Droit des Affaires 1ère Partie PDF
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Chouaib Doukkali University
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Ce document traite des instruments juridiques utilisés dans le commerce, notamment les instruments de paiement et de crédit. Il explique les principes fondamentaux et les caractéristiques de ces instruments au Maroc.
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INTRODUCTION GENERALE Le développement des échanges économiques a conduit à l’émergence d’instruments juridiques spécifiques permettant aux entreprises de simplifier leurs paiements et de satisfaire leurs besoins de financement notamment à court terme. L’inspiration première du droi...
INTRODUCTION GENERALE Le développement des échanges économiques a conduit à l’émergence d’instruments juridiques spécifiques permettant aux entreprises de simplifier leurs paiements et de satisfaire leurs besoins de financement notamment à court terme. L’inspiration première du droit des instruments de paiement et de crédit vient de la pratique des affaires qui a su très tôt concevoir des procédés de transfert de fonds et de créances fiables. La pratique bancaire a également influencé la matière en utilisant la liberté contractuelle pour concevoir et favoriser l’apparition de nouveaux instruments. Le monde des affaires dispose ainsi de moyens de crédit et de paiement, adaptés aux besoins et aux exigences de la pratique commerciale, en l’occurrence, la rapidité et la sécurité du crédit. Ces instruments, qu’il appartiendra de définir et d’en apprécier les évolutions et sources, présentent un certain nombre de caractéristiques intéressantes. Les instruments de paiement sont destinés à assurer l’exécution d’une obligation de payer une somme d’argent sans manipulation d’espèces monétaires. Constituent de tels instruments, le chèque, le virement ou encore la carte de paiement. Tous ces instruments de paiement rendent ainsi possible la circulation de la monnaie scripturale, c’est-à-dire de la monnaie constituée par les soldes disponibles des comptes en banque. L’utilisation des instruments de cette monnaie ne peut pas entraîner l’extinction immédiate de la dette concernée en raison du temps qui s’écoule nécessairement entre l’exécution de l’obligation et sa réalisation en compte. Les instruments de crédit sont des moyens de financement à court terme des entreprises. Il s’agit de titres crées à l’occasion d’une opération commerciale et destinés à permettre la mobilisation de la créance correspondante pour en obtenir le règlement sans en attendre l’échéance. Tel est le cas de la lettre de change ou le billet à ordre. L’évolution des instruments de paiement et de crédit est intimement liée à celle de la monnaie.Pendant des siècles, les instruments représentatifs de la monnaie ont été créés sur un support papier. Les effets de commerce et notamment la lettre de change ont joué successivement le rôle d’instrument de paiement et d’instrument de crédit pour n’être plus utilisé que comme instrument de crédit à court terme alors que le chèque n’a, lui, jamais rempli que la seule fonction de moyen de paiement. Les avantages que présentaient en leur temps les effets de commerce ne sont aujourd’hui plus appréhendés de la même façon. Au contraire, ces titres papiers génèrent des coûts de gestion que les banquiers jugent excessifs. En outre, ils se révèlent mal adaptés à l’ère informatique. Les banques ont ainsi mis au point d’autres instruments de paiement aux fins de concurrencer le chèque. C’est le cas des nouveaux instruments dématérialisés, notamment les cartes de paiement et les virements. Au Maroc, le texte fondamental qui détermine le régime juridique applicable aux instruments de paiement et de crédit est le Dahir du 1er Aout 1996 portant promulgation de la loi n° 15-95 formant Code de Commerce tel que modifié et complété. De même, il existe d’autres textes législatifs complémentaires, c’est le cas de la réglementation prévue par le Dahir formant code des obligations et contrats. Il existe aussi plusieurs conventions internationales, tel que les conventionsinternationales de Genève de 1930 et de 1931, qui ont été ratifiées et qui ont fait l’objet de transposition au niveau de l’ordre juridique marocain. En dépit de leur variété, les effets de commerce sont soumis à des principes communs qui peuvent être résumés comme suit : 1. Le principe du formalisme cambiaire : La qualification d’effet de commerce suppose que le titre soit rédigé en respectant l’ensemble des mentions obligatoires énumérées par la loi. Ce formalisme est destiné à permettre la circulation de l’effet de commerce en toute sécurité et ainsi assure la protection de ceux qui s’engagent cambiairement. Le titrequi ne comprendrait pas toutes les mentions obligatoires ne pourra pas valoir comme titre cambiaire. 