Droit de la sécurité sociale PDF
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This document explores the historical development of the Belgian social security system, focusing on the impact of the Industrial Revolution. It examines the rise of social risks like accidents, unemployment, and poverty, and how those initially generated opposition to intervention from governing bodies.
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Droit de la sécurité sociale PARTIE I – INTRODUCTION GENERALE AU DROIT DE LA SECURITE SOCIALE Chapitre I – La formation du système belge de sécurité sociale On ne peut pas comprendre le droit de la sécurité sociale si on ne prend pas le temps d’étudier son histoire: ➔ l’histoire permet de mieux comp...
Droit de la sécurité sociale PARTIE I – INTRODUCTION GENERALE AU DROIT DE LA SECURITE SOCIALE Chapitre I – La formation du système belge de sécurité sociale On ne peut pas comprendre le droit de la sécurité sociale si on ne prend pas le temps d’étudier son histoire: ➔ l’histoire permet de mieux comprendre la raison d’être et la configuration de notre système actuel. La sécurité sociale est le fruit d’un combat social et politique : elle est la réponse de notre société au paupérisme. Section 1 – De la révolution industrielle (à la fin du 18ème siècle) à la fin du 19ème siècle : le paupérisme et le dogme de la non-intervention de l’Etat = l’avant-sécurité sociale Fin du 18ème siècle: révolution industrielle : C’est le moment où la sécurité sociale prend du sens - pcq à ces moments-là il y a des risques sociaux qu’on ne connaissait pas avant la révolutions industrielle ❖ les nouvelles structures socio-économiques sont génératrices d’une très grande insécurité d’existence → on voit apparaître deux risques nouveaux: les accidents du travail dans le contexte du machinisme, le nombre et la gravité des accidents du travail connaissent une véritable explosion le chômage dès qu’il y a un excédent de main-d’œuvre par rapport aux besoins de la production, les ouvriers surnuméraires sont privés de travail (et donc de revenus) du jour au lendemain →les travailleurs n’est plus utiles quand les besoins de production n’en a pas besoin la maladie, la vieillesse et la charge d’enfants la révolution industrielle a pour effet de donner une portée nouvelle à ces trois types d’événements - cela empêche aussi et surtout de donner sa force de travail en location et donc de se procurer des moyens de subsistance pour soi et sa famille. ➔ Ces populations sont dans l’impossibilité de fourner du travail Ces 5 risques sont les principaux risques qui sont couverts aujourd’hui par notre système de sécurité sociale → Elles constituent la sécurité sociale 1 A l’époque, les pouvoirs publics persistent obstinément à ne pas intervenir (choix de ne rien faire et donc de ne pas financer ces risques sociaux), en raison: d’un blocage politique: le droit de vote étant réservé aux hommes les plus riches - n’ont pas d’intérêt de mettre en place ce genre de système), - la population ouvrière était complètement exclue de la représentation politique (ceux qui occupaient le pouvoir trouvaient largement leur compte dans le système en place) d’un blocage intellectuel, philosophique si, pour les libéraux, faire la charité aux plus démunis était un devoir moral de première importance, il était impensable de transformer la charité en une obligation juridique - il était absolument inconcevable de faire de la bienfaisance un droitcréance, càd une prestation juridiquement exigible par son destinataire. ➔ Idée : chacun est responsable de sa propre situation, celui qui est susceptible d’être dans les risques sociaux, il n’a qu’à prévoir mais illusoire car ce sont plutôt les pauvres qui sont dans ces situations et n’ont pas de possibilité de prévoir →mais c’était la mentalité d’avant) ➔ Les libéraux ne voyaient pas comment faire pour contrer le paupérisme sans perdre les acquis de la Révolution, en particulier le droit à la propriété privée. ➔ Il était par ailleurs considéré qu’il était du devoir de chacun d’anticiper les coups du sort par la prévoyance, de sorte que l’imprévoyant ne devait s’en prendre qu’à lui-même (responsabilité individuelle). Pour se protéger contre l’insécurité d’existence, il n’existe à l’époque que 2 possibilités: le recours à la charité publique ou privée laquelle est humiliante et aléatoire - la charité ne confère aucun droit à ses destinataires: elle dépend exclusivement de la bonne volonté du généreux donateur la prévoyance individuelle = l’épargne de facto impossible pour l’immense majorité des travailleurs, les salaires étant d’un niveau extrêmement bas (les ouvriers gagnent à peine de quoi survivre). ➔ difficile à mettre en place lorsque le salaire est très bas ➔ en pratique, la population laborieuse ne disposait d’aucune solution pour sortir du paupérisme; le travailleur vivait au jour le jour, avec la hantise permanente de perdre sa capacité productive Section 2 – De 1886 à la seconde guerre mondiale : de la liberté « subsidiée » aux assurances sociales obligatoires = les prémices du système belge de sécurité sociale (mise en place du premièr système) Sur le plan politique, l’événement majeur qui a ouvert la voie à l’interventionnisme public, ce sont les grèves insurrectionnelles de 1886; dans la foulée - un discours prononcé par le Roi Léopold II marque le coup d’envoi de l’interventionnisme public (les grands grèves permettent à l’état de prendre conscience des risques sociaux : « La situation des classes laborieuses est hautement digne d’intérêt et ce sera le devoir de la législature de chercher à l’améliorer. (…) Peut-être a-t-on trop compté sur le seul effet des principes, par ailleurs si féconds, de liberté. Il est juste que la loi entoure d’une protection plus spéciale les faibles et les malheureux. » la question sociale est vue comme un problème appelant des pouvoirs publics une réponse 2 - dès l’année suivante, le Parlement va adopter les toutes premières lois sociales ❖ Peu de temps après 1886, on abandonne le suffrage censitaire pour le suffrage universel plural → le POB (parti ouvrier belge) fait son entrée au Parlement ❖ En 1919, on passe au suffrage universel masculin pur et simple Parallèlement, les conditions intellectuelles se mettent elles aussi en place pour que l’Etat abandonne sa position de surplomb: - un changement survient sur le plan des idées (déblocage et déclic philosophique →état d’esprit va changer ) ❖ L’aggravation du paupérisme tout au long du 19ème siècle a généré une progressive prise de conscience qui a joué le rôle de déclencheur. L’idée émerge que, face à des phénomènes comme la perte d’emploi ou l’accident du travail → l’individu pris isolément ne peut strictement rien donc ce n’est pas de sa faute (ni un manque coupable de prévoyance) L’idée alternative va peu à peu s’imposer : tous ces phénomènes sont des risques produits par le système économique lui-même. o Puisque la responsabilité des risques est sociétale, collective, on va mettre sur pied des dispositifs d’indemnisation de nature collective ➔ c’est parce qu’on est passé de l’idée d’une responsabilité individuelle à l’idée d’une responsabilité collective que, en aval, les dispositifs juridiques ont fini par changer. 