LSPS 3 – UE 7 - Vie, Technique et Société: Problèmes Philosophiques 2023-2024 PDF

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Faculté de Santé UPEC

2024

UPEC

Elodie Boublil

Tags

philosophy of technology technology ethics education

Summary

This document is a course summary about technology and its ethical implications in health from UPEC. The document references works by philosophers of technology, discussing topics such as the status of technical objects, and the ethical aspects of technology within the context of healthcare education.

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LSPS 3 – UE 7 - ©Elodie Boublil 2023-2024 Vie, Technique et Société : Problèmes Philosophiques Elodie Boublil, Faculté de Santé, UPEC LSPS 3 – UE 7 Cours n°3 Le statut des objets techniq...

LSPS 3 – UE 7 - ©Elodie Boublil 2023-2024 Vie, Technique et Société : Problèmes Philosophiques Elodie Boublil, Faculté de Santé, UPEC LSPS 3 – UE 7 Cours n°3 Le statut des objets techniques et des technologies et leur utilisation dans le champ de la santé Chapitre 1 : Les objets techniques : une éthique du progrès Gilbert Simondon (1924-1989) Ø Philosophe des techniques et du vivant, il a notamment publié les ouvrages suivants : L’individuation à la lumière des notions de forme et d’information (critique d’Aristote, reprise des théories physiques et biologiques pour repenser l’individu à partir du paradigme de l’information) – (1958) Du mode d’existence des objets techniques (1958). Thèse dirigée par G. Canguilhem Ø Il a aussi publié des cours et conférences sur la technique, l’imagination, la perception, l’animalité (cf. Cours LSPS2/S3 sur Le vivant) Ø Objectifs de l’auteur Ø Réconcilier la culture et technique ; Penser un humanisme dans la technique et non plus contre la technique Ø Selon Simondon, la méconnaissance de la relation entre la nature et la technique conduit à rejeter cette dernière (cf CM n°2), alors qu’elle fait partie selon lui des réalités humaines Ø Il faut alors renverser la problématique : l’aliénation ne vient pas de la machine en tant que telle mais d’une ignorance de sa réalité (dans son rapport aux 29 LSPS 3 – UE 7 - ©Elodie Boublil 2023-2024 valeurs, aux significations etc. – ce que Arendt appellerait le « monde » associé à l’ « œuvre »). Ø Statut des objets techniques L’objet technique est une réalité irréductible à tout autre (différent du vivant, du minéral etc.). L’individuation de l’objet technique est un processus qui lui est propre mais ce processus de développement est analogue à celui du vivant. Son développement obéit à un « processus de concrétisation » ; on constate en effet un perfectionnement de l’objet technique dans sa singularité commandé par son insertion dans un milieu et la mise en œuvre de ses fonctions. Ø Processus de concrétisation : individualisation, convergence des fonctions et naturalisation. L’ enjeu de la réconciliation entre culture et technique consiste à relier le progrès technique et le progrès humain. Ø Statut des objets techniques Les limites du progrès humain (1959) « Pour que le progrès technique puisse être considéré comme un progrès humain, il faut qu’il implique réciprocité entre l’homme et les concrétisations objectives. (…) Le progrès prend une allure explosive quand il est déjà à l’origine un progrès éclaté, s’accomplissant dans des domaines séparés les uns des autres ; plus il s’opère en condition d’éclatement, moins il est un progrès humain : c’est le cas du progrès technique accompli en quelques années dans la prospection des pétroles et nappes de gaz. En France, le gaz de Lacq traverse des régions sous-développées, sans aucun profit pour elles, et va se vendre au loin dans les domaines déjà industrialisés. (…)Le progrès technique serait beaucoup plus profondément un progrès humain s’il était déjà un progrès du tout des techniques, y compris l’agriculture qui est par excellence et en tous les sens du terme la parente pauvre. » 30 LSPS 3 – UE 7 - ©Elodie Boublil 2023-2024 Ø Statut des objets techniques « Cette conception permet de modifier notre regard, voire notre disposition éthique et affective à l’égard de la réalité technique en la réintégrant dans ce qui nous est propre (et non pas étranger), et de reconstituer ainsi un monde pleinement humain. Le thème de l’objet technique comme socius, comme « membre de la société humaine », partenaire réel de notre existence, mais aussi support presque humain de nos