Mère-Enfant, université de Lyon, Villeurbanne, France k Service d’anesthésie-réanimation médecine périopératoire, hôpital Bicêtre, AP–HP, université Paris-Saclay, Le Kremlin-Bicêtre, France l Département d’anesthésie-réanimation, hôpital Paule-de-Viguier, Toulouse, France m Service de gynécologie-obstétrique, centre hospitalier de Tourcoing, Tourcoing, France n Service d’anesthésie-réanimation et de médecine périopératoire, hôpital Jeanne-de-Flandre, CHU de Lille, Lille, France o Département d’anesthésie-réanimation, hôpital de Hautepierre, CHU de Strasbourg, Strasbourg, France p Département d’anesthésie-réanimation chirurgicale, hôpital Cochin, Paris, France q UMR Inserm, service de gynécologie-obstétrique, institut Desbrest d’épidémiologie et de santé publique (IDESP), IURC, CHU de Montpellier, hôpital Arnaud-de-Villeneuve, université de Montpellier, Campus Santé, Montpellier, France r Inserm U955, département de gynécologie-obstétrique et médecine de la reproduction, CHIC de Créteil, institut biomédical Henri-Mondor, université Paris Est Créteil, Créteil, France s Département d’anesthésie-réanimation, hôpital Antoine-Béclère, AP–HP, Clamart, France t Service d’anesthésie-réanimation chirurgicale, hôpital Armand Trousseau, AP–HP, Paris, France u Département d’anesthésie-réanimation et SMUR, hôpital Lariboisière, AP–HP, université de Paris, Paris, France v Pôle de gynécologie-obstétrique et biologie de la reproduction, CHU de Dijon-Bourgogne, UFR Sciences de santé Dijon, université de Bourgogne, Bourgogne, France w Service d’anesthésie-réanimation, maternité régionale universitaire-CHRU de Nancy, Nancy, France x Université Paris Saclay, service de gynécologie-obstétrique, hôpital Antoine Béclère, AP–HP, Paris, France DOI de l’article original : https://doi.org/10.1016/j.accpm.2021.100901 § Cet article est une republication d’un article précédemment publié. Pour citer cet article, veuillez utiliser les détails de la publication originale : Anaesthesia Critical Care & Pain Medicine, Volume 40, Issue 5, 2021, 100901, ISSN 2352-5568, https://doi.org/10.1016/j.accpm.2021.100901. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M.-P. Bonnet). https://doi.org/10.1016/j.gofs.2021.11.003 2468-7189/ C 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. M.-P. Bonnet, M. Garnier, H. Keita et al. Gynécologie Obstétrique Fertilité & Sénologie 50 (2022) 2–25 y Inserm, INRA, département d’anesthésie-réanimation, centre de recherche cardiovasculaire et de nutrition (C2VN), hôpital Nord, université d’Aix-Marseille, université Aix-Marseille, Marseille, France z Inserm, service de gynécologie-obstétrique, UVSQ, CESP, hôpital Bicêtre, université Paris-Saclay, AP–HP, Villejuif, France aa Inserm, équipe de recherche en épidémiologie obstétricale, périnatale et pédiatrique (EPOPé), service de gynécologie-obstétrique, centre de recherche épidémiologie et statistique Sorbonne Paris Cité (CRESS), hôpital Robert-Debré, université de Paris, AP–HP, 75004 Paris, France ab Service de gynécologie-obstétrique, maternité Aliénor d’Aquitaine, CHU de Bordeaux, Bordeaux, France I N F O A R T I C L E R É S U M É Historique de l’article : Objectif. – Émettre des recommandations pour la prise en charge de la femme avec une prééclampsie Disponible sur Internet le 12 novembre 2021 sévère. Conception. – Un comité de 25 experts a été constitué. Une politique de déclaration et de suivi des liens Mots clés : d’intérêts a été appliquée et respectée durant tout le processus de réalisation du référentiel. De même, Recommandation celui-ci n’a bénéficié d’aucun financement provenant d’une entreprise commercialisant un produit de Prééclampsie sévère santé (médicament ou dispositif médical). Le comité devait respecter et suivre la méthode GRADE1 Morbidité maternelle (Grading of Recommendations Assessment, Development and Evaluation) pour évaluer la qualité des Morbidité néonatale données factuelles sur lesquelles étaient fondées les recommandations. Peu de recommandations ont été non cotées. Méthodes. – Les dernières recommandations SFAR-CNGOF sur la prise en charge de la femme avec une prééclampsie sévère ont été publiées en 2009. Nous avons souhaité réactualiser ces recommandations selon la méthodologie GRADE1 en identifiant 7 champs différents. Chaque question a été formulée selon le format PICO (Patients, Intervention, Comparison, Outcome). L’analyse de la littérature et les recommandations ont été formulées selon la méthodologie GRADE1. Résultats. – Le travail de synthèse des experts et l’application de la méthode GRADE ont abouti à 25 recommandations. Parmi les recommandations, 8 ont un niveau de preuve élevé (GRADE 1) et 9 un niveau de preuve faible (GRADE 2). Pour 7 questions, la méthode GRADE ne pouvant pas s’appliquer, la recommandation s’appuie sur des avis d’experts. Il n’a pas été possible de statuer pour trois questions. Conclusion. – À partir d’un accord fort entre experts, nous avons pu formuler 25 recommandations sur la prise en charge des femmes avec une prééclampsie sévère. C 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. A B S T R A C T Keywords: Objective. – To provide national guidelines for the management of women with severe preeclampsia. Guidelines Design. – A consensus committee of 26 experts was formed. A formal conflict of interest (COI) policy was Severe preeclampsia developed at the onset of the process and enforced throughout. The entire guidelines process was Maternal morbidity conducted independently of any industrial funding. The authors were advised to follow the principles of Neonatal morbidity the Grading of Recommendations Assessment, Development and Evaluation (GRADE1) system to guide assessment of quality of evidence. The potential drawbacks of making strong recommendations in the presence of low-quality evidence were emphasized. Methods. – The last SFAR and CNGOF guidelines on the management of women with severe preeclampsia was published in 2009. The literature is now sufficient for an update. The aim of this expert panel guidelines is to evaluate the impact of different aspects of the management of women with severe preeclampsia on maternal and neonatal morbidities separately. The experts studied questions within 7 domains. Each question was formulated according to the PICO (Patients Intervention Comparison Outcome) model and the evidence profiles were produced. An extensive literature review and recommendations were carried out and analyzed according to the GRADE1 methodology. Results. – The SFAR/CNGOF experts panel provided 25 recommendations: 8 have a high level of evidence (GRADE 1), 9 have a moderate level of evidence (GRADE 2), and for 7 recommendations, the GRADE method could not be applied, resulting in expert opinions. No recommendation was provided for 3 questions. After one scoring round, strong agreement was reached between the experts for all the recommendations. Conclusions. – There was strong agreement among experts who made 25 recommendations to improve practices for the management of women with severe preeclampsia. C 2021 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. 1. Introduction. Si elle ne représente pas la principale cause de mortalité maternelle en France, la prééclampsie sévère n’en demeure pas La prééclampsie est une pathologie spécifiquement obstétri- moins une de ses causes principales. Dans ce contexte, les décès cale, dont la prévalence est estimée entre 1 à 2 % des femmes maternels observés en France ont été jugés par les experts comme enceintes et qui peut, dans ses formes sévères , mettre en jeu le évitable dans 70 % des cas, principalement du fait d’inadéquations pronostic vital maternel et de l’enfant à naı̂tre. En France, la de la prise en charge des formes sévères. Par ailleurs, au-delà de la mortalité maternelle secondaire aux pathologies hypertensives mortalité maternelle, la prééclampsie peut être à l’origine d’une gravidiques a diminué de 50 % en 10 ans, atteignant un ratio de 0,5/ morbidité maternelle sévère significative : dans 10 % des cas, la 100 000 naissances vivantes en 2010-2012 selon le dernier rapport prééclampsie évolue vers une forme sévère, qui peut entraı̂ner des de l’enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles dysfonctions aiguës d’organes, parfois persistantes à moyen et long 3 M.