Module 2 : Introduction à l'Ergonomie PDF

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Ce document est un module d'introduction à l'ergonomie qui couvre les concepts de base de cette discipline, notamment les objectifs, les types, et les champs de connaissances en ergonomie. Il explique également la façon dont l'ergonomie s'applique aux nouvelles technologies.

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Santé et sécurité au travail Notions de base Module 2 Introduction à l'ergonomie Sylvie Montreuil Département de médecine sociale et préventive Faculté de médecine Université Laval Santé et sécurité au travail : notions de base 2 Module 2 : Introduction à l'ergonomie Équipe de production Responsable...

Santé et sécurité au travail Notions de base Module 2 Introduction à l'ergonomie Sylvie Montreuil Département de médecine sociale et préventive Faculté de médecine Université Laval Santé et sécurité au travail : notions de base 2 Module 2 : Introduction à l'ergonomie Équipe de production Responsable du cours Michèle Bérubé Département de médecine sociale et préventive Conception pédagogique Marc Champagne, service des ressources pédagogiques Denise Vigneault, conseillère en APTIC Yves Cantin, département de médecine sociale et préventive Mise à jour 2023 Michèle Bérubé Traitement de texte Louiselle Desjardins Michèle Gagnon 3 Santé et sécurité au travail : notions de base 4 Module 2 : Introduction à l'ergonomie Table des matières Objectifs d'apprentissage................................................................................. 7 Introduction...................................................................................................... 9 1. Ergonomie : définition, objectifs et types......................................... 11 2. Champs de connaissances de l'ergonomie........................................ 12 2.1 Les caractéristiques anthropométriques................................... 12 2.2 Les caractéristiques de l'environnement................................... 13 2.3 Les conditions temporelles....................................................... 16 2.4 Les conditions de l'effort physique.......................................... 21 2.5 La perception des informations................................................ 21 3. Aux nouvelles technologie, ergonomie nouvelle.............................. 22 4. Comment l'ergonomie procède-t-elle?.............................................. 23 4.1 La tâche et l'activité.................................................................. 23 4.2 L'activité et la démarche ergonomique.................................... 24 4.3 Les moyens de l'analyse ergonomique..................................... 25 4.4 Les différentes phases de l'action ergonomique....................... 26 Conclusion..................................................................................................... 29 5 Santé et sécurité au travail : notions de base 6 Module 2 : Introduction à l'ergonomie OBJECTIFS D'APPRENTISSAGE Après l'étude de ce module, vous serez en mesure de : 1. Définir l'ergonomie. 2. Définir l'importance en ergonomie des caractéristiques anthropométriques d'une population. 3. Décrire les caractéristiques de l'environnement de travail étudiées en ergonomie. 4. Décrire les caractéristiques des conditions temporelles de travail et leur impact sur la santé. 5. Définir les concepts d'effort physique et de charge de travail. 6. Situer le travail de l'ergonomie avec le développement des techniques nouvelles telles l'informatique et la bureautique. 7. Décrire la démarche de l'ergonome. 7 Santé et sécurité au travail : notions de base 8 Module 2 : Introduction à l'ergonomie INTRODUCTION La recherche de la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs passe idéalement par l'élimination à la source des risques pour la santé et la sécurité. Étant donné la multiplicité et parfois la complexité de ces risques, l'intervention de plusieurs spécialistes est souvent requise. L'ergonome est l'un d'entre eux. Son intervention a pour but d'adapter le travail à l'homme et elle porte sur les postures de travail, les outils, l'environnement, les contraintes de temps, les contraintes thermiques, la charge physique et la charge mentale de travail, etc. Ce module sera consacré à définir ce qu'est l'ergonomie. Nous aborderons également les principaux champs de connaissances de l'ergonomie et, finalement, nous étudierons la démarche de l'ergonomie. Il faut cependant garder à l'esprit que le véritable spécialiste en matière de santé et de sécurité, c'est le travailleur ou la travailleuse à son poste de travail. 