LE MARKETING - 3e édition - PDF

Summary

Ce livre examine la nature du marketing, son dynamisme, et différentes approches de gestion. L'ouvrage explore les concepts de segmentation et de ciblage, la responsabilité sociale ainsi que l'éthique en marketing.

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CHAPITRE 1 La nature du marketing Sommaire...

CHAPITRE 1 La nature du marketing Sommaire Objectifs d’apprentissage 1.1 La véritable nature du marketing............. 3 À la n de ce chapitre, vous devriez pouvoir : 1.2 Qu’est-ce que le marketing ?................. 7 OA1 dénir le marketing ; 1.3 Le marketing de quoi ?... de tout !............. 8 1.4 Le dynamisme du marketing................ 17 OA2 expliquer en quoi consiste le marketing ; 1.5 Les optiques de gestion du marketing........ 19 OA3 comprendre les particularités des 1.6 La responsabilité sociale des entreprises champs d’application du marketing ; et le marketing........................... 22 OA4 comprendre la complémentarité 1.7 L’éthique en marketing..................... 24 de trois nouvelles orientations du Points saillants................................ 30 marketing traditionnel ; Questions de compréhension................... 31 OA5 exposer les quatre optiques de Questions de réexion......................... 32 gestion du marketing et les nouvelles Étude de cas.................................. 32 tendances ; Notes........................................ 33 OA6 saisir l’importance de la responsabilité sociale des entreprises ; OA7 comprendre la nature et l’importance de l’éthique en marketing. T out le monde a entendu parler du marketing. Mais bien des gens emploient le terme « marketing » sans vraiment en comprendre le sens. Certains n’ont qu’une vague idée de la nature du marketing, d’autres ne savent tout sim- plement pas de quoi il s’agit lorsqu’ils en parlent. Le mot « marketing » a, il est vrai, plusieurs signications. Pour un directeur des ventes, le marketing correspond naturellement à la vente. Pour un directeur de comptes au service d’une agence de publicité, le marketing, c’est la publicité, traditionnelle ou électronique – d’ailleurs, le grand public confond souvent marketing et publicité. Pour un enquêteur de la sécurité publique, le marketing pourrait évoquer l’utilisation frauduleuse de la technologie pour abuser par Internet de la bonne foi de gens crédules. En fait, le marketing est une discipline qui n’a pas de valeur en soi. Tout comme le droit. Un avocat étudie les textes de loi et apprend à les invoquer tantôt pour défendre des criminels, tantôt pour les accuser. Il peut travailler pour l’aide juridique, défendre des innocents, défendre la maa ou frauder une banque. Il en va de même pour le marketing : on peut s’en servir pour lancer un nouveau produit pharmaceutique qui sauvera des vies, pour améliorer la sécurité routière ou pour soutenir la cam- pagne de nancement d’un organisme de charité, mais aussi pour manigancer des affaires malhonnêtes. Les entrepreneurs, les propriétaires de petites et moyennes entreprises (PME), les gestionnaires de grandes entreprises, les agents de développement économique, les investisseurs, en fait tous ceux qui sont concernés par le succès des entre- prises estiment que le marketing est un outil de gestion essentiel pour réussir en affaires. Le secteur public et les organismes sans but lucratif (OSBL) ont découvert la rigueur, l’utilité, voire le pouvoir de cette discipline pour faire la promotion de leurs projets ou de leurs causes. L’emploi rationnel du marketing contribue donc au succès de nombreux produits ou services. L’expérience montre aussi que de ne pas faire de marketing ou d’en faire un mauvais usage peut entraîner l’échec, voire la faillite d’entreprises. On reproche souvent aux scientiques, aux techniciens et aux artistes de sous-estimer l’utilité du marketing. Parfois, on reconnaît que le mar- keting a contribué au succès de certaines entreprises, jusqu’à en exagérer le rôle ; d’autres fois, on lui attribue une puissance diabolique à l’origine de certains abus de notre société de consommation. Tout cela montre que le sujet reste méconnu. Cet ouvrage présente ce qu’est réellement le marketing, à savoir une façon de penser en même temps qu’une