Le Désir et le Bonheur PDF

Summary

Ce document explore la nature du désir et son lien avec le bonheur. Il examine différentes perspectives philosophiques sur la manière de gérer ses désirs et d'atteindre une forme de satisfaction durable. Il analyse les notions de plaisir, de souffrance, et de la nécessité de maitriser ses désirs pour accéder au bonheur.

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Le Désir et le Bonheur Introduction 1: Le désir semble constituer un manque à combler. La recherche d’une satisfaction, et l’objet procurant le plaisir seraient très subjectifs. Le désir serait ainsi l’envie de posséder des choses, et le plaisir viendrait de la satisfaction du désir subjectif et pe...

Le Désir et le Bonheur Introduction 1: Le désir semble constituer un manque à combler. La recherche d’une satisfaction, et l’objet procurant le plaisir seraient très subjectifs. Le désir serait ainsi l’envie de posséder des choses, et le plaisir viendrait de la satisfaction du désir subjectif et personnel. La société de consommation semble coloniser les désirs. Dans son autobiographie, Les Années, Annie Ernaux propose une description des années 2000 montrant comment la société de consommation a investi les désirs. Ainsi, notre vie quotidienne est analysée par les industriels qui créent des produits afin que nous les achetions. Cependant, le désir des choses, une fois satisfait, me rend-il heureux ? La satisfaction de tous nos désirs est-elle réellement source de bonheur ? Pourquoi devons-nous maitriser nos désirs ? Pouvons-nous les nier ? Quelle serait la vraie nature du désir ? I. Pourquoi devons-nous maitriser nos désirs ? La définition du désir met en évidence le fait que nous désirons ce qui nous manque, mais il est impossible de tout posséder. Si tout ce que je n’ai pas me manque, mes désirs sont sans limite. Ainsi, le manque et la souffrance ressentis lorsque nous désirons, et le renouvellement incessant de nos désirs, semblent rendre nécessaire une maîtrise de désirs. A. La satisfaction de tous les désirs ne rend pas heureux Les hommes désirent, et lorsqu’ils ont obtenu ce qu’ils désiraient, un nouveau désir renaît, ainsi ils ne cessent jamais de désirer, et de ressentir le manque du désir. D’après Schopenhauer 2, la satisfaction des désirs est courte et illusoire. Celui qui désire manger un gâteau au chocolat n’éprouve qu’un plaisir bref et instantané, remplacé par le désir d’autre chose ou l’écœurement d’avoir trop mangé. La satisfaction est donc négative, elle n’est qu’absence de douleur. Seul ce que nous ressentons véritablement, la souffrance, est positif et concrètement vécu. Quoi qu’il arrive alors, désirer c’est souffrir. Donc, selon Schopenhauer, l’homme est incapable de se réjouir durablement de ce qu’il possède, tandis qu’il verra toujours ce qui lui manque. (Il ne sera pas heureux d’être libre et en bonne santé, mais sera malheureux des biens ou des richesses qui lui manquent). Dans ces conditions, il serait donc illusoire de croire pouvoir être heureux : l’homme serait condamné au malheur et le bonheur lui est inaccessible. Si on définit le bonheur par sa durée, il semble que nous soyons incapables aussi bien de l’atteindre que de le goûter. Le bonheur désignerait une réalité contradictoire qui ne pourrait jamais se produire étant donné qu’il semble reposer sur deux exigences inconciliables : pour être heureux, il nous faudrait à la fois l’intensité de la joie et la stabilité d’un sentiment durable. Nous ne trouvons donc jamais le repos à moins de renoncer au désir en pratiquant l’ascétisme qui peut mener à un état de tranquillité. B. La bonne gérance des désirs mène au bonheur Si la nature nous indique par le plaisir ce que nous devons rechercher et par la douleur ce que nous devons éviter, on ne peut pas nier le fait que certains plaisirs immédiats peuvent provoquer de la douleur à long terme. Ne faudra-t-il pas alors y renoncer ? Ne faudrait-il pas hiérarchiser les désirs afin d’aboutir à l’état de l’ataraxie (absence de trouble de l’âme) ? L’hédonisme encourageant l’être humain à se jeter à corps perdu dans tous les plaisirs, sans ordre et sans tri, mène rarement au bonheur. Une vie dissolue n’est pas une vie heureuse parce qu’on lâche souvent des plaisirs essentiels pour d’autres, superficiels et éphémères. C’est pourquoi, selon Epicure3, le véritable bonheur est inséparable de la pratique de la vertu, c’est-à-dire de la maitrise de soi et de la modération. Le plaisir n’est pas donc dans l’abondance. Le bonheur est possible : il suffit d’établir une classification des désirs et veiller à ne désirer que conformément à la nature. C. Changer les désirs qui nous rendent malheureux Cependant, si nous désirons changer ce qui est, alors que cela est impossible, nous risquons de nous sentir impuissant. Si je tombe malade, cela ne dépend pas de moi, il est vain de vouloir que cela ne soit pas. Ainsi, selon Epictète, nous ne devons chercher à modifier que ce qui dépend de nous, et accepter ce qui arrive et sur quoi nous n’avons aucun pouvoir. Il ne dépend pas de moi que ma mère tombe malade, mais ce qui dépend de moi c’est l’opinion que je formerai de sa maladie : si j’accepte ce fait comme quelque chose qui e dépend pas de mon pouvoir, je peux alors trouver le repos. Cette acceptation est même une volonté : si nous nous efforçons de vouloir ce qui est, pas seulement de le subir mais aussi de l’accueillir, alors nous pouvons être heureux et libre, atteignant ainsi l’impassibilité du sage. Epictète4, dans son Manuel, affirme qu’il faut contrôler le désir, par le moyen d’une distinction entre ce qui dépend de nous et ce qui n’en dépend pas. Pour rester libre, je dois désirer ce qui est à ma portée. Le seul moyen de contrôler le désir, selon les stoïciens, est de faire un effort de volonté. C’est donc la volonté est qui nous permet de nous déterminer à faire une chose plutôt qu’une autre ; contrairement au désir, elle est orientée par la raison qui nous permet de distinguer le vrai du faux et le bien du mal. II. Pouvons-nous nier nos désirs ? Si le fait de désirer nous expose à la souffrance et parait déraisonnable, un raisonnement pourrait-il nous convaincre de limiter nos désirs ? Pouvons- nous résister aux désirs ? Contrôler ses désirs n’est-il pas contre nature ? A. La morale est inventée par les faibles Si nous voulons profiter de cette existence, il est naturel de satisfaire les désirs, disent les sophistes ; la morale contraignante qui nous condamne à l’insatisfaction par le contrôle des désirs n’est-elle pas inventée par des êtres faibles qui sont incapables de se faire plaisir ? Calliclès revendique l’intempérance et la jouissance, contre une morale du contrôle de soi (tempérance) présentée par Socrate. En effet, selon Calliclès5 ce ne sont pas les désirs dont la satisfaction est impossible qui nous asservissent, mais les règles de modération. B. La sanction morale n’est pas toujours légitime On accuse souvent le plaisir d’être coupable. Mais si nous efforcions de faire le bien et de renoncer pour cela à certains de nos désirs, cela nous préserverait-il du sentiment de culpabilité ? Pas nécessairement, car la psychanalyse a montré qu’un désir refoulé ne disparait pas pour autant. Sa présence lancinante peut nous rendre malade. Faut-il pour autant céder à tous ses désirs ? Une solution se trouve dans la sublimation qui est le processus par lequel le sujet oriente son désir vers des buts socialement valorisés. Une pulsion d’agressivité peut être satisfaite dans la création artistique ou la compétition sportive. C. La fidélité est contraire à la nature du désir Dom Juan6 revendique la satisfaction de ses désirs. Il refuse de se sentir coupable de séduire toutes les femmes qui lui plaisent et de les abandonner. Ne se lier qu’à une seule personne marque, selon lui, la mort du désir, et