Introduction à l’Evidence-Based Practice en Psychologie PDF 2017

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Université de Liège

2017

Nancy Durieux, Anne-Marie Étienne, Sylvie Willems

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evidence-based practice psychology clinical practice scientific research

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This article provides an introduction to evidence-based practice in psychology. It discusses the integration of scientific evidence and clinical expertise in decision-making for psychological practice and includes practical examples from clinical psychology.

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INTRODUCTION À L’EVIDENCE-BASED PRACTICE EN PSYCHOLOGIE Nanc...

INTRODUCTION À L’EVIDENCE-BASED PRACTICE EN PSYCHOLOGIE Nancy Durieux, Anne-Marie Étienne, Sylvie Willems Martin Média | « Le Journal des psychologues » 2017/3 n° 345 | pages 16 à 20 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Liège - - 139.165.31.13 - 12/01/2018 08h26. © Martin Média ISSN 0752-501X Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-le-journal-des-psychologues-2017-3-page-16.htm Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Liège - - 139.165.31.13 - 12/01/2018 08h26. © Martin Média -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Nancy Durieux et al., « Introduction à l’evidence-based practice en psychologie », Le Journal des psychologues 2017/3 (n° 345), p. 16-20. DOI 10.3917/jdp.345.0016 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Martin Média. © Martin Média. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) DOSSIER Données scientifiques et pratique clinique Introduction à l’evidence- ba Nancy Durieux Responsable en psychologie scientifique, Bibliothèque des sciences de la vie, université de Liège L’evidence-based practice des caractéristiques, de la culture et des préférences en psychologie est encore loin de faire du patient (Apa Presidential Task Force on Evidence-Based l’unanimité et demeure une approche Practice, 2006). D’emblée, cette définition souligne non recommandée par certains collègues, pas l’existence de trois piliers séparés, mais bien l’étroite et décriée par d’autres… C’est ici imbrication de trois fondements de même importance. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Liège - - 139.165.31.13 - 12/01/2018 08h26. © Martin Média Anne-Marie Selon l’Apa (Apa Presidential Task Force on Evidence-Based Étienne l’occasion de l’introduire brièvement auprès des praticiens en faisant la Practice, 2006), l’ebp en psychologie a, entre autres, pour Psychologue clinicienne objectif la promotion d’une pratique de qualité. Elle apporte, et de la santé, démonstration que, malgré les obstacles Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Liège - - 139.165.31.13 - 12/01/2018 08h26. © Martin Média en effet, une réponse aux praticiens désirant appuyer département et les développements essentiels pour de psychologie, leur pratique sur les progrès théoriques, méthodologiques université de Liège que cette approche puisse être intégrée et techniques récents. C’est pourquoi notre objectif sera Clinique psychologique dans le quotidien des psychologues, de présenter la méthodologie inhérente à l’ebp en détaillant et logopédique elle constitue une opportunité de faire de l’université de Liège brièvement chacune des étapes à sa mise en œuvre. (Cplu) évoluer les pratiques professionnelles Certains préjugés et obstacles seront également mentionnés, et de permettre une meilleure ainsi que les défis et les développements essentiels pour valorisation de la psychologie. l’implémentation d’une telle pratique. Des exemples ont été extraits de la psychologie clinique pour illustrer le propos. L’ evidence-based practice (ebp) – ou pratique fondée sur les données probantes – repose sur des EBP : UNE DÉMARCHE EN PLUSIEURS ÉTAPES principes initialement développés en médecine Un clinicien adoptant une posture ebp est un clinicien (Evidence-Based Medicine Working Group, 1992 ; capable de remettre en cause sa pratique et de reconnaître Sylvie Willems Sackett et al., 1996), puis adaptés à un nombre croissant un besoin d’information en situation d’incertitude concernant Chef de clinique, de disciplines (Hoffmann, Bennet, Del Mar, 2013a). Cette un diagnostic, une action de prévention ou encore un choix Clinique psychologique démarche désigne un processus de prise de décision qui de traitement pour