façon d’agir. Le chapitre 1 dénit la nature du marketing, ses champs d’application et leur spécicité, les nouvelles orientations et les optiques de gestion du marketing et, pour nir, la responsabilité sociale des entreprises et l’éthique en marketing. Le chapitre 2 traite sommairement du mix de marketing (ou marchéage), soit le produit ou le service, le prix, la distribution et la commu- nication, et décrit toutes les étapes de la planication du marketing, un élément essentiel de la gestion et du plan d’affaires de toute entreprise. Analyser l’environ- nement constitue une étape de cette planication du marketing ; c’est le sujet du chapitre 3. Un des principaux rôles de la fonction marketing consiste à mettre sur pied un système de veille an d’observer les changements qui se produisent dans l’environnement, à adapter l’entreprise en conséquence en modiant les produits et les services existants, ou à innover en trouvant de nouveaux marchés ou en mettant sur les marchés actuels de nouveaux produits et services qui répondent mieux aux besoins changeants des consommateurs et de la société. Le premier chapitre révèle ainsi que le marketing est une philosophie de gestion qui reconnaît l’importance de la clientèle pour la croissance de l’entreprise, ou même sa survie. Pour pouvoir satisfaire aux besoins des consommateurs, il est 2 Chapitre 1 nécessaire de savoir comment et pourquoi ils agissent de certaines façons. Aussi, le chapitre 4 est-il consacré à l’étude du comportement d’achat du consommateur. Le chapitre 5 se penche sur la recherche en marketing : l’un de ses objectifs est de comprendre le processus de décision, le comportement d’achat et les émotions des consommateurs en général, en vue de concevoir ou de modier des produits ou services pour les rendre conformes aux attentes du marché ; un autre est de connaître le degré de satisfaction ou d’insatisfaction des clients actuels. Il en va de même pour les marchés organisationnels. Dans l’analyse de l’environnement externe d’une entreprise, il est essentiel de prendre en compte les marchés et les concurrents. C’est ce qu’expose le chapitre 6, avec lequel prend n la présentation des fondements du marketing. Les huit autres chapitres portent sur la gestion du marketing. Les chapitres 7 et 8 présentent des stratégies de base du marketing, à savoir la segmentation, la différenciation et le positionnement. On y décrit les avantages et les variables de la segmentation (chapitre 7) ainsi que les diverses manières de positionner et de différencier un produit ou un service sur le marché (chapitre 8). Les éléments du mix de marketing sont présentés en détail dans les chapitres 9 à 13. La gestion du produit ou du service, la pierre angulaire de l’offre de l’entreprise, est expliquée au chapitre 9. On y décrit les principaux moyens pour concevoir et lancer avec succès des produits et des services, ainsi que le concept de cycle de vie des produits. Au chapitre 10, il est question de la gestion du prix, un élément essentiel dans la décision du consommateur et un outil stratégique de gestion pour l’entreprise. On y examine les diverses façons de déterminer un prix ainsi que les principales stratégies employées pour y arriver. Une fois déterminés le produit ou le service, ses caractéristiques et son prix, il faut le mettre sur le marché, le rendre disponible, accessible. À l’origine, le marketing traitait presque exclusivement des moyens et des réseaux de distribution. La gestion des canaux de distribution, des différents intermédiaires et des fonctions d’échange est toujours au premier plan de la gestion du marketing. Cependant, de nos jours, on attribue aussi un rôle important à la logistique, laquelle se résume à rendre le bon produit disponible au bon endroit, en temps voulu et au coût le plus bas possible ; les logisticiens s’intéressent aux activités d’entreposage, de ravitaillement et de transport. Le chapitre 11 explique en quoi consistent la distribution et la logistique. Le chapitre 12 énumère les étapes du processus de communication, les composantes du mix de communication ainsi que différents éléments de la gestion des ventes. Le chapitre 13 traite du marketing électronique, le cybermarketing (e-marketing), et explique l’introduction en marketing de nouvelles technologies comme la géolocalisation, les médias sociaux, etc. Enn, le chapitre 14 est consacré à des éléments du management du marketing tels que l’organisation, la mise en œuvre et le contrôle. 