2. Le principe de solidarité cambiaire : Toutes les personnes qui ont apposé leur signature sur l’effet de commerce sont solidairement tenues de son paiement. 3. Le principe de l’inopposabilité des exceptions : L’effet de commerce qui comporte l’ensemble des mentions obligatoires exigées par la loi absorbe la créance. Il est un acte abstrait, c.-à-d. indépendant du rapport fondamental qui est à l’origine de son émission ou de sa circulation. En d’autres termes, l’effet de commerce se suffit à lui-même. Il n’est pas besoin de rechercher quelle est l’opération juridique qui lui sert de cause pour expliquer les obligations spécifiques de ses signataires. Le caractère abstrait des effets de commerce explique que le porteur de l’effet de commerce doit en recevoir paiement sans que celui contre lequel il agit puisse se prévaloir des exceptions tirées du rapport d’obligation en vertu duquel il s’est engagé dans les liens du change. L’étude de ces instruments, faisant l’objet du présent cours, se répartira en deux parties. Dans un premier temps, il appartient d’examiner les instruments de crédit, à savoir la lettre de change et le billet à ordre. Et dans un second temps, il convient d’étudier les instruments de paiement, à savoir le chèque, le virement bancaire et la carte de paiement. PARTIE I : LES INSTRUMENTS DE CREDIT Les instruments de crédit sont des mécanismes permettant d’accorder un délai de paiement. Il s’agit de procédés qui permettent la mobilisation des créances dont on est titulaires pour se procurer immédiatement leurs valeurs. Ces instruments sont représentés par la lettre de change (Chapitre 1) et le billet à ordre (Chapitre 2). Chapitre 1 : LA LETTRE DE CHANGE Al’origine, la lettre de change était un moyen de change, c’est-à-dire un instrument de transport d’argent dans le commerce international. Elle devient ensuite un instrument de paiement par lequel les débiteurs payaient leurs créanciers ; mais elle n’est pas une monnaie car elle n’est libératoire que si elle est effectivement payée. Actuellement, la lettre de change est devenue un instrument de crédit car le tireur peut l’escompter, c’est-à-dire la céder à un banquier sous déduction d’une commission et des intérêts. La lettre de change est un acte de commerce par la forme, contrairement au chèque et au billet à ordre, c’est-à-dire qu’elle est commerciale quelles que soient les personnes qui l’utilisent (commerçants ou non) et quel que soit l’objet de la créance pour laquelle elle a été émise (civile ou commerciale). La lettre de change, appelée également « traite », peut être définie comme étant un écrit par lequel le tireur (créancier) ordonne à un tiré (le débiteur) de payer une certaine somme à une personne tierce (le bénéficiaire), à une date déterminée, indiquée à l’avance (terme de la lettre de change). Le mécanisme de la lettre de change repose sur un rapport tripartite : Le tireur : c’est celui qui émet le titre, Le tiré : c’est le débiteur, c’est celui qui doit payer le titre à la date d’échéance, Le bénéficiaire : c’est celui à l’ordre duquel le paiement doit être fait. Toutefois, la lettre de change peut être à l’ordre du tireur lui-même. (Tireur et bénéficiaire sont la même personne). Elle peut être également tirée sur le tireur lui-même. (Tireur et tiré sont la même personne). Elle peut être tirée pour le compte d’un tiers. Il convient dès lors d’examiner les conditions de validité de la lettre de change (Section 1), l’endossement de la lettre de change (Section 2), les garanties cambiaires (Section 3) ainsi que le paiement de la lettre de change (Section 4) SECTION 1 : LES CONDITIONS DE VALIDITE DE LA LETTRE DE CHANGE L’émission de la lettre de change est soumise à des conditions très strictes de validité, et tout particulièrement à des conditions de forme qui sont prédominantes. Mais des conditions de fond sont aussi requises. A. Les conditions de forme : La lettre de change doit faire l’objet d’un écrit. Le législateur marocain réglemente soigneusement la rédaction de la lettre de change. Les droits du porteur sont garantis par le formalisme qui préside la création de la lettre de change. Ce formalismese caractérise par le respect d’un certain nombre de mentions obligatoires auxquelles des mentions facultatives peuvent être ajoutées. 