Le Désenchantement du Monde - Philo 102 PDF
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Ce document présente le concept de "désenchantement du monde" dans une perspective philosophique. Il explore les mythes, les conceptions pré-scientifiques et les premières réflexions matérialistes sur le monde. Le document se concentre sur l'évolution des idées et de la vision du monde à travers l'histoire, soulignant les changements entre les conceptions traditionnelles basées sur les mythes et le développement de la pensée scientifique moderne.
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2024‐09‐02 Principes de départ Les mythes et la conception pré‐scientifique du monde Les premiers philosophes matérialistes La conception scientifique du monde Les conséquences de la conception scientifique du monde ...
2024‐09‐02 Principes de départ Les mythes et la conception pré‐scientifique du monde Les premiers philosophes matérialistes La conception scientifique du monde Les conséquences de la conception scientifique du monde Une quête de sens… différente Principes de départ Le désenchantement du monde: Un concept central dans la pensée moderne, soulignant le passage d'une vision du monde basée sur le mythe et la religion à une compréhension scientifique et rationnelle. Impact sur la perception humaine: Ce changement a profondément influencé la façon dont les être humains se perçoivent eux‐ mêmes et leur place dans l'univers. Philosophie et sciences: Le désenchantement s'accompagne d'une valorisation accrue de la raison, de la science et de la pensée critique dans la quête de connaissance. Principes de départ Kant définit le Siècle des Lumières (XVIIIe siècle) comme la « sortie hors de l’état de tutelle », c’est‐à‐dire la situation de l’être humain hors d’état de faire usage par lui‐ même de sa raison. Pour Kant, si sa raison n’est pas cultivée, l’être humain resterait en état de « minorité ». Ainsi, le mouvement philosophique des Lumières est précisément un appel à devenir « majeurs », à devenir de véritables sujets de raison faisant preuve d’esprit critique et d’autonomie de jugement. En devenant seuls maîtres de leur raison, les êtres humains pourront penser par eux‐mêmes, « marcher seuls » d’un « pas assuré ». 1 2024‐09‐02 Principes de départ Dans cette perspective, l’Antiquité et le monde de la tradition correspondrait à l’enfance de la pensée humaine, et les Temps modernes, à sa maturité. Autrement dit, tout comme il y a croissance d’un être humain à l’échelle d’une vie individuelle, à travers différents stades de développement allant de l’enfance à l’âge adulte, il y aurait un développement similaire de l’esprit humain à travers les générations, à l’échelle globale de l’humanité, allant de la jeunesse à la maturité. 2 2024‐09‐02 3 2024‐09‐02 La conception pré‐scientifique Le concept de « mythe » « Un mythe est un récit sans auteur par lequel un groupe humain illustre le sens qu’il donne à son organisation, en la rattachant à un moment fondateur, celui du temps sacré. Ce récit met en scène, à travers des héros, les rapports que les humains entretenaient alors avec le monde du surnaturel. Il engage les membres du groupe à accepter les valeurs qu’il véhicule. » La conception pré‐scientifique Les humains issus des premières civilisations n’avaient pas à leur disposition les outils intellectuels que nous possédons aujourd’hui. Ils n’étaient pas mobilisés par le même type de discours. La connaissance rationnelle que nous procurent les sciences modernes nous permet, par exemple, de comprendre les causes des phénomènes naturels (tsunami, tremblement de terre, éruption volcanique, etc.) et, ainsi, de ne pas être terrorisés. Ignorant les causes de ces cataclysmes, les humains des époques lointaines ne pouvaient qu’être impressionnés, désemparés et angoissés à leur vue. 4 2024‐09‐02 La conception pré‐scientifique À ces angoisses légitimes s’ajoutent celles, intemporelles, touchant aux questions fondamentales de l’existence : « Qui sommes‐ nous? », « D’où venons‐nous? », « Que se passe‐t‐il après la mort? », « Comment expliquer l’amour, la haine? », « Comment déterminer ce qui est juste? », etc. C’est à ces questions fondamentales, qui préoccupent encore les humains aujourd’hui, que les mythes voulaient répondre. Si ces récits offrent des réponses aux grandes questions de l’origine et de la finalité, ils offrent aussi des repères moraux qui instruisent les hommes sur ce qu’il convient de faire ou de ne pas faire. La conception pré‐scientifique La conception pré‐scientifique Des mythes aux grandes religions instituées Issus d’une culture orale, les mythes remplissent une fonction normative essentielle en l’absence de balises consignées par écrit comme les textes sacrés ou les codes de lois. Ils jouent ainsi le rôle de courroie de transmission des valeurs et des coutumes entre les diverses générations, permettant aux plus jeunes de bénéficier des enseignements du passé. Par‐delà leur caractère fabuleux et invraisemblable, plusieurs de ces mythes apportaient des réponses étonnement satisfaisantes aux grandes interrogations de l’être humain. C’est pourquoi ils exercent encore aujourd’hui une certaine fascination. L’usage des mythes est l’apanage des sociétés de tradition orale. C’est l’avènement de l’écriture qui est à l’origine des « récits révélés » des trois grandes religions : le judaïsme, le christianisme et l’islam. 