Recel matrimonial (PDF)
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This document discusses the conditions for matrimonial concealment (recel matrimonial) under Belgian civil law. It outlines the circumstances under which an individual could be deemed guilty of recel and the sanctions involved. Specific consideration is given to the cumulative conditions for recel and the legal ramifications of the situation.
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Recel matrimonial Les conditions d’existence, cumulatives, d’un recel matrimonial, autrefois d’application aux seuls régimes de communauté (et désormais identiques à celles du recel successoral) sont, aux termes de l’article 2.3.15 du Code civil, les suivantes. Est coupable de recel, l’époux...
Recel matrimonial Les conditions d’existence, cumulatives, d’un recel matrimonial, autrefois d’application aux seuls régimes de communauté (et désormais identiques à celles du recel successoral) sont, aux termes de l’article 2.3.15 du Code civil, les suivantes. Est coupable de recel, l’époux qui de mauvaise foi ; dissimule des informations ou fait de fausses déclarations ; en ce qui concerne la composition ou l’étendue de la communauté, des indivisions existant entre les époux ou, dans le cas d’un régime de séparation de biens avec clause de participation aux acquêts, de la masse de participation ; pour en retirer un avantage pour lui-même (et non pour un tiers) ; au préjudice de l’autre époux. La sanction du recel est, pour l’époux receleur, la privation de sa part dans les biens ou valeurs recelés qui sont donc attribués à l’autre époux, ou, en régime de séparation de biens avec clause de participation aux acquêts, une sanction à concurrence des biens ou valeurs recelés dans le calcul de la créance de participation (art. 2.3.15, al.2 C. civ.). Toutefois l’époux qui fournit spontanément et en temps utile l’information exacte et complète, ou rectifie ses fausses déclarations, ne sera pas sanctionné (art. 2.3.15, al.3 C. civ.). 18 CHAPITRE 2 LE RÉGIME LÉGAL INTRODUCTION Le régime légal est le régime matrimonial secondaire de droit commun. On entend par là non seulement qu'il s'appliquera de plein droit, par l'effet de la loi, à tous les époux qui n'ont pas adopté, par convention matrimoniale, un régime matrimonial secondaire mais aussi que ses dispositions s'appliqueront à tous les époux qui, par convention matrimoniale, ont choisi un « régime de communauté », lorsque les époux n'ont pas, dans leur convention, expressément dérogé à ces règles ou lorsqu'ils ne pouvaient pas y déroger dans leur convention (voy. le texte de l'art. 2.3.52, al. 1 et al. 3 C. civ.). Le régime légal du Code civil belge se caractérise par la constitution, à partir du jour de la célébration du mariage, de trois patrimoines d'affectation (voy. art. 2.3.16 C. civ.) : un patrimoine commun affecté à l'association de vie et à la communauté d'intérêts instituées entre les époux et comprenant à la fois l'ensemble des revenus des époux - affectés plus particulièrement aux charges du mariage - et l'ensemble des économies et des acquêts17 des époux ; deux patrimoines propres destinés à garantir à chacun des époux son autonomie personnelle et la conservation des biens qu'il possédait avant le mariage ou qui lui proviennent de sa famille d'origine. La loi du 22 juillet 2018 a réformé le régime légal en adoptant trois grandes lignes directrices : l’application de la distinction entre le « titre » (la qualité, le fait d’être propriétaire) et la « finance » (la valeur patrimoniale) en ce qui concerne certains biens ; l’allocation correcte des revenus professionnels des époux ; la neutralité, en termes de droits des régimes matrimoniaux, de l’exercice de la profession via une société. 17 On entend par « acquêts » les biens acquis à titre onéreux pendant le fonctionnement du régime matrimonial. 19 SECTION 1. LA COMPOSITION DU PATRIMOINE COMMUN ET DES PATRIMOINES PROPRES §1. L'actif A. Distinctions préalables Pour la compréhension de la matière, il est utile de clairement distinguer : la question de la qualification et la question de la preuve du caractère propre ou commun d'un bien des époux ; la question du statut propre ou commun d'un bien des époux et la question de la débition d'une éventuelle récompense au profit d'un des patrimoines ; la distinction, à propos de certains biens, entre le titre et la finance. Qualification et preuve Une question consiste à qualifier les différents biens des époux, c'est-à-dire à déterminer, en droit, les différentes catégories de biens qui doivent être classées soit dans les patrimoines propres des époux soit dans le patrimoine commun. Une autre question consiste à prouver le caractère propre ou commun d'un bien, c'est-à-dire à apporter la preuve en fait des différents éléments qui permettront alors de ranger ce bien dans une des catégories de biens répertoriées par le législateur. Statut d'un bien et récompense Une question consiste à déterminer le statut d'un bien, en le classant dans les catégories de biens qui appartiennent aux patrimoines propres des époux ou au patrimoine commun. Une autre question consiste à vérifier si un bien qui doit être classé dans un des trois patrimoines n'a pas été acquis ou financé, partiellement ou totalement, au moyen de fonds disponibles appartenant à un autre des trois patrimoines. Ce financement ne modifiera pas le statut de ces biens mais justifiera, éventuellement, le paiement soit d'une « récompense » lorsque le transfert s'est effectué du patrimoine propre vers le patrimoine commun ou inversement, soit d'une « créance » lorsque le transfert s'est effectué du patrimoine propre de l’un des époux vers celui de l'autre époux. La « récompense » est un mécanisme spécifique des régimes de communauté qui consiste en une indemnité, exigible à la dissolution du régime, destinée à compenser un transfert de valeurs qui s’est opéré, pendant le fonctionnement du régime, entre le patrimoine commun et un des patrimoines propres des époux ou inversement. 