un patient. Dans ce cas précis, il peut et logopédique conjugue trois « piliers » (Howick, 2011 ; Straus et al., 2011) : alors initier la démarche de l’ebp qui comprend cinq étapes de l’université de Liège (Cplu) les données probantes issues de la recherche scientifique (Dawes et al., 2005 ; Straus et al., 2011). (les résultats valides, actuels, cliniquement pertinents), l’expertise clinique du praticien (sa capacité d’utiliser ses Poser une question clinique connaissances scientifiques accumulées et son expérience structurée et précise clinique – qu’il est capable de remettre en cause – pour poser Cette première étape consiste à clarifier ce besoin spécifique un diagnostic, évaluer les risques d’une intervention…) d’information, afin de le traduire ensuite en une question et les caractéristiques du patient (ses valeurs, sa situation, ses claire et précise à laquelle il est possible de répondre. Pour préférences et ses objectifs). Ainsi, l’American Psychological cela, la plupart des questions peuvent respecter la structure Association (Apa) considère l’ebp en psychologie comme étant la plus courante, reprise sous l’acronyme Pico (Falzon, l’intégration des meilleures données disponibles issues de la Davidson, Bruns, 2010 ; Kloda, Bartlett, 2013 ; Straus et al., recherche scientifique à l’expertise clinique, dans le contexte 2011) qui intègre quatre composants possibles : 16 LE JOURNAL DES PSYCHOLOGUES / MARS 2017 / N°345 16-55_JDP345.indd 16 14/02/2017 10:45 ce- based practice P = Patient / problème : Il convient de préciser que la Mini Mental State Examination (mmse) (C) pour les caractéristiques du patient, le problème (ou encore identifier des personnes présentant un début de maladie la population). Mentionner certaines caractéristiques d’Alzheimer (P) ? telles que l’âge, le sexe, la culture, une comorbidité, Ces questions, qualifiées de « premier plan » (foreground peut être pertinent pour certaines problématiques. questions), permettent ainsi d’apporter des réponses au Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Liège - - 139.165.31.13 - 12/01/2018 08h26. © Martin Média I = Intervention : L’intervention est à comprendre dans clinicien pour des situations cliniques spécifiques. En cela, un sens large. Elle peut faire référence, par exemple, à un elles sont différentes des questions dites « de base » traitement, à un test de diagnostic ou à un facteur pronostic. (background questions ; par exemple, « quels sont les Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Liège - - 139.165.31.13 - 12/01/2018 08h26. © Martin Média Il peut s’agir également d’une exposition non intentionnelle symptômes du ptsd ? » ou encore « qu’est-ce que l’emdr ? ») à un événement, mais pouvant affecter le patient / qui ne s’appliquent pas à un patient ou à une situation problème. particulière. Ces informations générales, génériques, sont, C = Comparaison : Cet élément est généralement utilisé en revanche, bien évidemment essentielles au praticien dans avec des questions concernant les effets d’une intervention le développement de son savoir, et donc de son expertise. thérapeutique (comparaison d’un traitement, par exemple, Elles permettront, en outre, de poser adéquatement une avec un autre traitement ou avec l’absence de traitement). foreground question en utilisant une terminologie spécifique O = Objectif(s) : Il s’agit ici de préciser le ou les objectif(s) et adéquate (Hoffmann, Bennet, Del Mar, 2013b). visé(s), ainsi que les paramètres qui seront pris en compte pour démontrer que l’objectif a été atteint. Rechercher les meilleures données issues Prenons un exemple pour illustrer cette formulation de la recherche de la question. Un clinicien a reçu un patient montrant une Une fois la question clinique ainsi formulée, la deuxième symptomatologie en lien avec un stress post-traumatique étape de l’ebp consiste à rechercher les données les plus (ptsd). Il connaît la littérature sur l’efficacité d’une prise robustes issues de la recherche scientifique. en charge cognitivo-comportementale de type exposition En psychologie, plusieurs types d’étude (study designs) peuvent prolongée. Toutefois, son patient lui mentionne son intérêt contribuer à une pratique psychologique fondée sur les pour l’Eye Movement Desensitization and Reprocessing données probantes. Certains (emdr). Afin de faire une recherche sur le sujet dans la types de design sont alors Apporter une réponse aux praticiens littérature