Droit des sûretés - Cours PDF
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Ce document présente un cours sur le droit des sûretés. Il couvre les sûretés personnelles et réelles, ainsi que leur importance économique. Le cours est destiné aux étudiants de quatrième année de droit.
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Domaine : Sciences juridiques, politiques et de l’Administration Parcours : Licence Faculté de Droit Code et Intitulé de l’UE : DRV 319 Droit des sûretés Crédits : 5 pour le droit privé (Cours et travaux dirigés) et 3 pour le droit public (cours) Public cible : Étudiants du semestre IV, droit publ...
Domaine : Sciences juridiques, politiques et de l’Administration Parcours : Licence Faculté de Droit Code et Intitulé de l’UE : DRV 319 Droit des sûretés Crédits : 5 pour le droit privé (Cours et travaux dirigés) et 3 pour le droit public (cours) Public cible : Étudiants du semestre IV, droit public et droit privé Semestre IV Enseignant responsable de l’UE : WOLOU Komi Professeur agrégé en Droit privé Faculté de droit Tél. 90132693 Disponibilité : Mercredi, 10 heures à 13 heures pour échanger avec les étudiants par RESCOUL Page 1 of 88 1 2. DESCRIPTION DE L’UNITE D’ENSEIGNEMENT 2.1 OBJECTIFS DE L’UNTE D’ENSEIGNEMENT Objectif général : Faire assimiler les notions de sûretés, leur importance économique, les différentes catégories de sûretés de même que leurs mécanismes de leur constitution à leur réalisation. Objectifs spécifiques : - Distinguer les sûretés personnelles des sûretés réelles - Connaître les régimes de chacune des sûretés. - Évaluer l’efficacité de chaque sûreté 2.2 CONTENU DE L’UNITE D’ENSEIGNEMENT Il s'agira d'abord dans une introduction de mettre l'accent sur la notion de sûretés, leur caractère accessoire, leur importance économique, les critères d'évaluation de leur efficacité et les différentes classifications des sûretés. Dans la première partie, il sera étudié non seulement les deux sûretés personnelles que prévoit l'AUS à savoir le cautionnement et la garantie autonome mais aussi le crédit documentaire en raison de sa proximité avec la garantie autonome et son importance dans la pratique du commerce international. La deuxième partie sera consacrée aux sûretés réelles. Trois aspects retiendront l'attention à savoir les sûretés réelles mobilières notamment le gage, le droit de rétention, la réserve de propriété, le transfert fiduciaire de sommes d'argent, la cession de créances, les nantissements, la seule sûreté immobilière prévues par l'acte, l'hypothèque, et enfin les privilèges. Séance n° Rappel des objectifs Titres des parties/ chapitres / sous-chapitres spécifiques 1 - Maîtriser les notions Introduction générale de sûretés, de sûretés § 1) Objet et Définition des sûretés personnelles, sûretés § 2) Rôle et importance des sûretés réelles, agent de § 3) Efficacité des sûretés. sûretés § 4) Classification des sûretés - Saisir l’importance des § 5) Législation sûretés - Évaluer l’efficacité § 6) Agent des sûretés d’une sûreté 2 - Rapprocher les Première partie sûretés personnelles Les sûretés personnelles des institutions voisines § 1) Les caractères des sûretés personnelles - Connaître les § 2) Typologie des sûretés personnelles différentes sortes de sûretés personnelles Page 2 of 88 2 - Cerner les rapports Chapitre I : Le cautionnement. entre les différentes parties impliquées Sect. I : Le contexte du cautionnement. dans le §1) Les relations entre les personnes. cautionnement § 2) Les relations entre les contrats - Tirer les enseignements du caractère accessoire du cautionnement 3 - Maîtriser les règles se Sect. II : Le contrat de cautionnement lui-même rapportant à la §1) Conditions de formation du cautionnement formation du §2) Les modalités du cautionnement cautionnement § 3) L’étendue du cautionnement - Déterminer les droits et obligations de la caution selon les modalités du cautionnement 4 - Maîtriser la fin du Section III : Le dénouement du cautionnement cautionnement § 1) Le dénouement par le paiement. - Connaître les §2) Les autres dénouements du cautionnement différents recours offerts aux parties Chapitre 2 : La garantie autonome - Comprendre le mécanisme de la garantie autonome Section 1 : Nature juridique et mécanisme de la garantie autonome Section 2 : La formation de la garantie autonome 5 Section 3 : Effets de la garantie autonome - Comprendre le régime Section 4 : La mise en œuvre de la garantie de la garantie § 1) L’appel à garantie autonome § 2) Le dénouement de la garantie - Saisir les différences § 3) Le recours judiciaire et les similitudes entre garantie autonome et crédit documentaire Chapitre 3 : Le crédit documentaire 6 Deuxième partie - Connaître les règles Les sûretés réelles communes aux Introduction sûretés réelles Section 1: Le régime primaire des sûretés Page 3 of 88 3 - Comprendre réelles l’importance des I§1) Les règles fondées sur la préservation du inscriptions des gage commun des créanciers sûretés § 2) Les règles fondées sur la nature des sûretés §3) Les règles répondant à des exigences particulières de l’ordre public. Section 2 : Classification des sûretés réelles. Section 3 : Les sûretés par voie détournée et les autres garanties Section 4 : Les sûretés conçues comme telles Section 5 : L’inscription des sûretés mobilières 7 - Maîtriser le régime général du gage Chapitre I : Le gage - Maîtriser les règles Section 1 : Constitution du gage particulières de § 1) Les conditions de fond certains gages § 2) Formalités du gage Section 2 : Effets du gage § 1) Les effets avant l’échéance § 2. Les effets à l’échéance de la garantie Section 3 : Extinction du gage § 1) L’extinction par voie d’accessoire § 2) Extinction par voie principale Section 4 : Les dispositions particulières à certains gages §1. Le gage du matériel professionnel et des véhicules automobiles § 2. Le gage de stocks. 8 - Comprendre les spécificités du droit de Chapitre 2 : Les autres sûretés mobilières rétention Section 1 : Le droit de rétention - Comprendre les §1) Conditions d’exercice du droit de mécanismes des rétention sûretés fondés sur la propriété § 2) Effets du droit de rétention Section 2. La propriété retenue ou cédée à titre de garantie §1. La réserve de propriété § 2. La propriété cédée à titre de garantie Page 4 of 88 4 Section 3. Les nantissements § 1) Le nantissement de créance § 2) Le nantissement de compte bancaire § 3) Le nantissement de compte de titres financiers. 9 - Maitriser la constitution de Chapitre 3 : La sûreté réelle immobilière : l’hypothèque l’hypothèque - Maîtriser les effets et Section I. L’hypothèque conventionnelle le dénouement de §1. Constitution de l’hypothèque l’hypothèque conventionnelle § 2 : Effets de l’hypothèque § 3 : Le sort de l’hypothèque conventionnelle Section 2 : Les hypothèques forcées § 1 : L’hypothèque forcée légale § 2 : L’hypothèque judiciaire 10 - Comprendre les Chapitre 4 : Les privilèges spécificités des privilèges Section I : Les privilèges généraux - Maîtriser la mise en Section II : Les privilèges spéciaux. œuvre des privilèges 11 - Maîtriser les éventuels Révision générale points qui n’ont pas été compris. 12 Page 5 of 88 5 Introduction générale § 1) Objet et Définition des sûretés L’existence des sûretés vise à réduire les risques d’un défaut de paiement d’une créance. En effet, le paiement d’une dette est lié à la fluctuation du passif et de l’actif du patrimoine du débiteur. La réduction de la menace d’un défaut de paiement peut être recherchée soit par l’adjonction au débiteur d’une ou de plusieurs autres personnes (sû retés personnelles puisque c’est l’établissement de créances sur d’autres personnes) ou par l’affectation prioritaire de certains éléments du patrimoine du débiteurs (sû retés réelles). Les sû retés personnelles et les sû retés réelles recouvrent des situations très disparates, ce qui rend difficile une définition précise de la notion. La définition est donc nécessairement vague. La sû reté est une prérogative superposée aux prérogatives ordinaires du créanciers par le contrat, la loi ou un jugement et qui a pour finalité juridique exclusive de la protéger contre l’insolvabilité du débiteur. Aux termes de l’article 1er de l’Acte Uniforme portant organisation des sû retés du 17 avril 1997, les sû retés sont les moyens accordés au créancier par la loi de chaque Etat partie ou la convention des parties pour garantir l’exécution des obligations quelle qu’en soit la nature. L’article 1er du nouvel Acte uniforme adopté le 14 décembre 2010 dispose que « Une sûreté est l’affectation au bénéfice d’un créancier, d’un ensemble de biens ou de patrimoine afin de garantir l’exécution d’une obligation ou d’un ensemble d’obligations, quelle que soit la nature juridique de celle-ci et notamment qu’elles soient présentes ou futures, déterminées ou déterminables, conditionnelles ou inconditionnelles, et que leur montant soit fixe ou fluctuant». Certaines règles, institutions ou mécanismes peuvent aussi protéger le créancier contre les risques d’insolvabilité du débiteur. On peut citer à titre d’exemple l’action directe, l’action paulienne, l’action oblique ou encore la compensation. Mais elles ne sont pas des sû retés. Elles constituent plutô t des garanties. Les garanties consistent en toute mesure destinée à assurer la sécurité de la formation ou de l’exécution des transactions. Les sû retés tendent exclusivement et délibérément à ménager le paiement d’une créance, à éviter les inconvénients de l’insolvabilité du débiteur. Quand bien même les garanties peuvent aussi aboutir à ce résultat, ce dernier n’est pas de leur essence. Les sûretés ont un caractère accessoire en ce que leur existence ne se justifie que parce qu’il existe une obligation initiale, déjà nées ou qui pourrait naître. Ce caractère accessoire est illustré par l’article 2 de l’Acte du 15 décembre qui dispose que « sauf disposition contraire du présent Acte, les sû retés qu’il régit sont accessoires de l’obligation dont elles garantissent l’exécution ». § 2) Rôle et importance des sûretés Les sûretés découlent du crédit et en permettent le développement. Les possibilités de financement des établissements financiers sont tributaires de leur exposition au Page 6 of 88 6 risque de défaillance de leurs clients et donc de la qualité des sû retés dont ils peuvent bénéficier à l’occasion des prêts1. Ainsi, les garanties facilitent l’accès au crédit en réduisant les pertes potentielles dues au risque de non-paiement 2. Le renforcement de la qualité des sûretés est une préoccupation internationale et justifie de nombreuses réformes entreprises dans différents pays. Nous citerons l’Ordonnance française du 23 mars 2006 réformant le droit des sû retés. De même, la Commission des Nations-Unies