Droit des sûretés - 10e édition PDF
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Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Laurent Aynès, Pierre Crocq
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Summary
This textbook, "Droit des sûretés - 10e édition", is part of the Droit civil collection. It provides a detailed examination of French surety law, covering both personal and real securities. The book likely includes summaries, analyses, and practical examples for legal professionals and students.
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DROIT DES SÛRETÉS DROIT DES SÛRETÉS Laurent AYNÈS Professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne Pierre CROCQ Professeur à l’Université Panthéon-Assas (Paris II) 10e édition DROIT CIVIL Philippe MALAURIE Laurent AYNÈS Présentation de la collection La collection de Droit civil réunit, outr...
DROIT DES SÛRETÉS DROIT DES SÛRETÉS Laurent AYNÈS Professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne Pierre CROCQ Professeur à l’Université Panthéon-Assas (Paris II) 10e édition DROIT CIVIL Philippe MALAURIE Laurent AYNÈS Présentation de la collection La collection de Droit civil réunit, outre Philippe Malaurie et Laurent Aynès, des auteurs qui ont le souci de renouveler l’exposé du droit positif et des questions qu’il suscite. Les ouvrages s’adressent à ceux qui – étudiants, universitaires, professionnels – ont le désir de comprendre, en suivant une méthode vivante et rigoureuse, ce qui demeure l’armature du corps social. Ouvrages parus Introduction au droit Droit des personnes – La protection des mineurs et des majeurs Les biens Droit des obligations Les contrats spéciaux Droit des successions et des libéralités Droit des sûretés Droit des régimes matrimoniaux Droit de la famille ISBN SOMMAIRE Premières vues PREMIÈRE PARTIE SURETÉS PERSONNELLES TITRE I. – CAUTIONNEMENT Chapitre I. – Caractéristiques du cautionnement Chapitre II. – Formation du cautionnement Chapitre III. – Extinction du cautionnement TITRE II. – GARANTIES NON ACCESSOIRES Chapitre I. – Garantie autonome Chapitre II. – Lettre d’intention DEUXIÈME PARTIE SÛRETÉS RÉELLES Chapitre I. – Droit de rétention TITRE I. – SÛRETÉS RÉELLES CONFÉRANT UN DROIT DE PRÉFÉRENCE SOUS-TITRE I. – SÛRETÉS PORTANT SUR L’ENSEMBLE DU PATRIMOINE Chapitre I. – Privilèges généraux SOUS-TITRE II. – SÛRETÉS MOBILIÈRES Chapitre I. – Gage Chapitre II. – Nantissement Chapitre III. – Privilèges mobiliers SOUS-TITRE III. – SÛRETÉS IMMOBILIÈRES Chapitre I. – La publicité foncière Chapitre II. – Hypothèque conventionnelle Chapitre III. – Sûretés immobilières légales et judiciaire TITRE II. – SÛRETÉS RÉELLES CONFÉRANT UN DROIT EXCLUSIF Chapitre I. – Propriété transmise Chapitre II. – Propriété réservée Index des adages Index des principales décisions judiciaires Index alphabétique des matières PRINCIPALES ABRÉVIATIONS Sources du droit (Codes, Constitutions...) ACP = Ancien Code pénal ACPC = Ancien Code de procédure civile AUS = Acte Uniforme portant organisation des Sûretés BGB = Bürgerliches Gesetzbuch (Code civil allemand) CASF = Code de l’action sociale et des familles C. assur. = Code des assurances C. aviation = Code de l’aviation civile et commerciale CCH = Code de la construction et de l’habitation C. civ. = Code civil C. com. = Code de commerce C. communes = Code des communes C. consom. = Code de la consommation Ccs = Code civil suisse C. déb. boiss. = Code des débits de boissons C. dom. Ét. = Code du domaine de l’État C. dr. can. = Code de droit canonique C. env. = Code de l’environnement C. fam. = ancien Code de la famille et de l’aide sociale C. for. = Code forestier CGCT = Code général des collectivités territoriales CGI = Code général des impôts Circ. = circulaire C. minier = Code minier CMF = Code monétaire et financier C. Nap. = Code Napoléon (édition de 1804) C. nat. = Code de la nationalité C.O. = Code suisse des obligations Const. = Constitution C. org. Jud. = Code de l’organisation judiciaire Conv. EDH = Convention européenne des droits de l’homme CPC = Code de procédure civile CPCE = Code des procédures civiles d’exécution C. pén. = Code pénal C. pr. pén. = Code de procédure pénale C. propr. intell. = Code de la propriété intellectuelle C. rur. = Code rural et de la pêche maritime C. santé publ. = Code de la santé publique CSS = Code de la sécurité sociale C. transports = Code des transports C. trav. = Code du travail C. trib. adm. = Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel (ancien) C. urb. = Code de l’urbanisme D. = décret D.-L. = décret-loi DDH = Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (1789) DUDH = Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen L. = loi LPF = Livre des procédures fiscales NC pén. = Nouveau Code pénal Ord. = ordonnance réd. L. 9 avr. 1898 = rédaction de la loi du 9 avril 1898 Rép. min. = réponse ministérielle écrite Publications (Annales, Recueils, Répertoires, Revues, Grands arrêts...) Act. proc. coll. = Actualité des procédures collectives civiles et commerciales Administrer = Revue Administrer AIJC = Annuaire international de justice constitutionnelle AJDA = Actualité juridique de droit administratif AJPI = Actualité juridique de la propriété immobilière ALD = Actualité législative Dalloz Ann. dr. com. = Annales du droit commercial Annuaire fr. dr. int. = Annuaire français de droit international Ann. propr. ind. = Annales de la propriété industrielle Arch. phil. dr. = Archives de philosophie du droit Arch. pol. crim. = Archives de police criminelle ATF = Annales du Tribunal fédéral (Suisse) BJE = Bulletin Joly Entreprises en difficultés BOCC = Bulletin officiel de la concurrence et de la consommation BOSP = Bulletin officiel du service des prix Bull. cass. Ass. plén. = Bulletin des arrêts de la Cour de cassation (assemblée plénière) Bull. civ. = Bulletin des arrêts de la Cour de cassation (chambres civiles) Bull. crim. = Bulletin des arrêts de la Cour de cassation (chambre criminelle) Bull. Joly Sociétés = Bulletin mensuel Joly Sociétés Cah. dr. auteur = Cahiers du droit d’auteur Cah. dr. entr. = Cahiers de droit de l’entreprise Cah. dr. eur. = Cahiers de droit européen CJEG = Cahiers juridiques de l’électricité et du gaz Comm. com. électr. = Communication – Commerce électronique Contrats, conc., consom. = Contrats, concurrence, consommation D. = Recueil Dalloz DA = Recueil Dalloz analytique D. Aff. = Dalloz Affaires Dalloz Jur. gén. = Dalloz Jurisprudence générale DC = Recueil Dalloz critique Defrénois = Répertoire général du notariat Defrénois DH = Recueil Dalloz hebdomadaire Dig. = Digeste DMF = Droit maritime français Doc. fr. = La documentation française DP = Recueil Dalloz périodique Dr. adm. = Droit administratif Dr. et patr. = Droit et patrimoine Dr. et proc. = Droit et procédures Dr. Famille = Droit de la famille Droits = Revue Droits Dr. ouvrier = Droit ouvrier Dr. pén. = Droit pénal Dr. prat. com. int. = Droit et pratique du commerce international Dr. soc. = Droit social Dr. sociétés = Droit des sociétés EDCE = Études et documents du Conseil d’État GAJA = Grands arrêts – Jurisprudence administrative GAJ civ. = Grands arrêts – Jurisprudence civile GACEDH = Grands arrêts – Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme GAJCJCE = Grands arrêts – Jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes GAJDIP = Grands arrêts – Jurisprudence française de droit international privé Gaz. Pal. = Gazette du Palais GDCC = Grandes décisions du Conseil constitutionnel J.-Cl. civil = Jurisclasseur civil J.-Cl. com. = Jurisclasseur commercial JCP E = Jurisclasseur périodique (semaine juridique), édition entreprises JCP G = Jurisclasseur périodique (semaine juridique), édition générale JCP N = Jurisclasseur périodique (semaine juridique), édition notariale JDI = Journal de droit international (Clunet) JO = Journal officiel de la République française (lois et règlements) JOAN Q/JO Sénat Q = Journal officiel de la République française (questions écrites au ministre, Assemblée nationale, Sénat) JOCE = Journal officiel des Communautés européennes JO déb. = Journal officiel de la République française (débats parlementaires) Journ. not. = Journal des notaires et des avocats JTL = Journal des Tribunaux Luxembourg LPA = Les Petites Affiches Lebon = Recueil des décisions du Conseil d’État Quot. jur. = Quotidien juridique RJDA = Revue de jurisprudence de Droit des Affaires (Francis Lefebvre) RFD aérien = Revue française de droit aérien RD bancaire et bourse = Revue de droit bancaire et de la bourse RD bancaire et financier = Revue de droit bancaire et financier RDC = Revue des contrats RDI = Revue de droit immobilier RDP = Revue du droit public R. dr. can. = Revue de droit canonique RD rur. = Revue de droit rural RDSS = Revue de droit sanitaire et social RD uniforme = Revue du droit uniforme Rec. CJCE = Recueil des arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes Rec. Cons. const. = Recueil des décisions du Conseil constitutionnel Rec. cours La Haye = Recueil des cours de l’Académie de droit international de La Haye Rép. civ. Dalloz = Répertoire Dalloz de droit civil Rép. com. Dalloz = Répertoire Dalloz de droit commercial Rép. pén. Dalloz = Répertoire Dalloz de droit pénal Rép. pr. civ. Dalloz = Répertoire Dalloz de procédure civile Rép. sociétés Dalloz = Répertoire Dalloz du droit des sociétés Rép. trav. Dalloz = Répertoire Dalloz de droit du travail Rev. arb. = Revue de l’arbitrage Rev. crit. = Revue critique de législation et de jurisprudence Rev. crit. DIP = Revue critique de droit international privé Rev. dr. fam. = Revue du droit de la famille Rev. hist. fac. droit = Revue d’histoire des facultés de droit et de la science juridique Rev. loyers = Revue des loyers Rev. proc. coll. = Revue des procédures collectives Rev. sc. mor. et polit. = Revue des sciences morales et politiques Rev. sociétés = Revue des sociétés RFDA = Revue française de droit administratif RFD const. = Revue française de droit constitutionnel RGAT = Revue générale des assurances terrestres RGD int. publ. = Revue générale de droit international public RGDP = Revue générale des procédures RHD = Revue historique du droit RIDA = Revue internationale du droit d’auteur RID comp. = Revue internationale de droit comparé RID éco. = Revue internationale de droit économique RID pén. = Revue internationale de droit pénal RJ com. = Revue de jurisprudence commerciale RJF = Revue de jurisprudence fiscale RJPF = Revue juridique Personnes et Famille RJS = Revue de jurisprudence sociale RLDC = R. Lamy dr. civil = Revue Lamy de droit civil RLDA = R. Lamy dr. aff. = Revue Lamy de droit des affaires RRJ = Revue de recherche juridique (Aix-en-Provence) RSC = Revue de science criminelle et de droit pénal comparé R. sociologie = Revue française de sociologie RTD civ. = Revue trimestrielle de droit civil RTD com. = Revue trimestrielle de droit commercial et de droit économique RTD eur. = Revue trimestrielle de droit européen RTDH = Revue trimestrielle des droits de l’homme S. = Recueil Sirey Juridictions CA = arrêt de la Court of Appeal (Grande-Bretagne) CA = arrêt d’une cour d’appel CAA = arrêt d’une cour administrative d’appel Cass. Ass. plén. = arrêt de l’assemblée plénière de la Cour de cassation