Cours de Droit des Sûretés PDF

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Université Cheikh Anta Diop de Dakar

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droit des sûretés crédit garanties droit des affaires

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Ce document présente une introduction au droit des sûretés, en abordant les concepts fondamentaux tels que le crédit, les garanties et les sûretés personnelles et réelles. Il met l'accent sur la réforme du droit des sûretés dans le cadre de l'OHADA et l'importance de ces concepts dans le commerce juridique et le développement du crédit.

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INTRODUCTION AU COURS DE DROIT DES SURETES ========================================== **** Le crédit est une obligation dont l'exécution est différée, c'est une catégorie d'obligation à terme. Précisément, si le crédit nécessite, d'une manière générique, la confiance que l'on peut accorder à une p...

INTRODUCTION AU COURS DE DROIT DES SURETES ========================================== **** Le crédit est une obligation dont l'exécution est différée, c'est une catégorie d'obligation à terme. Précisément, si le crédit nécessite, d'une manière générique, la confiance que l'on peut accorder à une personne, il est employé, par extension pour viser une opération permettant de procurer à une personne un bien ou une valeur en lui faisant supporter la charge de manière différée. La notion de crédit implique donc une certaine durée qui correspond au décalage entre la naissance de l'obligation du bénéficiaire et son exigibilité. Le prêteur des fonds a donc besoin de s'assurer qu'il sera payé à l'échéance convenue. C'est ainsi qu'il a été soutenu qu'« *une personne physique ou un organisme de crédit, n'accepte de consentir des prêts que si, en cas de défaillance de l'emprunteur, un remboursement certain et rapide lui est assuré par la loi* »[^1^](#fn1){#fnref1.footnote-ref}. Le prêteur a en réalité besoin de garantie pour s'assurer qu'il pourra rentrer dans ses fonds. Or, la disponibilité du crédit est un levier du développement de l'activité économique. Il faut trouver des moyens pour encourager le créancier à libérer les fonds. En effet, le fournisseur de crédit ne peut se contenter de la confiance qu'il accorde à la personne de l'emprunteur. Il a besoin de garanties qui le protègent contre les risques importants qui sont liés à l'immobilisation de la créance ou à l'insolvabilité du débiteur. C'est l'objet du cours de droit des sûretés dans le cadre duquel sont étudiées certaines garanties de paiement de la créance. Le droit des sûretés fait l'objet d'une réglementation uniformisée au sein de l'organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA). Treize ans après l'adoption du premier acte uniforme portant organisation des sûretés le 17 avril 1997, une réforme de la matière est intervenue le 15 décembre 2010. L'objectif de la réforme était de consacrer une véritable amélioration du droit des sûretés conformément aux exigences du droit des affaires dans le cadre de l'OHADA[^2^](#fn2){#fnref2.footnote-ref}. D'une manière générique, la sûreté est perçue comme une institution qui rend sûr les rapports d'obligation. Il s'agit en réalité d'une garantie. La sûreté est précisément définie par **l'article 1^er^ de** l'AUS comme « *l'affectation, au bénéfice d'un créancier, d'un bien, d'un ensemble de biens ou d'un patrimoine afin de garantir l'exécution d'une obligation ou d'un ensemble d'obligations, quelle que soit la nature de celles-ci et notamment qu'elles soient présentes ou futures, déterminées ou déterminables, conditionnelles ou inconditionnelles, et que leur montant soit fixe ou fluctuant*** **». En principe, la sureté est l'accessoire de l'obligation garantie (art. 2 AUS) mais une exception est prévue par l'AUS avec la garantie autonome et la contre-garantie autonome (v. art. 39 s.). Les sûretés garantissent alors l'exécution future d'une obligation et à ce titre, elles facilitent le crédit qui suppose temps et confiance. Le droit des sûretés entretient un lien très étroit avec le développement du crédit du fait que le créancier qui s'aménage une sûreté ou à qui la loi reconnaît une sûreté est très souvent une personne ayant fait un crédit à un débiteur. Le créancier bénéficie, conformément aux dispositions de **l'article 1er AUS**, de l'affectation d'un patrimoine, d'un bien ou d'un ensemble de biens devant lui garantir de meilleures chances d'obtenir paiement, spontanément ou par la voie forcée. Mais le droit des sûretés poursuit aussi les intérêts du débiteur. L'un des objectifs de la réforme des sûretés est d'accroître la sécurité juridique des différents acteurs économiques. Ainsi, les sûretés sont indispensables au commerce juridique, particulièrement au milieu des affaires parce que sans sûretés, les créanciers n'auraient comme gage que le patrimoine de leurs débiteurs. Ce sont les créanciers chirographaires qui n'ont aucun droit de préférence sur le patrimoine de leurs débiteurs et ils risquent de subir non seulement l'insolvabilité de leurs débiteurs mais aussi le concours d'autres créanciers. Il existe certes des mécanismes juridiques protecteurs de ces créanciers chirographaires prévus par le droit commun des obligations (l'action oblique, l'action paulienne, l'exception d'inexécution). Mais ces garanties n'offrent qu'une sécurité limitée. Pour renforcer sa protection, le créancier doit adjoindre à sa créance une garantie, telles sont les sûretés. En réformant le droit des sûretés en 2010, le législateur OHADA a été sensible aux besoins accrus du crédit et aux exigences du commerce (besoin de rapidité et d'efficacité). Les créanciers sont désormais dotés d'instruments juridiques efficaces, ce qui résulte à la fois d'un assouplissement des modalités de constitution ou de réalisation des sûretés existantes (*par exemple* *réalisation par la vente forcée, par l'attribution conventionnelle ou par l'attribution judiciaire pour certaines sûretés*), de l'élargissement du domaine de ces sûretés (*notamment les caractéristiques de l'obligation garantie ne sont plus un obstacle à la qualification de sûreté. Peu importe désormais que l'affectation soit destinée à garantir une obligation ou un ensemble d'obligations. Aussi, le caractère présent ou futur, déterminé ou déterminable, conditionnel ou inconditionnel de l'obligation importe peu*) et d'innovations (diversification des sûretés réelles, concernant les sûretés personnelles, la garantie autonome et la contre-garantie autonome sont réglementées à côté du cautionnement). Une innovation de taille se manifeste à travers la création d'une nouvelle institution, celle de l'agent des sûretés inspirée du Code civil français. Voir à ce titre : **Guy-Auguste LIKILLIMBA**, « [[L'agent des sûretés OHADA]](http://revue.ersuma.org/numero-special-novembre-decembre/etudes-et-pratiques/L-agent-des-suretes-OHADA) »[^3^](#fn3){#fnref3.footnote-ref}. L'agent des suretés est réglementé dans les **articles 5 à 11 de l'AUS** et sa définition peut être tirée des dispositions de **l'article 5**. Aux termes de cet article : « *toute sûreté et autres garanties de l'exécution d'une obligation peut être constituée, inscrite, gérée et réalisée par une institution financière ou un établissement de crédit, national ou étranger, agissant en son nom et en qualité d'agent des sûretés, au profit des créanciers de la ou des obligations garanties l'ayant désigné à cette fin. »* À travers cette définition, il apparaît que l'Agent des sûretés est une personne morale, plus précisément, une institution financière ou un établissement de crédit (exemple une banque). Il est désigné par les créanciers qu'il représente, au moyen d'un acte juridique rigoureusement réglementé sous peine de nullité (**l'article 6 AUS** précise les mentions obligatoires qui doivent figurer dans l'acte de désignation de l'agent des sûretés) en sa qualité d'agent des sûretés. L'acte est alors un contrat *intuitu personae* conclu en considération de la personne de l'Agent des sûretés. Le domaine d'intervention de l'Agent des sûretés est très large. Ainsi, l'Agent des sûretés peut assurer la constitution, l'inscription, la gestion, la réalisation de toutes sûretés réelles ou personnelles et même les garanties de l'exécution des obligations (là où en droit français, son domaine d'intervention est limité aux seules sûretés réelles par le biais de **l'article 2328-1 du Code civil** -- **V. D. LEGEAIS, RTD com. 2007. 583**). En tant que représentant des créanciers, l'Agent des sûretés est doté de pouvoirs dont l'exercice malveillant peut engager sa responsabilité à leur égard mais aussi à l'égard des tiers. Ainsi, en cas de manquement à ses obligations, **l'article 10 de l'AUS** prévoit le remplacement de l'Agent des sûretés. En effet, les créanciers de l'obligation garantie peuvent demander à la **juridiction compétente** la nomination d'un Agent des sûretés provisoire ou solliciter son remplacement en l'absence de dispositions contractuelles dans ce sens. Avant l'avènement du droit OHADA, le droit des sûretés était organisé par le COCC. De nos jours avec l'harmonisation du droit des affaires, Le droit des sûretés est organisé par l'AUS de 2010 (après la réforme de l'AUS de 1997). Ce texte en constitue alors la source par excellence au Sénégal (Cependant, il ne faudrait pas négliger les dispositions du droit interne qui réglementent les créances qui constituent les supports des sûretés (le droit des obligations). Par ailleurs, la matière des sûretés étant transversale, les réglementations des différents domaines incidents y exercent une influence certaine : droit des obligations fondamentalement, droit des biens, voies d'exécution, droit foncier, droit des successions, régimes matrimoniaux, droit bancaire, droit minier, droit commercial dans son ensemble, droit des personnes, droit administratif...). Mais, il convient de se demander si les parties peuvent, dans l'espace OHADA, prévoir une sûreté non réglementée par l'AUS. Les dispositions de **l'article 4, al. 2 de l'acte uniforme** semblent donner une réponse négative en ce qui concerne les sûretés réelles du fait de l'énumération restrictive que cet article fait des sûretés réelles existantes. L'absence d'une formule aussi radicale en ce qui concerne les sûretés personnelles peut conduire à admettre la solution contraire pour ces sûretés. Les termes de **l'article 4, al. 1**^er^ « *les sûretés personnelles, au sens du présent acte uniforme...* », laissent sous-entendre la possibilité de créer d'autres sûretés personnelles que celles régies par le nouvel acte uniforme ; ce qui est une fausse route. Les sûretés réglementées par l'AUS peuvent alors être subdivisées en deux grandes familles. La référence que **l'article 1^er^** **AUS** fait à l'affectation d'un patrimoine comme garantie d'une obligation renvoie à l'idée de sûreté personnelle. Par contre, l'affectation d'un bien ou d'un ensemble de biens à la garantie de l'obligation du débiteur renvoie à la catégorie de sûreté réelle. Dans le cadre de cette étude, les sûretés personnelles feront l'objet d'un **titre Ier** alors que les sûretés réelles seront envisagées dans un **titre II**. **[Bibliographie indicative ]** **[Ouvrages généraux et codes]** - **Ph. Simler, Ph. Delebecque**, Droit civil. Les sûretés, la publicité foncière, 5^ème^ éd., Précis Dalloz, 2008 - **H. L. et J. Mazeaud, F. Chabas et Y. Picod**, Leçons de droit civil, t.3, 1^er^ vol., Sûretés. Publicité foncière, 7^ème^ éd., LGDJ, 1999 - **L. Aynès, P. Crocq**, Droit civil. Les sûretés, la publicité foncière, 4^ème^ éd., Défrénois, 2009 - **P. Crocq (dir.)**, Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés. La réforme du droit des sûretés de l'OHADA, Lamy, 2012 - Acte uniforme portant organisation des sûretés version 2010 (le texte peut être téléchargé sur internet) - **B (Barthélémy) Mercadal (dir.)**, Code pratique, Francis Lefebvre, OHADA. Traité, Actes uniformes et Règlements annotés, éd., F. Lefebvre, 2015 (voir version plus récente si possible) - **Code vert OHADA l'édition la plus récente** - **COCC** - **Code civil français** **[Revues]** Revue du droit uniforme, Revue de l'Ersuma, RTD civ, RTD com, Revue droit et patrimoine, JCP, Gazette du palais, Revue Lextenso, Droit Africain des Affaires... **[Sites internet utiles]** - [[www.Ohada.com]](http://www.Ohada.com) - [[www.legifrance.org]](http://www.legifrance.org) - [[www.juricaf.org]](http://www.juricaf.org) [\ ] Titre I : LES SURETES PERSONNELLES ================================== Les sûretés personnelles[^4^](#fn4){#fnref4.footnote-ref}, comme toutes les sûretés, ont pour objet la garantie du crédit accordé par le créancier au débiteur. Elles permettent précisément d'adjoindre -- à portée variable selon les cas - un second débiteur au débiteur principal afin de garantir l'exécution de l'engagement de ce dernier. Les sûretés personnelles sont définies par **l'article 4 al. 1^er^ de l'acte uniforme portant organisation des sûretés** comme celles consistant en *l'engagement d'une personne de répondre de l'obligation du débiteur principal en cas de défaillance de celui-ci ou à première demande du bénéficiaire de la garantie*. Il découle de cette définition, et comme le précise **l'article 12 de l'acte uniforme** que les sûretés personnelles prévues sont de deux ordres, à savoir le cautionnement (**Chapitre I**) et la garantie autonome et la contre-garantie autonome (**Chapitre II**). Chapitre 1^er^ : LE CAUTIONNEMENT --------------------------------- Il est nécessaire, avant de procéder aux études relatives à la formation du contrat de cautionnement (**section 2**) et à son dénouement (**section 3**), d'envisager les généralités relatives à cette sûreté (**section 1**). ### [Section 1 : Généralités sur le cautionnement] *Le cautionnement est l'engagement de payer l'obligation dont le débiteur principal est tenu et qu'il n'a pas exécutée*[](https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007019993)[^5^](#fn5){#fnref5.footnote-ref}. **Le cautionnement fut longtemps pratiqué**. Dans l'histoire, la garantie était particulièrement conçue comme un office d'amitié ou de parenté, ce qui caractérisait sa gratuité. Cette conception du cautionnement est toujours d'actualité mais la pratique fréquente de cette sûreté dans le milieu des affaires lui a conféré une autre physionomie. Ainsi, à côté du cautionnement amical ou familial qui peuvent être gratuits ou intéressés (exemple : cautionnement de la dette de l'entreprise par l'associé unique, ou cautionnement de la dette de l'épouse par l'époux), on note le cautionnement d'affaire (exemple garantie d'un prêt au consommateur) et le cautionnement professionnel (celui donné par une banque) marqués par leur caractère onéreux. Aujourd'hui, le cautionnement est réglementé dans les **articles 13 à 38 de l'acte uniforme** **portant organisation des sûretés**. Il est défini par **l'article 13 de l'AUS** comme le *contrat par lequel la caution s'engage, envers le créancier qui accepte, à exécuter une obligation présente ou future contractée par le débiteur, si celui-ci n'y satisfait pas lui-même*. **Les sources du cautionnement sont diverses**. La garantie peut être d'origine **conventionnelle** (c'est l'hypothèse la plus usuelle et celle où le contrat de cautionnement est le prolongement d'un accord entre le créancier et le débiteur), **légale** (la loi impose parfois au débiteur de fournir une caution, exemple en matière fiscale), ou **judiciaire** (le cautionnement résulte d'une décision de justice). Dans les deux dernières hypothèses, la caution consiste en un dépôt de garantie pour assurer l'exécution de la créance. **Le cautionnement présente certains caractères**. Ainsi, c'est un **contrat accessoire**[^6^](#fn6){#fnref6.footnote-ref} (il est l'accessoire d'une créance), **unilatéral**[^7^](#fn7){#fnref7.footnote-ref} (seule la caution est tenue) et dans sa conception classique, un contrat gratuit[^8^](#fn8){#fnref8.footnote-ref}. Le cautionnement peut revêtir par ailleurs un caractère civil ou commercial[^9^](#fn9){#fnref9.footnote-ref}. Le cautionnement étant une garantie fondamentale du créancier, son efficacité est subordonnée au respect de conditions de formation. Par ailleurs, le cautionnement n'a d'intérêt pour le créancier que s'il lui permet de recouvrer aisément sa créance. L'hypothèse de la caution qui accepte de payer n'est pourtant pas la plus fréquente. En effet, le dénouement du cautionnement peut résulter de mécanismes divers. ### Section 2 : La formation du contrat de cautionnement La formation du contrat de cautionnement obéit à des conditions légales (§1). Mais les parties peuvent aménager certaines modalités de leur accord (§2). #### [§1^er ^- Les exigences légales] Il convient d'étudier les conditions de fond (A) et le formalisme attaché au contrat de cautionnement (B). ##### A- Les conditions de fond du contrat de cautionnement Résultant d'un accord de volonté, l'engagement de cautionnement doit respecter les conditions de fond des contrats (1°). S'agissant par ailleurs d'un engagement accessoire, sa validité est subordonnée à celle de l'engagement principal (2°). ###### 1°)- Les conditions propres au contrat de cautionnement Les parties au contrat de cautionnement sont **la caution**, c'est-à-dire la personne qui s'engage à supporter la défaillance du débiteur principal et **le créancier** de ce débiteur. Le débiteur principal n'est pas partie au contrat de cautionnement. Il n'est pas pour autant tiers absolu au cautionnement car il propose souvent la caution au créancier qui l'accepte ou non. Cependant, la caution peut s'engager sans avoir reçu d'ordre du débiteur mais les parties sont tenues d'informer ce dernier de l'existence du contrat (avant l'avènement du nouvel acte uniforme, le cautionnement à l'insu du débiteur était admis). Comme dans tout contrat, les parties au cautionnement doivent consentir. Le consentement de la caution, comme celui du créancier doivent exister et être exempts de vices (erreur, dol et violence). L'erreur, en tant que vice du consentement, peut être invoquée par les cautions. Or, le contrat de cautionnement présente plusieurs particularités qui impliquent que soient nécessairement limités les cas d'erreur susceptibles d'être soulevées par une caution. En tant que contrat unilatéral, il ne peut y avoir d'erreur sur la prestation promise par le\ créancier (nature ou existence). Pour ne pas admettre trop librement la remise en cause de contrats de cautionnement sur le fondement de l'erreur, les erreurs relevées en jurisprudence sont souvent l'erreur sur la nature de l'engagement[^10^](#fn10){#fnref10.footnote-ref} et l'erreur sur la solvabilité du débiteur, interprétée comme une erreur sur la qualité substantielle[^11^](#fn11){#fnref11.footnote-ref} de ce dernier. Sont aussi admises l'erreur sur l'existence d'autres garanties[^12^](#fn12){#fnref12.footnote-ref} ou l'erreur sur l'affectation du crédit. Pour ce qui concerne le dol, Il s'agit d'un fondement juridique plus fréquemment invoqué par les cautions dès lors que les conditions sont réunies, notamment l'existence de manœuvres ayant induit la caution en erreur[^13^](#fn13){#fnref13.footnote-ref}. Mais le dol peut aussi consister en un silence du créancier sur un élément déterminant de l'engagement de la caution (**Malheureusement pour les cautions, il ne pèse pas d'obligation d'information sur le créancier au moment de la formation du contrat**). Le vice de violence n'affecte qu'exceptionnellement les contrats de cautionnement.\ La principale particularité de ce vice concerne la détermination de l'auteur des contraintes physiques ou morales subies par la caution : contrairement au dol, il peut s'agir non seulement du créancier mais aussi du débiteur principal. **Il faudrait enfin souligner l'exigence de la bonne foi du créancier en matière de cautionnement**[^14^](#fn14){#fnref14.footnote-ref}**.** Ainsi, la dissimulation par le créancier de l'état financier du débiteur peut être sanctionnée sur le fondement de la mauvaise foi[^15^](#fn15){#fnref15.footnote-ref}. Par ailleurs, le cautionnement manifestement disproportionné souscrit par une caution profane a fait l'objet de sanction par une réduction de la dette[^16^](#fn16){#fnref16.footnote-ref}. Le cautionnement conserve tous ses effets mais l'engagement de la caution est ramené à un montant compatible avec ses facultés financières[^17^](#fn17){#fnref17.footnote-ref}. **Les parties doivent aussi être capables**. Par principe, la capacité juridique suppose la faculté pour une personne déterminée d'être titulaire de droits (« capacité de jouissance ») et de les exercer (« capacité d'exercice »). Comme pour tout contrat, les parties à un contrat de cautionnement doivent avoir la capacité de contracter (exigence indirectement prévue en matière de cautionnement en droit français à l'article 2295 du Code civil. En droit OHADA, il n'y a aucun article exprès dans ce sens mais en vertu des exigences du droit commun des contrats). Cette règle s'impose et écarte la possibilité pour un incapable de s'engager en qualité de caution ; ce qui exclut l'engagement de cautionnement souscrit par un mineur (incapacité mineur art. 276 s CF) ou un majeur incapable[^18^](#fn18){#fnref18.footnote-ref} (réglementation de la protection des majeurs par les articles 340 à 367 CF). L'exigence de la capacité se pose dans des termes particuliers en droit commercial (pouvoirs du dirigeant social d'engager la société commerciale[^19^](#fn19){#fnref19.footnote-ref} -- art. 449 de l'AUDSCGIE pour les sociétés anonymes.......) et des régimes matrimoniaux[^20^](#fn20){#fnref20.footnote-ref} (pouvoirs de l'époux d'engager les biens de la communauté). **NB** : Il est important de souligner la question du mandat de se porter caution. En effet, L'engagement d'une caution peut intervenir non directement et personnellement mais par l'intermédiaire d'une tierce personne consentant à intervenir en concluant au préalable un mandat de se porter caution. La caution, en sa qualité de mandant, se fait représenter par un mandataire ayant reçu un\ mandat spécial et exprès. La procuration ainsi donnée doit respecter les exigences formelles qui s'imposent en matière de contrat de cautionnement.  **Le contrat de cautionnement doit aussi avoir un objet**. Conformément au droit commun, une double approche est proposée pour analyser la notion d'objet. Il s'agit de l'objet du contrat[^21^](#fn21){#fnref21.footnote-ref} (l'opération juridique envisagée dans sa globalité) et de l'objet de l'obligation[^22^](#fn22){#fnref22.footnote-ref} (la prestation fournie par la caution au bénéfice du créancier). En raison du caractère accessoire du contrat de cautionnement, l'objet de l'obligation de la caution dépend directement de la dette principale préexistante. La caution est tenue en fonction de ce qui a été stipulé dans le cadre du contrat. L'objet de l'obligation doit être déterminée[^23^](#fn23){#fnref23.footnote-ref} ou déterminable pour les dettes futures[^24^](#fn24){#fnref24.footnote-ref}. **La cause du contrat de cautionnement** En tant que contrat unilatéral, la cause de l'obligation du contrat de cautionnement ne peut trouver essence dans la contrepartie obtenue par la caution. **NB** : certains auteurs qualifiaient ce type de contrat d\'« **acte abstrait** », valable juridiquement indépendamment de sa cause. La doctrine majoritaire aborde toutefois la notion de cause en distinguant la cause objective[^25^](#fn25){#fnref25.footnote-ref} de la cause subjective. La cause du cautionnement s'apprécie fondamentalement au regard de la notion de cause subjective qui suppose que soient déterminées les motivations de la caution, pouvant être diverses et variées (amicales, familiales, professionnelles). Par principe, le but de la caution ne doit pas être illicite ou contraire aux bonnes mœurs (cautionnement de la dette d'un compagnon homosexuel). Conformément au caractère accessoire du contrat de cautionnement, une telle exigence n'est respectée que si le contrat principal est lui-même valable. En principe, la cause s'apprécie au moment de la formation du contrat mais **si les parties ont considéré cette cause comme motif déterminant de leur engagement, sa disparition ultérieure anéantie l'engagement de la caution** (les engagements qui n'étaient pas nés au moment de la disparition de la cause. **Cautionnement et cause de l'engagement de la caution (Cass. com. 17 mai 2017)** Par un arrêt du 17 mai 2017, la Cour de cassation rappelle que, en matière de cautionnement, la cause de l'engagement de la caution réside dans l'existence d'une dette à garantir. +-----------------------------------------------------------------------+ | **Cass. com. 17 mai 2017** | +=======================================================================+ | Sur le moyen unique : | | | | Vu les articles 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à | | celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et 2289 du même code | | ;\ | | Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 16 mai 2008, M. X... s'est | | rendu, dans une certaine limite, caution personnelle et solidaire des | | engagements de la société Alain Barrière au profit de la société | | Banque populaire Centre Atlantique, devenue Banque populaire | | Aquitaine Centre Atlantique (la banque) ; que le 3 juillet 2009, la | | société Alain Barrière a été mise en redressement judiciaire, lequel | | a été converti le 21 juillet suivant en liquidation judiciaire ; que | | la banque a déclaré sa créance, puis mis la caution en demeure de | | payer ; que le 12 décembre 2009, M. X... s'est, dans une certaine | | limite, rendu caution solidaire au profit de la banque ; qu'assigné | | en paiement, M. X... a demandé que soit prononcée, pour absence de | | cause, la nullité de son engagement du 12 décembre 2009 ; que le | | fonds commun de titrisation « Hugo créance 3 », représenté par la | | société de gestion GTI Asset management, est venu aux droits de la | | banque en vertu d'une cession de créances ;\ | | \ | | Attendu que pour rejeter la demande de M. X... et le condamner à | | payer à la banque la somme de 100 000 euros, correspondant au montant | | de son engagement de caution au titre du compte courant n° 1182947082 | | et des cessions de créances professionnelles impayées, l'arrêt énonce | | qu'il n'est pas interdit de se porter caution d'un débiteur dont | | l'insolvabilité est avérée et que le fait d'écarter l'erreur | | prétendue de la caution sur la situation financière de la cautionnée, | | dès lors que l'existence de la dette principale est constante, | | équivaut à éliminer l'absence de cause, puis retient qu'il doit en | | être déduit que, M. X... étant parfaitement avisé de ce que sa | | société avait fait l'objet d'un jugement de liquidation au moment où | | il a souscrit son engagement de caution, celui-ci n'était pas | | dépourvu de cause ;\ | | \ | | Qu'en se déterminant par ces motifs, impropres à caractériser, en | | l'absence d'un avantage consenti par le créancier, la cause de | | l'engagement souscrit par M. X... après le prononcé de la liquidation | | judiciaire du débiteur principal en garantie d'une dette antérieure à | | l'ouverture de la procédure collective, la cour d'appel a privé sa | | décision de base légale ;\ | | \ | | PAR CES MOTIFS :\ | | \ | | CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que l'acte de | | cautionnement du 12 décembre 2009, postérieur à la liquidation | | judiciaire de la Société Alain Barrière, engageait M. Alain X... pour | | la somme de 100 000 euros, déboute ce dernier de ses contestations, | | fins et conclusions, le condamne, en sa qualité de caution de la | | Société Alain Barrière, à payer à la Banque populaire Aquitaine | | Centre Atlantique la somme de 100 000 euros, correspondant au montant | | de son engagement de caution au titre du compte courant n° 1182947082 | | et des cessions de créances professionnelles impayées et en ce qu'il | | statue sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, | | l'arrêt rendu le 12 janvier 2015, entre les parties, par la cour | | d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause | | et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt | | et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ; | +-----------------------------------------------------------------------+ **Le cautionnement répond par ailleurs à des conditions qui lui sont particulières.** - Ainsi, la caution doit être domiciliée dans le ressort de la juridiction où elle est fournie. - Aussi, la solvabilité de la caution est considérée comme une condition spécifique du contrat de cautionnement. L'art 15 AUS de 2010 impose que la caution fournie soit solvable ou présente des garanties de solvabilité. ###### 2°)- Les conditions liées au caractère accessoire du cautionnement La caution garantie une dette principale, celle du débiteur principal sur le créancier. Son engagement est alors accessoire. Par conséquent, **il n'est valable que si l'engagement principal est lui-même valable.** La nullité de l'engagement principal pour n'importe quelle cause dont un objet illicite, une cause illicite ou contraire aux bonnes mœurs rend nul l'engagement de la caution. Il en va de même lorsque l'engagement principal est nul pour vices du consentement ou incapacité mais **celui qui cautionne, en connaissance de cause, les engagements d'un incapable ne peut soulever cette cause de nullité**. ##### B- Le formalisme relatif au contrat de cautionnement L'acte uniforme sur les suretés de 2010 lève une ambiguïté qui avait divisé la doctrine. Cette ambiguïté résidait dans la vocation probatoire ou solennelle de l'exigence d'un écrit pour le cautionnement[^26^](#fn26){#fnref26.footnote-ref}. La même ambiguïté a longtemps plané en droit français au sujet de la rédaction de l'article 2015 du Code civil (actuel art. 2292) qui dispose que « *le cautionnement ne se présume point ; il doit être exprès...* ». La Cour de cassation française a fini par admettre que la prévision d'un écrit est posée comme instrument de preuve et que l'écrit dépourvu de la mention de la somme garantie vaut comme commencement de preuve par écrit[^27^](#fn27){#fnref27.footnote-ref}. En droit OHADA, la Cour commune de justice et d'arbitrage avait tenté de mettre fin à la controverse en retenant que l'écrit est exigé *ad validitatem*. Ainsi, selon la Cour, doivent être annulés pour violation de l'article 4 de l'AUS les actes de cautionnement ne comportant ni la signature du bénéficiaire ni la mention écrite de la main de la caution, de la somme maximale garantie[^28^](#fn28){#fnref28.footnote-ref}. Les dispositions de l'acte uniforme de 2010 constituent un désaveu de cette jurisprudence de la CCJA. En effet, aux termes de l'article 14 al. 1^er^ de l'AUS, le cautionnement « *se prouve par un acte comportant la signature de la caution et du créancier ainsi que la mention, écrite de la main de la caution, en toutes lettres et en tous chiffres, de la somme maximale garantie...* »[^29^](#fn29){#fnref29.footnote-ref}. On en tire comme conséquence, que **le contrat de cautionnement peut être verbal mais en cas de contestation de son existence, sa preuve devra être établie par écrit**[^30^](#fn30){#fnref30.footnote-ref}. Ces exigences de preuve ont pour finalité la protection du consentement de la caution. #### §2- L'aménagement des modalités du cautionnement par les parties Les parties peuvent choisir entre plusieurs formes de cautionnement. Certaines sont plus courantes (A) que d'autres (B). ##### A- Les principales variétés de cautionnement Le contrat de cautionnement peut porter sur toutes sortes d'obligations (obligation de faire, de ne pas faire ou de donner). Peu importe par ailleurs que l'obligation soit d'origine contractuelle ou légale, présente ou future (exemple risque de saisie ou poursuite). La caution peut limiter [son engagement à une partie de la dette seulement ou la garantir dans sa totalité.] [Sauf clause contraire, le cautionnement s'étend aux accessoires de la dette ainsi qu'aux frais de recouvrement.] La caution peut aussi souscrire un cautionnement général des dettes du débiteur (c'est le **cautionnement omnibus**) à condition de fixer une somme maximale déterminée d'un commun accord avec le créancier. Cette dernière forme de cautionnement ne s'applique qu'aux dettes contractuelles directes (la dette est indirecte si elle est héritée. Dans ce cas si la caution décède les héritiers n'auront à cautionner que les dettes existantes du débiteurs avant la mort de la caution) et futures. Le cautionnement général (par opposition au **cautionnement déterminé**) peut être révoqué à tout moment par la caution mais la révocation ne joue qu'à l'égard des dettes futures du débiteur cautionné. Par ailleurs, le cautionnement peut être simple ou solidaire. Dans l'ambition d'une meilleure protection du créancier, l'AUS de 2010 institue une **présomption de solidarité**[^31^](#fn31){#fnref31.footnote-ref}**.** Mais cette présomption n'est pas une règle absolue. En effet, aux termes de l'article 20 de l'AUS, le cautionnement devient simple si un État décide qu'il en soit ainsi sur son territoire ou si les parties l'ont expressément prévu dans le contrat de cautionnement. Ainsi le législateur OHADA fait du cautionnement solidaire le droit commun du cautionnement. La solidarité fait perdre à la caution les droits d'une caution simple, à savoir le **bénéfice de discussion** et le **bénéfice de division**. La solidarité peut jouer entre la caution et le débiteur ou entre plusieurs cautions. Précisément, lorsque la caution est solidaire avec le débiteur, elle ne pourra pas invoquer le bénéfice de discussion (c'est-à-dire, qu'elle ne pourra pas orienter les poursuites du créancier vers le débiteur principal). Lorsqu'il y a solidarité entre plusieurs cautions, ces dernières ne pourraient pas invoquer le bénéfice de division (division de la dette entre les différentes cautions). ##### B- Les autres variétés de cautionnement Il convient d'étudier le cautionnement réel d'une part et d'autre part, le certificat de caution et le sous-cautionnement. ###### 1°)- Le cautionnement réel L'AUS prévoit le cautionnement réel[^32^](#fn32){#fnref32.footnote-ref} en son **article 22**. Cette variété de cautionnement est une pratique bien connue dans le monde des affaires. En effet, en cas de cautionnement, la garantie du créancier est constituée par le patrimoine de la caution. Le risque le plus encouru par ce dernier est de constater l'insolvabilité de la caution au moment où elle doit payer. La désignation d'un ou de plusieurs biens de la caution pour garantir l'engagement de cautionnement **permet au créancier d'éviter ce risque d'insolvabilité en profitant de l'indisponibilité des biens donnés en sûreté ainsi que des droits de suite et de préférence**. Si le cautionnement réel constitue un avantage supplémentaire pour le créancier de la dette cautionnée, il faut cependant remarquer que l'acte uniforme permet à la caution de réduire cet avantage car elle « peut également limiter son engagement à la valeur de réalisation du ou des biens sur lesquels elle a consenti une telle sûreté ». Lorsque la caution aménage ainsi le cautionnement réel, la garantie du créancier ne porte plus sur l'ensemble de son patrimoine mais seulement sur les biens désignés contractuellement. La sûreté réelle n'est qu'un accessoire de la sûreté principale qu'est le cautionnement. On en tire comme conséquence qu'elle n'est valable que si l'engagement de la caution est lui-même valable. ###### 2°)- Le certificateur de caution et le sous-cautionnement **Le certificat de caution** est une modalité du cautionnement prévue par l'art. 21 de l'AUS. Aux termes de cet article « **la caution peut elle-même se faire cautionner par un certificateur désigné comme tel dans le contrat** ». Le certificateur de caution s'engage à l'égard du créancier à garantir l'engagement de la caution lorsque celle-ci ne s'exécute pas. **Le certificat de caution se définit ainsi comme le cautionnement de la caution au profit du créancier qui se prémunit d'une seconde garantie**. **Le sous-cautionnement** quant à lui, est un **moyen de garantir le remboursement de ce que le débiteur doit à la caution qui a désintéressé le créancier.