pour le droit commercial international (CNUDCI) a publié en 2008 un guide législatif relatif aux obligations garanties. En Europe, un Groupe de travail subventionné par la Commission européenne a publié en 2008, les principes européens des sû retés personnelles. Le nouvel Acte Uniforme a été inspiré par l’Ordonnance du 23 mars 2006 mais aussi par les propositions de la CNUDCI. Le crédit naît du décalage entre deux prestations d’un échange économique. (Exp. La livraison qui précède le paiement du prix dans le cadre de la vente). Il dépend de la confiance faite au débiteur Le mot crédit au sens étymologique et économique signifie d’ailleurs confiance. De la part du débiteur, avoir du crédit, c’est inspirer confiance. Cette confiance elle-même est tributaire des qualités de ce dernier. Or il est aujourd’hui de plus en plus difficile de connaître ces qualités et de les apprécier, notre société étant une société de masse. La sûreté vient suppléer l’insuffisance des connaissances des débiteurs et renforcer le paiement futur. Elle a pour fonction de limiter ces risques inhérents au crédit. Une bonne sû reté peut assurer la survie ou le développement d’un secteur. On distingue les sûretés actives et les sûretés passives. Dans les sûretés actives, le créancier espère que le financement engendrera lui-même les capacités de remboursement. Ce pari est risqué (Exp. Sû retés prises sur les biens à produire ou sur le pétrole à extraire). Les sû retés passives sont celles qui portent sur autres choses que la capacité du débiteur : un immeuble, un tiers, une somme d’argent etc. Ces sû retés sont certainement plus solides. L’existence et le régime des sû retés sont en relation directe avec l’exécution des obligations puisqu’elles sont constituées en vue de leur exécution. Les sû retés sont en rapport avec la notion de patrimoine ; le droit de gage général des créanciers n’est autre chose que le patrimoine de leur débiteur. § 3) Efficacité des sûretés. Quatre catégories de caractères permettent d’apprécier l’efficacité d’une sû reté. 1- La simplicité dans la constitution, la facilité dans la constitution, le coû t peu élevé. 1 P. CROCQ, Les grandes orientations du projet de réforme de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés, Droit &Patrimoine, novembre 2010, p. 52. 2 L. Y. BBLACK, Enjeux économique de la réforme de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés : un atout pour faciliter l’accès au crédit, Droit &Patrimoine, novembre 2010, p. 46. Page 7 of 88 7 2- La capacité d’évolution de la sû reté en même temps que les créances sur le débiteur. Les sû retés réelles sont soumises au principe de la spécialité qui empêche cette évolution. 3- La faculté à ménager le crédit du constituant (exemple de l’hypothèque puisque le constituant conserve toujours l’usage du bien à la différence du gage). 4- La facilité de réalisation : une exécution efficace qui implique des procédures peu coû teuses et rapides permettant au créancier de couvrir sa créance et les frais. Le droit des procédures collectives a malmené les sû retés alors que c’est justement dans l’entreprise en difficulté que les sû retés deviennent plus nécessaires. Les sû retés personnelles semblent mieux résister dans la destruction des sû retés par les procédures collectives. § 4) Classification des sûretés Selon leur source, on distingue les sû retés conventionnelles, les sû retés légales ou judiciaires. Selon leur objet, on distingue les sû retés réelles et les sû retés personnelles. A) Sû retés conventionnelles, légales ou judiciaires Les sû retés conventionnelles sont celles qui ont été librement voulues par les parties à un contrat. Les sû retés légales sont celles conférées par la loi à certains bénéficiaires. Elles expriment le choix d’une hiérarchie des intérêts. Il peut s’agir d’intérêts privés jugés dignes de la sollicitude du législateur. Elles témoignent parfois de l’intérêt général sur les intérêts privés. Tel est le cas lorsque les bénéficiaires sont l’Etat ou les collectivités publiques. Les sû retés judiciaires sont constituées par décision de justice, la loi délégant le pouvoir au juge. B) Sû retés réelles et sû retés personnelles Les sû retés personnelles sont constituées par l’engagement d’une personne garantissant l’exécution de l’obligation du débiteur principal en cas de défaillance de celui-ci ; elles consistent en l’adjonction d’un débiteur (donc d’un patrimoine) au débiteur principal et au patrimoine de celui-ci. Exemple : Le cautionnement, la garantie autonome. Les sû retés réelles portent sur des biens meubles ou immeubles du débiteur et sont dites sû retés réelles mobilières (gage, nantissement) dans le premier cas et sû retés réelles immobilières dans le second (hypothèque). § 5) Législation Au lendemain des indépendances des pays africains de la zone franc, le droit des sû retés était hérité du droit français notamment le code civil (articles 2011 à 2203), du code de commerce (pour le gage commercial). A part le Sénégal et le Mali, aucun autre pays de la zone franc n’avait entrepris la réforme des sû retés. Ce droit a bien vieilli et nécessitait une réforme. C’est ce que vient réaliser l’OHADA spécialement l’Acte portant organisation des sû retés du 17 avril 1997. Cet Acte a été aussi abrogé par l’adoption d’un nouvel Acte le 14 Décembre 2010. Page 8 of 88 8 Cependant, l’Acte du 17 avril conserve encore une utilité et justifie que soient encore étudiées ses dispositions. En Aux termes de l’article 227 du nouvel Acte, « Le présent Acte uniforme, qui abroge l’Acte uniforme portant organisation des sûretés du 17 avril 1997, n’est applicable qu’aux sûretés consenties ou constituées après son entrée en vigueur. Les sûretés consenties ou constituées antérieurement au présent Acte uniforme et conformément à la législation alors en vigueur restent soumises à cette législation jusqu’à leur extinction ». L’acte uniforme s’applique à toutes les sû retés qu’il organise, quelle que soit la nature juridique de l’obligation garantie (obligation civile ou commerciale). C’est ce qui résulte de l’article 1er de l’AUS de l’ancien et du nouvel Acte. Aux termes de l’article 150 AUS du 17 avril 1997, « Sont abrogés toutes les dispositions antérieures contraires à celles du présent Acte uniforme ». La doctrine s’est interrogée sur la portée de cette disposition. Cet article abroge-t-il tous les textes législatifs et réglementaires nationaux ayant le même objet que lui ou seulement les dispositions de ces textes qui seraient contraires aux siennes ? Il convient de relever que l’Acte du 15 décembre apporte dorénavant des réponses à cette controverse. D’abord à la question de savoir s’il est possible que des dispositions législatives complémentaires puissent régir les sû retés déjà prévues et réglementées par l’Acte, on admettra que « la supériorité du droit uniforme par rapport aux droits nationaux a pour conséquence qu’elles ne sauraient faire l’objet d’une législation complémentaires »3. Cette analyse est permise puisqu’à la différence de l’article 150 précité, il n’a plus été précisé que seules les dispositions contraires à l’acte sont abrogées. L’article 4 al. 4 du nouvel Acte précise aussi les cas dans lesquels une législation particulières peut régir les sûretés. Ensuite, sur la question de savoir si les parties peuvent ou non librement créer des de nouvelles sû retés, le nouvel Acte fait une distinction entre sû retés personnelles et sû retés réelles. S’agissant des sûretés personnelles, la liberté contractuelle subsiste en la matière. En effet, le nouvel article 4 disposant que « Les sûretés personnelles au sens du présent Acte … » suggère qu’il puisse y avoir d’autres sûretés personnelles autres que celles régies par le présent Acte. S’agissant par contre des sûretés réelles, une réponse négative s’impose. En effet, aux termes de l’al. 2 du même article, « Sauf disposition contraire du présent Acte uniforme, les sûretés réelles valablement constituées sont celles qui sont régies par cet acte ». Cette interdiction se justifierait « d’une part par le principe de l’égalité des créanciers qui implique que des droits de préférence sur les biens de leur débiteur ne leur soit reconnu si un texte l’a expressément prévu, et d’autres part, la volonté d’empêcher de trop grands bouleversements du droit des sûretés … ». Aux termes de l’article 1er al. 2, « Les sû retés propres au droit fluvial, maritime et aérien font l’objet de législations particulières ». L’article 4 al. 4 reprend la même idée mais étend son domaine. Ce texte dispose en effet que « Les sû retés propres au droit fluvial, maritime et aérien, les sû retés légales autres que celles régies par le présent acte 3 P. CROCQ, op. cit. p. 54. Page 9 of 88 9 uniforme, ainsi que les sû retés garantissant l’exécution de contrat conclus exclusivement entre établissement de financement, peuvent faire l’objet de législations particulières. La plupart de ces sû retés sont aussi gouvernés par des accords internationaux. Ceci justifie aussi cette exclusion. Relevons que des innovations ont été faites par le nouvel Acte uniforme, tant en ce qui concerne les sû retés réelles que les sû retés personnelles. Ces innovations seront étudiées chacune dans la catégorie dont elle relève (sû retés personnelles et sû retés réelles). Il importe néanmoins de relever une évolution particulière qui transcende le clivage sû retés réelles, sû retés personnelles. Il s’agit de la création de l’agent de sû retés, régi par les articles 5 à 11 de l’Acte du 15 décembre. En effet, aux termes de l’article 5 « Toute sû reté ou autre garantie de l’exécution d’une obligation peut être constituée, inscrite, gérée er réalisée par une institution financière ou un établissement de crédit, national ou étranger, agissant, en son nom et en qualité d’agent des sû retés, au profit des créanciers de la ou des obligations garanties l’ayant désigné à cette fin ». L’institution de l’agent des sû retés devrait favoriser des investissements importants réalisés par des pools bancaires. Pour prendre en compte l’ensemble de la matière, il sera étudié dans une première partie les sû retés personnelles puis dans un second, les sû retés réelles. Mais il importe auparavant de préciser les règles régissant l’agent de sû retés. § 6) Agent des sûretés La qualité d’agent des sûretés est ici réservée aux seules banques ou établissements de crédit nationaux ou étrangers, c’est-à-dire à des structures dont l’activité fait l’objet d’un agrément et d’un contrôle étatiques. La désignation de l’agent des sû retés n’est pas obligatoirement faite dans l’acte qui constate l’obligation garantie : elle peut être effectuée postérieurement, ce qui donne beaucoup plus de souplesse au mécanisme. Cependant