1.1 La véritable nature du marketing Nous sommes tous, à des degrés divers, des consommateurs. Tout le monde est client d’une compagnie de télécommunications, d’Hydro-Québec, d’un cinéma, d’une boutique de vêtements, d’une librairie… Chacun achète des produits et des services, à peu près tous les jours. On lit les journaux, on écoute la radio, on regarde la télévision et on consulte régulièrement Internet, qui tous diffusent des messages publicitaires. En fait, dans notre société postindustrielle, le marketing intervient La nature du marketing 3 dans presque toutes les activités quotidiennes. En connaissant la véritable nature du marketing et le fonctionnement de son système, on augmente ses chances de devenir non seulement de meilleurs gestionnaires, mais aussi de meilleurs consommateurs, voire des consommateurs avertis. Pour l’étudiant en gestion ou en communication, il est indispensable de connaître le marketing pour comprendre la gestion et la planication d’une entreprise, et apprécier l’importance de la fonction marketing et de l’apport possible de la communication à cette fonction. La logique est simple : pas de clients, pas d’entreprise. Que l’on travaille en mana- gement, en production, en nance, en comptabilité, en gestion des ressources humaines ou en communication, on est tôt ou tard appelé à collaborer avec des mercaticiens. Il est donc essentiel de connaître la nature et le fonctionnement du marketing. Évidemment, si l’on opte pour une carrière en marketing – il existe de nombreuses possibilités à cet égard –, le présent ouvrage constitue un excellent point de départ pour des cours spécialisés en cette matière. La première partie de ce chapitre fait un bref historique du marketing, puis pré- sente diverses dénitions, tout cela dans le but de saisir sans grandes difcultés la véritable nature du marketing. 1.1.1 Un peu d’histoire Le marketing a toujours existé, même dans les civilisations dites primitives. Dans les économies de subsistance, les individus étaient relativement autonomes et pro- duisaient la plus grande partie des biens dont ils avaient besoin pour survivre. Ils cultivaient des fruits et des légumes, élevaient des animaux pour l’alimentation et l’habillement, fabriquaient des outils et bâtissaient eux-mêmes leur demeure. Mais ils ne pouvaient pas tout produire. Il existait déjà un certain degré de spécialisation. Certains étaient plus habiles en agriculture ou à la pêche, d’autres dans l’éle- vage du bétail ; certaines femmes cousaient ou fabriquaient de la poterie, d’autres s’occupaient à leur métier à tisser. De nos jours, on rencontre encore cette forme d’économie dans certains pays en voie de développement. Les gens se rendaient alors sur la place publique pour échanger certains produits qu’ils avaient en surplus contre d’autres dont ils avaient besoin. On a vu apparaître divers commerçants et intermédiaires. Le troc étant devenu peu pratique, on ins- titua alors la monnaie. Se développèrent ensuite les marchés, des lieux publics où l’on se rencontrait pour vendre et acheter des biens, et pour socialiser. Le terme « marketing » vient d’ailleurs du mot anglais market, qui signie « marché ». Avec le temps, la spécialisation se t de plus en plus grande et les artisans se mul- tiplièrent : bottiers, forgerons, maréchaux-ferrants et luthiers avaient leur clientèle. Puis, de petits producteurs rent leur apparition, des artisans travaillant seuls ou avec quelques employés ou apprentis. On commença à fabriquer des biens en plus grande quantité, parfois en prévoyant la demande. Les vendeurs n’avaient qu’à trouver des acheteurs qui voulaient de leurs produits. On s’entendait sur un prix. Le client payait le producteur ou le commerçant, et ce dernier pouvait dépenser le produit de la vente comme bon lui semblait : pour payer ses employés, pour acheter de la marchandise ou pour répondre à ses besoins personnels. Le système de marketing était né, sous la forme que l’on appelle de nos jours le « macromarketing ». Pour que le marketing