2 phases dans le déploiement de l’interventionnisme public de la fin du 19ème siècle jusqu’à la seconde guerre mondiale 1. La politique dite de liberté subsidiée (=liberté de s’affilié à des caisses de secours) 2. Vers les assurances sociales obligatoires Depuis le milieu du 19ème siècle, le mouvement ouvrier a créé des caisses de secours mutuel (initiative purement privée), visant à organiser une forme de solidarité minimale entre les travailleurs, qui versaient dans un « pot commun » une cotisation prélevée sur leur salaire, ce qui leur permettait de percevoir une petite allocation en cas de survenance d’un risque social (trois domaines sont à l’époque visés: maladie-invalidité, vieillesse, chômage) - La liberté existe en théorie mais en pratique peu d’ouvrier peut se permettre à s’affilier car n’ont pas suffisamment d’argent pour contribuer ➢ seuls les ouvriers qui pouvaient se permettre de payer une cotisation étaient protégés A partir du début du 20ème siècle, émerge progressivement une nouvelle revendication du mouvement ouvrier : rendre l’affiliation obligatoire - Le tout premier domaine dans lequel la couverture a été rendue obligatoire = les accidents du travail (loi du 24 décembre 1903 sur la réparation des dommages résultant des accidents du travail) ➔ C’est la première assurance sur les accidents du travail : ➔ Pour la toute première fois, on écartait l’application du droit commun de la responsabilité civile : le travailleur victime d’un accident au travail ne doit plus prouver une faute pour obtenir réparation; le seul fait de la réalisation du risque (la survenance de l’accident) donne droit à un dédommagement A partir de la fin du 19ème siècle, l’Etat a commencé à soutenir financièrement les sociétés de secours mutuel: de l’argent public est venu s’ajouter à l’épargne des travailleurs - l’adhésion reste libre : le bénéfice de la protection sociale reste conditionné à une affiliation préalable, raison pour laquelle le nombre de travailleurs prévoyants a continué à rester assez faible par rapport à l’ensemble de la population salariée. (à l’époque, aucune obligation de s’affilier) →aujourd’hui c’est obligatoire Au cours de l’entre-deux guerre, sous l’influence des idées du chancelier allemand Bismarck, l’affiliation obligatoire est étendue à 2 branches importantes : - aux pensions de retraite (1924-1925) - aux allocations familiales (1930 pour les salariés, 1937 pour les indépendants ❖ = première et seule forme de protection sociale dont ont bénéficié les indépendants pendant très longtemps. ➔ Ces 3 premières branches font objet de l’assurance sociale 3 En revanche, au moment où la seconde guerre éclate, en 1940, aucune solution n’a encore été trouvée pour les deux branches qui restent, à savoir le chômage et la maladie-invalidité - on est encore dans un système d’affiliation libre subventionnée. Bilan de (ce qui allait devenir) la sécurité sociale en Belgique à la veille de la deuxième guerre mondiale: système d’indemnisation automatique en matière d’accidents du travail système d’assurances sociales obligatoires en matière de vieillesse et de charges familiales système d’assurance libre subsidiée en matière de chômage et de maladie- invalidité. Le processus de construction de la sécurité sociale est encore loin d’être achevé, mais il est déjà bien avancé. Les bases de la future sécurité sociale sont déjà là. Section 3 – L’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs = (re)fondation du système belge de sécurité sociale (deuxième grand déclic pendant la WW2) Durant la guerre, des représentants des travailleurs et des employeurs se réunissent pour discuter de la réorganisation des structures socio-économiques en vue de sortir de la logique d’affrontement permanent entre le capital et le travail. - Ils élaborent ensemble un document dénommé « Projet d’accord pour la solidarité sociale », aussi connu sous le nom de « Pacte social ». ➢ va donner lieu à ce qu’on connait auj. car est tjrs en vigueur de nos jours ❖ Aux termes de ce pacte, le patronat accepte de partager les fruits de la croissance, tandis que le mouvement ouvrier renonce à la menace d’une appropriation collective des moyens de production. ➔ Maintien de la propriété privée contre redistribution des richesses. ➔ Le pacte social contient toute une série de points relatifs aux assurances sociales. C’est dans ce contexte que le Gouvernement adopte l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs. = acte fondateur de notre système de sécurité sociale actuel (le texte existe toujours aujourd’hui, même s’il n’en reste plus grand-chose) - Le rapport au Régent précédant l’arrêté-loi explicite les intentions du Gouvernement : « Dans le mouvement général qui porte les nations démocratiques à répartir plus justement les fruits du travail commun, la Belgique tient à garder une place de premier rang. Le mot d’ordre de cette époque est de développer la sécurité sociale, de soustraire aussi complètement que possible aux craintes de la misère les hommes et les femmes laborieux. » ➔ L’intention des autorités est d’affranchir la classe laborieuse de la misère en instituant un système de sécurité sociale (idée de protéger tt le monde par ce système) - L’arrêté-loi a introduit le terme « sécurité sociale », qui, jusqu’alors, était, comme tel, inconnu de notre ordre juridique. 4 = expression empruntée à Lord William BEVERIDGE, qui est considéré comme le père du système de sécurité sociale britannique - c’est lui qui a conceptualisé l’idée de « social security » dans un célèbre rapport publié pendant la guerre, en 1942). Pour l’essentiel, le Gouvernement a en fait rassemblé dans une seule loi-cadre les différentes assurances sociales éparses (nées d’initiatives privées) qui existaient déjà avant la guerre. - Le cœur du système de sécurité sociale consiste toujours en un ensemble d’assurances sociales (assurances sociales qui sont maintenant toutes obligatoires). Sur le plan juridique, 2 grandes avancées sont à mettre sur le compte de l’arrêté-loi de 1944: 1) Généralisation du principe de l’affiliation obligatoire Il restait 2 assurances sociales dans lesquelles la couverture n’était pas encore obligatoire: - Chômage - l’assurance maladie-invalidité. 