5 2024‐09‐02 La conception pré‐scientifique Malgré toutes les qualités inhérentes au discours mythique, on finira tranquillement par y constater de nombreuses lacunes. Vu sa logique de l’imaginaire, il comporte un pouvoir limité, car il ne peut rien démontrer rationnellement. Au VIè siècle av. J‐C, des penseurs grecs critiquèrent ce type de récit en faisant valoir, entre autres, qu’ils étaient relatifs aux cultures dont ils étaient issus. Ces mythes ne pouvaient donc pas prétendre atteindre une vérité universelle. C’est la prise de conscience de ces insuffisances du discours mythique qui a mené à l’émergence de la pensée rationnelle, un mode d’explication de la réalité qui laisse de moins en moins de place à l’imaginaire. En faisant appel à la raison, on a cherché à se représenter intellectuellement ce qu’est le monde. La conception pré‐scientifique Deux « intuitions » majeures dans l’histoire de l’humanité: L’existence d’un autre niveau de réalité L’existence d’un lien particulier entre l’être humain et cet autre niveau de réalité La conception pré‐scientifique Pendant des millénaires, les hommes ont eu recours à l’action ou l’effet de « forces invisibles » pour rendre compte des phénomènes observables (Dieu, dieux, esprits, etc.). L’idée d’un « passage terrestre », d’une vie avant et après la mort. Il est question d’une explication « transcendante » de la cohérence du monde. 6 2024‐09‐02 La conception pré‐scientifique Transcendance Se dit de ce qui est supérieur à toute expérience. Ce qui est d'un ordre extérieur plus élevé que les êtres ou les actions en question. Caractère de ce qui se situe hors d’atteinte de l’expérience et de la pensée humaine. Immanence Qui existe de soi‐même; qui est de la nature même de l’être. Qui existe à l’intérieur de l’être. Principe selon lequel la finalité de l’être humain est contenue dans sa nature même, sans intervention divine ou support immatériel. La conception pré‐scientifique Le monde où nous vivons ne peut être compris à partir de lui‐même. Il y a une incomplétude radicale de ce monde. Il n’y a pas d’explication cohérente du monde qui tienne sans recours à une « cause transcendante ». Il est nécessaire de faire appel à un autre niveau de réalité dont on ne sait presque rien… sauf qu’il doit forcément exister. Vers la conception scientifique Il y a environ 2500 ans, la pensée rationnelle s’est développée en s’attaquant frontalement aux discours mythiques et à l’existence d’une réalité transcendante. Les premiers philosophes matérialistes grecs avaient de nobles intentions, soit délivrer leurs contemporains de la peur qui découlait de leur croyance selon laquelle leur destin dépendait entièrement de « forces invisibles » transcendantes. 7 2024‐09‐02 Vers la conception scientifique Les précurseurs de la rationalité sont désignés comme les présocratiques. Ils sont à l’origine de la pensée rationnelle sur laquelle s’appuieront ultérieurement les bases de la philosophie et des sciences modernes. Dès le VIe siècle avant J.‐C., ils tentent de décrire leur monde et d’expliquer l’enchaînement des événements par des relations de cause à effet et des explications liées aux phénomènes naturels. Vers la conception scientifique Il y a 2500 ans, Démocrite et Épicure, entre autres, ont développé la première « théorie atomique » expliquant la genèse du monde complexe où nous vivons par l'interaction aléatoire de composants élémentaires : les atomes. D’ailleurs, la célèbre maxime « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme », attribuée à Antoine Laurent de Lavoisier (1743‐1794), s’avère la paraphrase du philosophe grec présocratique Anaxagore : « Rien ne naît ni ne périt, mais des choses déjà existantes se combinent, puis se séparent de nouveau ». Cette idée marquera les esprits, alors qu’au XVIIIe siècle, Lavoisier est le premier à réaliser des expériences quantitatives à l'origine d'une de ses plus grandes découvertes : la conservation de la matière. « La crainte devant les mystères du Cosmos et les manifestations impressionnantes de la Nature et la peur, plus obsédante, de la mort, sont les compagnes inséparables des humains, et