soit possible, il doit y avoir des échanges entre deux parties qui ont pour but de satisfaire des besoins. En fait, il y avait déjà des commerçants dans l’Antiquité, on en parle dans la Bible et, pendant des siècles, 4 Chapitre 1 on importa de la soie de la Chine et des épices de l’Orient. À un bout de la chaîne se trouvaient des producteurs, des agents de commerce ou intermédiaires et, à l’autre bout, des commerçants et des consommateurs. Avec la révolution industrielle, en même temps que se développaient les centres urbains et que déclinait la vie rurale, un système plus élaboré se mit peu à peu en place. Le jeu de l’offre et de la demande se t plus complexe et capta l’attention des économistes. Au début, le mar- keting était grandement tributaire de la théorie économique, mais les mercaticiens concentraient leurs efforts sur les éléments de marketing du système économique, c’est-à-dire sur les actes de commerce des manufacturiers, des intermédiaires, des commerçants, des clients et des consommateurs en général. C’est au début du xxe siècle que la discipline du marketing prit réellement forme et que les premiers cours de marketing furent donnés dans des universités américaines1. Le principal sujet d’intérêt était alors la distribution. C’est d’ailleurs pourquoi cer- tains spécialistes croient encore aujourd’hui que la distribution constitue l’élément fondamental du marketing. Un peu plus tard, on s’intéressa non seulement aux grossistes et aux commerces de gros et de détail, mais aussi à la commercialisation des produits et à diverses activités commerciales, comme la publicité et la vente. Le mot « marketing » a commencé à prendre un autre sens après la Première Guerre mondiale : les termes « surplus » et « surcapacité » s’introduisirent dans le vocabulaire économique courant. Les moyens de production s’étaient grande- ment développés, de même que la productivité ; la fabrication s’imposait moins à l’attention que la mise en marché des produits. On commença alors à mener des études de marché et à faire de la publicité pour équilibrer l’offre et la demande. Malheureusement, la Grande Dépression des années 1930 – aussi appelée la Dépression –, qui résulta du krach de la Bourse en 1929, se traduisit par un choc économique et social qui dura une décennie. La Dépression fut marquée par une économie chancelante, des fermetures d’usines, des millions de personnes sans emploi, un climat social morose et, évidemment, une diminution des dépenses de consommation, ce qui retarda la reprise économique jusqu’au début de la Seconde Guerre mondiale. On assista alors à une certaine remontée de l’économie, mais la majeure partie des activités industrielles fut alors consacrée à l’effort de guerre. Après la Seconde Guerre mondiale, le marketing franchit une nouvelle étape. Dans un contexte de production de masse, de souci de la qualité, d’aisance relative dans les pays développés et de boum des naissances, on vit apparaître le concept moderne du marketing. De nombreuses entreprises avaient déjà épousé une optique marketing, dirigeant leur attention sur le client et orientant leurs opérations vers le marché. Des changements importants s’opérèrent dans la distribution avec l’apparition des centres commerciaux, des magasins à grande surface, des chaînes de commerce de détail. Dans les années 1980, on commença à s’intéresser au marketing de services. Les services comptent aujourd’hui pour plus des deux tiers du produit intérieur brut du pays et fournissent environ les trois quarts des emplois2. On parle aussi de marketing d’idées, de marketing de causes et de marketing politique. Dans les années 1990, les nouvelles techno- logies inuencèrent grandement la pratique du marketing ; apparurent alors le commerce électronique et les services bancaires à domicile. Puis, avec la plus grande pénétration d’Internet dans les foyers au cours des années 2000, on assista à une révolution dans l’achat de billets de spectacles, de services d’hô- tellerie et de transport aérien. De nos jours, plusieurs services sont accessibles et permettent d’effectuer des achats ou même de faire des transactions ban- caires en déplacement, directement, grâce au téléphone intelligent, et ce, peu La nature du marketing 5 importe