20 La caractéristique des récompenses est qu’elles sont dues de plein droit, par l’effet de la loi, pour la seule raison de ce transfert de valeurs. Les causes et le montant des récompenses sont expressément définis aux articles 2.3.44 et suivants du Code civil. Comme les récompenses ne sont dues qu’à la dissolution du régime, le législateur a expressément prévu que, lors des opérations de liquidation d’un régime de communauté, il sera dressé, pour chacun des ex-époux, un « compte de récompenses » qui comprendra l’ensemble des récompenses qu’ils pourront exiger du patrimoine commun ou dont leur patrimoine propre se trouvera redevable au patrimoine commun. Si la question des récompenses est donc une question qui ne se pose pratiquement qu’après la dissolution du régime, le législateur a cependant déjà abordé cette problématique dans les dispositions légales qui énumèrent les différentes catégories de biens propres, parce qu’il y a expressément indiqué que l’acquisition par un des époux de certains biens propres pourrait faire naître une récompense au profit du patrimoine commun (art. 2.3.18 C. civ.), alors qu’il l’a par contre - implicitement mais certainement - exclu pour l’acquisition d’autres biens propres (art. 2.3.19 C. civ.). La distinction titre-finance A propos de certains types de biens qui présentent un caractère personnel pour un des époux, c’est- à-dire qui peuvent être considérés comme attachés à sa personne, le législateur a considéré qu’il y aurait lieu, lorsqu’il s’agit d’un acquêt constitué pendant le mariage, de décomposer le statut de ce bien, en qualifiant de bien propre le titre - c’est-à-dire la titularité du droit de propriété du bien - et de bien commun la finance - c’est-à-dire la valeur patrimoniale de ce bien. En effet, il n’aurait pas été cohérent qu’au prétexte que ce bien doit pouvoir être attaché à la personne d’un des époux, le patrimoine commun soit par contre privé de la contrevaleur d’un bien qui est tout autant un acquêt que les autres acquêts des époux. La distinction entre le titre et la finance est une distinction traditionnelle en droit des régimes matrimoniaux mais elle a été systématisée par la loi du 22 juillet 2018. B. La qualification des biens des époux Pour qualifier les biens propres et les biens communs des époux, le législateur a utilisé une technique qui lui permettait de ne pas devoir envisager de façon exhaustive toutes les catégories de biens qui peuvent se concevoir dans notre système juridique. Il n'a qualifié expressément que toutes les catégories de biens qui doivent être classées dans le patrimoine propre de chaque époux, et il a dès lors choisi de laisser au patrimoine commun toutes les catégories de biens qu'il n'aurait pas expressément désignées sur la base d’une présomption de communauté (cf. art. 2.3.22, §3 C. civ.). Les biens propres Le législateur a qualifié l'ensemble des biens propres de chaque époux aux articles 2.3.17 à 2.3.19 du Code civil. 21 On peut distinguer : - les biens propres par origine; - les biens propres par nature; - les biens propres par relation. a) Les biens propres par origine Les biens propres « par origine » sont, dans une interprétation restrictive, les biens qui ne constituent pas des acquêts, qui ne sont pas économiquement liés à l’association conjugale formée par les époux et qui doivent dès lors leur rester propres. En ce sens, les biens propres par origine sont dès lors (art. 2.3.17 C. civ.) : - les biens « présents », c'est-à-dire les biens appartenant aux époux avant le mariage ; - les biens « futurs », c'est-à-dire les biens acquis par un des époux à titre gratuit pendant le mariage, soit par donation soit par succession (succession légale ou testament). Mais on peut aussi classer dans la catégorie des biens propres par origine, en raison de ce que ces biens ont pour un des époux une origine familiale et qu’il paraît dès lors cohérent de ne pas les inclure dans le patrimoine commun des époux, certains biens acquis par un des époux, même à titre onéreux, pendant le mariage alors même qu’ils constituent des acquêts : - les biens cédés à un époux par un de ses ascendants, soit pour éteindre une dette dont celui-ci était redevable à l'égard de l'époux, soit à charge pour l'époux de payer une dette de l'ascendant envers un tiers (art. 2.3.18, 2° C. civ.) ; - la part acquise par un des époux dans un bien dont il est déjà copropriétaire à titre de propre (art. 2.3.18, 3° C. civ.). Ces biens seront propres, même si la créance à l'égard de l'ascendant était une créance commune ou même si la communauté a elle-même payé la dette due par l'ascendant à un tiers ou a payé le prix de la cession de la part indivise, mais, en ce cas, il sera ultérieurement dû une récompense au patrimoine commun. b) Les biens propres par nature Ce sont les biens, corporels ou incorporels, qui peuvent être considérés comme intimement attachés à la personne d’un des époux et qui, en raison de cette nature particulière, lui resteront propres, alors même qu’ils constitueraient des acquêts. On y retrouve : 1) les vêtements et objets à usage personnel (art. 2.3.19, § 1, 1° C. civ.) Une réserve est cependant faite, dans la doctrine et la jurisprudence, lorsque l’objet personnel présente une valeur élevée au regard des ressources disponibles des époux, en manière 22 telle qu’il devrait plutôt être regardé comme une forme d’épargne, ou lorsque l’objet, même personnel, a été expressément perçu par les époux comme un investissement. Le problème se pose, par exemple, à propos des bijoux de valeur ou de certaines collections personnelles (collection de timbres-poste, collection de figurines,...). En revanche, une collection qui n’a aucun caractère personnel, comme l’achat d’un certain nombre d’œuvres d’art de tel ou tel artiste, ne peut pas être considérée comme un bien à usage personnel et dépendra donc du patrimoine commun, si ces œuvres d’art ont été acquises à titre onéreux pendant le mariage. 2) le droit de propriété littéraire ou artistique (droits d'auteur) et de propriété industrielle (brevets, dessins et modèles, marques de produits), c'est-à-dire les droits intellectuels (art. 2.3.19, § 1, 2° C. civ.) Le législateur, en ne qualifiant de propre que « le droit » de propriété littéraire, artistique ou industrielle, a appliqué (dès avant la loi du 22 juillet 2018) à propos de cette catégorie de biens, la distinction traditionnelle dans le droit des régimes matrimoniaux entre, d’une part, le « titre » qui est propre à l’époux titulaire du droit et, d’autre part, la « finance » (c’est-à-dire la valeur) qui est commune. Le législateur a ainsi reconnu le caractère exclusif du droit de l’auteur d’une œuvre de l’esprit d’exploiter personnellement son œuvre : droit à la divulgation, à la reproduction, à l’exploitation, à la protection contre la contrefaçon, voire à la destruction de l’œuvre. En revanche, la valeur économique de l’œuvre appartient, comme tous les acquêts, au patrimoine commun, en manière telle que le produit de la vente de l’œuvre ou, simplement, la valeur économique potentielle de l’œuvre appartiendrait au patrimoine commun. Par ailleurs, les profits retirés de l’exploitation de l’œuvre - comme les redevances - sont incontestablement communs, en ce qu’ils constituent des revenus (art. 2.3.22, §1, 1° et/ou 2° C. civ.). 