Fluctuations & Croissance Économiques (cours 2007-2008) - ULPGL/GOMA PDF
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Université Libre des Pays des Grands Lacs (ULPGL)/Goma
2008
Prof. Seblon Mpereboye Mpere
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Ce document est un cours sur les fluctuations et la croissance économiques, enseigné à l'Université Libre des Pays de Grands Lacs (ULPGL) à Goma. Il aborde l'histoire des crises économiques depuis 1820 et discute des fluctuations économiques passées. Les fluctuations et la croissance économique sont analysées ensemble.
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UNIVERSITE LIBRE DES PAYS DE GRANDS LACS (ULPGL)/GOMA COURS DE FLUCTUATIONS & CROISSANCE ECONOMIQUES Par Prof. Seblon MPEREBOYE Mpere 1 Fluctuations & Croissance Economiques 2007 - 2008 Prof. Mpereboy...
UNIVERSITE LIBRE DES PAYS DE GRANDS LACS (ULPGL)/GOMA COURS DE FLUCTUATIONS & CROISSANCE ECONOMIQUES Par Prof. Seblon MPEREBOYE Mpere 1 Fluctuations & Croissance Economiques 2007 - 2008 Prof. Mpereboye 2 Fluctuations & Croissance Economiques INTRODUCTION 1. Etat de la question Dans la société contemporaine, l’activité économique d’un pays subit au cours des années des variations d’intensité considérable. A certaines époques, l’industrie et le commerce prennent de l’essor et une période de prospérité s’ouvre pour les producteurs et les vendeurs de marchandises ou de services. A d’autres époques, l’activité économique générale se ralentit, comme paralysée dans une certaine mesure et le volume des transactions perd sa précédente ampleur. Entre la phase de prospérité et la phase de dépression s’intercale un moment plus ou moins critique à passer, troublé souvent par des manifestations violentes, par des krachs boursiers, des faillites nombreuses, des chômages étendus avec toutes les souffrances sociales qui en résultent. Ce n’est pas la simple succession de ces états économiques différents qui marque d’un trait original les sociétés actuelles. Il y a toujours eu dans la vie des peuples des périodes prospères, des phases moins heureuses et des époques de misère. Les populations agricoles de tous les temps ont connu tour à tour des années de récoltes abondantes et des années de vaches maigres. Mais, depuis le début du XIXè siècle, le mouvement général des affaires dans les grands pays a pris une cadence nettement marquée. Depuis l’avènement de la grande industrie et l’extension du machinisme, la phase de prospérité et la phase de dépression é alternent avec une sorte de régularité de répétition systématique qui rappelle le balancement des flots et l’espacement assez régulier des crêtes ou des creux formés par les vagues. Cette ressemblance entre les mouvements économiques et les flots plus ou moins réguliers de l’océan nous conduit pour les désigner, à parler des fluctuations économiques. Il nous faut cependant souligner que l’activité économique en ce 21ème siècle n’aura plus tous les caractères des fluctuations passées en raison de l’attention grandissante que les économistes ont consacrée à l’étude de ces phénomènes. Les ouvrages qui ont traité des fluctuations n’ont cessé de croître à la fin du XIXè siècle et surtout tout au long du XXè siècle. On est précisément frappé par la place envahissante tenue dans la littérature économique par l’étude des fluctuations encore à ce début du 21ème siècle. Prof. Mpereboye 3 Fluctuations & Croissance Economiques Aux premier temps de la science économique, cette place était très réduite du fait que les classiques s’intéressaient seulement à l’équilibre des phénomènes. Ils avaient démontré la nécessité et la perfection des adaptations spontanées. Par vocation, ils ne pouvaient pas s’intéresser aux fluctuations qui sont des déséquilibres, des imperfections, des transitions entre deux positons d’équilibre. Au surplus, les fluctuations étaient encore rares ou peu régulières au moment où ils écrivaient. S’il y avait alors des déséquilibres, ils paraissaient tenir à des facteurs extra-économiques, c’est-à-dire les guerres et leurs suites politiques. Notons que l’étude des fluctuations est inséparable de l’étude de la croissance. Mais une tradition a longtemps régné. En face du double mouvement que l’on a bien observé depuis la fin du XVIIIè siècle, d’une croissance jointe à une alternance de hausses et de baisses, on peut dire en gros que jusqu’à la deuxième guerre mondiale, l’économiste s’est beaucoup plus intéressé à l’alternance qu’à la croissance. L’étude des fluctuations attirait tout à elle. Au contraire, depuis la fin de la 2ème guerre mondiale, une intervention s’est produite : c’est l’étude de la croissance qui tend désormais à l’emporter. Cela est dû probablement à la gène occasionnée par l’existence des diverses parties du monde ne sont pas identiques. Mais au fond, une étude parfaitement objective ne doit privilégier ni les fluctuations, ni la croissance, car, ce sont les deux manifestations d’un mouvement global qui sont liées l’une à l’autre. Les fluctuations et la croissance sont deux phénomènes, joints. L’analyse et la compréhension des unes sont inséparables de l’analyse et la compréhension de l’autre. Le champ de notre enseignement est très vaste. Les manières de l’entreprendre et de le poursuivre sont diverses. C’est du reste seulement en progressant dans notre (analyse) enseignement que nous comprendrons l’intérêt et la difficulté. Le cours comprend deux parties subdivisées chacune en trois chapitres. La première partie est axée sur l’observation et l’explication des mouvements économique, c’est-à-dire sur l’observation et l’explication des fluctuations et de la croissance économique. La seconde, traitera de l’action sur ces mouvements économiques. Prof. Mpereboye 4 Fluctuations & Croissance Economiques PREMIERE PARTIE L’OBSERVATION ET L’EXPLICATION DES FLUCTUATIONS ET DE LA CROISSANCE ECONOMIQUE Prof. Mpereboye 5 Fluctuations & Croissance Economiques Chapitre I L’HISTOIRE DES CRISES ECONOMIQUES Ce premier chapitre expose rapidement l’histoire des crises économiques car en feet, c’est en faisant l’histoire des crises économiques que l’on a progressivement découvert les fluctuations économiques. 1.1 La succession historique des crises Dans la période qui s’est écoulée depuis 1820, on constate que 13 fois le monde économique a été violemment perturbé. Les crises se sont produites aux dates suivantes : 1825, 1836-39, 1847, 1857, 1866, 1873, 1882-84, 1890-93, 1900, 1907, 1913, 1920, 1920. Ces crises sont regroupées en deux grandes périodes à savoir les crises d’avant la 1ère guerre mondiale et les crises d’après la 1ère guerre mondiale. 1.2 Les crises d’avant la 1ère guerre mondiale Les crises de 1825 et de 1836-39 ont éclaté en Angleterre, berceau de la révolution industrielle et où la création d’un nouvel et puissant outillage venait de permettre le développement de la grande industrie. En 1847 éclata également une grave crise qui toucha à la fois l’Angleterre et la France, deux pays en pleine fièvre de construction de chemins de fer et de spéculation sur les valeurs de chemin de fer. Elle causa la ruine d’un grand nombre d’entreprises et l’année suivante, la Révolution de février survenant, la Banque de France fut obligée de demander l’établissement du cours forcé pour ses billets. La Banque d’Angleterre, elle aussi, se trouva dans une situation critique et fut sur le point de transgresser l’acte de 1844 qui est sa charte constitutive. En 1857, sept ou huit ans après la découverte des mines d’or en Australie et en Californie, se produisit une nouvelle crise qui n’épargna aucun des grands pays. La Banque d’Angleterre dont Prof. Mpereboye 6 Fluctuations & Croissance Economiques l’encaisse or était réduite à 7,2 millions de livres le 11 novembre, dut violer la loi de 1844 pour pouvoir continuer ses opérations. La crise de 1866 est restée tristement célèbre par la faillite de la puissante banque Overend Gurney and C° qu, dans sa chute a entraîné un si grand nombre d’autres banques et fit tant de victimes que le jour de cette catastrophe, un vendredi, fut baptisé black Friday et pour la 2ème fois le chancelier de l’Echiquier fur obligé de permettre à la Banque d’Angleterre d’enfreindre les règles de la loi de 1844. La crise de 1873 eut pour foyer l’Allemagne, pays qui connaissait, comme les USA, un essor économique remarquable et dont les progrès ont étonné le monde. Ses industries, en même temps qu’elles se développaient, étaient exposées aux grandes crises. La crise de 1873 eut de terribles répercussions dans tous les pays germaniques qui se traduisirent par l’effondrement (le krach) des bourses de Berlin et de Vienne. La crise de 1882-1884 débuta en France et fut marquée par les faillites retentissantes de la Banque de Lyon et de la Loire, de la Banque Lyonnaise ainsi que de l’Union Générale. La bourse de Lyon cessa également pour un temps de fonctionner. Cette crise eut des répercussions jusqu’aux Etats-Unis en 1884. La crise de 1890-1893 est considérée comme la dernière crise du XIXè siècle et a eu pour champs d’action l’Angleterre et l’Allemagne d’abord, pour se propager trois ans plus tard en Australie et aux U.S.A. Par centaines, les banques sombrèrent. L’Angleterre se signala particulièrement par la faillite de la toute puissante et première grande banque commerciale Bering Brothers. La Banque d’Angleterre fut contrainte d’emprunter 75 millions de francs-or à la Banque de France. Cruellement atteints par cette crise, les industriels s’efforcèrent de conjurer dans la mesure du possible le retour de pareilles calamités en multipliant les ententes entre eux, les cartels, les trusts pour diminuer les prix de revient, règlementer la production, rendre la concurrence moins violente et prévenir la baisse des prix. Le développement des cartels et des trusts date de cette époque. La crise de 1900 qui a éclaté à l’aube du XXè siècle a eu pour théâtre la Russie et de là s’est propagée dans le reste de l’Europe de la façon moins violente. Dans le second semestre de 1907, une grande crise secoua les USA et presque tous les autres pays notamment, l’Allemagne et l’Angleterre. Elle fut accompagnée aux USA d’une violente panique. En effet, redoutant une défaillance des banques, les déposants se Prof. Mpereboye 7 Fluctuations & Croissance Economiques ruèrent à leurs guichets pour demander le remboursement de leurs fonds. Les 30.000 banques commerciales américaines, malgré le fait qu’elles avaient reçu plus de 66 milliards de francs-or à titre de dépôts à vue, n’étaient pas en mesure de satisfaire leurs créanciers. La plupart d’entre elles fermèrent leurs guichets et suspendirent leurs paiements en espèces. La crise de 1913 peut être considérée comme une petite crise car aucun incident violent n’a marqué le passage de la phase d’essor à la phase de dépression. 