l’heure ou le jour. Parallèlement, la place du marketing dans le secteur public et dans les organismes sans but lucratif s’est accrue. Le marketing a donc beaucoup évolué. Il est maintenant omniprésent dans notre économie et constitue un moteur puissant de développement économique. Il est devenu un outil de gestion essentiel dans les secteurs primaire, secondaire et tertiaire. Il sert à la mise en marché de biens et services d’usage quotidien (lait, transport en commun), usuels (livres, vêtements, services d’impôt, comptes de chèques ou d’épargne) ou complexes (ordinateurs, cinémas maison, automobiles, hypothèques, REER, FERR), ainsi que de services et de biens industriels destinés au marché local ou à l’exportation. 1.1.2 La dénition du marketing On peut dénir le marketing de bien des façons. Avant tout, il y a lieu de préciser qu’il en existe deux types : le macromarketing et le micromarketing. Le macro- marketing a généralement rapport au système de production et de distribution dans son ensemble. Il désigne le processus social qui dirige le ux de biens et ser- vices des producteurs aux consommateurs, pour harmoniser l’offre et la demande, tout en permettant à la société d’atteindre ses objectifs3. Les producteurs ont des visées, des capacités, des habiletés et des ressources différentes ; et les consom- mateurs ont des besoins, des goûts et des moyens différents. Le micromarketing concerne l’accomplissement d’activités qui permettent à une organisation d’atteindre ses objectifs en répondant aux besoins des clients et des consommateurs et en dirigeant vers eux le ux de biens et services qui répondent à leurs besoins4. Le présent ouvrage traite surtout de micromarketing. OA1 Voici maintenant quelques dénitions bien connues du marketing. Une qui date déjà de plusieurs années, mais qui a servi de base à bien d’autres, a été formulée en 1948 par la principale association professionnelle de marketing, l’American Marketing Association : « Le marketing est la mise en œuvre d’activités commer- ciales qui dirigent le ux de biens et services du producteur aux consommateurs ou utilisateurs5. » La dénition sociale suivante se révèle bien préférable : « Le marketing est un processus sociétal par lequel les individus et les groupes satisfont leurs besoins et désirs au moyen de la création et de l’échange libre de produits et services ayant une valeur pour autrui6. » Cette dénition repose sur plusieurs concepts de base, à savoir le processus sociétal, le besoin, le désir, l’échange et la valeur. De nombreux auteurs considèrent que l’objet fondamental du marketing est l’échange. Il est aussi nécessaire de dénir également le terme dans une perspective de management, puisque le marketing est une fonction importante de gestion ou de management de l’entreprise. Nous retenons à cet égard une autre dénition de l’American Marketing Association : « Le management du mar- keting est le processus de planication et de mise en œuvre de la conception, du prix, de la promotion et de la distribution d’idées, biens et services en vue d’effec- tuer des échanges qui satisfont aux objectifs des individus et des organisations7. » Pour conclure, on peut dénir simplement le management du marketing de la façon suivante : faire du marketing, c’est gérer des échanges entre une organisation et ses marchés. Dans une organisation, on peut envisager le marketing de quatre façons différentes, présentées dans la section suivante. 6 Chapitre 1 1.2 Qu’est-ce que le marketing ? Les entreprises peuvent avoir des conceptions diverses du marketing. On a dit plus OA2 haut qu’il s’agissait à la fois d’une façon de penser et d’une façon d’agir. Voici en quoi consiste le marketing, qui peut être vu comme une philosophie de gestion, une fonction de l’entreprise, une démarche et un ensemble de pratiques 8. 1.2.1 Une philosophie de gestion Le marketing est une philosophie de gestion en ce qu’il fournit un principe général sur lequel fonder la conduite d’une entreprise. Suivant ce principe, la clientèle et le marché devraient guider les opérations de toute entreprise. Cette manière de voir correspond à l’optique marketing, que l’on étudiera en détail un peu plus loin. Dans cette optique, le succès d’une entreprise dépend de son aptitude à prospecter les marchés, à discerner les besoins des clients actuels ou futurs et à y pourvoir de façon à ce que les clients soient satisfaits. La clientèle est considérée comme un actif important de l’entreprise. 