3) le droit d'un des époux à une pension, rente viagère ou allocation de même nature (art. 2.3.19, §1er, 3° C. civ.) Le caractère propre de ce droit a été justifié par sa finalité qui est, en principe, d’assurer la subsistance personnelle de son bénéficiaire. On distinguera cependant le droit proprement dit - qui est propre - et les revenus périodiques générés par ce droit pendant le régime (par exemple les échéances mensuelles d'une pension de retraite ou d’une rente viagère) - qui sont communs (art. 2.3.22, §1er, 1° du Code civil). 23 4) le droit à réparation d'un préjudice corporel ou moral personnel (art. 2.3.19, § 1, 4° C. civ.) L’article 2.3.19, §1er, 4° du Code civil prévoit que le droit (lui-même) à la réparation d’un préjudice corporel ou moral personnel fait partie du patrimoine propre de l’époux qui l’a subi (sans récompense). Le titre appartient donc à l’époux victime du dommage qui pourra le faire valoir et le gérer comme il l’entend. L’époux victime pourra par exemple transiger ou renoncer à l’indemnité. Qu’en est-il de la finance c’est-à-dire des indemnités ? Les indemnités sont-elles propres ou communes ? Les indemnités réparant le dommage moral personnel font partie, par nature, du patrimoine propre du conjoint qui l’a subi car le préjudice moral relève du droit de la personnalité. En revanche, un découpage doit être opéré pour le surplus, entre l’incapacité personnelle et l’incapacité économique. L’article 2.3.19, § 2, 1° du Code civil précise qu’est propre « l’indemnité payée à un époux en réparation d’un dommage, dans la mesure où cette indemnité vise à réparer son incapacité personnelle, qui concerne les conséquences non économiquement quantifiables de l’atteinte à l’intégrité physique ou psychique dans sa vie quotidienne ». En revanche, l’article 2.3.22, § 1er, 4° du Code civil (qui définit l’actif du patrimoine commun, voir infra) précise, quant à lui, qu’est commune « l’indemnité payée à un époux en réparation d’un dommage, dans la mesure où cette indemnité vise à réparer son incapacité ménagère ou économique durant le régime » (et non avant le mariage ou après la dissolution du régime). La perte de revenus professionnels que l’indemnité vise à remplacer ou compenser, revenus par définition communs, est donc commune. Le législateur renvoie de la sorte aux concepts du droit à l’évaluation des dommages18 qui distingue, au sein des indemnités : - d’une part les indemnités qui visent à réparer l’incapacité personnelle et qui concernent les conséquences non économiquement quantifiables de l’atteinte à l’intégrité physique et psychique (les douleurs liées à la lésion, les frustrations et angoisses liées à celles-ci, les limites ou atteintes dans les comportements, causées par la lésion, …) ; Ces éléments concernent la personne elle-même de l’époux victime et non pas les revenus ou ressources du ménage : ces indemnités sont donc propres sans récompense en droit des régimes matrimoniaux ; - d’autre part, les indemnités qui visent à réparer son incapacité ménagère ou économique. Par incapacité ménagère, on entend l’atteinte au potentiel énergétique ou fonctionnel de la victime entraînant des répercussions économiquement évaluables sur son aptitude à l’exercice d’activités de nature domestique. 18Cfr Tableau indicatif 2016 pour l’évaluation des dommages, Union nationale des magistrats de première instance et Union royale des juges de paix. 24 L’incapacité économique recouvre l’ensemble des conséquences de l’atteinte à l’intégrité physique ou psychique sur les actes et comportement dans la vie professionnelle et lucrative de la victime ainsi que l’atteinte à la capacité concurrentielle de la victime sur le marché du travail19. Ces indemnités sont communes en droit des régimes matrimoniaux. Dans le cas où des dommages et intérêts globaux auraient été attribués (par décision judiciaire ou à la suite d’une transaction avec l’organisme assureur), et où la subdivision en différentes composantes n’est pas possible, la présomption de communauté s’appliquera quand-même pour l’ensemble des dommages et intérêts20. 5) les droits résultants d'une assurance vie individuelle La loi du 22 juillet 2018 a réformé la matière de manière importante, compte tenu des controverses existant antérieurement, sans pour autant éclaircir tous les aspects de la question21. Elle soumet la réglementation relative aux assurances-vie à la distinction « titre-finance ». Il ne s’agit toutefois pas, à l’instar d’autres dispositions (par exemple, celles relatives aux parts et actions de société, cf. art. 2.3.19, §1er, 5°, C. civ.) de créer en quelque sorte une nouvelle catégorie de droits pour certains types de biens ou de droits, en stipulant propre le « titre » (c’est-à-dire la qualité de titulaire d’un bien ou d’un droit) et commune la « finance » (c’est-à- dire la valeur économique de ce bien ou de ce droit), rendant dès lors inutile l’établissement de comptes de récompense. Il s’agit plutôt ici de combiner, le plus harmonieusement possible, le droit des assurances et le droit des régimes matrimoniaux qui obéissent à des logiques qui leur sont tout à fait spécifiques : Le « titre » relève de la législation relative aux assurances. C’est en effet elle qui définit les contours des droits du preneur d’assurance, notamment le droit de désigner et de révoquer le bénéficiaire (art. 169 à 175 de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances) et le droit au rachat de la police (art. 178 de la loi du 4 avril 2014) et ce, quel que soit le régime matrimonial du preneur d’assurance. La « finance » du contrat relève, elle, du droit des régimes matrimoniaux. Quand le preneur d’assurance est marié sous un régime de communauté, à qui revient la « finance » du contrat ? A son patrimoine propre ou au patrimoine commun ? Des 19 Proposition de loi modifiant le Code civil en matière de droit des régimes matrimoniaux et modifiant diverses autres dispositions en cette matière, Doc. Parl., Ch., 2017-2018, n° 54-2848/001, pp. 58-59. 