-P. Bonnet, M. Garnier, H. Keita et al. Gynécologie Obstétrique Fertilité & Sénologie 50 (2022) 2–25 termes. La prééclampsie est également responsable d’un tiers des La formulation finale des recommandations est toujours naissances prématurées en France. binaire : soit positive soit négative et soit forte soit faible : Les dernières recommandations françaises émises par la SFAR et le CNGOF concernant la prise en charge de la prééclampsie  forte : il est recommandé de faire ou ne pas faire (GRADE 1+ ou 1-) ; sévère, très utilisées dans la pratique clinique, ont été publiées il y  faible : il est probablement recommandé de faire ou de ne pas a plus de 10 ans. De nouvelles recommandations nationales faire (GRADE 2+ ou 2-). ont été diffusées en 2019 au Royaume-Uni par le NICE (National Institute for Clinical Excellence) ainsi qu’aux États-Unis par l’ACOG (American College of Obstetricians and Gynecologists) 2.2. Introduction générale sur la méthode GRADE Grid [5,6]. Compte tenu des publications et des progrès réalisés ces La force de la recommandation est déterminée en fonction de 10 dernières années dans la prise en charge des pathologies sévères cinq facteurs clés et validée par les experts après un vote, en maternelles de manière globale, et de la prééclampsie sévère en utilisant la méthode GRADE Grid : particulier, une réactualisation des dernières recommandations SFAR-CNGOF est apparue nécessaire. Les objectifs de ces nouvelles  estimation de l’effet ; recommandations sont non seulement de proposer une définition  le niveau global de preuve : plus il est élevé, plus probablement actualisée de la prééclampsie sévère et de mettre à jour celles la recommandation sera forte ; émises en 2009, tel l’algorithme de prise en charge de l’hyperten-  la balance entre effets désirables et indésirables : plus celle-ci est sion artérielle, mais également d’aborder des nouvelles questions favorable, plus probablement la recommandation sera forte ; concernant la prise en charge des formes sévères, telles que la place  les valeurs et les préférences : en cas d’incertitude ou de de l’imagerie cérébrale dans l’éclampsie, les indications de grande variabilité, plus probablement la recommandation sera thromboprophylaxie, ou encore la formation des soignants par faible ; ces valeurs et préférences doivent être obtenues au la simulation dans ce contexte. Ces recommandations ont été mieux auprès des personnes concernées (patient, médecin, construites selon la méthode GRADE1 et sont donc majoritaire- décisionnaire) ; ment fondées sur des preuves issues de la littérature internatio-  coûts : plus les coûts ou l’utilisation des ressources sont élevés, nale. Elles ont été conçues par des experts de manière plus probablement la recommandation sera faible. multidisciplinaire, dans le but de constituer un outil actualisé et validé, afin d’aider les cliniciens pour la prise en charge des Pour valider une recommandation, au moins 50 % des patientes présentant une forme sévère de prééclampsie. participants doivent émettre une opinion lors du vote et moins de 20 % préfèrent la proposition contraire. Pour qu’une recom- mandation soit « forte » au moins 70 % des participants sont 2. Méthodologie d’accord. Si les experts ne disposent pas d’études traitant précisément du sujet, ou si aucune donnée sur les critères Dans un premier temps, le comité d’organisation a défini, avec principaux n’existe, aucune recommandation ne sera émise. Un les coordonnateurs d’experts, les questions à traiter et a désigné les avis d’experts pourra être donné tout en le différenciant clairement experts en charge de chacune d’entre elles. Les questions ont été des recommandations. Un avis d’expert n’est validé que si plus 70 % formulées selon le format PICO (Patients, Intervention, Comparison, des participants sont d’accord. Outcome). Une recherche bibliographique extensive depuis 2004 a été réalisée à partir des bases de données PubMed et Cochrane. Pour être retenues dans l’analyse, les publications devaient être 3. Résultats postérieures à 2004 ou jugées très importantes par le groupe d’experts et en langue anglaise ou française. 3.1. Champs des recommandations 2.1. Introduction générale sur la méthode GRADE1 Nous avons volontairement choisi de traiter 20 questions réparties en 7 champs. Ces questions ont été sélectionnées pour La méthode de travail utilisée pour l’élaboration de ces trois raisons différentes : leur importance, des progrès significatifs recommandations est la méthode GRADE1. Cette méthode permet, depuis les précédentes recommandations, ou encore le fait qu’elles après une analyse quantitative de la littérature, de déterminer donnaient matière à discussion. Les champs et questions suivants séparément la qualité des preuves, et donc de donner une ont été retenus pour le recueil et l’analyse de la littérature : estimation de la confiance que l’on peut avoir de l’analyse quantitative et un niveau de recommandation. La qualité des  Champ 1 : définition et score de prédiction preuves est répartie en quatre catégories :  Comment définir la prééclampsie sévère ?  L’utilisation de scores de prédiction de complications de la  haute : les recherches futures ne changeront très probablement prééclampsie sévère permet-elle de réduire la morbidité pas la confiance dans l’estimation de l’effet ; maternelle et/ou néonatale ?  modérée : les recherches futures changeront probablement la  Champ 2 : prise en charge thérapeutique confiance dans l’estimation de l’effet et pourraient modifier  Quels seuils tensionnels d’intervention thérapeutique et l’estimation de l’effet lui-même ; quelle voie d’administration permettent de réduire la  basse : les recherches futures auront très probablement un morbidité maternelle et/ou néonatale chez les femmes avec impact sur la confiance dans l’estimation de l’effet et modifie- une prééclampsie sévère ? ront probablement l’estimation de l’effet lui-même ;  Chez les femmes avec une prééclampsie sévère, quelles  très basse : l’estimation de l’effet est très incertaine. thérapeutiques anti-hypertensives permettent de réduire la morbidité maternelle et/ou néonatale ? L’analyse de la qualité des preuves est réalisée pour chaque  Chez les femmes avec une prééclampsie sévère, l’adminis- critère de jugement puis un niveau global de preuve est défini à tration en anténatal de sulfate de magnésium permet-elle de partir de la qualité des preuves des critères cruciaux. réduire la morbidité maternelle ? 4 M.-P. Bonnet, M. Garnier, H. Keita et al. Gynécologie Obstétrique Fertilité & Sénologie 50 (2022) 2–25  Chez les femmes avec une prééclampsie sévère, le remplissage cotations, un accord fort a été obtenu pour 100 % des recomman- vasculaire systématique permet-il de réduire la morbidité dations. Parmi les recommandations, 8 ont un niveau de preuve maternelle et/ou néonatale ? élevé (GRADE 1) et 10 un niveau de preuve faible (GRADE 2). Pour  Chez les femmes avec une prééclampsie sévère, l’adminis- 6 questions, la méthode GRADE ne pouvant pas s’appliquer, la tration de corticoı̈des permet-elle de réduire la morbidité recommandation s’appuie sur des avis d’experts. Il n’a pas été possible maternelle ? de statuer pour trois recommandations.  Chez les femmes ayant eu une crise d’éclampsie, l’adminis- Ces RFE se substituent aux recommandations précédentes tration de sulfate de magnésium en comparaison aux émanant de la SFAR et du CNGOF, sur un même champ benzodiazépines permet-elle de réduire la morbidité mater- d’application. Cependant, dans l’application de ces recommanda- nelle dont la récidive d’éclampsie ? tions, chaque praticien doit exercer son jugement, prenant en  Champ 3 : surveillance/évaluation compte son expertise et les spécificités de son établissement, pour  Chez les femmes avec une prééclampsie sévère, la réalisation déterminer la méthode d’intervention la mieux adaptée à l’état de d’une échographie thoracique (cardiaque et pulmonaire) dans la patiente dont il a la charge. l’objectif de guider le remplissage vasculaire permet-elle de réduire la morbidité maternelle par œdème aigu du poumon 4. Champ 1 : Définition et score de prédiction et/ou néonatale ?  