relations strictement humaines, esquissé dans Du mode d’existence, est prolongé et précisé dans Sur la technique. Il s’agit de nous réajuster à ces réalités, à la fois inertes et humaines, qui tissent notre monde et augmentent « la densité du champ humain d’activité » ; l’objet technique « est réellement comme un être social, et constitue non pas un supplément d’âme [...], mais un supplément de société et de pouvoir d’action ». C’est à ce titre qu’une relation positive pourrait, voire devrait, nous lier à lui. Parmi ces exemples de liens possibles, éthiques et « affectifs » aux objets techniques, notons la récurrence de l’image à la fois symbolique et réelle, transhistorique aussi, du navire. En témoigne la référence au destin tragique du paquebot Ile-de-France dans « Psycho-sociologie de la technicité », ou encore l’évocation, dans Fondements de la psychologie contemporaine, d’une possibilité « amoureuse » entre un scientifique et son bateau. » (Saurin, 2015) Ø Statut des objets techniques L’aliénation pour Simondon provient non pas de la technique en tant que telle mais des valeurs parfois faussées ou mal-adaptées qui seraient attribuées aux objets techniques. Il est nécessaire d’introduire une dimension éthique dans notre rapport à l’objet technique en tant qu’il fait partie du monde culturel et humain (et non pas en tant qu’il lui serait opposé). Simondon propose une « éthique critique de la consommation » : « On accuse l’objet technique de rendre esclave ; c’est parfaitement vrai, mais l’homme est en réalité esclave de lui-même, parce qu’il l’accepte, lorsqu’il se livre aux objets techniques. » Ø Exemple du smartphone 31 LSPS 3 – UE 7 - ©Elodie Boublil 2023-2024 Les objets techniques : statut, éthique et progrès Trois perspectives pour une réflexion sur l’éthique de la technique (1983) Dans ce texte, Simondon propose une réflexion éthique sur les différents types d’objets techniques et leur utilisation. Objectifs en termes éthiques : limiter le développement des objets destructeurs (prolifération des armes nucléaires par exemple) ou des industries polluantes et favoriser le progrès technique en le mettant au service du progrès humain. Simondon prend l’exemple de l’écologie et du développement durable issu de sa réflexion sur l’insertion de la machine dans son environnement, ou l’exemple de l’obsolescence programmée qui conduit au gaspillage : « Le mouvement écologique est très précieux parce qu’il contient une éthique constructive qui a ses normes et peut-être aussi ses limites comme toute normativité. Ce qu’il y a de constructif, c’est la prise de conscience de la nécessité de ne pas miser uniquement sur les énergies dures (ou denses) et de savoir s’équiper pour tirer parti des énergies renouvelables (chute d’eau, vent, fermentation des déchets domestiques d’une exploitation agricole). Imaginer un village en état de presque complète autarcie énergétique est chose effectivement possible et sans doute souhaitable, s’il est bien vrai que la concentration urbaine présente de nombreux aspects d’inutile contrainte et provoque des carences et surcroîts de fatigue inutiles par la durée des transports en commun ou par véhicule individuel, et par le prix de revient de ces transports. La relation, le pontage entre le lieu de vie et le lieu de travail, devient écrasante et très onéreuse, actuellement, en France, autour de toutes les grandes villes et particulièrement de Paris. » (Simondon) « Deux heures par jour peuvent être perdues pour les transports, dans une ambiance aussi pénible que celle du milieu de travail. La décentralisation permettrait un très considérable rapprochement de l’aire de travail et du lieu de résidence. Lorsqu’un objet se trouve réformé pour obsolescence, c’est une importante quantité de travail humain 32 LSPS 3 – UE 7 - ©Elodie Boublil 2023-2024 qui se volatilise sans profit, et qui devient irrécupérable. Il s’agit donc bien ici d’une option éthique vis-à-vis des techniques. » (Simondon) Il s’agit alors de : Ø Essayer de penser harmonieusement nature, culture et technique Ø Formuler un point de vue éthique sur la technique mais non une éthique « cybernétique » (Simondon critique les applications sociopolitiques du cybernétique) « L’essentiel, en éthique, c’est l’être humain, la personne humaine envisagée réflexivement selon une pluralité d’idéaux possibles. Que peuvent les techniques à ce niveau, en face des normes ? » (Simondon) Chapitre 2 : Enjeux