aucun bonheur véritable n'est possible aussi longtemps que leurs ombres se projettent sur notre existence. Il faut donc se délivrer de ces craintes. Or quel meilleur moyen d'y parvenir que de montrer que ces mystères et ces manifestations sont explicables en termes d'une physique résolument et strictement mécaniste, dépourvue de toute finalité, ne mettant en jeu que des principes matériels et leurs interactions? Une telle élucidation des causes des phénomènes naturels, dont la mort même n'est qu'un échantillon, doit servir de fondement à la construction d'une morale conduisant à la sagesse et au bien‐être. » ‐ Bernard Pullman, L’atome dans l’histoire de la pensée humaine 8 2024‐09‐02 Vers la conception scientifique Libérer l’homme de la peur des dieux et de l’au‐delà pour lui permettre de mener une vie sage et responsable. Tel était le projet d’explication du réel par le réel, mis en place il y a 2500 ans par les grecs matérialistes. On aspire à une explication concrète, en termes mécaniques, un système fermé sur lui‐même. Le Monde suffit pour expliquer le Monde! Les dieux existent peut‐être, mais ils n’interagiraient nullement avec le Monde. Vers la conception scientifique Non, le tonnerre n'est pas une colère de Zeus. Non, une bonne récolte n'est pas le fruit d'une récompense divine, mais le résultat de conditions climatiques favorables alliées à une bonne exécution des tâches agricoles. Non, les grandes épidémies ne sont pas des punitions, mais sont liées à la propagation des microbes ou des virus. Vers la conception scientifique Toutes les grandes découvertes effectuées depuis la Renaissance jusqu'à l'aube du XXe siècle ont ainsi confirmé de façon éclatante cette « nouvelle intuition » selon laquelle les évènements se produisant dans notre monde physique pouvaient être expliqués à partir de causes provenant elles aussi du monde physique. Ainsi Dieu n'interviendrait pas dans le Monde et dès le XVIIe siècle, redécouvrant Démocrite et le dépassant grâce à l'avalanche des découvertes scientifiques en cours, des philosophes affirmèrent que Dieu était « une hypothèse inutile ». 9 2024‐09‐02 La conception scientifique Le XVIIe siècle, que l’on qualifie de Siècle de la raison, voit éclore la philosophie cartésienne. En ce siècle, aussi appelé Le Grand Siècle, l’esprit change, dit‐on. Nous assistons dès lors à un bouleversement radical des mentalités que plusieurs historiens associent au début de la modernité. Cartésien: Qui se rapporte à la philosophie de Descartes. Se dit aussi d’un esprit qui, à l’exemple de ce penseur, aime procéder avec clarté, distinction et ordre. La conception scientifique Au XVIIe siècle, Kepler, Galilée et Descartes ont tous, chacun à leur manière, participé à la fondation d’une nouvelle science du monde et de l’être humain qui s’oppose radicalement aux vérités acquises depuis l’Antiquité grecque. Les travaux de Kepler démontrent que les mathématiques peuvent servir à décrire l’univers concret de la matière. L’astronomie moderne vient de voir le jour. Les découvertes de Galilée menaçaient tout le système traditionnel d’explication de l’univers qui englobait la religion, la philosophie et la science de l’époque. La conception scientifique Galilée subira les foudres des autorités de l’Église catholique romaine qui, tout en s’intéressant aux « nouvelles conceptions », avaient beaucoup de difficultés à les concilier, entres autres, avec une certaine lecture de la Bible. L’héliocentrisme bouleverse, en effet, la représentation symbolique de la place de l’être humain dans l’univers que véhiculait le géocentrisme. Le Soleil devenant le centre de l’univers, la Terre est désormais à la périphérie. Ce faisant, elle perd son caractère sacré. 10 2024‐09‐02 La conception scientifique C’est à René Descartes, contemporain de Galilée, que revient le mérite d’avoir ouvert la voie à la désacralisation de la nature. En reconnaissant la pleine autonomie de la raison humaine et en réduisant la nature à ses dimensions physiques, Descartes a fourni aux pionniers de la science moderne les arguments théoriques qui leur ont permis de rejeter les objections religieuses, spiritualistes et transcendantes. Expérimenter sur la nature n’était désormais plus un sacrilège, transformer la nature n’était plus un défi lancé à l’ordre du monde instauré par la divinité. La conception scientifique Avec la nouvelle physique de Galilée et de Descartes, le monde devient perçu comme un assemblage de choses étendues occupant un certain espace. Tout peut donc être mesuré, quantifié. On assiste dès lors à une certaine désensibilisation du monde, un désenchantement du monde. L’être humain devient le gérant d’un univers désenchanté. Une quête de sens… différente 11 2024‐09‐02 Une quête de sens… différente 12