2) Création de l’Office national de sécurité sociale (O.N.S.S.) La seconde innovation importante → la création de l’ONSS. ➢ Sauf pour les accidents du travail, l’ONSS a pour tâche de centraliser les cotisations des travailleurs et des employeurs et de les répartir entre les différentes branches du système de sécurité sociale. ➔ collecte des différents cotisations sociales pour les redistribuer L’arrêté-loi de 1944 a mis fin à ce caractère facultatif : depuis 1944, tous les travailleurs salariés sont protégés contre le chômage et contre la maladie-invalidité. - l’objectif de la politique sociale n’est plus de développer chez l’ouvrier l’esprit de prévoyance dans l’espoir qu’il parvienne à se libérer de la pauvreté; → mais est de sécuriser l’existence des travailleurs et de leur famille. Symboliquement, juridiquement, on est passé de l’Etat libéral à l’Etat-providence. Dans l’esprit du Gouvernement, l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 était provisoire : - il s’agissait d’une législation de transition, destinée à parer au plus pressé, en attendant l’établissement d’un régime définitif. - Le Gouvernement tablait sur le fait que le Parlement allait s’emparer de la question afin de donner au système sa configuration définitive. Ce caractère provisoire a eu une conséquence importante sur la délimitation du champ d’application de la sécurité sociale : - le système de sécurité sociale instauré en 1944 est resté limité aux seuls travailleurs salariés (à l’exclus des indépendants et des fonctionnaires statutaires) ➢ c’est le contrat de travail qui enclenche la protection. Pourtant, l’intention du Gouvernement, en 1944, était d’étendre la sécurité sociale dès que possible à l’ensemble de la population, en particulier aux indépendants (cf. le rapport au Régent précédant l’arrêté-loi: « La sécurité sociale doit être garantie à tous »). ➔ mais ce texte de 1944 n’a pas vrmt abordé la question des indépendants (clip voc 35 min) Les législations de sécurité sociale propres aux agents des services publics ont quant à elles été maintenues en l’état, en dehors du nouveau système. →développement de 3 systèmes de sécurité sociale parallèles 5 En 1944 (et encore aujourd’hui), 3 régimes de sécurité sociale coexistent : 1) le régime des agents des services publics (le plus 2) le régime des salariés (le plus important); ancien); 3) le « régime » des indépendants qui ne tient en compte que les allocations familiales à l’époque et le montant était bcp + faible que pour les salariés). Section 4 – De 1944 à 1974 : les Trente Glorieuses, âge d’or de la sécurité sociale = expansion de la sécurité sociale (trente glorieuse → argent suffisant et donc la sécurité sociale se porte bien) La période 1944-1974 a été une période de grande prospérité économique et de progrès social. → La croissance économique qui a marqué les 30 années qui ont suivi la guerre a permis de financer l’amélioration et l’expansion de l’Etat-providence. L’échec des tentatives de réforme globale Le provisoire est devenu définitif. Les plans de réforme qui ont été élaborés pour revoir le système de 1944 n’ont pas abouti : → bcp de projets ponctuels qui portaient sur une branche ou une problématique ont échoué ; → 2 tentatives majeures de repenser la cohérence de l’ensemble du système de sécurité sociale ont échoué également. (tentative de parfaire et d’harmoniser le système… : 1) Première tentative (1949) La première tentative a eu lieu dans l’immédiat après-guerre. En 1949, le Gouvernement nomme 2 Commissaires d’Etat à la sécurité sociale (2 hauts fonctionnaires, - l’un socialiste francophone - et l’autre social-chrétien flamand) ➔ qui reçoivent pour mission de concevoir le système de sécurité sociale définitif. Mais ils ne parviennent pas à s’accorder : en 1950, ils remettent au Gouvernement un Rapport sur la réforme de la sécurité sociale composé de parties distinctes, signées tantôt par l’un, tantôt par l’autre. 2) Deuxième tentative (1980) Novelle tentative avec la commission royale 3 décennies plus tard, dans les années 1980, le Gouvernement a à nouveau voulu procéder à une refonte globale de la législation relative à la sécurité sociale. - Pour cela, il a institué une commission royale (présidée par ❖ deux professeurs d’université ❖ et composée de parlementaires et de représentants des interlocuteurs sociaux). Cette commission a été chargée de préparer « la codification, l’harmonisation et la simplification » de la sécurité sociale. Après 5 ans de travaux (menés par le président et le vice-président de la commission), - un avant-projet de Code de la sécurité sociale a été présenté au Gouvernement. ➔ Cet avant-projet de code est toutefois resté sans suite 6 mais il a quand même inspiré plusieurs initiatives législatives ultérieures). Faute d’harmonisation, chaque branche de la sécurité sociale a continué à évoluer sans véritable vision d’ensemble. ➔ C’est la raison pour laquelle notre système est peu cohérent. Les différents clivages Un clivage socio-économique : le conflit capital / travail → gestion partitaire En sécurité sociale, ce qui a bcp contribué à apaiser les tensions entre le patronat et les travailleurs - c’est la généralisation, après la WW2, du paritarisme. Un clivage philosophique : le conflit catholiques / laïcs → pluralisme institutionnel Le 2ème clivage majeur qui a structuré la vie politique belge : clivage entre le monde catholique et le monde laïc. (idée fondamentalement différent) Les premières personnes qui financent la sécurité sociale : - Les travailleurs et les employeurs financent ensemble la sécurité sociale, avec les cotisations qu’ils versent. ❖ Puisque les interlocuteurs sociaux sont les principaux financeurs du système, ils en sont aussi les principaux gestionnaires. → L’ONSS et les différents établissements publics qui chapeautent chacune des branches du système de sécurité sociale sont administrées par un comité de gestion qui est à chaque fois composé à parité de représentants des travailleurs et de représentants des employeurs. Après la guerre, les mésententes entre socialistes et catholiques sur l’organisation du système ont repris de plus belle, - à tel point qu’en sécurité sociale, le clivage confessionnel a joué un rôle plus déterminant que le clivage socio-économique. Dans chacune des branches de la sécurité sociale, on a retrouvé une même différence de sensibilité entre les 2 camps: - Les socialistes défendaient l’idée de 1) prestations sociales universelles, càd qui couvrent toute la population, et pas uniquement les travailleurs salariés ; 2) ils plaidaient aussi pour que la sécurité sociale soit 2) financée par l’impôt, plutôt que par des cotisations prélevées sur le salaire; 3) ils voulaient également que les différentes prestations sociales soient fournies par 3) un service public centralisé, sans plus passer par une myriade d’organismes intermédiaires. → revendication d’une couverture universelle, financée par l’impôt et gérée par un service public unique - Les démocrates-chrétiens défendaient l’inverse : 1) ils ont plaidé pour que les prestations sociales restent associées à l’exercice d’un travail (assurances sociales fondées sur le travail→ les travailleurs qui enclenchent les assurances); 2) ils voulaient le maintien de prestations co-financées par les travailleurs et les employeurs (maintien du financement par cotisations sociales); 3) au niveau de la structure administrative, ils défendaient le maintien des organismes intermédiaires (=la plupart des organismes privés→plutôt d’avoir un organisme mais avoir plusieurs organismes intermédiaires). → revendication d’une couverture associée à un travail, financée par les cotisations des travailleurs et des employeurs et gérée par des organismes intermédiaires Le premier clivage a ainsi laissé une trace très nette dans la structure administrative de la sécurité sociale. 