éthiques et bioéthiques des technologies Enjeux éthiques contemporains Ø Nécessité d’aller au-delà de l’opposition naturel-artificiel « L’artificiel est du naturel suscité, non du faux ou de l’humain pris pour du naturel. » (Hirsch) Ø Sans pour autant tomber dans l’imaginaire transhumaniste qui se méprend sur la réalité du naturel et de l’artificiel « Les études actuelles sur la plasticité du cerveau vont également dans le sens d’un lien étroit entre les fonctionnalités du vivant et le vécu. L’organisation des réseaux neuronaux joue sur le vécu mais, en retour, elle se modifie en fonction des expériences vécues par l’organisme. Ainsi, l’entraînement et l’apprentissage (et le psychisme engagé dans ces activités) jouent sur la biologie du cerveau lui-même. Là aussi le vivant se laisse modifier par son vécu. La complexité du vivant est beaucoup plus riche que le simplisme de l’ingénieur du vivant. En ce sens « le cyborg invulnérable » de certains transhumanistes est de moins en moins « vivant » ! » (Hirsch, 2018) Enjeux éthiques contemporains « Les nouvelles applications des neuro-technologies soulèvent de multiples enjeux éthiques qui concernent aussi bien les banques de données et les implants cérébraux 33 LSPS 3 – UE 7 - ©Elodie Boublil 2023-2024 que les usages prédictifs et diagnostiques de la neuro-imagerie, sans oublier la commercialisation et les conflits d’intérêts. » (Hirsch 2018) Ø Exemple du neuro-marketing : lien entre technologies de l’information et connaissance scientifique sur le vivant Ø Innovation, précaution, obligation (éthique) « Une nouvelle méthodologie de transfert de l’innovation doit être développée qui associe de façon synergique principe de précaution et principe d’innovation. Pour cela de nouveaux droits des patients ainsi que de nouvelles obligations pour les investigations cliniques sont indispensables. » (Hirsch 2018) « Il paraît essentiel d’accompagner ces techniques par une réflexion éthique exigeante, mais aussi par une concertation publique car, si elles s’avèrent prometteuses en termes d’approches thérapeutiques innovantes, leurs menaces possibles sont évidentes sur l’intégrité des personnes et sur les libertés individuelles, tout particulièrement dans les pays qui sont peu soucieux des droits de l’individu. » (Ibid.) Avis CCNE n°130 : Données massives et santé : une nouvelle approche des enjeux éthiques But de l’avis : Identifier enjeux éthiques généraux et spécifiques Et proposer des « recommandations indispensables au respect des principes éthiques fondamentaux permettant, sans les freiner, le développement des technologies fondées sur les données massives. » Ø Le développement des technologies numériques doit être encouragé si elles bénéficient à tous (progrès humain), mais elles doivent toujours être mises en regard des principes éthiques fondamentaux (respect de la personne, dignité, autonomie, justice, bienfaisance, non-malfaisance). Ø Évaluer l’Impact sociétal, anthropologique et éthique « Les mutations induites par les données massives modifient notre façon de formuler des hypothèses de recherche, d’acquérir des savoirs et de les utiliser pour une prise de décision intéressant l’individu et la collectivité. Elles induisent des changements 34 LSPS 3 – UE 7 - ©Elodie Boublil 2023-2024 dans nos représentations et bouleversent notre façon de considérer la mesure de nos paramètres de santé et de bien-être. Ces données personnelles tendent à devenir un outil relationnel dynamique et un instrument d’autonomie visant à un meilleur contrôle personnel de notre état de santé. » Ø Formuler un principe de justice : « Le CCNE appelle à la vigilance pour que les personnes qui n’ont pas aisément accès aux technologies du numérique bénéficient aussi des avancées dans le domaine de la santé et ne subissent ni stigmatisation ni discrimination dans leur accès aux soins » Ø Croisement de données = information nouvelle sur la santé d’un individu Ø Mise en œuvre effective de dispositifs de protection Ø « La réflexion éthique doit prendre en compte le fait que certaines innovations peuvent ne pas avoir pour finalité le soin, mais l’exploitation d’un marché se présentant comme relevant du bien-être. » (ex. des outils connectés) Ø Risque de stigmatisation (profilage) Ø Risque de transformation du soin en un « marché » Ø Respect du consentement libre et éclairé Ø Nécessité d’une « garantie humaine » pour traiter les données et notamment les algorithmes « Le CCNE rappelle que la relation de soin se fonde sur une relation humaine directe, basée sur la confiance et un ensemble de décisions véritablement partagées entre le médecin et le patient, même si l’informatisation des systèmes de soin est maintenant généralisée. Trois principes éthiques peuvent être fragilisés par l’utilisation des données massives : le secret médical, par la multiplication des informations partagées et échangées entre divers acteurs, dont certains ne relèvent pas du milieu médical; la responsabilité de la décision médicale, par le risque d’automatisation que crée la multiplication des logiciels algorithmiques ; la relation personnelle entre le médecin et son patient, qui est menacée d’appauvrissement avec les innovations attendues du traitement des données massives, le patient risquant d’être réduit à un ensemble de données à interpréter, semblant rendre inutile son écoute. Le CCNE rappelle que les technologies du numérique doivent rester une aide à la décision et estime que le temps 35 LSPS 3 – UE 7 - ©Elodie Boublil 2023-2024 ainsi gagné devrait être mis à profit pour libérer du temps d’écoute, d’échange, de prise en compte personnelle du patient. » Ø Risques spécifiques liés aux données génomiques Ø Problèmes « externes » : stockage, sécurité des données, privatisation par des biotechs (exploitation économique – modèle nord-américain) Ø En France : Loi du 20 juin 2018 : « données sensibles » (au niveau mondial, tendance à la commercialisation) « Un fait majeur est que les données génomiques ne sont plus circonscrites à la sphère médicale classique, gérée par la déontologie médicale ou les organismes de re- cherche. Elles circulent aujourd’hui sur internet et les réseaux sociaux, avec peu de protection depuis l’avènement des tests dits direct to consumer. Des entreprises pro- posent depuis une dizaine d’années une analyse globale de l’ADN de leur client, supposée révéler l’ensemble des vulnérabilités génétiques dont il est porteur. Elles s’adressent directement à lui, sans faire intervenir médecins ou institutions médicales. En 2018, une compagnie proposait le séquençage du génome pour 199 dollars. » Ø Contrôle humain des algorithmes et des processus et transparence « Contrairement à d’autres données de santé, la production d’informations médicales à partir de la séquence génomique reste un défi et requiert de nombreuses étapes entre le séquençage de l’ADN et l’interprétation : Il est nécessaire dans un premier temps de séquencer l’ADN (détermination de la succession des nucléotides), puis d’assembler le génome (aligner les fragments de séquence) et d’annoter l’ensemble des variations génétiques identifiées. Ces étapes techniques sont effectuées en utilisant des algorithmes standardisés établis par des bio-informaticiens. Comme les méthodologies diffèrent et sont en constante évolution, il est important que ces différentes étapes soient transparentes car c’est à partir de ces données que le généticien va faire ses déductions sur la santé de l’individu. » Ø Prise en charge du patient : information et relation de soin (la question éthique des données incidentes) « Un point important est la possibilité d’identifier des informations qui n’étaient pas sollicitées initialement. Par exemple une personne vient consulter pour un diabète et 36 LSPS 3 – UE 7 - ©Elodie Boublil 2023-2024 grâce à l’analyse génétique, le généticien identifie que la personne est aussi porteuse d’un gène de vulnérabilité au cancer du sein. On parle alors de données incidentes, et leur découverte va devenir de plus en plus fréquente, avec le séquençage du génome entier. Cette information peut entraîner une démarche préventive empêchant l’apparition d’une maladie mais aussi inquiéter inutilement la personne si aucune prise en charge ne lui est proposée. C’est pour cela que le collège des généticiens cliniciens américains a établi une liste très limitée de gènes dit « actionnables » pour lesquels une prise en charge adaptée est disponible (en janvier 2019, il existait 66 gènes actionnables). Avec la généralisation des analyses génétiques et la restitution des résultats aux patients, la prise en charge des données incidentes deviendra probable- ment une étape inévitable de tous les parcours de soin. » Chapitre 3 : Santé, numérique et e-santé : enjeux éthiques Soin et numérique : la e-santé et les technologies en santé Ø Définitions Télésanté et e-santé « On réserve les termes de