Chez les femmes avec une prééclampsie sévère et des signes 4.1. Question 1 : comment définir la prééclampsie sévère ? de gravité, la surveillance dans une unité permettant un monitorage maternel continu réduit-elle la morbidité mater- Experts : Catherine Fischer, Paul Berveiller nelle et/ou néonatale ?  Champ 4 : critères d’arrêt de grossesse R1.1 – En présence d’une prééclampsie, définie par une hyper-  Chez les femmes avec une prééclampsie sévère entre 24 et tension artérielle gravidique systolique  140 mmHg et/ou 34 semaines d’aménorrhée, la poursuite de la grossesse diastolique  90 mmHg, et une protéinurie  0,3 g/24 h après permet-elle de réduire la morbidité néonatale, sans augmen- 20 semaines d’aménorhée, les experts suggèrent de retenir au ter de la morbidité maternelle en comparaison avec une moins un des critères suivants pour définir la prééclampsie sévère : naissance 48 heures après une cure de corticoı̈des ? une HTA sévère (PAS  160 mmHg et/ou PAD  110 mmHg) ou non  Chez les femmes avec une prééclampsie sévère, la césarienne contrôlée ; une protéinurie > 3 g/24 h ; une créatinémie comparée à une tentative de voie basse permet-elle de réduire  90 mmol/l ; une oligurie  500 ml/24 h ou  25 ml/h ; une la morbidité maternelle et/ou néonatale ? thrombopénie < 100 000/mm3 ; une cytolyse hépatique avec  Chez les femmes ayant fait une crise d’éclampsie, dans quel ASAT/ALAT > 2N délai doit-on faire naı̂tre l’enfant pour réduire la morbidité une douleur abdominale épigastrique et/ou une douleur de maternelle et/ou néonatale ? l’hypochondre droit « en barre » persistante ou intense ; une  Champ 5 : prise en charge anesthésique douleur thoracique, une dyspnée, un œdème aigu du poumon ; des  Chez les femmes avec une prééclampsie sévère et nécessitant signes neurologiques : céphalées sévères ne répondant pas au une césarienne, le recours à l’anesthésie périmédullaire en traitement, troubles visuels ou auditifs persistants, réflexes comparaison à l’anesthésie générale permet-elle de réduire la ostéotendineux vifs, diffusés et polycinétiques morbidité maternelle et/ou néonatale ? R1.2 – Les experts suggèrent, qu’au-delà des valeurs seuils des  Chez les femmes avec une prééclampsie sévère et nécessi- paramètres biologiques mentionnés en R1.1, une aggravation de tant une anesthésie générale, l’adjonction d’un bolus de ces paramètres constituent également un critère diagnostique de morphinique ou d’un agent antihypertenseur à l’induction prééclampsie sévère permet-elle de réduire la morbidité maternelle et/ou néonatale ? R1.3 – Les experts suggèrent que parmi les critères définissant la  Champ 6 : prise en charge postpartum prééclampsie sévère, certains soient considérés comme des signes  Chez les femmes avec une prééclampsie sévère, l’adminis- cliniques ou biologiques de gravité : une PAS  180 mmHg et/ou tration postnatale de sulfate de magnésium réduit-elle la une PAD  120 mmHg ; une douleur abdominale épigastrique et/ morbidité maternelle ? ou de l’hypochondre droit « en barre » persistante ou intense ; des  Chez les femmes avec une prééclampsie sévère, l’adminis- céphalées sévères ne répondant pas au traitement, des troubles tration de diurétiques dans le postpartum réduit-elle la visuels ou auditifs persistants, un déficit neurologique, des morbidité maternelle ? troubles de la conscience, des réflexes ostéotendineux vifs,  Chez les femmes avec une prééclampsie sévère, quels moyens diffusés, et polycinétiques ; une détresse respiratoire, un œdème de prévention en pré- et en postpartum permettent de réduire aigu du poumon ; un HELLP syndrome ; une insuffisance rénale la morbidité maternelle d’origine thromboembolique ? aiguë  Chez les femmes ayant présenté une crise d’éclampsie, la réalisation systématique d’une imagerie cérébrale permet- elle de réduire la morbidité maternelle ?  Champ 7 : formation des équipes  La simulation ou l’utilisation d’aides cognitives permet-elle de réduire la morbidité maternelle et/ou néonatale ? 3.2. Recommandations Après synthèse du travail des experts et application de la méthode GRADE, 25 recommandations ont été formalisées. La totalité des recommandations a été soumise au groupe d’experts pour une cotation avec la méthode GRADE Grid. Après un tour de 5 M.-P. Bonnet, M. Garnier, H. Keita et al. Gynécologie Obstétrique Fertilité & Sénologie 50 (2022) 2–25 Avis d’expert (accord FORT) Absence de recommandation Argumentaire : Von Dadelszen et al. ont décrit le score le plus Argumentaire : les recommandations publiées depuis 20 ans par étudié et connu pour prédire les complications maternelles les sociétés savantes des différentes spécialités impliquées définies par un critère composite de morbi-mortalité maternelle (gynécologie-obstétrique, anesthésie-réanimation, cardiologie, (fullPIERS model). Il a été développé à partir de données néphrologie) ne proposent pas de définition consensuelle et prospectives multicentriques internationales recueillies chez précise de la prééclampsie sévère. Si les recommandations 2023 femmes avec une prééclampsie. Au final, les facteurs s’étaient attachées à la définir précisément en 2009, la distinction prédictifs incluaient l’âge gestationnel à l’admission, la présence d’une forme sévère de prééclampsie est depuis remise en question d’une douleur thoracique ou d’une dyspnée, la désaturation, la par certains, qui considèrent que la prééclampsie est une seule numération plaquettaire, la créatininémie et le dosage plasma- entité présentant un continuum de sévérité tique des enzymes hématiques [ASAT]. Ce modèle était discrimi- Dans les différentes recommandations disponibles qui définissent nant avec une aire sous la courbe ROC (AUROC) de 0,88 [IC 95 % la prééclampsie sévère, les critères cliniques et biologiques 0,84–0,92], une sensibilité de 76 % et une spécificité de 87 % pour proposés correspondent tous à des marqueurs de dysfonction les complications maternelles survenant dans les 48 h suivant d’organe (Supplément en ligne). Ces critères permettent d’évaluer l’admission, avec une bonne performance jusqu’à 7 jours avec une l’évolutivité de la maladie et d’orienter les décisions VPN > 99 %. Ce score a montré une bonne validité externe et thérapeutiques. Cependant, il n’existe pas d’algorithme validé interne afin de prédire les complications maternelles à 7 jours chez permettant de les stratifier, de préciser ceux qui seraient les patientes avec une prééclampsie, et ce, à tout âge gestationnel indispensables ou majeurs pour définir les formes sévères. Par. La validité externe de ce modèle a été retrouvée par plusieurs ailleurs, l’âge gestationnel et le statut fœtal ne sont, le plus souvent, études et dans des populations très variées [2,3]. Un autre modèle, pas pris en compte dans les définitions les plus récentes qui le miniPIERS a été développé pour les pays à faible niveau de distinguent prééclampsie et prééclampsie sévère ressources en utilisant les données prospectives de 2 081 femmes De manière générale, les données des études internationales. Ce modèle incluait l’âge gestationnel à l’admission, la parité, la s’intéressant à la prééclampsie sévère ne permettent pas non plus présence de céphalées ou de troubles visuels, une éventuelle de valider une définition précise et homogène de la prééclampsie dyspnée ou douleur thoracique, des métrorragies associées à des sévère. La définition n’est ni partagée au cours du temps (les douleurs abdominales, la pression artérielle systolique et la recommandations étant régulièrement mises à jour et modifiées), présence d’une protéinurie. Ce modèle a montré une bonne ni entre les différentes études (selon les pays, les centres et les discrimination, bien que moindre que celle du modèle fullPIERS, auteurs). En conséquence, les méta-analyses regroupent des avec une AUROC de 0,77 [IC 95 % 0,74–0,80]. À noter que les AUROC études avec des définitions variables, voire divergentes. Les étaient différentes selon les pays où étaient réalisées les études. La critères retenus par les experts pour chacune de ces différentes sensibilité était plus faible que le score fullPIERS à 41 % et la recommandations figurent dans l’Annexe 1Nous avons choisi de ne spécificité à 92 % pas intégrer dans la définition de la prééclampsie sévère des D’autres modèles ont été publiés dans des contextes