Module 4: Introduction à l'épidémiologie PDF

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This document is a module on epidemiology, focusing on health and safety issues at work. It discusses basic concepts, strategies, and types of studies for identifying risk factors.

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Santé et sécurité au travail Notions de base Module 4 Introduction à l'épidémiologie Pierre Mercier Département de médecine sociale et préventive Faculté de médecine Université Laval Santé et sécurité au travail : notions de base 2 Module 4 : Introduction à l'épidémiologie Équipe de production Respo...

Santé et sécurité au travail Notions de base Module 4 Introduction à l'épidémiologie Pierre Mercier Département de médecine sociale et préventive Faculté de médecine Université Laval Santé et sécurité au travail : notions de base 2 Module 4 : Introduction à l'épidémiologie Équipe de production Responsable du cours Michèle Bérubé Département de médecine sociale et préventive Conception pédagogique Marc Champagne, service des ressources pédagogiques Denise Vigneault, conseillère en APTIC Yves Cantin, département de médecine sociale et préventive Mise à jour 2022 Michèle Bérubé Traitement de texte Louiselle Desjardins Michèle Gagnon 3 Santé et sécurité au travail : notions de base 4 Module 4 : Introduction à l'épidémiologie Table des matières Objectifs d'apprentissage................................................................................. 7 Introduction...................................................................................................... 9 1. Les concepts de base en épidémiologie et leurs applications en santé et sécurité du travail.......................................................................... 11 1.1 Problèmes de santé chez l'individu et problèmes de santé dans une population............................................................................ 11 1.2 Étapes d'une recherche épidémiologique................................. 13 1.3 Planification de la prévention................................................... 15 2. Stratégies et types d'études pour l'identification des facteurs de risque18 2.1 Évaluation du risque................................................................. 18 2.2 Études de morbidité................................................................. 20 2.3 Études de mortalité................................................................... 23 3. Les bilans de santé et les études de prévalence................................. 27 3.1 « Bilan de santé »..................................................................... 28 3.2 Études de prévalence................................................................ 29 4. Déroulement d'une étude en milieu de travail.................................. 31 4.1 La spécification des objectifs................................................... 33 4.2 La définition des variables....................................................... 34 5 Santé et sécurité au travail : notions de base 4.3 La cueillette des données......................................................... 35 4.4 L'analyse des données.............................................................. 35 Conclusion..................................................................................................... 38 6 Module 4 : Introduction à l'épidémiologie OBJECTIFS D'APPRENTISSAGE À la fin de ce module, vous serez en mesure de : 1. Distinguer l'approche clinique de l'approche population. 2. Définir les concepts utilisés en épidémiologie. 3. Décrire les étapes d'une recherche épidémiologique. 4. Définir le rôle de l'épidémiologie dans le domaine de la prévention. 5. Décrire la démarche d'une étude à visées étiologiques. 6. Définir la notion de Risque Relatif. 7. Définir les trois grands types d'études à visées étiologiques. 8. Associer les divers types d'étude épidémiologique aux études de mortalité et aux études de morbidité. 9. Distinguer le Risque Relatif du « Standard Mortality Ratio » SMR. 10. Définir ce que sont les bilans de santé et les études de prévalence. 11. Distinguer les étapes d'une étude épidémiologique en milieu de travail. 12. Définir la notion de facteur confondant. 7 Santé et sécurité au travail : notions de base 8 Module 4 : Introduction à l'épidémiologie INTRODUCTION Dans le module précédent, nous avons examiné les voies d'absorption et les effets sur l'organisme des toxiques que l'on rencontre en milieu de travail. De même, nous avons étudié certains moyens de contrôle qui devraient être utilisés pour faire face à différentes situations. Mais pour en arriver à un tel état de connaissances sur le plan des problèmes de santé en milieu de travail, il a fallu d'abord reconnaître qu'il y avait des problèmes de santé dans ces mêmes milieux. Or, comment fait-on pour reconnaître un problème de santé en milieu de travail et comment s'y prendon pour déterminer que ce problème de santé est lié directement au travail? La réponse à de telles questions relève d'une discipline qu'on appelle l'épidémiologie. Nous allons donc, à l'intérieur de ce module, essayer de voir ce qu'est l'épidémiologie et quelles sont ses implications dans le domaine de la santé et sécurité au travail. 9 Santé et sécurité au travail : notions de base 10 Module 4 : Introduction à l'épidémiologie 1. LES CONCEPTS DE BASE EN ÉPIDÉMIOLOGIE ET LEURS APPLICATIONS EN SANTÉ ET SÉCURITÉ DU TRAVAIL 1.1 Problèmes de santé chez l'individu et problèmes de santé dans une population Lorsque vous avez des malaises ou que vous vous sentez malade, vous allez consulter généralement quelqu'un qui travaille dans le domaine de la santé. Cette personne vous questionne afin de comprendre votre malaise. Si nécessaire, elle vous fera passer un examen physique et des tests pour vérifier si vous êtes réellement malade. Si vous l'êtes, elle en cherchera la cause principale et, par la suite, elle vous prescrira le meilleur traitement possible. C'est là une démarche qu'on appelle une approche individuelle. Mais si c'est toute une population qui nous semble malade, par exemple les habitants d'une ville ou d'un pays, ou encore un groupe de personnes travaillant dans la même usine, comment va-t-on s'y prendre pour faire face à ce type de problème? L'approche individuelle est difficilement applicable puisqu'on a affaire à un grand nombre d'individus. On aura alors recours à l'épidémiologie et ses techniques, d'abord pour vérifier si, effectivement, il y a un problème de santé et, si oui, pour en mesurer l'importance et enfin, quand ce sera possible, pour en trouver la cause. À partir de ce moment, on pourra élaborer des traitements et mettre sur pied des moyens pour prévenir le problème dans l'avenir. Cette démarche s'appelle « l'approche de population ou de santé publique ». 