1. Les mentions obligatoires : Suivant les dispositions de l’article 159 du code de commerce, la lettre de change doit contenir huit mentions obligatoires : La dénomination « lettre de change » insérée dans le texte même du titre et exprimée dans la langue employée pour la rédaction de ce titre. Le mandat pur et simple de payer une somme déterminée. C’est-à-dire que l’ordre de payer donné par le tireur au tiré ne doit être subordonné à aucune condition. Sauf pour la fixation d’une échéance. Le nom de celui qui doit payer, c’est-à-dire du tiré L’indication de l’échéance, c’est-à-dire de la date à laquelle la lettre devra être payée. Le lieu où le paiement doit s’effectuer. Les lettres de change peuvent comporter une clause de domiciliation indiquant un autre lieu que le domicile du tiré, il s’agit généralement d’un établissement bancaire. Le nom de celui auquel ou à l’ordre duquel le paiement doit être fait, c’est-à-dire le bénéficiaire. Il doit obligatoirement figuré sur le titre au moment de son émission, il peut être le tireur lui-même ou bien un tiers. L’indication de la date et du lieu de création de la lettre de change. La signature de celui qui émet la lettre c’est-à-dire le tireur. Toutefois, il appartient de signaler que l’article 160 du code de commerce, écarte la nullité découlant de l’absence de certaines mentions, en établissant des équivalences. Ainsi il est prévu que : ✓ La lettre de change dont l’échéance n’est pas indiqué est considéré comme payable à vues ; ✓ A défaut d’indiction spéciale, le lieu désigné à côté du nom du tiré est réputé être le lieu de paiement et, en même temps, le lieu du domicile du tiré ; ✓ Si le lieu n’est pas indiqué à côté du nom du tiré, le lieu de paiement est celui où le tiré exerce son activité ou celui où il est domicilié. ✓ La lettre de change n’indiquant pas le lieu de sa création est considérée comme souscrite dans le lieu désigné à côté du nom du tireur ; ✓ Si le lieu n’est pas indiqué à côté du nom du tireur, la lettre de change est considérée comme souscrite dans le lieu du domicile du tireur ; ✓ A défaut d’indication spéciale, la date de création de la lettre de change est considérée être celle de la remise au titre du bénéficiaire. 2. Les mentions facultatives : La lettre de change peut contenir certaines mentions à caractère facultatif destinées à déterminer les droits du porteur ou certaines de ses obligations, à condition qu’elles ne soient pas en contradiction avec la nature même de la lettre de change et ne constituent pas des conditions détruisant la valeur du titre. Il s’agit notamment de : La clause de domiciliation :Il y a domiciliation lorsque la lettre de change est payable dans un lieu autre que le domicile du tiré. Elle est effectuée auprès de la banque du tiré : indique le nom et l’adresse de l’établissement bancaire concerné ; le nom et prénom du tiré et le numéro de compte de celui-ci. Elle facilite le recouvrement et l’escompte des effets par les banques. La clause de retour sans frais ou sans protêt :Cette clause dispense le porteur de faire dresser protêt avant d’enclencher ses recours. Le protêt est un acte dressé par les agents du secrétariat-greffe du tribunal au domicile du tiré, destiné à constater formellement la présentation régulière d’un effet de commerce au paiement et le refus de paiement avant d’exercer les recours. Cette clause dispense à la fois du protêt faute d’acceptation et du protêt faute de paiement. Mais elle ne dispense pas le porteur de la présentation de la lettre de change dans les délais légaux. La clause de présentation à l’acceptation : Ces clauses sont de deux sortes : ✓ La clause contre acceptation : elle oblige