** La sous-caution s'engage donc, à la demande du débiteur, à payer la caution qui exercera après paiement un recours contre le débiteur. Cette modalité de cautionnement, bien qu'étant profitable au débiteur, n'est pas prévue par l'AUS. ### Section 3 : Les effets du cautionnement L'engagement de la caution ne présente d'intérêt pour le créancier qu'en cas de défaillance du débiteur principal. Encore faudrait-il que la caution accepte de payer (§1^er^). Lorsque la caution refuse de payer pour un motif quelconque, la question du bien-fondé de ce motif se pose comme celle de la procédure à suivre pour la forcer à s'exécuter (§2). #### §1^er^ - L'acceptation de la caution de payer Il convient d'étudier les conditions de l'appel à la caution (A) et les modalités de paiement de la caution (B). Par ailleurs, la caution qui désintéresse le créancier dispose de recours contre le débiteur (C). ##### A- Les conditions de l'appel à la caution Le créancier n'est autorisé à faire appel à la caution que lorsque la dette du débiteur est devenue exigible (la dette est exigible lorsqu'elle est arrivée à terme. La caution ne pourrait être poursuivie lorsque l'obligation est assortie d'une condition suspensive ou d'un terme suspensif. La déchéance du terme prononcée contre le débiteur n'atteint pas la caution) et que le créancier ne reçoive pas paiement après avoir mis en demeure le débiteur (c'est le rappel fait au débiteur qu'il doit payer). En effet, le cautionnement est un accessoire du contrat de base qui lie le débiteur et le créancier. **La prorogation du terme de la dette consentie au débiteur par le créancier n'est pas opposable à la caution de même que la déchéance du terme de la dette** comme lorsqu'une procédure collective de liquidation des biens ou de redressement judiciaire a été prononcée contre le débiteur principal. La caution désintéresse le créancier selon diverses modalités. Cependant, elle n'a pas payé une dette personnelle. Elle dispose ainsi de recours contre le débiteur et contre les autres cautions au cas échéant. ##### B- Les modalités de paiement de la caution C'est à ce niveau que les modalités du cautionnement négociées par les parties produisent leurs effets, principalement, le caractère simple ou solidaire du cautionnement. La caution simple est autorisée à opposer le bénéfice de division ou de discussion. Le bénéfice de discussion, prévue par **l'art. 27, al. 2 AUS**, permet à la caution d'exiger du créancier de se faire payer d'abord sur les biens du débiteur. [C'est seulement après la discussion que le créancier est admis à reprendre ses poursuites contre la caution, il lui réclame ce qu'il n'a pas pu obtenir du débiteur principal.] Le bénéfice de division, prévue par **l'art. 28 AUS**, permet à la caution, en cas de pluralité de cautions, d'exiger du créancier de diviser la dette entre les cautions solvables au jour où l'exception de division est soulevée. Lorsque l'exception de division est invoquée par une caution, le créancier ne peut lui faire supporter l'insolvabilité des autres cautions. La caution n'est tenue de payer que la partie de la dette qui lui incombe lorsqu'elle ne s'était engagée que partiellement. Aussi, le paiement des accessoires de la dette dépend des prévisions contractuelles. En tout état de cause, la caution n'est pas autorisée à payer sans avertir le débiteur principal. ##### C- Les recours de la caution après paiement Il s'agit de voir les recours contre le débiteur principal et les recours contre les autres cautions La caution qui a désintéressé le créancier ne s'est pas acquittée d'une dette personnelle. Ainsi, elle dispose de deux types de recours contre le débiteur principal. D'abord, la caution qui a payé dispose d'un **recours personnel** contre le débiteur pour tout ce qu'elle a payé en principal, en intérêt de la somme principale et frais engagés. Elle peut réclamer en outre des dommages et intérêts pour la réparation du préjudice subi du fait des poursuites du créancier (par exemple la perte d'un bien). Le recours de la caution n'est pourtant recevable que si elle a précédemment dénoncé au débiteur principal les poursuites dirigées contre elle. En effet, la caution perd son droit à indemnisation et son action en responsabilité lorsqu'elle paye sans avertir ou sans mettre en cause le débiteur principal alors que ce dernier disposait d'un moyen de faire déclarer la dette éteinte. Ensuite, lorsque la caution a utilement payé, c'est-à-dire sans commettre de faute, elle hérite de tous les droits d'un véritable subrogeant à savoir les sûretés et privilèges dont disposait le créancier contre le débiteur principal. Par ailleurs, en cas de cautionnements multiples, la caution qui a payé dispose également de recours contre les autres cautions (ses cofidéjusseurs), simples ou solidaires. Comme pour le recours contre le débiteur, la caution n'est autorisée à attaquer ses cofidéjusseurs que lorsqu'elle a payé utilement c'est-à-dire en respectant toutes les précautions et lorsque le paiement est libératoire (période suspecte [^33^](#fn33){#fnref33.footnote-ref}?). Les autres cautions ne sont tenues de payer que pour leur part de la dette car le recours de la caution qui a payé est un recours en contribution. **NB :** Il peut arriver que la caution poursuive le débiteur avant d'avoir désintéressé le créancier. Il en est ainsi dans des cas précis. Il s'agit d'un recours assez particulier car la caution n'a encore rien payé. Elle ne peut alors demander au débiteur un quelconque remboursement. Par ce recours, la caution demande seulement au débiteur de la garantir contre une condamnation éventuelle. Le recours de la caution avant paiement est ouvert (article 35 AUS) : - Lorsque le débiteur est en état de cessation des paiements (une interprétation stricte de la notion de cessation des paiements comme l'impossibilité pour un débiteur de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, conduit à limiter le recours aux cas d'ouverture de redressement judiciaire ou de liquidation des biens contre le débiteur personne physique commerçante ou personne morale. La mesure ne devrait donc pas être étendue au cas où seul un règlement préventif a été prononcé) - Lorsque la caution est poursuivie en paiement, dans ce cas, la caution poursuivie par le créancier va appeler en garantie le débiteur principal (sauf si celui-ci est poursuivi en règlement judiciaire ou en liquidation des biens puisque dans ces cas, le débiteur bénéficie de la suspension des poursuites individuelles) - Lorsque le débiteur est obligé de lui rapporter sa décharge dans un certain temps (c'est une hypothèse suffisamment rare dans la pratique qui signifie que le débiteur s'est engagé à libérer la caution de son engagement au bout d'un certain délai indépendamment du paiement ou non de la dette. Si à l'expiration de ce délai la caution reste tenue, elle peut demander un paiement anticipé au débiteur) - Lorsque la dette est devenue exigible par l'échéance du terme (on suppose ici que malgré l'arrivée du terme de la dette, le créancier n'a pas engagé les poursuites contre le débiteur principal et la caution ne souhaite pas continuer à assumer le risque d'insolvabilité du débiteur). #### §2- Le refus de la caution de payer Lorsque la caution refuse de payer, le créancier doit convaincre le juge de la validité de sa créance envers elle. La recherche, par le créancier, d'un titre exécutoire est l'occasion pour la caution de contester son obligation au paiement. ##### A - La recherche d'un titre exécutoire La procédure la plus rapide est celle de l'injonction de payer réglementée par les articles 1^er^ et suivant de l'AUPSRVE (acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution). Il s'agit d'une procédure simplifiée de recouvrement permettant à un créancier dont la créance présente certains caractères[^34^](#fn34){#fnref34.footnote-ref} de demander le paiement de son dû par une voie plus abrégée que celle de droit commun (d'ailleurs, le rejet de la demande lui ouvre la possibilité d'engager les voies de droit commun). Parallèlement, elle permet au débiteur de régulariser sa situation, en réglant sa dette, si la demande s'avère fondée. Le tribunal est saisi d'une requête du créancier justifiant de documents établissant la réalité de la créance (origine contractuelle ou effet de commerce). La signification (c'est l'acte d'huissier par lequel on porte à la connaissance du destinataire qu'une procédure a été lancée à son encontre) à la caution de la décision portant injonction de payer (dans les 3 mois de sa date) lui ouvre droit, dans un délai de quinze jours à compter de cette signification, à faire opposition. L'acte d'opposition doit comporter, sous peine de nullité, la signification de l'opposition à toutes les parties et servir assignation à comparaître devant la juridiction compétente (à un délai ne pouvant excéder 30 jours). L'absence d'opposition durant ce délai permet au créancier de mettre en œuvre une voie d'exécution, principalement une procédure de saisie. Le créancier retombe ainsi dans les travers de la saisie mobilière ou immobilière qu'il tentait d'éviter par le choix d'une sûreté personnelle. La situation du créancier est plus enviable en cas de cautionnement réel du fait du droit de suite et de préférence dont il dispose sur les biens désignés pour garantir l'engagement de cautionnement. ##### B - Les exceptions soulevées par la caution L'article 13 **AUPSRVE** dispose que « *celui qui a demandé la décision d'injonction de payer supporte la charge de la preuve de sa créance* ». Précisément, la charge de la preuve de l'engagement de la caution, du contrat de cautionnement et de la défaillance du débiteur incombe au créancier. L'article 29 AUS tire les conséquences du caractère accessoire du contrat de cautionnement en permettant à la caution d'opposer au créancier toutes les exceptions inhérentes à la dette qui appartiennent au débiteur principal et qui tendent à réduire, éteindre ou différer cette dette[^35^](#fn35){#fnref35.footnote-ref}. A cet effet, l'article 36 AUS prévoit que la caution est libérée totalement ou partiellement en cas d'extinction totale ou partielle de la dette principale par paiement, dation en paiement, novation. La caution peut se prévaloir d'être libérée par la simple modification des modalités dont l'obligation était assortie. Indépendamment de l'obligation principale, l'obligation de la caution est éteinte lorsqu'elle justifie de l'existence d'une compensation de la créance de son cocontractant avec une créance personnelle, lorsque le créancier lui a consenti une remise de dette, en cas de confusion entre la personne du créancier et celle de la caution ou lorsque son engagement nul. Chapitre 2 : LA GARANTIE AUTONOME ET LA CONTRE-GARANTIE AUTONOME ---------------------------------------------------------------- - **V. P. Crocq, Les sûretés fondées sur une situation d'exclusivité et le projet de réforme de l'acte uniforme portant organisation des sûretés, Droit et patrimoine, n° 197, novembre 2010, p. 78 s.