7 La solution a été le compromis, branche par branche. Dans ces compromis successifs, c’est à chaque fois plutôt le point de vue des démocrates-chrétiens qui l’a emporté: - on a plutôt conservé le modèle des assurances sociales, co-financées par les employeurs et les travailleurs; - au niveau de l’architecture administrative, on a garanti, sauf dans le secteur des pensions, le « pluralisme institutionnel »: on a maintenu les organismes privés créés à l’origine par les travailleurs (caisses de chômage syndicales et mutuelles) ou par les employeurs (caisses d’allocations familiales). Ces organismes versent prestations aux ayants droit ; ils servent d’intermédiaire entre les ayants droit et les établissements publics qui chapeautent chaque branche. En compensation, les socialistes ont obtenu, dans chaque branche, l’instauration d’une caisse publique dite auxiliaire (ex: la CAPAC en matière de chômage). Un clivage linguistique : le conflit communautaire La revendication flamande d’une défédéralisation de tout ou partie de la sécurité sociale est de plus en plus pressante. ➔ Cf. la défédéralisation des allocations familiales Aperçu de l’évolution générale dans chacun des régimes : a) Le régime de sécurité sociale des travailleurs salariés Double mouvement d’expansion des protections sociales: 1) élargissements du champ d’application personnel (qui est couvert?) → alors qu’à l’origine, les protections ne couvraient que les personnes engagées dans les liens d’un contrat de travail, • après WW2, le champ d’application personnel de la SS a été progressivement élargi à des catégories de personnes qui ne sont pas liées par un contrat de travail mais qui se trouvent dans un état de subordination socio-économique (assimilation de certains travailleurs à des salariés pour ce qui concerne la sécurité sociale) 2) améliorations de la couverture matérielle (comment est-on couvert ?) → le montant des allocations a régulièrement été ↑; la définition des risques couverts a régulièrement été élargie (ex: élargissement de l’indemnisation des accidents du travail aux accidents sur le chemin du travail) 1944-1974 = « âge d’or » de la sécurité sociale : expansion de l’Etat-providence b) Le régime de sécurité sociale des agents des services publics (pour mémoire) A côté du régime des salariés, le régime des agents des services publics a continué à se développer. Les fonctionnaires disposent en général de leurs propres protections - mais, pour certaines branches, ils sont rattachés à la SS des salariés. ➔ Cf. le cours de Droit social de la fonction publique c) Le régime de sécurité sociale des travailleurs indépendants Le régime de SS des travailleurs indépendants a commencé à vraiment se développer après la guerre. Alors qu’au moment de la WW2, ce régime comprenait uniquement les allocations familiales, d’autres couvertures sont apparues au fil du temps. Il existe encore d’importantes différences entre le régime des salariés et celui des indépendants (tout ce qui est couvert chez les salariés ne l’est pas chez les indépendants, et l’ampleur de la couverture est moindre chez les indépendants que chez les salariés), mais la tendance actuelle est clairement à un rapprochement des deux régimes. ➔ Cf. le cours de Droit approfondi de la sécurité sociale d) L’aide sociale (cf. quatrième partie du cours et cours de Droit approfondi de la sécurité sociale) A partir de la fin des N 60 et au début des N 70 , un 4ème régime, distinct, a vu le jour, 8 parce que l’on s’aperçoit que, malgré l’expansion de la SS, certaines personnes restent privées du bénéfice des assurances sociales (en général parce que ces personnes n’ont pas eu la possibilité de travailler suffisamment, et donc de cotiser suffisamment, pour avoir droit aux assurances sociales). Le législateur a créé successivement plusieurs revenus minimums, qui forment « l’aide sociale ». - Ces revenus minimums sont destinés aux individus sans ressources qui ne peuvent bénéficier d’aucune autre prestation sociale. - La principale caractéristique des prestations d’aide sociale, qui les distingue des assurances sociales : ces prestations sont non contributives : l’octroi de la prestation est déconnecté de l’exigence d’avoir préalablement cotisé → il ne faut pas avoir contribué pour bénéficier de l’aide sociale. En contrepartie, l’aide sociale n’est octroyée qu’en guise d’ultime recours : ce n’est que si l’on ne possède rien que l’on peut en bénéficier. - Consécration successive de 5 prestations : a. le revenu garanti aux personnes âgées (1969) → personnes âgées qui n’ont pas droit à une pension b. les allocations pour handicapés (1969) c. les prestations familiales garanties (1971) → enfants qui ne sont pas bénéficiaires des allocations familiales classique d. le droit à un minimum de moyens d’existence (« minimex ») (1974) → socle de ressources minimales pour les personnes qui sont complètement démunies et qui ne peuvent faire appel à aucune autre prestation sociale (= symbole par excellence de l’apogée de l’Etat-providence) Aujourd’hui, le revenu d’intégration sociale (R.I.S.) a remplacé le minimex (plus largement, depuis 2022, le droit à l’intégration sociale remplace le minimex). e. le droit à l’aide sociale (1976) → l'aide sociale au sens strict vise à permettre à toute personne de mener une vie conforme à la dignité humaine. Section 5 – Depuis 1975 : la crise de l’Etat-providence = fin de l’âge d’or : la sécurité sociale face à l’austérité permanente Depuis la fin des N 1970, notre droit de la SS est confronté à un environnement socio-économique radicalement différent de celui qui a prévalu pendant les trente années d’après-guerre: 1) changement économique : c’est la fin du plein emploi ; le chômage explose 2) changement démographique : la population vieillit; 9 → Le vieillissement de la population a pour effet ↑ le Or le plein emploi était d’une certaine manière la condition nombre d’inactifs, de possibilité de l’Etat-providence: càd le nombre de personnes qui ne - c’est grâce au plein emploi que l’on parvenait à cotisent pas mais qui ont besoin de la financer un Etat-providence généreux. sécurité sociale. → la crise de l’emploi perturbe gravement l’équilibre financier du système du fait de la réduction du nombre de personnes qui cotisent pour financer la sécurité sociale 3) changement idéologique les bases mêmes de notre système de sécurité sociale sont remises en cause dans le contexte de la diffusion des idées néolibérales - les libéraux souhaitent stopper la marche en avant de l’Etat-providence en redonnant plus de place à la responsabilité individuelle → rupture dans le consensus implicite qui unissait les différents acteurs politiques sur la légitimité de la sécurité sociale Depuis la fin des années 1970, notre système de sécurité sociale évolue dans un contexte d’austérité permanente. La principale manifestation juridique de ce contexte d’austérité tient à l’inflation législative : on a vu se multiplier les lois anti-crises, les lois de redressement, les lois-programmes, càd des lois « fourre-tout » qui contiennent d’innombrables petites modifications, qui sont venues s’ajouter les unes aux autres, année après