20 Proposition de loi modifiant le Code civil en matière de droit des régimes matrimoniaux et modifiant diverses autres dispositions en cette matière, Doc. Parl., Ch., 2017-2018, n° 54-2848/001, p.14. 21 Ainsi, la loi du 22 juillet 2018 ne traitent pas du contrat d’assurance-groupe qui continue à être régi par les articles 127 et 128 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d’assurance terrestre, tels qu’interprétés par la jurisprudence constitutionnelle. Il est permis de le regretter car comme l’assurance-vie individuelle, l’assurance-groupe permet d’octroyer à son bénéficiaire un revenu complémentaire à propos duquel le statut devait également être éclairci. 25 comptes de récompense sont-ils susceptibles d’être établis ? C’est précisément à ces questions que les dispositions issues de la loi du 22 juillet 2018 et insérées dans le Code civil, apportent une réponse en distinguant le moment auquel les prestations sont exigibles. Afin de faciliter la compréhension de cette matière très technique, toute la problématique de l’assurance-vie sera examinée dans les lignes qui suivent (même lorsque la prestation d’assurance est qualifiée de « commune »). 5.1. Si l’assurance-vie individuelle a été contractée par un époux avant le mariage, les droits nés du contrat d’assurance sont entièrement propres, tant pour le titre que pour la finance (art. 2.3.17 C. civ.). Si des primes ont été payées durant le régime avec des fonds communs, une récompense sera néanmoins due au profit du patrimoine commun. 5.2. Si l’assurance-vie individuelle a été contractée durant le mariage, il faut en la matière conjuguer les articles 2.3.18, 5° et 6°, 2.3.19, § 2, 2° et 2.3.22, § 2 du Code civil. En synthèse et très synthétiquement, sous réserve de précisions non explicitées ici, on se limitera à exposer ce qui suit : a. La prestation d’assurance n’est pas due à la dissolution du régime (art. 2.3.18, 5° C. civ.) L’article 2.3.18, 5° C. civ. vise l’hypothèse où le régime matrimonial est dissous sans que la prestation d’assurance soit exigible. Le champ d’application de cette nouvelle disposition est large : les prestations visées sont tant celles en cas de vie qu’en cas de décès; un des époux est le preneur mais l’identité de la tête assurée et/ou du bénéficiaire est indifférente (schématiquement, il s’agit d’un contrat d’assurance A-X-X); les causes de dissolution du régime matrimonial sont multiples : le décès de l’époux qui n’est pas la tête assurée (contrat A-A-B avec une couverture décès et décès de B, le divorce, …. L’article 2.3.18, 5° C. civ. énonce que la valeur de rachat nette exigible, au moment de la dissolution du régime, est un bien propre de l’époux preneur. En d’autres termes, le montant à prendre en considération correspond à celui que le preneur recevrait effectivement s’il rachetait l’assurance-vie au moment de la dissolution du régime. Les droits nés du contrat d’assurance sont donc entièrement propres, tant pour le titre que pour la finance. A la dissolution du régime, une récompense sera due au patrimoine commun si les primes ont été payées au moyen de fonds communs (ce qui est présumé sauf preuve contraire apportée par l’époux qui prétend avoir payé avec des fonds propres). b. La prestation d’assurance est due à la dissolution du régime (art. 2.3.18, 6° C. civ. et 2.3.19, §2, 2° C. civ.) Les articles 2.3.18, 6° et 2.3.19, §2, 2° C. civ. qualifient la prestation d’assurance qui est exigible à la dissolution du mariage par le décès de l’époux, tête assurée du contrat. 26 Dans les deux cas de figure, la prestation d’assurance est propre à l’époux bénéficiaire. L’article 2.3.18, 6° C. civ. concerne l’hypothèse d’un contrat A-B-A, généralement nommé contrat « égoïste ». L’époux preneur souscrit, à son propre bénéfice, une assurance-vie sur la tête de son conjoint. Il redoute les conséquences économiques qui résulteraient du décès de son conjoint. La prestation d’assurance est propre (à A, dans notre exemple) mais une récompense est due dans la mesure où des primes ont été payées par le patrimoine commun (ce qui est présumé). L’époux preneur et bénéficiaire a le droit de constituer un capital propre mais on considère qu’il ne peut le faire au détriment du patrimoine commun. L’article 2.3.19, §2, 2° C. civ. concerne l’hypothèse d’un contrat A-A-B, qu’on pourrait qualifier, en comparaison, de contrat « altruiste ». L’époux preneur est la tête assurée du contrat qu’il souscrit au profit de son conjoint. Il craint, pour son conjoint, les répercussions financières qu’entraînerait son propre décès. La prestation d’assurance est propre (à B, dans notre exemple), sans récompense au profit du patrimoine commun (si les primes ont été payées au moyen de fonds communs, ce qui est présumé) et ce, quelle que soit la forme sous laquelle la prestation est versée (capital ou rente) 22. c. La prestation d’assurance est versée pendant le régime (art. 2.3.22, §2 C. civ.) Un époux a souscrit un contrat d’assurance en cas de vie « pure » ou un contrat d’assurance mixte. L’assureur lui verse le capital promis à l’échéance convenue ou cet époux procède au rachat de la police. L’article 2.3.22, §2 C. civ. prévoit que la prestation d’assurance est commune, à l’instar de tout bien acquis à titre onéreux pendant le régime. Ceci suppose que les primes aient été payées pour au moins la moitié avec des fonds communs (ce qui est présumé)23. Si les primes ont été payées en partie (mais pour moins de la moitié) avec des fonds propres, une récompense sera due par le patrimoine commun (art. 2.3.45 C. civ.). Le législateur a néanmoins cherché à respecter le droit des assurances en ce que le droit au rachat continue à ne pouvoir être exercé que par l’époux preneur (art. 178 de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances). C’est l’application de la distinction titre (qui relève du droit des assurances) – finance (qui se rattache au droit des régimes matrimoniaux). La prestation d’assurance est commune, qu’elle soit versée sous forme de capital (c’est-à-dire en une fois) ou sous de forme de rentes (c’est-à-dire de manière échelonnée). 