différents en éléments de retentissement fœtal (âge gestationnel, estimation de termes de populations, de définitions de prééclampsie, de critères poids fœtal, anomalies Doppler). En effet, si ces éléments sont de jugement, ce qui rend leur interprétation plus complexe et leur isolés, sans autre signe de sévérité maternelle, les critères utilisation en pratique clinique discutable. Souvent, ces modèles décisionnels d’arrêt de grossesse ne différeront pas de ceux pris en ont été testés dans des études rétrospectives, avec des échantillons compte en cas de restriction de croissance intra-utérin de populations de faible taille Le rapport protéinurie/créatininurie n’a pas été pris en compte du En revanche, il n’existe pas, à notre connaissance, d’étude ayant fait de l’absence de donnée sur la performance de ce critère en exploré l’impact de l’utilisation de ces scores sur la diminution de termes de sévérité de la prééclampsie. Par contre, le groupe d’experts la morbidité maternelle et/ou néonatale. C’est pourquoi, les a choisi de conserver le critère de protéinurie comme un des critères experts ne peuvent pas conclure sur l’utilisation de ces scores en de sévérité. En effet, même s’il n’est pas démontré que la protéinurie pratique courante est associée à une augmentation de la morbidité maternelle et ou néonatale, la sensibilité est à privilégier par rapport la spécificité Références dans ce contexte clinique à haut risque de complications maternelles 1. von Dadelszen P, Payne B, Li J, et al. Prediction of adverse maternal outcomes in pre-eclampsia: development and validation Références of the fullPIERS model. Lancet.2011 Jan 15;377 (9761): 219-27 1 : NICE guideline 25 June 2019 Hypertension in pregnancy: 2. Ukah UV, Payne B, Hutcheon JA, et al. Assessment of the fullPIERS diagnosis and management. www.nice.org.uk/guidance/ng133 Risk Prediction Model in Women With Early-Onset Preeclampsia. 2 : Cadoret F, Vidal F, Parant O, Vayssiere C, Guerby P. Expectant Hypertension. 2018 Apr;71 (4): 659-65 versus active management of HELLLP syndrome J Matern Fetal 3. Almeida ST, Katz L, Coutinho I, et al. Validation of fullPIERS model Neonatal Med. 2020 Mar 9;9:1-6 for prediction of adverse outcomes among women with severe pre- eclampsia. Int J Gynaecol Obstet. 2017 Aug;138 (2):142–7 4.2. Question 2 : l’utilisation de scores de prédiction de complications 4. Payne BA, Hutcheon JA, Ansermino JM, et al. A risk prediction de la prééclampsie sévère permet-elle de réduire la morbidité model for the assessment and triage of women with hypertensive maternelle et/ou néonatale ? disorders of pregnancy in low-resourced settings: the miniPIERS [Pre-eclampsia Integrated Estimate of RiSk] multi-country Experts : Paul Berveiller, Catherine Fischer prospective cohort study. PLoS Med. 2014 Jan;11 (1):e1001589 En l’absence de données démontrant une diminution de la morbidité maternelle et/ou néonatale associée à l’utilisation de score prédictif de sévérité, il n’est pas possible d’émettre de recommandation sur l’utilisation en pratique courante de score de prédiction dans la surveillance des femmes avec une prééclampsie sévère 6 M.-P. Bonnet, M. Garnier, H. Keita et al. Gynécologie Obstétrique Fertilité & Sénologie 50 (2022) 2–25 5. Champ 2 : prise en charge thérapeutique (Fig. 1 et 2) Enfin, les sociétés savantes nord-américaine (ACOG) , britan- nique (RCOG) et internationale [ISSHP] considèrent 5.1. Question 1 : quels seuils tensionnels d’intervention thérapeutique également les valeurs de PAS  160 mmHg et/ou de PAD et quelle voie d’administration permettent de réduire la morbidité  110 mmHg (confirmées au repos et à 15 minutes d’intervalle) maternelle et/ou néonatale chez les femmes avec une prééclampsie comme des seuils d’intervention thérapeutique devant faire sévère ? débuter ou majorer un traitement antihypertenseur dans le contexte de la prééclampsie. Ces seuils s’appliquent que la Experts : Edouard Lecarpentier, Max Gonzalez Estevez patiente soit en pré- ou postpartum, qu’elle soit traitée ou non par un médicament antihypertenseur, qu’elle présente ou non une R2.1 – Il est recommandé d’administrer systématiquement un HTA chronique préexistante, et qu’elle bénéficie ou non d’une traitement antihypertenseur chez les patientes avec une pré- analgésie ou d’une anesthésie péri-médullaire éclampsie sévère présentant une PAS  160 mmHg et/ou une PAD Il n’existe pas d’essai randomisé ayant comparé la morbidité  110 mmHg au repos et persistant durant plus de 15 minutes, et maternelle et/ou néonatale chez les patientes avec une de maintenir la pression artérielle en dessous de ces seuils, pour prééclampsie sévère en fonction de différentes valeurs cibles de PA réduire la survenue de complications maternelles, fœtales et à atteindre sous traitement antihypertenseur. Dans l’essai CHIPS néonatales sévères. portant sur des patientes avec une HTA pendant la grossesse sans prééclampsie , il n’y avait pas de différence de mortalité et de GRADE 1+ (accord FORT) morbidité sévère néonatale entre le groupe « contrôle tensionnel R2.2 – En cas de prééclampsie sévère avec au moins un signe de strict » (objectif de PAD = 80–85 mmHg) et le groupe « contrôle gravité clinique ou biologique (Cf. R1.3), ou en cas d’HTA sévère tensionnel plus large » (objectif de PAD = 100–105 mmHg). En persistant malgré un traitement antihypertenseur oral en mono- revanche, les patientes du groupe « contrôle tensionnel plus large » ou bithérapie, il est recommandé d’administrer le traitement présentaient significativement plus d’épisodes d’HTA sévères que antihypertenseur par voie intraveineuse les patientes du groupe « contrôle tensionnel strict » (200/493 GRADE 1+ (accord FORT) (41 %) vs 134/488 (27 %) ; OR 1,80 [1,34–2,38]) les exposant à un Argumentaire : L’essai contrôlé randomisé CHIPS a comparé en risque accru de complications. Ainsi, fixer comme objectif cours de grossesse une stratégie de contrôle tensionnel strict thérapeutique d’atteindre une PAS < 160 mmHg et une PAD (objectif de PAD = 80–85 mmHg) à une stratégie plus large (objectif < 110 mmHg, représentant les valeurs seuils de l’HTA sévère, est à de PAD = 100–105 mmHg) chez 987 patientes présentant une HTA ce jour la stratégie la plus recommandable chronique (75 % des patientes) ou une HTA gravidique (25 % des Concernant la voie d’administration du traitement patientes). Le critère de jugement principal composite incluait la antihypertenseur, l’intégralité des études randomisées incluses mortalité fœtale et néonatale et la morbidité néonatale sévère. Les dans les 4 méta-analyses comparant l’efficacité de différents patientes prééclamptiques ou avec une PAS  160 mmHg au traitements antihypertenseurs dans l’HTA sévère en cours de moment du screening n’étaient pas incluses. L’étude n’était donc pas grossesse ont utilisé la voie intraveineuse, à l’exclusion de la voie conçue pour tester un seuil d’intervention pour la prééclampsie orale pour la nifédipine à libération immédiate [3-5, 11]. La sévère. Cependant, une analyse post-hoc des 334 (33 %) patientes nifédipine orale ne sera prochainement plus disponible en France incluses dans cette étude ayant développé une HTA sévère (définie du fait de l’arrêt de sa commercialisation. La voie d’administration par une PAS  160 mmHg et/ou une PAD  110 mmHg) a montré que utilisable disposant du plus de données sur son efficacité dans le la survenue d’une HTA sévère était significativement associée à une traitement de l’HTA sévère en cours de grossesse est donc la voie augmentation de la mortalité fœtale et de la morbidité néonatale intraveineuse. Il n’existe certes pas d’études randomisées sévère, à un poids de naissance < 10e percentile, à la survenue d’une contrôlées similaires dans le sous-groupe de patientes prééclampsie, à un accouchement prématuré avant 34 semaines hypertendues sévères développant une prééclampsie sévère. d’aménorrhée, à une élévation des enzymes hépatiques et à une Néanmoins, conduire un tel essai de nos jours ne serait pas éthique, thrombopénie maternelles. La majorité de ces femmes avec HTA du fait du risque de survenue d’accident vasculaire cérébral sévère développait une prééclampsie (74,5 %). Après ajustement sur ischémique ou hémorragique maternel, d’œdème aigu