1.2.2 Une fonction de l’entreprise Dans une entreprise, les tâches sont effectuées par des individus qui œuvrent dans des unités fonctionnelles 9. En fait, gérer une entreprise consiste à assurer l’intégra- tion de plusieurs types d’unités fonctionnelles sur la base de diverses fonctions : gestion du marketing, gestion des nances, gestion de la production ou des opéra- tions, gestion des ressources humaines, gestion des relations de travail, gestion des systèmes informatiques et gestion de la technologie. La fonction marketing a pour objet de dénir les relations entre l’entreprise et le marché, de discerner les chan- gements qui surviennent dans la société, de reconnaître et de satisfaire les besoins des clients, d’assurer l’accessibilité des biens et des services au marché, ainsi que de gérer les échanges et les relations avec les clients. Le marketing joue un rôle déterminant dans la gestion des entreprises. C’est le mar- keting qui amène l’eau au moulin. On l’a déjà dit et il faut le rappeler : pas de clients, pas d’entreprise. Les activités de recherche, de développement technologique et de production devraient être guidées par le service de marketing, qui cerne les besoins du marché, les percées des concurrents et le degré de satisfaction ou d’insatisfaction des clients. Les budgets prévisionnels ne peuvent être élaborés tant que le service de marketing n’a pas énoncé les estimations de la demande et les prévisions de ventes. Ces données inuent directement sur les besoins en ressources humaines, en nance, en production et gestion des opérations, et en systèmes informatiques. 1.2.3 Une démarche Faire du marketing dans une entreprise, cela veut dire faire le management du marketing, c’est-à-dire planier, organiser, mettre en œuvre et contrôler les acti- vités de marketing. Le premier élément de cette démarche est la planication, étudiée en détail au chapitre suivant. Les principales parties du plan sont l’ana- lyse de l’environnement interne et de l’environnement externe de l’entreprise, la dénition de la mission et des objectifs de marketing, et le choix des stratégies de marketing. Une fois le plan conçu, on doit l’appliquer. Il faut déterminer qui fera quoi et comment, c’est-à-dire s’occuper de l’organisation et de la mise en œuvre des stratégies et réaliser les activités planiées. Il faut s’assurer enn que les objectifs xés au moment de la planication ont été atteints et, s’ils ne l’ont La nature du marketing 7 pas été, rechercher pourquoi et apporter les correctifs nécessaires. C’est là le but du contrôle. Et l’information obtenue au moment du contrôle servira à mieux planier le prochain exercice. 1.2.4 Un ensemble de pratiques La pratique du marketing repose enn sur un ensemble d’activités. Les mercaticiens utilisent plusieurs outils de gestion. Faire du marketing, dans la pratique, consiste à étudier le comportement des consommateurs, à effectuer des sondages et des entrevues individuelles ou de groupe ainsi que des études de marché, à mettre au point et à lancer de nouveaux produits et services, ou à assurer un excellent service à la clientèle. On utilise plusieurs outils de gestion pour actualiser le mix de marketing. En plus des décisions cruciales concernant les produits ou services, on parle aussi de décisions au sujet du prix, de la distribution et de la communica- tion (publicité, commandite, promotion des ventes, relations publiques, marketing direct, gestion du site Web et des réseaux sociaux, ventes et service à la clientèle). À cela s’ajoutent diverses décisions touchant la structure organisationnelle de la fonction marketing, la gestion des ressources humaines, telles que le recrutement et la formation du personnel de recherche en marketing, du personnel chargé du service à la clientèle et des représentants de commerce. Toutes ces dénitions permettent de mieux comprendre ce qu’est le marketing. Les horizons de cette discipline se sont toutefois grandement ouverts au cours des deux dernières décennies. Pour se familiariser davantage avec le marketing, on se penchera maintenant sur ses multiples champs d’application. 