9 Santé et sécurité au travail : notions de base 10 Module 2 : Introduction à l'ergonomie 1. ERGONOMIE : DÉFINITION, OBJECTIFS ET TYPES Le terme ergonomie est relativement récent : créé et utilisé pour la première fois par un anglais, Murrell, il est adopté officiellement en 1949, lors de la création de la première société d'ergonomie où se réunirent des psychologues, des physiologistes et des ingénieurs anglais intéressés aux problèmes de l'adaptation du travail à l'homme. L'ergonomie peut de définir comme: « l'ensemble des connaissances scientifiques relatives à l'homme et nécessaires pour concevoir des outils, des machines et des dispositifs qui puissent être utilisés avec le maximum de confort, de sécurité et d'efficacité » (A. Wisner). Elle possède un corps de connaissances sur l'homme applicables à des problèmes posés par l'ensemble homme-tâche. C'est une science exacte et pluridisciplinaire. Comme toutes les sciences, elle élabore des hypothèses, des schémas explicatifs qui sont éclaircis à mesure que progressent les connaissances des disciplines particulières qui lui apportent leur contribution. La psychologie et la physiologie sont les deux principales sciences sur lesquelles l'ergonomie a pris racine et sur lesquelles elle continue à évoluer. Mais comme le fonctionnement de l'individu au travail est d'une grande complexité, l'ergonomie a élargi progressivement le champ de ses bases scientifiques. Malgré des frontières assez floues, l'ergonomie demeure directement identifiable si on garde en tête son objectif principal : la conception des situations de travail et des outils de travail en accord avec le fonctionnement de l'individu, soit l'adaptation du travail à l'homme. Par exemple, les connaissances sur les dimensions des segments corporels d'une population de travail, sur la biomécanique, sur le fonctionnement des muscles, aident à la conception des espaces de travail: atelier, poste, machine, etc. Les connaissances sur l'appareil visuel aident à la conception de l'éclairage, de la présentation des informations visuelles (cadrans, boîtes de contrôle, etc.) 11 Santé et sécurité au travail : notions de base L'action ergonomique peut intervenir à deux moments de la vie de l'entreprise, mais avec une efficacité différente: L'ergonomie de correction: action sur les dispositifs existants ou en cours de modifications partielles: on change l'emplacement d'une machine bruyante, on aide à sa nouvelle implantation pour l'isoler, la mettre sur un plancher flottant, au besoin la modifier: c'est comme soigner un malade. L'ergonomie de conception: action à la construction ou à l'achat d'une nouvelle machine (cahier des charges), au changement de production (réorganisation complète d’une chaîne de production), à la construction d'une nouvelle usine, d'un nouvel atelier: il s'agit alors de la prévention. C'est le type d'ergonomie le plus efficace et parfois aussi le moins coûteux. Dans ce texte, nous verrons d'abord à quelles connaissances se réfère l'ergonomie et, par la suite, la démarche: concepts, moyens et phases de l'action ergonomique. 2. CHAMPS DE CONNAISSANCES DE L'ERGONOMIE 2.1 Les caractéristiques anthropométriques Elles concernent les mensurations des populations : hauteur, taille des différents segments corporels, poids, etc. On distingue des sous-populations telles les hommes, les femmes, les groupes ethniques, etc. Il s'agit du matériau de départ de l'ergonomie. On les utilise pour vérifier que le siège, la cabine, la porte soient adaptés aux populations visées. Ces connaissances sur les dimensions statistiques des populations serviront à établir les espaces dont les individus, les opérateurs (trices) ont besoin pour faire des mouvements. Plus que les mouvements, ce sont les postures qu'exigent les postes de travail qu'il faut prendre en compte; nous les aborderons dans la section consacrée à l'effort physique. 12 Module 2 : Introduction à l'ergonomie Les normes concernant les dimensions des espaces de travail sont caractéristiques de l'ergonomie du « composant humain ». Leur utilité est évidente : éviter, dès la table à dessin, la conception de dispositifs qui constituent une gêne ou un danger pour le travailleur. Leur limite est évidente aussi : les dimensions concernent une population particulière (par exemple, des hommes américains) et surtout elles ne prennent pas en compte les tâches réelles qui devront être réalisées, lesquelles dans certains cas peuvent exiger beaucoup plus d'espace. Le dispositif conçu selon de telles normes peut alors se révéler inutilisable. 