Bases neurophysiologiques de la douleur et de la nociception PDF
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Hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP
Jean Claude Willer
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Présentation des bases neurophysiologiques de la douleur et de la nociception, avec une analyse du phénomène de la douleur aiguë et chronique, des récepteurs et voies de signalement, du contrôle segmentaire et cortical. Le Dr. Jean-Claude Willer, de l'Hôpital Pitié-Salpêtrière.
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Bases neurophysiologiques de la douleur et de la nociception Jean Claude Willer 1. Département de Neurophysiologie Clinique Pôle des Maladies du Système Nerveux Hôpital Pitié-Salpêtrière 2. Faculté de Médecine Pierre et Marie Curie Plan du cours 1 Introduction Définition – classification La périphér...
Bases neurophysiologiques de la douleur et de la nociception Jean Claude Willer 1. Département de Neurophysiologie Clinique Pôle des Maladies du Système Nerveux Hôpital Pitié-Salpêtrière 2. Faculté de Médecine Pierre et Marie Curie Plan du cours 1 Introduction Définition – classification La périphérie les nocicepteurs les fibres nerveuses l’inflammation Intégration spinale neurones nociceptifs spécifiques (couche I) neurones convergents (couche V) Explication de la douleur référée Voies ascendantes de la moelle au cortex Plan du cours 2 Contrôle des messages nociceptifs 1) Au niveau spinal contrôle segmentaire (gate control) 2) Au niveau supraspinal Introduction Comprendre, prévenir, guérir la maladie mais aussi comprendre, prévenir et soulager la douleur sont les deux fondements de la médecine. En effet, la douleur représente plus de 90 % des causes de consultations. Ce symptôme subjectif, complexe et multidimensionnel est cependant difficile à définir. Le vocabulaire médical est riche de locutions ou de qualificatifs permettant de différencier les douleurs ( en « coup de poignard », « lancinante », « fulgurante », etc…) qui, certes, témoignent de la variété des sensations perçues, mais illustrent aussi la difficulté à les décrire de façon précise et à donner une définition globale de la douleur. Définition – classification Tentative de définition de la douleur par l’Association Internationale d’étude de la douleur (IASP) : « Il s’agit d’une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle, ou décrite en termes d’une telle lésion » Retenir également le caractère multidimensionnel de la douleur La douleur aiguë constitue un signal d’alarme utile, qui protège l’organisme. Elle déclenche des réactions de protection. On parlera alors de nociception. « J’oserai vous montrer que la douleur est utile ….la douleur n’est point notre ennemi … : c’est un effort salutaire, un cri de la sensibilité par lequel notre intelligence est avertie du danger qui nous menace… sentinelle vigilante,sans elle , la mort s’avancerait sur nos têtes avant que nous l’eussions soupçonnée, amie sincère, elle nous blesse pour mieux nous servir. Marc Antoine Petit , 1799 » Cependant, une douleur aiguë qui se prolonge (au delà de 3-4 mois) perd son sens protecteur. Elle devient inutile. Il s’agit de la douleur chronique qui, chez l’homme, peut durer des mois, voire des années. l’effet « signal d’alarme » physiologique a disparu et fait place à un état pathologique qui n’est pas seulement inutile mais devient délétère pour le patient. Nous limiterons ce cours au cadre physiologique de la douleur aiguë, c’est-àdire à celle qui est évoquée par des stimulations nociceptives et qui suscite des réactions de protection de l’organisme. Définition – classification Aiguë Chronique Symptôme Syndrome Utile Inutile Protectrice Destructrice Signal d’alarme Douleur- maladie D. Aiguë Symptôme Utile Protectrice Signal d’alarme Douleur Chronique D. Chronique Syndrome Inutile Destructrice Douleur -maladie les récepteurs de la « douleur » : les nocicepteurs Le caractère primitif des nocicepteurs polymodaux, peu spécialisés et totipotents, a été souligné : de tels récepteurs existent déjà chez les invertébrés comme l’aplysie ou la