1.1.1 Épidémies Le mot épidémiologie contient le mot épidémie. Au siècle dernier, le principal et le plus grand problème de santé était les épidémies de maladies contagieuses comme le choléra, la variole, la rougeole, qui touchaient 11 Santé et sécurité au travail : notions de base beaucoup de gens. L'épidémiologie est née de la volonté de trouver l'origine de ces épidémies et de les contrôler. Aujourd'hui, l'épidémiologie ne s'intéresse pas qu'aux maladies contagieuses. Elle s'intéresse à l'ensemble des maladies comme les maladies du cœur ou les cancers. De plus, avec les développements industriels qu'on a connus depuis un siècle, l'épidémiologie en est venue à s'intéresser à l'ensemble des problèmes de santé que l'on retrouve en milieu de travail. 1.1.2 Personnes à risque Les maladies, au sein d'une population, ne se répartissent pas au hasard. Il y a des personnes qui sont plus susceptibles que d'autres de développer certaines maladies. Par exemple, les statistiques démontrent que les personnes âgées et les enfants auront beaucoup plus souvent la grippe en hiver que les gens dans la trentaine. Les enfants et les personnes âgées courent donc plus de risques de développer la grippe. De même, des personnes travaillant dans un milieu où il y a beaucoup de bruit seront plus sujettes à développer des problèmes de surdité. Donc, lorsqu'un groupe de personnes est plus susceptible qu'un autre de développer un certain type de maladie, on dira qu'il s'agit d'un groupe à risque. 1.1.3 Facteurs de risque Une fois que nous avons identifié un groupe de personnes à risque, il faut savoir pourquoi ces personnes sont plus à risque que d'autres. En d'autres termes, pourquoi y a-t-il plus de maladie dans ce groupe et quels sont les principales raisons ou facteurs qui peuvent entraîner cette maladie. En épidémiologie, ces raisons ou facteurs sont appelés « facteurs de risque ». Ainsi, dans l'exemple de la grippe, l'âge est un facteur de risque. Par exemple, aujourd'hui, nous savons que les personnes qui font de la haute pression (HTA) et qui fument la cigarette risquent davantage d'avoir un infarctus que des personnes qui ont une pression normale et qui ne fument pas. La haute pression et la cigarette sont donc considérées ici comme des « facteurs de risque » pouvant entraîner l'infarctus. 12 Module 4 : Introduction à l'épidémiologie Mais attention! Même si ce sont des « facteurs de risque », cela ne veut pas nécessairement dire qu'une personne qui ne fume pas et qui a une pression normale n'aura pas d'infarctus; ou encore que toutes les personnes qui fument et qui ont une tension élevée auront un infarctus. Non! Cela veut simplement dire que ces personnes courent plus de risques de faire un infarctus qu'une personne qui ne fume pas et qui a une pression normale. Mais pour identifier ces deux facteurs de risque, il aura fallu faire des recherches parmi les populations. En santé et sécurité du travail, seront considérés comme « facteurs de risque » tous les facteurs pouvant entraîner une lésion professionnelle, c'est-à-dire un accident ou une maladie professionnelle. Ce pourrait être, par exemple, un contaminant, une machine, une posture de travail, etc. 1.1.4 Épidémiologie C'est ainsi que l'épidémiologie peut de définir comme « l'étude de la répartition des maladies au sein des populations et des facteurs qui déterminent cette répartition » et ceci, afin de mieux prévenir les différentes maladies. 1.2 Étapes d'une recherche épidémiologique Le rôle de l'épidémiologie en est donc principalement un de recherche. Dans celle-ci, on distingue deux étapes qui correspondent à deux grandes catégories d'études. Pour chacune des étapes, l'épidémiologiste a développé des techniques et une méthode de calcul qui permettent de tirer des conclusions. 1.2.1 Études descriptives La première étape consiste en l'identification du problème; il s'agit d'établir des mesures pour connaître le nombre de maladies ou de décès dans une population donnée. On parlera alors de taux d'une maladie (taux d'incidence) et de taux de mortalité dû à une certaine cause. 13 Santé et sécurité au travail : notions de base Par exemple, si dans une ville de 100 000 habitants 20 nouveaux cas de cancer de vessie ont été diagnostiqués pendant l'année 2018, alors le taux d'incidence pour le cancer de la vessie sera de 20 par 100 000 personnes (20/100 000) pour l'année 2018 dans cette ville. De même, si dans la même ville, pour la même année, il y a eu deux décès dus au cancer de la vessie, alors le taux de mortalité pour le cancer de la vessie aura été de 2 par 100 000 personnes pour l'année 2018. Pour identifier un problème possible, il faut étudier les taux de maladie et les taux de mortalité afin de: 1. vérifier si ces taux demeurent constants ou non au cours des années; 2. vérifier s'il n'y a pas des groupes de personnes qui auraient des taux de maladie ou de mortalité plus élevés que d'autres et qui pourraient constituer des groupes à risque. En santé et sécurité au travail, le responsable de la prévention établit ou calcule des taux de maladie, de mortalité ou de lésions dans un milieu de travail donné. Ensuite, il vérifie si ces taux varient avec les années ou l'emploi occupé et les compare avec d'autres secteurs de travail ou avec ceux de la population générale. C'est ce qu'on appelle faire une étude descriptive. Dans la quatrième partie de ce cours, nous étudierons un exemple de cette étape importante et fondamentale en prévention des maladies et des accidents liés au travail. Si nous observons des taux de cancer du foie beaucoup plus élevés dans un certain milieu de travail que dans la population générale, il y aura lieu de soupçonner l'existence, dans ce milieu, d'un facteur de risque qui provoque plus de cancers du foie que dans la population générale. Pour l'épidémiologiste, il sera intéressant alors d'entreprendre la deuxième étape de son rôle en santé au travail, c'est-à-dire identifier ces facteurs de risque. 