** - **P. Tiger, La lettre de garantie, revue Penant, n° 840, juillet-septembre 2002, p. 310 s.** La garantie autonome et la contre-garantie autonome sont des sûretés personnelles réglementées par les art. 39 s. AUS (en droit français, la garantie autonome est réglementée dans les art. 2321 s. code civil). La garantie autonome est définie comme l'engagement par lequel le garant s'oblige, en considération d'une obligation souscrite par le donneur d'ordre et sur instructions de ce donneur d'ordre, à payer une somme déterminée au bénéficiaire, soit sur première demande de la part de ce dernier, soit selon des modalités convenues. (**Sur la qualification de garantie autonome, V. CA Abidjan, n° 184, 21-2-2003, SIB c/Sté CORECA, Ohadata J-03-230, obs. J. Issa-Sayegh**). Le mécanisme de la garantie autonome, comme celui du cautionnement, fait intervenir trois personnes : un créancier désirant garantir sa créance c'est le bénéficiaire, un débiteur de ce créancier, le donneur d'ordre et un garant qui s'engage à payer une somme déterminée. Contrairement au cautionnement, l'acte uniforme de 2010 n'a pas voulu faire de la garantie autonome un contrat mais plutôt un engagement unilatéral, ce qui renforce les intérêts du créancier. Il arrive que le garant, voulant éviter l'insolvabilité du débiteur après avoir désintéressé le créancier, exige de ce débiteur une contre-garantie. **La contre-garantie autonome est l'engagement par lequel le contre-garant s'oblige, en considération d'une obligation souscrite par le donneur d'ordre et sur instructions de ce donneur d'ordre, à payer une somme déterminée au garant, soit sur première demande de la part de ce dernier, soit selon des modalités convenues**. L'objectif majeur du législateur OHADA est de faire de la garantie autonome une sûreté plus efficace et plus rapide que le cautionnement. Cet objectif produit un certain nombre de conséquences aussi bien dans la constitution de la garantie autonome (section 1) que dans ses effets (section 2). ### Section 1 : La formation de la garantie autonome et de la contre-garantie autonome Il existe dans la pratique des affaires, des formes usuelles de garantie autonome (§2). Mais quelle que soit la modalité usitée par les parties, des conditions de fond et de forme sont exigées par la loi en vue de sa validité (§1^er^). #### §1^er^ : Les exigences de fond et de forme **Au-delà des conditions de fond exigées pour tout acte juridique (consentement, capacité, objet et cause), l**'art. 40 AUS exclut les personnes physiques des sujets de droit pouvant souscrire à une garantie autonome ou à une contre-garantie autonome. Par contre la jurisprudence française admet que la garantie autonome puisse être souscrite par des personnes physiques (**cass. com, 13 décembre 1994, D. 1995, Jur., p. 209**). L'exclusion se justifie par la sévérité des effets de cette sûreté. Cette disposition est d'ordre public et sa violation est sanctionnée par la nullité de la garantie. **La somme garantie est déterminée d'accord parties. Cependant, ces dernières peuvent prévoir qu'elle sera dégressive à des dates précises.** L'encadrement des formalités de constitution de la garantie illustre aussi une certaine différenciation d'avec le régime juridique du cautionnement. Les exigences relatives à la forme ne laissent aucun doute sur la nécessité d'un écrit comme condition de validité de cette garantie. En effet, Aux termes **de l'art. 41 AUS,** **l'absence d'écrit constatant la garantie est sanctionnée par la nullité de l'engagement**. Par ailleurs, l'écrit doit contenir, sous peine de nullité, certaines mentions énumérées par l'art. 41 AUS : la dénomination de garantie ou de contre-garantie autonome, le nom du donneur d'ordre, le nom du bénéficiaire, le nom du garant ou du contre-garant, la convention de base, l'acte ou le fait, en considération desquels la garantie autonome ou la contre-garantie autonome est émise, le montant maximum de la garantie autonome ou de la contre-garantie autonome, la date ou le fait entraînant l'expiration de la garantie, les conditions de la demande de paiement, s'il y a lieu, l'impossibilité, pour le garant ou le contre-garant, de bénéficier des exceptions de la caution. #### §2 : Les modalités usuelles de la garantie autonome et de la contre-garantie autonome Dans la pratique des affaires (commerce international : la garantie internationale est un engagement irrévocable à première demande par lequel la banque s'engage à verser une compensation financière au bénéficiaire en cas de non-respect des obligations de son client (prestation ou paiement). Il s'agit d'un recours en cas de non-exécution du contrat et non un moyen de paiement. Il existe différents types de garanties internationales), la garantie autonome prend souvent certaines formes. Celles-ci varient en fonction du moment où la garantie de l'institution est sollicitée. Ainsi, les plus courantes (pour les garanties export) sont : - **La garantie de bonne fin** : dans le cadre de l'exécution d'un marché, le maître d'ouvrage (bénéficiaire des travaux ou du marché) demande à son cocontractant de désigner un tiers pour avancer les sommes nécessaires à la finition du marché en cas d'inexécution. - En application de l'art.115 du code des marchés publics, une **garantie de bonne exécution** doit être fournie par le titulaire de tout marché d'un montant supérieur ou égal aux seuils ci-après : - **La garantie de découvert local** : un entrepreneur [étranger] doit effectuer des travaux au Sénégal et sollicite un prêt bancaire. La banque sénégalaise lui fait obligation de [fournir une banque étrangère garante du remboursement] des sommes sur première demande. - **La garantie de paiement des droits de douane** : elle s'applique lorsque du matériel ne devant pas être utilisé définitivement au Sénégal est accueilli sous le régime de l'admission temporaire. L'administration douanière exige de l'entreprise importatrice la désignation d'une banque étrangère qui s'engage à payer à première demande les droits de douane [lorsque les marchandises ne quittent pas le territoire sénégalais]. - **La garantie de restitution d'acompte** : le bénéficiaire de certains travaux a donné un acompte. Il exige de l'entrepreneur qu'il fournisse un garant sur première demande tenu de rembourser l'acompte versé si le marché n'est pas correctement exécuté. Ces modalités particulières de la garantie autonome, bien qu'étant les plus usuelles, n'épuisent pas les formes de cette garantie qui sont laissées à la discrétion des parties. Cependant, quelle que soit la forme utilisée, les parties sont tenues de faire apparaître la mention « garantie autonome » ou « contre-garantie autonome ». En l'absence de telles mentions, ces qualifications ne sauraient être retenues. **À l'import, les garanties sont plus limitées :** La plus fréquente est la **garantie de paiement**, émise par la banque de l'importateur qui s'engage à payer l'exportateur en cas de défaillance de son client importateur ### Section 2 : L'efficacité de la garantie autonome et de la contre-garantie autonome L'objectif du législateur de faire de la garantie autonome une sûreté rapide et efficace ne l'a pas empêché de soumettre l'appel au garant ou au contre-garant à certaines formalités (§1^er^). Lorsque l'appel au garant ou au contre-garant aboutit au paiement, ces derniers disposent, comme la caution, d'une action contre le débiteur principal (§2). #### §1^er^: Les formalités de l'appel à garantie - **La notification de l'appel à garantie** : le créancier ou bénéficiaire est tenu de notifier par écrit la défaillance du débiteur au garant. Le garant qui appelle le contre-garant à payer est soumis à la même formalité. Encore faudrait-il que la garantie soit toujours valable. La garantie autonome et la contre-garantie autonome sont irrévocables lorsqu'elles sont à durée déterminée. A durée indéterminée, elles peuvent être révoquées par le garant ou le contre-garant selon le cas, sous réserve de l'abus. Le contenu de l'écrit manifestant l'appel à garantie dépend des prévisions contractuelles. La formule de garantie pure et simple n'exige aucune justification de l'appel à garantie de la part du créancier : l'appel se résume alors en une invitation à payer. Cette formule utilisée dans le commerce international, semble être exclue par l'acte uniforme OHADA. En effet, l'article 45 AUS prévoit que **l'écrit doit indiquer le manquement reproché au donneur d'ordre**. L'appel à garantie n'est valable que s'il est justifié et la justification consiste dans l'affirmation faite par le créancier du manquement par le débiteur à ses obligations et en quoi consiste ce manquement (non-paiement du prêt, inexécution des travaux, malfaçons, non-paiement des droits de douane...). Cependant, les parties peuvent convenir que l'appel à garantie devra être accompagné de documents justificatifs de la survenance du fait objet de la garantie (rapport d'expertise, constat huissier...). Dans cette dernière hypothèse, la demande, en plus d'être justifiée, doit être documentée. - **La transmission de la demande au donneur d'ordre**. Le bénéficiaire est tenu de laisser au garant un délai de cinq jours pour examiner la demande en paiement. Le contre-garant dispose du même délai lorsque le garant l'appelle en paiement. Comme la caution, le garant ou le contre-garant n'est pas autorisé à payer sans avoir transmis au préalable, la demande accompagnée de tous les documents au donneur d'ordre (***art. 46 al. 2. Le garant doit transmettre une copie de la demande du bénéficiaire et tous documents accompagnants celle-ci au donneur d'ordre ou, en cas de contre-garantie, au contre- garant, à charge pour ce dernier de les transmettre au donneur d'ordre***). Ce dernier peut lui faire défense de payer (ce pouvoir du donneur d'ordre découle de la définition de la garantie autonome : « sur instruction ou ordres »). C'est pourtant à ce niveau qu'apparaît la différence fondamentale d'avec le cautionnement. De manière expresse, l'acte uniforme, par son **article 47**, n'ouvre au donneur d'ordre cette possibilité de s'opposer au paiement que lorsque la demande **est manifestement abusive ou frauduleuse.