sangsue. Le fait qu’ils aient subi l’évolution des espèces sans perdre leurs principaux caractères suggère que leur présence est essentielle à la survie des individus. On doit sans doute les considérer dans leur ensemble comme un organe sensoriel qui, sans relâche, « ausculte » l’ensemble de notre corps (à l’importante exception de la moelle et du cerveau, insensibles,notamment à la douleur). les récepteurs de la « douleur » : les nocicepteurs propriétés générales communes Seuil de décharge élevé Polymodaux (thermique, mécanique, chimique) Terminaisons libres des fibres périphériques A Delta (A) : myélinisées de fin diamètre vitesse de conduction : 15-30 m/s C : fibres amyéliniques vitesse de conduction : 0.5-1m/s Nocicepteurs épiderme disques de Merkel corpuscule de Meissner terminaisons libres derme corpuscule de Ruffini récepteur du follicule pileux corpuscule de Pacini fibres fibres C A fibres A Principaux récepteurs cutanés. Les fibres C (non myélinisées) et A delta (peu myélinisées), responsables des sensations thermo-algiques, sont connectées à des terminaisons libres. Les fibres A bêta (très myélinisées), responsables des sensations tactiles, sont connectées à des récepteurs bien différenciés sur le plan histologique comme les corpuscules de Meissner qui répondent aux faibles pressions appliquées sur la peau, les corpuscules de Ruffini qui répondent aux vibrations de basse fréquence , les disques de Merkel qui répondent aux indentations de la peau, les récepteurs des follicules pileux qui répondent aux mouvements du follicule et les corpuscules de Pacini qui répondent aux vibrations de haute fréquence Fibres nerveuses dans les nerfs cutanés périphériques Les nerfs cutanés sont constitués de trois grands groupes de fibres dont le corps cellulaire se trouve dans les ganglions rachidiens et qui constituent les « neurones primaires » (ou « afférences primaires »). Les fibres A bêta (A), fortement myélinisés (diamètre : 6-20 μm) et vitesse de conduction rapide (50-70 m/s chez l’homme) ; elles transmettent les informations tactiles et proprioceptives. Les deux autres groupes de fibres transmettent les informations nociceptives et thermiques. Il s’agit des fibres A delta (A) , peu myélinisées (diamètre : 1-5 μm) ; conduisant l’influx nerveux à une vitesse moyenne (15-30 m/s) et des fibres C, non myélinisées (diamètre : 0,3-1,5 μm) et conduisant lentement l’influx nerveux (0.5 - 1 m/s). 2 secondes douleur à type de piqûre douleur rapide Fibres A douleur à type de brûlure douleur lente Fibres C L’existence de ces deux catégories de fibres, A delta et C, permet d’expliquer chez l’homme le phénomène de double douleur déclenché par l’application d’un stimulus nociceptif bref mais intense. La première douleur (douleur rapide) à type de piqûre, est bien localisée. Elle apparaît rapidement après le stimulus (200 ms environ lorsque le dos de la main est stimulé) et correspond à l’activation de nocicepteurs A delta. La seconde, souvent à type de brûlure, survient plus tardivement (douleur lente), 1 à 2 secondes environ après le stimulus. Elle est diffuse, mal localisée, et correspond à l’activation des nocicepteurs C. Expérience de stimulation nociceptive brève et intense sur le dos de la main chez un sujet normal ; Dessin par le sujet lui-même de la sensation perçue Intégration spinale des messages nociceptifs Neurones nociceptifs spécifiques (couche I) Situés dans les couches les plus superficielles de la corne dorsale de la moelle, Ils ne reçoivent que des messages nociceptifs Neurones convergents (couche V) Situés dans des couches plus profondes Reçoivent à la fois des messages tactiles et nociceptifs émanant d’un même territoire cutané. Reçoivent également des messages nociceptifs d’origine viscérale. Cordons postérieurs racine postérieure ganglion Couche I rachidien I II II I IV s e n s ib ilit é s V Couche V ta c tile e t VI p r o p r i o c e p tiv e : fib re s A X V II s e n s ib ilité th e r m o -a lg iq u e : fib re s A e t C IX V II I Intégration spinale des messages nociceptifs Légende du schéma précédent Schéma des projections centrales des