l’acte de désignation est soumis à un formalisme. Non seulement il est écrit mais aussi, à peine de nullité, doit mentionner : 1°) la ou les obligations garanties ou, si elles sont futures, les éléments de nature à permettre leur individualisation, tels que l'indication de leur débiteur, de leur lieu de paiement, de leur montant ou l'évaluation de ce dernier, et de leur échéance ; 2°) l'identité, au jour de la désignation de l'agent des sû retés, des créanciers de la ou des obligations garanties ; 3°) l'identité et le siège social de l'agent des sû retés ; 4°) la durée de sa mission et l'étendue de ses pouvoirs d'administration et de disposition; 5°) les conditions dans lesquelles l'agent des sû retés rend compte de sa mission aux créanciers de la ou des obligations garanties. La mission de l’Agent de sûreté consiste à représenter les créanciers dans leurs rapports avec les débiteurs et garant, les constituants et les tiers. Il peut constituer, gérer et réaliser une sûreté au profit du créancier. Page 10 of 88 10 L’étendue des pouvoirs de l’Agent de sû reté dépend en réalité des stipulations conventionnelles. Il pourrait intenter une action en justice pour défendre les intérêts des créanciers. Lorsque dans le cadre de sa mission d’agent de sûreté, la propriété des biens lui sont transférées ou lorsqu’il reçoit paiement au profit des créanciers, ces biens forment un patrimoine séparé de son patrimoine propre. Ils constituent un patrimoine d’affectation et ils ne peuvent être saisis que par les titulaires de créances nées de la conservation et de la gestion de ces biens. Il en sera ainsi, alors même que l’Agent de sû reté serait soumis à une procédure collective d'apurement du passif. La loi prévoit la possibilité pour l’Agent de sû retés de se substituer un tiers dans l’exécution de sa mission, à condition que l’Acte de désignation l’ait prévu. Le cas échéant, les créanciers des obligations garanties peuvent agir directement contre la personne que l'agent des sû retés s'est substituée. Mais l’Agent de sû reté répondra aussi de sa faute lorsqu’il aurait commis une faute dans le choix de la personne dont il s’est substitué dans l’exécution de sa mission. Qu’adviendrait-il lorsque l’Agent de sû reté se substitue un tiers dans l’exécution de sa mission alors que l’Acte de désignation ne l’aurait pas prévu. Dans ce cas, l’Agent de sû reté répondra des fautes commises par le tiers dans l’exécution de sa mission. L’acte de désignation peut aussi prévoir les conditions de remplacement de l'agent des sûretés si celui-ci manque à ses devoirs ou met en péril les intérêts qui lui sont confiés ou encore s'il fait l'objet de l'ouverture d'une procédure collective d'apurement du passif. On le constate, la révocation de l’agent de sû retés ne relève pas d’un pouvoir discrétionnaire du créancier. Cette révocation n’est possible que lorsqu’il manque à ses devoirs, met en péril les intérêts qui lui sont confiés ou fait l’objet d’une procédure collective. Dans les mêmes hypothèses cet acte peut également prévoir les conditions de remplacement de l'agent des sû retés si celui-ci manque à ses devoirs ou met en péril les intérêts qui lui sont confiés ou encore s'il fait l'objet de l'ouverture d'une procédure collective d'apurement du passif. En l'absence de dispositions contractuelles en ce sens, les créanciers de l'obligation garantie peuvent, dans les hypothèses précitées, demander à la juridiction compétente, statuant à bref délai, la nomination d'un agent des sû retés. S’agissant de la responsabilité de l’agent de sû retés, l’article 11 de l’AUS dispose que « A défaut de disposition contraire dans l'acte le désignant, la responsabilité de l'agent des sû retés à l'égard des créanciers de la ou des obligations garanties s'apprécie comme celle d'un mandataire salarié ». Il résulte de ces dispositions que la responsabilité de l’agent de sû reté est en principe définie par l’accord des parties. C’est à défaut de précision contractuelle qu’il faudra se référer aux dispositions du contrat de mandat rémunéré. Page 11 of 88 11 Première partie Les sûretés personnelles Aux termes de l’article 4 al. 1, « Les sû retés personnelles, au sens du présent Acte uniforme, consistent en l’engagement d’une personne de répondre de l’obligation du débiteur principal en cas de défaillance de celui-ci ou à première demande du bénéficiaire garantie». Il importe de présenter les caractères des sû retés personnelles et leur typologie. § 1) Les caractères des sûretés personnelles La sû reté personnelle se reconnaît à la réunion de deux caractères à savoir la création d’un droit de créance supplémentaire et l’absence de contribution à la dette par le garant. A) Création d’un droit de créance supplémentaire Il n’y a de sû reté personnelle que par la multiplication des débiteurs et donc des biens qui répondent de la dette. Pour cette raison, ne constituent pas en principe des sû retés personnelles : a) La lettre de confort C’est la lettre par laquelle une société intervient auprès d’un établissement de crédit afin que celui-ci accorde son concours à une autre société filiale ou partenaire en promettant un renfort. Il s’agit d’un acte unilatéral qui, lorsqu’il est accepté soumet son auteur à un engagement juridique. La portée de l’engagement dépend de la teneur du document. Mais elle ne peut être considérée comme une sû reté tant qu’elle ne fait pas naître un engagement direct envers le créancier. b) La lettre de porte-fort C’est la convention par laquelle une personne s’engage envers une autre à obtenir l’approbation d’un tiers à un acte envisagé et s’expose de ce fait à une indemnisation au cas où le tiers refuserait d’approuver l’acte. Il n’y a pas sû reté parce que l’engagement du porte-fort ne vient pas s’ajouter à celui du tiers. L’acceptation du tiers libère le porte- fort. c) L’action oblique Parce qu’elle ne crée aucun droit de créance nouveau au profit du créancier, elle ne constitue pas non plus une sû reté personnelle. B) L’absence de contribution du garant à la dette Pour qu’il y ait sû reté personnelle, l’engagement du garant ne doit pas avoir pour cause ou contrepartie une obligation ou une prestation à laquelle il est personnellement tenu. Ainsi, lorsque le maître d’ouvrage s’engage à payer le banquier de l’entrepreneur, il n’y a pas sû reté personnelle puisque son engagement envers le banquier trouve sa contrepartie dans la prestation fournie par l’entrepreneur. Pour cette raison, la garantie donnée par le banquier de l’importateur dans le cadre du crédit documentaire, de payer le vendeur n’est pas considérer comme une sû reté personnelle puisque le paiement qu’il fait au tiers (vendeur-exportateur) n’est que l’exécution de Page 12 of 88 12 l’engagement personnel d’ouverture de crédit contracté à l’égard de son client (acheteur). Par contre l’engagement du banquier de l’exportateur qui confirme le crédit documentaire est une sû reté personnelle car il garantit le paiement du banquier de l’importateur sans pour autant supporter une contribution définitive à cette obligation. La technique de l’engagement d’achat ne constitue pas non plus une sû reté personnelle mais une garantie. C’est le mécanisme par lequel un banquier qui finance la construction d’une usine demande à la société mère (de cette usine) de prendre l’engagement d’acheter une certaine quantité du produit à fabriquer, pendant une certaine durée, permettant ainsi à l’usine de pouvoir rembourser le prêt consenti pour sa construction. Il n’y a pas sû retés à proprement parler puisque l’acheteur ne fait que payer la contrepartie de la marchandise reçue. Il faut observer que parfois, le financier exige de la maison mère de prendre l’engagement de payer même si le produit fabriqué ne présente pas les qualités nécessaires ou même dans l’hypothèse d’un retard dans la production. Cette technique se rapproche des sû retés personnelles mais l’éventualité d’une contribution à la dette qui existait lors de la conclusion de l’engagement doit être prise en considération. L’engagement du tiré accepteur dans la solidarité cambiaire et celui du codébiteur solidaire ne sont pas considérés comme des sû retés personnelles parce que l’un et l’autre contribueront à la dette. § 2) Typologie des sûretés personnelles Le cautionnement a toujours apparu comme le modèle des sû retés personnelles. Il a été conçu depuis le droit romain et a été pendant longtemps étudié comme la seule sû reté personnelle. Il faut aussi observer que d’autres garanties collectives fonctionnent sur le modèle du cautionnement. Il en est ainsi de garanties collectives professionnelles crées par les avocats, les notaires et destinées à couvrir l’insolvabilité du professionnel. Ici, la victime de l’insolvabilité n’est pas connue lors de l’instauration de la garantie. Elles fonctionnent alors sur le modèle des assurances pour le compte de qui il appartiendra. Le cautionnement apparaît essentiellement comme l’accessoire de l’opération qu’il garantit. L’existence et l’étendue du contrat principal déterminent les limites du cautionnement. Le cautionnement est donc une sû reté accessoire. De cette situation, le garant pourrait tirer des moyens de défense qui parfois fragilisent la situation du créancier. D’où le besoin légitime des créanciers de chercher plus de sécurité en exigeant du garant l’abandon de certains moyens de défense. Cette exigence était d’autant plus pressante que la protection judiciaire de la caution fragilisait davantage les droits du créancier. Les garanties indépendantes pourraient apparaître alors comme un palliatif indispensable. On peut citer aussi le constitut consistant pour une personne à se constituer débiteur de la dette d’autrui, en assumant une obligation personnelle qui, bien qu’empruntant son objet à cette dette en est entièrement indépendante. Le constitut est fort peu utilisé. La garantie à première demande a par contre connu un réel essor. Entre également dans cette catégorie la confirmation du crédit documentaire, par laquelle le banquier de Page 13 of 88 13 l’exportateur s’engage à payer le montant des exportations, sachant que le banquier de l’importateur le remboursera grâ ce au crédit documentaire qu’il a ouvert à ce dernier. Toutes les techniques de garanties indépendantes visent à interdire au garant d’invoquer les exceptions tirées de l’obligation essentielle du débiteur garanti où nées dans la personne du débiteur principal. Au titre des garanties indépendantes, l’acte uniforme a prévu la lettre de garantie encore appelée garantie à première demande. L’Acte du 15 décembre a consacré plutô t le terme « Garantie autonome » Il faut enfin ajouter que certaines ressources du droit des obligations peuvent être exploitées à des fins de sûretés. Des sû