** Il en va ainsi lorsque la demande n'est pas justifiée ou n'est pas accompagnée des documents prévus par les parties. En toutes hypothèses, la survenance du fait objet de la garantie implique l'obligation du garant à payer et le donneur d'ordre ne peut, non plus, lui faire défense de payer en se fondant sur une exception tirée du contrat de base. Cette règle est logique car l'engagement du garant est autonome, indépendant de celui du donneur d'ordre. **Le caractère manifestement abusif de l\'appel de la contre-garantie ne peut résulter du seul caractère manifestement abusif de la garantie de premier rang. -** Telle est l\'affirmation que formule un arrêt de la Cour de cassation, ajoutant que doit être démontrée en outre « l\'existence, au moment de l\'appel de la contre-garantie, d\'une collusion entre le garant de premier rang, bénéficiaire de la contre-garantie, et le bénéficiaire de la garantie de premier rang » *(**Cass. com., 3 mai 2016, n° 14-28.962** : JurisData n° 2016-008370 ; JCP G 2016, 721, Ph. Simler ; D. 2016, p. 1748, E. Netter ; RD bancaire et fin. 2016, comm. 164, obs. A.* *Cerles)*. L\'importance donnée à cet arrêt est attestée par la large diffusion qui en est affichée. Il n\'en soulève pas moins plusieurs interrogations. Faut-il réellement, pour justifier le refus de l\'appel de la contre-garantie, qu\'il y ait eu collusion entre le garant de premier rang et le bénéficiaire de la garantie ou suffit-il que le garant ait eu connaissance du caractère manifestement abusif de l\'appel de la garantie ? La raison imposerait, comme en matière d\'action paulienne, d\'assimiler à la fraude la simple connaissance par le garant du caractère manifestement abusif de l\'appel de la garantie. Or, si cet appel est réellement « manifestement abusif », le garant n\'en a-t-il pas nécessairement connaissance ? Ce qui est manifeste est évident et ne peut donc être ignoré. Mais ce qui est manifeste pour l\'un (en l\'occurrence, pour le donneur d\'ordre) peut ne pas l\'être pour un autre (le garant). Le moment décisif doit logiquement être celui de la révélation du caractère manifestement abusif de l\'appel de la garantie. Si ce caractère n\'est révélé au garant qu\'après qu\'il a lui-même exécuté son engagement, l\'appel de la contre-garantie doit, en effet, être considéré comme justifié. Si au contraire le garant a payé en toute connaissance du caractère abusif de l\'appel de la garantie, l\'appel de la contre-garantie doit lui-même être reconnu manifestement abusif. Faute de précisions factuelles suffisantes, la proposition majeure de l\'arrêt paraît trop abrupte. **Philippe Simler La Semaine Juridique** **Edition Générale n° 46, 14 Novembre 2016, doctr. 1224 Droit des sûretés** Comme en matière de cautionnement, le refus du garant ou du contre-garant de payer oblige le bénéficiaire ou le garant à chercher un titre exécutoire, ce qui permet au garant ou au contre-garant de présenter au juge les arguments de leur refus de payer. **[DEFAUT DE TRANSMISSION PAR LE GARANT DE LA DEMANDE DE]** **[PAIEMENT AU DONNEUR D'ORDRE : PAIEMENT NON LIBERATIOIRE]** **[Audience publique du 09 mars 2017]** **[Pourvoi] : n° 020/2011/PC du 11/02/2011** **[Affaire] : Bank Of Africa-Côte d'Ivoire, dite BOA-CI SA** **(Conseil : Maître Jean François CHAUVEAU, Avocat à la Cour) contre** **Société Aminou Moussibaye industrie-Côte d'Ivoire, dite AMI-CI** **ARRET N° 031/2017 du 09 mars 2017** **La Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA) de l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Troisième chambre, a rendu l'Arrêt suivant en son audience publique du 09 mars 2017 où étaient présents :** **Messieurs Mamadou DEME, Président, rapporteur** **Idrissa YAYE, Juge** **Fodé KANTE, Juge** **et Maître Alfred Koessy BADO, Greffier ;** **Sur le recours enregistré au greffe de cette cour le 11 février 2011 sous le numéro** **020/2011/PC, formé par la Bank of Africa-Côte d'Ivoire, dite BOA-CI, société anonyme ayant son siège à Abidjan-Plateau, Avenue Terrasson de Fougère angle Gourgas, immeuble SERMED/BOA, 01 BP : 4132 Abidjan 01, ayant pour conseil Maître Jean François CHAUVEAU, avocat à la Cour à Abidjan, 01 B.P : 3586 Abidjan 01, dans l'affaire qui l'oppose à la Société Aminou Moussibaye Industrie-Côte d'Ivoire, dite AMI-CI, société à responsabilité limitée ayant son siège à Abidjan II plateaux la Djibi, lot n°80, 04 B.P : 1264** **Abidjan 04, en cassation de l'arrêt n°450 rendu le 03 juillet 2009 par la Cour d'appel d'Abidjan,** **dont le dispositif est le suivant:** **« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et civile et en** **dernier ressort ;** **Reçoit la BOA-CI en son appel relevé du jugement n°032 rendu le 09 janvier 2008 par** **le Tribunal de Première Instance d'Abidjan --Plateau ;** **L'y dit mal fondée ;** **L'en déboute ;** **Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;** **Condamne la BOA-CI aux dépens** **»** ; La demanderesse invoque à l'appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu'il figure à sa requête annexée au présent arrêt ; Sur le rapport de Monsieur Mamadou DEME, 2^nd^ Vice-Président ; Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique ; Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA ; Attendu que suivant correspondances n°s 289/2011/G2 du 03 août 2011 et 0373/2016/GC du 08 avril 2016, le Greffier en chef de cette cour a tenté en vain de signifier le pourvoi à la société AMI-CI à son adresse indiquée aussi bien dans la requête introductive que dans le jugement et l'arrêt entrepris ; que ces correspondances lui ont été retournées par la Poste avec la mention « non réclamée » ; que le principe du contradictoire ayant été respecté, il échet de statuer sur le recours ; Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué et des productions que la société AMI-CI a sollicité et obtenu de la BOA-CI l'émission d'une garantie bancaire à première demande d'un montant de 38.000 Euros au profit de son fournisseur suisse, la société VOCO DRAHT AG ; qu'à la suite de cet accord, la BOA-CI a sollicité et obtenu auprès de la NATEXIS BANQUES POPULAIRES, sous sa contre-garantie, l'émission d'une garantie bancaire à première demande pour le même montant, au profit de la société VOCO DRAHT AV, via la banque NEUE AARGAUER BANK, dite NAB ; qu'ultérieurement, les garanties et contre-garanties ont été mises et jeu, au motif que la Société AMI-CI n'a pas tenu ses engagements contractuels auprès de la société VOCO DRAHT, et la BOA-CI a dû payer la somme garantie ; qu'elle a ensuite assigné la société AMI-CI devant le Tribunal de Première Instance d'Abidjan pour réclamer le remboursement de ses débours ; que suivant jugement n°32 du 9 janvier 2008, le Tribunal l'a déboutée de cette prétention ; que statuant sur l'appel formé contre ce jugement, la Cour d'appel d'Abidjan a rendu l'arrêt confirmatif frappé du pourvoi ; +-----------------------------------------------------------------------+ | **Sur le moyen unique tiré du défaut de base légale résultant de | | l'absence, de l'insuffisance, de l'obscurité ou de la contrariété de | | motifs :** | | | | Attendu que la BOA-CI reproche à la Cour d'appel d'avoir retenu que | | le paiement | | | | qu'elle a effectué n'est pas libératoire, pour être intervenu après | | l'expiration de la garantie et sans l'avis préalable de la société | | AMI-CI, alors que, s\'agissant d\'une garantie à première demande, | | elle n\'avait pas à se référer au donneur d\'ordre avant de | | s\'exécuter, que le paiement a été fait au vu de l\'attestation du | | bénéficiaire affirmant que la société AMI-CI n'a pas respecté ses | | engagements, conformément aux stipulations de la lettre de garantie, | | et que l'appel de la garantie a été fait par la société VOCO DRAHT | | bien avant la date limite prévue par le lettre de garantie ; | | | | Attendu qu\'il résulte des motifs de l\'arrêt attaqué que pour | | confirmer le jugement et rejeter la demande en paiement de la BOA-CI, | | la Cour d\'appel a retenu contre celle-ci une faute d\'imprudence et | | de négligence, en ce qu\'elle a donné suite à l\'appel de la garantie | | sans avoir pris l\'avis préalable de la société AMI-CI, alors que la | | demande en paiement «n\'a pas été authentifiée » par cette dernière, | | et qu\'à la date du paiement, la période de validité de lettre de | | garantie lui servant de fondement avait expiré; | | | | Mais attendu qu\'aucune disposition de la lettre de garantie | | litigieuse, qui constitue la loi des parties, ne subordonne le | | paiement par le garant ou le contre-garant à l\'avis préalable du | | donneur d\'ordre ou à l\' « authentification » de la demande de | | paiement par ces derniers; que par ailleurs, l\'appel de la garantie | | a été fait par la société VOCO DRAHT suivant courrier adressé à la | | NAB le 11 juin 2002, régulièrement produit aux débats, alors que la | | date limite de présentation de la demande de paiement par le | | bénéficiaire a été fixée par la convention liant les parties au 28 | | février 2003; qu\'ainsi, ladite demande a été présentée dans les | | délais et en statuant comme elle l\'a fait, la Cour d\'appel n\'a pas | | donné de base légale à sa décision; qu\'il échet de casser l\'arrêt | | et d\'évoquer; | | | | Attendu que par exploit en date du 16 avril 2008, la BOA-CI a formé | | appel contre le jugement n°032/08 rendu le 09 janvier 2008 par le | | Tribunal de Première Instance d\'Abidjan, dont le dispositif est | | ainsi conçu : | | | | « Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale | | et en premier | | | | ressort ;. | | | | Reçoit la BOA-CI en son action ; | | | | L'y dit cependant mal fondée ; | | | | L'en déboute ; | | | | Met les dépens à la charge de la BOA-CI » ; | | | | Attendu qu'il échet de déclarer l'appel recevable en la forme ; | | | | [Au fond] : | | | | Attendu qu'il résulte des motifs du jugement attaqué que le Tribunal | | a débouté la | | | | BOA-CI de sa demande en paiement, aux motifs qu'aux termes de la | | lettre de garantie, le paiement par le garant était subordonné à la | | production d'une attestation, alors que la BOA-CI a procédé audit | | paiement sur la foi d'une simple déclaration de la société VOCO DRAHT | | selon laquelle la société AMI-CI n'a pas respecté ses engagements, et | | que l'attestation prévue par la lettre de garantie ne saurait se | | confondre avec une simple déclaration émanant de surcroît de la | | société bénéficiaire de la garantie ; | | | | Attendu qu'au soutien de son appel, la BOA-CI fait plaider qu'elle a | | payé conformément à ses engagements contractuels ; que la convention | | la liant à la société AMICI ne constitue pas un cautionnement, mais | | une garantie à première demande, soit un ordre de paiement soumis à | | la simple demande du bénéficiaire, indiquant que le donneur d'ordre | | n'a pas respecté ses engagements ; | | | | Attendu qu'il résulte du télex de la BOA-CI en date du 17 mai 2002 | | qu'interpellée par la NETEXIS BANQUES POPULAIRES sur la signification | | du terme « Attestation » contenue dans sa lettre de contre-garantie, | | la BOA-CI a bien précisé : « Nous entendons par ce terme que la | | société VOCO DRAHT doit vous faire parvenir au plus tard le 28 | | février 2003 sa demande de paiement dans laquelle elle atteste que la | | société AMI-CI n'a pas honoré ses engagements. » ; que le reproche | | fait de ce chef par le Tribunal à la BOA-CI n'est donc pas fondé ; | | | | Mais attendu qu\'il résulte de l\'article 35 al 2 (ancien) de l\'Acte | | uniforme portant organisation des sûretés que « Avant tout paiement, | | le garant doit transmettre, sans retard, la demande du bénéficiaire | | et tous documents accompagnant celle-ci au donneur d'ordre pour | | information ou, le cas échéant, au contre-garant pour transmission au | | donneur d'ordre aux mêmes fins » ; | | | | Attendu qu'en l'espèce la BOA ne prouve ni même ne soutient dans ses | | diverses écritures, devant le tribunal, en appel et devant cette | | Cour, avoir procédé à la transmission prescrite par les dispositions | | susvisées ; qu'en omettant cette formalité imposée par la loi, la | | BOA-CI a privé la société AMI-CI, donneur d'ordre, de la protection | | qui lui est offerte par l'article 36 du même Acte uniforme, lui | | permettant de s\'opposer directement au paiement en cas d\'abus ou de | | fraude ; que par ces motifs, il échet de dire que le paiement | | litigieux n'est pas libératoire, et de confirmer le jugement ; | | | | Attendu que la BOA-CI qui succombe doit être condamnée aux dépens ; | | | | **PAR CES MOTIFS** | | | | Statuant publiquement, après en avoir délibéré ; | | | | Casse l'arrêt numéro 450 rendu le 03 juillet 2009 par la Cour d'appel | | d'Abidjan ; | | | | Evoquant et statuant sur le fond, | | | | Confirme le jugement n°032/08 rendu le 09 janvier 2008 par le | | Tribunal de Première | | | | Instance d\'Abidjan | | | | Condamne la BOA-CI aux entiers dépens. | | | | Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont | | signé | +-----------------------------------------------------------------------+ #### §2 : Les recours du garant et du contre-garant après paiement Le régime juridique de la garantie autonome ou de la contre-garantie autonome rejoint celui du cautionnement. A condition d'avoir payé conformément aux termes de l'engagement, le garant ou le contre-garant dispose d'une action en paiement contre le donneur d'ordre. Ceci exclut les paiements faits sans transmission de la demande au donneur d'ordre alors que cette demande était manifestement abusive ou frauduleuse mais aussi les paiements faits pendant la période suspecte et rendus inopposables à la masse des créanciers. Comme en matière de cautionnement, le recours est personnel mais aussi peut-être de type subrogatoire. **Dans les hypothèses où le garant n'a pas fait un paiement utile, il peut se retourner contre le bénéficiaire en vue de la répétition de l'indu**. **Le recours après paiement du donneur d\'ordre contre le bénéficiaire ne requiert pas d\'autre preuve que celle de l\'inexécution par ce dernier de ses obligations. -** En raison de l\'inopposabilité des exceptions qui caractérise la garantie autonome, ni le garant de premier rang, ni le contre-garant ne peuvent se soustraire à l\'exécution de leur engagement sous prétexte que le bénéficiaire n\'aurait pas ou aurait mal exécuté ses obligations, sous la seule réserve de l\'appel manifestement abusif de la garantie (V. *n° 9*). Le donneur d\'ordre est tenu, sous la seule même réserve, de rembourser au garant toute somme payée au titre de la garantie. Mais il peut alors se retourner contre le bénéficiaire s\'il estime que l\'appel de la garantie n\'était pas justifié ou ne l\'était que pour partie, afin d\'obtenir restitution de tout ou partie du montant de la garantie. Ce recours relève du droit commun et n\'est donc pas tributaire des caractères propres de la garantie autonome. Tel est l\'enseignement que délivre un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation, destiné à la plus large diffusion : « ce litige, eu égard à l\'autonomie de la garantie à première demande, ne porte que sur l\'exécution ou l\'inexécution des obligations nées du contrat de base, de sorte qu\'il incombe à chaque partie à ce contrat de prouver cette exécution ou inexécution conformément aux règles de preuve du droit commun » (***Cass. com., 31 mai 2016, n° 13-25.509** : JurisData n° 2016010722 ; JCP G 2016, 857, J.-J. Ansault ; RD bancaire et fin. 2016, comm. 162 et 163, D. Legeais. -* V. également *Cass. com., 7 juin 1994, n° 93-11.340 : JurisData n° 1994-001258 ; Bull. civ., IV, n° 202 ; JCP G 1994, I, 3807, n° 15, obs. Ph. Simler*). La solution est irréprochable. Est toutefois surprenante la proposition selon laquelle la preuve incomberait « à chaque partie à ce contrat ». Le demandeur étant nécessairement, en l\'occurrence, le donneur d\'ordre, c\'est sur lui seul que semble devoir peser la charge de la preuve de l\'inexécution par son cocontractant de ses obligations et donc du caractère injustifié de l\'enrichissement que lui a procuré l\'exécution de la garantie (sur le fondement de ce recours, qui ne peut être un paiement de l\'indu, V. *J.-J. Ansault, préc.* qui envisage la possibilité pour le donneur d\'ordre d\'obtenir, outre la restitution du trop-perçu, des dommages et intérêts). **Philippe Simler La Semaine Juridique Edition Générale n° 46, 14 Novembre 2016, doctr. 1224 Droit des sûretés** Titre II : LES SURETES RÉELLES ============================== Les suretés réelles sont l'ensemble des techniques de garantie d'une créance par lesquelles un bien ou un ensemble de biens est mis à la disposition d'un créancier pour assurer le recouvrement de son droit en cas de non-paiement de l'obligation. Elles consistent soit dans le droit du créancier de se faire payer par préférence sur le prix de réalisation d'un bien affecté à la garantie de l'obligation de son débiteur, soit dans le droit de recouvrer la libre disposition d'un bien dont il est propriétaire à titre de garantie de cette obligation. L'acte uniforme reconnait différentes techniques et les classe en deux sous catégories : les suretés mobilières à savoir le nantissement (chapitre 3) et le gage (chapitre 2) et les suretés immobilières représentées par l'hypothèque (chapitre 1). Chapitre 1^er ^: L'HYPOTHÈQUE ----------------------------- L'hypothèque est définie par l'article 190 AUS comme *l'affectation d'un immeuble déterminé ou déterminable appartenant au constituant en garantie d'une ou de plusieurs créances, présentes ou futures à condition qu'elles soient déterminées ou déterminables.* *L'hypothèque peut être légale ou judiciaire.* Il s'agit d'une nouvelle définition plus heureuse de l'hypothèque donnée par l'AUS de 2010 contrairement à l'article 117 de l'AUS de 1997, qui se bornait à définir l'hypothèque comme « *une sûreté réelle immobilière conventionnelle ou forcée* » Aussi, l'article 209 de l'AUS reprend l'article 132 de l'AUS de 1997, en supprimant l'alinéa 2 sur l'exigence du caractère déterminé des immeubles objets d'hypothèque forcée. Cet alinéa devenait d'ailleurs incompatible avec l'article 190 de l'AUS de 2010 qui admet l'hypothèque des immeubles déterminables. *Art. 209 AUS de 2010 : L\'hypothèque forcée est celle qui est conférée, sans le consentement du débiteur, soit par la loi, soit par une décision de justice.* *Les hypothèques forcées autres que celles prévues par le présent Acte uniforme sont régies par les dispositions particulières de la loi nationale de chaque Etat Partie.* Cette suppression participe, sans nul doute, de la volonté du législateur de rendre moins rigide et plus attractif le régime des hypothèques. Cette attractivité est, de surcroît, renforcée par la possibilité de consentir une hypothèque pour une créance qui n'est pas encore née, à condition que celle-ci soit déterminée ou déterminable. Une telle option est orientée vers le développement du recours à l'hypothèque, comme un outil de garantie du crédit. **NB** : L'hypothèque a un caractère spécial (un bien immeuble garantie une créance mais cette spécialité est à relativisée du fait de l'existence de l'hypothèque biens à venir). L'hypothèque a aussi un caractère indivisible (la divisibilité de la dette et de la créance n'affecte pas la garantie). ### Section 1 : Le régime de droit commun de l'hypothèque Le régime de droit commun de l'hypothèque détermine la constitution de l'hypothèque, les effets de l'hypothèque, la transmission et l'extinction de l'hypothèque. #### §1^er^ - La constitution de l'hypothèque L'étude de la constitution de l'hypothèque fait appel à trois précisions fondamentales relatives aux parties, aux conditions de formation et à l'objet de l'hypothèque. ##### A - Les parties au contrat d'hypothèque Le contrat d'hypothèque met en présence deux parties que sont le créancier hypothécaire et le constituant. ###### 1°)- Le créancier hypothécaire Le créancier c'est celui qui est titulaire d'une créance à l'égard du débiteur. Dans le cadre d'un contrat de prêt, le créancier, par exemple la banque (prêteur), remet les fonds au débiteur (emprunteur) dont le remboursement est garanti par une hypothèque. Tout créancier peut bénéficier d'une hypothèque conventionnelle. Cependant, il faut réserver la situation où le débiteur est en difficulté. Dans cette hypothèse, le créancier ne pourra pas demander la constitution d'une hypothèque. ###### 2°)- Le constituant L'art. 190 AUS dispose que « *L\'hypothèque est l\'affectation d\'un immeuble déterminé ou déterminable appartenant au constituant*... ». La notion de constituant à laquelle a recours le nouvel AUS est très significative. En effet, traditionnellement, la sûreté réelle est définie comme l'affectation, par le débiteur, d'un bien meuble ou immeuble en garantie de sa dette. Cette conception n'est plus foncièrement de rigueur puisqu'un tiers peut mettre son bien à la garantie de la dette d'autrui. Précisément, le constituant c'est la personne qui met, en guise d'hypothèque, le bien à la disposition du créancier. Le constituant n'est alors pas forcément le débiteur. Il peut s'agir d'un tiers, dans cette hypothèse. L'art. 4 al. 4 dispose que « *Les sûretés réelles peuvent être constituées par le débiteur lui-même ou un tiers en garantie de l'obligation sous réserve des dispositions particulières du présent Acte uniforme* ». Par ailleurs, l'art. 203 al. 1 AUS s'intéresse à la situation juridique du constituant lorsqu'elle dispose que « *L\'hypothèque conventionnelle ne peut être consentie que par celui qui est titulaire du droit réel immobilier régulièrement inscrit et capable d\'en disposer* ». Ce texte met en relief deux exigences relativement à la situation juridique du constituant. - D'une part, il doit être titulaire du droit réel sur l'immeuble. - D'autre part, le constituant doit être capable de disposer du bien. En effet, l'hypothèque peut aboutir à la réalisation du droit réel immobilier. Au-delà des règles relatives à la capacité, le constituant doit aussi avoir le pouvoir de donner le bien en garantie. En effet, il faut savoir si l'existence d'un mandat général suffit pour mettre un bien en garantie d'hypothèque ? Hypothèque des biens de la société par le dirigeant social Hypothèque des biens de la communauté en droit des régimes matrimoniaux ##### B - Les formalités nécessaires au contrat d'hypothèque L'hypothèque est une sûreté qui obéit à des formalités rigoureuses diverses selon leur objet (validité et efficacité). ###### 1°)- L'écrit constatant la garantie Il relève des dispositions de l'article 205 de l'AUS que, « *L\'hypothèque conventionnelle est [consentie, selon la loi nationale du lieu de situation de l\'immeuble : ]* - *par acte authentique établi par le notaire territorialement compétent ou l\'autorité administrative ou judiciaire habilitée à faire de tels actes ;* - *ou par acte sous seing privé dressé suivant un modèle agréé par la conservation de la propriété foncière.* *La procuration donnée à un tiers pour constituer une hypothèque en la forme notariée doit être établie en la même forme* ». **En droit sénégalais,** **c'est la forme authentique (précisément un acte notarié) qui est exigée en application de l'art. 47 de la loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la propriété foncière.** **«** *Tous faits, conventions ou sentences ayant pour objet de constituer, transmettre, déclarer, modifier ou éteindre un droit réel immobilier, d'en changer le titulaire ou les conditions d'existence, tous baux d'immeubles excédant trois années, toute quittance ou cession d'une somme équivalente à plus d'une année de loyer ou fermages non échus doivent, en vue de l'inscription, être constatés par acte authentique sauf dérogation législative.