le porteur à présenter la lettre à l’acceptation. Ainsi le tireur qui doute que le tiré paye à l’échéance, a intérêt à être fixé avant l’échéance et interroger le tiré par cette présentation à l’acceptation. ✓ La clause défense d’acceptation : C’est le contrarie de la clause « contre acceptation ». C’est la clause qui interdit au bénéficiaire ou porteur de présenter la lettre de change au tiré pour acceptation, avant l’échéance. La clause non à ordre :L’article 167 du code de commerce autorise le tireur à insérer dans le texte les mots « non à ordre » ou toute expression équivalente. La lettre est alors à personnedénommée. C’est un titre nominatif. Dans ce cas, la lettre de change n’est alors pas transmissible par voie d’endossement. La clause d’aval : L’aval, très fréquent dans la pratique, permet de garantir le paiement de la lettre de change pour tout ou partie de son montant à l’échéance. Le donneur d’aval est une caution solidaire qui doit indiquer pour qui elle s’engage. La clause d’aval est généralement exprimée par les mots « bon pour aval », mais toute formulation équivalente est valable. B. Les conditions de fond : Comme tout acte juridique, la lettre de change doit répondre aux conditions de fond de validité qui sont le consentement, l’objet, la capacité et la cause, à défaut, l’acte est frappé de nullité. Le consentement : Le tireur est obligé au paiement de l’effet, non parce qu’il l’a signé mais parce qu’il a voulu s’obliger. Le consentement du signataire doit répondre aux conditions générales requises par le droit commun des obligations : il doit être réel et exempt de vices. Les vices du consentement : Le consentement du tireur ne doit pas être vicié par une erreur, un dol ou une violence, sinon c’est la nullité de la lettre de change qui va en résulter. L’absence du consentement : L’absence de consentement, sanctionné par la nullité absolue, se rencontre pratiquement dans deux hypothèses : o La fausse signature : Il s’agit de la personne dont la signature a été imitée. Il n’est pas engagé personnellement étant donné que son consentement fait totalement défaut et peut opposer au porteur la nullité du titre. o Altération de la lettre de change : Il s’agit d’une modification apportée au texte de la lettre de de change postérieurement à son émission sans le consentement du tireur. L’article 227 du code de commerce a précisé qu’en cas d’altération du texte d’une lettre de change, les signataires postérieurs à cette altération sont tenus dans les termes du texte altéré les signataires antérieurs le sont dans les termes du texte originaire. L’objet : L’objet de la lettre de change est le paiement d’une somme déterminée : le montant global du titre. Si la somme est répétée sous la même forme avec des montants différents, la moindre somme prévaut (article 163 du Code de Commerce). La traite peut être productive d’intérêt mais uniquement lorsqu’il s’agit d’une lettre de change tiré à vue ou un certain délai de vue. La clause d’intérêt et le taux d’intérêt doivent être indiqués dans le titre (article 162 du même code). La capacité : La lettre de change est un acte de commerce par la forme, elle ne peut donc être donnée que par une personne ayant la capacité de faire des actes de commerce, mais il n’est pas nécessaire d’être commerçant. L’incapacité du mineur : Suivant les dispositions de l’article 164 du code de commerce, les lettres de change souscrites par des mineurs non négociants sont nulles à leur égard. Il en résulte qu’un mineur ne peut souscrire une lettre de change, même occasionnellement, puisqu’il ne lui est pas permis d’être commerçant. Toutefois, le tuteur peut signer une lettre de change pour le compte du mineur. Suivant les dispositions du même article (Art.164 duC.C. Al.2), si la lettre de change porte des signatures de personnes incapables de s’obliger par lettre de change, les obligations des autres signataires n’en sont pas moins valables. Il s’agit ici du principe « d’indépendance des signatures ». Le majeur incapable :Le code de commerce ne fait pas de distinction entre l’incapable commerçant ou non et dans ce cas la lettre de change est nulle à son égard quel que soit son statut. Les droits des différents signataires sont régis par les principes du droit commercial. La