du poumon, la prééclampsie, l’association restait significative entre HTA sévère et d’hématome rétro-placentaire, de mort fœtale in utero, de mortalité fœtale/morbidité néonatale sévère, poids de naissance naissance prématurée et de complications néonatales sévères chez < 10e percentile, accouchement prématuré avant 34 SA, et élévation des patientes qui seraient insuffisamment traitées ou non traitées des enzymes hépatiques maternelles. L’HTA sévère est donc un par antihypertenseur, avec une PA persistant au-dessus des seuils facteur de risque de survenue d’évènements maternels, fœtaux et de PAS  160 mmHg et/ou PAD  110 mmHg néonataux majeurs En conséquence, les experts ont unanimement décidé de relever le niveau de ces recommandations portant sur les femmes avec Le seuil de PAS  160 mmHg et/ou PAD  110 mmHg pour définir une prééclampsie sévère d’un GRADE 2+ à un GRADE 1+, du fait de HTA sévère nécessitant un traitement est corroboré par les méta- l’impact clinique important que représente la réduction des analyses d’essais randomisés de Duley et al., Alafivard et al. et évènements maternels, fœtaux et néonataux associés à l’HTA Sridharan et al. [3–5] dans lesquelles la majorité des études sévère, et du rapport bénéfice/risque très favorable du traitement randomisées incluses utilisaient également ce seuil. De plus, Martin antihypertenseur observé dans la population des patientes et al. ont montré dans une étude rétrospective portant sur 28 accidents présentant une HTA sévère durant la grossesse vasculaires cérébraux (AVC) maternels dans un contexte de pré- éclampsie sévère ou d’éclampsie, qu’une PAS > 160 mmHg était retrouvée dans 96 % des cas dans les heures qui précédaient l’AVC , renforçant la pertinence de ce seuil. Ces AVC étaient sévères (coma et décès dans 54 % des cas), majoritairement hémorragiques, et survenaient aussi bien en pré qu’en postpartum, principalement chez des patientes ne recevant pas de traitement antihypertenseur. Prévenir ces AVC (qui représentent environ 12 % des morts maternelles en France ), est donc un enjeu majeur de santé publique 7 M.-P. Bonnet, M. Garnier, H. Keita et al. Gynécologie Obstétrique Fertilité & Sénologie 50 (2022) 2–25 Fig. 1. Algorithme de prise en charge selon la présence ou non de signes de gravité chez les femmes avec une pré-éclampsie sévère. Fig. 2. Protocole d’administration des traitements antihypertenseurs par voie intra-veineuse chez les femmes avec une pré-éclampsie sévère. 8 M.-P. Bonnet, M. Garnier, H. Keita et al. Gynécologie Obstétrique Fertilité & Sénologie 50 (2022) 2–25 Références GRADE 2+ (accord FORT) 1. Magee LA, von Dadelszen P, Rey E, Ross S, Asztalos E, Murphy KE, Argumentaire : les méta-analyses de Duley et al. , Alafivard et al. et al. Less-tight versus tight control of hypertension in pregnancy. et Sridharan et al. ne montraient pas de différence N Engl J Med. 2015 Jan 29;372 (5):407-17. d’efficacité du contrôle tensionnel entre labétalol IV et hydralazine 2. Magee LA, von Dadelszen P, Singer J, Lee T, Rey E, Ross S, et al. The IV, évaluée par le nombre de femmes ayant une HTA persistante CHIPS Randomized Controlled Trial [Control of Hypertension in malgré traitement (RR = 0,36 [0,55–3,74] [2 études], OR = 0,71 Pregnancy Study]: Is Severe Hypertension Just an Elevated Blood [0,29–1,73] (3 études) et RR = 1,4 [0,7–2,8] (14 études), Pressure? Hypertension. 2016 Nov;68 (5):1153-9. respectivement). L’hydralazine IV est actuellement très peu 3. Duley L, Meher S, Jones L. Drugs for treatment of very high blood utilisée en France, à l’inverse du labétalol IV, qui dispose de pressure during pregnancy. Cochrane Database Syst Rev. 2013 Jul données solides dans la littérature. L’efficacité du labétalol a été 31;2013 (7):CD001449. évaluée dans onze essais randomisés dans le contexte d’HTA 4. Alavifard S, Chase R, Janoudi G, Chaumont A, Lanes A, Walker M, sévère, que cela soit en perfusion continue IVSE ou en bolus, avec et al. First-line antihypertensive treatment for severe hypertension peu d’effets secondaires maternels ou fœtaux [4–14]. De plus, les in pregnancy: A systematic review and network meta-analysis. délais de contrôle tensionnel de l’HTA sévère avec le labétalol IV Pregnancy Hypertens 2019 Oct;18:179-87. sont inférieurs à 1 heure (12 à 45 minutes selon les auteurs, quel 5. Sridharan K, Sequeira RP. Drugs for treating severe hypertension que soit le protocole utilisé) [8,11,15,16]. Le labétalol est, pour in pregnancy: a network meta-analysis and trial sequential toutes ces raisons, l’antihypertenseur intraveineux à privilégier en analysis of randomized clinical trials. Br J Clin Pharmacol. France dans cette indication. Malgré une utilisation large en 2018 Sep;84 (9):1906-16. pratique clinique, il n’existe pas de données issues d’essai 6. Martin JN, Thigpen BD, Moore RC, Rose CH, Cushman J, May W. randomisé contrôlé testant l’efficacité de la nicardipine IV pour Stroke and severe preeclampsia and eclampsia: a paradigm shift la prise en charge de l’HTA dans le contexte de la prééclampsie focusing on systolic blood pressure. Obstet Gynecol. 2005 Feb;105 sévère. C’est pourquoi les experts ne recommandent pas cette (2):246-54. molécule en première intention 7. Les morts maternelles en France: mieux comprendre pour mieux Références prévenir. 5e rapport de l’Enquête nationale confidentielle sur les 1. Duley L, Meher S, Jones L. Drugs for treatment of very high blood morts maternelles [ENCMM] 2010-2012.:231. pressure during pregnancy. Cochrane Database Syst Rev. Jul 8. ACOG Committee Opinion No. 767 Summary: Emergent Therapy 31;2013 (7):CD001449. for Acute-Onset, Severe Hypertension During Pregnancy and the 2. Alavifard S, Chase R, Janoudi G, Chaumont A, Lanes A, Walker M, Postpartum Period. Obstet Gynecol. 2019 Feb;133(2):409-12. et al. First-line antihypertensive treatment for severe hypertension 9. NICE guideline 25 June 2019 Hypertension in pregnancy: in pregnancy: A systematic review and network meta-analysis. diagnosis and management. www.nice.org.uk/guidance/ng133 Pregnancy Hypertens. Oct 2019;18:179-87. 10. Brown MA, Magee LA, Kenny LC, Karumanchi SA, McCarthy FP, 3. Sridharan K, Sequeira RP. Drugs for treating severe hypertension Saito S, et al. The hypertensive disorders of pregnancy: ISSHP in pregnancy: a network meta-analysis and trial sequential classification, diagnosis & management recommendations for analysis of randomized clinical trials. Br J Clin Pharmacol. international practice. Pregnancy Hypertens. 2018 Jul;13:291-310. 2018 Sept;84 (9):1906-16. 11. Abalos E, Duley L, Steyn DW, Gialdini C. Antihypertensive drug 4. Mabie WC, Gonzalez AR, Sibai BM, Amon E. A comparative trial of therapy for mild to moderate hypertension during pregnancy. labetalol and hydralazine in the acute management of severe Cochrane Database Syst Rev. 2018 Oct 1;10 (10):CD002252. hypertension complicating pregnancy. Obstet Gynecol. 1987 Sept;70 (3 Pt 1):328-33. 5.2. Question 2 : chez les femmes avec une prééclampsie sévère, 5. Vigil-De Gracia P, Lasso M, Ruiz E, Vega-Malek JC, de Mena FT, quelles thérapeutiques anti-hypertensives permettent de réduire la López JC, et al. Severe hypertension in pregnancy: hydralazine or morbidité maternelle et/ou néonatale ? labetalol. A randomized clinical trial. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol. 2006 Oct;128 (1-2):157-62. Experts : Edouard Lecarpentier, Max Gonzalez Estevez 6. Delgado De Pasquale S, Velarde R, Reyes O, De La Ossa K. Hydralazine vs labetalol for the treatment of severe hypertensive R2.3 – Lorsqu’un antihypertenseur intraveineux est indiqué, il est disorders of pregnancy. A randomized, controlled trial. Pregnancy probablement recommandé d’utiliser le labétalol en première Hypertens. 2014 Janv;4 (1):19-22. intention chez les femmes avec une prééclampsie sévère 7. Morris R, Sunesara I, Darby M, Novotny S, Kiprono L, Bautista L, et al. Impedance cardiography assessed treatment of acute severe pregnancy hypertension: a randomized trial. J Matern-Fetal Neonatal Med Off J Eur Assoc Perinat Med Fed Asia Ocean Perinat Soc Int Soc Perinat Obstet. 2016;29 (2):171-6. 8. Patel P, Koli D, Maitra N, Sheth T, Vaishnav P. Comparison of Efficacy and Safety of Intravenous Labetalol Versus Hydralazine for Management of Severe Hypertension in Pregnancy. J Obstet Gynaecol India. 