retés personnelles peuvent en effet résulter de l’utilisation à des fins ad hoc des mécanismes de du droit des obligations. Ainsi en est-il de la solidarité, lorsque celle-ci est stipulée d’un codébiteur qui n’a pas d’intérêt à la dette. Il en est ainsi aussi de la lettre d’intention qui met en œuvre les principes de la responsabilité civile. Au titre des sû retés personnelles nous étudierons le cautionnement, la garantie à première demande et le crédit documentaire, même si pour les raisons précédemment évoquées il ne peut strictement être considéré comme une sû reté personnelle. Chapitre I : Le cautionnement. Une précision terminologique devra d’entrée être faite. En effet, le mot cautionnement revêt plusieurs significations. Il peut désigner un dépô t d’argent à titre de nantissement destiné à servir de garantie pour des créances éventuelles. L’exemple est donné par les loyers remis d’avance au bailleur pour garantir les sommes qui seraient dues en fin de bail. Le mot cautionnement signifie dans ce cas consignation ou encore gage d’espèces. Il s’agit alors d’une sû reté réelle. Il paraît aussi utile de préciser la notion de cautionnement réel qui est le contrat par lequel un garant affecte un ou plusieurs de ses biens à la garantie d’une dette d’un débiteur principal (art. 12 de l’AUS du 17 avril 1997 ; art. 20 de l’Acte du 14 décembre 2010). Le cautionnement est régi par les articles 2288 à 2320 C. civ.. En ce qui concerne l’espace OHADA il était régi par les articles 3 à 26 de l’Acte de 1997 et les articles 13 à 38 de l’AUS de 2010. L’article 3 al. 1 de l’AUS de 1997 disposait que « Le cautionnement est un contrat par lequel la caution s’engage envers le créancier qui accepte, à exécuter l’obligation du débiteur si celui-ci n’y satisfait pas lui-même ». L’acte du 15 décembre précise davantage la notion. En effet l’article 13 al. 1 dudit texte dispose que « Le cautionnement est un contrat par lequel la caution s’engage, envers le créancier qui l’accepte, à exécuter une obligation présente ou future contractée par le débiteur, si celui-ci n’y satisfait pas lui-même ». L’apport de ce texte réside dans le fait qu’il précise que l’obligation garantie peut être future. En réalité, cette précision en pratique ne modifie rien puisque en pratique, les obligations futures pouvaient déjà être garanties. Il suffit de songer à la garantie du Page 14 of 88 14 solde débiteur d’un compte de crédit. Au moment de la formation du contrat, le compte être créditeur, le déficit n’intervenant éventuellement que postérieurement. Du fait du caractère accessoire du cautionnement, si l’obligation future une fois née n’est pas valable, le cautionnement ne le sera pas non plus. Le cautionnement implique l’existence d’une dette actuelle ou potentielle d’un débiteur principal à l’égard du créancier, un engagement de la caution à l’égard de ce créancier qui l’accepte. Il résulte de cette situation que des relations juridiques existent naturellement entre le créancier et le débiteur principal d’une part, des relations entre le débiteur et la caution d’autre part mais aussi des rapports très importants entre le créancier et la caution. Il faut aussi relever qu’il peut exister plusieurs cautions entre lesquelles s’établiront également des relations. Toutes ces relations seront étudiées. Il s’agit du contexte de la caution (Sect. I). Le contrat de cautionnement lui-même (sect. II) tant en ce qui concerne sa formation que son étendue de même que son dénouement (Sect. 3) seront aussi examinés. Sect. I : Le contexte du cautionnement. Autant il existe des relations entre les personnes impliquées, autant il y a une relation entre le contrat principal et le contrat de cautionnement. §1) Les relations entre les personnes. A) Relation entre le créancier et la caution Ces relations sont très importantes puisqu’elles imprègnent tout le régime juridique du cautionnement. Elles seront donc mises en évidence dans l’étude de son régime juridique. Il faut néanmoins observer déjà que la caution n’étant pas débiteur d’une dette qui lui est personnelle, elle n’est pas en relation économique avec le créancier. Elle ne peut donc ni connaître en principe le risque garanti, ni suivre utilement l’évolution de l’opération garantie. En dehors des cautions dont la situation particulière leur permet d’être informées sur les activités du débiteur principal (cas du mari caution ou du dirigeant qui cautionne son entreprise), la caution est privée des moyens d’information. C’est justement pour remédier à cette raison que le législateur institue à la charge du créancier deux obligations essentielles, celle d’informer la caution, et celle de ne pas compromettre les recours de la caution contre le débiteur principal. - une obligation d’information de la caution. Cette obligation résulte de l’article 13 al. 2 et de l’article 14 de l’AUS de 1997. Le créancier doit aviser la caution de toute défaillance du débiteur, déchéance ou prorogation du terme en indiquant le montant restant dû en principal et intérêts. Cette obligation d’information est encore plus stricte et automatique en cas de cautionnement général. Dans ce cas en effet, l’information doit être donnée dans le mois qui suit chaque trimestre civil et doit porter notamment sur l’état des dettes du débiteur principal. Cette obligation d’information est d’ordre public. La sanction de cette obligation d’information est la déchéance du créancier vis-à -vis de la caution des intérêts échus depuis la date de la précédente information jusqu’à la date de la communication de la nouvelle information. Page 15 of 88 15 Il faut souligner que l’Acte du 15 décembre 2010 a reformulé l’article 13 al. 1 qui est devenu l’article 23. L’obligation d’information a été supprimée de l’article 21 de l’AUS du 15 décembre mais reprise à l’article 22 du même Acte. L’article 23 de l’Acte du 15 décembre 2010 apporte un amendement important sur la périodicité de l’obligation d’information. En effet, en dehors de tout incident de paiement, l’obligation d’information doit être exécutée tous les semestres à compter de la signature du contrat de cautionnement. L’information doit porter sur l’état des dettes du débiteur principal. Il sera précisé les causes des dettes, leurs échéances et leurs montants en principal, intérêts et autres accessoires dus à la fin du semestre écoulé. A défaut d’accomplissement de ces formalités, le créancier est déchu vis-à -vis de la caution des intérêts contractuels échus depuis la date de la précédente information jusqu’à la date de la communication de la nouvelle information. L’obligation d’information se dédouble, l’obligation en cas d’incident (art. 22 de l’Acte du 15 décembre) et l’obligation d’information en l’absence de tout incident (article 23 du même Acte). L’article 22 al. 2 précise qu’ « A défaut, (d’information en cas d’incident), la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus entre la date de cet incident et la date à laquelle elle a été informée ». Cette formulation vise à protéger la caution en lui permettant de payer le créancier le plus rapidement possible et d’éviter ainsi l’accumulation à son détriment des pénalités et intérêts de retard. - L’obligation de ne pas compromettre les recours de la caution Aux termes de l’article 18 al. 2, La caution simple ou solidaire est déchargée quand la subrogation aux droits et garanties du créancier ne peut plus s’opérer, en sa faveur, par le fait du créancier. Toute clause contraire est réputée non écrite. Les mêmes dispositions figurent à l’article 2 7 al. 2 de l’Acte du 15 décembre 2010). Cette obligation est inspirée de l’exigence de la bonne foi qui impose au créancier de prendre en compte les intérêts de la caution. Ainsi, en cas de vente avec réserve de propriété, la caution peut se prévaloir de la décharge lorsque le créancier n’a pas exercé de revendication dans le délai ouvert à cet effet, ce qui a pour résultat de priver la caution d’un droit qui pouvait lui profiter4. B) Relations entre le créancier et le débiteur principal Cette relation résulte essentiellement de l’obligation principale ou de la dette principale qui a donné lieu à garantie. Cependant la situation de la caution peut influencer les relations entre le débiteur principal et le créancier. Ainsi, lorsque la caution fournie par le débiteur devient insolvable, le créancier peut exiger du débiteur une nouvelle caution. Le débiteur pourra aussi fournir une sû reté réelle donnant les mêmes garanties au créancier. La solvabilité de la caution s’apprécie en tenant compte de tous les éléments de son patrimoine (Article 13 al. 2 de l’Acte du 15 décembre 2010). 4 Com. 27 fév. 1996, D, Som. 269. Page 16 of 88 16 C) Relations entre le débiteur principal et la caution La caution peut être un professionnel dont le but est de réaliser le profit à travers le service qu’il rend. Dans ce cas, sa rémunération est patrimoniale et représente une commission sur le montant total des sommes garanties. Les cautions profanes sont celles qui ne sont pas des professionnels. Les cautions profanes sont d’une très grande diversité. La caution peut avoir un pouvoir de direction sur l’activité du débiteur principal. C’est le cas du dirigeant-caution. C’est une assurance supplémentaire pour le banquier que le dirigeant courre au moins les mêmes risques que lui et ne s’abrite pas derrière la limitation de responsabilité. L’engagement du dirigeant apparaît comme un moyen de pression supplémentaire sur le débiteur principal. Dans ces cautionnements, la caution connaît la situation du débiteur principal, suit son évolution et peut grâce à ses pouvoirs de direction l’infléchir de sorte que ses intérêts soient sauvegardés. La caution profane, étrangère à l’activité du débiteur principale est celle qui a besoin davantage d’être informée et protégée. Le cautionnement peut intervenir à l’initiative du débiteur principal ou à son insu et même contre son gré. Mais il est rare que la caution s’engage sans ordre du débiteur principal. L’Acte uniforme du 15 décembre apporte une modification en la matière. En effet, à la différence de l’article 3 al. 2 de l’acte du 17 avril 1997 qui dispose que « Cet engagement peut être contracté sans ordre du débiteur et même à son insu », l’article 11 al 2 du nouvel Acte se borne à disposer que « Cet engagement peut être contracté sans ordre du débiteur ». Il semble que l’objectif visé est « d’éviter que le débiteur ne reste dans une totale ignorance de l’existence du cautionnement ou de l’identité de la caution »5. L’opportunité de cette innovation est discutable. En effet, si le débiteur n’est pas informé de l’existence du cautionnement, la caution qui paie n’aura qu’une action subrogatoire et le débiteur ne sera pas tenu à l’égard de