cause : La cause d’une lettre de change consiste soit dans une obligation antérieure du tireur, envers le bénéficiaire, que l’émission du titre a pour but d’éteindre, soit dans le désir du tireur de se procurer du crédit auprès de la banque par l’escompte. Le caractère illicite de la cause ou l’absence de cause entraîne la nullité du titre, ce qui pose le problème des vices de complaisance. Ce problème concerne le plus souvent la nullité pour cause illicite non du tireur, mais du tiré qui, par une complaisance coupable, s’engage à payer des effets qu’il n’a en réalité aucune intention de payer, pour la simple raison qu’il ne doit rien au tireur, la créance fondamentale de provision n’existe pas. Autrement dit, ce qui caractérise l’effet de complaisance, c’est l’intention de tromper les tiers et spécialement les banques, sur les véritables rapports des signataires. SECTION 2 : L’ENDOSSEMENT DE LA LETTRE DE CHANGE La lettre de change est transmissible par voie d’endossement. Il consiste en simple mention portée au dos du titre. L’auteur de l’endossement s’appelle endosseur, celui qui reçoit le titre s’appelle endossataire. Il existe plusieurs modes d’endossement de la lettre de change. A. L’endossement translatif : L’endossement translatif est l’opération par laquelle le bénéficiaire ou le porteur de la lettre de change (endosseur) en transmet la propriété et les droits qui y sont attachés, à un nouveau titulaire (endossataire). Ainsi, l’endossement translatif permettra à l’endosseur de payer à l’endossataire une créance qu’il lui doit (valeur fournie) ; ou bien il permettra de faire escompter la traite par un banquier. D’après les dispositions des articles 167 et suivant du Code de Commerce, l’endossement comporte nécessairement la signature de l’endosseur apposée sur la lettre de change ou sur une feuille qui y est attachée (allonge) pour le reste l’endosseur a le choix entre trois types de formules : Endossement nominatif : Il faut désigner nommément l’endossataire. « Veuillez payer à l’ordre de X.. ». La signature de l’endosseur est nécessaire car il s’agit d’un engagement cambiaire. L’endossement nominatif est normalement inscrit au dos du titre, mais la loi ne l’impose pas. Endossement en blanc : L’endossataire n’est pas désigné. Le porteur peut alors, selon sa volonté, apposer son nom comme endossataire, puis lorsqu’il le voudra, endosser l’effet à blanc, il peut ne rien inscrire sur le titre et le faire circuler par simple tradition, enfin, il peut inscrire le nom d’une autre personne à titre d’endossataire. Tous ces procédés assurent la transmission du titre, mais le porteur n’en garantit le paiement que s’il l’a endossé c’est-à-dire signé. Endossement au porteur : Insusceptible d’être émise au porteur, la lettre de change peut être endossée au porteur. L’endossement au porteur a la même valeur que l’endossement en blanc. IL ne peut être subordonné à aucune condition de quelque nature qu’elle soit. De même l’endossement qui ne peut être conditionnel ne peut être, non plus, partiel, parce que l’endossataire qui reçoit la lettre de change, titre invisible, doit être en mesure de réclamer le paiement de la totalité de la lettre de change. L’endossement partiel est nul (art 167 du code de commerce). Pour remplir sa fonction d’instrument de crédit, l’endossement doit conférer à l’endossataire une situation confortable et sécurisée. D’où les trois effets essentiels produits par l’endossement translatif : Le transfert de la propriété du titre avec tous les droits qui s’y attachent ; Obligation de garantie de l’endosseur ; Inopposabilité des exceptions. B. L’endossement par procuration : Est celui par lequel l’endosseur remet son titre à l’endossataire, généralement un banquier, afin qu’il recouvre pour son compte. C’est un mandat de recouvrement. Cet endossement obéit à un régime juridique dominé par les règles du mandat. Pour les conditions de forme, l’article 172 du code de commerce prévoit que l’endossement de procuration résulte des mentions « valeur en recouvrement », « pour encaissement », « par procuration » ou toute autre mention impliquant un simple mandat. Pour les conditions de fond, il suffit que l’endosseur ait la capacité et les pouvoirs nécessaires pour conclure un mandat. La capacité