2018 Oct;68 (5):376-81. 9. Khan A, Hafeez S, Nasrullah FD. Comparison of Hydralazine and Labetalol to lower severe hypertension in pregnancy. Pak J Med Sci. 2017;33 (2):466-470 10. Vermillion ST, Scardo JA, Newman RB, Chauhan SP. A randomized, double-blind trial of oral nifedipine and intravenous labetalol in hypertensive emergencies of pregnancy. Am J Obstet Gynecol. 1999 Oct;181 (4):858-61. 9 M.-P. Bonnet, M. Garnier, H. Keita et al. Gynécologie Obstétrique Fertilité & Sénologie 50 (2022) 2–25 11. Raheem IA, Saaid R, Omar SZ, Tan PC. Oral nifedipine versus 3. Elatrous S, Nouira S, Ouanes Besbes L, Marghli S, Boussarssar M, intravenous labetalol for acute blood pressure control in hyper- Sakkouhi M, et al. Short-term treatment of severe hypertension of tensive emergencies of pregnancy: a randomised trial. BJOG Int J pregnancy: prospective comparison of nicardipine and labetalol. Obstet Gynaecol. 2012 Janv;119 (1):78-85. Intensive Care Med. 2002 Sept;28 (9):1281-6. 12. S. Shekhar, C. Sharma, S. Thakur, S. Verma, Oral nifedipine or 4. Seki H, Takeda S, Kinoshita K. Long-term treatment with intravenous labetalol for hypertensive emergency in pregnancy: a nicardipine for severe pre-eclampsia. Int J Gynaecol Obstet Off randomized controlled trial, Obstet. Gynecol. 122 (5) (2013) 1057– Organ Int Fed Gynaecol Obstet. 2002 Feb;76 (2):135-41. 1063. 5. Aya AG, Mangin R, Hoffet M, Eledjam JJ. Intravenous nicardipine 13. B. Dhananjaya, R. Jamuna, Oral nifedipine versus intravenous for severe hypertension in pre-eclampsia–effects of an acute labetalol in hypertensive emergencies of pregnancy: a randomised treatment on mother and foetus. Intensive Care Med. 1999 Nov;25 trial, Res. J. Pharm., Biol. Chem. Sci. 2015;6 (2):1673–1681. (11):1277-81. 14. Shi D-D, Yang F-Z, Zhou L, Wang N. Oral nifedipine vs. 6. Wacker J, Werner P, Walter-Sack I, Bastert G. Treatment of intravenous labetalol for treatment of pregnancy-induced severe hypertension in patients with pre-eclampsia: a prospective pre-eclampsia. J Clin Pharm Ther. 2016 Dec;41 (6):657-61. parallel-group study comparing dihydralazine with urapidil. 15. Zulfeen M, Tatapudi R, Sowjanya R. IV labetalol and oral Nephrol Dial Transplant Off Publ Eur Dial Transpl Assoc - Eur Ren nifedipine in acute control of severe hypertension in pregnancy-A Assoc. 1998 Feb;13 (2):318-25. randomized controlled trial. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol. 7. Wacker JR, Wagner BK, Briese V, Schauf B, Heilmann L, Bartz C, 2019 May;236:46-52. et al. Antihypertensive therapy in patients with pre-eclampsia: A 16. Elatrous S, Nouira S, Ouanes Besbes L, Marghli S, Boussarssar M, prospective randomised multicentre study comparing Sakkouhi M, et al. Short-term treatment of severe hypertension of dihydralazine with urapidil. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol. pregnancy: prospective comparison of nicardipine and labetalol. 2006 Aug;127 (2):160-5. Intensive Care Med. 2002 Sept;28 (9):1281-6. 8. Carles G, Helou J, Dallah F, Ibrahim N, Alassas N, Youssef M. [Use of injectable urapidil in pregnancy-induced hypertension and preeclampsia]. J Gynecol Obstet Biol Reprod. 2012 Nov;41 (7):645- 9. R2.4 – Il est probablement recommandé d’utiliser la nicardipine ou l’urapidil en association au labétalol IV si la pression artérielle n’est pas contrôlée, ou à la place du labétalol IV en cas de contre- R2.5 – En cas de prééclampsie sévère avec une HTA contrôlée par indication aux bêtabloquants. un antihypertenseur intraveineux, les experts préconisent de poursuivre le traitement et de faire un relais par un anti- GRADE 2+ (accord FORT) hypertenseur par voie orale, pour réduire le risque de récidive Argumentaire : cinq études ont évalué la nicardipine IV dans le d’une HTA sévère et ses conséquences maternelles, fœtales et traitement de la prééclampsie avec HTA sévère [1-5]. Ces travaux néonatales. montrent une bonne efficacité à assurer un contrôle tensionnel, Avis d’experts (accord FORT) dans des délais quasi systématiquement inférieurs à 1 heure, et sans effet indésirable majeur hormis des cas de tachycardie ou de Argumentaire : la méta-analyse d’Abalos et al. regroupait 58 essais céphalées pouvant interférer avec la surveillance des signes de randomisés (5 909 patientes) et comparaı̂t l’efficacité de différents gravité de la prééclampsie. Un seul essai randomisé de petite taille antihypertenseurs oraux pour prévenir la survenue d’une HTA et monocentrique compare l’efficacité sur le contrôle tensionnel de sévère chez des patientes présentant une HTA modérée durant la la nicardipine IV au labétalol IV (30 patientes avec une prééclam- grossesse. Quel que soit le traitement antihypertenseur psie sévère dans chaque groupe), sans mettre en évidence de administré (20 essais regroupant 2 558 patientes), l’incidence différence significative en termes d’efficacité et de sécurité entre d’HTA sévère était moins importante qu’en l’absence de traitement les 2 groupes. Face à la rareté des données, la nicardipine ne ou de prise de placebo (RR = 0,49 [0,4–0,6]). De plus, dans l’essai peut donc pas être recommandée en première intention en contrôlé randomisé CHIPS réalisé chez des patientes présentant l’absence de contre-indication au labétalol. une HTA chronique ou gravidique non sévère, l’incidence d’une Trois études ont évalué l’efficacité de l’urapidil dans l’HTA sévère HTA sévère (définie par une PAS  160 mmHg et/ou une PAD pendant la grossesse : 2 essais randomisés le comparant à  110 mmHg) était significativement plus élevée dans le bras l’hydralazine [6,7] et une étude observationnelle. Ces travaux « contrôle tensionnel moins strict » que dans le bras « contrôle montrent une bonne efficacité à assurer un contrôle tensionnel tensionnel strict » (respectivement 200/493 [40,6 %] et 134/488 comparable à celle de l’hydralazine et sans effet indésirable [27,5 %], OR 1,80 [1,34–2,38]). Il semble donc justifié, dans le cadre materno-fœtal significatif. Dans l’étude de Carles et al. , le délai de la prééclampsie sévère, d’adopter une stratégie visant à moyen de contrôle tensionnel était également inférieur à 1 heure poursuivre un traitement antihypertenseur per os chez les (26 minutes). patientes ayant une HTA contrôlée sous traitement intraveineux À notre connaissance, il n’existe aucune donnée dans la littérature Références concernant l’efficacité de la clonidine par voie intraveineuse dans 1. Abalos E, Duley L, Steyn DW, Gialdini C. Antihypertensive drug le traitement de l’HTA sévère chez la femme enceinte ; aucune therapy for mild to moderate hypertension during pregnancy. recommandation concernant l’utilisation de cette molécule ne Cochrane Database Syst Rev. 2018 Oct;10 (10):CD002252. peut donc être émise. 2. Magee LA, von Dadelszen P, Rey E, Ross S, Asztalos E, Murphy KE, Références et al. Less-tight versus tight control of hypertension in pregnancy. 1. Carbonne B, Jannet D, Touboul C, Khelifati Y, Milliez J. N Engl J Med. 2015 Janv 29;372 (5):407-17. Nicardipine treatment of hypertension during pregnancy. Obstet Gynecol. 1993 Jun;81 (6):908-14. 2. Hanff LM, Vulto AG, Bartels PA, Roofthooft DWE, Bijvank BN, Steegers EAP, et al. Intravenous use of the calcium-channel blocker nicardipine as second-line treatment in severe, early-onset pre- eclamptic patients. J Hypertens. 2005 Dec;23 (12):2319-26. 10 M.