télésanté « aux seules actions cliniques et curatives de la médecine utilisant les systèmes de télécommunication » (Ordre National des Médecins, 2015), alors qu’on associe la e-santé à la transformation numérique du secteur sanitaire et médico-social pour l’assimiler à tout « usage combiné de l’internet et des technologies de l’information à des fins cliniques, éducationnelles et administratives, à la fois localement et à distance. » (Sebai, 2020) Définition de l’OMS « L’OMS l’a récemment définie comme un ensemble d’activités et de composantes ayant recours à des moyens électroniques pour délivrer des informations, des ressources et des services en lien avec la santé (OMS, 2016). » (Sebai, 2020) Ø Usage des technologies numériques mais aussi transformation de l’approche de la santé et du soin sous l’effet de sa technicisation 2 aspects: Ø Usage des techniques et technologies de l’information dans le soin 37 LSPS 3 – UE 7 - ©Elodie Boublil 2023-2024 Ø Usage des techniques et technologies de l’information au service de l’activité du soin Dans les deux cas, on observe une transformation du rapport de l’individu à sa santé et à la relation de soin : Ø L’usage des technologies en santé n’est donc pas neutre d’un point de vue éthique mais est lui-même influencé par un certain nombre de valeurs (mise en avant de la rapidité, rapport aux données, performance, efficacité, gain de temps etc.) qui structurent leur déploiement, dans le soin et autour du soin. v Aspects éthiques Ø Valeurs liées à l’éthique utilitariste Ø Gain de temps, pouvoir d’agir, techniques de self-management, productivité, amélioration de la santé publique, perspective individualiste de la santé et du soin Santé connectée = aide à la décision, partage de l’information, engagement des patients dans le processus de décision : « La connexion, à travers les différents outils, accorde au patient un meilleur suivi et une meilleure qualité en lui donnant l’occasion de se prendre en charge et de s’impliquer davantage dans sa santé » ( Sebai, 2020). Ø Quelles sont les conséquences aux plans anthropologique et éthique (du point de vue de l’éthique du care) de ce changement de paradigme ? Après paradigme hippocratique, puis médecine expérimentale de Claude Bernard, la médecine d’aujourd’hui est influencée et transformée par le paradigme « informationnel » : « Elle se concentre aujourd’hui sur l’importance des informations, des relations qu’elle traduit en data, en données massives avec le support des outils numériques. Elle participe en cela à la convergence qu’encourage le paradigme informationnel entre information génétique, information informatique et information administrative. Le codage devient ainsi le mode privilégié d’élaboration et de structuration d’une connaissance susceptible de pouvoir être extraite pour travailler les relations de soin. 38 LSPS 3 – UE 7 - ©Elodie Boublil 2023-2024 La connaissance elle-même relève ainsi du paradigme extractiviste dominant. » (Pierron, 2021) Ø Thèse de Pierron : relation de soin et personne soignée sont irréductibles à des données ou à une posture strictement cognitiviste. L’usage des techniques et des technologies dans le soin engendre un niveau d’interrogation éthique supplémentaire, qui ne concerne plus seulement le statut de l’objet d’éthique et son utilisation mais d’abord des valeurs et une certaine représentation anthropologique de la relation de soin. « Dire la vérité au malade n’est pas simplement l’informer des données d’une recherche internet. Le travail de soin consiste précisément, par sa prise en charge incarnée, de faire en sorte qu’une donnée abstraite devienne un évènement biographique. » (Pierron 2021) Ø Réflexion sur « l’intelligence clinique » à l’œuvre dans la relation de soin Ø Relation de soin est une relation « médiatisée » 1/ Par les connaissances et le savoir sur la maladie (dispositif d’information) 2/ « Dispositif scientifico-technique » = « le numérique comme une théorie matérialisée porteuse de ses propres valeurs : le robot, le carebot, le logiciel, l’intelligence artificielle ou IA » (Pierron, 2021) 3/ « Médiation institutionnelle de l’organisation du soin » (télémédecine, intranet etc.) Ø Mise en valeur de « l’intelligence qui décode » au dépens parfois de « l’intelligence qui déchiffre » (empathie, interprétation, attention à la souffrance etc.). Le numérique n’est pas qu’un support. Il est régi par des valeurs et des visions du monde. Par