2.2 Les caractéristiques de l'environnement 2.2.1 Le bruit La médecine du travail et l'audiologie industrielle ont clairement démontré les conséquences graves du bruit sur l'audition et la santé: dès qu'il dépasse certains seuils et que l'individu y est exposé trop longtemps, il lèse l'appareil auditif de façon définitive et peut provoquer divers troubles des appareils circulatoire et digestif. Pour l'ergonome, c'est aussi un obstacle à la perception des messages auditifs qui peut avoir des conséquences sur la sécurité: masque d'un signal sonore indiquant le mauvais fonctionnement d'une machine, d'un outil, masque ou déformation de la parole empêchant la réception correcte d'ordres ou d'informations. Les bruits non significatifs, c'est-à-dire qui n'ont pas un contenu informatif, peuvent entraîner une gêne, un désagrément; ces effets sont en relation avec l'intensité du bruit comme l'exprime un indice de gêne. D'autres facteurs peuvent jouer : leur caractère inattendu s'il s'agit de bruits brefs, aléatoires dans le temps, qui perturberont une tâche d'attention; les bruits continus gênent l'exécution de tâches mentales complexes. Les bruits significatifs (la parole par exemple) interfèrent dans les tâches mentales complexes, mais ils peuvent atténuer les effets de la monotonie dans les tâches simples, répétitives. 13 Santé et sécurité au travail : notions de base L'obstacle le plus important à la prise en compte du bruit lors de la phase de conception, c'est souvent l'ignorance du concepteur quant à l'emplacement des machines : si on y avait pensé avant, un compresseur pourrait être au sous-sol au lieu de rugir dans l'atelier, une imprimante pourrait marteler dans une pièce isolée au lieu d'être en plein centre du secrétariat, etc. Dès la conception des locaux et lors de l'implantation des machines, les problèmes de nuisance sonore doivent être pris en compte. 2.2.2 L'éclairage Le système visuel est particulièrement important dans la perception des informations qui sont nécessaires au travail et les conditions dans lesquelles ces informations sont données augmentent ou diminuent la difficulté au travail. Un éclairage correct est la condition essentielle d'une bonne information visuelle. Dans les publications spécialisées, on retrouve les recommandations sur les meilleurs éclairages selon les lieux et les tâches à accomplir et sur les dangers des surfaces éblouissantes. Selon de Montmollin (1986), c'est sur le cas particulier du terminal écran-clavier et sur les caractéristiques de l'écran et des informations protégées que les ergonomes étudient depuis quelques années: La littérature technique dans ce domaine est très spécialisée (on a même parlé d'ergonomie ophtalmologique) et s'adresse au fabricant de tubes cathodiques qui n'en tient pas excessivement compte, semble-t-il. Les principaux résultats concernent les rapports entre la lumière ambiante et l'écran (en particulier les reflets), les couleurs et les contrastes de luminosité fond/caractères. Il est évident cependant que la première variable à prendre en compte concerne la durée du travail journalier devant l'écran et son caractère continu ou intermittent. Il faut aussi souligner que les résultats obtenus par analyse en situation réelle sur le terrain font apparaître une interaction non négligeable entre la nature de la tâche réalisée au moyen du terminal et les caractéristiques physiques de ce dernier. Cette interaction rend difficile toute interprétation simple et généralisable des effets sur l'opérateur; les effets subjectifs, évidemment, mais aussi les effets physiologiques comme le seuil 14 Module 2 : Introduction à l'ergonomie critique de fusion, par exemple, ou la rigidification de la posture (l'orientation des yeux détermine la position du corps). À vrai dire, comme des travaux récents l'ont montré, il est bien difficile de se prononcer aujourd'hui avec certitude pour une solution unique qui serait préférable à toute autre. La solution, sage et provisoire, est donc aujourd'hui de demander aux concepteurs de permettre aux utilisateurs de pouvoir s'adapter à toutes les variables, tant de positions que de contrastes. Ici, une fois encore, l'existence d'un homme « moyen », universel, est une illusion. (Montmollin, L'ergonomie, p. 60). 