Cass. ch. mixte = arrêt d’une chambre mixte de la Cour de cassation Cass. ch. réunies = arrêt des chambres réunies de la Cour de cassation Cass. civ. = arrêt d’une chambre civile de la Cour de cassation Cass. com. = arrêt de la chambre commerciale et financière de la Cour de cassation Cass. crim. = arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation Cass. soc. = arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation CE = arrêt du Conseil d’État CEDH = arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme CJCE = arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes Cons. const. = décision du Conseil constitutionnel Cons. prud’h. = Conseil des prud’hommes JAF = décision d’un juge aux affaires familiales J.d.t. = décision d’un juge des tutelles KB = arrêt du King’s bench (Banc du roi) (Grande-Bretagne) QB = arrêt du Queen’s Bench (Banc de la reine) (Grande-Bretagne) Réf. = ordonnance d’un juge des référés Req. = arrêt de la chambre des requêtes de la Cour de cassation Sent. arb. = sentence arbitrale Sol. impl. = solution implicite TA = jugement d’un tribunal administratif T. civ. = jugement d’un tribunal civil T. com. = jugement d’un tribunal de commerce T. confl. = décision du Tribunal des conflits T. corr. = jugement d’un tribunal de grande instance, chambre correctionnelle T.f. = arrêt du Tribunal fédéral (Suisse) TGI = jugement d’un tribunal de grande instance TI = jugement d’un tribunal d’instance TPICE = Tribunal de première instance des communautés européennes Acronymes AFNOR = Association française de normalisation CCI = Chambre de commerce internationale Ccne = Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé CEE = Communauté économique européenne DASS = Direction de l’action sanitaire et sociale DPU = Droit de préemption urbain IRPI = Institut de recherche en propriété intellectuelle OHADA = Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires OPE = offre publique d’échange de valeurs mobilières POS = plan d’occupation des sols PUAM = Presses universitaires de l’Université d’Aix-Marseille PUF = Presses universitaires de France SA = société anonyme SARL = société à responsabilité limitée SAS = société anonyme simplifiée SCI = société civile immobilière SNC = société en nom collectif Abréviations usuelles A. = arrêté Adde = ajouter Aff. = affaire al. = alinéa Ann. = annales Appr. = approbative (note) Arg. = argument Art. = article Art. cit. = article cité Av. gal. = avocat général cbné = combiné cf. = se reporter à chron. = chronique col. = colonne comp. = comparer concl. = conclusions cons. = consorts Contra = solution contraire crit. = critique (note) DIP = Droit international public/Droit international privé doctr. = doctrine éd. = édition eod. vo = eodem verbo = au même mot Et. = Mélanges ib. = ibid. = ibidem = au même endroit infra = ci-dessous IR = informations rapides loc. cit. = loco citato = à l’endroit cité m. n. /déc. /concl. = même note/ décision/ conclusion n. = note n.p.B. = non publié au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation (inédit) op. cit. = opere citato = dans l’ouvrage cité passim = çà et là préc. = précité pub. = publié rapp. = rapport Sect. = section sté = société som. = sommaires supra = ci-dessus TCF DIP = Travaux du Comité français de DIP th. = thèse V. = voyez v = versus = contre vo = verbo = mot (vis = verbis = mots) *et** = décisions particulièrement importantes Sauf indication contraire, les articles cités se réfèrent au Code civil. BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE Ch. ALBIGES et M.-P. DUMONT-LEFRAND, Droit des sûretés, Dalloz, coll. Hypercours, 5e éd., 2015. M. CABRILLAC, Ch. MOULY, S. CABRILLAC et Ph. PETEL, Droit des sûretés, Litec, 10e éd., 2015 (cité : CABRILLAC-MOULY-PETEL). M. DAGOT, Les sûretés, Thémis, 1981. M. FARGE, Les Sûretés, PUG, 2007. J. FRANÇOIS, Les sûretés personnelles, Economica, 2004. M.-N. JOBARD-BACHELLIER, M. BOURASSIN et V. BRÉMOND, Droit des sûretés, Sirey, 5e éd., 2016. D. LEGEAIS, Sûretés et garanties du crédit, Manuel, LGDJ, 10e éd., 2015. MARTY, RAYNAUD et JESTAZ, Les sûretés, la publicité foncière, 2e éd., Sirey, 1987 (cité : MARTY, RAYNAUD, JESTAZ). MAZEAUD-CHABAS, même titre, Montchrestien, 7e éd. par Yves PICOD, 1999 (cité : MAZEAUD, CHABAS). J. MESTRE, E. PUTMAN et M. BILLIAU, Traité de droit civil – Droit commun des sûretés réelles (tome 1) et Traité de droit civil – Droit spécial des sûretés réelles (tome 2), LGDJ, 1996. M. MIGNOT, Droit des sûretés, Montchrestien, 2e éd., 2010. Y. PICOD, Droit des sûretés, PUF, coll. Thémis, 2e éd., 2011. S. PIEDELIÈVRE, Droit des sûretés, Ellipses, 2e éd., 2015. S. PIEDELIÈVRE, La publicité foncière, Defrénois, 2014. G. PIETTE, Mémento – Droit des sûretés, Gualino, 8e éd., 2014-2015. T. REVET et F. ZÉNATI-CASTAING, Cours de droit civil – Sûretés personnelles, PUF, 2013. J.-F. RIFFARD, Droit des sûretés, Bréal, 2010. J.-B. SEUBE, Droit des sûretés, Dalloz, 8e éd., 2016. Ph. SIMLER, Cautionnement, garanties autonomes, garanties indemnitaires, LexisNexis, 5e éd., 2015. Ph. SIMLER et Ph. DELEBECQUE, Les sûretés, la publicité foncière, précis Dalloz, 6e éd., 2012 (cité : SIMLER et DELEBECQUE). Ph. THÉRY, Sûretés et publicité foncière, PUF, Droit fondamental, 2e éd., 1998 (cité : THÉRY). LAMY, Droit des sûretés, coll. Lamy Droit civil, 2015. Adde : L’évolution des sûretés, colloque de Deauville, no spéc., RJ com., février 1982. Les garanties du crédit, 82e Congrès des Notaires de France, Nice, 1986. Les sûretés (dans le commerce international), Feduci, LGDJ, 1984. Les garanties de financement, Association Capitant, Journées portugaises, 1996. Actualité du droit des sûretés, LPA, 17 juin 1998. Droit des sûretés, Analyse d’un renouveau, Dr. et patr., juill.-août 2002, no 106. Rapport Grimaldi : pour une réforme globale des sûretés, Dr. et patr., septembre 2005, p. 49 s. Commentaire de l’ordonnance du 23 mars 2006 relative aux sûretés, JCP G 2006, supplément au no 20. Commentaire de l’ordonnance du 23 mars 2006, relative aux sûretés, Contrats, conc., consom., 2006, no 11 à 14. Réforme du droit des sûretés, R. Lamy dr. civil, juillet-août 2006, supplément au no 29. La réforme du droit des sûretés, D. 2006, p. 1289 s. Le droit des sûretés à l’épreuve des réformes (sous la dir. de Y. PICOD et P. CROCQ), Éditions juridiques et techniques, 2006. Sûretés mobilières : du nouveau, Dr. et patr., no 161, juillet-août 2007, p. 46 s. La réforme des sûretés après neuf mois de pratique, R. Lamy dr. aff., mars 2007, p. 67 s. Évolution des sûretés réelles : regards croisés Université-Notariat, Litec, 2007. Réformes des sûretés : premiers bilans, Dr. et patr., avril 2012, p. 55 s. PREMIÈRES VUES 1. Objet. – Le Code civil français comporte un Livre IV, intitulé : Des sûretés. Ce livre est récent : il procède d’une ordonnance du 23 mars 2006, entrée en vigueur le 25 mars. C’est dire l’importance et l’autonomie, aujourd’hui consacrée, de ce corps de règles. Cependant, le législateur n’a pas défini la sûreté. Les sûretés sont liées au droit du crédit. Le droit du crédit est celui de la confiance. Il a pour objet les mécanismes juridiques qui permettent au créancier de faire confiance au débiteur, parce qu’ils lui donnent l’assurance qu’il sera payé à l’échéance. « Créancier », « confiance », « crédit », tous ces mots ont une racine commune 1. Les institutions qui rendent sûr le rapport d’obligation s’appellent traditionnellement : les sûretés. Les sûretés garantissent l’exécution future d’une obligation ; elles sont indissociables de l’obligation de somme d’argent à terme 2. Car elles permettent au créancier de se prémunir contre la défaillance du débiteur, dont le risque augmente avec le temps : elle peut être liée non seulement à la mauvaise volonté du débiteur lorsque l’obligation deviendra exigible, mais aussi à l’évolution générale de ses affaires, le précipitant dans une situation d’insolvabilité. L’importance pratique des sûretés n’est pas à démontrer : sans sûreté, pas de crédit 3, sans crédit, pas d’économie moderne. Le crédit est indispensable dans tous les rouages de la vie économique, de la production à la consommation. 2. Garantie et sûreté. – La sûreté est donc une garantie, en ce sens qu’elle rend plus probable la satisfaction à terme du créancier. Mais toute garantie n’est pas une sûreté 4. Certaines règles inhérentes au rapport d’obligation constituent des garanties souvent efficaces : la résolution pour inexécution, l’exception d’inexécution ou la compensation. Plus nettement encore, le droit des obligations connaît des institutions principalement destinées à garantir le créancier : l’action directe 5, la solidarité passive, en règle générale, ou l’obligation in solidum 6. À la différence des sûretés, ces garanties sont la conséquence d’une situation déterminée, d’un ensemble de liens, ou de la nature de ces liens 7. Les sûretés, tout au contraire, s’ajoutent au rapport d’obligation, elles n’en sont jamais la conséquence, et naissent d’une source distincte : la loi, un jugement ou une convention spéciale 8. Certains estiment qu’il est impossible d’englober en une définition unique l’ensemble des sûretés 9. Un auteur propose pourtant la définition suivante : « Une sûreté est l’affectation à la satisfaction du créancier d’un bien, d’un ensemble de biens ou d’un patrimoine, par l’adjonction aux droits résultant normalement pour lui du contrat de base, d’un droit d’agir, accessoire de son droit de créance, qui améliore sa situation juridique en remédiant aux insuffisances de son droit de gage général, sans être pour autant une source de profit, et dont la mise en œuvre satisfait le créancier en éteignant la créance en tout ou partie, directement ou indirectement » 10. La sûreté se caractérise donc par trois traits : sa finalité : améliorer la situation du créancier sans l’enrichir ; son effet : la satisfaction du créancier et l’extinction de la créance ; sa technique : celle de l’accessoire, dont l’intensité peut être variable. 3. Droit du patrimoine. – Si les sûretés donnent un droit qui s’ajoute à la qualité de créancier 11, les instruments qu’elles mettent en œuvre ne sont pas originaux. Ce sont ceux du droit commun : droit des obligations 12 ou droit des biens 13. Ce n’est pas surprenant : le droit des sûretés est au carrefour de ces deux droits patrimoniaux. Il n’existe que par et pour le patrimoine. Par le patrimoine : les éléments du patrimoine (meubles ou immeubles) sont l’assiette des sûretés, ou même le patrimoine dans son ensemble. Pour le patrimoine : indispensables au crédit, les sûretés permettent la production et la circulation des richesses, l’accroissement du patrimoine. Une relation intime unit l’évolution des sûretés à celle du patrimoine (III), qu’expliquent leur mécanisme (I) et leur rôle (II). I. — Mécanisme Pourquoi le créancier d’une somme d’argent 14 non immédiatement exigible veut-il une sûreté pour asseoir sa confiance ? Il suffit pour répondre d’observer la situation du créancier démuni de sûreté, c’est-à- dire chirographaire 15. 