scientifique, il formule la question de la manière plus adaptés que d’autres désirant appuyer leur pratique suivante : chez une personne atteinte de ptsd (P), est-ce que suivant la question posée sur les progrès théoriques, l’emdr (I) conduit plus efficacement à une amélioration des (Apa Presidential Task Force méthodologiques et techniques récents. symptômes (notons que la symptomatologie peut également on Evidence-Based Practice, être spécifiée : cauchemars, sommeil, irritabilité, tristesse, 2006) : par exemple, les essais contrôlés randomisés pour impuissance, etc.) (O1) ou à une prévention de la rechute déterminer les effets de certaines interventions ou les études (O2) que l’exposition prolongée (C) ? Pour une question qualitatives pour décrire des expériences subjectives, vécues, y concernant un diagnostic, la même logique pourrait être compris celles des personnes participant à une psychothérapie. suivie. Par exemple, la Mattis Dementia Rating Scale (drs) (I) En plus de ces études originales / primaires, qui sont présente-t-elle une meilleure sensibilité et spécificité (O) les plus abondantes, les synthèses méthodiques de la LE JOURNAL DES PSYCHOLOGUES / MARS 2017 / N°345 17 16-55_JDP345.indd 17 14/02/2017 10:45 DOSSIER Données scientifiques et pratique clinique littérature scientifique, telles que les systematic reviews sont d’autres exemples d’outils pouvant s’avérer pratiques ou encore les méta-analyses, fournissent également des pour trouver de la littérature scientifique. sources d’information très intéressantes pour le praticien, puisqu’elles sont fondées sur une recherche systématique Évaluer ces données de manière critique des études originales abordant une même problématique. Après avoir recherché et sélectionné les publications Enfin, les recommandations de bonne pratique clinique scientifiques susceptibles de fournir les données les (clinical guidelines) décrivent des propositions qui incluent plus robustes, le clinicien doit encore évaluer celles-ci de des recommandations particulières destinées à optimiser les manière critique. Avant toute application dans la pratique, soins d’un patient. Elles doivent s’appuyer sur une synthèse il est, en effet, essentiel d’évaluer la validité interne méthodique des données issues de la recherche scientifique (la « qualité ») des études sélectionnées, l’importance et mentionner les avantages et les inconvénients des options des résultats et leur applicabilité (dans le contexte alternatives de soins (Institute of Medicine of the National de sa propre pratique) (Straus et al., 2011). Tous les types d’étude ne s’évaluent cependant pas de la même manière : par exemple, les critères d’évaluation d’un essai contrôlé Les données ainsi recueillies, jugées valides et randomisé sont différents de ceux d’une synthèse méthodique de la littérature. Des grilles de lecture pertinentes pour le patient, doivent ensuite servir spécifiques aux différents types d’étude constituent dès à alimenter la prise de décision et non l’imposer. lors un support essentiel pour cette étape de l’ebp. Peuvent Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Liège - - 139.165.31.13 - 12/01/2018 08h26. © Martin Média être citées, à titre illustratif, la grille Consort 2 qui comprend vingt-cinq critères à prendre en compte pour évaluer Academies 1). Les evidence-based clinical guidelines sont des essais contrôlés randomisés (par exemple, explications Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Liège - - 139.165.31.13 - 12/01/2018 08h26. © Martin Média encore peu nombreuses en psychologie clinique. La synthèse fournies dans l’article quant à la randomisation) et la grille des résultats des études primaires et leur traduction Prisma 3 qui contient vingt-sept critères pour l’évaluation en directives pour la pratique sont, en effet, des processus des synthèses méthodiques de la littérature (par exemple, qui prennent du temps (Green, 2001). Toutefois, le clinicien explications fournies dans l’article quant à la stratégie pourra parfois récolter des informations pertinentes de recherche documentaire). Une liste des grilles adaptées dans les guidelines d’autres disciplines. à différents types de publications est notamment disponible Afin de trouver ces références d’études originales, de sur le site Web de l’Equator Network (Enhancing the Quality synthèses de la littérature ou encore de recommandations and Transparency Of health Research). de bonne pratique