1.3 Les crises d’après la première guerre mondiale On en compte deux. Celle de 1920 et celle de 1929. La crise de 1920 qui fut une crise de conversion, c’est-à-dire due au passage difficile d’une économie autoritaire de guerre n’éclatât pas tout de suite après ; la 1ère guerre mondiale mais après une très courte période d’essor économique de mars 1919 à mars 1920, année au cours de laquelle la production et les prix des marchandises augmentèrent prodigieusement parce que la demande surpassait de beaucoup l’offre. En effet, les besoins étaient immenses dans l’Europe d’après guerre qui manquait de denrées alimentaires et de produits fabriqués. Les usines, l’outillage industriel, les moyens de transport, faisait défaut. Les commandes affluaient dans les pays riches, comme les USA qui avaient conservé intacts leurs outils de production. Fort sollicité, ce pays a vu ses exportations se multiplier, en même temps que les prix montaient. Seulement, comme les pays acheteurs, détruits par la guerre étaient incapables de payer leurs importations, le pays vendeur fut obligé de leur consentir des crédits. Cependant, les besoins immenses des pays acheteurs les obligeaient à solliciter toujours davantage des moyens de paiement auprès du partenaire fournisseur. Un jour vint, et très vite, les banques américaines, prises d’inquiétude, resserrèrent leurs crédits. Alors les pays importateurs, découragés par la hausse des prix et par le défaut des moyens de paiement se dérobèrent devant leurs obligations. Les marchés furent engorgés et la crise éclata au japon d’abord et s’étendit rapidement aux USA, en Angleterre, en France et ailleurs. Du mois d’avril 1920 au mois d’avril 1921, la chute des prix fut profonde, de l’ordre de 41 %. Un krach se produisit à la bourse de Paris en mai 1920 et s’est vite propagé aux bourses de New-York et de Londres. Prof. Mpereboye 8 Fluctuations & Croissance Economiques La crise de 1929 fut la plus désastreuse que le monde ait subie. Débutée aux Usa en octobre 1929, elle s’étendit rapidement aux autres pays, sans être annoncée, comme les autres, par l’ascension préalable de la courbe de la spéculation. Bien au contraire, les cours des valeurs industrielles montaient de plus en plus haut à la bourse de New-York en 1928 et les trois premiers trimestres de 1929, alors que l’indice des prix de gros des marchandises accusait une baisse légère. Le Krach retentissant qui secoua Wall Street en octobre 1929 fut une grande surprise pour tout le monde. Les cours des actions industrielles et l’ensemble des valeurs cotées à la bourse de New-York s’effondrèrent au cours de ce dernier trimestre 1929, la perte sans précédent se chiffra à 32 milliards de dollars. Et la période de dépression commença, marquée par les phénomènes ordinaires qui la caractérisent,à savoir : - la baisse des prix de gros ; - la réduction de la production ; - la baisse des profits ; - les faillites en cascades et le chômage. Elle s’étendit très rapidement à l’ensemble des pays européens – Angleterre, Hollande, France, … Pour les marxistes, la crise de 1929 ne fut pas une simple crise de fonctionnement, de conjoncture dans le régime capitaliste, mais bien une crise du régime capitaliste lui- même. Parmi ces penseurs, d’autres ont affirmé que cette crise inaugurait l’ère d’une grande dépression, c’est-à-dire d’un état économique critique, prolongé et définitive, c’est-à-dire en un mot la mort du système capitaliste. En fait cependant, la dépression n’a pas été définitive puisqu’on a constaté dans la plupart des pays une reprise des affaires, notamment aux USA dès 1933. elle a marqué une altération certaine des structures mais elle ne semble pas avoir sonné le glas du régime capitaliste. Certes, cette crise ne fut pas une simple crise comme les autres même si elle eu ce caractère à l’origine – car il n’est pas niable que les caractères cycliques aient, contribué à la déclencher. Elle fut différente des autres de par son ampleur, démesurée et du fait qu’elle s’est vite transformée en une crise monétaire massive de crédit et de déséquilibre des prix sur les divers marchés. La dépression qui l’a suivie s’est manifestée avec une intensité et une persistance tout à fait exceptionnelle pour deux raisons : Prof. Mpereboye 9 Fluctuations & Croissance Economiques - d’abord, à cause des conditions économiques, financières, politiques et psychologiques dans lesquelles vivaient ces peuples à cette époque ; - ensuite, à cause des erreurs commises dans le choix des méthodes qui furent appliquées pour remédier à la crise. Ces conditions de vie et ces erreurs dans l’action ont fourni à cette crise un riche terrain de culture et ont alimenté sa violence et sa prolongation anormales. Ces conditions et ces erreurs forment un ensemble complexe avec des actions et des réactions entre elles de sorte qu’un phénomène, qui était d’abord un effet, agissait à son tour comme une cause. Enumérons-en sèchement ici quelques unes : - d’abord sur le plan politique : depuis 1919, bien de questions irritantes ont surgi et ont continué à entretenir des ferments de discorde dans les relations politiques entre les nations hier belligérantes et même entre les nations alliées d’hier. Il s’est agit principalement : de la fixation des nouvelles frontières ; du règlement des dettes des réparations et des dettes entre les anciennes nations alliées ; de l’application des sanctions à l’Italie ; de la violation des traités par l’Allemagne. - Sur le plan économique et financier ensuite : ce fut un bouleversement général car on a assisté dans tous ces pays à une désorganisation : du marché des placements ; des régimes monétaires ; des échanges internationaux ; des finances publiques par la baisse des déficits budgétaires ; des marchés de capitaux. L’Allemagne et les Etats de l’Europe centrale marquaient de capitaux ; mais dans le premier de ces pays, de milliards de marks empruntés à cours terme étaient restés immobilisés, gelés dans des investissements de longue durée. Pendant ce temps, la situation des banques anglaises et américaines qui s’en trouvaient privées en fut affaiblie et le crédit (la confiance) se déroba. On vit des capitaux en masse errer d’un pays à Prof. Mpereboye 10 Fluctuations & Croissance Economiques l’autre en quête de sécurité plus que de rémunération, accentuant la thésaurisation. Les unes après les autres, les monnaies, même celles qui passaient pour inébranlables, fondaient comme neige sous le soleil, dépréciées ou dévaluées. Le commerce international, soumis à des restitutions sévères, se réduisait de plus en plus. Ainsi, l’indice de la valeur-or des échanges mondiaux représenté par 100 en 1929 tombait à l’indice 34 en 1934. Dans un excès de nationalisme économique, chaque pays se repliait sur lui-même, s’isolait du reste du monde, et à l’intérieur des pouvoirs publics, inspirés par la mystique du pouvoir d’achat qu’il fallait développer et par la politique de soutien qu’il fallait pratiquer, s’efforçaient au pris de lourds sacrifices pécuniaires de ranimer des entreprises trop fragiles pour mériter de survivre et la dépression s’en trouvait prolongée. Une telle atmosphère n’était guère propice à un redressement de l’industrie et du commerce. 1.4 Les caractéristiques des crises économiques passées Quelles ont donc été les caractéristiques des grandes crises économiques que le monde a connu depuis lors (qui ont marqué l’histoire économique des nations ?). Notons d’abord que littéralement, la crise est un choix entre le pire ou le mieux. Nous savons des maladies où les souffrances jusqu’alors tolérables, deviennent tout à coup insupportables. Moment pathétique, périlleux mais décisif : c’est bien que se définit aussi la crise économique. Les spécialistes ont dégagé trois grands caractères des crises qui ont secoué l’histoire économique du monde jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale ; surproduction générale et périodique. 1) Ces crises ont été l’expression des phénomènes de surproduction. En, effet, alors que les crises économiques de l’ancien régime, c’est-à-dire celles d’avant la révolution industrielle, étaient des manifestations de disettes, les insuffisances de récoltes conduisaient à des famines et à des émeutes, les crises du XIXè siècle ont été l’expression du trop plein, des surproduction ; l’appareil de production capitaliste manifestant par là sa propension à l’emballement – la production de fonte en particulier. 2) La production devenant, tout d’un coup, impossible à écouler à des prix rémunérateurs. Cette surproduction congénitale du régime capitaliste s’amplifiait et se généralisait progressivement à l’ensemble des activités Prof. Mpereboye 11 Fluctuations & Croissance Economiques industrielles et commerciales par une sorte de contagion irrésistible dans l’espace économique nationale d’abord et dans l’espace économique international ensuite. 3) Ces crises ont été des crises reproductibles dans le temps à intervalles assez réguliers. L’intervalle entre deux crises consécutives n’a varié qu’entre des limites assez rapprochées – six ans au minimum, onze ans au maximum. Notons cependant que la périodicité n’implique pas ici la régularité au sens physique rigoureux, mathématique. Disons plutôt que ces crises ont été des crises récurrentes. 1.5 Classification des cycles économiques d’après leur longueur D’une manière générale, les spécialistes classent les cycles en deux grands groupes : - cycles classiques - cycles particuliers 1.5.1 Les cycles classiques Ils se subdivisent en deux, à savoir : - cycles court & moyen - cycle long. Le cycle court ou cycle moyen juglar ; le savant français Clément Juglar joue ici le rôle de précurseur (1860). En effet, il est le premier à définir objectivement la crise comme un simple moment du cycle économique La crise est, pour lui, l’arrêt brusque de la hausse des prix, l’arrêt brusque du maximum du flux économique. Puisque les crises se reproduisent à intervalles sensiblement réguliers, cela veut dire qu’entre deux maxima du mouvement économique, il doit bien exister un minimum, c’est-à-dire le passage de la baisse à la hausse des prix. Le cycle est donc composé par un ensemble d’années séparées par des maxima (M) et des minima (m). Le point M est appelé la crise, tandis que le point m est dénommé la reprise. La phase ascendante du cycle, c’est-à-dire la période qui précède la crise est nommée par l’auteur « période d’essor ou de prospérité », tandis que les années qui suivent la crise, c’est-à-dire la Prof. Mpereboye 12 Fluctuations & Croissance Economiques phase descendante du cycle ou d’affaissement des affaires a été nommée « période de dépression ». L’économie américain W.C. Mitchell qui a le plus écrit sur ces problèmes appelle la phase montante « l’expansion ou le pic » et la phase descendante « la contraction ou le creux », tous les deux étant des points de retournement de la situation, du mouvement (turning point). On a conféré au cycle Juglar une durée moyenne de 8 ans. Notons que c’est le grand Schumpeter qui, dans son célèbre ouvrage publié en 1933 à Harvard – les cycles des affaires, une analyse théorique, statistique et historique du régime capitaliste donna à ce cycle le nom de Juglar à celui qui le premier défricha le chemin. Le cycle long baptisé toujours par Schumpeter « cycle kondratieff » du nom de l’économiste russe qui les a particulièrement