la caution au-delà de ce qu’il doit au créancier. En d’autres termes, l’ignorance par le débiteur de l’existence d’une caution a priori ne peut lui causer un quelconque dommage. Il convient de se demander quelle serait la sanction au cas où le cautionnement intervenait à l’insu du débiteur principal. Dans tous les cas, la sanction ne peut être la nullité du cautionnement. Le débiteur ne pourra éventuellement engager la responsabilité des parties au contrat de cautionnement qu’autant qu’il démontre que cette ignorance lui a causé un tort. Ce qui n’est pas évident. D) Relations entre les cautions Les cautions d’un même débiteur principal sont appelées des cofidéjusseurs. Chaque cofidéjusseur a envers le créancier un engagement personnel dont les termes dépendent des stipulations. (montant, durée, solidarité). Aux termes de l’article 17 al. 1 de l’AUS (art. 28 de l’Acte du 15 décembre 2010), « S’il existe plusieurs cautions pour un même débiteur et une même dette, sauf stipulation de solidarité entre elles ou renonciation par elles à ce bénéfice, chacune d’elles peut sur 5 M. BRIZOUA-BI, Le nouveau visage des sûretés personnelles dans l’espace OHADA. Page 17 of 88 17 premières poursuites du créancier, demander la division de la dette entre les cautions solvables au jour où l’exception est invoquée ». La solidarité n’est donc pas le principe entre les cautions. Elle doit être stipulée. La caution ne répond pas des insolvabilités des autres cautions survenues après la division. Le créancier peut exiger qu’il soit garanti contre l’insolvabilité de la caution. On appelle certificateur celui qui garantit le créancier contre la défaillance de la caution et non celle du débiteur principal. Il est caution de la caution envers le créancier. Aux termes de l’article 11 de l’AUS (art. 21 de l’Acte du 15 décembre 2010), le certificateur doit être désigné comme tel dans le contrat. Sauf stipulation contraire, les certificateurs sont caution simple de la caution certifiée. Le sous-cautionnement est un moyen de garantir le remboursement que le débiteur principal doit à la caution qui a payé. Lorsque le débiteur principal est soumis aux procédures collectives, la caution a intérêt à prendre des mesures conservatoires pour éviter que la sous-caution n’organise son insolvabilité. § 2) Les relations entre les contrats Le cautionnement, accessoire de l’opération qu’il garantit est assujetti à cette opération principale par la règle de l’accessoire. Le caractère accessoire du cautionnement est de son essence. Au cas où un contrat dit de cautionnement contredit ce caractère accessoire (par exp. une clause qui rend l’engagement de la caution indépendante du contrat principal), deux solutions sont offertes. Soit ladite clause est considérée comme non écrite et donc la qualification du cautionnement est maintenue, soit on considère que cette clause change la nature du contrat et il faut alors requalifier ce contrat. La qualification à retenir en définitive dépendra du contexte notamment les renseignements que l’on peut tirer du texte même du contrat, les habitudes en la matière, les habitudes des parties etc. Ce caractère accessoire est réaffirmé par le législateur de l’OHADA à l’article 7 de l’AUS (art. 15 de l’Acte du 15 décembre). Le cautionnement ne peut exister que si l’obligation principale garantie est valablement constituée. En outre, la confirmation par le débiteur de la dette principale ne lie pas la caution (article 17 de l’Acte de 2010), sauf renonciation expresse de la caution. La caution peut cependant en connaissance de cause cautionner les engagements d’un incapable. L’engagement de la caution ne peut être contracté à des conditions plus onéreuses que l’obligation principale, sous peine de réduction à concurrence de celle-ci. Le débiteur ne peut non plus aggraver l’engagement de la caution postérieurement à la formation du contrat. Il a été jugé sur le fondement du caractère accessoire du cautionnement « qu'en cas de vente de l'immeuble donné à bail, le cautionnement garantissant le paiement des loyers est, sauf stipulation contraire, transmis de plein droit au nouveau propriétaire en tant qu'accessoire de la créance de loyers cédée à l'acquéreur par l'effet combiné de l'article 1743 et des articles 1692, 2013 et 2015 du Code civil »6. 6 Ass. plén. 6 décembre 2004, Arrêt n° 520. Page 18 of 88 18 Ce caractère accessoire du cautionnement est dans ses conséquences remis en cause par les procédures collectives où la caution pourrait être amenée à payer plus que ne doit le débiteur principal. Sect. II : Le contrat de cautionnement lui-même Le cautionnement est une sû reté personnelle. Il est un contrat accessoire, unilatéral. Traditionnellement, le cautionnement est considéré comme un contrat consensuel. Mais le législateur de l’OHADA semblait en faire un contrat formaliste. Nous étudierons les conditions de formation du cautionnement puis l’étendue du cautionnement. §1) Conditions de formation du cautionnement Naturellement, le cautionnement doit répondre aux conditions générales de formation de tout contrat à savoir, la capacité, le consentement, la cause et l’objet. Ces exigences peuvent nécessiter quelques adaptations au cautionnement. A ces conditions générales, il faut ajouter certaines exigences propres aux situations particulières. A) Conditions générales 1) conditions de fond Le consentement Le consentement au cautionnement est lourd de conséquences. Il ne peut donc être déduit d’une promesse imprécise ou ambiguë. C’est pourquoi le cautionnement doit être convenu de façon expresse entre la caution et le créancier (art. 4. al.1 in fine de l’AUS et 2292 C. civ.). Le nouvel Acte du 15 décembre 2010 en son article 12 se contente de disposer que « Le cautionnement ne se présume pas, quelle que soit la nature de l’obligation garanties ». Cette formulation ne remet nullement en cause les principes précédemment admis. L’exigence d’un consentement exprès n’implique pas un mot sacramentel. Il suffit que le caution manifeste l’intention de payer en cas de défaillance du débiteur. Ainsi, l’autorisation donnée par une société mère à une banque d’inscrire au débit de son compte courant toute somme qui serait due par ses filiales a été qualifiée de cautionnement (Com. 28 avril 1987, D. 88, 341). L’erreur est souvent invoquée comme vice du consentement par la caution. Il peut s’agir de l’erreur sur la solvabilité du débiteur, ou l’erreur sur l’étendue de l’engagement. Cette dernière hypothèse est illustrée par une espèce dans laquelle une personne garantit le remboursement des dettes d’un notaire avant que le passif ne soit dévoilé (Civ. 1re, 17 juill. 1979, Gaz. Pal. 79, Pan. 16-18 déc.). Ce problème de l’erreur sur la situation du débiteur est en partie réglé s’agissant du cautionnement général par le législateur de l’OHAHA. En effet, « sauf clause contraire, le cautionnement général ne garantit pas les dettes du débiteur principal antérieures à la date du cautionnement » (art. 9 al. 4, art. 19 al. 3 de l’Acte du 15 décembre). Mais il ne semble pas que le créancier ait une obligation de dévoiler lui-même les informations qu’il détient sur la situation ou la moralité du débiteur principal. Il appartient à la caution de se renseigner elle-même sur l’étendue du risque qu’elle court. La capacité Page 19 of 88 19 S’agissant de la capacité, il faut observer qu’elle répond au régime normal. Ainsi, un mineur ou un majeur incapable ne peuvent se porter caution. L’objet Il faut relever que dans le cautionnement des dettes futures ou éventuelles, le bien objet du contrat (la somme d’argent) est éventuel mais le service (engagement du patrimoine) existe immédiatement. Cette situation donne lieu à deux types d’obligations à la charge de la caution, l’obligation de couverture (qui naît avec le contrat du fait que le patrimoine est déjà engagé) et l’obligation de règlement qui naît au fur et à mesure des dettes. Cette obligation de couverture permet au créancier de pouvoir prendre dès à présent des mesures conservatoires en exigeant de la caution de ne pas accepter d’autres cautionnements ou encore à ne pas se dessaisir de certains biens. La cause Il est parfois recouru à la notion de cause pour soutenir que si les relations qui ont existé entre le débiteur principal et la caution et qui ont justifié l’engagement de la caution disparaissent (cas du dirigeant caution qui démissionne ou de l’époux caution qui divorce), alors le cautionnement prend fin, la cause ayant disparu. Il faut observer que ce raisonnement n’a pu prospérer. 2) Les conditions de forme Aux termes de l’article 4 al. 2 de l’AUS, « Le cautionnement doit être constaté dans un acte comportant la signature des deux parties et la mention, écrite de la main de la caution, de la somme maximale garantie, en toute lettre et en chiffres. En cas de différence, le cautionnement vaut pour la somme exprimée en lettre ». Ce texte est diversement apprécié par les auteurs, les uns estimant que le cautionnement doit dorénavant à peine de nullité être écrit (contrat formaliste), les autres soutenant que ce texte n’est qu’un condensé des articles 136 et 2015 C. civ. et qu’il ne saurait être considéré comme une condition de validité du contrat de cautionnement. Cette dernière analyse s’appuie également sur le fait que le législateur OHADA n’a nulle part sanctionné cette exigence par la nullité. Il faut observer que l’absence d’une sanction expresse par le législateur ne suffit pas à elle seule à faire de cette exigence un élément de preuve puisque le texte qui édicte la règle pourrait elle même être considéré comme recelant virtuellement la sanction (Théorie de la nullité virtuelle). Ensuite, si l’insertion de l’article 1326 C. civ. dans une section intitulée de la preuve littérale accrédite en France la valeur probatoire de cette exigence, il est à noter que l’article 4 de l’AUS est inclus dans une section intitulé « Formation du cautionnement ». Il faut enfin signaler que la jurisprudence française a parfois fait de cette exigence une condition de validité du cautionnement même si cette solution n’est plus d’actualité. Il n’est donc pas sû r que le législateur OHADA ait seulement voulu condenser les principes résultant des articles 1326 et 2015 C. civ. Il est donc probable qu’il ait fait de l’écrit une condition de validité. Il importe de relever que ce débat n’est plus d’actualité, l ’Acte du 15 décembre ayant apporté des précisions. En effet, il est substitué à l’expression le cautionnement « doit être constaté par écrit », une autre formulation à savoir le Page 20 of 88 20 cautionnement « se prouve » art. 14 al. 1. Il semble donc que cette nouvelle rédaction mette l’accent sur le caractère consensuel du cautionnement 7. Des exigences particulières sont prévues par le même texte s’agissant de la caution qui ne sait ou ne peut écrire. Dans ce cas, il doit se faire assisté de deux témoins qui certifient dans l’acte, son identité et sa présence. Ils attestent également que la nature et les effets de l’acte lui ont été précisés. Cette mesure vise entre autre à s’assurer que son consentement a été donné en toute connaissance de cause. 