exemple penser que la présence d’un robot est équivalent à une présence humaine, ou bien que la téléconsultation peut se substituer à la médecine clinique (« médecine au chevet des malades, palpation, proximité et présence). L’exemple de la robotique Ø Robot « Da Vinci » (opérations chirurgicales mini-invasives) 39 LSPS 3 – UE 7 - ©Elodie Boublil 2023-2024 Robot extrêmement précis, capable d’apprentissage. Quelles limites fixées à la programmation de ces machines ? Ø « Plus les robots seront autonomes, plus se posera la question de leur contrôle et celle de la responsabilité. » (Pierron 2021) Carebot : dispositif d’assistance et de surveillance technologique pouvant par exemple contrôler les fonctions vitales d’un individu, prévenir éventuellement les secours, mettre en œuvre des fonctions d’assistance au sein d’une maison pour des personnes malades ou âgées à domicile ; collecte de données et aide au diagnostic. La surveillance par des capteurs est-elle un soin ? Quelle est la présence du soignant? « Sophia » : robot humanoïde de la société Hanson Robotics Ø Expressions émotionnelles Ø Variété de tonalités vocales Ø Contact visuel Ø Répond à des questions simples « Nous sommes des être vivants pas des programmes » (Thomas Fuchs). Sophia : mimétisme et réponse automatique (effet perroquet) Altération/défiguration du « visage » (éthique) et non présence et proximité (empathie) Ø Impact du numérique sur notre présence aux autres et notre manière d’être au monde Ø « Être solidarisé par un système d’information n’est donc pas encore être solidaire en un projet d’actions » (Pierron 2021) Ø Il s’agit de passer de la « reconnaissance-identification » à la reconnaissance comme « soin mutuel », de penser non plus la technique dans le soin ou autour du soin mais « penser le soin dans la technique : « Plutôt que de les opposer, il s’agit de dialectiser le cure et le care en vue du déploiement d’un système technique concret et individuant au sens de Gilbert Simondon » (Pierron, 2021) » Ø Technique et technologie en santé comme environnement / milieu qui ne remplace pas la dimension interpersonnelle, interaffective et incarnée de la relation de soin mais qui doit être pensée à partir d’elle. 40 LSPS 3 – UE 7 - ©Elodie Boublil 2023-2024 Points à retenir Ø Réconciliation de la culture et de la technique dans la pensée de Simondon notamment ; Penser un humanisme dans la technique et non plus contre la technique Ø Renversement de la problématique : l’aliénation ne vient pas de la machine en tant que telle mais d’une ignorance de sa réalité (dans son rapport aux valeurs, aux significations etc. – ce que Arendt appellerait le monde associé à l’œuvre). Ø Enjeu de la réconciliation entre culture et technique : relier progrès technique et progrès humain Ø Éthique critique de la consommation « Une nouvelle méthodologie de transfert de l’innovation doit être développée qui associe de façon synergique principe de précaution et principe d’innovation. Pour cela de nouveaux droits des patients ainsi que de nouvelles obligations pour les investigations cliniques sont indispensables. » (Hirsch 2018) Ø Usage des technologies numériques mais aussi transformation de l’approche de la santé et du soin sous l’effet de sa technicisation L’usage des techniques et des technologies dans le soin engendre un niveau d’interrogation éthique supplémentaire, qui ne concerne plus seulement le statut de l’objet d’éthique et son utilisation mais d’abord des valeurs et une certaine représentation anthropologique de la relation de soin. Le numérique n’est pas qu’un support. Il est régi par des valeurs et des visions du monde. Par exemple penser que la présence d’un robot est équivalent à une présence humaine, ou bien que la téléconsultation peut se substituer à la médecine clinique (« médecine au chevet des malades, palpation, proximité et présence). Bibliographie HIRSCH Emmanuel (ed.), Traité de bioéthique IV: Les nouveaux territoires de la bioéthique (Espace éthique). Paris, Eres, 2018. PIERRON, Jean-Philippe, Philosophie du soin, Paris, Hermann, 2021. 41 LSPS 3 – UE 7 - ©Elodie Boublil 2023-2024 SAURIN Irlande, « Simondon et ses objets : philosophie, technique, psychologie » 2015/5 n°816, p. 372 à 383. SIMONDON, Gilbert, Du mode d’existence des objets techniques, Paris, Flammarion, 2012. SIMONDON, Gilbert, Sur la technique, Paris, PUF, 2014. Avis du CCNE n°130 42

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