22 Selon les développements précédant la proposition de loi, « Cette utilisation des fonds communs est conforme à la nature du patrimoine commun, qui est un patrimoine d’affectation et peut également être utilisé pour pourvoir aux besoins du conjoint survivant » (Doc. Parl., Ch., 2017-2018, n°54-2848/001, p.56). Les enfants de l’époux preneur pourraient-ils toutefois soutenir que leur auteur a consenti de la sorte une donation au profit de son conjoint réductible, sur la base des articles 4.145 et 4.153 C. civ., si celle-ci excédait la quotité disponible ? Les travaux préparatoires l’admettent si les éléments constitutifs d’une donation sont effectivement réunis. C’est aux héritiers de l’époux souscripteur et tête assurée qu’il appartient de démontrer l’existence de la donation. 23 Cette précision ne découle pas du texte lui-même mais de l’article 2.3.21, al. 3 Code civil en vertu duquel un bien est propre par (r)emploi s’il a été acquis pour plus de la moitié au moyen de fonds propres (cf. infra). 27 Qu’en est-il si des rentes sont encore dues après la dissolution du régime ? Ces rentes continueront à être perçues par l’époux souscripteur (dans le respect de la loi sur les assurances) mais la réserve correspondant aux rentes encore dues est commune et mise, lors du partage du patrimoine commun, dans le lot de l’époux souscripteur. Le législateur applique de la sorte un autre principe directeur de sa réforme, celui de l’allocation correcte des revenus. Tout ce qui est perçu pendant le fonctionnement d’un régime de communauté est commun. Les rentes payées après la dissolution du régime matrimonial représentent un actif qui appartient au patrimoine commun. Le fait que la prestation d’assurance soit versée de manière périodique (et non en une fois) n’est qu’une modalité de paiement d’une prestation d’assurance qui était due pendant le régime et qui doit donc, à ce titre, être considérée comme commune. 6) les biens professionnels (art. 2.3.19, § 1er, 6° C. civ.) Ce sont les instruments de travail qui sont nécessaires à chaque époux pour l'exercice de son activité professionnelle ou l’exploitation d’une entreprise, et dont le législateur a considéré qu'ils devaient lui rester acquis après la dissolution du régime et non être partagés, aux fins de lui permettre de poursuivre son activité professionnelle. Le législateur adopte, pour les biens visés par cette disposition, la distinction entre le « titre » et la « finance ». Il s’agit plus précisément des : biens professionnels, meubles (corporels ou incorporels), ou immeubles ; qui ont été acquis avec des fonds communs ; S’ils ont été acquis à titre de (r)emploi de fonds propres - voy. infra - et donc financés pour plus de la moitié avec des biens propres, ils seront propres tant pour le « titre » que pour « la finance », moyennant le cas échéant récompense à la communauté pour la part financée par celle-ci. qu'un époux « utilise exclusivement pour l’exercice de sa profession ou l’exploitation de son entreprise » ; Le critère est l’affectation matérielle de ces biens à la profession ou l’entreprise. Ces biens doivent être utilisés « exclusivement » à des fins professionnelles. Sont donc exclus de cette disposition les biens qui sont à la fois utilisés pour la profession et pour des besoins privés ou familiaux (ex. une voiture, un ordinateur portable, …). Ceux-ci sont entièrement communs tant au niveau du « titre » que de la « finance ». sauf si les époux exercent ensemble cette profession ou exploitent ensemble cette entreprise ; Dans ce cas, la distinction entre le « titre » et la « finance » n’a pas lieu d’être et les biens seront entièrement communs. 28 « Ensemble » s’interprète comme dans le cadre de l’article 2.3.31, al.2, C. civ. (cfr infra) comme un exercice de fait, sans que les deux conjoints ne doivent avoir la même qualité ou position. Si ces conditions sont remplies, le « titre » est propre. L’époux concerné a le droit d’agir en tant que propriétaire de ces biens professionnels et il peut donc exercer les droits et actions attachés à son titre. A la dissolution du régime, ces biens lui sont attribués de plein droit. En revanche, la « finance », c’est-à-dire la valeur patrimoniale de ces biens est commune en vertu de l’article 2.3.22, § 1er, 6° du Code civil. En d’autres termes, dans le patrimoine commun figurera la valeur de ces biens, au jour de la dissolution du régime (art. 2.3.43, § 3, 2° C. civ). Une récompense sera due au patrimoine propre de l’époux titulaire en vertu de l’article 2.3.45 du Code civil au cas où des fonds propres ont été utilisés pour les financer en partie. 7) le droit à la clientèle (art. 2.3.19, § 1er, 7° C. civ.) La loi du 22 juillet 2018 a ajouté une catégorie de « biens » soumis à la distinction entre le titre (propre) et la finance (commune), à savoir la clientèle. L’article 2.3.19, §1er, 7° du Code civil prévoit que le droit à la clientèle, est propre sauf si la clientèle a été constituée ou acquise dans la cadre d’une profession que les époux exercent ensemble ou d’une entreprise qu’ils exploitent ensemble, à interpréter comme indiqué ci- dessus quant aux biens professionnels (si c’est le cas, la clientèle est « intégralement » commune tant quant au titre que quant à la finance). Le droit à la clientèle, en ce compris « le droit d’agir en tant que propriétaire de la clientèle », en d’autres termes le titre, est propre. La clientèle sera attribuée de plein droit à la dissolution du régime à l’époux concerné. La « finance », et plus exactement « la valeur économique de la clientèle qui a été constituée ou acquise pendant le régime par un des époux dans le cadre de l’exercice de sa profession ou de l’exploitation de son entreprise », est en revanche commune, comme le précise désormais l’article 2.3.22, § 1er, 7° du Code civil. Ne sera compté dans le patrimoine commun que seule la valeur : économique Il faut donc que la clientèle puisse « être intégrée dans le circuit économique, autrement dit qu’elle puisse être réalisée et soit négociable »24. Exemples : la clientèle d’un indépendant ou d’un commerçant (dont la clientèle fait partie du fonds de commerce), tel que, selon les travaux préparatoires, l’architecte, l’avocat, le notaire, le médecin, le courtier en assurances, l’agent immobilier indépendant, le comptable indépendant, etc. au moment de la dissolution du mariage (art. 2.3.43, § 2, 3° du Code civil) 24Voy. not. Proposition de loi modifiant le Code civil en matière de droit des régimes matrimoniaux et modifiant diverses autres dispositions en cette matière, Doc. Parl., Ch., 2017-2018, n° 54-2848/001, p. 61. 29 de la clientèle constituée ou acquise durant le mariage (et non avant la célébration du mariage) au moyen de fonds majoritairement communs. 