année. ➔ Ce procédé a eu pour effet une dégradation de la qualité légistique, càd la lisibilité, des textes réglementaires. - Sur le fond, toutes ces modifications ont eu pour principal objectif : ↓ les dépenses. - Pour réduire les dépenses, différents types de mesures ont été mis en œuvre (ex: on a accru la différenciation du montant des allocations en fonction de la situation familiale des assurés sociaux, on a ↑ le montant du ticket modérateur en assurance maladie (part des soins qui n’est pas remboursée), …). → Le niveau des allocations a ↓ : aujourd’hui, notre système de sécurité sociale est moins performant qu’avant en termes de maintien du niveau de vie des bénéficiaires. Auparavant, les recettes suivaient les dépenses ; maintenant, les dépenses suivent les recettes. Malgré ce contexte d’austérité budgétaire, nous avons tout de même observé un certain nombre d’avancées : - amélioration de la SS des indépendants, même si ce régime est encore loin d’avoir rattrapé celui des salariés; - amélioration de la qualité du service fourni aux ayants droit (cf. la Charte de l’assuré social: obligation d’informations et de conseil, de langage compréhensible, …, à charge des institutions de sécurité sociale). De l’Etat-providence (passif ?) à l’Etat social actif La tendance est de demander aux ayants droits 10 - de fournir plus d’efforts, - d’accomplir plus de démarches, ➔ en contrepartie de la perception des allocations (« activation », « responsabilisation » des allocataires sociaux) Exemple: activation des chômeurs Chapitre II – La notion de sécurité sociale Section 1 – Définir la sécurité sociale ? Quand on met l’accent sur la finalité remplie par les systèmes de sécurité sociales, - on a tendance à définir la sécurité sociale comme l’ensemble des mesures prises par une collectivité publique pour garantir la sécurité d’existence des individus qui vivent sur son territoire. Le problème de cette définition : - est trop large : on est amené à regrouper sous l’étiquette « sécurité sociale » pratiquement toutes les politiques publiques de type socio-économique (politique du logement, enseignement, accès à l’emploi, …). → la définition basée sur le critère de la sécurité d’existence manque de précision sur le plan conceptuel; elle est trop large; o elle ne permet pas de définir ce qui fait le propre de la sécurité sociale. Aucune définition plus précise de la sécurité sociale ne fait l’unanimité. Proposition de définition pragmatique de la sécurité sociale en Belgique = système qui, au moyen d’une certaine redistribution financière, garantit à tout ou partie de la population trois types de revenus pour protéger contre les principaux aléas de l’existence (les risques sociaux) grâce à la perception des revenus: des revenus de remplacement = sont destinés à pallier la perte des revenus normalement tirés de l’exercice d’une activité professionnelle des revenus de complément = sont destinés à permettre de faire face aux charges qui affectent le niveau de vie →il s’ajoute au revenu qui est insuffisant au niveau de vie des revenus minimums résiduaires = sont destinés à procurer un minimum vital en cas d’impossibilité de disposer de ressources propres et d’accéder aux autres prestations de sécurité sociale 11 a) Les revenus de remplacement = Les revenus de remplacement visent à se substituer à la rémunération perdue. Les risques sociaux couverts sont: - le manque d’emploi (chômage); - l’incapacité de continuer à travailler : peut souvenir dans différentes situations Les prestations sociales correspondantes sont: - les allocations de chômage; - les indemnités d’accident du travail; - les pensions de retraite; - - les indemnités d’incapacité de travail, les indemnités de maladie professionnelle. - les indemnités de maternité; b) Les revenus de complément Ils n’ont pas pour objet de se substituer à la rémunération mais de compléter la rémunération, pour permettre de faire face aux charges qui altèrent le niveau de vie. Les risques sociaux couverts (situations qui n’entrainent pas une perte de revenus mais une augmentation des dépenses) sont : - l’éducation d’enfants; - les frais (para)médicaux. - les soins de santé (un des volets de l’assurance maladie-invalidité). →permet de faire face à des nouveaux frais Les prestations sociales correspondantes sont : - les allocations familiales ; → les revenus de remplacement et les revenus de complément comprend dans la sécurité sociale en sens stricte c’est dans les assurances sociales c) Les revenus minimums résiduaires Objectif: ≠ compléter une rémunération devenue insuffisante ≠ remplacer une rémunération perdue = garantir un niveau de revenu minimal à ceux qui n’ont rien. → Le risque social couvert est la pauvreté : l’absence de toutes ressources. Les prestations sociales correspondantes sont: - la garantie de revenus aux personnes âgées (GRAPA); - 12 les allocations aux personnes handicapées; - les prestations familiales garanties; - le revenu d’intégration sociale (exminimex); - le droit à l’aide sociale. ➔ Ici on est dans l’aide sociale (ex : lorsque vous êtes âgé mais que vous n’avez pas suffisamment de ressources soit par recoit juste une partie de la pensions) Récapitulation : dans le système social belge Il y a l’assurance sociale (revenu de remplacement et revenu de complément) pour pallier les risques sociaux mais si c’est insuffisant alors l’aide sociale Droit de la sécurité sociale = ensemble des normes juridiques qui organisent le système de sécurité sociale - Le droit de la sécurité sociale relève du droit public. (alors que droit du travail relève du droit privée) Les organismes de gestion de la sécurité sociale exercent une mission de service public ❖ Puisqu’ils servent l’intérêt général (non dans un intérêt privé), ces organismes de gestion de la sécurité sociale disposent de prérogatives de puissance publique (investit de pouvoir particulier aux institutions publiques →donc peuvent prendre des décisions qui ne relève pas de la juridique (sort de cet effet juridique). Ex : imaginons que mon mari et moi voulons créer une entreprise. Mon mari va mettre dans administratif pour pouvoir bénéficier de la sécurité sociale et moi je serais comme salarié afin aussi d’en bénéficier. Mais admettons que ONSS vient inspecter et n’est pas convaincu de notre situation et donc nous désassujettis à la sécurité sociale car nous ne relevons pas du système →ONSS n’a pas besoin de passer par la juridiction (tribunal du travail) pour nous désassujettir et c’est la même chose le cas contraire (càd lorsque nous ne faisons pas partie de ce régime alors qu’on a le droit) ➔ Objectif de ONSS c’est de penser pour l’intérêt général et non d’avoir plus assujetti au système de sécurité sociale ➔ Donc ce sont ces privilèges que ces instances publiques bénéficent (pas devoir passer par la justice quand il y a une incohérence) Sauf exception, tous les principes généraux du droit administratif sont pleinement applicables au droit de la sécurité sociale : (obligation de motivation matérielle (obligation d’expliquer pk ONS a pris la décision), principe de sécurité juridique, principe de légitime