commerciale n’est pas requise puisque le souscripteur d’un endossement de procuration ne devient pas garant du paiement de l’effet et ne contracte donc pas d’obligation commerciale. C. L’endossement pignoratif ou de garantie : La lettre de change peut être utilisée par le porteur pour la garantie d’une créance. Ainsi lorsque la lettre de change est donnée en gage, l’endossement est appelé endossement pignoratif. Parfois une banque fait garantir de cette manière un crédit accordé à un client. Ainsi, l’endosseur est le constituant du gage (emprunteur), tandis que l’endossataire est le créancier gagiste (banquier prêteur). L’affectation en gage de la lettre de change résulte de la mention « valeur en garantie », « valeur en gage » ou toute autre mention impliquant un nantissement, incluse dans la formule d’endossement. Pour les conditions de fond de l’endossement pignoratif, elles sont les mêmes que celles requises pour l’endossement translatif. SECTION 3 : LES GARANTIES DE LA LETTRE DE CHANGE La circulation de la lettre de change est favorisée par différentes garanties cambiaires qui concourent à la préservation des droits des signataires de la lettre de change et assurent son paiement à l’échéance. Les rapports cambiaires nées de la lettre de change sont garantis. Le code de commerce prévoit à cet égard pour tous les effets de commerce, la provision, la solidarité, l’aval et l’acceptation. Cette dernière est propre à la lettre de change. A. La provision : La provision est une créance du tireur contre le tiré. C’est la créance de somme d’argent que détient le tireur sur le tiré et qui sert à payer le bénéficiaire de la lettre de change à l’échéance. L’article 166 du code de commerce précise qu’« il y a provision si, à l’échéance de la lettre de change, celui sur qui elle est fournie est redevable au tireur… ». La provision est issue d’un rapport d’obligation entre tireur et tiré et affecté au paiement de la lettre de change. La provision doit présenter certains caractères essentiels : Elle doit exister, non pas nécessairement le jour du tirage de la traite, mais le jour de son échéance. Le jour d’échéance, elle doit être certaine, liquide et exigible. L’existence de la provision doit ainsi s’apprécier à l’échéance. L’article 166 du code de commerce dispose que « La propriété de la provision est transmise au porteur successif de la lettre de change ». Il ressort de ces dispositions, que le porteur a un droit de propriété sur la provision à condition que la lettre de change soit valable sur le plan formel et que la provision ait été constituée régulièrement par le tireur et qu’elle existe entre les mains du tiré. La propriété de la provision signifie que le porteur a un droit éventuel sur la provision avant l’échéance, à l’échéance ce droit devient certain. B. L’acceptation : L’acceptation est une garantie cambiaire propre à la lettre de change, n’existe pas dans le billet à ordre ni dans le chèque. L’acceptation est l’engagement pris en forme cambiaire, par le tiré, de payer la lettre de change à l’échéance. Jusque-là, le tiré n’était obligé de payer la lettre que s’il y avait provision. A partir de l’acceptation, il se reconnait débiteur et s’engage sur le plan cambiaire à payer la traite entre les mains de tout porteur. Dans la lettre de change, la mention acceptation est importante puisqu’elle confère au titre une garantie de paiement, et permet l’escompte de la traite dans de bonnes conditions. Elle est exprimée par le mot « accepté » ou tout autre mot équivalent et elle doit être signée par le tiré. L’article 176 du code de commerce dispose que « la simple signature du tiré apposée au recto de la lettre de change vaut acceptation ». Néanmoins, l’acceptation de la lettre de change peut, dans certains cas, être obligatoire comme elle peut être interdite. Les cas de présentation à l’acceptation est obligatoire : Conformément aux dispositions de l’article 174 du code de commerce, les traites à un certain délai de vue doivent être présentées à l’acceptation dans le délai d’un an à partir de leur date. Ce délai peut être abrégé par le tireur ou les endosseurs. Le tireur peut stipuler que la lettre devra être présentée à l’acceptation, avec ou sans fixation de délai. Un endosseur peut également apposer