* *Les règles de forme édictées à l'alinéa précédent ne s'appliquent pas, à la condition que lesdits faits, conventions ou sentences soient constatés par écrit dans les formes déterminées par la loi, aux actes passés par l'Etat et les autres personnes publiques* **».** L'écrit doit comporter au moins les mentions relatives aux parties, à la créance garantie, et à l'assiette de la garantie. ###### 2°)- La formalité de l'inscription La garantie d'hypothèque, pour être efficace, doit faire l'objet d'une publicité. Cette formalité est prévue par l'art. 195 AUS aux termes duquel : *Tout acte conventionnel ou judiciaire constitutif d\'hypothèque doit être inscrit conformément aux règles de publicité édictées par l'Etat Partie où est situé le bien grevé et prévues à cet effet.* *L\'hypothèque régulièrement publiée prend rang du jour de l\'inscription.* *Lorsque le droit réel immobilier, objet de l\'hypothèque, consiste en un démembrement du droit de propriété tel que l\'usufruit, le droit de superficie, le bail emphytéotique ou le bail à construction, l\'inscription de l\'hypothèque doit également être notifiée, par acte extrajudiciaire, au propriétaire, au tréfoncier ou au bailleur*. Au Sénégal, la publication est assurée par la formalité de l'inscription au livre foncier (art. 46. Loi de 2011). **A partir de la publication, le droit du créancier hypothécaire est opposable aux tiers** (art. 20 de la Loi de 2011). La constitution de l'hypothèque n'est parfaite qu'une fois la garantie inscrite au livre foncier. Cette exigence est requise que l'hypothèque soit de nature conventionnelle ou forcée. L'inscription a pour principale finalité de sécuriser les transactions immobilières en renseignant les tiers acquéreurs de l'immeuble. Les établissements financiers et autres créanciers du titulaire des droits sur l'immeuble doivent être suffisamment informés sur l'état des droits réels sur l'immeuble. En cas de constitution d'hypothèques multiples sur le même immeuble, le rang de chaque créancier hypothécaire est déterminé par la date de son inscription. Les créanciers hypothécaires inscrits en premier sont préférés aux suivants lors de la distribution du prix c'est-à-dire au moment du paiement une fois que l'immeuble est réalisé. Comme l'indiquent les dispositions de l'art. 195, al. 3 AUS de 2010, lorsque l'hypothèque porte sur un démembrement du droit de propriété tel que l'usufruit, le droit de superficie, le bail emphytéotique ou le bail à construction, l'inscription doit également être notifiée, par acte extrajudiciaire, au propriétaire, au tréfoncier ou au bailleur. **La violation de la formalité de publicité est sanctionnée non par la nullité de la constitution d'hypothèque mais par l'inopposabilité aux tiers de la constitution de l'hypothèque**. C'est dire que le créancier hypothécaire se retrouve, face à ces tiers, comme un simple créancier chirographaire ne pouvant exciper ni du droit de suite ni du droit de préférence sur l'immeuble. L'AUS de 2010, dans son article 206 retient que « **tant que l'inscription n'est pas faite, l'acte d'hypothèque est inopposable aux tiers et constitue, entre les parties, une promesse synallagmatique qui les oblige à procéder à la publicité** ». Autrement dit, la convention d'hypothèque non inscrite constitue un avant-contrat différent du contrat définitif d'hypothèque. La promesse synallagmatique d'hypothèque ne fait qu'obliger les parties à parfaire leur engagement par l'exécution de la formalité de l'inscription sans constituer, à elle seule, un engagement d'hypothèque. Aux termes de l'art. 207, al. 1^er^ AUS de 2010, lorsque l'hypothèque a été consentie à l'occasion d'un prêt à court terme, le prêteur dispose d'un délai de [**90 jours** pour procéder à l'inscription sans perdre son rang fixé au jour de la conclusion du contrat]. ##### C - L'objet de l'hypothèque L'hypothèque, dans son principe ne peut porter que sur des immeubles immatriculés. S'agissant des terres, on vise précisément celles ayant un propriétaire identifié. Au Sénégal, on exclut des terres immatriculées, celles du domaine national. Aux termes de l'art. 192 AUS, il s'agit d'abord des fonds bâtis ou non bâtis et leurs améliorations ou constructions. La catégorie des immeubles susceptibles d'être donnés en hypothèque **exclut les immeubles par destination** (biens meubles servant à l'exploitation de l'immeuble ou attachés à perpétuelle demeure). Peuvent également faire l'objet d'hypothèque les droits réels démembrés régulièrement inscrits au livre foncier. Ce sont précisément des prérogatives dont on peut disposer sur l'immeuble par nature d'autrui. Il s'agit de: - L'usufruit immobilier (droit de jouir et de tirer les fruits d'un immeuble par nature d'autrui) - La nue-propriété (droit de disposer de la chose mais ne conférant ni droit d'usage ni droit de jouissance qui appartiennent à l'usufruitier. La nue-propriété n'est pas expressément prévue mais elle peut faire l'objet d'hypothèque) - Le droit de superficie (droit d'user de la superficie d'un immeuble par nature appartenant à autrui et conférant un droit de propriété sur les constructions et les plantations qui y sont édifiés. Le titulaire du droit de superficie est nommé superficiaire et le cédant de ce droit, le tréfoncier) - Le bail emphytéotique (bail de longue durée, 18 à 99 ans, consenti par une personne publique) Le titulaire d'un droit réel immobilier peut consentir l'hypothèque sur le droit démembré de la propriété en question mais aussi sur les impenses c'est-à-dire les constructions et améliorations apportées au fonds et qualifiées dans la pratique de **« peines et soins ».** Cependant, il faudrait que le droit réel en question puisse faire l'objet d'une immatriculation ce qui n'est pas le cas des droits détenus sur les terres du domaine national ou des titres précaires détenus sur les terres du domaine de l'Etat (permis d'occuper). Lorsque la garantie porte sur des droits non susceptibles d'une immatriculation, la qualification d'hypothèque devient impossible, les parties qualifiant alors souvent leur contrat de « nantissement des peines et soins ». Cette qualification de nantissement ne peut plus prospérer du fait que l'Acte uniforme cite de façon limitative les biens susceptibles de faire l'objet de nantissement. Faudrait-il recourir au gage sans dépossession (par exemple gages de stocks de produits agricoles ou gages simples consistant en l'affectation en garantie de biens meubles fongibles. Dans cette hypothèse, l'assurances est moins consistante : il y a seulement une obligation d'assurance contre les risques de perte ou de détérioration totale ou partielle là où pour le gage de stock il y a en plus une obligation d'assurance contre les risques de vol et d'incendie). **- L'hypothèque d'un immeuble futur** Dans le but de faciliter l'accès au crédit, l'assiette de l'hypothèque a été élargie aux immeubles futurs. Ainsi, l'article 203, al. 2 de l'AUS de 2010 a prévu la possibilité exceptionnelle d'hypothéquer un immeuble sur le modèle de l'art. 2420 du code civil français. L'article 203 précité prévoit trois hypothèses dans lesquelles une hypothèque sur un immeuble à venir pourra être consentie. Peut ainsi hypothéquer un immeuble futur : - celui qui ne possède pas d'immeubles présents et libres ou qui n'en possède pas en quantité suffisante pour la sûreté de la créance; il pourra être prévu que chacun des immeubles acquis par la suite sera hypothéqué ; - celui dont l'immeuble présent hypothéqué a péri ou subi des dégradations telles qu'il est devenu insuffisant pour constituer la sûreté de la créance; il pourra être également prévu que chacun des immeubles acquis par la suite sera affecté au paiement de créance, sans préjudice du droit pour le créancier de poursuivre dès à présent son remboursement (la déchéance du terme); - celui qui possède un droit actuel lui permettant de construire à son profit sur le fonds d'autrui des bâtiments dont la construction est commencée ou simplement projetée; en cas de destruction de ceux-ci, l'hypothèque est reportée de plein droit sur les nouvelles constructions édifiées au même emplacement. **- L'hypothèque d'un bien indivis** L'article 194 du projet de réforme a modifié l'article 121 de l'AUS de 1997, afin de permettre à un co-indivisaire de consentir une hypothèque sur un bien indivis. En effet, l'article 121 précité disposait que : « *Ceux qui n'ont sur l'immeuble qu'un droit soumis à condition, résolution, ou rescision régulièrement publiées ne peuvent consentir qu'une hypothèque soumise aux mêmes conditions, résolutions ou rescisions.* *Toutefois, l'hypothèque consentie par tous les copropriétaires d'un immeuble indivis conserve son effet quel que soit, ultérieurement, le résultat de la licitation ou du partage* ». Si l'alinéa premier relatif à la situation juridique des droits sur l'immeuble est resté inchangé, l'article 194 de l'AUS de 2010 vient amender l'alinéa 2 de l'article 121 précité et ajouter un nouvel alinéa : « *L'hypothèque d'un immeuble indivis conserve son effet quel que soit le résultat du partage, si elle a été consentie par tous les indivisaires. Dans le cas contraire, elle ne conserve son effet que dans la mesure où l'indivisaire qui l'a consentie est, lors du partage, alloti de l'immeuble indivis ou, lorsque l'immeuble est licité à un tiers, si cet indivisaire est alloti du prix de la licitation* » (al. 2). « *L'hypothèque d'une quote-part dans un ou plusieurs immeubles indivis ne conserve son effet que dans la mesure où l'indivisaire qui l'a consentie est, lors du partage, alloti du ou de ces immeubles indivis ; elle le conserve alors dans toute la mesure de cet allotissement, sans être limitée à la quote-part qui appartenait à l'indivisaire qui l'a consentie ; lorsque l'immeuble est licité à un tiers, elle le conserve également si cet indivisaire est alloti du prix de la licitation* » (al. 3). Cette consécration de l'hypothèque d'un immeuble indivis est bénéfique à la fois pour le créancier et les propriétaires. Pour le créancier, la faculté reconnue à un seul indivisaire de consentir une hypothèque sur sa quote-part de l'immeuble indivis constitue une avancée notable dans la sécurisation de la situation du créancier d'un héritier co-indivisaire. Elle est également et surtout un début de réponse à la longueur généralement déplorée, tant par les praticiens que par les acteurs, des procédures de partage en matière de succession. En effet, avec les nouvelles dispositions, le cohéritier propriétaire d'un bien indivis n'est plus contraint d'attendre la décision de partage avant de fournir une garantie hypothécaire à un créancier. L'hypothèque consentie par un cohéritier sur sa quote-part de l'immeuble indivis contribuera, sans conteste, à rendre plus flexible et plus attractive cette sûreté immobilière. #### §2 - Les effets de l'hypothèque Il s'agit d'étudier les prérogatives du créancier dans ses rapports avec le constituant et celles qui lui sont reconnues par l'art. 197 al. 1^er^ AUS. ##### A -Rapports entre le créancier et le constituant Ils s'analysent particulièrement en une protection de l'intérêt du créancier au moment de la garantie. Par ailleurs, si le débiteur ne s'exécute pas à l'échéance, le créancier peut procéder à la réalisation de la garantie. ###### 1°)- La protection de l'intérêt du créancier au moment de la garantie Dans ses relations avec le constituant, le créancier hypothécaire bénéficie d'une certaine protection contre les actes du constituant de nature à porter atteinte à la valeur de l'immeuble. L'im

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