2.2.3 L'ambiance thermique et la chaleur De nombreux postes de travail sont soumis à des contraintes thermiques importantes : qu'il s'agisse du travail à l'extérieur, au froid, au chaud, ou dans des industries lourdes. L'ergonomie a défini les limites extrêmes à ne pas dépasser et a déterminé les caractéristiques d’une ambiance de confort. En effet, trop élevée ou trop basse, la température entraîne une fatigue supplémentaire qui nuit à la santé et à la capacité de travail. La température de travail se situe entre 13° et 21° selon la nature des travaux effectués. Dans les bureaux, elle devrait s'établir autour de 20° l'hiver. La chaleur réelle d'une ambiance est la résultante de quatre facteurs variables: la température sèche (sans tenir compte de l'humidité), le degré d'humidité de l'air, la vitesse à laquelle cet air circule, la température moyenne de rayonnement de l'espace. La norme de température à ne pas dépasser tient compte également de l'effort déployé pour effectuer le travail. Plus la charge de travail augmente, plus la norme diminue. Selon le docteur Cazamian, les normes de confort au repos sont les suivantes: - température de l'air à hauteur de la tête : 20 à 23°; - mouvement de l'air : inférieur à 12 mètres par minute; - humidité relative de l'air : entre 40 et 50° 15 Santé et sécurité au travail : notions de base - température superficielle des parois ne différant pas de plus de 2° ou de 3° de la température de l'air. Les ambiances thermiques très sévères se situent au-dessus de 30° et peuvent atteindre des valeurs très élevées qui sont voisines des limites de la tolérance humaine. Elles épuisent rapidement les aptitudes à tous les travaux physiques même rudimentaires et peuvent entraîner des troubles graves. En règle générale, quand la température rectale s'élève au-dessus de 38 et 38,5°C, il faut considérer qu'il s'agit d'une charge maximale à ne pas dépasser. Au-delà de 38,5°, on risque les coups de chaleur. Le Comité d'hygiène public américain fixe à 125 le nombre de pulsations (fréquence cardiaque en battements par minute) qui ne devrait pas être dépassé dans le travail. Quand les travailleurs doivent être exposés à des températures élevées, il faut prévoir des pauses et tenir compte du fait que quand il y a exposition répétée à la chaleur, la température du corps ne s'abaisse que lentement pendant les pauses. Si bien que, d'une exposition à l'autre, elle s'élève progressivement. Des tables détaillées de dépenses énergétiques ont été publiées par H. Spitzer et Th. Ottinger. G. Lehman en a donné des tableaux abrégés dans sa Physiologie pratique du travail. 2.3 Les conditions temporelles Il s'agit d'un champ de connaissances relatif - aux cadences et rythmes du travail; - au travail effectué 24 heures par jour (travail le soir et la nuit); - au vieillissement des individus. 2.3.1 Cadences et rythmes de travail L'effet des cadences, dans le cas du travail à la chaîne en particulier, a été étudié. Il est clairement établi que les effets négatifs sur l'organisme et 16 Module 2 : Introduction à l'ergonomie sur la qualité de la production sont liés au caractère rigide du rythme imposé. Comment le temps est-il imposé? - par le dispositif technique : travail à la chaîne, déplacement automatique d'un objet, cadence d'une machine, etc. - par l'organisation du travail : normes de production, délais à respecter, dépendance immédiate vis-à-vis du travail ou de plusieurs collègues, etc. Conséquences des contraintes temporelles Les contraintes temporelles aggravent tous les autres risques et elles modifient la manière de travailler. Les contraintes de temps augmentent les risques d'accidents : pour aller plus vite, on peut être obligé de négliger certaines protections. D'où l'importance, entre autres, des systèmes de sécurité correctement intégrés aux machines dès leur conception. Les contraintes de temps sont facteur de troubles physiques et physiologiques : que ce soit dans les tâches industrielles ou dans le travail de bureau, ces contraintes de temps entraînent des contraintes posturales fortes menant à des problèmes immédiats (douleurs dans le dos, la nuque, les épaules, etc.) et à long terme (lombalgies, déformation de la colonne vertébrale, etc.). Au sujet de la fatigue mentale, Teiger (1985) fait le bilan suivant : « Les contraintes de temps, monotonie et fatigue mentale » Il faut donc traiter de façon ininterrompue des informations nécessaires pour des tâches apparemment simples, mais paradoxalement complexes (quoique monotones); cela nécessite une activité mentale intense, exercée à un rythme élevé et entraîne une fatigue mentale importante; cette fatigue est aggravée par l'anxiété permanente de ne pas tenir la cadence. Les manifestations aiguës en sont les crises de nerfs, les évanouissements qui se produisent dans l'atelier ou, le plus souvent, après le retour à la maison. Plus insidieuses sont les sensations de fatigue et d'épuisement physiques permanents, l'hypersensibilité à l'environnement, les troubles de l'humeur et du caractère : irritabilité, anxiété, agressivité. Ces troubles perturbent 17 Santé et sécurité au travail : notions