la clause de présentation obligatoire de l’acceptation, à moins que la traite n’ait été déclarée non acceptable par le tireur. Les cas de présentation à l’acceptation est interdite : L’article 174 du même code permet au tireur d’interdire la présentation à l’acceptation : c’est la clause dite non acceptable qui peut être opposée, par exemple, lorsque le tireur veut éviter les frais d’une présentation à l’acceptation et éventuellement d’un protêt faute d’acceptation ou encore lorsque le tiré a demandé au tireur de ne pas lui imposer l’acceptation. A contrario, la clause de non acceptation ne peut pas être apposée : sur une lettre de change domiciliée, sur une lettre de change payable à un certain délai de vue, par les endosseurs. C. La solidarité cambiaire : L’article 201 du Code de commerce dispose que : « tous ceux qui ont tiré, accepté, endossé ou avalisé une lettre de change sont tenus solidairement envers le porteur ». Autrement dit, le dernier porteur est directement créancier des différents signataires de la traite et peut, à défaut de paiement par le tiré, exercer ses recours contre eux individuellement ou collectivement, sans être tenu de respecter l’ordre dans lequel ils se sont obligés. L’action intentée contre un des obligés n’empêche pas d’agir contre les autres. Ce mécanisme est indispensable pour assurer la circulation des effets de commerce et leur permettre de jouer pleinement leur rôle économique. D. L’aval : Il s’agit d’une garantie particulière en matière de la lettre de change. L’aval est l’engagement cambiaire souscrit par un tiers ou un précédent signataire de la lettre de change en vue de garantir l’exécution de l’obligation contractée par un débiteur de la lettre de change. L’aval est un cautionnement solidaire d’un signataire de la lettre de change par lequel le donneur d’aval « avaliseur » s’engage sur le plan cambiaire à payer la lettre de change à la place de ce signataire « avalisé ». Cette obligation cambiaire doit émaner d’une personne dotée de la capacité et des pouvoirs nécessaires pour s’engager juridiquement. Ainsi l’aval donné par un mineur est nul. L’aval peut garantir l’engagement de l’un quelconque des obligés à la dette cambiaire, y compris un avaliseur antérieur. L’avaliseur indique généralement le nom du signataire cambiaire qu’i veut garantir. Le code de commerce exige que « l’aval doit indiquer pour le compte de qui il est donné. A défaut de cette indication, il est réputé donné par le tireur ». La forme de l’aval consiste en une signature du donneur d’aval au recto du titre précédé de mention « bon pour aval » ou toute mention équivalente. La mention d’aval peut être inscrite aussi sur l’allonge. L’avaliseur doit être suffisamment identifié. A cet effet, il est indispensable que la signature de l'avaliseur soit accompagnée de l’indication claire de son nom et de son adresse. SECTION 4 : LE PAIEMENT DE LA LETTRE DE CHANGE Le porteur doit présenter, à l’échéance, la lettre de change au paiement. Le tiré doit payer dès que l’effet lui est présenté. En cas de défaut de paiement, des actions sont ouvertes au porteur. A. La présentation de la lettre de change au paiement : Le porteur doit réclamer le paiement à l’échéance en présentant la lettre de change au paiement. Cette présentation obéit à certaines règles spécifiques. Le porteur d’une lettre de change est obligé de se présenter au paiement à l’échéance (article 184). L’article 181 du Code de commerce désigne quatre modes d’échéances. La lettre de change peut être : Payable à vue : dès sa présentation au tiré (1 an à partir de l’émission) ; Payable à un certain délai de vue : à l’expiration d’un certain délai à partir du jour de la présentation pour acceptation ; Payable à certain délai de date : à l’expiration d’un certain délai à partir de son émission Payable à jour fixe. Suivant les dispositions de l’article231 du code de commerce, aucun jour de grâce ni légal, ni judiciaire n’est admis pour le paiement de la lettre de change, sauf dans les deux cas suivants : Un recours est ouvert contre les garants avant l’échéance ; La présentation de la lettre de change au paiement ou la confection d’un protêt est empêchée par la force majeure, les délais prescrits sont prolongés. L’article 186 du Code de commerce