4. Créancier chirographaire. – Le droit du créancier chirographaire s’exerce sur tous les biens qui composent le patrimoine du débiteur ; c’est le gage général conféré par les articles 2284 et 2285 du Code civil. Lorsque la dette sera exigible, le créancier pourra faire saisir et vendre un élément quelconque du patrimoine du débiteur (à l’exception des biens insaisissables) et se payer sur le prix de vente. Apparemment, ce droit de gage, parce qu’il est général 16, paraît être une garantie solide. En réalité, il est une garantie illusoire pour deux raisons : – Entre la naissance de la dette et son exigibilité, le patrimoine du débiteur a pu se modifier. Or, le créancier ne peut saisir que les biens existant au moment de la saisie. Si le débiteur a donné ou vendu les biens que le créancier a pris en considération pour asseoir sa confiance, celui-ci ne peut plus en principe les saisir. Exceptionnellement, l’action paulienne 17 – mais elle suppose l’existence de la fraude (C. civ., art. 1167) – ou l’inefficacité de certains actes de disposition accomplis pendant la période suspecte en cas de « faillite » du débiteur 18, permettent de faire rentrer et de saisir certains biens dans le patrimoine du débiteur. Pour le reste, la qualité de débiteur ne rend pas incapable de disposer de son patrimoine ; par conséquent les actes disposition accomplis par le débiteur avant la saisie sont efficaces. Seule la saisie immobilise le bien au moment où elle est exercée. Le danger provient, sous ce premier aspect, du débiteur lui-même. – Le danger peut aussi provenir des autres créanciers saisissant les biens du débiteur. Lorsqu’ils concourent sur le prix de vente du bien saisi, de deux choses l’une : ou bien, le paiement est le prix de la course ; les premiers saisissants sont les premiers payés ; ou bien, le paiement s’effectue au marc le franc (C. civ., art. 2285) : lorsque plusieurs créanciers chirographaires saisissent le même bien, ou en cas de saisie collective (« faillite » du débiteur) – le même patrimoine, le prix se distribue entre eux par contribution, c’est-à-dire proportionnellement au montant de chaque créance. Si le prix est insuffisant, aucun créancier ne sera entièrement payé. Le seul droit de gage général ne permet donc pas au créancier de se prémunir contre l’insolvabilité future du débiteur. Il lui faut ajouter à sa qualité de créancier chirographaire une sûreté 19 ; et ceci de deux manières : soit en obtenant contre un autre que le débiteur un droit personnel, un droit de gage général sur un autre patrimoine que celui de son débiteur ; soit en se faisant donner, sur le patrimoine de son débiteur, une priorité. 5. Sûreté personnelle. – Dans le premier cas, le créancier conjure le risque d’insolvabilité en le répartissant sur deux patrimoines (ou davantage). Il obtient qu’un tiers s’engage aux côtés du débiteur, ce qui lui donne deux débiteurs au lieu d’un. Sans doute n’a-t-il, dans le patrimoine de chacun d’eux, qu’un droit de créancier chirographaire. Mais son droit de gage général est multiplié : il est peu probable que les deux (ou davantage) débiteurs seront l’un et l’autre insolvables lors de l’exigibilité de la dette. Plusieurs institutions d’origine légale ou judiciaire (obligation in solidum, action directe) ou conventionnelle (assurance, solidarité passive, délégation, stipulation pour autrui, garantie autonome, cautionnement) permettent à un créancier d’avoir plusieurs débiteurs. Seuls le cautionnement, les garanties autonomes et, dans certains cas, la solidarité passive 20 et la délégation, adjoignent au débiteur un garant obligé pour un autre. Ce garant dispose donc d’un recours contre le débiteur principal qui, seul, doit finalement supporter la dette 21. Eux seuls constituent pour le créancier des sûretés. 6. Sûreté réelle. – L’autre solution est d’un esprit différent. Le créancier se contente du patrimoine de son débiteur 22. Mais il obtient par avance soit un droit de préférence sur le prix de la vente forcée d’un élément déterminé (meuble ou immeuble) ou de l’ensemble de ce patrimoine, soit un droit exclusif, la propriété, sur un bien devant être transféré au débiteur en cas de paiement. Le droit de préférence permet d’être payé par priorité lors de la distribution du prix et donc d’éviter le concours avec les créanciers chirographaires du débiteur. Demeure l’autre danger, provenant du débiteur lui-même : celui de la disparition du bien entre la naissance de la créance et l’exercice de la saisie. Afin de rendre la sûreté réelle vraiment sûre, il faut donner au créancier non seulement un droit de préférence – qui ne s’exercera qu’après la saisie –, mais aussi un droit sur le bien, lui permettant d’éviter sa disparition avant que la dette ne soit devenue exigible. La solution la plus radicale consiste à exiger du débiteur qu’il remette l’objet sur lequel porte le droit de préférence entre les mains du créancier, qu’il s’en dépossède : dans une sûreté primitive comme le gage, la dépossession a été longtemps essentielle. Mais elle n’est pas toujours possible : que faire si l’assiette du droit de préférence est un immeuble, ou un meuble incorporel (fonds de commerce, créance, part de société civile) ou l’ensemble du patrimoine ? De plus, elle est inopportune lorsque l’objet donné en garantie n’a de valeur que par l’usage qu’on peut en faire (véhicule automobile, outillage, aéronef...). Il faut alors remplacer la dépossession par un droit de suite, permettant au créancier de suivre l’assiette de sa sûreté en quelque main qu’elle passe : le constituant peut en disposer, le créancier ne la perd pas pour autant. Ces diverses prérogatives (droit de préférence et droit de suite) sont celles du droit réel, jus ad rem, et, comme la propriété, elles donnent au créancier un droit sur une chose 23. Mais, à la différence de la propriété, elles ne confèrent pas une protection complète au créancier dans la mesure où leur objet demeure dans le patrimoine du débiteur, ce qui a notamment pour conséquences, d’une part, que le créancier peut se trouver en concours avec un autre créancier titulaire sur le même bien d’un droit de préférence prioritaire par rapport au sien et, d’autre part, qu’en cas de « faillite » du débiteur, l’objet de son droit de préférence étant inclus dans l’actif du débiteur en difficulté, le créancier verra ses droits restreints par l’application des règles de la procédure collective. Ces inconvénients sont, en grande partie, évités lorsque le créancier se voit conférer non pas un simple droit de préférence sur un bien, mais un droit de propriété, c’est-à-dire un droit exclusif qui lui permet, en faisant sortir le bien du patrimoine de son débiteur (ou en l’empêchant d’y entrer), non seulement d’échapper à tout concours avec les autres créanciers de ce débiteur mais aussi d’éviter de se voir opposer bon nombre des restrictions qui sont imposées aux créanciers en cas de « faillite ». Une telle propriété n’est cependant conférée au créancier qu’à des fins de garantie, la propriété du bien devant être transférée au débiteur en cas de paiement. Ceci a pour conséquence qu’à l’image du droit de préférence doublé du droit de suite, elle constitue un droit réel accessoire. Droit personnel contre un autre que le débiteur, ou droit réel accessoire, telles sont les deux techniques du droit des sûretés. II. — Rôle Comme nombre d’institutions juridiques, les sûretés jouent à la fois un rôle positif et négatif. 7. Crédit immédiat ; engagement pour l’avenir. – Leur avantage principal est de favoriser le crédit 24. Elles en sont même, bien souvent, une condition car les établissements de crédit et sociétés de financement doivent respecter des exigences de fonds propres, récemment renforcées par le comité de Bâle sur le contrôle bancaire (Bâle III) 25 et réglementées par un règlement communautaire du 26 juin 2013 26, qui sont déterminées en fonction de leur exposition au risque, laquelle se trouve réduite si ces créanciers disposent de sûretés efficaces (cette efficacité devant, selon l'art. 194 du règlement, faire l'objet d'un avis juridique indépendant fourni par l'établissement de crédit à son régulateur 27). En conséquence, pour une même quantité de fonds propres, une banque pourra prêter plus ou moins selon que le crédit sera, ou non, garanti par une sûreté. De même, l’existence ou l’absence d’une sûreté efficace a une influence sur le taux du crédit et sur la durée de son remboursement 28. On observera, toutefois, que l'impact de l'efficacité des sûretés ne peut faire l'objet aujourd'hui que d'une détermination approximative, car actuellement les méthodes employées pour déterminer la valeur d'une sûreté et pour l'incorporer dans leur modélisation de risque de crédit diffèrent selon les banques 29. Il peut s’agir d’un crédit institutionnel distribué par les organismes de crédit (banques, établissements financiers) à la production, aux échanges et à la consommation, ou d’un crédit individuel : sûr d’être payé, le créancier se montre moins pressant, il accorde au débiteur des délais. Ce qui peut aussi se révéler désastreux : grâce aux sûretés dont ils sont munis, certains créanciers se soucient peu d’exiger le paiement à l’échéance et laissent s’accumuler un passif dont les autres créanciers – chirographaires – font les frais 30. Plus généralement, les sûretés engagent l’avenir, mais le débiteur, aveuglé par les avantages présents du crédit, n’en a pas toujours conscience. Contre la remise des fonds prêtés, ou l’octroi d’un délai – avantages immédiats –, il prend un engagement dont la rigueur à venir peut lui échapper. C’est pourquoi le droit français a longtemps considéré la constitution conventionnelle de sûretés réelles (gage, hypothèque) comme un acte grave, exigeant une capacité de disposer, bien qu’il n’y ait pas, à proprement parler, disparition immédiate et certaine du bien pour le constituant 31. Le cautionnement, au contraire, n’était pas soumis à cette règle ; il était, dans le Code civil, un « petit » contrat, relevant entièrement de la liberté contractuelle, bien que les dispositions qui lui étaient consacrées fussent abondantes. Mais les choses changent. Sensible au risque de surendettement des particuliers, le législateur contemporain traite le cautionnement comme un acte grave 32. Alors qu’à l’inverse, la constitution d’une sûreté réelle limitant le risque du constituant à la perte d’un bien déterminé, contrepartie d’un crédit obtenu, paraît devoir être encouragée, seule la protection du logement exigeant certaines restrictions. Il est aujourd’hui admis que l’économie se nourrit de crédit, qu’il faut donc développer par la simplification des sûretés réelles. C’est peut-être ce qui explique que les parlementaires aient accepté de laisser le gouvernement réformer les sûretés réelles par ordonnance (ord. du 23 mars 2006), mais aient refusé leur habilitation pour le cautionnement (L. du 28 juill. 