étudiés. Le monde en a connu trois : Le premier a couvert la période de hausse de 1792 à 1815 (23 ans) et de baisse de 1815-1850 : 35 ans. Le second a couvert la période de hausse de 1850 à 1873 (23 ans) et de baisse de 1873 à 1896 (23 ans). Le troisième, enfin, a couvert la période de hausse de 1896 à 1920 (24 ans) et de baisse de 1920 à 1940 : 20 ans. 1.5.2 Les cycles particuliers Il y a des cycles qui n’affectent que des mouvements particuliers, c’est-à-dire qui n’affectent que certaines activités particulières. C’est le cas des transports, du bâtiment et des marchés agricoles. Pour le bâtiment et les transports, on découvre dans certaines économies un cycle intermédiaire entre le cycle classique et le cycle long. Les économètres l’ont détecté dans deux économies – et l’ont dénommé « l’hyper-cycle » ou « cycle infra-long ». Il est plus court aux USA – 17 à 18 ans et un peut plus long en Angleterre – 20 à 22 ans. Ce cycle ne semble pas exister dans d’autres économies européennes. Les marchés agricoles sont ceux qui ont le comportement cyclique le plus frappant, indépendamment des fluctuations saisonnières déjà signalées. Au dessus du cycle d’un an, il se manifeste pour telle ou telle produit des cycles particuliers. L’un des Prof. Mpereboye 13 Fluctuations & Croissance Economiques plus célèbres est le cycle du porc ou cycle de Hanbau (du non de l’auteur qui l’a analysé) qui se manifeste par une opposition nette entre le mouvement des prix et des quantités alors que dans les cycles généraux il y a synchronisation de ces deux mouvements. Le cycle de Hanau est d’une durée de 3 à 4 ans. Il y a d’autres cycles agricoles particuliers comme le cycle du coton aux USA qui est de 2 ans, le cycle du bétail qui est un cycle plus long et variable suivant les pays – 5 ans en Hollande et 17 ans aux USA. Prof. Mpereboye 14 Fluctuations & Croissance Economiques Chapitre II L’EXPLICATION DES MOUVEMENTS ECONOMIQUES Après avoir fait l’historique des crises qui ont secoué le monde, et dégagé quelques grandes familles des mouvements économiques, la tâche revient maintenant à les expliquer et d’en dégager leurs causes. La première section traitera des fluctuations courtes et la seconde les fluctuations longues. 2.1 Les fluctuations courtes ou les théories des cycles Bien qu’il existe des cycles longs, lorsqu’on emploie le mot cycle tout court, la tradition consacrée veut que l’on désigne seulement d’abord les fluctuations courtes de l’économie. Nous nous conformerons à cette tradition. La théorie des fluctuations économiques regroupe aujourd’hui sous un même chef deux familles d’explications : - celles qui, autrefois, s’appliquaient aux crises économiques ; - celles qui, aujourd’hui se consacrent plus spécialement aux cycles économiques. La crise demeure un moment du cycle et c’est l’existence ou la possibilité de brusques ruptures d’équilibre dans un mouvement d’allure cyclique que nous devons expliquer. Nous le ferons en répondant d’abord à une objection fondamentale formulée, il y a près de deux siècles par J. Baptiste Say. 2.1.1 La réponse à l’objection de Say a) L’objection de Say : la loi des débouchés La thèse de J.B Say est trop connue pour être longuement présentée. La formule « les produits s’échangent contre les produits, les produits se servent de débouchés les uns les autres » est un cliché classique de l’économie politique. L’idée principale qu’il faut dégager et qui éclaire le bien fondé de la thèse de notre auteur, c’est l’idée d’instantanéité. Il est bon de remarquer, dit-il, qu’un produit déterminé offre, dès sa production, Prof. Mpereboye 15 Fluctuations & Croissance Economiques un débouché à d’autres produits pour tout le montant de sa valeur ». « On voit donc le seul fait de la formation d’un produit ouvre dès l’instant même un débouché à d’autres produits ». Ce n’est donc pas la surproduction qui constitue un danger mais bien plutôt l’inverse. Il ne peut y avoir un excès de tous les produits à la fois. « Chaque produit trouvera d’autant plus d’acheteurs que tous les autres produits qui se multiplieront davantage et certains surabondent parce que d’autres sont venus à manquer. On peut multiplier les citations. Elles contiennent toutes d’une manière explicite ou simplement implicite cette idée que l’acte économique est un acte dichotomique instantané. Du moment que un certain bien est offert, cela veut dire qu’au même instant un autre est demandé : l’offre d’un produit crée instantanément la demande d’un produit symétrique, c’est-à-dire les deux mains sont tendues l’une pour donner, l’autre pour recevoir. On ne peut pas donner sans recevoir, ni recevoir sans donner. L’offre et la demande sont donc les deux expressions d’une même réalité. Mais, à la différence de ce que dira plus tard Walras, c’est l’offre qui a le rôle moteur. Si donc l’offre a ce pouvoir d’augmenter dans l’instant une demande homothétique, l’offre d’un produit étant par soi la demande d’un autre produit, l’idée de déséquilibre est en soi inconcevable. Dans un temps donné, il y a rigoureusement autant de produits offerts que de produits demandés. L surproduction semble donc impensable. b) L’échange réel général n’est pas un troc Si la thèse de J.B. Say est irréfutable, comment se fait-il que, pour employer le terme de l’époque, des engorgements puissent exister ? Comment se fait-il qu’à certains moments on entende cette plainte exprimée par les commerçants : « rien ne se vend » alors que les produits coexistent et pourraient très bien se servir de mutuelle et réciproque contre-partie ? Ne serait-ce point que le postulat de base de la thèse de Say ne correspond pas à la réalité ? Il n’y a pas de réactions instantanées. Il y a des retards d’adaptation. Déjà du vivant de Say des critiques célèbres ont soulevé ces doutes. Les noms de James Mill, de Malthus, de Ricardo, de Sismondi doivent être évoqués. Say généralise à l’ensemble des temps et à l’ensemble des hommes ce qui est vrai pour un marché entre deux sujets, conclu à un moment du temps. Lorsqu’on envisage un marché qui vient de se conclure, il est bien certain que, après coup, il a réalisé un équilibre, l’offre a par définition, égale la demande, ou mieux, l’offre de l’un a bien constitué la demande de l’autre. Mais ce Prof. Mpereboye 16 Fluctuations & Croissance Economiques qui est vrai pour un marché, ne l’est plus pour l’ensemble de tous les marchés possibles. Si la demande particulière est toujours égale à l’offre particulière, la demande globale n’est pas nécessairement égale à l’offre globale. Certains produits réels sont à la recherche de produits hypothétiques, de produits potentiels non encore actualisés. L’équivalence des prestations effectives ne peut pas toujours immédiatement se faire, s’actualiser. Et c’est précisément parce que Say ne conçoit qu’un équilibre instantané en nature, parce qu’il raisonne en termes de troc, qu’il élimine de son raisonnement cet élément qui permet de diluer dans le temps ce que le troc considère comme effectué en dehors du temps, nous voulons dire la monnaie. Tout au plus la monnaie n’apparaît à Say que comme un intermédiaire passif qui facilite les rencontres mais sans pénétrer leur substance ; elle est simplement semblable à « l’huile qui adoucit les mouvements d’une machine compliquée ». La monnaie est extérieure à l’échange, elle est comme un catalyseur qui se trouve intact une fois l’échange accompli. C’est pourquoi, pour mieux comprendre la nature de l’échange, Say élimine-t-il ce facteur monétaire extérieur et passif, mais élimine la monnaie comme élément perturbateur et en tout cas non indispensable à l’intelligence du phénomène,ne, c’est du même coup éliminer du problème la question capitale du prix. Or, en pratique l’échange n’a pas lieu abstraction faite du prix, parce que précisément il n’a pas lieu abstraction faite du temps et en particulier abstraction faite des conditions antérieurs de la production. L’ensemble des biens qui se rencontrent n’ont pas été tous produits exactement au même moment, ils ont une histoire antérieure plus ou moins longue. Bien que se trouvant ensemble au même moment, ils cristallisent en eux-mêmes des portions de temps différents. S’il y a simultanéité au moment où se conclut le marché, il y a eu successivité de production dans les phases antérieures à la rencontre et c’est là l’immense problème des coûts et par là même de l’accumulation antérieure du capital qui s’introduit dans la discussion. Il y a des valeurs qui s’accumulent sans donner lieu à échanges immédiats. Sans doute, ces valeurs accumulées devront elles aussi trouver des contre-parties pour être équilibrées mais précisément pas immédiatement. De la sorte, il intervient une autre idée : l’existence de l’épargne et la formation du capital nécessaire à la production repoussent à plus tard le problème de l’équilibre. Prof. Mpereboye 17 Fluctuations & Croissance Economiques Puisque tout ce qui est économique doit trouver une contre- partie, et puisqu’en cas d’accumulation ce n’est pas tout de suite que cette contre-partie peut être assurée, c’est plus tard que se fera l’équilibre final. Dans ces conditions, c’est au bout d’un certain temps, plus ou moins long que l’on pourra dire en fin de compte : les produits se sont échangés contre les produits. Ce n’est certainement pas dans l’instantané. Ainsi, la fameuse proportion n’est plus absolue : elle n’est vrai que dans l’instant quand on raisonne sur des concepts en éliminant les prix, la monnaie, l’épargne et le capital, ou bien elle ne redevient vraie, pour des réalités et des données globales, que si l’on envisage des réactions de longue durée, soit qu’il s’agisse d’échanges achevés, c’est-à-dire passés depuis un temps suffisamment log, soit qu’il s’agisse d’échanges à venir, d’échanges futurs pour lesquels encore il faudra attendre un temps suffisamment log si l’on veut pour eux également être sûr de l’achèvement. C’est dans l’instant pur ou à long échéance que les produits s’échangent contre les produits. c) Ce sont les valeurs qui s’échangent contre les valeurs A la proposition « les produits s’échangent contre les produits » dont la valeur est purement statique, Jean Lescure en a opposé une autre qui tiendra compte des critiques que nous venons de rassembler et qui serait comme la devise d’une nouvelle économique dynamique : « Les valeurs s’échangent contre les valeurs ». Il vaut la peine de s’y attarder un instant. La formule de Say semblerait opérer une transposition dans l’économique des lois chimiques et thermodynamiques. Tout le monde connaît le principe de Lavoisier : « Rien ne se perd, rien ne se crée ». En thermodynamique on parle aussi du principe de la conservation de l’énergie. Le second principe de la thermodynamique est encore plein d’enseignement : la dégradation de l’énergie. Dans les réactions chimiques ou thermodynamiques, il y a des forces qui se dissipent, qui ne servent à rien d’utile, qui ne se retrouvent pas. La fumée de la locomotive se perd dans l’atmosphère. L’énergie se conserve mais en se dégradant. Quelque chose d’analogue se produirait aussi