8) les droits résultant de la qualité d'associé liés à des parts ou actions dans une société (art. 2.3.19, § 1er, 5° C. civ.) La distinction entre le titre et la finance s’applique également à ces droits. L’article 2.3.19, § 1er, 5° C. civ. en règle le titre et l’article 2.3.22, § 1er, 5°C. civ., la finance. Dès lors, appartiennent en propre à l’époux titulaire les droits résultant de la qualité d’associé liés à des parts ou actions de société : acquises avec des fonds communs au moins pour la moitié ; Si les parts ont été acquises pour plus de la moitié avec des fonds propres, et donc en remploi de fonds propres (cf. art. 2.3.21, al. 3 C. civ.), les parts ou actions sont propres tant au niveau du « titre » que de la « finance », moyennant le cas échéant récompense à la communauté pour la part financée par des fonds communs. qui ont été inscrites au nom d’un seul époux ; Si les parts ou actions acquises avec des fonds communs ont été inscrites au nom des deux époux, elles sont communes tant au niveau du « titre » que de la « finance ». pour autant qu’il s’agisse : soit d’une société qui est soumise à des règles légales ou statutaires, ou à des conventions entre actionnaires qui restreignent la cession des parts ou actions (société « fermée » ou « privée ») ; soit d’une société au sein de laquelle seul cet époux exerce son activité professionnelle en tant que gérant ou administrateur. Il faut donc que la nature de la société justifie que le titre soit propre. Lorsque ces conditions sont remplies, le « titre » est donc propre, ce qui inclut le droit pour l’époux titulaire d’agir en qualité de propriétaire de ses parts ou actions : non seulement il les gérera seul - cfr infra - mais il peut aussi valablement disposer de ses parts ou actions dès lors que celles-ci ne font pas partie de la communauté, puisque seule leur valeur patrimoniale y est incluse. A la dissolution du régime matrimonial, les parts ou actions sont attribuées de plein droit à l’époux concerné. En revanche, la « finance », c’est-à-dire la valeur patrimoniale, au moment de la dissolution du régime (art. 2.3.43, § 3, 1° C. civ.) de ces parts ou actions acquises par un des époux avec des fonds communs, est commune comme le précise désormais l’article 2.3.22, § 1er, 5° du Code civil. Une récompense sera due le cas échéant au patrimoine propre de l’époux titulaire en vertu de l’article 2.3.45 du Code civil au cas où des fonds propres ont été utilisés pour les financer en partie. 30 Les biens propres par relation Ce sont les biens qui, même s’ils sont acquis à titre onéreux pendant le mariage, ont un lien juridique ou économique avec un autre bien propre, par origine ou par nature, d’un des époux et qui, par souci de cohérence, resteront dès lors aussi propres à cet époux. On peut y distinguer : 1) les propres par accession, c'est-à-dire les biens accessoires de biens ou de droits propres (art. 2.3.18, 1° C. civ.) Sont ici visés comme étant propres, quel que soit le moment de l’acquisition et sauf récompense s’ils sont financés en tout ou partie par le patrimoine commun, les accessoires d’immeubles ou de droits immobiliers propres, ainsi que de biens ou valeurs mobilières propres. On peut y inclure non seulement les accessoires « juridiques », c'est-à-dire les biens qui sont unis ou incorporés à un autre bien propre (par exemple la maison construite sur un terrain propre, les agrandissements de constructions propres, les immeubles par destination ou par incorporation ou les marchandises d'un fonds de commerce propre) mais aussi les accessoires « économiques », c'est-à-dire les biens affectés au service ou à l'utilité économique d'un autre bien propre (par exemple un pièce d’une collection, ou - mais ceci est plus discuté - la parcelle de terrain contiguë à un terrain propre qui a été acquise pour y construire une annexe, un garage, un terrain de tennis...). 2) les propres par subrogation réelle (art. 2.3.18, 4° C. civ.) Ce sont les biens qui remplacent dans le patrimoine d'un des époux un autre bien propre (par exemple le bien acquis en échange d'un bien propre, les actions de société obtenues en contrepartie de l'apport en nature à cette société d'un bien propre ou encore une indemnité d’expropriation). La subrogation se distingue du remploi par son effet de plein droit, sans formalités ni/ou expression d’une intention préalable. Pour que cette subrogation puisse s’opérer, il convient toutefois que le bien subrogé au bien propre puisse être identifié au sein du patrimoine propre. S’il s’agit de choses fongibles et, notamment, d’argent, qui se seraient entre temps confondues avec d’autres biens du patrimoine commun, il n’y aura plus de bien propre, mais l’époux pourrait par contre faire valoir un droit à récompense. 3) les propres acquis en emploi de fonds propres ou en remploi de biens propres (art. 2.3.18,4° et 2.3.21 C. civ.) On peut distinguer - encore que cette distinction n'ait pas d'incidence sur le statut de ces biens - les biens propres acquis à la suite d'un emploi - qui consiste à utiliser des fonds propres avec l'intention d'acquérir un bien qui sera propre - et d'un remploi - qui consiste à utiliser les 31 deniers provenant de l'aliénation d'un bien propre avec l'objectif d'acquérir un autre bien qui sera propre. Même si la loi du 22 juillet 2018 a rapproché les conditions des deux types de (r)emploi en posant désormais pour les deux l’exigence d’un financement de plus de la moitié par des fonds propres, on distinguera encore l'emploi (ou le remploi) mobilier et l'emploi (ou le remploi) immobilier. Les conditions relatives à un (r)emploi mobilier (art. 2.3.21, al. 3 C. civ.) sont les suivantes: l'utilisation à concurrence de plus de la moitié par un des époux de deniers propres pour financer une acquisition réalisée pendant le mariage ; la volonté d'acquérir un bien propre qui peut s'être manifestée indépendamment d'une quelconque formalité. Les conditions relatives à un (r)emploi immobilier (art. 2.3.21, al. 1er C. civ.) sont les suivantes: le coût total de l'acquisition doit être financé à concurrence de plus de la moitié au moyen de deniers propres; la volonté d'acquérir un bien propre doit avoir été exprimée dans une déclaration expresse de (r)emploi contenue dans l'acte notarié d'acquisition (formalité solennelle constitutive du remploi). Par ailleurs, la loi admet, dans l'hypothèse d'un (r)emploi immobilier, le