2005, art. 24). Certaines sûretés présentent individuellement d’autres inconvénients, d’ordre économique. Elles peuvent augmenter le coût du crédit, lorsque leur constitution implique un acte notarié qui doit être publié (sûretés réelles) ; ou lorsque le garant exige, pour le risque qu’il court, une rémunération (sûretés personnelles). Elles peuvent entraver la circulation des biens : on revend difficilement un immeuble hypothéqué ou un meuble donné en gage, et la réalisation de la sûreté (saisie et vente forcée) est souvent lente et onéreuse. QUALITÉS SÛRETÉS Constitution simple et Adapté Ne gaspille pas Efficace Réalisation simple et peu onéreuse le crédit du débiteur rapide Privilège général x x Privilège mobilier général x x Privilège mobilier spécial x x Hypothèque et privilège immobilier x x Gage avec dépossession x x Gage sans dépossession x x x Cautionnement x x Garantie autonome x x x Crédit-bail x x Réserve de propriété x x x Cession Dailly x x x Fiducie x x 8. Sûreté idéale. – Une sûreté idéale devrait avoir quatre qualités ; elle devrait être : – d’une constitution simple et peu onéreuse, pour ne pas augmenter le coût du crédit ; – adaptée à la dette qu’elle garantit – ni trop ni pas assez – afin d’éviter l’abus de sûreté qui gaspille le crédit du débiteur ; – efficace, c’est-à-dire donner au créancier la certitude d’être payé à l’échéance, si le débiteur ne s’exécute pas ; – d’une réalisation simple, afin d’éviter les lenteurs et les frais inutiles. Aucune sûreté ne réunit, en droit français, ces quatre caractères. Aucune sûreté ne les a eus dans le passé. Selon les époques, certaines sûretés s’approchent de l’idéal, comme le montre leur évolution. III. — Évolution Le mouvement général est la promotion des sûretés réelles et le recul des sûretés personnelles, mais ce mouvement n’est ni constant, ni uniforme : dans les relations d’affaires, ce sont les sûretés personnelles qui ont eu, jusqu’à une époque récente, les faveurs de la pratique. 9. Garantie sur la personne. – À l’origine, la sûreté est constituée par la personne du débiteur. C’est le nexum, enchaînement du débiteur, qui permet au créancier de se saisir de lui et de le réduire en esclavage. Progressivement, à la garantie sur la personne est substituée une garantie sur les biens. Le droit romain a surtout connu les sûretés personnelles, ancêtres du cautionnement ou de la garantie autonome. Ce qui peut s’expliquer par deux raisons : le faible développement de la technique du droit réel limitait celui des sûretés réelles, alors que n’existait pas une publicité analogue à celle que nous connaissons. Dans une société plus réduite, la garantie personnelle, service d’ami, enracinée dans la solidarité familiale, suffisait. Le droit personnel contre un débiteur adjoint présentait plus d’intérêt que le gage. Quant à l’hypothèque, d’origine grecque, elle n’était pas inconnue 33, mais son caractère occulte la rendait peu efficace. 10. Essor des sûretés réelles. – Le mouvement s’inverse progressivement dès le Moyen Âge, par la promotion constante des sûretés réelles avec dépossession, puis sans dépossession du constituant 34. Cependant, l’hypothèque, notamment, n’est devenue une sûreté efficace qu’après qu’une loi du 11 Brumaire an VII ait organisé un système de publicité obligatoire. Cette évolution s’explique sans doute par la modification des relations sociales – les liens se distendent – et de la composition des patrimoines. 11. Relations civiles. – Aujourd’hui, les sûretés réelles, dont la technique s’est perfectionnée, ont la primauté dans les relations civiles. Le crédit a souvent pour objet un immeuble, et l’immeuble a les qualités d’une bonne sûreté. L’hypothèque ou le privilège immobilier spécial (du vendeur ou du prêteur) accompagnent la quasi-totalité des transactions immobilières à crédit. Pourtant, la composition des patrimoines se modifie. L’immeuble est souvent remplacé par des droits incorporels – créances, ou parts de sociétés civiles propriétaires d’immeubles – qui donnent à l’autre grande sûreté réelle – le gage et le nantissement – une nouvelle jeunesse. Mais l’essor des procédures collectives dans le domaine civil est peut-être de nature à provoquer un dépérissement des sûretés réelles, et un nouveau développement des sûretés personnelles. À quoi s’ajoute une lente érosion des patrimoines privés : quand on n’a pas ou peu de biens, comment offrir une sûreté réelle ? 12. Relations d’affaires. – Dans la vie des affaires, au contraire, les sûretés personnelles conservent beaucoup d’importance. Comme souvent, les relations commerciales – mouvantes – sont ici un facteur de création. De plus, le milieu des affaires est perméable aux innovations de la pratique internationale. La préférence pour les sûretés personnelles peut s’expliquer par trois raisons, au moins : – D’abord, les entreprises commerciales sont rarement propriétaires d’immeubles, pour des raisons comptables ou fiscales. Elles pourraient donner en garantie leur fonds de commerce ou certains éléments d’exploitation et elles le font. Mais ces biens n’ont de valeur que par leur exploitation. Ils dépendent donc de l’activité du débiteur, ce qui les rend fragiles. – Ensuite, la constitution d’une sûreté réelle implique parfois des formalités longues et onéreuses ; or, le commerce a besoin de rapidité et de simplicité. Les sûretés réelles amputent le crédit du débiteur ; or, celui-ci a un besoin permanent de crédit. Les sûretés personnelles sont simples et souples. Elles peuvent être données par les établissements financiers dont la solvabilité est au-dessus de tout soupçon, et participent ainsi de la politique commerciale de ces établissements. – Enfin, les sûretés réelles ne sont plus très sûres lorsque survient un événement auquel le débiteur commerçant est souvent exposé : la « faillite » 35. Les titulaires de sûretés réelles se voient alors imposer une procédure de vérification qui retarde leurs poursuites, des délais et des remises, et surtout sont souvent primés par des créanciers qui absorbent tout l’actif du débiteur (salariés et Trésor public 36). Mieux vaut alors avoir un droit contre un autre que le débiteur, une sûreté personnelle. Cependant le milieu des affaires manifeste une certaine méfiance à l’égard du cautionnement, sans doute provoquée par le développement d’une jurisprudence et de dispositions légales protectrices de la caution personne physique ; lui-même suscité par les abus de cautionnement. Apparaissent des garanties plus efficaces que le cautionnement, personnelles (garantie à première demande) ou même réelles : la propriété (clause de réserve de propriété, location-vente, crédit-bail, cession fiduciaire de créances professionnelles, fiducie-sûreté) est l’arme absolue contre les autres créanciers même en cas de « faillite » (cette efficacité ayant été toutefois quelque peu limitée en cas de sauvegarde ou de redressement judiciaire par l’ordonnance du 18 décembre 2008). Ce n’est qu’un retour aux origines. 13. Variétés. – Les sûretés sont aujourd’hui nombreuses et variées. Leur évolution n’est pas achevée, car elles sont tributaires de la vie économique, en constante mutation. Comme dans le droit des contrats spéciaux, on assiste à une floraison de garanties nouvelles, d’abord variété d’une sûreté nommée, puis prenant à l’égard du modèle de plus en plus de liberté pour acquérir un régime spécifique 37. Les facteurs de cette évolution sont nombreux ; on entrevoit pourtant certaines lois permanentes. 14. Facteurs. – Les sûretés et leur évolution dépendent d’une multiplicité de facteurs : juridiques, sociologiques et surtout économiques et politiques. Le droit des sûretés dépend de l’évolution d’autres droits, au carrefour desquels il se trouve : droit des obligations et, s’il s’agit de sûretés réelles, droit des biens ; voies d’exécution, puisque le droit des sûretés est polarisé par le risque d’insolvabilité du débiteur ; de plus en plus, droit de la « faillite », tout au moins s’il s’agit de relations d’affaires. À cet égard, le droit des sûretés personnelles est traditionnellement dominé par la liberté des conventions (C. civ., art. 1134) ; tandis que celui des sûretés réelles, créant un droit de préférence contraire au principe d’égalité des créanciers (C. civ., art. 2285), met en jeu l’intérêt des tiers et même de l’économie en général (surtout en cas de « faillite » de l’entreprise) ; il est donc plus fortement encadré par la loi. Mais les choses changent et peut-être même s’inversent 38. 15. Facteurs économiques. – Plus importants sont les facteurs économiques. Tous les créanciers n’ont pas besoin des mêmes sûretés. Tous les débiteurs ne peuvent offrir les mêmes sûretés. À l’égard des créanciers, une place à part doit être faite aux banques, qui, aujourd’hui exercent un rôle prépondérant dans le crédit, et aux vendeurs, ou plus exactement aux fournisseurs. Les banques n’ont que faire d’un droit réel. Ce qui les intéresse, c’est le recouvrement des fonds, le plus simplement et le plus rapidement possible. Aussi sont-elles surtout attachées aux sûretés personnelles 39 (cautionnement, contre-garantie autonome), aux sûretés réelles qui portent sur un droit personnel (nantissement et, surtout, cession fiduciaire de créances) ou toute forme d’engagement d’un dirigeant d’entreprise (comfort letter). Dans leurs relations avec les particuliers, elles peuvent prendre des sûretés réelles immobilières, mais qui sont toujours assorties d’une assurance-décès ou invalidité, laquelle confère un droit personnel. Les banques sont également friandes de cautionnement mutuel. Au contraire, les vendeurs, surtout lorsqu’ils sont fournisseurs, sont intéressés par un droit réel sur l’objet de la vente (réserve de propriété, nantissement du matériel ou de l’outillage), car ils ont les moyens d’en tirer parti. La sûreté se développe d’autant mieux qu’il y a une relation entre la créance et le bien donné en garantie ; c’est une des clefs de l’évolution contemporaine du crédit, ainsi que le confirme la condition de certains débiteurs. Tous les débiteurs ne peuvent offrir les mêmes sûretés. La situation du consommateur n’est pas la même, ici comme ailleurs, que celle du professionnel. Très souvent, le consommateur a pour ressources essentielles les revenus de son travail. Il fait appel au crédit dans deux sortes d’hypothèses. Afin d’acquérir son logement ; la sûreté portera sur l’objet même du crédit, un privilège immobilier doublé d’une assurance-vie ou incapacité, voire même chômage. Aujourd’hui, la sûreté réelle est souvent remplacée par un cautionnement mutuel. Ou bien afin d’acquérir des biens mobiliers ; la sûreté porte à nouveau sur l’objet même du crédit (réserve de propriété, location-vente, crédit-bail) ou résulte d’un cautionnement 40. La sûreté que peut offrir un professionnel tient surtout aux éléments de son exploitation (fonds de commerce, immeuble social, créances sur la clientèle) et même les produits futurs de cette exploitation (le bordereau Dailly et, aujourd’hui, le Code civil, permettent de donner en sûreté les créances futures). La loi « initiative et entreprise individuelle » du 11 février 1994, dite loi Madelin, rend d’ailleurs cette affectation préférentielle, en obligeant l’établissement de crédit ou la société de financement 41 qui envisage de consentir un « concours financier » à un entrepreneur individuel à informer celui-ci de la possibilité de proposer une garantie sur les seuls biens nécessaires à l’exploitation, avant toute autre sûreté réelle ou personnelle (CMF, art. L. 313-21). 