confiance, principe de minutie, principe audi alteram partem, …). L’instrument de référence en droit social international est la Convention n° 102 de l’OIT du 28 juin 1952 concernant la sécurité sociale (ratifiée par la Belgique) : - Cette convention énumère les différents types de prestations (9 risques couvert par la convention) que doivent comprendre les systèmes de sécurité sociale ): les soins de santé, les indemnités d’invalidité, les indemnités de maternité ; les prestations de vieillesse, les prestations de décès ; les indemnités en cas d’accident du travail ; les indemnités en cas de maladie professionnelle ; les allocations de chômage ; les allocations familiales. Le système belge de sécurité sociale prévoit toutes les prestations énumérées par l’OIT, en tout cas dans le régime des salariés (la branche AMI regroupe les soins de santé, les indemnités d’invalidité et les indemnités de maternité; la branche pensions comprend à la fois les prestations de vieillesse et les prestations de décès). →en revanche, l’énumération de l’OIT n’englobe pas l’aide sociale résiduaire (elle ne couvre pas le risque de pauvreté et d’exclusion sociale). 13 Donc la Belgique n’est pas obligé de mettre en place l’aide sociale mais l’a quand même fait et donc elle va au-delà de la convention Section 2 – Deux distinctions cardinales 1. Sécurité sociale vs assurances privées Tant dans les assurances privées qu’en sécurité sociale, on cherche à diluer le poids de certains risques sur l’ensemble d’un groupe (on mutualise les risques) (mettre tout le monde dans le même panier pour venir en aide ceux qui en ont besoin), MAIS… a) Une différence de finalité : Les assurances sociales diffèrent des assurances privées d’abord et avant tout par leur finalité : les assurances privées Poursuite d’un but de lucre institutions de sécurité sociale But d’organiser un système de redistribution et non pas de faire de l’argent b) Des différences techniques (= mode de fonctionnement) : Les assurances privées et la sécurité sociale présentent en outre des caractéristiques techniques très différentes. Ces différences techniques se manifestent aussi bien: Au niveau du financement : - au niveau du mode de financement de l’assurance; - au niveau des prestations offertes par l’assurance. les assurances privées institutions de sécurité sociale la prime à verser dépend du « profil de risque » du bénéficiaire: - le montant de la prime est déterminé en fonction de la probabilité qu’a le bénéficiaire d’être confronté au risque couvert financée par les impôts et par les cotisations prélevées sur les revenus: Ex : une personne âgée qui a des problèmes de santé paie bcp plus d’assurance de soin de santé qu’une jeune personne qui fait du sport et mange sainement → risque individuel 14 - le montant de la contribution qui est exigée de chacun est dissocié de la probabilité plus ou moins forte que l’on a d’être confronté au risque; - le montant qui est demandé à chacun est fonction de sa capacité contributive on participe au financement de la sécurité sociale en fonction de son niveau de revenu) → capacité contributive Au niveau du calcul des prestations: les interventions sont étroitement liées au montant des primes qui ont été versées: - la somme que l’on perçoit en cas de réalisation du risque est directement fonction des primes dont on s’est acquitté; (+ vous recevez de revenu + vous payez de cotisation) les prestations sont plutôt fonction du besoin tel que celui-ci est défini dans les différentes branches du système. → en sécurité sociale, on reçoit, non pas en fonction de ce que l’on a donné, mais en fonction de ce que la société estime nécessaire pour garantir un niveau de vie décent. → Mot d’ordre de la sécurité sociale : « de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins » (logique redistributive) C’est dans le champ de l’aide sociale que la déconnexion entre contributions personnelles et niveau des prestations est poussée le plus loin: - en aide sociale résiduaire, aucune contribution préalable n’est exigée pour bénéficier de l’intervention de la collectivité → il ne s’agit plus seulement de dissocier le niveau de la prestation du niveau des contributions personnelles; il s’agit de découpler totalement l’octroi de la prestation de toute exigence en termes de cotisations. Ex : si vous n’avez jamais contribué dans le système mais que vous avez besoin d’aide social, institution de SS vous aide quand même ➔ Une différence fondamentale reconnue en droit européen Question qui s’est posé si le système sociale ne porte pas atteinte au droit de la concurrence Rappel: - art. 102 TFUE : interdiction d’abuser d’une position dominante - art. 107 TFUE: interdiction des aides d’Etat Champ d’application du droit européen de la concurrence : activités des entreprises → exercice d’une activité économique Activité économique ≠ activité exclusivement sociale Deux critères pour qualifier une activité d’exclusivement sociale : la solidarité: le contrôle de l’Etat. ➔ Si les 2 critères sont respectés alors on ne porte pas atteinte au droit de la concurrence - Exemple d’un cas : C.J.C.E., 17 février 1993, Poucet et Pistre, C-159/91 et C-160/91 Monsieur Poucet et Monsieur Pistre, indépendants, refusaient de payer leurs cotisations de sécurité sociale. Ils voulaient, au nom de la libre concurrence, avoir la possibilité de s’affilier à la caisse de leur choix, éventuellement une caisse privée. Selon eux, les organismes chargés de la gestion de la sécurité sociale abuseraient de leur position dominante, au sens du droit européen, parce qu’ils jouissent d’une situation de monopole. 15 C.J.C.E.: « Dans le contexte du droit de la concurrence, la notion d’entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique. En sont exclus les organismes de gestion de la sécurité sociale : ils remplissent une fonction de caractère exclusivement social, dans la mesure où ils exercent une activité fondée sur le principe de la solidarité. » → les institutions de sécurité sociale ne doivent pas être considérées comme des entreprises Le principe de solidarité légitime le fait que les organismes qui gèrent la sécurité sociale échappent à l’application du droit de la concurrence. - Ce principe légitime aussi le fait que l’affiliation aux assurances sociales soit obligatoire. Confirmation p.ex. dans C.J.U.E. (gde chambre), 11 juin 2020, Dôvera zdravotná poist'ovňa, C262/18 et C-271/18 (arrêt) La Cour reconnaît que les organismes d’assurance maladie opérant sous le contrôle de l’État slovaque ne peuvent pas être qualifiés d’entreprises au sens du droit de l’Union européenne. - La Cour a précisé qu’aux fins d’évaluer si une activité exercée dans le cadre d’un régime de sécurité sociale est dépourvue de caractère économique, il importe de vérifier, en particulier: ❖ si et dans quelle mesure le régime en cause peut être considéré comme mettant en œuvre le principe de solidarité; ❖ et si l’activité des organismes d’assurance gérant un tel régime est soumise à un contrôle de l’État. 2. Assurances sociales vs aide sociale = summa divisio interne au droit de la sécurité sociale L’aide sociale Les assurances sociales (ou sécurité sociale au sens strict) englobent l’ensemble des revenus de remplacement et des revenus de complément. englobe les différents revenus minimums résiduaires, mis en place pour pallier les limites des assurances sociales. 