-P. Bonnet, M. Garnier, H. Keita et al. Gynécologie Obstétrique Fertilité & Sénologie 50 (2022) 2–25 5.3. Question 3 : chez les femmes avec une prééclampsie sévère, R2.6 – En cas de prééclampsie sévère avec HTA contrôlée sous l’administration anténatale de sulfate de magnésium permet-elle de traitement antihypertenseur intraveineux (PAS < 160 mmHg et réduire la morbidité maternelle et/ou néonatale ? PAD < 110 mmHg), il est probablement recommandé d’utiliser en relais le labétalol en première intention comme antihypertenseur Experts : Thiphaine Barjat, Lionel Bouvet oral GRADE 2+ (accord FORT) R2.8 – Il est recommandé d’administrer en anténatal du sulfate de magnésium aux femmes avec une prééclampsie sévère avec au R2.7 – Les experts suggèrent d’utiliser la nicardipine ou l’alpha- moins un signe clinique de gravité (Cf. R1.3) afin de réduire le méthyldopa en association au labétalol per os si la pression risque de survenue d’une éclampsie artérielle n’est pas contrôlée, ou à la place du labétalol en cas de contre-indication aux bêtabloquants. GRADE 1+ (accord FORT) Avis d’expert (accord FORT) R2.9 – Il est probablement recommandé d’administrer en anténatal du sulfate de magnésium aux femmes avec une prééclampsie Argumentaire : dans la méta-analyse d’Abalos et al., les bêta- sévère avec au moins un signe clinique de gravité (Cf. R1.3) afin de bloquants per os [RR = 0,38[0,26-0,57]] et l’alpha-méthyldopa per réduire le risque de survenue d’un hématome rétro-placentaire os [RR = 0,32[0,17-0,58]] permettent, en cas d’HTA non sévère, d’éviter la survenue d’une HTA sévère en comparaison à l’absence GRADE 2+ (accord FORT) de traitement ou un placebo, contrairement aux inhibiteurs Argumentaire : une méta-analyse de la Cochrane a étudié les effets calciques [RR = 0,81[0,6-1,11]]. Néanmoins, du fait des du traitement par sulfate de magnésium dans le contexte de la nombreuses données existantes et d’une meilleure qualité prééclampsie sévère sur le pronostic maternel. L’essai Magpie méthodologique des études concernant le labétalol, nous pro- représente deux tiers de l’effectif inclus dans cette méta-analyse posons de l’utiliser préférentiellement à l’alpha-méthyldopa en relais du traitement IV lorsque l’HTA sévère a été contrôlée. Dans En prévention primaire de l’éclampsie, la méta-analyse de la un essai prospectif randomisé ouvert réalisé en Inde sur Cochrane retrouve une diminution significative du risque 2 307 femmes à l’inclusion, Easterling et al. ont évalué l’efficacité d’éclampsie lorsque les patientes avec une prééclampsie sévère par voie orale du labétalol (200 mg renouvelable deux fois), de la (3 études, n = 3 555 femmes) sont traitées par sulfate de nifédipine (10 mg renouvelable deux fois) et de l’alpha-méthyl- magnésium administré en prénatal ou postpartum en comparaison dopa (1 000 mg en dose unique) chez des patientes après à un placebo (RR 0,37, IC 95 % [0,22–0,54]. Concernant 28 semaines d’aménorrhée avec HTA sévère (PAS  160 mmHg et/ l’administration en anténatal de sulfate de magnésium, la méta- ou PAD  110 mmHg). Le critère de jugement principal était le analyse a inclus six études (n = 10 109 ; prééclampsie sévère : contrôle de la pression artérielle (défini comme une pression 2 études, n = 913 femmes ; prééclampsie sévère ou modérée : artérielle systolique de 120–150 mmHg et une pression artérielle 1 étude, n = 8 775 dont 26 % de prééclampsies sévères ; diastolique de 70–100 mmHg) dans les 6 heures sans hypotension prééclampsie modérée : 3 études, n = 421 femmes), et montre une ou autre effet secondaire. Bien que le critère de jugement principal diminution du risque d’éclampsie avec un risque relatif de 0,40 était atteint significativement plus fréquemment chez les femmes [0,27-0,57]. Au final, la qualité de la preuve en faveur de du groupe nifédipine que chez celles du groupe alpha-méthyldopa l’administration anténatale de sulfate de magnésium chez les (249 (84 %) vs 230 (76 %); p = 0,03) et qu’il n’y avait pas de patientes avec une prééclampsie sévère est donc élevée pour différence entre les groupes nifédipine et labétalol (249 (84 %) prévenir le risque d’éclampsie. Cet effet ne se traduit toutefois pas contre 228 (77 %) ; p = 0,05) ou les groupes labétalol et alpha- en termes de mortalité maternelle chez les femmes avec méthyldopa (p = 0,80), les trois molécules permettaient de traiter prééclampsie sévère (RR 0,54 [0,19–1,51]) [2,4] efficacement l’HTA sévère dans plus de 3/4 des cas. L’arrêt prochain Concernant l’hématome rétroplacentaire, le risque est significati- de commercialisation en France de la nifédipine per os, et la large vement diminué (RR 0,64, [0,50–0,83] chez les patientes traitées utilisation en France de la nicardipine orale, incitent les experts à par sulfate de magnésium en comparaison au placebo selon la proposer que la nicardipine et l’alpha-méthyldopa per os méta-analyse de deux essais randomisés contrôlés (8 838 femmes) constituent une option thérapeutique pertinente en cas d’HTA , dont un de grande taille (8 774 femmes) rassemblant insuffisamment contrôlée sous labétalol seul ou en cas de contre- principalement des patientes avec une prééclampsie modérée indication au labétalol , l’autre ayant analysé un petit effectif de patientes avec une Références prééclampsie sévère (64 femmes), avec une qualité méthodolo- 1. Abalos E, Duley L, Steyn DW, Gialdini C. Antihypertensive drug gique incertaine therapy for mild to moderate hypertension during pregnancy. Cochrane Database Syst Rev. 2018 Oct;10 (10):CD002252. 2. Easterling T, Mundle S, Bracken H, Parvekar S, Mool S, Magee LA, et al. Oral antihypertensive regimens [nifedipine retard, labetalol, and methyldopa] for management of severe hypertension in pregnancy: an open-label, randomised controlled trial. The Lancet. 2019 Sep 21;394 (10203):1011-21. 11 M.-P. Bonnet, M. Garnier, H. Keita et al. Gynécologie Obstétrique Fertilité & Sénologie 50 (2022) 2–25 Concernant les autres composantes de la morbidité maternelle 5.4. Question 4 : parmi les femmes avec une prééclampsie sévère, le (accident vasculaire cérébral, œdème aigu pulmonaire, arrêt remplissage vasculaire systématique permet-il de réduire la morbidité cardiaque, arrêt respiratoire, traitement par plus de trois anti- maternelle et/ou néonatale ? hypertenseurs, morbidité hématologique, hépatique, rénale, complications thromboemboliques, admission en réanimation), Experts : Mathias Rossignol, Chloé Arthuis aucune différence significative n’a été mise en évidence entre un traitement par sulfate de magnésium et l’abstention thérapeutique R2.10 – Il n’est pas recommandé de réaliser un remplissage ou le placebo, avec toutefois un niveau de preuve bas à modéré. vasculaire systématique des femmes avec une prééclampsie sévère Enfin, la recommandation d’administrer du sulfate de magnésium pour réduire la morbidité maternelle et/ou néonatale. en cas de prééclampsie sévère avec signes de gravité ne repose pas GRADE 1- (accord FORT) sur des données d’amélioration du pronostic fœtal ou néonatal (mortalité néonatale (RR 1,02 [0,88–1,18], I2 17 %), mortalité Argumentaire : une revue de la littérature regroupant trois études périnatale (RR 0,98 [0,88–1,1]) et mortalité fœtale in utero (RR 0,99 anciennes avec un petit nombre de patientes (61 au total) [0,87–1,12] ; pas de différence significative concernant comparant le remplissage vasculaire par colloı̈des à l’absence de l’incidence de convulsions néonatales, le poids de naissance remplissage, ne retrouve aucun bénéfice au remplissage systéma- inférieur à 2 500 g et le score d’Apgar < 7 à 5 minutes de vie tique en termes de gestion des traitements anti-hypertenseurs, ). Rappelons toutefois que l’administration de sulfate de d’utilisation du sulfate de magnésium, du taux de césarienne, de magnésium avant 32 SA réduit les risques de paralysie cérébrale survenue d’hématome rétro-placentaire, de prématurité, de et de troubles du développement moteur de l’enfant né mortalité périnatale, de poids de naissance < 2 500 g ou d’Apgar prématurément [6,7] < 7 à 5 minutes. Les tendances suggèrent même un effet délétère du remplissage sur tous les critères étudiés. Une Références deuxième méta-analyse plus récente regroupant 6 études et 1. Duley L, Gülmezoglu AM, Henderson-Smart DJ, Chou D. incluant 557 patientes compare le remplissage vasculaire par Magnesium sulphate and other anticonvulsants for women with colloı̈des à la restriction hydrique ou à la simple hydratation par pre-eclampsia. Cochrane Database Syst Rev. 2010 Nov 10;2010 cristalloı̈des. Cette méta-analyse ne retrouve aucune différence (11):CD000025. en termes de taux de survenue d’un œdème pulmonaire, de décès 2. Altman D, Carroli G, Duley L, Farrell B, Moodley J, Neilson J, et al. néonatal, de prématurité ou de césarienne. De plus, il existe une Do women with pre-eclampsia, and their babies, benefit from tendance à l’augmentation de ces complications dans le groupe magnesium sulphate? The Magpie Trial: a randomised placebo- « remplissage ». La plus grande étude randomisée incluse dans controlled trial. The Lancet. 