en économie. Quand on envisage les quantités matérielles, il est certains que la totalité des quantités vendues est égale à la totalité des quantités achetées. Le principe de Say est le symétrique de celui de Lavoisier ou du premier principe de la thermodynamique. Mais si l’on fait intervenir Prof. Mpereboye 18 Fluctuations & Croissance Economiques la notion de valeur, des dissipations peuvent se produire à travers le temps. « L’équilibre économique, dit Lescure, est plus complète que l’achat des produits par les produits. L’échange dépend aussi des besoins. La valeur est mesurée par l’intensité des besoins ». Or, la production demande du temps : si au départ d’une évolution, les valeurs correspondant à une certaine intensité des besoins estimés, et à un certain niveau des frais de production, s’équilibre se conserve. Il peut y avoir dans l’intervalle baisse des valeurs et surtout il peut y avoir baisse différente des valeurs. La baisse de la valeur d’un produit peut être proportionnellement plus considérable que celle d’autres produits. Une rupture d’équilibre est donc possible, c’est-à-dire une surproduction. Sans doute Lescure tient-il à préciser que cette surproduction sera partielle d’abord. La crise, selon lui, ne sera pas générale dans un premier temps, mais par le jeu des solidarités, elle sera généralisable. d) La fin de non-recevoir de J.B. Say n’est pas acceptable La thèse de J.B. Say n’avait donc pas une valeur universelle. Le problème qu’elle prétendait éliminer demeure en entier : c’est celui qu’on appellera le problème de la demande globale ou de la demande effective. Il n’est pas possible qu’à partir des équilibres partiels et instantanés, on puisse déduire un équilibre général et durable. C’est tout le hiatus qui sépare la statique de la dynamique, le réalisme du monétarisme. La loi des débouchés n’est donc pas une fin de non recevoir les théories du cycle. Ce serait plutôt l’existence des mouvements conjoncturels qui ferait rejeter la croyance du Maître. Notre enseignement ne prétend pas aboutir à une exclusion, l’une par l’autre des idées d’équilibre et du déséquilibre. En effet, lorsqu’on fait le tour de l’ensemble de ces théories, une constatation troublante s’impose. C’est une impression de vertige. Ces théories sont innombrables. Dès lors, la tache qui doit être la nôtre, c’est d’essayer de rechercher un ordre à travers ces désordres et ces contradictions apparents. C’est d’essayer, entre elles deux, sans chercher vainement à les détruire, d’aboutir plutôt à l’édification d’un monde nouveau aboutir à les réconcilier, à les composer ! Prof. Mpereboye 19 Fluctuations & Croissance Economiques 2.1.2 La classification des théories des fluctuations courtes ou des cycles courts Cette classification s’opère suivant le contenu et la méthode. Suivant le contenu, les théories des fluctuations se répartissent en deux grandes familles, à savoir : les théories des cycles dites exogènes et les théories des cycles dites endogènes. La classification selon la méthode regroupe toutes les théories des fluctuations présentées en langage mathématique, basées sur l’utilisation de l’outil mathématique>. a) Classification selon le contenu : théories exogènes et théories endogènes Ces mots ont conquis progressivement droit de cité depuis qu’ils ont été employés par de grands auteurs comme Haberler Tinbergen, Samuelson, … L’étymologie indique ce qu’ils signifient : il s’agit ici de se demander quels sont les facteurs qui génèrent les cycles ? Sont-ils engendrés, générés par des facteurs, extérieurs (exogènes) ou à partir des facteurs intérieurs (endogènes) ? Mais il nous faut préciser facteurs exogènes, c’est-à-dire du dehors et facteurs endogènes, c’est-à-dire du dedans par rapport à quoi ? Et, ceci commence des difficultés. D’une manière générale, on dira que le système économique de référence à cette distinction. Aussi, considérons-nous comme facteurs *** forces du dehors, ce qui prend naissance à l’extérieur du système et facteurs endogènes, forces du dedans, ce qui surgit à l’intérieur du système. Les facteurs exogènes, les forces du dehors appartiennent au milieu extérieur au système et constituent ce que les auteurs anglo- saxon appellent : « l’environnement ». Ceci dit, il nous faut donner une définition précise de ce qu’on appelle en économie un système par rapport au milieu, à l’environnement. Il est possible de procéder à cette définition rigoureuse en physique ou en mécanique. On dira, par exemple, qu’il y a système en mécanique newtonienne lorsqu’un ensemble de forces bien déterminées se composent les unes les autres, sans réaliser d’échange d’énergie avec le milieu extérieur. Une pareille définition est-elle possible en économie ? En économie, nous ne disposons d’une notion aussi précise que celle d’énergie. L’économie n’étant pas une science exacte, il nous faut néanmoins, en recourant à l’analogie mécanique, préciser les idées. Prof. Mpereboye 20 Fluctuations & Croissance Economiques Pour l’économiste, un système, c’est un ensemble cohérent de variables qui obéissent à une logique propre et qui sont douées d’une certaine rationalité et dont l’enchaînement peut suffire à concevoir et à engendre un équilibre autonome se suffisant par rapport au milieu extérieur. 2.2 Les théories exogènes : Les fluctuations du milieu Si l’on peut prouver que le milieu ambiant est de nature oscillante changeante, on sera facilement conduit à admettre que tout ce qui est porté par ce milieu est condamné lui aussi à osciller, c’est- à-dire à subir des changements, des modifications forcées, imposées par le milieu par l’extérieur. Et s’il en est bien ainsi, notre tâche revient à répertorier les divers aspects du milieu extérieur susceptible d’osciller. Nous analyserons ainsi les oscillations du milieu physique et les oscillations du milieu humain. a) Les oscillations du milieu physique : les théories physiques du cycle économique Comme les influences physiques se font sentir sur l’atmosphère et sur le sol, comme elles commandent la destinée des récoltes, les théories physiques du cycle économique, c’est-à-dire les fluctuations du milieu sont bien des théories agricoles et que ces théories agricoles montrent comment des fluctuations physiques autonomes, totalement indépendantes des vouloirs humains engendrent des fluctuations dans les rendements de tout ce qui est produit par le sol. Deux problèmes se présentent ici : celui de la génération d’un cycle agricole et celui de la propagation de ce cycle agricole à l’ensemble de l’économie. A vrai dire, seul le premier problème est de nature totalement exogène. Le second par contre, est à la frontière du milieu et du système. Mais comme il s’agit tout de même d’une transmission au système d’une oscillation née ailleurs que dans le système, le second problème est lui aussi bien ici à sa place. Trois auteurs classiques anglo-saxons sont à présenter en ce qui concerne les théories exogènes et plus particulièrement les fluctuations du milieu physique sur l’agriculture. Il s’agit de deux américains, savoir les deux Stanley Jevons père et fils – W.S. Jevons et H.S. Jevons et d’un anglais Henry Ludwell Moore. Pour Stanley Jevons père, l’alternance des cycles économiques dans l’agriculture a son origine dans la périodicité du retour des tâches sociares. Sur base de ses travaux, l’auteur a démontré que le soleil tournant sur lui-même en 10 ans ½ et une rotation complète Prof. Mpereboye 21 Fluctuations & Croissance Economiques constituait un cycle économique dans l’agriculture. Il a dénombré 15 rotations de 1721 à 1878, soit en 157 ans et donc 15 cycles économiques agricoles qui n’ont cependant pas eu tous la même durée. Mais la durée moyenne a été de 10,4 ans. H.L. Moore fournit en 1923, une explication tout à fait similaire. Mais au lieu de s’en tenir à l’influence du soleil, il fait intervenir les mouvements de la planète Vénus par rapport à la terre et au soleil. La durée moyenne est de 8 ans. Mais qu’il s’agisse du soleil ou de Vénus, on conçoit toujours que des actions électromagnétiques se fassent sentir et qui réagissent sur le rendement des récoltes. L’auteur fonde sa théorie sur des calculs de corrélation entre les mouvements de Vénus, les variations des pluies, les variations des récoltes et les variations des prix agricoles. Il utilise la technique des corrélations statistiques. Ainsi, les indices de corrélation (ou de parenté statistique) qu’il dégage de ses analyses relatives à l’agriculture américaine montrent qu’entre le cycle des pluies et le cycle des quantités récoltées, l’indice est de +8,8. L’indice de corrélation en ce qui concerne le rendement/prix a varié de -0,69 à -0,9. Si on peut facilement admettre que ces tests de corrélation statistiques dans ce cas, démontrent bien que les oscillations du milieu physique ont eu un impact certain sur le cycle agricole, il paraît, par contre, plus difficile d’admettre le passage du cycle agricole au cycle économique général. b) Les difficultés soulevées par la transmission du cycle agricole à l’ensemble de l’économie Les cycles physiques sont aussi vieux que le monde. Les cycles économiques généralisés, par contre, ne datent que du XIXè siècle. Les cycles physiques n’ont pas la même durée. Dès lors, quel est, parmi ces cycles physiques, celui qui doit être rattaché au cycle économique ? Bien plus, il y a surtout désaccord entre les auteurs pour savoir si une bonne récolte est vraiment préférable à une mauvaise récole du point de vue de la rentabilité agricole. A priori, on pourrait penser que la bonne récolte crée une conjoncture agricole favorable. En effet, elle entraîne, par l’augmentation des revenus agricoles, un accroissement de la demande des produits industriels par les agriculteurs. Et par cette solidarité latérale, elle stimulerait la conjoncture industrielle. Mais si la récolte est trop favorable, s’il y a excès de production, la loi de King entrant en jeu, c’est une chute dangereuse et souvent catastrophique des cours qui pourrait en résulter et par là une Prof. Mpereboye 22 Fluctuations & Croissance Economiques diminution des revenus agricoles et un affaissement de la demande des produits parallèles. Une bonne récolte pourrait donc être à la fois le principe d’un essor ou le principe d’une dépression économique générale. Plusieurs grands maîtres ont planché su ce problème. La synthèse a été présentée par Haberler et nous nous bornerons à en retenir les principales conclusions. C’est la notion d’élasticité de la demande auteur de laquelle se coordonnent les principaux arguments théoriques. D’une manière générale, si la demande des produits agricoles est inélastique, à une hausse subite des quantités récoltées pourra correspondre un effondrement des prix, donc une chute des revenus agricoles et par là c’est une onde défavorable qui se transmettra à l’organisme. Inversement, si la demande des produits agricoles est élastique, et pour la portion à l’intérieur de laquelle il y a élasticité, une hausse subite des quantités récoltées pourra n’avoir aucune action sur les prix ; elle permettra donc une