14 Module 4 : Introduction à l'épidémiologie 1.2.2 Études à visées étiologiques Lorsqu'on aura réussi à décrire les différences entre les taux de maladie et de mortalité, la seconde étape consistera à rechercher les facteurs de risque. Ainsi, on aura à comparer des taux entre eux, on tentera d'identifier si des personnes exposées à telle substance ou à tel produit développent plus une certaine maladie que d'autres personnes non exposées (exemple : cancer du poumon et cigarette). Nous reviendrons en détail sur ce type d'étude dans la seconde partie du cours. 1.3 Planification de la prévention L'épidémiologie peut aussi avoir deux autres rôles importants dans le domaine de la prévention en milieu de travail : 1. L'épidémiologie est un outil très utile pour définir des priorités dans la planification de programmes de santé et de prévention. Elle permet d'établir la fréquence des problèmes dans différents milieux de travail, dans différents départements ou dans différents types d'emploi. À ce moment, l'intervenant orientera ses actions vers les secteurs prioritaires, c'est-à-dire, par exemple, le département ou les postes de travail où l'épidémiologie montre un taux d'une maladie plus élevé que dans le reste de l'usine. 2. L'épidémiologie permet d'évaluer l'efficacité des mesures de prévention prises pour contrôler les problèmes de santé et sécurité dans l'industrie. En comparant les taux de maladies ou d'accidents qui existaient avant l'instauration d'une mesure préventive avec ceux qui existent par la suite, il est possible d'apprécier l'efficacité des démarches entreprises et des ressources investies pour la prévention. Nous pourrions, par exemple, comparer les taux d'une certaine maladie avant et après l'installation d'un système de ventilation dans une entreprise ou un département. 15 Santé et sécurité au travail : notions de base TABLEAU 1 : Étapes d'une recherche épidémiologique Étapes 1. Identifier le problème ou la Actions à entreprendre maladie a) Décrire la population qui présente ce problème ÉTUDES DESCRIPTIVES b) Mesurer l'importance du problème c) Identifier certains groupes à risque d) Déjà envisager certains facteurs de risque 2. Identifier les facteurs de risque a) Entreprendre une recherche afin d'identifier les facteurs de risque ÉTUDES À VISÉES ÉTIOLOGIQUES 16 Comparer les taux d'une maladie (morbidité) b) Mesurer le risque encouru par la présence du facteur Comparer les taux de mortalité (mortalité) c) Si possible, classer les facteurs de risque selon leur importance Module 4 : Introduction à l'épidémiologie Résumé 1 Nous avons vu que le principal rôle de l'épidémiologie est d'identifier les facteurs de risque et, pour ce faire, on doit parcourir deux grandes étapes : TABLEAU 2 : Résumé 1 Étapes 1. Identifier les problèmes de santé Actions à entreprendre a) Décrire la population b) Mesurer l'importance du problème (ÉTABLIR LES TAUX) c) Identifier les groupes à risque 2. Identifier les facteurs de risque a) Entreprendre la recherche b) Mesurer le risque à une exposition c) Comparer les taux: risque des personnes exposées risque des personnes non exposées La démarche épidémiologique peut aussi nous aider à : 3. Définir des priorités d'intervention en santé et sécurité du travail. 4. Évaluer l'efficacité des mesures préventives qui ont été prises. 17 Santé et sécurité au travail : notions de base 2. STRATÉGIES ET TYPES D'ÉTUDES POUR L'IDENTIFICATION DES FACTEURS DE RISQUE Dans cette seconde partie, nous allons décrire la deuxième étape de la recherche épidémiologique, « les études à visées étiologiques ». 2.1 Évaluation du risque Pour évaluer si un facteur quelconque, ou une exposition à un contaminant occasionne plus de risques de développer une certaine maladie, il faut comparer deux groupes d'individus entre eux : un groupe qui a été exposé, c'est-à-dire qui a subi l'influence d'un contaminant (un gaz, une vapeur, etc.), et un autre groupe qui n'a pas été exposé à ce contaminant. Dans cet exercice de comparaison, il faut faire principalement trois choses : 1. Déterminer quels travailleurs sont exposés à ce contaminant ou l'ont été dans le passé et quels travailleurs n'y ont pas été exposés; 2. Observer le nombre de personnes qui ont le cancer du poumon, dans chacun des groupes, c'est-à-dire ceux exposés au contaminant et ceux qui ne le sont pas pour calculer un taux du cancer du poumon pour chacun des deux groupes; 3. Comparer les taux entre eux pour savoir si le fait d'être exposé à ce contaminant augmente le risque d'avoir le cancer du poumon (en ayant contrôlé les facteurs confondants). 18 Module 4 : Introduction à l'épidémiologie FIGURE 1 : Évaluation du risque PERSONNES EXPOSÉES AU CONTAMINANT PERSONNES NON-EXPOSÉES AU CONTAMINANT RISQUE D'ÊTRE MALADE CHEZ LES EXPOSÉS RISQUE D'ÊTRE MALADE CHEZ LES NON-EXPOSOSÉS 1/4 2/4 Dans cette figure, on distingue facilement par la couleur les personnes exposées (à gauche) et les personnes non exposées (à droite) au contaminant. Dans les deux cellules, les cercles autour des personnes représentent celles qui ont la maladie. Nous avons donc deux mesures de risque pour la maladie du cancer du poumon, c'est-à-dire une pour les personnes exposées et une pour les personnes non exposées. Pour les exposés, ce risque est égal à 2/4, ce qui revient à dire que le risque d'avoir la maladie pour les exposés est de 1 fois sur 2, soit 50 %. Par contre, le risque du cancer du poumon est de 1/4, soit 25 % chez les non-exposés. Si nous comparons les deux risques entre eux, nous obtenons le rapport des risques suivants : R.R. = Risque de maladie chez les exposés Risque de maladie chez les non-exposés = 2/4 1/4 = 2 À noter ici que pour des fins pédagogiques