remploi « anticipé » (art. 2.3.21, al. 2 C. civ.), qui s'effectue, moyennant déclaration de remploi, au moyen de deniers empruntés à la communauté, à la condition que ces deniers soient remboursés par des fonds propres à concurrence de plus de la moitié, dans les deux ans de la date de l'acte. Les biens communs On distinguera : a) Les biens communs expressément qualifiés par les textes légaux L’article 2.3.22, § 1er du Code civil, énonce expressément certains biens ou valeurs qui sont communes : 1. les revenus du travail ou les revenus ou indemnités qui en tiennent lieu ou qui les complètent, ainsi que les revenus provenant de l’exercice de mandats publics ou privés ; Sont également communes l’indemnité de préavis et autres prestations auxquelles a droit un époux en raison de la rupture de son contrat de travail, uniquement pour la part « qui court durant le régime » (c’est-à-dire qui correspond au délai de préavis courant pendant le régime matrimonial, à l’exclusion de la part couvrant la période antérieure ou postérieure au mariage) ; 2. les fruits, revenus et intérêts des biens propres ; 32 3. les biens donnés ou légués aux deux époux ou éventuellement à l’un d’eux avec stipulation qu’ils seront communs ; 4. l'indemnité payée à un époux en réparation d'un dommage, dans la mesure où cette indemnité vise à réparer son incapacité ménagère ou économique durant le régime (voy. supra) ; 5. la valeur patrimoniale des parts ou actions de société visées à l'article 2.3.19, § 1er, 5° C. civ. (voy. supra) ; 6. la valeur patrimoniale des biens professionnels qui ont été acquis par un des époux avec des fonds communs, si le droit à ces biens professionnels est propre en vertu de l'article 2.3.19, § 1er, 6° C. civ. (voy. supra) ; 7. la valeur économique de la clientèle qui a été constituée ou acquise pendant le régime par un des époux dans le cadre de l'exercice de sa profession ou de l'exploitation de son entreprise, si le droit à cette clientèle est propre en vertu de l'article 2.3.19, § 1er, 7° C. civ. (voy. supra). Par ailleurs, l’article 2.3.22, § 2 du Code civil qualifie de commune la prestation d'assurance liée à un contrat individuel d'assurance sur la vie qui a été conclu par un des époux pendant le régime, lorsqu'elle est due à un des époux pendant le régime. Si la prestation est versée sous forme de capital, la totalité de son montant est commune. Si la prestation est payée sous la forme d'une rente, sont communs les montants de la rente payés pendant le régime ainsi que la réserve qui correspond aux rentes encore dues après la dissolution du régime (voy. supra). b) Les biens communs en vertu de la présomption de communauté La présomption de communauté est, dans sa première signification, une règle de qualification : sont communs tous les biens que la loi n'a pas expressément qualifiés de propres (art. 2.3.22, § 3 C. civ.). Les exemples les plus significatifs sont ceux des économies conservées ou placées par chacun des époux et des acquêts qui ne sont pas mentionnés tels quels dans la catégorie des biens communs. C. La preuve du statut propre ou commun des biens des époux La présomption de communauté La présomption de communauté est, dans sa seconde signification, une règle de preuve : les biens des époux sont présumés appartenir au patrimoine commun, sauf si un des époux apporte la preuve que tel ou tel bien lui est propre. Il en résulte, sur le plan de la charge de la preuve, qu'un des époux ou que les créanciers ne doivent jamais apporter la preuve qu'un bien appartient au patrimoine commun mais qu'il appartient toujours à celui des époux qui affirme qu'un bien lui est propre d'en apporter lui-même la preuve. 33 Les modes de preuve du caractère propre d’un bien a) La preuve à l'encontre d'un tiers L'époux qui veut renverser la présomption de communauté à l'égard d'un tiers devra le faire en recourant à un des modes de preuve indiqués à l'article 2.3.20, al. 1er du Code civil, à savoir : - un inventaire qui, selon les articles 1175 et suivants du Code judiciaire, a été reçu en la forme notariée ; - une possession continue, paisible, publique et non équivoque (voir les termes de l'art. 3.21 C. civ.) ; - un titre authentique ou un titre sous signature privée s'il a date certaine ; - des documents émanant d'un service public ; - des mentions figurant dans des registres, documents ou bordereaux imposés par la loi ou consacrés par l'usage (par exemple, relevés bancaires, bordereaux d'achat de valeurs mobilières, factures...) régulièrement tenus ou établis. b) La preuve entre époux Lorsqu'un époux entend apporter à l'égard de l'autre époux la preuve du caractère propre d'un de ses biens (ou d’une créance), la preuve n'est soumise à aucune restriction quelconque. L'article 2.3.20, al. 2 C. civ. précise en effet que cette preuve peut se faire par tous modes de preuve25. La preuve du caractère propre d’un bien (ou d’une créance) entre époux ne nécessite donc pas nécessairement un écrit si sa valeur dépasse 375 € (pour les biens acquis (ou les créances nées) avant le 1er novembre 2020, art. 1341 anc. C. civ.) et 3.500 € (pour biens acquis (ou les créances nées) depuis le 1er novembre 2020, art. 8.9 C. civ.). §2. Le passif A. Passif propre et passif commun Il convient de distinguer, d’une part, l’identité de l’époux qui, ayant contracté l’obligation, est, en qualité de sujet de droit, titulaire de la dette, et, d’autre part, la question du statut commun ou propre de cette dette. La réponse à la question de savoir si une dette est commune ou propre ne dépend en effet pas nécessairement de la question de savoir qui a contracté la dette. Ainsi, ce n’est pas parce qu’une dette n’aurait été contractée que par un seul des époux - qui en serait donc le seul titulaire - qu’elle ne serait pas pour autant une dette commune. Alors qu’une dette propre est nécessairement une dette qui a été contractée par un seul des époux et qu’une dette contractée par les deux époux est nécessairement une dette commune, il existe aussi des dettes communes qui n’ont été contractées que par un seul des époux. 25 Voir les modes de preuve consacrés par le Livre 8 du Code civil : art. 8.5 (preuve certaine), art. 8.6 (preuve par vraisemblance) et art. 8.8 (preuve libre). 