16. Politique législative. – Toute sûreté traduit un choix ; lorsque le débiteur est insolvable, elle permet à un créancier d’être préféré à un autre ; préférer tout le monde, c’est n’aimer personne. Tout choix relève d’une politique législative. Qui faut-il préférer ? La famille, l’État, le fournisseur, le salarié, etc. ? La préférence qui sera donnée à certains créanciers aura nécessairement pour effet de neutraliser les autres sûretés, notamment dans une procédure collective telle que la « faillite ». Si on fait passer les salariés, le Trésor et la Sécurité sociale avant les fournisseurs (qui peuvent invoquer le privilège du vendeur de meubles) et les créanciers nantis, on désavantage ces derniers au profit de la collectivité. Afin d’échapper à ces priorités légales, les créanciers cherchent un refuge dans le droit commun des obligations (sûretés personnelles) et surtout la liberté du transfert de propriété (sûretés fondées sur la propriété). Le législateur doit-il réagir et traiter celles-ci comme de véritables sûretés, ou s’incliner devant la supériorité du droit de propriété, quitte à laisser celui-ci subvertir l’ordre légal ? La France n’a pas véritablement choisi, ce qui crée, surtout dans le domaine des sûretés réelles, une impression de « pagaille ». 17. Dialectique permanente. – Le droit des sûretés obéit à une dialectique permanente, plus encore que toute autre institution. En voici deux manifestations. D’une part, une dialectique de la simplicité et de la complexité. Toute sûreté est initialement une technique simple qui tend progressivement à devenir compliquée et à se diversifier jusqu’au moment où son excès de lourdeur oblige à un retour à la simplicité 42. Le phénomène est particulièrement saisissant à l’égard du cautionnement, mais se retrouve dans les sûretés réelles. D’autre part, une dialectique de l’accroissement et de la diminution. En un sens, les sûretés se multiplient, pour des raisons diverses. Toute création de richesse nouvelle suscite fatalement l’apparition d’un nouvel instrument de crédit. Surtout, tous les créanciers s’efforcent aujourd’hui d’obtenir des sûretés ; la sécurité est devenue, là aussi, un besoin contemporain profond. Mais cette inflation des sûretés produit, au deuxième degré, des effets pervers. L’avantage conféré à un créancier est supporté par les autres en cas d’insolvabilité du débiteur. Ce qui enlève, d’abord et progressivement, aux créanciers chirographaires la possibilité d’obtenir une quote-part de leur créance. Puis, dans un second stade, retire, rang après rang, toute utilité aux sûretés elles-mêmes, au moins lorsqu’il s’agit de sûretés réelles. Trop de sûretés, pas de sûreté 43. L’inflation des sûretés porte en elle-même leur disparition, de la même manière que l’inflation des diplômes ou celle de la monnaie. D’abord, la course aux sûretés reprend, mais d’une autre manière : c’est à qui aura le premier rang. Puis les sûretés sont abandonnées au profit de l’assurance (salaires, COFACE, assurance-décès, assurance-crédit) ou de la caution mutuelle : le risque de l’insolvabilité du débiteur connaît un début de socialisation, de la même manière que dans le droit de la responsabilité, le risque d’un certain nombre de dommages s’est peu à peu socialisé, d’abord par l’effet de l’assurance, puis par celui de la Sécurité sociale. L’assureur a un recours contre le débiteur, ce qui est sans inconvénient pour le créancier, qui obtient ainsi une sécurité supérieure aux sûretés classiques, même lorsqu’elles sont réelles. 18. Contrôle judiciaire de l’excès de sûretés ? – Suivant une pente générale de « judiciarisation » du droit privé, on peut se demander s’il ne faudrait pas permettre au juge d’exercer un contrôle sur le recours, par le créancier, à une sûreté. Certains auteurs encouragent l’avènement d’un « principe de proportionnalité », qui permettrait au juge d’anéantir ou de réduire une sûreté excessive, eu égard à la créance garantie (sûretés réelles) 44 ou à la situation du constituant (sûretés personnelles) 45. Le phénomène ne serait significatif qu’à l’égard des sûretés conventionnelles, où il heurterait le principe de liberté des conventions. S’agissant au contraire des sûretés légales, prises à l’initiative du seul créancier, ou des sûretés judiciaires, fondées sur une autorisation du juge, une vigilance judiciaire s’impose naturellement 46. Ce contrôle des sûretés conventionnelles pourrait prendre appui sur la théorie de l’abus de droit ; mais celle-ci ne s’appliquerait aisément qu’à la réalisation de la sûreté, exercice d’un droit préexistant. Ou plutôt sur les règles de la responsabilité civile : le fait de demander et d’obtenir d’un débiteur en état d’infériorité la constitution d’une sûreté disproportionnée serait une faute (précontractuelle ?), parce qu’en réalité, le créancier ne rechercherait pas une véritable protection contre l’insolvabilité : soit qu’il bénéficie déjà de cette protection par ailleurs (cumul de sûretés), soit qu’il n’ait aucune chance d’obtenir le paiement ; il cache donc un autre dessein 47. Ce type de raisonnement est dangereux : il n’est pas bon de placer sous contrôle judiciaire la décision de conclure un contrat, car le juge ne peut se substituer aux parties et refaire exactement l’histoire. Quant aux effets du contrat, le pouvoir modérateur du juge est en grande partie joué par le principe de l’accessoire, la théorie de l’abus de droit, l’exécution de bonne foi... Il n’appartient pas au juge, mais, le cas échéant, au législateur 48, d’interdire ou d’entraver le recours à telle ou telle sûreté. De plus, il n’est pas sûr que le juge français soit armé pour exercer un contrôle de l’opportunité d’une sûreté et du risque pris par le créancier. En revanche, le contrôle de la licéité du contrat lui revient : il pouvait déjà être admis qu'était entachée d’une cause illicite (C. civ., ancien art. 1131) la convention constitutive d’une sûreté, par laquelle le créancier entend, en réalité, confisquer la liberté de gestion du constituant ou créer une situation de dépendance. Ce serait en tout cas une faute à l’égard du débiteur et surtout des autres créanciers : tel a paru être, à certains auteurs, l’esprit du nouvel article L. 650-1 du C. com., selon lequel un créancier peut être tenu pour responsable du préjudice subi par un entrepreneur en difficulté du fait des concours 49 consentis si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci ; mais l’application de ce texte suppose non seulement que les garanties consenties soient disproportionnées (et ce n'est parce qu'il y en a plusieurs pour une même dette que tel est nécessairement le cas 50), mais aussi que le concours accordé soit lui-même abusif, ainsi que l’a expressément reconnu la Cour de cassation 51, la prise de garanties disproportionnées étant alors le signe d’un comportement particulièrement fautif du créancier et un cas d’ouverture d’une action en responsabilité pour soutien abusif laquelle n’a pas été totalement supprimée par la réforme du droit des procédures collectives issue de la loi dite « de sauvegarde » du 26 juillet 2005 52. À compter du 1er octobre 2016, un tel contrôle exercé par le juge pourrait prendre appui sur le nouvel article 1143 du Code civil issu de la réforme du droit des obligations par l'ordonnance du 10 février 2016. En effet, ce texte prévoit qu'il y a « violence lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif », ce qui pourrait permettre un contrôle judiciaire de l'excès de sûretés lorsque le constituant de la sûreté n'a pas la possibilité de trouver un autre créancier susceptible de lui procurer un crédit comparable, à condition que le créancier ait commis un abus (menace, pression...). 19. Réforme du Code civil : un nouveau Livre IV. – Depuis 1804, les dispositions légales relatives aux sûretés, éparses dans le Code civil, ont fait l’objet de nombreuses modifications de détail ; de nombreuses interventions législatives ponctuelles et spéciales ont, dans le Code civil ou en dehors de celui-ci, modifié par touches successives et souvent non coordonnées, le droit des sûretés. En outre, la jurisprudence, abondante notamment en matière de sûreté personnelle, a profondément marqué le droit positif. Une réforme d’ensemble s’imposait d’autant plus que le système français était critiqué de l’extérieur pour sa complexité et sa raideur. En juillet 2003, le garde des Sceaux confiait à un groupe de travail présidé par Michel Grimaldi le soin de proposer une réforme globale du droit des sûretés. Le rapport du groupe de travail, accompagné d’un avant-projet de textes constituant un nouveau Livre IV du Code civil, fut remis en mars 2005 53. Puis le Gouvernement a obtenu une habilitation pour réformer les sûretés réelles et introduire dans le Code civil la garantie autonome et la lettre d’intention (L. 26 juill. 2005, no 2005- 842, pour la confiance et la modernisation de l’économie 54, art. 24). L’ordonnance est intervenue le 23 mars 2006 ; elle est entrée en vigueur deux jours plus tard et a fait l’objet d’une ratification par la loi no 2007-212 du 20 février 2007. L’ordonnance du 23 mars introduit une réforme d’ensemble du droit des sûretés 55, pas tout à fait complète cependant, puisque le cautionnement est entré « à droit constant » dans le Livre IV (les articles du Code civil ont seulement changé de numéros), que les privilèges ont subi le même sort, que la fiducie-sûreté ne figure pas dans le Livre IV et que certaines sûretés ne font l’objet d’aucune disposition, ou demeurent en dehors du Code civil (nantissement de compte d’instruments financiers, par exemple). Les trois principaux objectifs de la réforme sont les suivants : moderniser, c’est-à-dire simplifier la constitution et la réalisation des sûretés, abaisser le coût de ces opérations, introduire plus de souplesse contractuelle et accroître l’efficacité des garanties dans l’intérêt du crédit ; faciliter le recours au crédit, notamment à la consommation, en incitant les Français à engager plus facilement leurs biens, notamment immobiliers, en garantie d’un crédit ; rendre le droit français « lisible », non seulement pour les Français, mais de l’étranger, afin de permettre son éventuelle adoption par des pays attachés à la tradition civiliste ; cela supposait le rassemblement de règles naguère éparses dans un seul instrument, le Livre IV du Code civil, l’organisation et la coordination de ces règles, l’édiction de quelques principes communs, la consécration législative d’acquis jurisprudentiels. Ces objectifs n’ont pu être atteints que partiellement, du fait de l’amputation de certaines dispositions de l’avant-projet par la loi d’habilitation (cautionnement, privilèges), de modifications intervenues à l’initiative du gouvernement (suppression de certains principes généraux, mise à l’écart de certaines sûretés, comme celles qui portent sur la monnaie...) et surtout de l’influence du droit des procédures collectives, qui a fait l’objet d’une réforme séparée et non coordonnée. Les apports de la réforme sont de trois ordres : des consécrations légales du droit positif à droit constant (introduction dans le Code civil du droit de rétention, de la garantie autonome, de la lettre d’intention, de la réserve de propriété, consécration de l’antichrèse-bail) ; des améliorations techniques, qui ne bouleversent pas le droit positif, mais le rendent plus efficace (généralisation du pacte commissoire, en matière mobilière et hypothécaire, faculté d’attribution judiciaire de l’immeuble dans ce dernier cas, amélioration des processus d’extinction de l’hypothèque et de libération de l’immeuble hypothéqué) ; des innovations profondes : elles consistent, en matière mobilière, en l’abandon du caractère réel du contrat de gage, qui peut être désormais constitué par inscription ; en la généralisation de la possibilité de nantir un meuble incorporel et en la modernisation du nantissement des créances. En matière immobilière, les innovations les plus importantes ont trait à l’institution de l’hypothèque pour dette future et de l’hypothèque « rechargeable » (cette dernière innovation ayant été depuis supprimée par une loi du 17 mars 2014 puis ressuscitée, mais à seule fin de garantir des créances professionnelles, par une autre loi du 20 décembre 2014) ; le prêt viager hypothécaire, qui a beaucoup retenu l’attention (sans pour autant connaître le succès 56), intéresse le droit de la consommation, plutôt que celui des sûretés. La réforme est entrée en vigueur le 25 mars 2006. Elle s’applique aux sûretés constituées à compter de ce jour 57. Ceci, sous deux réserves : plusieurs dispositions nouvelles impliquent la publication d’un décret d’application (tel le gage par inscription, par exemple) ; elles n’entrent en vigueur qu’avec celui-ci. En outre, l’ordonnance repousse l’entrée en vigueur des dispositions nouvelles relatives au gage automobile au 1er juillet 2008 au plus tard (art. 58). Dix ans après l’entrée en vigueur de la réforme, l’heure est aux bilans 58, qui préparent sans doute des réformes complémentaires à venir. 