et de simplification, il n'y a pas beaucoup de personnes dans nos exemples d'études. Habituellement, dans ce type d'études, le nombre de personnes est beaucoup plus élevé. En épidémiologie, pour ce cas, nous disons que le risque relatif ou R.R. est égal à 2. Cela signifie qu'à la suite de l'étude nous avons établi que le fait d'être exposé à ce contaminant augmente le risque d'avoir un cancer du poumon. Ce contaminant peut dont être considéré comme un facteur de risque. Un RR de 1 aurait signifié que le fait d'être exposé n'augmente pas le 19 Santé et sécurité au travail : notions de base risque d'avoir la maladie par rapport à ceux qui ne sont pas exposés. Ainsi, pour qu'il y ait augmentation de risque, il faut absolument un RR plus grand que 1 (> 1). Naturellement, l'organisation et la technique pour entreprendre une telle étude est plus complexe que cet exemple. L'important, dans ce cours, est de comprendre le principe. Études « Cas-témoins » - Études de cohorte - Cohorte rétrospective Pour vérifier l'association entre une exposition et une maladie ou une cause de décès, l'épidémiologie a développé des stratégies qui se résument en 3 grands types d'études : - Études « cas témoins » - Études de cohorte - Études de cohorte rétrospective Les deux premières s'appliquent généralement dans le cas d'études de morbidité, c'est-à-dire qui étudient la relation entre une exposition à un contaminant et une maladie, tandis que la troisième concerne les études de mortalité, c'est-à-dire qui vérifient la relation entre une exposition à un contaminant et la mortalité pour une cause donnée. 2.2 Études de morbidité 2.2.1 Études cas-témoins La première stratégie consiste à remonter ou à reculer dans le temps. Il s'agit de l'étude cas-témoins. Le mot « cas » représente les personnes qui ont la maladie et le mot « témoins » les personnes qui ne l'ont pas. Nous constituons donc un groupe de personnes qui ont cette maladie et un autre groupe qui ne l'ont pas. Puis, nous les interrogeons pour savoir combien, dans chacun des groupes, il y a de personnes qui ont été exposées à tel contaminant et pendant combien de temps. Si nous observons une plus 20 Module 4 : Introduction à l'épidémiologie grande proportion de personnes exposées au contaminant parmi les cas, c'està-dire les malades par rapport aux non-malades, cela indiquerait qu'il pourrait y avoir une association positive1 entre le contaminant et le cancer du poumon. Ainsi, nous pourrions affirmer que ce contaminant est un facteur de risque pour le cancer du poumon. L'étude cas-témoin part donc de la maladie et tente de retracer l'exposition. Ce type d'étude présente des avantages de courte durée et de faibles coûts. FIGURE 2 : « Avez-vous été exposé au contaminant de 2014 à 2018? » CAS (MALADES) ON POSE AUX CAS ET AUX TÉMOINS LA QUESTION : AVEZ-VOUS ÉTÉ EXPOSÉS AU CONTAMINANT EN 2017, 2016, 2015,..ETC TÉMOINS (NON-MALADES) 2014 2.2.2 2015 2016 2017 Études de cohorte (cohorte : groupe de personnes) Contrairement à l'étude cas-témoins, le deuxième type de stratégie avance dans le temps, c'est-à-dire qu'on suit deux groupes d'individus pendant un certain temps. Il s'agit de l'étude de cohorte. Plutôt que de procéder à partir d'un groupe de personnes qui ont la maladie, les chercheurs procèdent à partir d'un groupe de personnes exposées à une certaine substance et un 1 Association positive : l'exposition au contaminant augmente le risque de développer la maladie. 21 Santé et sécurité au travail : notions de base autre groupe de non-exposées en les suivant dans le temps. Enfin, ils observent combien de personnes deviennent malades dans chacun des groupes. Ici on part de l'exposition et on veut savoir si elle provoque une ou des maladies. Par exemple, si nous désirons étudier le lien entre un contaminant et une maladie spécifique nous devrons observer un groupe de travailleurs exposés à ce contaminant pendant un certain temps et établir parmi eux les taux de cette maladie. Nous comparerons ensuite ces taux avec un autre groupe de travailleurs qui ne sont pas exposés à ce contaminant. Ces études sont cependant très coûteuses et longues à réaliser. FIGURE 3 : « Combien de personnes développeront la maladie dans chaque groupe » EXPOSÉS EXPOSÉS ON POSE LA QUESTION : « COMBIEN DE PERSONNES DÉVELOPPERONT LA MALADIE DANS CHAQUE GROUPE? » NON-EXPOSÉS 2012 22 2013 NON-EXPOSÉS 2014 2015 2016 2017 Module 4 : Introduction à l'épidémiologie Dans le dessin ci-dessus, nous remarquons que parmi les personnes qui sont exposées, trois développeront la maladie dans les années qui suivent. Par contre, durant la même période, parmi les personnes non exposées, une seule deviendra malade. Le risque relatif d'avoir la maladie chez les personnes exposées est donc : R.R. = 3/4 1/4 2.3 Études de mortalité 2.3.1 Études de cohorte rétrospective = 3 Il existe une troisième stratégie d'étude couramment utilisée en santé au travail. Il s'agit des « cohorte rétrospectives ». Tel que mentionné plus haut, les chercheurs les utilisent dans les études de mortalité pour vérifier la relation qui peut exister entre un contaminant et la mortalité pour une cause donnée. Par exemple, dans le cas d’une étude sur la relation qui existe entre l'exposition à une substance X et la mortalité par cancer du foie, le chercheur se rendra d'abord dans une usine où des travailleurs sont exposés à cette substance. En se référant au tableau en haut de la page suivante comme modèle, nous supposerons que les travailleurs du secteur A sont exposés à cette substance et que les travailleurs de la section B n'y sont pas exposés. Si cette substance est un facteur de risque pour la mortalité par cancer du foie, le taux de mortalité par cancer du foie devrait être plus élevé dans la section A que dans la section B. Il devrait aussi être plus élevé dans la section A que dans la population générale. La stratégie nécessaire au calcul de ces taux consiste à retourner en arrière, dans le temps. Il faut établir la liste des employés qui ont travaillé dans cette usine selon une période de temps déterminée : de 1980 à 2010 dans notre exemple. Après avoir pris note des départements où ils ont travaillé, nous séparons ceux qui ont été exposés au contaminant toxique dans la section A des autres travailleurs non exposés. 