augmentation des revenus. Ainsi, les variations d’une récolte de coton destinées à des besoins extensibles et les variations d’une récolte de blé visant à satisfaire des besoins inextensibles, n’ont pas les mêmes effets théoriques. Il faut aussi se demander quels sont les rapports existant entre l’agriculture et l’industrie. Il y a des industries dont les approvisionnements sont dépendants des cultures du sol – le cas du coton – d’autres pas – métallurgie. Par ailleurs, il faut savoir si l’industrie destine ses produits à une population agricole ou non. En effet, une population rurale dont le revenu diminue suite à une bonne récolte et qui a dépassé le niveau optimum dicté par la loi de King ne peut plus contribuer à la prospérité d’un groupe industriel dont elle est la cliente. En résumé, il nous faut reconnaître qu’il n’y a pas une théorie physique qui explique à elle seule les fluctuations économiques et que d’autre part le cycle agricole ne se transmet pas nécessairement et universellement à tout l’organisme économique. b) Les oscillations du milieu social : les fluctuations de la psychologie humaine Pour certains auteurs, les perturbations qui conduisent le système à la crise seraient générées par les fluctuations de la psychologie humaine, c’est-à-dire par les mobiles, les dispositions Prof. Mpereboye 23 Fluctuations & Croissance Economiques d’esprit des humains qui les conduisent à prendre telles ou telles décisions : décision d’épargner, d’investir, de produire, de consommer, … 2.2.1 L’explication des crises selon Pareto Selon Pareto,n les actions humaines se divisent en actions logiques et en actions non logiques. La part la plus profonde, la plus constante, la plus instructive et donc la plus essentielle n’apparaît pas à première vue. Pareto l’appelle « les résidus ». La part la plus visible, la plus extérieure, celle qui n’est pas instructive mais rationnelle et donc qui recouvre et qui justifie les résidus, Parato l’appelle les « dérivations ». Une explication étant par nature de type rationnel, rentre dans la catégorie des dérivations. Mais comme les dérivations ont pour but de recouvrir et de justifier les résidus, c’est bien dans la catégorie des résidus qu’il faut chercher les causes profondes des enchaînements rationnels. Pour l’auteur, la cause principale des crises est dans le cœur des hommes, c’est-à-dire que la psychologie individuelle d’abord, la psychologie collective plus encore, par leur nature, jouent un rôle déterminant. Il y a des vagues d’optimisme qui succèdent, en tout homme, à des vagues de pessimisme. L’auteur écrit à ce propos ce qui suit : « Les manifestations de l’activité humaine ne présente guère une marche continue ; elles prennent généralement la forme d’une courbe ondulée. Il faut noter que l’homme s’arrête rarement au juste milieu ; il exagère toujours un peu d’un côté ou de l’autre, il passe de l’espoir à la crainte, d’un excès de confiance à un excès de méfiance. La réussite l’exalte, l’insuccès le décourage ». Ainsi, ce n’est pas, selon Pareto le fait de changer de régime qui supprimerait les emballements (les excès d’optimisme) ou les découragements (les excès de pessimisme) des humains, c’est-à-dire que le fait de changer de régime ne supprime pas les ondes psychologiques, les variables psychologiques autonomes, indépendantes des humains qui déclanchent les ondes économiques, les crises économiques. Passer du capitalisme au socialisme ne change absolument rien dans ce domaine. Dans un Etat socialiste, un ministre changé de la production serait lui aussi sujet à ces vagues et cela se manifesterait par des alternatives de dépenses et d’économies sans mesures. Pour cet Prof. Mpereboye 24 Fluctuations & Croissance Economiques auteur, les facteurs psychologiques ont donc une place prépondérante dans l’explication des crises économiques. 2.2.2 L’explication des crises selon Tarde Gabriel Tarde, a fondé son explication des crises économiques sur la psychologie collective. Sa philosophie est construite sur les trois idées d’opposition, d’imitation, de répétition. Pour lui, les résidus collectifs, plus encore que les résidus individuels, semblent former un fond de tableau de nature alternative. Il y a dans les attitudes collectives, dit-il, une tendance à l’amplification des impressions et un besoin de changement qui expliqueraient les caractères du cycle économique, à savoir une tendance à l’accumulation des effets dans un sens, et un brusque retournement avec tendance progressive à l’accumulation des effets dans le sens opposé. Pour Tarde, les fluctuations de la psychologie humaine poussent à l’exagération et aux changements des mouvements humains. Elles fournissent donc l’explication fondamentale des cycles économiques. 2.2.3 L’explication des crises selon Pigou : l’incohérence, facteur d’équilibre, la cohérence facteur de déséquilibre Le professeur Pigou a élaboré, à ce sujet, la théorie des erreurs non-compensées. Cette théorie de la non-compensation des erreurs s’apparente à la théorie des grands nombres et au concept d’incohérence. Ceci veut simplement dire que quand il y a grand nombre et incohérence, c’est-à-dire lorsque le comportement de chaque unité dans la masse est complètement indépendant du comportement de toutes les autres, il en résulte un certain ordre statistique, un équilibre des grands nombres, c’est du reste un des dogmes de la doctrine libérale que les erreurs auxquelles donne lieu l’ensemble des actions libres des humains se compensent mutuellement. Une multitude d’acteurs économiques agissant tous dans l’ignorance totale des actions des uns des auteurs ; et les effets de leurs actions communes, aboutit, grâce à cette ignorance même et malgré eux, un ordre universel, à une harmonie totale de résultats. La cohérence facteur de déséquilibre Prof. Mpereboye 25 Fluctuations & Croissance Economiques Pour le professeur Pigou, dans un monde qui cesse d’être opaque, mais qui devient transparent, c’est-à-dire où chacun connaît ce que fait son voisin, où même chacun ne se décide plus, que s’il a une idée quelconque de la décision des autres, les erreurs ne se compensent malheureusement plus. Une multitude d’imitations successives, d’erreurs individuelles, engendrent des erreurs globales. L’ordre de grandeur des erreurs amplifie le phénomène. Et ainsi, il y a erreurs grandissantes dans l’optimisme tout comme il y a erreurs grandissantes dans le pessimisme. Lavington compare les hommes d’affaires qui se communiquent les uns aux autres la confiance et l’optimisme à des patineurs sur un étang. « Dans le fait, écrit-il, la confiance de chaque patineur dans sa propre sécurité sera vraisemblablement renforcée plutôt qu’affaiblie par la présence de nombreux compagnons ». L’opinion rationnelle d’après laquelle le risque est d’autant plus grand que les patineurs sont plus nombreux sera probablement étouffée par la simple confiance contagieuse qui persuade chaque patineur que plus il y a d’affluence, plus il peut s’aventurer avec sécurité. Dès qu’il y a cohérence, c’est-à-dire dépendance ou imitation des attitudes de chacun par chacun, alors il n’y a plus d’équipartition statistique. Lorsque les parties d’un tout s’agglomèrent ou s’imitent sans s’organiser, la cohérence engendre les déséquilibres, il y’a plus d’équilibre des grands nombres. 2.2.4 L’explication des crises selon Fourastie : l’irrégularité des progrès techniques Pour Fourastie, l’explication des crises doit être recherche dans le renouvellement de l’outillage et de l’énergie. En effet, une innovation technique est le principe d’une expansion qui s’épuise en quelques années. Elle joue le rôle à la fois de perturbatrice d’un équilibre ancien et d’annonciatrice d’un équilibre nouveau. 2.3 Théories endogènes : fluctuations du système économique Ces théories sont dynamiques, en ce sens qu’elles ont la particularité de développer, à l’intérieur du système économique, les facteurs permettant de comprendre la genèse, le développement et retournement du cycle. Prof. Mpereboye 26 Fluctuations & Croissance Economiques Ces facteurs sont multiples, nous pouvons citer les suivants : - la monnaie ; - la sous-consommation ouvrière ; - la surproduction - les disparités liées à la sensibilité des prix et à la variation du profit. 1) Monnaie, cause des fluctuation économique - La monnaie condense le passé et anticipe l’avenir. Elle résume ainsi les valeurs passées et projette les valeurs futures. C’est donc un pont jeté dans le présent entre le passé et l’avenir. - Cela fait, à la fois, sa grandeur et sa particularité. Ainsi, si on condense (thésaurise) la monnaie, il y a risque de désaccord entre mouvement économique et la monnaie ; - La monnaie serait donc responsable de la crise économique. Mais quelle monnaie : métallique, fiduciaire ou scripturale ? 2) Monnaie métallique, source des crises économiques - Tant que la monnaie s’est confondue avec les métaux précieux, c’est la disponibilité de ces derniers ou non qui commande le volume de monnaie en circulation. - Il a été remarqué les découvertes de nouveaux gisements d’or en 1815 et les mines d’Australie en 1895 ont été suivies d’une période prospérité (expansion) ; - De même, le paiement de l’indemnité de guerre par la France à l’Allemagne en 1870 a été suivie aussi d’une période de prospérité qui a abouti à la crise de 1873. - D’où la thèse : « Les mouvements des métaux précieux devancerait le mouvement économique. - Mais, une avance purement historique ne se confond pas avec une cause logique de la crise économique. - Ainsi, pour certains auteurs, l’arrivée de la masse métallique parait sans rapport avec les exigences de l’économie. Prof. Mpereboye 27 Fluctuations & Croissance Economiques - Les monétaristes ont dû chercher dans le facteur monétaire, d’autres éléments plus responsables des fluctuations économiques. 3) Monnaie fiduciaire, responsable des crises économiques - La monnaie métallique étant difficilement trouvable, car liée à l’existence de l’or, a été remplacée par la monnaie fiduciaire pourvue d’élasticité. - Cette possibilité qu’a la monnaie fiduciaire de croître ou de décroître facilement est à la base des déséquilibres entre flux monétaires en circulation et flux réels (biens & services) sur un marché. 