20. Un droit en perpétuelle évolution. – On aurait pu croire que la réforme du droit des sûretés au sein du Code civil allait entraîner une stabilisation de ce droit, au moins pendant quelques années. Mais c’eût été bien mal connaître le législateur et son besoin continuel de changements qui fait que, depuis 2006, de nouvelles évolutions sont d’ores et déjà apparues ou bien se profilent à l’horizon. Tel est le cas de la généralisation des garanties réelles fondées sur l’exclusivité. Peu de temps après la réforme générale des sûretés réelles, une nouvelle institution a été consacrée de manière générale, au pas de charge : la fiducie-sûreté, qui n’est elle-même qu’une des utilisations possibles de la propriété fiduciaire. Celle-ci a été consacrée de manière assez restrictive par une loi du 19 février 2007 (C. civ., art. 2011 à 2031). Puis la loi LME du 4 août 2008 en a élargi les conditions en l’ouvrant aux personnes physiques, tout en renvoyant à des ordonnances le soin de traiter les effets de la fiducie-sûreté lorsque le constituant fait l’objet d’une procédure collective (ord. du 18 décembre 2008) et de légiférer sur la fiducie-sûreté constituée par une personne physique (ord. du 30 janvier 2009, C. civ. art. 2372-1 à 2372-6 et 2488-1 à 2488-6). Enfin, la loi de ratification des ordonnances, du 12 mai 2009, a supprimé la distinction entre les constituants personnes physiques et personnes morales (abrogation des art. 2372-6 et 2488-6). En deux ans, le paysage des sûretés réelles a complètement changé. Il faudra du temps pour mesurer l’impact pratique de ce bouleversement et déterminer la place des sûretés traditionnelles reposant sur un simple droit réel accessoire. Aujourd’hui, les sûretés reposant sur l’exclusivisme : la propriété-sûreté et, à un moindre degré, le droit de rétention, ont le vent en poupe, en raison de l’influence qu’exerce sur les dispensateurs de crédit la hantise de la procédure collective. Mais ce n’est sans doute qu’une étape d’une histoire qui n’est pas parvenue à son achèvement. Tel est également le cas d’une nouvelle tendance susceptible d’exercer une influence indirecte sur le droit des sûretés et consistant à admettre, de plus en plus, une séparation du patrimoine du débiteur en un patrimoine professionnel, dédié à son activité professionnelle et devant seul répondre de celle-ci, et un patrimoine personnel ne répondant, lui, que des dettes non-professionnelles 59. Déjà présentes, de manière embryonnaire, du fait, d’une part, de l’octroi au débiteur de la possibilité de diriger sur ses biens professionnels le recouvrement forcé des créances ayant leur cause dans l’activité professionnelle (art. 22-1, al. 1er, de la loi du 9 juillet 1991, devenu aujourd’hui l’art. L. 161-1 CPCE) et, d’autre part, de la création de la société unipersonnelle à responsabilité limitée et de la SASU (dont les formalités respectives de constitution ont été allégées par la loi du 4 août 2008), les possibilités de réaliser une telle séparation ont été accrues à la suite de la consécration progressive du pouvoir du débiteur de faire totalement échapper ses biens personnels aux poursuites des créanciers dont la créance est née à raison de son activité professionnelle. Cette tendance s’est tout d’abord manifestée dans la possibilité donnée par la loi du 1er août 2003 à une personne physique de déclarer insaisissable sa résidence principale, possibilité qui a été étendue par la loi du 4 août 2008 à « tout bien foncier bâti ou non bâti qu’elle n’a pas affecté à son usage professionnel » (C. com., art. L. 526-1). L’opposabilité de cette insaisissabilité est soumise à l’accomplissement d’une double formalité de publicité (C. com., art. L. 526-1 et L. 526-2) et elle n’a d’effet qu’à l’égard des créanciers dont la créance est née de l’activité professionnelle du déclarant après la publication de la déclaration d’insaisissabilité (sans toutefois pouvoir les empêcher d’inscrire sur le bien une hypothèque judiciaire conservatoire 60). Après quelques années d’incertitude, l’opposabilité à la procédure collective du déclarant de cette déclaration 61 a finalement été admise par la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 28 juin 2011 62 ce qui n’est pas sans influence sur le droit des sûretés. En effet, depuis la loi du 4 août 2008, l’article L. 526-3 du Code de commerce prévoit que la renonciation à l’insaisissabilité « peut être faite au bénéfice d’un ou plusieurs créanciers mentionnés à l’article L. 526-1 désignés par l’acte authentique de renonciation ». Il peut alors être intéressant pour un créancier de faire d’abord souscrire une déclaration d’insaisissabilité à son débiteur puis de le faire renoncer à cette insaisissabilité à son seul profit, ce qui constituerait alors une nouvelle manière de constituer une garantie (laquelle, au surplus, présente un caractère accessoire puisque, selon l'art. L. 526-3 C. com., « lorsque le bénéficiaire de cette renonciation cède sa créance, le cessionnaire peut se prévaloir de celle-ci ») permettant à son bénéficiaire de saisir le bien concerné en échappant aux conséquences de l'ouverture d'une éventuelle procédure collective à l'encontre de son débiteur 63. Cette possiblité existe également dans le cas de la résidence principale pour laquelle l'art. 206 de la loi Macron no 2015-990 du 6 août 2015, prévoit une insaisissabilité de droit (c'est-à-dire sans qu'il soit besoin d'une déclaration en ce sens), mais dont le régime juridique est en grande partie le même que celui applicable en cas de déclaration d'insaisissabilité 64. 21. Dernière innovation : l’EIRL. – La consécration a été ensuite manifeste lorsque, amplifiant les nombreuses atteintes déjà portées à la théorie classique du patrimoine d’Aubry et Rau, la loi no 2010-658 du 15 juin 2010 a créé l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL). Le recours à cette nouvelle figure juridique permet à un entrepreneur individuel, au moyen d’une déclaration d’affectation dont le régime juridique est calqué sur celui de la déclaration d’insaisissabilité, d’« affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, sans création d’une personne morale » (C. com., art. L 526-6) ce qui a pour conséquence que les créanciers auxquels la déclaration d’affectation est opposable et dont les droits sont nés à l’occasion de l’exercice de l’activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté auront pour seul gage général le patrimoine affecté tandis qu’à l’inverse, les autres créanciers auxquels la déclaration est opposable auront pour seul gage général le patrimoine non affecté (C. com., art. L 526-11). Ce nouveau mécanisme n’a cependant que l’apparence de la simplicité 65 et pourrait s’avérer fort complexe à l’usage pour plusieurs raisons : – parce que les biens utilisés à l’occasion d’une activité professionnelle exercée dans le cadre d’un patrimoine affecté ne sont pas nécessairement tous inclus dans ce patrimoine : seuls les biens nécessaires à l’activité 66 le sont, l’affectation étant seulement facultative pour les biens qui sont seulement utiles à cette activité (C. com., art. L. 526-6, al. 2) ; – parce qu’il existe des créanciers auxquels le cloisonnement des patrimoines n’est pas opposable : il s’agit, d’une part, des créanciers dont la créance est née avant le dépôt de la déclaration d’affectation (si cette déclaration n’a pas expressément prévu qu’elle leur serait opposable ce qui leur ouvre alors un droit d’opposition) et des créanciers personnels de l’entrepreneur qui peuvent exercer leur droit de poursuite sur le patrimoine affecté si le patrimoine non affecté s’avère insuffisant (C. com., art. L. 526-11) ; – parce qu’un entrepreneur peut exercer une activité professionnelle au sein d’un patrimoine affecté et une autre activité professionnelle au sein du patrimoine non affecté, sans compter le fait qu’il pourra également, à partir du 1er janvier 2013, être à la tête d’une pluralité de patrimoines affectés, tous ces patrimoines étant alors susceptibles de faire l’objet d’autant de procédures différentes de traitement des difficultés financières de l’entrepreneur. La création de l’EIRL pose un problème spécifique en droit des sûretés 67 : un entrepreneur individuel peut-il ou non garantir une dette grevant un de ses patrimoines en consentant une sûreté susceptible d’être mise en œuvre sur un autre de ses patrimoines ? Certes, ceci suppose alors qu’une même personne puisse contracter en deux qualités différentes, puisqu’il lui faut alors garantir sur un de ses patrimoines la dette née du chef d’un autre patrimoine, et ceci implique également qu’après exécution de cette garantie le patrimoine garant puisse exercer un recours contre l’autre patrimoine. Toutefois, ceci n’est pas un véritable obstacle car l’ordonnance no 2010-1512 du 9 décembre 2010 adaptant le droit des procédures collectives à la création de l’EIRL a implicitement mais nécessairement admis qu’un patrimoine puisse ainsi contracter avec un autre patrimoine 68. Le véritable obstacle tient au fait que la constitution d’une telle sûreté implique une renonciation totale (dans le cas d’une sûreté personnelle) ou au moins partielle (dans le cas d’une sûreté réelle) au cloisonnement des patrimoines et ce, en faveur d’un créancier déterminé. Or, rien ne permet de dire actuellement si une telle renonciation in favorem est ou non possible. En effet, le législateur n’a seulement prévu, pour l’instant, qu’une possibilité de renonciation à la fois totale et erga omnes au cloisonnement des patrimoines (C. com., art. L. 526-15) et il ne s’est pas encore prononcé expressément sur la possibilité d’une renonciation in favorem comme il l’a fait dans la loi du 4 août 2008 à propos de la déclaration d’insaisissabilité (C. com., art. L. 526-3, al. 4) 69. 