fibres cutanées. Les fibres périphériques cutanées entrent dans le système nerveux central par les racines postérieures pour se distribuer dans la moelle. Leur corps cellulaire (cellules dites “ en T ”) se trouve dans le ganglion rachidien correspondant (ou le ganglion de Gasser pour le système trigéminal). La substance grise médullaire a été subdivisée en dix couches : les cinq premières couches correspondent à la corne postérieure, les couches VI-VII à la zone intermédiaire (entre corne postérieure et corne antérieure), les couches VIIIIX à la corne antérieure et la couche X à la zone péri-épendymaire. Les couches II et III forment la substance gélatineuse de Rolando. Voies somesthésiques ascendantes véhiculant les messages nociceptifs : Voies spinoréticulaire et spinothalamique (système extralemniscal cheminant dans le quadrant antérolatéral). Projections corticales des messages douloureux Activations corticales déclenchées par stimulation nociceptive. Le couplage des techniques de irmf et de TEP a permis de montrer chez des volontaires sains que les cortex somesthésiques primaire (S1) et secondaire (S2) étaient activés par des stimulations thermiques nociceptives contrôlées ; ces mêmes régions sont activées par des stimulations tactiles. Le cortex cingulaire, situé sur la face interne du manteau cortical, le cortex insulaire, situé au fond de la scissure de Sylvius et le cortex prémoteur sont également activés par des stimulations nociceptives, mais, en revanche, ne le sont pas par des stimulations tactiles. Plan du cours 2 Contrôle des messages nociceptifs Au niveau spinal : Contrôle Segmentaire (Gate Control theory of pain) Selon cette théorie, la transmission des messages nociceptifs est réglée par un effet de balance entre les influences excitatrices et inhibitrices, et la douleur ne survient que lorsqu’il y a rupture d’équilibre en faveur des messages excitateurs (soit par « excès de nociception », soit par déficit des contrôles inhibiteurs). Il a été proposé que des interneurones situés dans la substance gélatineuse (couches II et III) de la corne postérieure de la moelle inhibent la transmission des influx nociceptifs vers les neurones à convergence situés dans des couches plus profondes (« trigger cells »). Le mécanisme impliqué est celui d’une action inhibitrice présynaptique, c’est-àdire sur les afférences qui alimentent les neurones à convergence. À la manière d’un portillon, les cellules de la substance gélatineuse réguleraient l’accès au système nerveux central du flot global d’informations. La mise en jeu des afférences de gros diamètre augmenterait l’activité de ces interneurones, fermant ainsi le portillon, tandis que l’activation des fibres fines déprimerait ce tonus inhibiteur, déclenchant alors l’ouverture du portillon, facilitant ainsi par désinhibition l’envahissement des neurones à convergence, puis les structures supraspinales d’intégration, par les messages « douloureux »issus de la périphérie. Contrôle des messages nociceptifs au niveau spinal : contrôle segmentaire (Gate Control Theory of Pain) contrôle central fibres de gros diamètre A + - fibres de fin diamètre Aet C + + lllll C.Cible SG - message tactile - + lllllllllllllll message nociceptif Application thérapeutique de cette théorie Exemple chez un patient présentant des douleurs rhumatologique de la main gauche associées à des modifications cutanées algodystrophiques des doigts. Larges électrodes cutanées stimulant simultanément les nerfs médian, cubital et radial superficiel Cette théorie a proposé une hypothèse rationnelle permettant d’expliquer les effets hypoalgésiques décrits chez l’homme lors de stimulations électriques à haute fréquence et faible intensité de nerfs périphériques (« transcutaneous electrical nerve stimulation », TENS) utilisées comme méthode non pharmacologique pour soulager la douleur. Contrôle des messages nociceptifs Au niveau cortical Phénomènes attentionnels Attention sélective – dérivation de l’attention sur un autre site Suggestion Hypnose Sofrologie Effets placebos.. Exemple de contrôle cortical inhibiteur : phénomènes attentionnels