prévoit que « le porteur d’une lettre de change ne peut être contraint d’en recevoir le paiement avant l’échéance ». L’objectif poursuivi par cet article est d’empêcher qu’en cas de perte ou de vol les droits du véritable propriétaire ne soient sacrifiés faute par lui de n’avoir pas pu pratiquer une opposition en temps utile. La présentation de la lettre de change est effectuée au lieu indiqué sur le titre, à défaut au domicile du tiré. Si la lettre contient une clause de domiciliation, la présentation doit être effectuée chez le domiciliataire. La lettre de change peut être présentée au paiement soit par un porteur légitime, soit par un mandataire. Il convient de soulever quant à l’opposition au paiement, que d’après les dispositions de l’article 189 du code de commerce, l’opposition au paiement d’une lettre de change n’est admise qu’en cas : ✓ De perte ou de vol de la lettre de change ; ✓ De redressement ou de liquidation judiciaire du porteur. B. Le défaut de paiement de la lettre de change et recours : Le porteur impayé doit, s’il veut conserver ses droits, faire dresser un protêt faute paiement. On appelle protêt un acte authentique dressé par un auxiliaire de justice habilité, pour constater le refus du tiré d’accepter une lettre de change ou d’en effectuer le paiement. Le protêt faute de paiement doit être établi dans le délai fixé pour la présentation au paiement, s’il s’agit d’une lettre de change à vue. Pour la lettre de change à jour fixe ou à un certain délai de vue ou de date, le protêt doit être fait dans les cinq jours qui suivent la date d’échéance. Relativement au recours pour faute de paiement : Tous ceux qui ont tiré, accepté, endossé ou avalisé une lettre de change sont tenus solidairement envers le porteur, cela veut dire qu’il a le droit d’agir contre toutes ces personnes, individuellement ou collectivement. Le recours est exercé par le porteur soit à l’échéance, si le paiement n’a pas eu lieu, soit avant l’échéance dans les trois cas suivants : refus d’acceptation, cessation des paiements du tiré, cessation des paiements du tireur d’une lettre de change non acceptable. Le porteur doit exercer ses recours après avoir présenté la lettre de change au paiement à la date d’échéance et après avoir dressé un protêt. A défaut, le porteur est qualifié de négligeant, et il sera déchu de tous ses droits, à l’exception de ceux qu’il a contre l’accepteur et le tireur qui ne justifie pas avoir fait provision à l’échéance. L’article 206 du code de commerce dispose à cet égard que : « Après expiration des délais fixés : ✓ pour la présentation d’une lettre de change à vue ou à un certain délai à vue ; ✓ pour la confection du protêt faute d’acceptation ou faute de paiement ; ✓ pour la présentation au paiement en cas de clause de retour sans frais, le porteur est déchu de ses droits contre les endosseurs, contre le tireur et contre les autres obligés à l’exception de l’accepteur. Toutefois, la déchéance n’a lieu à l’égard du tireur que s’il justifie qu’il a fait provision à l’échéance. Le porteur, en ce cas, ne conserve d’action que contre celui sur qui la lettre de change était tirée… ». Il y a lieu de signaler aussi, qu’en plus de la confection du protêt, le porteur est tenu de donner avis du défaut d’acceptation ou de paiement à son endosseur dans les six jours ouvrables qui suivent celui du protêt. Chaque endosseur doit lui-même dans les trois jours ouvrables qui suivent le jour où il a reçu l’avis, faire connaître à son endosseur l’avis qu’il a reçu en indiquant les avis précédents et ainsi de suite, en remontant jusqu’au tireur. Les avaliseurs sont avisés en même temps que ceux dont ils ont garanti la signature. Enfin, quant à la prescription des recours, toutes les actions résultant de la lettre de change contre l’accepteur se prescrivent pas trois ans, à compter de la date d’échéance. Les actions contre les endosseurs et contre le tireur se prescrivent par un an à compter du protêt, ou à partir de la date d’échéance si la lettre de change prévoit une clause de retour sans frais. Les actions des endosseurs les uns contre les autres et contre le tireur se prescrivent par 6 mois à partir du jour où l’endosseur a remboursé la lettre de change ou du jour où lui-même a été poursuivi en paiement.