clinique, différents types d’outils de recherche sont disponibles pour le praticien. Leur Appliquer les résultats dans la pratique choix dépendra de la question posée et de l’information Les données ainsi recueillies, jugées valides et pertinentes recherchée. Peuvent être citées, de manière non exhaustive, pour le patient, doivent ensuite servir à alimenter la prise les bases de données bibliographiques, telles que PsycINFO de décision et non l’imposer. Ce processus sera mené et Medline / PubMed ou encore des bases de données qui en concertation avec le patient. Pour cela, celui-ci devrait ciblent un type particulier de publication : le Cochrane Central posséder une compréhension partagée de ses besoins ou Register of Controlled Trials, qui contient des références difficultés, du coût-bénéfice probable des différentes options d’essais contrôlés randomisés dans le domaine de la santé, qui s’offrent à lui, ainsi que des ressources disponibles la Cochrane Database of Systematic Reviews ou encore la base et nécessaires pour telle ou telle intervention (Apa de données Campbell Systematic Reviews qui contiennent Presidential Task Force on Evidence-Based Practice, 2006). des (références de) synthèses méthodiques de la littérature La collaboration active du patient est généralement un facteur développées respectivement par la Cochrane Collaboration et primordial en psychologie tant dans le processus évaluatif la Campbell Collaboration. Pour trouver des recommandations que dans le traitement. de bonne pratique clinique, il peut être utile de consulter les Une fois l’intervention choisie (à comprendre à nouveau ressources développées à cet effet par la British Psychological dans un sens large), l’étape suivante consiste alors à trouver Society, l’Apa, ou encore par la Haute autorité de santé un équilibre entre l’implémenter fidèlement et l’adapter (France), l’Agency for Healthcare Research and Quality, aux besoins, spécificités de la personne, ou à certaines le Guidelines International Network. Des moteurs de recherche conditions de travail du praticien (Van den Broucke, 2012). spécialisés, comme Trip (Turning Research Into Practice), Adapter une intervention sur mesure pour le patient dans 18 LE JOURNAL DES PSYCHOLOGUES / MARS 2017 / N°345 16-55_JDP345.indd 18 14/02/2017 10:45 le but d’en améliorer son efficacité est un véritable défi Wachtel, 2010). Cela s’explique, notamment, par le fait pour le clinicien, mais également le cœur de son métier. Par que les premiers textes sur l’ebp en psychologie ont exemple, relier simplement un traitement spécifique à un souvent décrit de façon très sommaire la démarche, trouble spécifique est une méthode qui n’est pas toujours se limitant parfois à une discussion sur les essais contrôlés optimale (Huppert et al., 2001). « Il est parfois plus important randomisés et réduisant un processus complexe à une de savoir quel patient présente le trouble que de savoir quel liste d’interventions validées (Norcross and Karpiak, 2012). trouble est présenté par le patient. » (Sir William Osler, cité par Ces premiers écrits ont donné une image parfois rigide Norcross and Karpiak, 2012.) L’expertise clinique implique, et peu humaniste à la démarche ebp, dont certains pensent dès lors, la maîtrise des méthodes d’intervention elle-mêmes, qu’elle consiste à sélectionner, tel un technicien, un mais également la capacité d’adapter l’intervention au cas traitement issu d’une liste, sans prendre en considération particulier et aux réactions du patient 4. Pour un traitement, l’expertise du clinicien, la contribution et la spécificité du cette adaptation nécessite, par exemple, de se questionner patient, ainsi que la collaboration entre les deux. Comme sur les « ingrédients » responsables de son efficacité. Cette mentionné cependant par l’Apa (Apa Presidential Task Force démarche inférentielle, pour s’intégrer dans le processus ebp, on Evidence-Based Practice, 2006), une démarche ests devrait s’inscrire alors dans une évaluation et un ajustement démarre d’un traitement pour se demander ensuite pour constant de la méthode aux besoins. Plusieurs études quels troubles ou situations spécifiques il est efficace. montrent à cet égard les effets positifs d’une évaluation Une démarche ebp, quant à elle, part du patient pour continue de la progression du patient au cours du traitement se demander ensuite comment les données issues de la Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Liège - - 139.165.31.13 - 12/01/2018 08h26. © Martin Média (par exemple, Lambert and Shimokawa, 2011 ; Shimokawa, recherche (incluant les résultats des études randomisées) Lambert, Smart, 2010). L’évaluation pourrait porter tant sur pourront assister le clinicien dans l’obtention des meilleurs les facteurs spécifiques du traitement que sur les facteurs résultats possibles. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Liège - - 139.165.31.13 - 12/01/2018 08h26. © Martin Média transversaux (par exemple, la qualité de la relation ; Lambert, Parallèlement, certains psychologues rejettent le principe Ogles, 2014). même des données probantes. Par exemple, alors que les essais contrôlés randomisés constituent la voie d’or en Évaluation de la performance médecine pour évaluer l’efficacité d’un traitement, certains La dernière étape recommande au clinicien d’autoévaluer psychologues exprimeront leur scepticisme, avec l’idée ses capacités d’exécuter les différentes étapes de l’ebp (la – sans doute en partie justifiée – que les patients, dans question posée était-elle pertinente et bien formulée ? les ces études, ont une histoire, des difficultés, des ressources sources consultées étaient-elles les meilleures au vu de la ou des aspirations si différentes de leur patient que les question posée ?, etc.). L’objectif de cette démarche réflexive résultats ne sont pas transférables. Tantôt sélectionnés sans est d’améliorer ses stratégies pour la mise en œuvre d’une comorbidité, tantôt assignés aléatoirement à un traitement pratique fondée sur les données probantes. Cette dernière (Weinberger, 2014), les conditions des patients semblent étape est tout aussi essentielle que les autres, afin que parfois très éloignées de ce qui se passe en clinique. Plus le clinicien puisse appliquer efficacement la démarche que la méthode, la notion même de donnée probante est dans sa pratique quotidienne, en un minimum de temps. parfois discutée. Contrairement à une intervention médicale, il est, en effet, parfois complexe de définir la « preuve » PRÉJUGÉS ET OBSTACLES de l’efficacité d’une intervention psychologique. Parfois, La terminologie « evidence-based » inquiète beaucoup l’effet n’est visible qu’à très long terme et peut concerner de collègues en psychologie. Certains intervenants ou différents niveaux de mesure (Van den Broucke, 2014) : auteurs alimentent une confusion autour de la démarche ebp, tantôt décrite comme une tentative de médicaliser Notes la profession, tantôt réduite et confondue avec le concept de « traitements empiriquement fondés » (ests, empirically 1. Institute of Medicine of the National Academies, 2011, « Clinical Practice Guidelines We Can Trust », https://www.nap.edu/read/13058/chapter/1. supported treatments) qui désigne les méthodes de 2. http://www.consort-statement.org/ traitement avec des bases scientifiques solides, élaborées pour des troubles spécifiques. De nombreuses enquêtes 3. http://www.prisma-statement.org/ chez les étudiants ou professionnels indiquent, en effet, 4. Canadian Psychological Association, 2012, « Evidence-Based Practice of Psychological Treatments. A Canadian Perspective », http://www.cpa.ca/ que l’ebp en psychologie est identifiée comme étant docs/File/Practice/Report_of_the_EBP_Task_Force_FINAL_Board_ un synonyme des ests (par exemple, Luebbe et al., 2007 ; Approved_2012.pdf. LE JOURNAL DES PSYCHOLOGUES / MARS 2017 / N°345 19 16-55_JDP345.indd 19 14/02/2017 10:45 DOSSIER Données scientifiques et pratique clinique la diminution de symptôme, le risque moindre les différentes données issues de la recherche, de la pratique de récidive, le sentiment de réalisation personnelle, clinique avec les préférences et les caractéristiques l’amélioration de la qualité de vie, etc. du patient. Toutefois, ces arguments ne sont pas contraires à la démarche ebp Un deuxième défi consiste, pour les cliniciens et en psychologie, puisqu’elle consiste à développer une pratique les chercheurs, à joindre leurs efforts pour accroître « informée » par les données issues de la recherche et leur les interactions entre la recherche et la pratique dans le Cé analyse critique (telle intervention permet tel résultat pour les but de développer une recherche valide et des données D clients ayant tels problèmes similaires), tout en tenant compte cliniquement pertinentes. Cette recherche devrait psychol des spécificités (par exemple, est-ce que s’intéresser à tous les