23 Santé et sécurité au travail : notions de base Tous les employés qui ont déjà travaillé ou qui travaillent encore sont considérés dans l'étude. Par la suite, l'enquête débutera en vérifiant si les personnes sont encore vivantes ou décédées. Si elles sont décédées, il faudra voir dans les dossiers médicaux quelle a été la cause de leurs décès. FIGURE 4 : L'exposition des travailleurs est plus grande dans la section « A » que dans la section « B » SECTION A DE L'USINE 2 décès par cancer du foie 1 décès par infarctus 1 décès par cancer du foie 1 décès par infarctus L'on vérifie aujourd'hui en 2018 si les travailleurs à l'emploi de la Compagnie de 1980 à 2010 par exemple sont vivants ou morts et l'on recherche la raison du décès SECTION B DE L'USINE 1980 1990 2000 2010 2018 Dans notre exemple, nous observons que pour les travailleurs qui ont été exposés à la substance X, c'est-à-dire ceux travaillant dans la section A, le taux de mortalité par cancer du foie a été de 2/4. Pour les travailleurs de la section B, le taux de mortalité par cancer du foie a été de 1/4. Par conséquent, il y a 2 fois plus de mortalité par cancer du foie pour les travailleurs qui ont été exposés à la substance « X ». La substance X augmente donc par 2 fois le risque de décéder par cancer du foie. Le risque relatif est donc de 2 (RR = 2). Nous vous rappelons ici que nos exemples ne comptent que quelques individus, pour des raisons pédagogiques évidentes. Pour être valables, les études réelles doivent porter sur des populations beaucoup plus grandes. 24 Module 4 : Introduction à l'épidémiologie Nous avons comparé les taux de mortalité des travailleurs exposés à ceux des travailleurs non exposés. Nous aurions pu aussi comparer le taux de mortalité des travailleurs exposés au taux de mortalité par cancer du foie que nous retrouvons dans la population. En voici un exemple théorique : TABLEAU 3 : Taux de mortalité par cancer du foie chez les hommes Travailleurs en section D de l'usine X Dans la population du Québec en 2018 4 décès par 1 000 personnes 2 décès par 1 000 personnes Dans l'exemple de la page précédente, les travailleurs de la section D ont un taux de mortalité de 4/1000 personnes alors que dans la population du Québec, le taux de mortalité est de 2/1 000. Ce taux de mortalité par cancer du foie (2/1 000) s'appelle aussi taux de mortalité attendu. Car sous l'hypothèse que les travailleurs de la section D ne sont pas exposés à une substance qui augmente le risque de décès par cancer du foie, nous devrions nous attendre à un taux de décès égal à celui de la population générale. Puisque parmi les travailleurs de la section D, le taux de mortalité par cancer du foie est 2 fois plus élevé que le taux de mortalité attendu dans la population générale, le risque relatif ou RR est égal à 2. Il existe une autre façon de calculer le RR lorsqu'on compare le taux de mortalité d'un groupe de travailleurs exposés au taux de mortalité de la population générale. Cette méthode de calcul s'appelle le SMR. Nous n'étudierons pas en détail cette méthode dans le présent cours, mais vous remarquerez peut-être dans certains articles ou rapports de recherche que les auteurs présentent leurs données selon la méthode du SMR, plutôt que celle du risque relatif. Il suffit de savoir qu'en divisant par 100 la valeur du SMR (SMR/100), le résultat aura la même signification qu'un Rapport de risques ou risque relatif. Par exemple, si nous désirons étudier l'association entre l'exposition à un contaminant et le cancer du foie, nous pouvons comparer la mortalité par cancer du foie chez les travailleurs exposés à ce contaminant à la mortalité par cancer du foie dans la population générale. Si par la méthode du SMR nous arrivons à la valeur SMR = 571, en la divisant par 100, nous obtenons 25 Santé et sécurité au travail : notions de base un RR de 5,71. Le risque de décéder d'un cancer du foie chez les travailleurs exposés serait donc près de six fois plus élevé que dans la population générale. Résumé 2 Nous venons de voir les différentes stratégies ou types d'études qui peuvent nous aider à quantifier l'importance d'un facteur de risque. Une de ces stratégies consiste dans une enquête partant de cas et de témoins en reculant dans le temps, c'est ce qu'on appelle l'étude cas-témoin. Une autre stratégie ou type d'étude part de groupes exposés et non exposés et avance dans le temps, c'est l'étude de cohorte. Une troisième est en quelque sorte un mélange des deux premières, c'est l'étude de cohorte rétrospective. Cette étude recule dans le temps pour reconstituer rétrospectivement l'expérience de santé des groupes exposés et non exposés. Mais peu importe le type d'étude, retenons que le principe est toujours le même : il s'agit de comparer deux risques, le risque pour les individus qui sont exposés de développer une maladie, par rapport au risque pour les personnes qui ne sont pas exposées de développer la même maladie. Risque des personnes exposées à un contaminant R.R. = Risque des personnes qui ne sont pas exposées C'est ce qu'on nomme le Risque Relatif. Si ce risque relatif est plus grand que 1, alors le contaminant en question pourrait bien être classé Facteur de risque de développer une maladie. 26 Module 4 : Introduction à l'épidémiologie 3. LES BILANS DE SANTÉ ET LES ÉTUDES DE PRÉVALENCE Dans la pratique de tous les jours en santé du travail, il ne s'agit pas, comme nous venons tout juste de le voir, de répondre à la question : «Les contaminants auxquels sont exposés les travailleurs en industrie peuvent-ils causer des problèmes de santé aux travailleurs?». Nous sommes plutôt dans la situation où on a observé (et éventuellement mesuré) que des travailleurs sont exposés à un ou des contaminants que l'on connaît bien pour être la cause de problèmes de santé spécifiques. Dans ce contexte, nos questions se situent à deux niveaux : 1. D'abord, on se demande si les travailleurs exposés sont ou seront affectés par le problème de santé relié à leur exposition, en vue de prendre les mesures qui s'imposent, c'est-à-dire la réaffectation, le retrait du travail, l'indemnisation : c'est ce qu'on appelle la surveillance médicale. Celle-ci s'exerce au niveau de l'individu. 