2002 Jun 1;359 (9321):1877-90. cette méta-analyse (216 patientes, soit presque la moitié de 3. Moodley J, Moodley VV. Prophylactic Anticonvulsant Therapy in l’effectif total) compare une expansion volémique de 800 ml/jour Hypertensive Crises of Pregnancy – The Need for a Large, (500 ml d’HEA + 300 ml de NaCl 0,9 %) avec une restriction hydro- Randomized Trial. Hypertens Pregnancy. 1994;13:245-52. sodée et ne retrouve pas de différence sur la morbidité maternelle 4. Coetzee EJ, Dommisse J, Anthony J. A randomised controlled trial (définie par la survenue d’un hématome rétro-placentaire, d’un of intravenous magnesium sulphate versus placebo in the œdème pulmonaire d’une hémorragie cérébrale, d’un hématome management of women with severe pre-eclampsia. Br J Obstet du foie, d’une insuffisance rénale sévère, d’un sepsis, d’une Gynaecol. 1998 Mar;105 (3):300-3. complication thromboembolique sévère ou d’une encéphalopa- 5. Chen FP, Chang SD, Chu KK. Expectant management in severe thie). En revanche, il y a significativement plus de césariennes dans preeclampsia: does magnesium sulfate prevent the development le groupe expansion volémique que dans le groupe contrôle, sans of eclampsia? Acta Obstet Gynecol Scand. 1995 Mar;74 (3):181-5. différence de terme de naissance entre les deux groupes (terme de 6. Marret S, Ancel P-Y. Neuroprotection for preterm infants with naissance de 31,6 SA [26,4–38,6] groupe contrôle vs 31,4 [26,3– antenatal magnesium sulphate. J Gynecol Obstet Biol Reprod. 37,0] dans le groupe traitement). Enfin, une étude évaluant 2016 Dec;45 (10):1418-33. l’intérêt du remplissage guidé par monitorage hémodynamique 7. Chollat C, Sentilhes L, Marret S. Protection of brain development invasif (cathétérisme artériel pulmonaire) montre qu’il suffit de by antenatal magnesium sulphate for infants born preterm. Dev 600 ml d’expansion volémique pour atteindre plus de 16 mmHg de Med Child Neurol. 2019 Jan;61:25-30. pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO), soit une pression de remplissage du ventricule gauche très élevée. Références 1. Duley L WJ, Henderson-Smart DJ. Plasma volume expansion for treatment of women with pre-eclampsia. Review. Cochrane Database Syst Rev. 2000; (2):CD001805. 2. Pretorius T, van Rensburg G, Dyer RA, Biccard BM. The influence of fluid management on outcomes in preeclampsia: a systematic review and meta-analysis. Int J Obstet Anesth. 2018 May 1;34:85– 95. 3. Ganzevoort W, Rep A, Bonsel GJ, Fetter WPF, van Sonderen L, De Vries JIP, Wolf H, PETRA investigators. A randomised controlled trial comparing two temporising management strategies, one with and one without plasma volume expansion, for severe and early onset pre-eclampsia. Br J Obstet Gynecol. 2005 Oct;112 (10):1358– 68. 4. Belfort M, Uys P, Dommisse J, Davey DA. Haemodynamic changes in gestational proteinuric hypertension: the effects of rapid volume expansion and vasodilator therapy. Br J Obstet Gynaecol. 1989 Jun;96 (6):634–41. 12 M.-P. Bonnet, M. Garnier, H. Keita et al. Gynécologie Obstétrique Fertilité & Sénologie 50 (2022) 2–25 GRADE 1+ (accord FORT) 5.5. Question 5 : chez les femmes avec une prééclampsie sévère, Argumentaire : sept essais randomisés contrôlés, dont deux non l’administration de corticoı̈des permet-elle de réduire la morbidité publiés, ont évalué l’effet de l’administration de sulfate de maternelle ? magnésium IV (4 g en dose de charge puis entretien) en comparaison au diazépam IV sur la mortalité maternelle chez des patientes ayant Experts : Mathias Rossignol, Chloé Arthuis eu une crise d’éclampsie. Une méta-analyse de ces essais randomisés contrôlés incluant 1 396 patientes retrouvait une réduction de la R2.11 – Chez les femmes avec une prééclampsie sévère, il n’est pas mortalité maternelle (n = 1 396, RR 0,59 [0,38–0,92]) et des récidives recommandé d’administrer des glucocorticoı̈des pour réduire la de convulsions (n = 1 390, RR 0,42 [0,33–0,54]) dans le groupe sulfate morbidité maternelle, y compris en cas de HELLP syndrome de magnésium par rapport au groupe diazépam. Cependant, en GRADE 1- (accord FORT) comparaison au diazépam, le sulfate de magnésium n’est pas associé à une réduction significative des risques de morbidité maternelle Argumentaire : les seules études explorant l’efficacité du hématologique et rénale, d’accident vasculaire cérébral, d’œdème traitement par glucocorticoı̈des sur la morbidité maternelle dans aigu du poumon, de dépression respiratoire, d’arrêt cardiaque, de le contexte de la prééclampsie sévère ont inclus uniquement des recours à une ventilation artificielle, de morbidité maternelle patientes présentant un HELLP syndrome. hépatique et d’admission maternelle en réanimation Une méta-analyse incluant 11 études (550 patientes) comparant les glucocorticoı̈des avec un placebo ou l’absence de traitement Références chez les femmes avec une prééclampsie sévère associée à un HELLP 1. Duley L, Henderson-Smart DJ, Walker GJ, Chou D. Magnesium syndrome, ne rapporte pas de différence en termes de mortalité sulphate versus diazepam for eclampsia. Cochrane Database Syst maternelle (RR 0,95 [0,28–3,21]), de morbidité maternelle sévère Rev. 2010 Dec 8;2010 (12):CD000127. (RR 0,27 [0,03–2,12]), du taux de plaquettes (différence de moyenne standardisée (SMD) 0,67 [0,24–1,10]) ou du bilan biologique hépatique (SMD -0,55 [-1,09 – -0,02]). Un essai randomisé français plus récent incluant 70 patientes, a évalué 6. Champ 3 : surveillance/évaluation l’effet de doses élevées de 180 mg de méthylprednisolone pendant 36 h versus placebo, sur la thrombopénie < 100 G/L. Celui-ci ne 6.1.1. Question 1 : parmi les femmes avec une prééclampsie sévère, la retrouvait pas de différence sur la profondeur de la thrombopénie réalisation d’une échographie thoracique (cardiaque et pulmonaire) (RR 0,98 [0,80–1,20] ; p = 0,82), ni sur les paramètres biologiques dans l’objectif de guider le remplissage vasculaire permet-elle de hépatiques, l’incidence du HELLP, le taux d’analgésie péridurale, le réduire la morbidité maternelle par œdème aigu du poumon et/ou taux de transfusion plaquettaire, la morbidité maternelle et la néonatale ? tolérance du traitement Références Experts : Laurent Zieleskiewicz, Florence Vial 1. Woudstra DM, Chandra S, Hofmeyr GJ, Dowswell T. Corticosteroids for HELLP (hemolysis, elevated liver enzymes, low Compte tenu de l’absence de données sur le guidage du platelets) syndrome in pregnancy. Cochrane Database Syst Rev. remplissage vasculaire par l’échographie thoracique (cardiaque 2010 Sep 8; (9):CD008148. et pulmonaire) dans la population des femmes avec une 2. Pourrat O, Dorey M, Ragot S, de Hauteclocque A, Deruelle P, prééclampsie sévère et de son impact sur la morbidité maternelle Dreyfus M, et al. High-Dose Methylprednisolone to Prevent Platelet et/ou néonatale, il n’est pas possible d’émettre de recommandation Decline in Preeclampsia: A Randomized Controlled Trial. Obstet Absence de recommandation Gynecol. 2016 Jul;128 (1):153–8. Argumentaire : il n’existe aucune étude contrôlée ayant évalué spécifiquement l’impact d’une prise en charge hémodynamique 5.6. Question 6 : chez les femmes ayant eu une crise d’éclampsie, guidée par l’échographie en cours de grossesse. Cependant, de l’administration de sulfate de magnésium en comparaison aux nombreux arguments issus de la littérature hors grossesse [1,2], de benzodiazépines permet-elle de réduire la morbidité maternelle dont la physiopathologie de la prééclampsie ou d’études observation- la récidive d’éclampsie ? nelles en contexte obstétrical suggèrent un probable intérêt de l’échographie thoracique pour la gestion hémodynamique des Experts : Thiphaine Barjat, Lionel Bouvet patientes prééclamptiques sévères R2.12 - Il est recommandé d’administrer du sulfate de magnésium en première intention chez des femmes ayant eu une crise d’éclampsie afin de réduire le risque de mortalité maternelle et le risque de récidive d’éclampsie 13 M.-P. Bonnet, M. Garnier, H. Keita et al. Gynécologie Obstétrique Fertilité & Sénologie 50 (2022) 2–25 Hors grossesse, dans des méta-analyses incluant de larges effectifs, 7. Ambrozic J, Brzan Simenc G, Prokselj K, Tul N, Cvijic M, Lucovnik le monitorage du remplissage vasculaire est a

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