3 caractéristiques : – prestations contributives: l’octroi des prestations est en principe conditionné à l’exigence d’avoir cotisé pendant un certain temps →j’ai le droit à cette assurance que lorsque j’ai contribué – financement (principalement) par cotisations: puisque les assurances sociales reposent sur le principe de la contributivité, elles sont financées principalement par les cotisations sociales (historiquement, les assurances sociales étaient 3 caractéristiques : – prestations non contributives: il ne faut pas avoir cotisé pour bénéficier des prestations; – financement par l’impôt: l’aide sociale n’est pas financée par les cotisations sociales des travailleurs et des employeurs, mais par la solidarité nationale, c’est-à-dire par l’impôt ; financées exclusivement par ces cotisations; avec le temps, une intervention financière de l’Etat est venue s’ajouter aux cotisations des travailleurs et des employeurs); – octroi de façon résiduaire/subsidiaire: l’octroi d’un revenu minimum est conditionné à l’établissement d’un état – pas de référence à l’état de besoin pécuniaire: le bénéfice d’indigence, d’une situation de besoin des prestations n’est lié à aucune exigence en termes de → l’octroi d’une allocation d’aide sociale est précédé par une niveau de ressources (même si on est très riche, on a droit enquête sur les ressources, qui vise à déterminer si le aux prestations si on est en ordre de cotisations) → logique demandeur se trouve bien dans un état de besoin sur le plan de maintien du niveau de vie pécuniaire (les différentes législations relatives à l’aide sociale fixent des seuils, qui, s’ils sont dépassés, font obstacle à l’octroi de la prestation). 16 Ex : imaginons qu’un médecin a bcp d’argent à côté de son salaire (dans l’immobilier, etc.), il bénéficie quand même de l’assurance chômage car on ne vérifie pas si vous êtes riche ou pas →donc ici on va vérifier si vous êtes vrmt dans le besoin en faisant une enquête sur les ressources et sur les dépenses Ensemble, les assurances sociales et les revenus minimums résiduaires forment ce qu’on appelle le droit de la sécurité sociale au sens large. ! Il existe des prestations qui relèvent d’un des deux côtés de la summa divisio mais qui n’en présentent pas toutes les caractéristiques. - Normalement vous pouvez bien catégoriser les choses mais vous avez des prestations qui relève une partie des deux prestations (assurance et aide sociale) Exemple: les allocations d’insertion, dans le système de l’assurance chômage (allocations qui sont attribuées aux jeunes qui sortent des études et sont sans emploi) → allocations qui sont octroyées à des personnes qui n’ont encore jamais travaillé, ni cotisé (allocations non contributives), alors que l’on se trouve dans un régime d’assurance sociale (les deux autres caractéristiques des assurances sociales sont présentes: financement par les cotisations et absence d’enquête sur les ressources) Chapitre III – La diversité des systèmes de sécurité sociale Le système belge de sécurité sociale n’est pas universel: d’un pays à l’autre, il existe une diversité considérable en matière de protection sociale (ce n’est pas un système qu’on va retrouver partout) Section 1 – Systèmes bismarckiens vs systèmes beveridgiens = distinction binaire traditionnelle (distinction deux grands catégories) 1. Les systèmes bismarckiens Figure historique de référence : Otto von Bismarck (homme politique conservateur, Allemagne, fin du 19ème siècle) Figure juridique de référence : focalise essentiellement sur les assurances sociales obligatoires Philosophie générale : but est de garantir le maintien du niveau de vie des travailleurs confrontés à un risque social Trois caractéristiques : – couverture limitée aux travailleurs, en particulier aux salariés ❖ la solidarité s’exprime à l’intérieur du monde du travail ; 2. Les systèmes beveridgiens Figure historique de référence : William Beveridge (économiste progressiste, Grande-Bretagne, milieu du 20ème siècle) Dans un rapport publié en 1942, BEVERIDGE a proposé une nouvelle manière de penser et d’organiser la sécurité sociale : - il a développé l’idée d’un service public de la sécurité sociale) Figure juridique de référence : service public national de la sécurité sociale - L’idée est d’englober l’ensemble de la population dans un seul et même système de redistribution égalitaire, qui doit avoir pour but premier de lutter contre la pauvreté. 17 → Les prestations sociales visent plutôt à garantir à tout un chacun une même sécurité d’existence. – financement par les cotisations des employeurs et des travailleurs ❖ puisque la solidarité est limitée au monde du travail, elle est aussi financée par le monde du travail; – prestations proportionnelles au revenu professionnel perdu ❖ le montant des prestations que l’on perçoit est proportionnel à la rémunération, puisque la raison d’être des prestations sociales est de pallier la perte de salaire qui fait suite à la survenance d’un risque Trois caractéristiques : – couverture de l’ensemble de la population ❖ la solidarité n’est pas de type professionnel ; elle est de type universel – financement par l’impôt ❖ la sécurité sociale n’est pas financée par des cotisations sociales mais par l’impôt des contribuables – prestations forfaitaires ❖ les prestations ne sont pas calculées sous la forme d’un pourcentage de la rémunération perdue mais sont de nature forfaitaire. ➔ on ne va pas regarder qu’est-ce que vous avez perdu mais redistribué de manière égalitaire pour tout le monde Tradition dominante en Europe continentale, y compris en Belgique Tradition dominante dans les pays anglo-saxons et (surtout) scandinaves: les pays scandinaves et les pays anglo-saxons s’inscrivent globalement dans une logique beveridgienne (la grande différence entre les deux, c’est que les pays scandinaves ont développé des systèmes beveridgiens généreux, là où les anglo-saxons ont fait du Beveridge a minima). →donc le système Belgique est un peu mélange des 2 sytèmes → assurances sociales et aides sociales Section 2 – Les quatre Europes sociales → distinction plus fine que la distinction binaire classique entre les systèmes bismarckiens et les systèmes beveridgiens Renvoi au cours de Droit social comparé → donc on ne va pas analyser ça dans le cours Chapitre IV – L’encadrement constitutionnel de la sécurité sociale Section 1 – La sécurité sociale, un droit fondamental ? On va retrouver la sécurité sociale dans un article de la constitution → toutes formes de droit économique et sociale se rattache à cette article 1. L’article 23 de la Constitution (depuis 1994) = article relatif aux droits économiques et sociaux (droits dits de la seconde génération, les droits de la première génération étant les droits civils et politiques) 18 - Les droits de la seconde génération exigent des pouvoirs publics non pas une abstention mais une