2. D'autre part, on se demande quel est, ou quel sera l'impact de l'exposition actuelle ou passée dans la population des travailleurs. On veut donc décrire les conséquences, cerner l'importance du problème pour une ou un ensemble d'industries, afin de mieux justifier ou planifier les besoins de prévention et de services de santé. En corollaire, on peut aussi se demander si l'application de mesures préventives a réduit l'impact de l'exposition dans la population de travailleurs : on évalue ainsi l'efficacité du programme de prévention. C'est la surveillance épidémiologique qui s'exerce au niveau de la population. Les études qui nous permettent de répondre à ces questions sont, comme nous l'avons vu en première partie, des études descriptives. Selon leurs objectifs et le schéma qui en découle, ce seront des études du type « étude de prévalence » ou du type « bilan de santé ». L'une et l'autre sont des études 27 Santé et sécurité au travail : notions de base dites transversales, c'est-à-dire que l'on évalue l'état de santé et l'exposition de la population des travailleurs à un moment donné dans le temps. 3.1 « Bilan de santé » Cette stratégie consiste à sélectionner dans une population de travailleurs, ceux qui sont exposés à un contaminant. On observe combien de travailleurs présentent la maladie (ou certains de ses symptômes précurseurs) dans ce groupe. Cette mesure peut être utile, premièrement, pour spécifier l'ampleur du problème, pour comparer des usines, des départements ou des sousgroupes de travailleurs (les travailleurs d'un même sous-groupe ont un même niveau d'exposition) entre eux pour circonscrire le problème. Par exemple, dans une usine, des travailleurs sont exposés à du diphénylméthane diisocyanate (MDI). On sait que le MDI est un irritant des voies respiratoires pouvant, dans certains cas, agir comme agent sensibilisant. Nous soumettons ces travailleurs exposés à des examens et établirons la proportion de travailleurs atteints parmi les travailleurs exposés. Dans notre exemple, nous observons que chez les travailleurs exposés, la proportion d'atteints est de 6/10 = 3/5. Ceci montre que le problème atteint une proportion importante de la population des travailleurs exposés. De plus, nous observons que dans le département A, la proportion d'atteints est de 4 sur 5 alors que dans le département B, cette proportion est de 2 sur 5. Le problème semble donc deux fois plus important dans le département A. 28 Module 4 : Introduction à l'épidémiologie FIGURE 5 : Exemple illustré DÉPARTEMENT A DÉPARTEMENT B DÉPARTEMENT A DÉPARTEMENT B 01/05/2018 DÉPARTEMENT C On ne sélectionne que les travailleurs exposés au MDI et nous regardons par exemple au mois de mai 2018 combien parmi eux sont atteints d'une irritation des voies respiratoires. Travailleur exposé au MDI 3.2 Travailleur non exposé Études de prévalence Cette stratégie consiste à observer l'état de santé et l'exposition d'une population de travailleurs sans sélectionner, à partir de l'exposition, les travailleurs observés. On observe combien de travailleurs présentent la maladie (ou certains de ses symptômes précurseurs) chez les travailleurs exposés et chez les travailleurs non exposés. On déterminera donc la proportion de travailleurs atteints de la maladie (ou de certains de ses symptômes précurseurs) pour le groupe des exposés et celui des nonexposés. On nomme cette mesure « le taux de prévalence ». La différence entre le taux d'incidence et le taux de prévalence c'est que le taux d'incidence se calcule sur une période de temps (une année, dix années, etc.) tandis que le taux de prévalence se calcule à un moment précis. Cette mesure est évidemment utile pour décrire l'ampleur du problème. Elle est aussi utile si on sent le besoin de vérifier s'il existe effectivement dans la population qui nous intéresse, une association entre l'exposition et la maladie. Par exemple, supposons que dans une usine, des travailleurs sont exposés à de la poussière de coton. On sait que l'exposition aux poussières de coton peut amener certains problèmes respiratoires chez les travailleurs. Toutefois, la prévalence de ces affections respiratoires est très variable selon les études 29 Santé et sécurité au travail : notions de base et les facteurs de ces variations ne sont pas clairs. On considère donc, à priori, tous les travailleurs de l'usine comme exposés aux poussières de coton. Nous soumettrons ces travailleurs à des examens de santé et à une catégorisation individuelle de la dose d'exposition cumulative. Nous identifierons un groupe peu ou pas exposé comme « groupe non exposé ». Nous établirons les taux de prévalence chez les exposés (éventuellement par catégorie de dose d'exposition) et chez les non-exposés. FIGURE 6 : Prévalence chez les exposés (éventuellement par catégorie de dose d'exposition) et chez les non-exposés. TRAVAILLEUR EXPOSÉ AU CONTAMINANT SECTION A TRAVAILLEUR NON-EXPOSÉ AU CONTAMINANT SECTION B 01/09/2018 Prévalence de la maladie chez les travailleurs exposés 6/10 On examine l'état de santé des travailleurs exposés et Prévalence de la non- exposés à un maladie chez les nonmoment précis, par exposés exemple : 1/5 01/09/2018 Dans notre exemple, nous observons que chez les travailleurs exposés, le taux de prévalence est de 6 sur 10 ou de 3 sur 5. Chez les non-exposés, le taux de prévalence est de 1 sur 5. Ceci montre que le problème atteint une proportion importante de la population des travailleurs exposés. On peut aussi montrer que la différence observée entre les exposés et les 30 Module 4 : Introduction à l'épidémiologie non-exposés est effectivement attribuable à l'existence d'une association entre l'exposition et la maladie dans notre population de travailleurs exposés. Résumé 3 Nous avons vu dans cette troisième section du cours que deux activités fort importantes et relativement moins compliquées que les études cas-témoins et cohorte peuvent facilement s'effectuer dans un milieu de travail. Il s'agit d'abord de vérifier l'état de santé des personnes qui ont été ou qui sont encore exposées à des contaminants que l'on juge déjà comme potentiellement nocifs : c'est ce que l'on appelle le « bilan de santé ». Nous pouvons aussi effectuer des études de prévalence, c'est-à-dire établir à un moment précis la proportion d'individus atteints d'un problème de santé particulier dans différents secteurs d'une entreprise. Et si parmi une section particulière de l'entreprise il y a plus de personnes atteintes, alors nous pourrons peut-être entreprendre une recherche plus exhaustive afin de vérifier si réellement il y a un facteur de risque dans cette section de l'usine. En somme, ces deux activités peuvent être considérées comme des études descriptives de l'état de santé d'une population de travailleurs et travailleuses. 