4) Monnaie scripturale, ou le crédit) responsable des crises économiques - Par l’opération crédit, les banques commerciales peuvent infiniment créer la monnaie scripturale. - Si l’autorité monétaire ne contrôle pas le mouvement des taux d’escompte et d’intérêt, il va se dégager un déséquilibre entre le volume de crédit et les besoins réels de l’économie ; d’où l’inflation ou la déflation. Le régime dit capitaliste est celui qui consacre la propriété privée des moyens de production et qui, par là, semble séparer les sujets économiques en deux camps irréductibles : - ceux dont les revenus sont déterminés par l’existence de la propriété préalable des biens capitaux, - ceux dont les revenus sont perçus sans aucune référence à une propriété antérieure, mais en considération uniquement de l’effort actuellement fourni ; - ceux qui vivent de revenus sans travail actuel (profit et rente au sens classique) ; - ceux qui vivent de revenus afférents au travail actuel (salaires). Prof. Mpereboye 28 Fluctuations & Croissance Economiques 5) Sous-consommation ouvrière, à l’origine des crises économiques On sait que la plus-value, créatrice du profit dérive du salaire dit nécessaire et la rémunération de l’ouvrier est affectée d’un caractère de rigidité. Elle fait de l’ouvrier un être passif, l’être sans choix. Dans la mesure où le sujet actif de la production, l’homme qui, seul choisit et qui ne travaille pas, augmente la durée du travail, travail qu’il rémunère à niveau fixe quelles que soit cette durée, il perçoit seul la différence, elle augmente la plus-value, donc le profit, au détriment du salaire. Et du moment que les ouvriers n’ont jamais le pouvoir de racheter les produits de leur travail, le système capitaliste est conduit irrémédiablement au déséquilibre, à la crise. La sous-consommation ouvrière serait donc à l’origine de la crise du système. 6) La sur-production à l’origine de la crise (supra) Cette deuxième explication prolonge et complète la thèse précédente. Elle est de caractère structurel et historique. ON sait que Marx a emprunté à ses maîtres les classiques l’idée d’une baisse tendancielle du profit. La raison qu’il en donne est empruntée à la notion de plus-value. Le taux marxiste du profit est égal au rapport de la plus-value au capital, c’est-à-dire à la somme du capital constant et du capital variable. Plus − value t = M c.c. + c.v. Ce taux, d’après Marx, est appelé à diminuer constamment dans une société progressive. En effet, la plus-value a beau augmenté, elle augmente cependant moins que le capital total. Le dénominateur croissant donc plus que le numérateur, le quotient ne peut être qu’en constante décroissance. C’est alors que ressort la contradiction, l’une de ces contradictions où se débat le système capitaliste. C’est le profit qui est l’âme du capitalisme et l’idéal pour le système serait donc que le profit aille en augmentant. Or, précisément, c’est l’inverse qui se produit. Marx voyait bien le régime, le système capitaliste se maintenir et même prospérer. Est-ce donc sa théorie qui était fausse ? Point du tout. Pour lui, lorsque les meneurs du jeu capitaliste prennent conscience de la contradiction où ils sont enfermés, ils veulent évidemment s’en évader. Et ils y arrivent, mais pour un temps réduit seulement, affirme-t-il. Ils cherchent à rattraper sur la quantité ce Prof. Mpereboye 29 Fluctuations & Croissance Economiques qu’ils perdent à l’unité. En effet, le taux de profit baisse, il faut donc produire et vendre davantage pour maintenir et même accroître le profit global, rétorquent les capitalistes. Mais c’est justement dans cette décision, affirme Marx, que se trouve le germe d’une surproduction. La prospérité, c’est le temps pendant lequel leur décision d’échapper à la contradiction paraît réussir, c’est la période durant laquelle le temps du profit à court terme paraît triompher du temps du profit à long terme. Ce triomphe cependant n’est que momentané et il est facilité par l’existence dans le monde de secteurs encore non capitalistes, de nouveaux territoires vierges capables d’absorber un surplus de biens et de retarder la surproduction latente qui est inévitable à long terme. C’est l’impérialisme politique qui empêche aux nécessités économiques de produire (actuellement) leurs effets. Tant qu’il restera des terres nouvelles à conquérir, ces dernières joueront le rôle de soupapes de sûreté qui retarderont l’effondrement final. Et nous sommes ainsi demeurés aux XIXè siècle dans ce milieu favorable où des phases de prospérité contradictoires ont masqué périodiquement la chute indéfinie du profit, la crise ayant, autant de fois qu’il était nécessaire, résorbé la surproduction par laquelle les capitalistes essayaient vainement de s’opposer au mouvement irrésistible de l’histoire. Un schéma résume assez bien cette vue de prophète. Sur une pente continuellement descendante XY, des portions de courbe montante AB marqueraient la réussite apparente des entrepreneurs qui s’opposent au flux de l’histoire ; les portions BC symbolisent après la rupture critique au point B, la reprise du mouvement conforme aux nécessités profondes de l’économie, ces nécessités que l’homme ne peut transgresser que pour un temps. En C, les entrepreneurs, redevenus conscients de la contradiction, voudraient de nouveau y échapper et l’on aurait une nouvelle branche ascendante, qu’une nouvelle crise D viendrait heureusement résoudre. De proche en proche, on expliquerait ici un mouvement cyclique mais toujours orienté vers la baisse. Autrement dit, et ceci ne paraît pas conforme aux faits du XIXè siècle, il n’y aurait jamais de trend ascendant. Cette deuxième interprétation de Marx présente sur la première l’avantage de traduire un mouvement cyclique. C’est une théorie de la surproduction. Prof. Mpereboye 30 Fluctuations & Croissance Economiques Graphique 1 : Schéma marxiste du cycle inséré dans un trend descendant B X D A Y C 7) Les disparités liées à la sensibilité des prix et à la variation des profits L’étude des prix nus place plus près du centre du système. Toute la vie économique s’exprime par des prix. Or, tous les prix, en liaison constante les uns avec les autres, n’ont pas dans la durée des sensibilités identiques. Ils répondent avec plus ou moins d’intensité dans l’espace, et plus ou moins de rapidité dans le temps, aux appels qui les sollicitent. Les uns sont lents, les autres accélérés. Ces différences de sensibilité sont créatrices de disparités, donc des crises. En particulier, si l’on se place au centre du mouvement, c’est-à- dire au sein de l’entreprise, deux catégories de prix interfèrent, dont la conjonction fait naître le profit. Prof. Mpereboye 31 Fluctuations & Croissance Economiques Chapitre III LA PROPAGATION INTERNATIONALE DES FLUCTUATIONS Nous avons jusqu’ici fait abstraction de l’espace. Ce sont les disparités dans le temps qui nous ont paru dominer le problème de la génération du cycle. Il nous faut à présent introduire les disparités dans l’espace. Les disparités spatiales agissent-elles sur les disparités temporelles, donnent-elles une autre dimension au cycle ? La théorie des espaces a été l’œuvre des économistes allemands – W. Isard, A. Lösch, T. Palander et H. Von Thumen qui fut le chef de fil de cette école de pensée. Ces penseurs ont mis l’accent sur cette proposition : les différences d’espace sont aussi importants que les différences de temps. Comme ces dernières, elles sont aussi principe de mouvement. La question qui se pose pour nous est de savoir si la théorie des différences de temps et la théorie des différences d’espace ne sont pas susceptibles de se joindre et de s’enrichir l’une par l’autre. 3.1 Propagation des cycles entre deux espaces Raisonnons sur deux espaces, c’est-à-dire sur deux pays A et B. Il faut toujours commencer par cette réduction à deux. Supposons qu’un cycle ait pris naissance à l’intérieur de l’espace A. Ce cycle va- t-il se transmettre à l’espace B et dans quelles conditions ? Va-t-il se transmettre rapidement ou lentement ? La transmission va-t-elle le déformer en durée et en amplitude ? Va-t-elle se conserver, s’amplifier ou s’amortir en se transmettant ? N’y aura-t-il pas des choses en retour de l’espace B vers l’espace A ? On devine les complications. L’espace B a pu être lui aussi le siège de cycles autonomes et alors on peut recommencer l’étude en sens inverse, c’est-à-dire rechercher comment un cycle né en B se transmet en A. Finalement, il faudra étudier l’action de deux cycles autonomes qui influencent l’un par l’autre à travers l’espace total et à travers le temps. Prof. Mpereboye 32 Fluctuations & Croissance Economiques La dimension comparative des deux espaces doit intervenir ici. Y a-t-il égalité de puissance entre les deux espaces ou effet de domination de l’un sur l’autre ? Y a-t-il complémentarité ou concurrence entre les deux espaces ? Y a-t-il éloignement ou rapprochement des deux espaces ? La théorie simplifiée à deux espaces se révèle déjà assez complexe. Mais si l’on veut se rapprocher de la réalité, on ne pourra se satisfaire de l’hypothèse à deux espaces. Il faudra en introduire forcement un troisième, puis un quatrième, … 3.2 Propagation des fluctuations par imitation psychologique et par excitation mécanique Oscar Mogenstern nous a donné l’esquisse d’une pareille construction. L’auteur a montré que l’on pouvait utiliser deux méthodes d’approche : la propagation par imitation, de type psychologique et la propagation par excitation de type mécanique. D’après lui, les cycles se transmettent par la voie psychologique. On sait, en effet, que les bourses de valeurs et les bourses de marchandises s’observent les unes les autres. Les cours de clôture de l’une influencent les cours d’ouverture de l’autre. Il y a non seulement observation réciproque, mais aussi contagion réciproque. L’idée d’imitation, dont Tarde a fait la base de sa vision du monde, pourrait ainsi servir à édifier une théorie de la propagation internationale du cycle. Mais à vrai dire, cette théorie voulait montrer une tendance à l’homogénéité de l’espace, plutôt qu’une manifestation d’hétérogénéité. Les cycles se transmettent aussi par la voie mécanique, Plusieurs cycles venant d’espaces différents se rencontrent, se confondent finalement par leurs ondes sur un même grand espace. Mogenstern parle ici de propagation par addition. L’image hydrodynamique que donne l’auteur est assez saisissante : c’est celle de jet de pierres, de poids différents, tombant de hauteurs différentes, en des points différents, à des moments différents, dans une mare. La question revient à déterminer les interférences des différentes ondulations. Morgenstern ajoute avec ironie : aucun physicien ne se réjouira d’effectuer pareil calcul. Il y a bien différences d’espace, mais d’espace au singulier. Ce sont, en effet, des différences à l’intérieur d’un même espace. Prof. Mpereboye 33 Fluctuations & Croissance Economiques 3.3 Distinction de plusieurs sortes d’espaces Pour analyser l’influence, des disparités d’espaces propres à tel ou tel phénomène, il paraît commode de distinguer trois sortes d’espaces, à savoir : l’espace commercial, l’espace des investissements et l’espace monétaire. 