34 Tel est, au demeurant, un des inconvénients potentiels des régimes de communauté, et c’est souvent ce risque que les époux veulent éviter lorsqu’ils choisissent de se marier sous le régime de la séparation de biens pure et simple. Afin de savoir si une dette est commune ou propre, il conviendra dès lors de se référer aux qualifications qui ont été opérées par le législateur, en vertu d’une logique qui est celle de l’équilibre le plus adéquat qu’il a voulu assurer dans la composition respective du patrimoine commun et des patrimoines propres des époux. Cet équilibre est, généralement, celui d’une corrélation entre l’actif et le passif : il est logique de classer dans le patrimoine commun les dettes qui ont un rapport avec l’actif commun. Énumération des dettes propres Ces dettes sont expressément énumérées aux articles 2.3.23 et 2.3.24 du Code civil. Ce sont : les dettes propres par origine, c'est-à-dire les dettes antérieures au mariage et les dettes grevant les successions ou les libéralités recueillies par un des époux ; les dettes contractées par un des époux dans l'intérêt exclusif de son patrimoine propre, comme, par exemple, la dette relative à des travaux de gros entretien effectués dans l’immeuble propre d’un des époux ; les dettes résultant d'une sûreté personnelle ou réelle donnée par un des époux, agissant seul, dans un intérêt autre que celui du patrimoine commun ; les dettes contractées par un époux agissant seul dans l'exercice d'une profession qui lui était interdite ; les dettes résultant d'un acte qu'un époux a accompli seul alors que cet acte ne pouvait être accompli que de l'accord des deux époux, soit en vertu de la loi (voy. les articles 2.3.31, al. 2, 2.3.32 et 2.3.33 C. civ.), soit en vertu d'une décision judiciaire (voy. les articles 2.3.35 et 2.3.40 C. civ., et 1253ter/4 et 5 C. jud.) ; les dettes résultant d'une condamnation pénale prononcée contre un seul époux ou d'un délit ou quasi-délit commis par un seul époux, c'est -à-dire les dettes résultant de la responsabilité pénale ou civile incombant à un seul des époux. Énumération des dettes communes les dettes communes expressément qualifiées par les textes légaux Il s’agit, en vertu de l’article 2.3.25 du Code civil : des dettes contractées conjointement ou solidairement par les deux époux ; 35 des dettes contractées par un des époux pour les besoins du ménage et l'éducation des enfants; des dettes contractées par un des époux dans l'intérêt du patrimoine commun ; des dettes grevant les libéralités faites aux deux époux conjointement ou à l’un d’eux avec stipulation que les biens donnés ou légués seront communs ; de la charge des intérêts qui sont l’accessoire de dettes propres à l’un des époux ; des dettes alimentaires au profit des descendants d'un seul des époux. les dettes qui n'ont pas été expressément qualifiées de dettes propres par les textes légaux. L'exemple le plus significatif est celui des dettes contractées par un des époux pour l'exercice de sa profession, sauf si cette profession lui a été interdite. Voy. à propos des dettes professionnelles, Liège, 29 mars 1990 et Liège, 5 janvier 1990, R.G.D.C., 1993, p. 321, et la note Ph. De Page. Le premier arrêt qualifie correctement de dette commune la facture laissée impayée par le mari pour la fourniture de mazout à son fonds de commerce de garage, tandis que le second arrêt qualifie à tort de dette propre une ouverture de crédit consentie au mari, sans le consentement de son épouse, pour financer une activité complémentaire d’électricien indépendant, alors qu’il s’agissait précisément d’une dette professionnelle, même si cette dette résultait d’un emprunt. B. Le recours des créanciers On pourrait croire, à première vue, qu’une dette commune sera une dette que les créanciers ne peuvent recouvrer que sur le patrimoine commun, tandis qu’une dette propre serait une dette que les créanciers ne pourraient recouvrer que sur le patrimoine propre de l’époux ayant contracté la dette. Or, telle n’est pas nécessairement la solution. Le recours des créanciers pour une dette propre Le principe Les créanciers d'une dette propre n'ont de recours que sur le patrimoine propre de l'époux qui a contracté la dette (art. 2.3.26, § 1er C. civ.). Les exceptions Une exception générale pour toutes les dettes propres : les créanciers ont recours sur les revenus du débiteur de la dette propre, bien que ces revenus appartiennent au patrimoine commun (art. 2.3.26, § 1er C. civ.). 36 Trois exceptions particulières pour certaines dettes propres : les dettes propres par origine : recours sur le patrimoine commun à concurrence de l'enrichissement de ce patrimoine résultant de l'absorption de biens propres (art. 2.3.26, § 2 C. civ.) ; les dettes procédant d'une profession interdite ou d'actes qui supposaient le consentement du conjoint : recours sur le patrimoine commun à concurrence du profit retiré par ce patrimoine (art. 2.3.26, § 3 C. civ.) ; les dettes délictuelles : en cas d’insuffisance du patrimoine propre de l’époux débiteur, recours sur la moitié de l'actif net du patrimoine commun, c'est-à-dire après déduction des dettes communes (art. 2.3.26, § 4 C. civ.). Le recours des créanciers pour une dette commune a) Le principe Une dette commune est une dette qui, en principe, permet au créancier de se faire payer sur les trois patrimoines (art. 2.3.27 et 2.3.28, al. 1er C. civ.). Comme la dette est commune et qu’elle engage, par conséquent, les deux époux, le législateur a en effet considéré qu’il était a priori cohérent que le créancier puisse se faire payer sur l’ensemble des patrimoines des deux époux. La dette commune est donc, en principe, et dans ce cas, dite « parfaite ». b) Les exceptions Par exception, certaines dettes communes, contractées par un seul des époux, n’engageront que deux patrimoines : le patrimoine commun et le patrimoine propre de l’époux qui les a contractées (voy. le texte de l’article 2.3.28., alinéa 2 du Code civil). La doctrine a qualifié ces dettes de « dettes communes imparfaites » (par opposition aux « dettes communes parfaites » qui peuvent être recouvrées sur les trois patrimoines). Le législateur a expressément énuméré à l'article 2.3.28, al. 2 du Code civil quatre catégories de dettes communes imparfaites : les dettes contractées par un des époux pour les besoins du ménage et de l'éducation des enfants lorsqu'elles entraînent des charges excessives, eu égard aux ressources du ménage; les intérêts des dettes propres à l'un des époux; les dettes contractées par un des époux dans l'exercice de sa profession; les dettes alimentaires au profit des descendants d'un seul des époux. 37