de base gravement la vie personnelle extra professionnelle, les relations avec la famille et la vie sociale. Cette fatigue peut également se manifester par une limitation de la capacité d'attention à des champs d'intérêts extra-professionnels : difficulté à lire, à tenir une conversation, pertes de mémoire, sensation de devenir des machines. Ces troubles peuvent s'accompagner de malaises physiologiques tels que troubles du sommeil ou de la digestion, expression d'un dysfonctionnement général de l'organisme. (Tiré de Teiger, C. « Le travail sous contrainte de temps », dans Casson et coll. Les risques du travail, Éditions de la découverte, Paris, 1985, p. 92.) Les principales solutions pour améliorer la situation se retrouvent dans la souplesse du système de production et de l'organisation du travail : accroître l'indépendance entre les postes et augmenter le temps d'autonomie en introduisant des zones tampons, améliorer l'entretien des machines, de l'approvisionnement, etc. 2.3.2 Le travail aux quarts Les conséquences sur la santé du travail de nuit ou en équipes alternantes ont été particulièrement étudiées par l'ergonomie française. Les effets principaux du travail posté sur les rythmes circadiens (le rythme d'alternance veille-sommeil et les rythmes parallèles de la température centrale, de la fréquence cardiaque, de la respiration, des fonctions endocriniennes, etc.) portent sur les troubles digestifs, la quantité et la qualité du sommeil et sur des conséquences familiales et sociales difficiles à évaluer, mais vraisemblablement importantes (irritabilité, troubles sexuels, difficultés de communication avec les enfants, etc.). Il n'a pas été possible de mettre en évidence des différences systémiques de son comportement dans le travail, du fait de la grande diversité des situations rencontrées. Pour remédier à ces problèmes, quelques mesures sont possibles. Forêt (1985) propose les moyens suivants : Que faire? Tenter d'appliquer certains principes, quelques-uns relevant du bon sens, d'autres étant le fruit d'études spécifiques. Au niveau du processus de production, rechercher les possibilités techniques qui 18 Module 2 : Introduction à l'ergonomie diminuent le besoin de présence la nuit (par exemple, ralentissement de la production, marche à vide des installations). Au niveau de l'organisation, c'est la diminution du temps de travail moyen et/ou l'augmentation du nombre d'équipes, l'amélioration des « tournantes » les postes doivent se succéder dans un ordre logique (matin, après-midi, nuit, repos) et les changements doivent être rapides (deux ou trois postes semblables d'affilée et suppression des rotations hebdomadaires ou semi-mensuelles, comme c'était l'habitude autrefois) : enfin, il faut retarder les embauches trop matinales (pas avant 6 heures du matin), le poste du matin étant toujours perçu comme le plus pénible. Mais le problème du travail posté ne doit pas être séparé de celui des conditions et du contenu du travail. Du fait de leur nature, certains travaux sont particulièrement difficiles à faire la nuit ou pendant une longue durée…Surveiller la marche d'une raffinerie et surveiller une coulée de fonte sont deux travaux qui ne peuvent être comparés entre eux, même s'ils ont lieu tous deux la nuit. Plus généralement, il s'agira d'essayer d'introduire le maximum d'imagination dans ce domaine où toute tentative de changement se heurte systématiquement à des oppositions très variées, y compris de la part des intéressés eux-mêmes. (Tiré de Forêt, Jean, « Travail de nuit, travail posté », dans Cassou et coll. Les risques du travail. Éditions de la découverte, Paris, 1985, p. 99.) 19 Santé et sécurité au travail : notions de base 2.3.3 Le vieillissement Les exemples suivants sont issus d'études en ergonomie dans les quinze dernières années (Teiger, 1985) : - dans l'industrie automobile, à 40-45 ans, on est « trop vieux » pour continuer à travailler sur la chaîne : problèmes de contrainte de temps, de postures déséquilibrées à maintenir, etc. - dans l'industrie électronique, vers 30 ans, les opératrices sont « trop vieilles » et laissent leurs postes. - dans la confection, c'est à 25 ans qu'elles ne peuvent plus faire le travail : maintenir des cadences rigoureuses et faire du travail de précision dans des espaces de travail souvent mal conçus. Le vieillissement des fonctions physiques et physiologiques n'est pas un état stable survenant à un moment donné, mais un processus qui suit son cours tout le long de la vie. Le vieillissement des travailleurs a donc une double facette : vieillissement naturel sous l'action de facteurs internes et vieillissement « produit », c'est-à-dire influencé par les facteurs externes de l'environnement dans lequel on vit ou on travaille. Il est difficile d'établir un lien direct entre telle condition de travail et un vieillissement prématuré. Dans les faits, on constate cependant une sélection selon l'âge qui s'effectue soit parce que les travailleurs sont trop « usés » par le travail qu'ils ont fait, soit parce que le travail à faire est trop exigeant. Dès la conception, il serait souvent possible de prévoir des postes qui puissent convenir à d'autres qu'à des jeunes en parfaite santé, capables d'efforts physiques importants et jouissant d'une acuité visuelle sans faille. Par ailleurs, l'aménagement des dispositifs actuels est nécessaire pour permettre un reclassement correct des travailleurs qui vieillissent : limitations physiologiques diverses, séquelles d'accidents, etc., mais aussi acquisition d'expérience et de savoir-faire. 20 Module 2 : Introduction à l'ergonomie 2.4 Les conditions de l'effort physique Le travail physique est une composante importante de nombreuses activités professionnelles. Qu’il s’agisse de soulever, tirer ou pousser des charges, de maintenir une position statique pendant des heures ou de solliciter les mêmes segments corporels sur de longues périodes de temps, etc., le travail physique peut affecter la santé des travailleurs. Le travail physique est le résultat de la contraction de muscles afin de maintenir une position ou de permettre le déplacement du corps ou de segments corporels. Il permet de maintenir l’équilibre même dans des positions défiant les lois de la pesanteur, de déplacer des objets, d’exercer une pression, etc. Pour compléter cette section, consultez le document «Introduction à l’hygiène du travail, un support de formation» pages 96 à 102 , que vous trouverez dans la section «Complément» du module. 2.5 La perception des informations La plus grande partie des manuels classiques en ergonomie concerne cette section, soit la forme des informations que le travailleur doit percevoir pour réaliser sa tâche. Il s'agit ici de la perception et non pas de l'interprétation que l'opérateur y trouve. Les résultats que l'on connaît sur l'adéquation de tel ou tel affichage par rapport à un autre se fondent sur des essais en laboratoire dont le critère était les erreurs faites par les sujets en expérimentation. Ces études ont porté sur : - les indicateurs de mesure : nature, dimensions, forme, graduation, sens du déplacement, nombre et nature des informations fixes, etc.; 21 Santé et sécurité au travail : notions de base - les dimensions et les formes, les couleurs, les contrastes des caractères ou des symboles selon la distance, l'éclairage, etc.; - les alarmes visuelles : formes, couleurs, intensité, rythme de clignotement; - lors de l'analyse des tâches spécifiques, l'emplacement des différents types d'indications visuelles. Des études particulières, dont quelques exemples se trouvent dans De Montmollin (1986), ont porté sur la comptabilité entre les informations que l'opérateur reçoit et les réponses qu'il doit adapter. On connaît plusieurs cas où une incompatibilité a été l'origine d'un accident, d'un bris parce qu'un opérateur débutant croit, par exemple, ouvrir une vanne alors qu'il la ferme. 3. AUX NOUVELLES TECHNOLOGIE, ERGONOMIE NOUVELLE? Le développement, l'informatisation, l'automatisation et les tragédies survenues dans des domaines comme le nucléaire et la pétrochimie ont amené de nouvelles tendances en ergonomie : elles concernent moins la conception des machines que les interventions des opérateurs sur les lieux de travail. Le travail est analysé comme un processus où interagissent, d'une part, l'opérateur et, d'autre part, les initiatives qu'il a à prendre ou les diagnostics qu'il a à poser et ce, dans un environnement technologique en évolution. Ainsi, si on s'intéresse à l'étude de la perception des informations, il faudra étudier comment sont détectées les informations, à quoi elles servent, quel est le traitement que l'opérateur leur fait subir et quelle sera par la suite son action. La dimension temporelle est essentielle. L'ergonomie tentera de répondre aux questions suivantes : - 22 quelles sont les stratégies de l'opérateur pour s'adapter et pour adapter la situation? Module 2 : Introduction à l'ergonomie - quels sont les diagnostics qu'il élabore progressivement et avec quelle importance? - quels sont les problèmes qu'il résout? - quels sont les incidents qu'il doit détecter, gérer et quel est l'historique de leur récupération? 