4. DÉROULEMENT D'UNE ÉTUDE EN MILIEU DE TRAVAIL Il faut, pour chaque établissement ou groupe d'établissements, déterminer au préalable, c'est-à-dire avant d'instaurer des activités de surveillance médicoenvironnementale, s'il existe vraiment pour ces unités, des besoins de surveillance épidémiologique. Un bilan de santé est utile lorsqu'un groupe de travailleurs a été exposé un certain temps à un ou plusieurs contaminants et qu'on ne connaît pas les paramètres de cette exposition : c'est-à-dire le nombre de mois ou d'années d'exposition, les concentrations du contaminant dans le milieu de travail et le type d'exposition. Il est très difficile alors 31 Santé et sécurité au travail : notions de base d'évaluer les effets possibles qui se font ou se feront sentir chez le travailleur. Un bilan de santé vient alors confirmer ou infirmer les liens qui sont soupçonnés entre une exposition à un contaminant et une maladie. Pour confirmer la nécessité d'un bilan de santé, il faut répondre affirmativement aux questions suivantes : 1. La constitution d'un « bilan de santé » est-elle nécessaire pour nous informer sur la nature des risques et les moyens préventifs qui s'imposent ou pour justifier des éléments d'un programme de prévention? Si dans une entreprise, plusieurs travailleurs sont exposés à divers contaminants dont il est difficile de prévoir les effets étant donné qu'on connaît mal l'exposition, la première chose à faire consiste à faire disparaître ces risques. Si cela est impossible, on essaie de les contrôler et de s'assurer que toutes les normes sont respectées. Comme le respect des normes n'est pas une garantie de protection efficace contre toute atteinte à la santé, il faut diminuer le plus possible l'exposition des travailleurs à ces contaminants. Le bilan de santé peut alors devenir intéressant pour identifier les travailleurs dont la santé est affectée par les risques identifiés dans leur environnement de travail. Il permet également d'évaluer, un certain temps après leur mise en place, l'efficacité des mesures préventives. Par contre, si on connaît bien les risques auxquels sont exposés les travailleurs et les moyens de les contrôler ou de se protéger, le bilan de santé n'aura pas d'autre utilité que de détecter et de compenser financièrement les travailleurs dont la santé est compromise. 2. Est-il particulièrement nécessaire de démontrer qu'il existe effectivement une association entre l'exposition à un facteur et un problème de santé potentiel? Lorsqu'on connaît très bien la présence et les effets de quelques contaminants dans un milieu de travail, le bilan de santé est inutile et peu éthique, car il ne fait pas disparaître les risques identifiés qu'on soupçonne d'avoir déjà causé des problèmes de santé décelables. 32 Module 4 : Introduction à l'épidémiologie 3. Est-ce qu'on s'attend à ce que d'éventuelles modifications de l'état de santé des populations de travailleurs soient détectables, à la suite de l'application du programme de prévention? Si l'on ne s'attend pas à ce que les activités du programme de prévention comme les activités d'identification des risques et les activités de formation entraînent directement de telles modifications, le bilan de santé n'apportera pas d'informations nouvelles et est inutile. 4. Est-ce que l'étude est réalisable? Avant d'entreprendre la réalisation d'un bilan de santé, il faut s'assurer de sa faisabilité. Celle-ci déterminée par l'accord des travailleurs et par la disponibilité des ressources médicales et des ressources financières. Un bilan de santé appliqué à une grande entreprise est très coûteux. Si la réponse est positive, il faut alors planifier minutieusement l'étude en ce qui concerne les aspects suivants : la spécification des objectifs, la définition des variables, la cueillette des données et l'analyse des données. Si cette planification est faite en même temps que le choix des activités de surveillance médicale, alors on pourra réaliser à la fois une surveillance médicale et une surveillance épidémiologique valides. 4.1 La spécification des objectifs Une fois que l'on a une bonne connaissance de la littérature sur le problème qui nous intéresse, il faut spécifiquement exprimer l'objectif qui répondra à la problématique du milieu. 33 Santé et sécurité au travail : notions de base Exemples: Déterminer la proportion des travailleurs atteints d'irritation des voies respiratoires par département; - 4.2 Identifier les facteurs pouvant expliquer la différence d'atteinte entre les départements, s'il en existe une. La définition des variables Il faut clairement identifier par quoi et comment on décrira la population, la maladie et l'exposition étudiées. On décrira, par exemple, la population par des variables comme le sexe, l'âge et les habitudes personnelles comme l'usage du tabac. Il faut faire bien attention de recueillir l'information pertinente sur des facteurs pouvant affecter la relation que l'on veut observer. L'usage du tabac est un exemple, si l'on veut étudier l'irritation respiratoire et l'exposition au MDI, puisque le fait de fumer cause aussi des irritations des voies respiratoires. Lorsque la population de travailleurs est bien définie, il faut préciser ce qu'on entend par « maladie ». Si par exemple le bilan de santé porte sur la santé auditive des travailleurs, il faut définir ce que signifie quantitativement ce qui sera considéré comme une perte auditive. Ce pourrait être par exemple une perte d'acuité auditive d'au moins 8 décibels pour une oreille lorsque les deux oreilles sont touchées. Lorsqu'on aura décidé des critères qui serviront à déterminer de façon objective ce qu'est un « cas » ou une personne affectée de la maladie, il faut ensuite déterminer quels seront les moyens utilisés pour identifier et mesurer ces critères qui définissent la maladie. Par la suite, on définit qui sont les travailleurs que l'on considère exposés. Par exemple, on considérera comme un travailleur exposé, tout travailleur occupé la majeure partie de son temps (plus de 90 %) dans une zone où les prélèvements environnementaux de MDI ont amené un résultat positif. 