3) L’exigence d’une caution solvable Cette exigence résulte de l’article 2295 C. civ. L’article 2296 précise les conditions de la solvabilité. « La solvabilité d'une caution ne s'estime qu'eu égard à ses propriétés foncières, excepté en matière de commerce, ou lorsque la dette est modique. On n'a point égard aux immeubles litigieux, ou dont la discussion deviendrait trop difficile par l'éloignement de leur situation ». La fortune mobilière de la caution pressentie n’est pas prise en considération. Cette solution manifeste l’adage res mobilis, res vilis. Le législateur français dans le cadre des reformes aurait pu redresser la situation. Mais ce ne fut pas le cas Le législateur OHADA retient une solution différente en la matière. En effet, aux termes de l’article 5 al. AUS (art. 15 de l’Acte de 2010) « La caution doit présenter des garanties de solvabilité appréciées en tenant compte de tous les éléments de son patrimoine ». Cette solution est plus conforme à l’évolution de la composition des patrimoines des individus et à celle des biens. En effet, les biens mobiliers ont aujourd’hui pris de la valeur au point que la primauté faite aux biens immobiliers ne se justifie plus totalement. Mais il faut admettre tout comme la solution retenue en Droit français que les biens litigieux ne doivent pas être pris en considération en raison de la possibilité d’éviction du droit de propriété de la caution sur ces biens. Engagement manifestement disproportionné par rapport à la solvabilité de la caution. La première situation est celle où l'engagement de la caution est manifestement disproportionné par rapport à sa solvabilité. Peut-on consentir, sans erreur, ou sans faute du banquier contractant, à sa propre ruine ? Les cautions ont un moment évoqué les dispositions de l'article 2018 du Code civil, qui précise que le débiteur qui doit fournir une caution doit en présenter une qui ait « un bien suffisant pour répondre de l'objet de l'obligation ». Mais il a été jugé que ce texte édicté au bénéfice du seul créancier, n'était pas invocable par la caution (Cass. com., 3 mars 1987 : Bull. civ. IV, n° 58 ; Gaz. Pal. 1987, 1, pan. jurispr. p. 118. – CA Paris, 27 janv. 1987 : D. 1987, inf. rap. p. 33). Le créancier peut en revanche y renoncer (Cass. com., 7 févr. 1984 : Gaz. Pal. 1984, 2, pan. jurispr. p. 163, obs. Piédelièvre). Ce texte a en effet été considéré comme insusceptible d'entraîner l'annulation de l'engagement de la caution pour erreur (Cass. 1re civ., 7 juin 1988 : Bull. civ. I, n° 173 ; D. 7 M. BRIZOUA-BI, Le nouveau visage des sûretés personnelles dans l’espace OHADA, op. cit. p. 62 Page 21 of 88 21 1988, inf. rap. p. 177). Seule la faute précontractuelle de la banque peut donc être invoquée par la caution. Elle sera caractérisée par deux éléments. D'abord par la disproportion ; celle-ci doit être particulièrement nette, il faut qu'elle soit manifeste, et que « l'énormité » de la somme garantie soit avérée. Cette disproportion est objectivement appréciée. Ensuite, cette disproportion exclut la bonne foi, c'est-à -dire qu'elle établit le manquement du banquier à une obligation de s'informer qui pèse sur lui. Le banquier doit en effet questionner la caution sur sa fortune et ses ressources (actuelles ou prévisibles), ou se renseigner à cet égard (V. l'arrêt Macron, Cass. com., 17 juin 1997 : Bull. civ. IV, n° 188 ; D. 1998, p. 208, note Casey ; RTD civ. 1998, p. 100, obs. Mestre, et p. 157, obs. Bandrac et Crocq). – La seconde situation est celle où le banquier n'informe pas suffisamment la caution sur les risques qu'elle encourt. Il s'agit d'hypothèses très voisines de celles dans lesquelles les erreurs des cautions ont été découvertes (V. supra n° 49 s.). Ici encore, la connaissance par la caution des affaires du débiteur garanti sera décisive pour exclure la faute du banquier (dirigeant, Cass. com., 9 nov. 1993 : Gaz. Pal. 1994, 2, p. 638. – Cass. 1re civ., 13 févr. 1996 : JCP G 1996, II, 22725).Il ne faut de toute manière pas perdre de vue l'affirmation raisonnable selon laquelle il est tout à fait possible de cautionner un débiteur insolvable, pourvu que cela soit conscient (Cass. com., 10 oct. 1995 : Quot. jur. 9 nov. 1995, p. 2).Que serait le cautionnement s'il ne servait à couvrir les mauvais débiteurs, ou les risques tarés ? Il a été ensuite jugé que la caution ne pouvait engager la responsabilité du créancier qu’autant qu’elle démontre que ce dernier aurait eu sur les revenus de la caution, son patrimoine et ses facultés de remboursement prévisibles, des informations que la caution elle-même aurait ignorées (Com. 8 oct. 2002 ; Com. 2 fév. 2003 ; chambre commerciale 26 janvier 2016 N° de pourvoi: 14-20478 ). En réalité, la cour fait une distinction entre caution profane et caution avertie. C’est à l’égard de la caution avertie que la banque n’a pas une obligation d’information : « Mais attendu qu’ayant retenu par les motifs vainement critiqués au premier moyen que la caution était avertie, la cour d’appel faisant ressortir que la banque n’était tenue d’aucune obligation à son égard, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches »8. B) Condition spéciales Il faudra signaler les interdictions et les autorisations spéciales se rapportant cautionnement donné par les personnes morales. Le cautionnement fait par les sociétés anonymes avec conseil d’administration ou avec administrateur général en faveur de ses dirigeants est interdits (art. 450 et 507 AUSC). La même interdiction est faite aux sociétés à responsabilité limitées de cautionner ou garantir les gérants et les associés ainsi que leurs conjoints, ascendants et descendants (art. 356 AUS). S’agissant des cautionnements souscrits par la société anonyme au profit des tiers, la loi exige une autorisation préalable soit du conseil d’administration, soit de l’assemblée générale ordinaire (art.449 et 506 AUSC). 8 Com. 17 mai 2011, n° de pourvoi 10-11810. Page 22 of 88 22 §2) Les modalités du cautionnement Le cautionnement peut être simple ou solidaire. L’article 10 de l’AUS (art. 20 de l’Acte de 2010) dispose que « Le cautionnement est réputé solidaire ». La solidarité constitue le droit commun et le cautionnement simple doit résulter expressément soit de la loi de chaque Etat ou de la convention des parties. Et lorsqu’elle résulte de la loi d’un Etat, la solidarité devra résulter d’une volonté expresse des parties. La solution retenue par le législateur OHADA consacre une pratique largement répandue dans le monde des affaires. A) La caution simple La caution simple a le bénéfice de discussion. C’est la faculté reconnue à la caution d’exiger que le créancier poursuive d’abord la vente des biens du débiteur principal, avant de poursuivre éventuellement la vente de ses propres biens. Dans ce cas, la caution devra indiquer les biens du débiteur à saisir et avancer les frais de la poursuite (article 16 al. 2 ; Article 27 al. 2 de l’Acte de 2010). Le bénéfice de discussion a pour effet de suspendre les poursuites engagées contre la caution. Le créancier ne pourra reprendre les poursuites que s’il ne retire pas de la vente des biens un paiement intégral. L’article 16 al. 3 dispose que « le créancier est, jusqu’à concurrence des biens indiqués, responsable, à l’égard de la caution, de l’insolvabilité du débiteur principal survenue par le défaut de poursuite ». Le créancier a donc intérêt à agir avec célérité. Ces dispositions sont protectrices de la caution simple. Elle n’aura pas à supporter les négligences du créancier qui s’abstiendrait de poursuivre à temps le débiteur principal. Le bénéfice de discussion doit être demandé dès les premières poursuites. Si elle ne l’invoque pas in limine litis, elle est censée y avoir renoncé. Elle sera traitée comme une caution solidaire. B) La caution solidaire La solidarité a pour effet d’exclure le bénéfice de la discussion. L’article 16 al. 1 (art. 25 al. 1 de l’Acte de 2010) dispose en effet que « La caution judiciaire et la caution solidaire ne disposent pas du bénéfice de discussion ». Elles deviennent à l’égard du créancier un codébiteur solidaire. Le caractère subsidiaire de la caution ne subsiste plus que dans les rapports entre caution et débiteurs principal. C) La pluralité de cautions La pluralité de caution d’une même dette contractée par un même débiteur pose le problème du bénéfice de la division. Le cré ancier peut-il poursuivre une seule caution pour la totalité de la dette du débiteur ? Aux termes de l’article 17 de l’AUS (Art. 28 al. 1 de l’Acte de 2010), sauf stipulation contraire, chaque caution a le bénéfice de division. Chaque caution peut donc demander la division de la dette entre les cautions solvables. Ici encore, la caution doit demander le bénéfice de la division dès les premières poursuites. D) La caution réelle Le cautionnement réel est celui dans lequel la caution n’affecte à la garantie de la dette principale qu’un ou plusieurs de ses biens. L’article 12 de l’AUS (art. 22 de l’Acte de 2010) précise que la caution peut limiter son engagement à la valeur de réalisation du ou Page 23 of 88 23 des biens sur lesquels elle a consenti une telle sûreté. Il résulte de ce texte qu’à défaut de stipulation particulière, la caution est tenue pour la totalité de la dette et non à la seule valeur des biens donnés en garantie. Il faut relever que cette question a donné lieu à un débat en droit français. En effet, trois situations sont à distinguer. La première est celle dans laquelle, une caution offre en garantie du paiement de la créance une sû reté réelle. Nous sommes d’abord en présence du cautionnement, sû reté personnelle qui est ensuite garantie par une sû reté réelle. Dans cette hypothèse, la nullité du cautionnement par exemple anéantit aussi la sû reté réelle constituée. La sû reté réelle dans ce cas n’est qu’un accessoire de la sû reté personnelle qu’est le cautionnement. La seconde situation est celle de la constitution d’une sureté réelle en garantie de la dette d’autrui. Ce qui est désigné sous le nom sû reté réelle pour autrui. La nature juridique de cette opération a donné lieu à un débat. Il s’agissait de savoir si en affectant un bien en garantie du paiement de la dette d’autrui, le tiers n’entendait pas aussi se porter caution à la hauteur de la valeur du bien affecté. L’ambiguïté de l’expression caution réelle pourrait traduire cette hésitation. La cour de cassation avait d’abord consacré cette conception mixte pour appliquer à cette sû reté certaines règles du cautionnement9. Il y a eu ensuite un revirement : « Le créancier n’a d’action que sur le bien affecté en garantie »10. Le cautionnement réel n’est donc pas un cautionnement. Il s’agit exclusivement d’une sû reté réelle sans aucun rapport avec le cautionnement. La troisième situation est celle dans laquelle une personne offre un bien en garantie de la dette d’autrui (sû retés réelle) mais aussi se porte caution indépendamment de cette sû reté réelle. Dans cette hypothèse le sort de cette sû reté réelle est indépendant de la validité du cautionnement. Le créancier dispose d’abord d’un droit de gage sur le patrimoine de la caution, et un droit de préférence sur le bien donné en garantie. § 3) L’étendue du cautionnement L’étendue du cautionnement est d’une grande importance. Elle présente deux aspects, l’étendue en montant et l’étendue en durée. 