4. COMMENT L'ERGONOMIE PROCÈDE-T-ELLE? L'ergonomie est centrée sur la manière dont l'opérateur réalise sa tâche. La tâche, c'est l'objectif à atteindre avec les moyens déterminés préalablement. Pour l'atteindre, l'opérateur a une activité : ce sont les moyens utilisés et les modalités de leur mise en œuvre pour réaliser partiellement ou totalement la tâche. 4.1 La tâche et l'activité La tâche est caractérisée par son aspect prédéterminé. Elle est définie par: - un objectif : usiner une pièce, saisir des données, renseigner des abonnés, etc. - des moyens techniques : avec une machine, un ensemble clavier-écran relié à un ordinateur, un poste de standard téléphonique, etc. - des moyens organisationnels : selon un horaire particulier de travail, avec ou sans relation aux postes de travail, avec une organisation des opérations bien définie, etc. - des normes : de quantité, de qualité par unité de durée de travail, de durée du travail par jour, par semaine, par an, etc. - dans le cadre d'un contrat : qualifications, salaire, durée du travail, législation, conventions collectives, règlements intérieurs, etc. 23 Santé et sécurité au travail : notions de base La tâche est donc une construction théorique prédéterminée par les services de l'entreprise (service des méthodes, service du personnel, service commercial, etc.). Elle est définie par ce qu'il faut faire, avec quoi le faire, comment le faire, dans quelles conditions le faire et avec quel personnel le faire. L'activité, c'est ce que fait le travailleur en relation avec la tâche. En relation, c'est-à-dire qu'il n'y a pas conformité totale entre l'activité du travailleur et la tâche : l'objectif peut être plus ou moins atteint, les moyens techniques organisationnels, les normes, les conditions du contrat plus ou moins respectés. Tâche et activité : rôle des différents services de l'entreprise. Ainsi, la fonction du bureau d'études est de définir le produit et les moyens techniques pour le fabriquer : quoi produire, avec quelle machine? Etc. La fonction des services des méthodes est de définir la tâche à réaliser : quelle quantité, quelle qualité de produit et comment. La fonction des services du personnel est de définir qui doit réaliser la tâche et comment cette personne doit être formée : quelles sont les connaissances et les aptitudes nécessaires pour réaliser la tâche. Ces trois principaux services participent à déterminer la tâche et ses conditions d'exécution : ils élaborent des projets et les mettent en place sur des critères à priori; ils procèdent à des analyses du travail pour répondre aux questions : quoi faire, avec quoi le faire, comment et qui doit le faire. 4.2 L'activité et la démarche ergonomique La fonction de l'ergonome est de déceler dans le travail et ses conditions d'exécution ce qui n'est pas compatible avec le fonctionnement du travailleur (individuel et collectif), c'est-à-dire ce qui peut provoquer des accidents, des atteintes à la santé, des limites au développement des capacités des travailleurs : l'identification de ces éléments critiques du travail doit permettre de trouver des solutions concernant le travail et ses conditions 24 Module 2 : Introduction à l'ergonomie d'exécution, concernant le travailleur par la formation pour permettre d'éviter ces conséquences. Pour cela, l'analyse de l'activité du travailleur en situation de travail (et non a priori) est essentielle et les questions que se pose l'ergonome concernent ce que fait le travailleur, les fonctions physiologiques et psychologiques qu'il met en jeu, comment il procède et pourquoi, c'est-àdire les caractéristiques du travail et des conditions de travail qui l'obligent à procéder ainsi. Il ne s'agit pas de porter un jugement (par exemple : il devrait faire ainsi, il devrait respecter la consigne, utiliser cette manière ou cet outil), mais de comprendre les facteurs critiques et déterminants de son activité réelle. L'ergonome n'a pas comme objectif (dans l'étude de ces facteurs) de sélectionner les opérateurs, mais au contraire, de trouver les moyens qui permettent à toute personne active de réaliser le travail sans risque pour la santé, sans risque d'accident. Il s'agit non pas d'éliminer la personne qui a un handicap ou qui est âgée, mais de concevoir le poste de travail de manière à ce qu'elle puisse réaliser la tâche et de déterminer les moyens et les types de formation qui lui permettent d'occuper le poste de travail. 4.3 Les moyens de l'analyse ergonomique 4.3.1 L'analyse de la demande L'ergonome devra d'abord, dans une phase préliminaire, se demander : - qui est le « client »? - qui sont les interlocuteurs? - quelles sont les vraies raisons qui ont déterminé l'appel à un ergonome? - quel rôle veut-on lui faire jouer? - quels sont les enjeux derrière cette demande? La sous-estimation de cette phase peut provoquer des échecs. Les rôles et enjeux doivent être très clairs dès le début de l'étude et ce, pour tous les intéressés. 