action positive. Le premier alinéa proclame que « Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine ». Le deuxième alinéa ajoute : « A cette fin, la loi, le décret ou [l’ordonnance] garantissent, (en tenant compte des obligations correspondantes,) les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de [l’]exercice [de ces droits]. » → les droits économiques, sociaux et culturels ont pour objectif de concrétiser l’affirmation générale du droit à la dignité humaine: c’est aux fins de permettre à chacun de mener une vie conforme à la dignité humaine que le législateur est habilité à réaliser les droits économiques et sociaux → ce sont les différents législateurs du pays qui ont reçu pour mission de mettre en œuvre les droits économiques en fonction de leurs compétences respectives La liste de droits contenue à l’alinéa 3 de la disposition n’est pas exhaustive, elle est exemplative (« notamment »). - Parmi les droits énumérés à titre d’exemples privilégiés, on trouve : le droit au travail, le droit au logement, le droit à un environnement sain, le droit à l’épanouissement culturel et, surtout, le droit à la sécurité sociale. → notre Constitution, dans son article 23, alinéa 3, 2º, contient un droit à la sécurité sociale 2. La portée juridique de l’article 23, alinéa 3, 2° de la Constitution a) L’absence d’effet direct : Rappel de la définition et des critères de l’effet direct Effet direct = aptitude d’une norme à conférer par elle-même des droits aux particuliers (faire valoir cette prédisposition devant la juridiction) Critères : - clarté et précision; complétude (pas besoin de mesure d’exécution) 19 L’article 23, alinéa 3, 2º de la Constitution n’a qu’une portée programmatique ; - elle est dépourvue d’effet direct , ça implique quoi ❖ càd elle n’institue pas un droit-créance permettant d’exiger de l’Etat une action précisément déterminée, à savoir, en l’espèce, une certaine prestation de sécurité sociale ou un certain niveau de protection sociale). → Ce article ne va pas permettre d’aller devant le tribunal pour le droit de la sécurité sociale car pas d’information suffisant pour faire valoir et avoir un effet direct 2 mécanismes juridiques qui vont permettre aux citoyens de faire valoir leur droit à la SS b) Deux palliatifs à l’absence d’effet direct : 1° L’effet de standstill (ou effet « cliquet », ou encore principe de non-rétrogression) : Idée = à partir du moment que le législateur a reconnu par institution ou constitution, alors il ne peut pas diminuer ces droits mais de garantir de plus en plus (censer faire le maximum possible) - Pas d’énonciation expresse du principe de standstill dans un texte quelconque. ❖ Parce que l’Etat a l’obligation de réaliser progressivement les droits fondamentaux internationalement et constitutionnellement reconnus, ❖ il ne peut en principe revenir sur le niveau de protection qu’il leur a d’ores et déjà conféré (ne peut plus redescendre en deçà de la loi). Ex : si on prend le droit de l’insertion, le législateur ne peut en principe pas descendre la durée du droit (genre diminuer de 20 ans à 3 ans) →mais n’est pas si simple que ça Il va interdit aux législateur ne peut pas descendre en deçà de par ex :l’article 23 sauf s’il a des motifs d’intérêt générales ou justifications raisonnables 1) Première étape du raisonnement: identification/vérification d’un recul sensible/significatif du niveau de protection (la preuve incombe au destinataire de la norme) (=vérifier par rapport au norme qui existait avant le reforme s’il y a un recul) Comparaison entre la « norme litigieuse » (= celle qui consacre la réforme) et la « norme de base » (=celle qui établit le niveau de protection à prendre en considération) Consécration de la thèse du « point mobile » (atténué) : ce n’est pas la législation en vigueur au moment de l’adoption de la norme internationale ou constitutionnelle consacrant le droit fondamental considéré (« norme de référence ») (ici, l’article 23 de la Constitution) qui doit servir de point de comparaison mais la législation en vigueur 20 juste avant l’adoption de la norme litigieuse (→ pas nécessairement la législation offrant le plus haut degré de protection depuis l’adoption de la norme de référence) → La jurisprudence admet qu’il ne peut être question d’une atteinte au principe de standstill que lorsque le législateur opère une régression « significative » (ou « sensible »). Remarque: selon (une partie de) la doctrine, un recul sensible ne devrait être exigé que lorsque le législateur entend garantir différemment le droit fondamental considéré (et non lorsqu’il entend purement et simplement réduire le niveau de protection attaché au droit fondamental en question, sans chercher à pallier le recul ainsi opéré par des mesures compensatoires). → Inconvénient: il suffit au législateur d’introduire des reculs par petites touches successives pour éviter la censure puisque la norme de base ne correspond pas nécessairement au plus haut niveau de protection antérieur, mais à celui reconnu juste avant la réforme litigieuse)… ex : en 2023, j’ai un revenu d’intégration sociale de 1000 euros. Si je me dis que j’applique le point de protection culminant genre que le législateur diminue le revenu d’intégration sociale de 1000 euro à 200 euro alors violation du principe standstill. Mais si chaque année le législateur diminue une centaine euro et justifie pourquoi et que dans l’année 2040 ce revenu ne s’élève plus qu’à 200 euro alors il n’y a pas atteinte du principe standstill puisque il y a eu un recul sensible et justifié. 2) Vérification de l’existence d’un motif d’intérêt général de nature à justifier le recul opéré (la preuve incombe à l’auteur de la norme) La marge d’appréciation du juge varie selon que le législateur a motivé sa décision à l’aune du principe de standstill, en exposant ce qui justifie son choix et en quoi la mesure restrictive adoptée est la moins attentatoire au droit lésé (examen, ex ante, de la proportionnalité de la mesure). A défaut, pour l’auteur de la norme, d’avoir exprimé la motivation de ses choix, il y a lieu de procéder à une vérification stricte du respect de l’obligation de standstill, tandis qu’en présence d’une motivation suffisante, le juge devrait faire preuve de plus de retenue. Lorsqu’une violation du principe de standstill est constatée, - il appartient au juge, selon que la norme litigieuse est de nature législative ou réglementaire, de saisir la Cour constitutionnelle par voie de question préjudicielle (à moins qu’elle ne se soit déjà prononcée) ou de faire application de l’article 159 de la Constitution en vue de se référer, le cas échéant, à l’ordonnancement juridique tel qu’il existait avant la réforme. La juridiction saisie doit ainsi, si elle conclut à la violation du principe de standstill, statuer sur le droit subjectif revendiqué par l’assuré social en appliquant le texte qui précédait la réforme. 2° La lecture combinée de l’article 23 de la Constitution et des principes d’égalité et de nondiscrimination (articles 10 et 11) Quand le législateur décide d’intervenir pour mettre en œuvre la mission qui lui a été confér