1) L’étendue en montant Dans la pratique des affaires, rares sont les cautionnements qui comportent une limite chiffrée très précise à l’engagement de la caution. Le législateur OHADA a apporté des solutions précises concernant le montant du cautionnement et la nature des dettes. a) La détermination des dettes garanties Aux termes de l’article 8 de l’AUS de 1997, « Le cautionnement d’une obligation peut s’étendre, outre le principal, … aux accessoires de la dette et aux frais de recouvrement de la créance, y compris ceux postérieurs à la dénonciation qui est faite à la caution, à condition que cet engagement résulte d’une mention manuscrite de la caution ». Il résulte de ce texte qu’à défaut de précision, le cautionnement devrait en principe être circonscrit à la dette principale, dans la limite du montant maximum prévu dans le 9 Civ. 1re 15 mai 2002, Bull. civ. I, n° 127. 10 Ch. Mixte, 2 décembre 2005, Bull. mixte n° 7 Page 24 of 88 24 contrat. Lorsque le contrat le prévoit, le cautionnement peut s’étendre aux accessoires que sont les intérêts, les clauses pénales … et aux frais de recouvrement de la créance notamment les frais de signification, de mise en demeure etc.. Il est important de souligner que l’Acte de 2010 a apporté une modification en la matière. En effet, aux termes de l’article 18 du nouvel Acte, « Sauf clause contraire, le cautionnement d’une obligation s’étend, outre le principal, et dans la limite de la somme maximale garantie, aux accessoires de la dette et aux frais de recouvrement de la créance, y compris ceux postérieurs à la dénonciation qui est faite à la caution ». Il résulte de ce texte que le principe précédemment annoncé se trouve inversé. En effet, le cautionnement dorénavant s’étend aux accessoires de la dette principale. Il n’en ira autrement que si une clause contraire a été expressément prévue par les parties. Généralement les dettes garanties sont les dettes présentes. Mais rien ne s’oppose à ce qu’il soit garanti des dettes futures. D’ailleurs, le nouvel article 13 le prévoit expressément. b) Cas du cautionnement général Le cautionnement général qui s’entend du cautionnement de tout engagement du débiteur à l’égard d’un créancier ne s’entend que de la garantie des dettes contractuelles directes aux termes de l’article 9 de l’AUS (Article 18 de l’Acte de 2010). Ces dispositions excluent non seulement les dettes délictuelles mais aussi les dettes indirectes. Ces dernières concernent notamment les dettes contractées par les tiers auprès du même créancier et garanties par le débiteur principal. Sont également exclues du cautionnement général, sauf stipulation contraire, les dettes du débiteur principal antérieures au cautionnement. c) Le montant du cautionnement L’acte de cautionnement doit indiquer, par une mention écrite de la main de la caution, la somme maximale garantie en toutes lettres et en chiffres. Le cautionnement général doit être conclu, à peine de nullité, pour une somme maximale librement déterminée entre les parties (art. 9 AUOS ; Article 19 de l’Acte de 2010). Le cautionnement général peut être renouvelé si le montant maximum est atteint. Le renouvellement doit être exprès ; toute clause contraire est réputée non-écrite. Il peut aussi être révoqué à tout moment par la caution, même avant que le montant maximum ne soit atteint. Toutes les dettes nées antérieurement à la révocation sont couvertes par la caution même en cas de révocation. 2) L’étendue dans la durée Il faut distinguer selon qu’il s’agit de l’obligation de règlement ou de l’obligation de couverture. a) L’obligation de couverture Elle n’existe que dans le cautionnement des dettes futures et a pour fonction de déterminer celles des dettes futures qui seront garanties. Elle peut être de durée déterminée ou indéterminée. Lorsqu’elle est à durée indéterminée, elle permet à Page 25 of 88 25 chaque partie d’y mettre fin par une manifestation unilatérale de son souhait. Il ne peut y avoir d’engagement perpétuel. Il faut rappeler que l’article 9 al. 4 (Nouvel article 19 al. 2) dispose que le cautionnement peut être révoqué à tout moment par la caution. Mais lorsque l’engagement est à durée déterminée (par exemple le directeur qui cautionne les activités de sa société pendant 5 ans) ou comporte une durée minimale, peut-il y avoir résiliation avant le terme convenu ? Les dispositions relatives à la faculté de révocation ne sont pas d’ordre public et les clauses fixant une durée minimale sont valables. b) Obligation de règlement L’obligation de règlement n’a aucune durée ; elle est à exécution instantanée. Les dettes nées au moment où l’obligation de couverture prend fin sont garanties. L’obligation de règlement peut néanmoins avoir un terme extinctif. Ainsi les stipulations du type le présent cautionnement sera valable jusqu’au 31 décembre 2006 alors que la dette principale arrive à échéance le 31 décembre 2005 signifie que le créancier dispose d’un délai d’un an pour engager des poursuites contre la caution. Il en est de même des clauses du type « la caution ne sera tenue que pendant tel nombre de mois suivant l’échéance ». Section III : Le dénouement du cautionnement Le dénouement du cautionnement se fait essentiellement par le paiement. Mais il peut se dénouer aussi par d’autres modes. § 1) Le dénouement par le paiement. Il peut s’agir du paiement de la dette principale ou le paiement par la caution A) Le paiement de la dette principale 1) Le paiement de la dette principale par le débiteur lui-même Lorsque la dette est payée par le débiteur principal lui-même, le cautionnement est éteint. En effet, le cautionnement étant l’accessoire de la dette principale, la disparition de son support emporte la sienne. Ceci distingue le cautionnement de la garantie à première demande où l’exécution de l’opération principale ne peut en principe être invoquée par le garant. Il est fait exception à ce principe lorsque la dette principale est payée par un tiers. 2) Le paiement de la dette principale par un tiers Le tiers qui paie est subrogé dans les droits du créancier, non seulement dans la créance mais également dans les accessoires de cette créance dont le cautionnement. Le tiers peut donc exiger de la caution qu’elle paye ce que doit encore le débiteur. Une autre difficulté est celle du payement partiel de la dette et son imputation 3) L’imputation du payement partiel Le paiement partiel ne peut être imposé au créancier (Cf. art 1244 C. civ.). Mais dans les faits le créancier accepte souvent le paiement partiel. Il se pose alors le problème de l’imputation du paiement en cas de pluralité de dettes. En cas de pluralité de dettes dont certaines ne sont pas cautionnées, le paiement partiel est imputé d’abord aux dettes cautionnées car elles sont plus onéreuses. Cette solution est supplétive de la volonté des parties. Page 26 of 88 26 Lorsqu’il s’agit plutô t d’une seule dette partiellement cautionnée, la jurisprudence et la doctrine admettent que l’imputation doit d’abord se faire sur la fraction non cautionnée. La solution est expliquée par le fait que le créancier ayant pris soin d’exiger une garantie, cette dernière devra jouer jusqu’à entière satisfaction. B) Le payement du cautionnement Si le débiteur principal ne s’exécute pas, le créancier peut demander directement le paiement à la caution, qu’il s’agisse de la caution solidaire ou de la caution simple. Cette dernière pourra cependant invoquer le bénéfice de discussion. L’article 15 al. 2 de l’AUS (article 27 al. 1 de l’Acte de 2010) dispose que le créancier ne peut poursuivre la caution simple ou solidaire qu’en appelant en cause le débiteur principal. Il faut relever que la défaillance du débiteur principal sera constatée par une mise en demeure restée infructueuse. La caution doit aviser le débiteur principal ou le mettre en cause avant de payer la dette au créancier poursuivant (article 19 al. 1 de l’AUOS ; Nouvel article 30 al. 1). Le paiement par la caution soulève quelques interrogations dont celles de savoir à quel moment la caution doit-elle payer ? 1) Le moment du payement Le cautionnement étant accessoire, la caution ne doit payer que lorsque la créance est exigible à l’encontre du débiteur principal. Se pose alors la question de savoir ce qui adviendrait en cas de déchéance du terme à l’encontre du débiteur principal ou en cas de prorogation de terme à son profit. d) La déchéance du terme La déchéance du terme a pour conséquence que la dette du débiteur principale devient exigible avant la date initialement convenue. Il en sera ainsi lorsque le débiteur diminue les sû retés, en cas de liquidation judiciaire ou encore en vertu d’une clause contractuelle. La caution est-elle tenue de payer immédiatement le créancier ? La jurisprudence a décidé en France que la caution a son terme propre même en l’absence de toute stipulation en ce sens. C’est la solution retenue par le législateur OHADA. En effet, aux termes de l’article 13 al. 4 de l’AUS « Nonobstant toute clause contraire, la déchéance du terme accordé au débiteur principal ne s’étend pas automatiquement à la caution qui ne peut être requise de payer qu’à l’échéance fixée à l’époque où la caution a été fournie ». Les mêmes dispositions sont reprises à l’article 2 3 al. 4 de l’Acte de 2010. La caution n’encourt la déchéance que par sa propre faute par exemple lorsqu’à l’échéance, elle ne satisfait pas à ses obligations ou diminue la sû reté réelle consentie. e) La prorogation du terme Aux termes de l’article 13 al. 3, (article 23 al. 3 de l’Acte de 2010) « La prorogation du terme accordée au débiteur principal par le créancier doit être notifiée par ce dernier à la caution. Celle-ci est en droit de refuser le bénéfice de cette prorogation et de poursuivre le débiteur pour le forcer au paiement ou obtenir une garantie ou une mesure conservatoire ». Cette solution se justifie par le fait que la prorogation du terme peut aggraver la situation de la caution si elle lui est applicable. Page 27 of 88 27 Qu’adviendrait-il si la prorogation du terme a été imposée au créancier lui-même par l’obtention d’un délai de grâ ce. Cette prorogation ne bénéficie pas à la caution qui pourra être poursuivie par le créancier. 