25 Santé et sécurité au travail : notions de base 4.3.2 Les techniques d'analyse Les observations. Les déplacements, les gestes, les regards sont des manifestations de l'activité, mais aussi les marques laissées dans le travail : les produits eux-mêmes, les erreurs, les défauts. Il pourra être possible de lier les résultats avec les caractéristiques de la tâche qui sont difficiles à réaliser, qui peuvent provoquer des atteintes à la santé, à la sécurité et au bon déroulement du travail. Les verbalisations. Il faut parler avec les opérateurs. Qu'il s'agisse d'entrevue individuelle ou de groupe, pendant ou après le travail, il est important de se faire expliquer pourquoi l'opérateur procède de cette façon. Les mesures. Il s'agit ici de quantifier l'importance des facteurs comme : - le travail physique réalisé; - le bruit de l'environnement; - l'enregistrement des activités en tenant compte du temps, - etc. Les stimulations. Elles consistent dans la reconstitution de la situation de travail. Les simulations sont souvent indispensables lorsque le travail à analyser ne peut être observé directement. Pour réaliser le travail mentionné sous chacune de ces rubriques, il faut souligner que l'ergonome doit se faire accepter, ce qui n'est pas toujours possible rapidement. Pour renforcer sa crédibilité aux yeux de tous dans l'entreprise, il devra poursuivre toujours le même objectif qui est d'adapter le travail à l'homme dans un souci de confort, de sécurité et d'efficacité. 4.4 Phase 1 : Les différentes phases de l'action ergonomique Le diagnostic Qu'est-ce qui ne va pas dans la situation existante, quelles sont les causes des dysfonctionnements de l'homme et des moyens de production (ergonomie de correction)? 26 Module 2 : Introduction à l'ergonomie Phase 2 : Le traitement et les recommandations Les moyens à mettre en œuvre, les techniques organisationnelles propres à éliminer les risques de dysfonctionnement et à rendre compatibles les moyens de production avec le mode de fonctionnement de l'homme. Phase 3 : La validation Cette dernière étape consiste à vérifier si les changements introduits, les nouveaux moyens de production, ont diminué les risques de dysfonctionnement et à identifier ceux qui persistent. Il faut alors tenir compte des effets immédiats et à long terme des changements qui ont été introduits. Pour compléter ce module consultez les documents déposés dans la section «COMPLÉMENT» du module 2. 27 Santé et sécurité au travail : notions de base 28 Module 2 : Introduction à l'ergonomie CONCLUSION Une intervention de la part de l'ergonome en milieu de travail suppose que certaines conditions soient remplies afin qu'elle puisse se dérouler correctement et être efficace. La première de ces conditions consiste à définir clairement le problème aux travailleurs et aux employeurs. Une fois le diagnostic établi par l'ergonome, travailleurs et employeurs doivent être informés et connaître à l'avance les conséquences de l'intervention qui sera posée. De plus, l'ergonome ne doit pas servir d'arbitre pour les conflits qui peuvent survenir à propos des conditions de travail. Cette remarque vaut également pour les autres spécialistes qui ont à intervenir en santé et sécurité au travail. 29 Santé et sécurité au travail : notions de base 30 Module 2 : Introduction à l'ergonomie RÉFÉRENCES CASSOU, B., HUEZ, D., MOUSEL, M.L., SPITZER, C. et TOURANCHET, A. (1985). Les risques du travail. Pour ne pas perdre sa vie à la gagner. Éditions de la découverte, Paris, 639p. DANIELLOU, F. (1986). L'opérateur, la vanne, l'écran. L'ergonomie dans la transformation des industries de processus, publication de l'ANACT, Montrouge, 372p. DE MONTMOLLIN, M. (1986) L'ergonomie. Éditions de la découverte, Collection Repères, Paris, 126p. LAVILLE, A. (1976). L'ergonomie. Collection Que sais-je, Presses Universitaires de France, Paris, 128p. BIBLIOGRAPHIE Les ouvrages suivants traitent spécifiquement des champs d'étude de l'ergonomie. Ce sont des ouvrages très intéressants à consulter pour ceux et celles qui s'intéressent plus particulièrement à cette discipline. GRANDJEAN ÉTIENNE, Précis d'ergonomie, Les éditions d'organisation, Paris, 1983. SCHERRER J., Précis de physiologie du travail et notions d'ergonomie. Masson Éditeur, 1981. Équipe de rédacteurs, Les risques du travail. Pour ne pas perdre sa vie à la gagner. Édition la découverte, Paris, 1985. (Facilement disponible au Québec) 31

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