3.3.1 Transmission des fluctuations et disparité des espaces commerciaux Il s’agit ici du problème de la transmission des fluctuations économiques par le commerce extérieur, par le mouvement des marchandises. a) L’influence des frais de transport Entre économies équivalentes, on peut concevoir que les frais de déplacement de transport de marchandises dans l’espace n’aient pas d’influence sur des cycles propres apparaissant dans les deux camps. Mais dès qu’il y a besoins réciproques, on pressent que les frais de transport quels qu’ils soient n’empêchent pas des mouvements nés dans un espace de se transmettre à l’autre. Tout au plus, selon leur niveau relatif, pourront-ils avancer ou retarder la propagation. De toute manière, on reconnaît que la conjoncture cyclique autonome du pays internationalement dominant, celui dont tous les autres ne peuvent se passer, soit à titre de fournisseur, soit à titre de clients, se transmettra de proche en proche à toutes les autres portions du monde, à tous les autres espaces du monde. La rentabilité du système directeur, quelles qu’en soient les manifestations, se communiquera à l’ensemble de l’économie mondiale, malgré les différences d’espaces. b) L’influence des droits de douane Les entraves apportées au commerce international auront des effets semblables. Selon Haberler, les droits de douane, en particulier, ressemblent aux frais de transport, en ce sens qu’ils mettent un obstacle aux mouvements des marchandises, mais que l’obstacle peut être surmonté, si l’écart entre les prix du pays exportateur et ceux du pays importateur est suffisant. Prof. Mpereboye 34 Fluctuations & Croissance Economiques Ils ne sont pas capables de compartimenter et d’isoler un cycle économique que dans la mesure où les économies, encore supposées indemnes, sont assez fortes pour se suffire à elles mêmes. Or, le cas d’économies équivalentes et auto-suffisantes est purement théorique. Même les économies dominantes les plus vulnérables ont besoin d’entrer en relation avec les économies dépendantes. Tout est question de degré. Evidemment, une tarification douanière pourra bien, selon les moments du cycle où elle intervient, avoir l’air d’isoler un pays des influences cycliques extérieures. Il ne s’agira que d’effets momentanés. En fait, on ne fera qu’accroître la réceptivité en période de conjoncture favorable, ou que la retarder en période de conjoncture défavorable. Un monde définitivement fermé aux influences cycliques grâce aux manipulations appropriées des frais de transport et de douanes, frais de déplacement dans l’espace, n’est donc pas concevable. Les disparités spatiales provisoires à travers le monde peuvent faire apparaître des contractions et des expansions de caractère local ; elles altèrent mais ne suppriment pas gravement la figure cyclique que nous avons dégagée. En fait du reste, cette disparité n’existe pas isolément. Elle est toujours associée à d’autres types de disparités beaucoup plus importantes, en particulier à celle tenant à la localisation relative des capitaux sur l’échiquier international. 3.3.2 Propagation des fluctuations et disparité des espaces d’investissement En s’inspirant des préoccupations keynésiennes, on pourrait aborder une autre représentation de l’espace. On peut se demander quels sont dans l’espace mondial les espaces où la proportion des investissements par rapport au revenu global atteint le même niveau. Ce serait la délimitation des espaces capitalistiques autonomes. Comme l’investissement est commandé par le taux d’intérêt et par le taux attendu des profits, c’est-à-dire par l’efficacité marginale du capital, on serait amené à rechercher les lignes d’égal taux d’intérêt et les lignes d’égale efficacité marginale du capital. Mais, l’efficacité marginale du capital étant de type psychologique, échappe à l’appréhension statistique. Dans l’espace économique, ce sont surtout les taux d’intérêt qui doivent être saisis. Prof. Mpereboye 35 Fluctuations & Croissance Economiques a) L’influence de la localisation des investissements sur la localisation du cycle C’est Haberler qui a longuement étudié le problème de l’influence et la disparité des taux d’intérêt sur la propagation du cycle. La disparité des taux d’intérêt a, en effet, tendance à amortir, à atténuer l’intensité locale d’un cycle et à gêner sa propagation. La localisation des investissements aiderait à expliquer pourquoi il n’existe pas un véritable cycle international, c’est-à-dire pourquoi le cycle est pour ainsi dire lié à telle ou telle zone, particularisé, attaché à un certain niveau des investissements. La localisation des investissements aurait tendance à gêner le passage de la prospérité ou de la dépression d’un pays à l’autre, donc de limiter l’ampleur des expansions et des contractions mondiales. En fait, les réaction sont beaucoup plus complexes et sont souvent influencées par la politique de distribution de crédit bancaire de chaque pays, c’est-à-dire en fait par la politique suivie par la banque centrale en matière de crédit, par les habitudes du public, par le degré de liquidité des structures bancaires et le degré d’élasticité de la demande des crédits industriels. Toutes ces conditions dépendant à leur tour de la phase du cycle dans laquelle se trouvent les pays considérés. Pour cet auteur, ce sont les disparités de distribution du crédit bancaire dans le monde qui font que « tout changement de la balance commerciale en faveur d’un pays dont le système de crédit est plus développé puisse avoir, toutes choses égales par ailleurs, un effet inflationniste sur le monde considéré comme un tout ». Les faveurs d’inflation qui se manifestent dans les pays qui voient augmenter leurs capitaux sont de loin supérieurs aux facteurs de déflation apparus dans les pays qui connaissent une fuite des capitaux. Retenons simplement ici que cette propagation n’a pas une valeur universelle. Les discussions et la conclusion même de l’auteur montrent avec quelle prudence il faut avancer. 3.3.3 Propagation des fluctuation et disparité des espaces monétaires L’espace monétaire est celui qui est le mieux étudié, le plus visible, le plus perturbateur et en même temps le plus malléable. Prof. Mpereboye 36 Fluctuations & Croissance Economiques Par la monnaie, on peut se rapprocher de l’homogénéité ou au contraire entretenir l’hétérogénéité. L’espace monétaire est d’autant plus intéressant à étudier l’on a cru au XIXè siècle créer un espace unique par le simple jeu de l’étalon or, comme si les tendances naturelles à l’hétérogénéité étaient facilement neutralisées par la simple discipline de l’or. N’est-ce pas encore du retour à l’étalon or que l’on attend le retour à l’équilibre, comme si l’espace monétaire à lui seul était capable de dominer les autres espaces. a) L’évolution du cycle dans un espace or homogène Lorsqu’on essaie d’expliquer la naissance du cycle à l’intérieur d’un espace économique homogène, on remarque que l’explication par la monnaie attire bien des esprits. Ce serait la disparité temporelle encore la monnaie et l’économie qui serait seule responsable du cycle. Lorsqu’on veut expliquer la transmission du cycle d’un espace à un autre, on se demande si le jeu de l’étalon or (currency principle), en même temps qu’il propage le cycle ne le fait pas également disparaître. Nous faisons ici allusion à la théorie ricardienne du commerce international. Sans doute, pour Ricardo, l’existence d’un cycle national ne se pose-t-elle pas, précisément parce que l’échange international assure le retour automatique à la position de départ. L’or empêche le processus cumulatif. En un certain sens, il y a toujours de petites oscillations qui se compensent autour d’un niveau idéal d’équilibre. C’est l’image des vagues montant et descendant par rapport au niveau de la mer. L’or, ne s’accumulant jamais définitivement dans un seul espace et se trouvant réparti harmonieusement entre tous les espaces, neutraliserait le cycle dès qu’il aurait tendance à surgir. L’espace de l’or, c’est-à-dire l’espace économique dans lequel prédomine l’étalon or serait un espace é-cyclique. Thèse extrémiste évidemment. Sans la retenir sous cette forme schématique, on pourrait se demander si, en régime d’étalon or universel, c’est-à-dire lorsque, malgré les frontières politiques, existe une monnaie internationale, un macro cycle de 4 ans voire de 8 ou 16 ans ne se propagerait pas sans déformation à travers tout l’espace uniformisé par la monnaie ? Il faudrait vraiment être un monétariste impénitent pour le penser, pour croire que c’est la monnaie seule qui engendrerait le cycle. Prof. Mpereboye 37 Fluctuations & Croissance Economiques b) Dévaluation monétaire et transmission du cycle L’idée de dévaluation serait aussi à reprendre dans cette perspective : Lorsque la disparité spatiale monétaire devient trop forte, l’espace dont la monnaie est surévaluée ne peut plus assurer des échanges avec les autres espaces. La dévaluation devient un impératif pour cet espace s’il veut pouvoir profiter de la phase cyclique ascendante d’un autre espace. Les effets de la dévaluation sont bien connus. Celle-ci agit sur le mouvement extérieur des marchandises, elle excite les exportations, elle freine les importations. Elle conduit à une expansion des industries exportatrices, à un croissement des investissements correspondants. Tant qu’un écart se maintient entre les prix intérieurs et le change, une nouvelle disparité favorable est introduite qui joue comme un acteur propre d’ascension. Evidemment, il faut se demande si l’influence défavorable produite sur les industries d’importation dépend de la proportion des activités importatrices par rapport aux activités exportatrices, c’est-à- dire de la structure du pays au regard du commerce extérieur. En général, on retient surtout l’effet favorable, c’est-à-dire les structures où le point de vue des exportateurs l’emportent sur celui des importateurs. On constate au surplus que la dévaluation a des effets heureux sur l’offre des capitaux disponibles pour les investissements : l’augmentation de l’offre des capitaux étant due à l’accroissement de l’encaisse, or résultant de la réévaluation de l’encaisse or. La dévaluation agit dans le sens de la dépression pour les pays qui ne la subissent pas, c’est-à-dire qui ne sont pas contraints de dévaluer. La question se pose alors de savoir si l’influence des pays qui dévaluent l’emporte sur celle des pays qui ne dévaluent pas. Ici, c’est dans la structure des balances de paiement des autres pays qu’on trouvera la réponse. On ne peut pas à priori savoir décider si une dévaluation aboutira à un expansion ou à une contraction générale dans le monde. Haberler expose (introduit) ici une longue discussion relative aux mouvements de capitaux engendré par des ruptures monétaires, soit des capitaux offerts, soit des capitaux demandés dans le camp des dévaluateur et dans celui des pays qui n’ont pas dévalué. Les effets expansionnistes et déflationnistes s’associent ici aussi. Mais il Prof. Mpereboye 38 Fluctuations & Croissance Economiques est difficile de porter des conclusions simples d’autant plus que les facteurs psychologiques n’agissent pas forcément dans le même sens que le facteurs mécaniques et qu’ils peuvent retourner les effets rationnels. De manière générale, une dévaluation produit un effet déflationniste dans le monde considéré comme un espace unique, c’est-à-dire que la fuite des capitaux provoquée par les ruptures monétaires a plus d’effets que leur arrivée. Prof. Mpereboye 39 Fluctuations & Croissance Economiques Deuxième Partie L’ACTION SUR LES MOUVEMENTS ECONOMIQUES Nous avons étudié les crises et les fluctuations en observateurs et en théoriciens. Une question hante, à présent, l’esprit : devons- nous rester indifférent et passif en face de ces mouvements qui ont causé tant