facteurs Ps telle autre comorbidité ou tel élément et leurs combinaisons susceptibles contextuel peut altérer l’efficacité de L’ebp constitue d’influencer l’efficacité de la pratique l’intervention ?) et des objectifs du patient une véritable opportunité psychologique (par exemple, (par exemple, est-ce que le résultat décrit de faire évoluer les étude de l’effet de comorbidité, est celui escompté ?). Plus généralement, pratiques professionnelles de modérateur, étude de la possibilité rejeter l’utilité de données probantes et de permettre de transposer, adapter ou généraliser pourrait revenir à l’idée de recommencer une meilleure valorisation à d’autres populations certaines de novo pour chaque patient, sans aucune de la psychologie. d’ests, etc.). Emman idée de ce qui pourrait être utile pour Une réflexion pourrait, par ailleurs, Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Liège - - 139.165.31.13 - 12/01/2018 08h26. © Martin Média cette personne. être menée concernant la littérature Vice-d Enfin, plusieurs autres obstacles sont encore régulièrement scientifique et la présentation des données originales Université discutés concernant le développement d’une démarche ebp. (Chelune, 2002). Les données pourraient être présentées Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Liège - - 139.165.31.13 - 12/01/2018 08h26. © Martin Média Le plus important concerne probablement les contraintes de telle sorte qu’elles puissent être plus facilement lisibles pratiques des cliniciens (Addis, 2002) rendant parfois difficile et directement exploitables par l’utilisateur final, à savoir l’étape consistant à rechercher et consulter la littérature le praticien. Certaines statistiques (par exemple, la p value pertinente (Hannes, Goedhuys, Aertgeerts, 2012). ou taille d’effet pour des comparaisons de groupe) peuvent Cela est particulièrement vrai dans les contextes hospitaliers être, en effet, difficilement transposables en situation où les rythmes imposés laissent parfois peu de place à clinique individuelle, même par les plus avertis. Dans le la réflexion. Il arrive que certains cliniciens se retrouvent même ordre d’idée, des résumés critiques (avec mise en Jean- avec près de trente heures de contact patient par semaine. évidence et évaluation des principaux messages clés) Psycholog Or, l’ensemble des étapes décrites plus haut peut prendre d’études scientifiques ou encore des synthèses cliniques quelques heures pour une seule question posée (Maillart, combinant l’ensemble des données actuelles par rapport Durieux, 2012). à une problématique et régulièrement mises à jour (Alper Notons également le manque d’accès de certains cliniciens and Haynes, 2016) pourraient également être développés aux ressources documentaires ou encore le coût prohibitif en psychologie, afin de soutenir une pratique fondée sur les des formations pour les cliniciens qui voudraient se tenir données probantes. au courant des multiples méthodologies empiriquement fondées (Laska, Gurman, Wampold, 2014). EN CONCLUSION Il peut être rappelé que l’ebp est une démarche à initier, DÉFIS ET DÉVELOPPEMENTS lorsque le clinicien se pose une question précise pour un POUR LA PROFESSION patient particulier. Elle peut, néanmoins, également être Un premier défi est sans doute pour les universités qui appliquée régulièrement par le praticien qui désire maintenir doivent penser l’articulation entre les cours indispensables son niveau de compétence et « rester bien informé ». Malgré à l’approche scientifique (cours de recherche d’information les obstacles et les développements essentiels pour que scientifique, de statistiques, de méthodes de recherche, etc.), cette démarche puisse être intégrée dans le quotidien des d’une part, et les cours de psychologie clinique, d’autre part. psychologues, l’ebp constitue une véritable opportunité En effet, dans la plupart des cursus, les premiers arrivent tôt, de faire évoluer les pratiques professionnelles et de alors que les cours de psychologie clinique ont tendance à permettre une meilleure valorisation de la psychologie. Aux être abordés en dernier. La formation devrait alors apprendre associations professionnelles et aux politiques de soutenir au futur psychologue à intégrer de façon flexible et critique cette démarche et d’en faire la promotion ! ◗ 20 LE JOURNAL DES PSYCHOLOGUES / MARS 2017 / N°345 16-55_JDP345.indd 20 14/02/2017 10:45

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