22. Classements. – On peut classer les sûretés selon leurs sources ; en distinguant les sûretés légales, des sûretés conventionnelles et des sûretés judiciaires. L’intérêt majeur de cette classification est relatif aux sûretés réelles, car pendant longtemps, toutes les sûretés personnelles ont été conventionnelles. La distinction principale, celle que retient le nouveau Livre IV du Code civil, est celle qui oppose les sûretés personnelles (Titre I) aux sûretés réelles (Titre II). Pour traditionnelle qu’elle soit, elle comporte une certaine relativité. Le nantissement d’une créance ou la cession de créance par « bordereau Dailly » sont des sûretés réelles mais ils confèrent au créancier un droit de gage sur le patrimoine d’un tiers ; et ne présentent guère de différence économique avec le cautionnement ou la délégation. Inversement, il est des sûretés personnelles qui remplacent des sûretés réelles : par exemple, la garantie à première demande est l’équivalent d’un dépôt de garantie. Il en est de même, dans la vente d’immeuble à construire, des garanties intrinsèques ou extrinsèques. Cependant, même si elle n’est pas parfaite, la distinction traditionnelle présente une clarté et des vertus pédagogiques qui font qu’elle s’impose. Seront ainsi successivement étudiées les sûretés personnelles (Ire Partie) et les sûretés réelles (IIe Partie). Nos 23-99 réservés. PREMIÈRE PARTIE SURETÉS PERSONNELLES 100. Accessoire ou autonome. – La sûreté personnelle consiste dans l’adjonction à l’obligation principale d’un engagement pris par un garant permettant au bénéficiaire d’agir contre celui-ci. Obligé pour un autre (le débiteur principal), le garant disposera d’un recours contre le débiteur principal, qui doit seul, finalement, supporter la dette 70. À partir de cette définition générale, on peut établir une distinction fondée sur l’objet de l’obligation du garant : s’engage-t-il à payer ce que doit le débiteur principal, en tout ou en partie ? Il s’agit d’une sûreté accessoire, c’est-à-dire d’un cautionnement (Titre I). Doit-il fournir une prestation déterminée de manière autonome, qui n’est pas nécessairement identique à ce que doit le débiteur principal ? Il s’agit d’une garantie non-accessoire (Titre II) 71. Au sein des garanties personnelles, l’opposition entre l’indépendance et le caractère accessoire n’est pas nettement tranchée à tous égards. Ces deux caractères cohabitent souvent, mais l’un est plus accusé que l’autre, suivant la nature de la sûreté personnelle, et la règle à appliquer 72. TITRE I CAUTIONNEMENT 101. Définition. – Le cautionnement 73 est un contrat unilatéral par lequel la caution 74 s’engage envers un créancier à exécuter l’obligation au cas où le débiteur ne le ferait pas. Cette définition postule que le débiteur et la caution soient deux personnes différentes. Et en effet, on ne peut en principe être à la fois caution et débiteur principal de la même dette 75. Mais la création de l’EIRL par la loi du 15 juin 2010 (C. com., art. L. 526-6 à L. 526-21) a changé les choses : une même personne peut être titulaire de plusieurs patrimoines ; si elle donne à un créancier de l’un des patrimoines un droit de poursuite sur l’autre, l’altérité des patrimoines-gages suffit à qualifier le contrat de cautionnement 76. Si la possibilité d’un tel cautionnement est douteuse, c’est pour une autre raison : ce cautionnement aboutit à supprimer la séparation de patrimoines en faveur d’un créancier ; or, seules les renonciations générales à la séparation sont envisagées par la loi, et le principe suivant lequel les créanciers professionnels ont pour « seul » gage le patrimoine affecté (art. L. 526-12) pourrait être impératif 77. C’est un contrat unilatéral... : contrat (et non acte unilatéral), car il implique un échange de consentements entre la caution et le créancier, seules parties, ce qui n’empêche pas ce contrat de se former par le biais d’une stipulation pour autrui ; contrat unilatéral, car seule la caution devient débitrice.... par lequel la caution s’engage à exécuter... : il ne s’agit donc pas d’une convention quelconque, d’un gentlemen’s agreement, d’un engagement d’honneur, mais bien d’un contrat générateur de l’obligation civile de payer ; ce qui distingue le cautionnement de la lettre d’intention ou comfort letter 78.... l’obligation du débiteur principal : l’objet de l’engagement, c’est l’obligation d’un autre, le débiteur principal. Le cautionnement est accessoire. Son existence et son étendue dépendent de l’obligation principale. Le caractère accessoire permet, d’une part, de distinguer le cautionnement des garanties autonomes : délégation et garanties à première demande 79. D’autre part, il explique que la caution dispose en principe d’un recours après paiement contre le débiteur principal dont elle aura acquitté la dette 80. Pourtant, comme tout contrat, le cautionnement est aussi une source autonome d’obligations. Ses effets impliquent donc une combinaison parfois complexe de l’autonomie (de la source) avec la dépendance (par l’objet). De plus, la caution prend un engagement en principe subsidiaire : elle ne paie qu’à défaut du débiteur principal. Mais il est souvent affirmé que cet élément n’est pas de l’essence du cautionnement 81. Aujourd’hui, les créanciers exigent souvent que la caution s’engage avec le débiteur principal en première ligne 82, ce qui ne dénature pas le contrat. 102. Sources. – Le Code civil consacre trente-deux articles au cautionnement (art. 2288 à 2320). Ces textes, pour l’essentiel, n’ont pas été modifiés depuis 1804. Et pourtant, la pratique du cautionnement a connu des bouleversements, qui révèlent les insuffisances du code sur certains points. Celles-ci expliquent le rôle essentiel de la jurisprudence en la matière : le nombre d’arrêts publiés rendus par la Cour de cassation a augmenté régulièrement (cf. les tables du Bulletin des arrêts de la Cour de cassation des dix dernières années) ; avec lui, l’insécurité et l’imprévisibilité du droit, mais aussi sa souplesse et son adaptation à la variété des cautionnements 83. Le rôle créateur de la jurisprudence, souvent inspirée par la doctrine, se manifeste surtout à l’égard du cautionnement des dettes futures et du formalisme protecteur de la caution. Les créations prétoriennes ont été partiellement consacrées par la loi du 31 décembre 1989, dite « loi Neiertz ». Dans le domaine du crédit aux consommateurs, la loi (C. consom., art. L. 314-15 à L. 314-18) impose désormais un formalisme protecteur de la caution, et plusieurs règles de fond : limitation de l’engagement de la caution, information obligatoire par les établissements de crédit et sociétés de financement, vérification de la solvabilité de la caution 84... De la même manière, la loi du 21 juillet 1994 relative à l’habitat (art. 23) réglemente, en la forme et au fond, le cautionnement des obligations issues d’un contrat de location à usage d’habitation et mixte. La loi Dutreil du 1er août 2003 généralise à toutes les cautions, personnes physiques diverses mesures de protection, au moment où la Cour de cassation les abandonne 85. Les mouvements qui agitent le droit du cautionnement s’expliquent par une contradiction entre les nécessités du crédit et la protection de la caution contre la rigueur de son engagement. Adoucir le sort des cautions, c’est ruiner le crédit, et provoquer l’apparition de garanties personnelles plus rigoureuses encore 86. De plus, toutes les cautions n’ont pas un égal besoin de protection. Ici comme dans d’autres contrats (prêt, vente...) se fait jour une distinction entre caution professionnelle et caution « profane ». C’est parfois le créancier, parfois la caution qui mérite protection. Bien qu’il ait changé de physionomie au fil des temps, le cautionnement est depuis l’origine animé de ce mouvement dialectique. L’état actuel des sources légales du cautionnement n’est pas satisfaisant : elles sont réparties entre le Code civil (art. 2288 à 2320, dans la nouvelle numérotation issue de l’ordonnance du 23 mars 2006), le Code de la consommation, où elles sont éparses, et plusieurs textes non codifiés. Une clarification s’impose, notamment à l’égard des obligations d’information que le législateur a superposées au gré de ses interventions, ou des mentions manuscrites. Le groupe de travail chargé de la réforme des sûretés avait proposé de simplifier la matière, en la plaçant pour l’essentiel dans le Code civil 87. Mais le gouvernement n’a pas été habilité à réformer cette matière par ordonnance. La réforme ne pourra venir que du Parlement, et elle n’est pas pour demain. 103. Droit romain. – L’histoire du cautionnement – comme celle de beaucoup d’institutions – est cyclique, balançant entre le renforcement des obligations de la caution – qu’appelle l’efficacité – et l’allégement de ses obligations – qu’exige un souci de justice. Le cautionnement trouve son origine dans la solidarité familiale sur laquelle repose l’organisation sociale, bien avant l’époque classique. Le cautionnement, adpromissio, se distingue mal de la solidarité, qui permet de faire peser sur tous les membres de la famille l’obligation de satisfaire le créancier. Il présente un caractère personnel marqué, s’éteint avec la mort de la caution, n’est pas accessoire à une obligation principale et ne comporte ni bénéfice de discussion, ni bénéfice de division. Cette rigueur est atténuée à l’époque classique où plusieurs lois accordent successivement à la caution un recours contre le débiteur et les autres cautions, le bénéfice de division entre cautions vivantes au moment de l’exigibilité de la dette, et la péremption du cautionnement au bout d’un certain temps (deux ans) ; ainsi se trouvait surmontée radicalement une difficulté encore actuelle : l’oubli, par la caution, de son engagement à terme. Cet adoucissement contraire aux impératifs du crédit devait provoquer la disparition de l’adpromissio. Dès la fin de la République se développe un nouveau cautionnement, ou plutôt deux techniques, dont la fusion est à l’origine du contrat actuel. D’un côté, la fidejussio, contrat formaliste par lequel la caution garantit l’exécution par le débiteur principal. À la différence de l’ancienne adpromissio – adjonction d’un débiteur à un autre –, cet engagement présente un caractère accessoire : le fidejussor n’a qu’une obligation de garantie, qui comporte l’équivalent d’un bénéfice de discussion ; il promet ce que le débiteur ne pourra pas payer. Le bénéfice de division lui est définitivement reconnu à l’époque d’Hadrien. De l’autre, le mandat, contrat consensuel : la caution donne mandat au créancier de faire crédit au débiteur (mandat de crédit). Les relations du créancier et de la caution relèvent des actions mandati contraria et mandati directa, dans lesquelles on peut voir l’origine de l’article 2314 du Code civil. Enfin, à l’époque de Justinien, l’adpromissio disparaît complètement. Fidejussio et mandat de crédit se confondent, alors qu’est adouci le sort des cautions. 