de dégâts et de misères dans le passé et continuent encore aujourd’hui à contrarier l’effort de l’homme dans sa quête permanente vers un mieux-être toujours plus poussé sur la terre. Cela nous paraît inconcevable. La seule attitude concevable est celle de l’homme d’action. En effet, il nous faut à présent chercher à savoir comment les domestiquer, quelle action faut-il développer pour la neutraliser ou tout au moins en atténuer les conséquences néfastes. Sommes-nous capables d’éviter ces maux ou faut-il se borner à en réparer les effets néfastes ? La réponse à cette question revient à exposer les politiques économiques tendant à agir sur les fluctuations et sur la croissance. Nous aborderons dans un premier chapitre l’action sur les fluctuations tandis que le deuxième chapitre sera consacré à l’action sur la croissance. Prof. Mpereboye 40 Fluctuations & Croissance Economiques Chapitre IV L’ACTION SUR LES FLUCTUATIONS L’action humaine tendant à éviter les fluctuations dans l’économie a revêtu à travers les temps différentes formes que nous classons selon trois degrés d’intensité : - la forme la plus timide, à savoir celle qui donne lieu à la simple organisation d’une prévision ; - la forme interventionniste qui est celle qui s’est efforcée d’apporter des remèdes curatifs ou préventifs en face des dégâts causés par les crises : régulation - la forme la plus audacieuse qui est celle qui prétend pouvoir supprimer ou dominer les cycles et les crises : thérapeutique économique 4.1 La prévention Les problèmes de la prévision économique sont multiples et difficiles. Ils se posent à plusieurs niveaux de la connaissance et de l’action. Ils n’ont pas la même nature selon la durée des prévisions. Seules les prévisions fondées sur la durée nous intéressent ici car ce sont de la prévision économique, distinguons ces prévisions qui sont le plus utilisées en économie. 4.1.1 Les prévisions selon la durée On conçoit facilement que la longueur de la prévision conditionne la manière même de prévoir. Prévoir ce qui se passera dans quelques heures semble relativement facile. Prévoir ce qui arrive l’an prochain ou dans deux ou trois ans est déjà plus complexe. Prévoir ce que sera la prochaine décennie ou les deux ou trois futures décennies est d’une tout autre nature. On distingue en général, trois formes de prévision, à savoir : la courte, la moyenne et la longue. Il est difficile de donner des limites rigoureuses de durée à ces trois types de prévision. Cependant, en général, la prévision à long terme porterait sur une période comprise Prof. Mpereboye 41 Fluctuations & Croissance Economiques entre 15 et 25 ans, celle à moyen terme sur une période allant de 4 ou 15 ans et la prévision à court terme sur un nombre d’années inférieur à 5. Aujourd’hui, la durée des prévisions est conditionnée par la considération des budgets annuels et des plans quadriennaux ou quinquennaux. Ainsi, la prévision longue intéresse le déroulement de trois ou quatre plans quinquennaux, la prévision courte se forme autour d’un ou de quelques budgets annuels tandis que la prévision moyenne est intermédiaire. Jacques Dumonitier a fait intervenir les idées de structure et de conjoncture. Il y aurait selon lui : - prévision à court terme, quand une grande simplification peut être obtenue en éliminant le plus possible les variations de structure pour ne garder que les variations de conjoncture ; - il y a prévision à moyen terme quand ces simplifications ne peuvent s’appliquer. De ce fait, les prévisions à moyen terme sont les plus délicates à formuler. Elles concernent essentiellement le cycle classique de Juglar. Ces trois types de prévision s’influencent-elles les unes les autres ? Quel est l’ordre dans lequel il faut les exprimer ? Est-ce l’ordre de durée croissante, la prévision courte devant précéder la prévision moyenne et celle-ci précéder la prévision longue ? Une tendance inversée a plutôt les faveurs des auteurs modernes. Avec la prédominance actuelle des plans, c’est une ligue générale d’évolution longue qui est d’abord pensée ; et c’est dans le respect de cette tendance générale que l’on formule une prévision à moyen terme plus détaillée, et enfin la prévision à court terme. Cette attitude paraît la plus rationnelle. En effet, c’est par rapport aux buts les plus éloignés que sont en général prises les décisions relatives aux buts intermédiaires et à court terme. 4.2 La régulation La régulation est la deuxième forme de l’action humaine tendant à contrecarrer la naissance et le développement des fluctuations dans l’économie. C’est la forme interventionniste. En effet, si l’on considère le cycle comme inévitable, cela ne veut pas dire que le passage par un maximum doive être Prof. Mpereboye 42 Fluctuations & Croissance Economiques catastrophique. Si l’on arrivait à atténuer l’amplitude du mouvement tout en respectant son allure rythmique, peut être serait-on capable de supprimer le caractère critique du retournement. Même si les crises étaient tout de même fatales en face des souffrances qu’elles provoquent, la raison impose la recherche de remèdes. Et quand on parle de remèdes, on songe aux mesures de soulagement immédiat, comme aux moyens de prévention future. Cependant, la mise au point d’un remède efficace, en ce qui concerne notre science, dépend des conceptions théoriques préalables qui sont très nombreuses. Les moyens proposés sont dès lors eux-mêmes très nombreux. Et qui plus est, nous retrouvons à leur sujet l’opposition toujours présente entre le monnaie et l’économie. Il y a ceux qui préconisent la thérapeutique monétaire comme seul remède efficace pour conjurer la crise et ceux qui préconisent la thérapeutique économique couplée à la monnaie comme voie de sortie. 4.2.1 La thérapeutique monétaire C’est la plus facile, mais est-ce la plus efficace ? Il est bien dommage qu’elle ne soit pas la plus efficace car ce serait bien en soi la plus simple. Si la monnaie était un levier qu’il suffirait de manier, comme l’affirment les quantitativistes, pour obtenir à volonté des effets d’accélération et de freinage des prix, l’homme serait facilement armé pour agir. Malheureusement la réalité est moins docile. La monnaie si elle est une condition n’est pas une véritable cause. Elle aide plus qu’elle ne détermine. La thérapeutique monétaire s’est constituée puis progressivement enrichie. a) La manipulation adéquate du taux d’escompte Si la monnaie était automatique, une banque devrait être une institution indifférente, absolument passive qui se bornerait à enregistrer des mouvements circulatoires, extérieurs à elle-même, sans participer à leur genèse. Or, même à l’époque héroïque de l’économie spontanée, cette soi-disant passivité des banques d’émission n’a jamais existé. Précisément parce que les dirigeants de la banque se sont heurtés tôt à l’existence du cycle. Et ces dirigeants furent ceux de la Banque d’Angleterre dès les premières crises du XIXè siècle. C’est en 1837, pour la première fois, que la Banque d’Angleterre, voyant son encaisse menacée et surtout la crise imminente, eut l’idée, à titre d’expédient purement empirique, d’élever le taux d’escompte. Elle vit alors cesser le drainage à l’exportation de son or et la situation s’améliorer sensiblement. Prof. Mpereboye 43 Fluctuations & Croissance Economiques A partir de la crise de 1847, une application rationnelle cette fois fut faite de la politique de hausse du taux de l’escompte à la fois par la Banque d’Angleterre et la Banque de France. La succès fut décisif. Et depuis cette époque, chaque fois qu’un économique a été en vue ou même déclenchée, on a eu recours à ce qui était initialement un expédient, à ce qui est devenu depuis un système. a) Les effets de la hausse du taux de l’escompte Ces effets ont été bien analysés, on les ramène aujourd’hui à des effets internes et des effets externes. Sur le marché intérieur, la hausse du taux de l’escompte agit comme un avertisseur. Elle prévient que le marché est tendu et que la Banque ne pourra plus servir aussi facilement les demandes des commerçants et des producteurs. Placée au sommet de l’édifice bancaire du pays et appelée par le réescompte à connaître tous les appels au crédit du pays, la Banque des Banques peut prévenir l’ensemble des acteurs de l’économie que le système dans lequel ils se meuvent devient vulnérable. La hausse du taux agit ainsi comme un frein. Elle prévient en effet, le risque d’un écart grandissant entre le volume du portefeuille commercial et l’encaisse, puisqu’elle réduit progressivement l’importance des traites présentées à l’escompte, et par là elle pare au danger des demandes de remboursement des dépôts que la défiance peut brusquement provoquer lorsque le public va découvrir, trop tard, la disproportion entre l’encaisse et le portefeuille. Cette hausse du taux de l’escompte est aussi capable d’agir sur les prix dans un sens modérateur. En effet, lorsque les commerçants et les producteurs constatent que le recours à l’escompte devient plus onéreux, ils essayent de se donner des moyens de trésorerie par des procédés moins coûteux ; ils vont se procurer des disponibilités par épuisement des stocks de marchandises antérieurement constitués en consentant ainsi des ventes. Sur les marchés financiers et sur les marchés commerciaux, l’offre va ainsi augmenter probablement plus que les demandes ; les prix vont avoir tendance à baisser, ou du moins, puisque nous sommes encore en phase d’expansion. Cette tendance à la baisse va éviter les emballements qui rendent les retournements douloureux. La tendance à la baisse des prix va donc atténuer la rigueur du cycle. Prof. Mpereboye 44 Fluctuations & Croissance Economiques Il faut enfin ajouter à ces mécanismes les effets externes si les capitaux court terme, en mouvement à travers le monde, sont attirés avant tout par les places où le taux d’intérêt est le plus élevé, si les motifs psychologiques d’emballement ou d’affolement, de confiance ou de peur n’entrent pas en action. S’il n’y a pas hot monnaie alors il est certain qu’une hausse du taux de l’escompte va faire affluer dans le pays les capitaux à court terme en quête de placement ; les capitaux nationaux qui s’étaient expatriés et les capitaux étrangers. Il en résultera par des rentrées d’or provoqués, un renforcement de l’encaisse et par là une atténuation de l’écart entre l’encaisse et le portefeuille, c’est-à-dire une réduction de la disparité, d’où peut surgir la crise. b) La thérapeutique de J. Lescure : la prime sur l’or et le réservoir de devises étrangères Pour J. Lescure, une élévation uniforme et indifférente du taux de l’escompte a pu parfois paraître trop brutale et grever d’une surtaxe tous les papiers commerciaux, même correspondant à des affaires saines. L’idéal serait alors de différencier les taux suivant la qualité des papiers. Mais toute discrimination est difficile quand elle cherche des critères purement objectifs. C’est pourquoi d’autres moyens ont été proposés. Ces moyens visent tous à éviter les sorties d’or ou la hausse des changes, par quoi se traduit la crise du pays en liaison avec