2 ) Le remboursement de la caution La caution ne devant en définitive supporter aucune contribution, elle dispose des recours juridiques contre le débiteur principal et éventuellement contre les cofidéjusseurs. a) le recours contre le débiteur principal Le recours de la caution s’exerce en principe après payement. Mais il arrive qu’il soit exercé même avant payement. ) Le recours après payement La caution dispose de deux actions qui se cumulent, une action personnelle et une action subrogatoire L’action personnelle Elle trouve son fondement dans le contrat ou le lien de droit qui existe entre la caution et le débiteur principal. La qualification de ce lien importe peu : mandat, gestion d’affaire, prestation de service etc. La finalité de cette action est de permettre à la caution une totale indemnisation par suite de tout ce qu’elle a eu à subir en exécutant son engagement. Il s’agit du principal, des intérêts, des frais engagés et des dommages et intérêts si l’exécution lui a causé un dommage particulier. En cas de caution partielle, le créancier ne peut pour le reliquat, être préféré à la caution qui a payé et agi en fonction de son recours personnel. (article 21 al. 2 ; article 32 al. 2 de l’Acte de 2010). Il est admis que lorsque la caution s’engageait à l’insu du débiteur ou contre son gré, il est mis à l’écart le recours personnel. Mais le recours subrogatoire resterait dû car il résulte de la seule considération objective du paiement effectué par la caution entre les mains du créancier. Malgré la nouvelle rédaction de l’article 13 al 2 du nouvel Acte selon lequel « Cet engagement peut être contracté sans ordre du débiteur », l’admission du recours subrogatoire lorsque le cautionnement est effectué à l’insu du débiteur principal ne devrait pas être remise en cause. L’action subrogatoire en remboursement Elle est affirmée par l’article 20 al. 1er (nouvel article 31 al. 1er) qui dispose que « la caution est subrogée dans tous les droits et garanties du créancier poursuivant pour tout ce qu’elle a payé ». En vertu de cette action la caution se met à la place du créancier désintéressé. Elle bénéficie ainsi de tous les droits et avantages que le créancier s’était ménagé à l’encontre du débiteur principal, notamment le bénéfice des sûretés du créancier. L’action subrogatoire a pour inconvénient de ne permettre qu’un remboursement limité au montant payé par la caution. De plus, la caution exerçant l’action du créancier, c’est la même prescription qui continue à courir depuis que l’obligation est devenue exigible. S’il y a plusieurs débiteurs principaux solidaire d’une même dette, la caution est subrogée contre chacun d’eux pour tout ce qu’elle a payé, même si elle n’en a cautionné Page 28 of 88 28 qu’un. Si les débiteurs sont conjoints, elle doit diviser ses recours » (Nouvel article 28 al. 2). Cumul des deux actions Par une même demande en justice, la caution peut agir sur les deux terrains pour cumuler leurs avantages respectifs. Obstacles légaux au remboursement (article 19 al. 2 ; Nouvel article 27 al. 5) La caution qui a payé sans en aviser le débiteur principal perd son recours contre lui dans deux cas : si au moment du payement ou antérieurement à ce paiement, le débiteur avait le moyen de déclarer cette dette éteinte ou s’il avait payé dans l’ignorance du paiement de la caution. Si le moyen de faire déclarer la dette éteinte est postérieur au payement, il ne peut constituer un obstacle au remboursement qu’autant que l’exception existait déjà en germe au moment du payement (cas d’une créance non liquide, ni exigible mais certaine). Dans ces hypothèses, la caution dispose d’une action en répétition de l’indu contre le créancier. ) Le recours avant payement Elle a pour finalité d’éviter que la situation de la caution ne s’aggrave et que son remboursement ne soit compromis par l’attente d’un terme prévu au contrat. Il s’agit donc pour la caution de se prémunir contre l’insolvabilité du débiteur. Il a pour support l’article 24 de l’AUS (Article 35 de l’Acte de 2010). Aux termes de ce texte, avant même d’avoir payé, la caution peut agir en paiement contre le débiteur principal ou demander la conservation de ses droits dans le patrimoine de celui-ci dès qu’elle est poursuivie, lorsque le débiteur est en état de cessation de payement ou en déconfiture, lorsque le débiteur ne l’a pas déchargé dans le délai convenu, lorsque la dette est devenue exigible par l’échéance du terme sous le quel elle avait été contractée. Ces recours anticipés sont interprétés strictement en ce qu’ils ne sont ouverts que contre le débiteurs principal et ne peuvent être exercés par la caution contre les cofidéjusseurs11 ni contre les associés de la société cautionnée ou contre les codébiteurs solidaires du débiteur garanti12. b) Le recours contre les cofidéjusseurs La caution qui a payé peut obtenir des cofidéjusseurs, le remboursement de ce qu’elle a déboursé en plus de sa part. Mais elle est tenue de diviser ses poursuites entre les cofidéjusseurs, chacun ne devant payer que sa part. Si une caution est insolvable, la part doit être répartie entre les autres cautions. Il est admis qu’elle peut agir cumulativement sur le fondement de son action personnelle et sur celle de l’action subrogatoire. §2) Les autres dénouements du cautionnement La caution qui conteste la dette évoquera souvent de nombreuses causes d’extinction parmi lesquelles l’impossibilité de subrogation, la faute du créancier, la novation, la transaction, la remise de dette et la prescription. 11 Com. 3 mars 1981, Bull civ. IV, n° 117 ; Com. 27 nov. 1978, Bull. civ. IV, n° 277; Com. 24 nov. 1980, Bull. IV, n° 141. 12 Cf. C. MOULY, Le recours anticipé de la caution contre la sous-caution ; JCP 80, I, 2985. Page 29 of 88 29 A) L’impossibilité de subrogation du fait du créancier Aux termes de l’article 18 al. 2 AUS Nouvel article 29 al. 2 (2037 C. civ.), la caution est déchargée quand la subrogation aux droits et garanties du créancier ne peut plus s’opérer, en sa faveur, par le fait du créancier. Le fait du créancier peut consister par exemple en une mainlevée d’une hypothèque. Toute clause contraire est réputée non écrite. Il faut souligner que la caution n’est déchargée qu’à proportion de la valeur des droits perdus. B) La novation La novation par changement d’objet, qui consiste ici en une substitution d’un nouveau rapport de dette à celui que la caution garantissait, éteint le cautionnement si la caution n’a pas été appelée à cette nouvelle dette. Mais la caution doit prouver à la fois l’intention des parties de modifier leur contrat antérieur (élément intentionnel) et le changement suffisant pour qu’il y ait novation (élément matériel). C) La remise de dette La remise de la dette principale emporte aussi extinction par le mécanisme de l’accessoire. En cas de remise de dette imposée au créancier par le juge dans les procédures collectives, la caution demeure entièrement tenue des dettes. D) La prescription Elle sanctionne une inaction prolongée du créancier. Cette inaction peut être involontaire ou volontaire, le créancier laissant s’éteindre la dette sans faire ouvertement de remise de dette. E) La confusion La confusion suppose que les qualités de créancier et de débiteur se trouvent réunies dans la même personne. Cette situation entraîne l’extinction de la dette et donc du cautionnement. Lorsque la qualité de créancier et de caution se trouvent réunies en la même personne, la créance n’est pas éteinte mais le créancier perd sa sû reté et devient créancier chirographaire (Article 26 AUS ; art. 35 de l’Acte de 2010). Chapitre 2 : La garantie autonome Elle est une innovation apportée par l’AUS aux législations nationales existantes. On retiendra aussi que la dénomination garantie autonome a été substitué à celle de lettre de garantie précédemment retenue dans l’Acte de 1997. Le droit des garanties indépendantes est né de la pratique contractuelle dans les années 1970. Lorsque le cautionnement est rendu moins efficace en raison des exceptions que la caution pouvait soulever, la pratique a cherché à renforcer l’engagement du garant en le privant des exceptions. Elle sera par la suite consacrer par la jurisprudence. Malgré le succès connu par les garanties indépendantes dans le commerce international, il était ignoré par la Page 30 of 88 30 plupart des législations nationales. La Chambre de commerce international (CCI) pour combler ce vide juridique a élaboré en 1978 « Les règles uniformes pour les garanties contractuelles ». En 1992, elle élabore les nouvelles « Règles uniformes relatives aux garanties autonomes » afin de prendre en compte les intérêts divergents des parties. La nouvelle formule reconnaît expressément le droit du bénéficiaire de prétendre à un paiement inconditionnel de sa sû reté. Mais la demande de paiement doit être écrite et justifiée pour protéger le débiteur principal contre les appels injustifiés de garantie. L’AUS s’est inspiré de cette formule. La garantie à première demande se distingue des autres sû retés, particulièrement du cautionnement. Il faut souligner que l’acte de 2010 a apporté des modifications dans les règles de formations aussi bien qu’aux effets de la garantie autonome. Il conviendra de préciser sa nature juridique, les règles de sa formation, ses effets avant d’aborder les problèmes que pose sa mise en œuvre. Section 1 : Nature juridique et mécanisme de la garantie autonome Aux termes de l’article 28 AUS, « La lettre de garantie est une convention par laquelle à la requête ou sur instruction du donneur d’ordre, le garant s’engage à payer une somme déterminée au bénéficiaire, sur simple demande de la part de ce dernier. La lettre de contregarantie est une convention par laquelle, à la requête ou sur instruction du donneur d’ordre au garant, le contregarant s’engage à payer une somme déterminée au garant, sur première demande de la part de ce dernier ». Le nouvel article 39 de l’Acte de 2010 dispose que « La garantie autonome est l’engagement par lequel le garant s’oblige, en considération d’une obligation souscrite par le donneur d’ordre et sur instructions de ce donneur d’ordre, à payer une somme déterminée au bénéficiaire, soit sur première demande de la part de ce dernier, soit selon des modalités convenues ». On observera que dans l’Acte initial, la lo