104. Ancien droit. – Les Francs ont connu un cautionnement, également fondé sur les relations de famille, de parenté ou de vasselage. Comme ensuite à l’époque féodale, ce qui caractérise cette sûreté est la rigueur : la caution est un véritable otage entre les mains du créancier. Avec l’adoucissement des mœurs et le recul des sûretés personnelles au profit des sûretés immobilières, coïncide au XIVe siècle la redécouverte des règles romaines par l’ancien droit ; celui-ci conserve l’essentiel (caractère accessoire, bénéfices de discussion et de division), et améliore la technique de transmission à la caution des droits du créancier payé : la subrogation, mieux que le mandat romain, permet à la caution solvens de disposer contre le débiteur des actions du créancier 88. Ce sont ces règles qu’a recueillies le Code Napoléon. 105. Droit moderne. – Pendant longtemps, le droit du cautionnement a été paisible, les sûretés réelles, dans une société rurale, ne lui laissant qu’un second rôle. Service d’amis ou de proches parents, le cautionnement est un contrat de bienfaisance (C. civ., art. 1105), par nature gratuit, étranger au monde des échanges économiques, puisque la caution ne recherche aucun avantage personnel ; d’où la place modeste que lui réservent les auteurs du XIXe siècle, parmi les « petits contrats », opposés aux « grands contrats » que sont la vente ou le louage. 106. « Bancarisation ». – En quelques décennies, le cautionnement a connu une révolution : il est aujourd’hui l’une des pièces essentielles de l’économie ; en témoigne l’abondance du contentieux qu’il suscite. Cette promotion peut s’expliquer par plusieurs raisons. D’abord, le développement du crédit aux industriels, aux commerçants et aux consommateurs. Le crédit appelle les sûretés. Or, le cautionnement est une sûreté dont la constitution est simple, non formaliste, peu onéreuse. Il n’épuise pas le crédit du débiteur. Les organismes financiers (banques, établissements financiers) collecteurs et distributeurs du crédit jouent un rôle de premier plan. Comme d’autres branches du droit privé 89, le droit des sûretés s’est « bancarisé ». Aujourd’hui, le créancier cautionné ou la caution est presque toujours une banque 90. Une réforme du cautionnement pourrait ainsi résulter de recommandations que les organismes professionnels institués par la loi du 24 janvier 1984 adressent aux établissements financiers, constituant une véritable « déontologie du cautionnement » 91. D’ailleurs, les modifications législatives du régime juridique du cautionnement (loi du 1er mars 1984, loi Neiertz du 31 déc. 1989, loi Madelin du 11 févr. 1994...) se traduisent par des obligations (d’information, de vérification...) pesant sur les établissements de crédit et sociétés de financement, à l’exclusion des autres créanciers. La loi Dutreil de 2003 vise de manière plus générale les « créanciers professionnels », dont les établissements de crédit et les sociétés de financement sont une part importante. 107. Sécurité. – Le cautionnement, de plus, prend la place des autres sûretés. Leur recul s’explique par la modification des fortunes – pour offrir une sûreté réelle, il faut avoir un droit réel –, la lourdeur des formalités de constitution, et surtout l’insécurité : en cas de redressement ou de liquidation judiciaires, le créancier titulaire d’une sûreté réelle est soumis à la procédure collective, et risque de voir son droit de préférence primé par d’autres privilégiés ou super-privilégiés 92. Le créancier cautionné ne court pas ce risque. 108. Psychologie. – Le cautionnement permet en outre d’associer la caution au débiteur principal. Le créancier peut voir en elle un véritable auxiliaire qui fera pression sur le débiteur pour qu’il s’acquitte, car la caution, comme le débiteur, engage l’ensemble de son patrimoine 93. À l’inverse, si la caution est un proche, le débiteur aura à cœur de lui éviter d’avoir à payer. Cet élément psychologique est parfois déterminant, même dans les relations d’affaires, le cautionnement de la société par son dirigeant peut être un gage de saine gestion. 109. Cautionnement d’affaires. – Progressivement, par ailleurs, s’est développé un cautionnement d’affaires, dans deux situations fréquentes. – Un dirigeant de société, ou un associé majoritaire, ou une société mère donnent à une banque leur garantie pour permettre à la société d’obtenir et de conserver un crédit. La caution a intérêt à ce crédit, même si son engagement lui fait perdre le bénéfice qu’elle pouvait attendre de la forme sociale : la limitation de responsabilité 94. – Une banque donne sa caution afin de permettre à l’un de ses clients d’obtenir un crédit. L’intérêt de la banque réside dans la rémunération de son engagement par le débiteur (en général, un pourcentage du risque encouru). C’est une forme vivante de crédit bancaire par simple signature (sans fourniture de fonds) considéré comme une opération de banque 95, interdite à titre habituel à toute personne autre qu’un établissement de crédit (CMF art. L. 311-1, L. 313-1 et L. 511-5) ou une société de financement 96. Ce type de cautionnement est courant dans le commerce international. Ces cautionnements sont bien différents du service d’ami des Romains. 110. Hétérogénéité. – Celui-ci n’a pourtant pas disparu. Aujourd’hui coexistent plusieurs types de cautionnements : un cautionnement professionnel (donné par une banque, un établissement financier, une société mutuelle 97, l’État en garantie de certains emprunts 98...) et un cautionnement amical, familial ou d’affaires (garantie d’un prêt au consommateur, ou du paiement d’un loyer ou des dettes d’une société) ; un cautionnement dans les opérations économiques d’envergure (relations à l’intérieur d’un groupe de sociétés, garantie d’achèvement d’un programme immobilier, garanties bancaires à l’exportation...) et un cautionnement dans les relations modestes (prêt à la consommation, bail immobilier...) : le cautionnement est aussi la sûreté de ceux qui n’ont rien et ne peuvent offrir une sûreté réelle. Tous ces cautionnements sont en principe régis par les mêmes règles ; ils ne sont pourtant pas identiques, ce qui explique les mouvements actuels du droit positif 99. La caution ami, époux, parent... est plus exposée à l’abus de caution 100 qu’un établissement financier, ou la société mère dans un groupe de sociétés. 111. Typologie. – Depuis que le cautionnement a cessé de jouer un rôle marginal, la nécessité de préciser les règles qui lui sont applicables se fait sentir. Mais il est difficile de faire entrer ce contrat dans l’une des classifications habituelles : acte de disposition ou d’administration ? Acte de consommation ou d’investissement ?... L’engagement de payer la dette d’autrui présente, dans le commerce juridique, un caractère original. En outre, la distinction entre consommateur et professionnel, qui s’impose en d’autres matières, s’applique ici difficilement 101. Aussi, le législateur semble-t-il avoir renoncé à prendre des mesures générales qui compromettraient la survie d’une garantie utile ; il procède par interventions ponctuelles successives, ce qui nuit à la cohérence et à la clarté de l’ensemble 102. À quoi s’ajoute le rôle créateur, mais nécessairement spécial, de la Cour de cassation, particulièrement développé en la matière 103. Au fil des arrêts, se dessinent trois catégories de cautionnements, dont la formation et les effets répondent à des règles différentes 104. Naturellement, c’est la raison d’être de l’engagement, sa cause, et par conséquent le rôle joué par la caution, qui justifient la distinction : 1o Dans le cautionnement professionnel, ou « financier » 105, donné par un établissement de crédit ou une société de financement, l’engagement est causé par la rémunération versée à la caution ; il ne soulève guère de contentieux. 2o À l’opposé, l’engagement d’une caution non rémunérée et étrangère à l’opération principale s’explique par les liens familiaux, amicaux ou affectifs, qui unissent la caution au débiteur : tel est le cautionnement non intéressé, de nature civile. 3o Entre ces deux catégories opposées, le cautionnement intéressé, par exemple celui que donne le dirigeant d’une société afin de permettre à celle-ci d’obtenir du crédit 106, suscite le contentieux le plus abondant. La caution a un intérêt patrimonial dans le crédit accordé au débiteur principal. Le cautionnement est alors un instrument au service de l’entreprise 107. Mesures légales de protection propres à la caution personne physique Cautionnement...... d’un débiteur quelconque... d’un... d’un... d’un... d’un locataire à Nature des mesures consommateur de débiteur en entrepreneur usage d’habitation limité indéfini envers un crédit sauvegarde, individuel ou sous ou mixte créancier redressement forme sociale (dette professionnel ou liquidation professionnelle) judiciaire Formalisme : mention art. L. 331-1 L. 314-15 à L. 314- L. 6 juillet 1989, manuscrite L. 331-2 et 16, C. consom. art. 22.1, al. 2 L. 343-2, C. consom. Étendue du art. L. 331-1, Cautionnement Limitation du cautionnement limitée L. 331-3, disproportionné et cautionnement L. 332-1, plafond chiffré solidaire et L. 343-3 et L. 314-18, renonciation au L. 343-4, C. consom. bénéfice de C. consom. discussion L. 11 février 1994, art. 47.II, al. 1 Faculté de résiliation Si durée non unilatérale indiquée L. 6 juillet 1989, art. 22.1 Information sur le art. L. 333-1 et art. L. 314-17, art. 47.II, al. 3, Dénonciation du premier incident de L. 343-5, C. consom. L. 11 février 1994 commandement paiement C. consom. L. 6 juillet 1989, art. 24, al. 7 Information annuelle art. 2293, al. 2, C. civ. art. Art. L. 313-22, CMF sur le montant de la L. 333-2 et L. 343-6, (mais extension de ce dette C. consom. texte à la caution personne morale) Suspension des art. L. 622-28 et poursuites 631-14, C. com. Arrêt du cours des art. L. 622-28 et intérêts 631-14, C. com. Bénéfice de délais et art. L. 611-10, remises accordés au al. 3, 626-11, débiteur principal al ; 2 et 631-20, C. com. Droit de poursuite Limitation de la poursuite au limité minimum vital, art. 2301, al. 2, C. civ. Le législateur contemporain n’adopte pas exactement cette classification. La grande distinction paraît être celle qui oppose les cautions personnes physiques 108, protégées, au fil des lois successives, par des mesures spécifiques, aux cautions personnes morales (établissements de crédit, sociétés de financement, sociétés de caution mutuelle, sociétés civiles ou commerciales) (v. tableau). Les réformes successives des procédures collectives (loi de sauvegarde du 26 juillet 2005 ; ord. du 18 décembre 2008) font également à la caution personne physique un sort plus avantageux qu’à la personne morale, pour une raison d’opportunité : le garant personne physique est souvent le dirigeant de la société en difficulté et il faut l’inciter à déclencher la procédure le plus tôt possible ainsi qu’à collaborer aux mesures de redressement sans dommage pour lui. Un autre critère, secondaire, est apparu : le caractère professionnel ou non du créancier bénéficiaire du cautionnement. Point d’aboutissement de cette évolution, la loi pour l’initiative économique (loi Dutreil : C. consom., art. L. 331-1 à L. 333-2) institue un régime de protection (formalisme, limitation, information obligatoire, devoir de modération...) en faveur de la caution personne physique, dans ses relations avec tout « créancier professi