34 Module 4 : Introduction à l'épidémiologie 4.3 La cueillette des données On doit apporter un soin particulier à la cueillette des données, afin de ne pas introduire d'erreur. On doit donc standardiser la méthode et les instruments utilisés. Par exemple, pour l'étude des problèmes respiratoires chez les travailleurs exposés au MDI, on utilisera un questionnaire qui sera rempli par l'enquêteur en lisant les questions dans l'ordre. Cette entrevue des travailleurs sera effectuée par un infirmier ou une infirmière ayant reçu une formation préalable à l'utilisation de ce questionnaire. 4.4 L'analyse de données On doit prévoir l'analyse des données qui permettra d'atteindre les objectifs. Par exemple, on construira un tableau présentant les nombres et les proportions de travailleurs atteints d'irritation respiratoire par département (voir tableau I). Dans notre analyse, il faut prévoir le contrôle des facteurs pouvant influencer nos résultats, par exemple ici, l'usage du tabac. On sait que l'usage du tabac peut augmenter le risque d'irritation des voies respiratoires. Alors. Il se pourrait bien que dans une section de l'entreprise, les travailleurs ressentent plus d'irritation des voies respiratoires, non pas parce qu'ils sont exposés à des produits présents dans l'usine, mais bien parce qu'ils fument plus que les travailleurs d'une autre section de l'entreprise (voir tableau II). On observe, au tableau I, que le risque d'être atteint d'irritation des voies respiratoires est deux fois plus élevé pour les travailleurs du département A que pour ceux du département B. Mais, lorsqu'on analyse les données en tenant compte des habitudes de fumer - comme le démontre le tableau II - on constate que la cigarette modifie, augmente le risque de développer des irritations. Les non-fumeurs ont un risque de 1,5 mais les fumeurs ont un risque plus élevé, soit de 2. On peut donc conclure que les travailleurs de la 35 Santé et sécurité au travail : notions de base section A possèdent un risque accru de développer des irritations et que ce risque augmente encore s'ils fument la cigarette. Il faut se demander également quel est, dans le département A, le contaminant qui cause plus d'irritation des voies respiratoires que dans le département B. Si j'avais oublié de demander aux travailleurs, lors de ma collecte de données, s'ils fumaient ou non, j'aurais pu analyser l'effet de la cigarette sur mes résultats. D'où l'extrême importance, avant même d'entreprendre une étude, de penser à poser les bonnes questions. TABLEAU 4 : Irritation des voies respiratoires chez les travailleurs de l'usine X Département de l'usine Travailleurs malades Travailleurs en bonne santé Prévalence A 4 1 4/5 RR B 2 3 = 4/5 2/5 2/5 36 = 2 Module 4 : Introduction à l'épidémiologie TABLEAU 5 : Irritation des voies respiratoires selon le degré d'exposition et l'usage du tabac Département Travailleurs malades Fumeurs Travailleurs sains Non Fumeurs Fumeurs Prévalence Non Fumeurs Fumeurs Non fumeurs A 3 1 0 1 3 3 1 2 B 1 1 1 2 1 2 1 3 Chez les fumeurs le risque relatif 3/3 1/2 = 2 Chez les non-fumeurs le risque relatif 1/2 1/3 = 1,5 Résumé 4 En somme, ce que nous avons vu dans cette partie, c'est qu'avant même d'entreprendre une étude, il faut d'abord se poser deux questions fondamentales : Est-ce que cette étude est pertinente? Est-ce que cette étude est faisable, réalisable? Si vous avez répondu OUI aux deux questions, il faut par la suite établir un plan d'étude, un protocole. Avant de construire un pont, il faut dessiner le plan. Ce plan doit comprendre quatre grandes étapes : 1. La spécification des objectifs ; 2. La définition des variables l'étude ; 3. Le mode de cueillette des données ; 4. La façon dont les données seront analysées. Par la suite, nous pouvons entreprendre l'étude. 37 Santé et sécurité au travail : notions de base CONCLUSION L'apport de l'épidémiologie en santé et sécurité au travail se résume donc en une activité de recherche afin d'identifier les facteurs de risque possible dans certains milieux de travail. Cette identification implique les deux premières phases d'une intervention préventive, c'est-à-dire : 1. Identifier un problème potentiel à l'aide d'études descriptives en calculant et comparant des taux d'incidence ou de prévalence ou des taux de mortalité dans un milieu de travail donné. 2. Si, pour une certaine maladie, ces taux semblent plus élevés que le taux retrouvé dans la population en général ou dans une autre section de l'usine, des études à visées étiologiques viendront alors établir s'il y a réellement augmentation du taux d'incidence ou de mortalité de cette maladie dans le milieu de travail et permettront ainsi d'identifier les facteurs de risque qui pourraient être responsables de cette augmentation. 3. Finalement, la troisième phase d'une intervention préventive consiste à appliquer les changements qui s'imposent dans le but d'éliminer les facteurs de risque. Naturellement, il faudra évaluer l'efficacité du programme de prévention. Enfin, il est important de mentionner que cette activité de recherche et de prévention essentielle à l'amélioration de l'état de santé et de la qualité de vie dans un milieu de travail ne peut se réaliser qu'avec la collaboration des travailleurs, des syndicats et de la direction de l'entreprise. 38 Module 4 : Introduction à l'épidémiologie 39

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