la fin du plaisir. C’est dans l’effort que nous faisons pour obtenir ce qui nous tient a cœur que se trouve le plaisir véritable « mais lorsqu’on en est maitre une fois, il n’y a plus rien a dire, ni rien a souhaiter » (Dom Juan, Molière, Acte I scène 2). Ainsi s’il nous faut « suivre la nature », ce n’est pas en contrôlant les désirs que nous y arriverons, mais au contraire en suivant le désir lui-même qui réclame le changement. III. Quelle est la vraie nature du désir ? Pour sortir de l’alternative qui consiste soit à écouter nos désirs, soit à les maîtriser, ne faut-il pas changer notre compréhension du désir ? Le désir n’a-t-il pas également une dimension créatrice et active ? A. Le désir peut nous mener au Bien Ce n’est pas parce que le bien est distinct du plaisir qu’ils ne peuvent pas s’harmoniser. Un désir peut même nous donner l’occasion d’aspirer au bien. Pour Platon, le plaisir éprouve à la vue de la beauté d’un corps permet à l’esprit d’accéder à l’idée et au principe de la beauté, qui peut le mener alors au principe de toute chose, c'est-à-dire au Bien selon Platon dans le Banquet. B. Le désir non satisfait est déjà plaisir Nous pensons que c’est dans la suppression du désir, une fois qu’il est satisfait, que le plaisir apparait. Or, de façon paradoxale, Rousseau remarque que l’inquiétude dans laquelle nous vivons lorsque nous désirons est source de plaisir : désirer une chose n’est-ce pas l’imaginer et éprouver du plaisir en songeant au plaisir à venir ? Le manque engendré par l’attente est fécond, Platon nous le dit dans le mythe de la naissance d’Eros dans le Banquet 7: Socrate y parle de l’amour (Eros), fils de Poros (l’abondance) et de Pénia (la pauvreté), qui n’est jamais satisfait, le désir qui tient le milieu entre le savoir et l’ignorance pousse alors à philosopher. Celui qui sait ne désire pas ce qu’il a déjà, celui qui est ignorant ne connait pas ce qu’il y aurait à savoir, seul celui qui sait qu’il ne sait pas désire savoir, ainsi est-il philosophe. CONCLUSION8 L’existence humaine est soumise à un double changement : le monde est en perpétuel devenir, et nous changeons sans cesse. Ce qui nous rend heureux aujourd’hui ne nous plaira donc peut-être plus demain. Cette évolution est imprévisible. C’est pourquoi les projets de bonheur semblent être remis au hasard et à la chance. Cependant, dire que le bonheur est une question de chance signifie qu’il ne dépendrait que des circonstances. Il y a donc une dimension subjective au bonheur. Celui-ci serait moins un objet qu’un rapport entre moi et le monde. Je suis malheureux lorsque la réalité ne correspond pas à ma volonté. Mais, si je ne peux pas toujours changer le monde, je peux du moins agir sur ma volonté. Ainsi, selon Marc Aurèle, l’homme qui se désole d’une chose sur laquelle il ne peut rien se rend lui- même malheureux. Il ajoute aux circonstances le regret et la colère qui font son malheur. Afin de distinguer le bonheur humain de l’abrutissement des sens, il faut donc reconnaître que la vertu passe avant le contentement. Cela permet alors de penser un bonheur durable : l’exercice de mon libre arbitre est source d’une satisfaction qui échappe aux circonstances. En ne voulant qu’être libre, j’obtiens un bonheur qui ne dépend que de moi. En plus de nous mettre à l’abri du malheur, cette maîtrise de soi est aussi source de satisfaction. 1 Cf. Séance A Distinctions conceptuelles 2 Cf. Séance B Une thèse radicale : le désir est souffrance (Schopenhauer)Arthur Schopenhauer, Le Monde comme Volonté et comme Représentation, t. 1, chap. 57. 3 Cf. Séance B Trier et maîtriser ses désirs plutôt que les supprimer (Épicure) Lettre à Ménécée, §132 4 Cf. Séance C Epictète, Entretiens, IV 6 et 11. 5 Cf. Explication du texte Calliclès 6 Cf. Séance C (Dom Juan, Molière, Acte I scène 2) 7 Cf. Séance C Le Mythe de la naissance d’Eros 8 Cf. Séance D

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