1.3 Le marketing de quoi ?... de tout ! OA3 À l’origine, on l’a déjà mentionné, le marketing s’occupait de la distribution de produits de consommation durables ou non durables fabriqués par des entreprises privées ; ces produits pouvaient être d’achat courant, rééchi ou de spécialité. Toutefois, outre les individus, les entreprises achètent aussi une grande variété de produits. Les individus et les entreprises achètent non seulement des produits, mais aussi des services. De plus, ils achètent des produits et des services à des entreprises privées comme à diverses autres organisations telles que les orga- nisations publiques ou parapubliques, ou les organismes sans but lucratif. En conséquence, les champs d’application du marketing sont devenus multiples et chacun a ses particularités. 1.3.1 Le marketing de produits aux consommateurs Le marketing tel que nous le connaissons aujourd’hui résulte de l’évolution de la gestion du marketing de produits. Celui-ci repose sur l’étude des activités de conception et de développement de nouveaux produits, de la création et de la ges- tion de marques, de la gestion de la distribution et de la logistique de biens maté- riels ainsi que de la mise en marché proprement dite, qui fait appel aux différents outils de communication. Le produit demeure la pierre angulaire de la stratégie de marketing. Pour bien des gens, c’est l’outil fondamental du marketing. L’étude du produit s’impose donc dans cet ouvrage. Mais qu’entend-on par produit ? Au sens large, un produit est tout ce qui peut être offert pour satisfaire un besoin ou un désir. Ce peut donc être un bien, un service ou même une idée. La gestion 8 Chapitre 1 des produits a tellement marqué le domaine du marketing que, de nos jours encore, dans la pratique du marketing de services, on parle de « produit nancier » et de « produit touristique ». Cependant, en règle générale et dans la langue de tous les jours, quand on parle de produits destinés aux consommateurs, on fait référence à des biens matériels, tangibles. Ces biens peuvent être des produits de masse, comme les vêtements fabriqués en usine, ou des produits de fabrication artisanale, comme un habit confectionné par un tailleur. La publicité ci-dessous illustre un exemple de mes- sage publicitaire conçu pour un produit destiné aux consommateurs. Les produits peuvent faire l’objet d’un conditionnement recherché, comme les cosmétiques et les parfums, ou d’un conditionnement minime, comme les noix vendues en vrac dans un supermarché. Les produits doivent être entreposés ou transportés. Outre les attributs physiques, on considère notamment, au moment de l’évaluation, la qualité, le rendement, la durabilité, le style, le design et la marque de commerce. Les produits peuvent être assortis d’une garantie plus ou moins totale ou d’un service après-vente plus ou moins étendu, comme en ce qui concerne une automobile. Ils peuvent être mis en vente dans des magasins à grande surface, des boutiques spécialisées, des dépositaires autorisés, par catalogue ou par voie électronique. Ils peuvent être offerts seuls ou combinés avec d’autres produits ou avec un ou plusieurs services, ceux-ci pouvant constituer une partie plus ou moins importante de l’offre d’une entreprise. En fait, l’offre d’une entreprise peut aller d’un produit pur à un service pur. On distingue cinq catégories d’offre10. 1. Un bien matériel pur. L’offre concerne un produit tel que du savon, de la pâte dentifrice ou du sel. Aucun service n’est rattaché au produit. 2. Un bien matériel accompagné d’un service. On propose à la fois un produit et un ou plu- sieurs services qui accroissent la valeur du produit et l’attrait qu’il exerce sur le consom- mateur. Appartiennent à cette catégorie d’offre le service à la clientèle, la garantie ou le ser- vice d’entretien fournis par les manufacturiers d’automobiles, d’appareils électroménagers, ainsi que l’assistance technique et les ser- vices d’installation assurés par les fabricants d’ordinateurs. 3. Un service hybride. Dans le secteur de la restauration, on considère non seulement la qualité du service et l’atmosphère du res- taurant (relativement intangibles), mais aussi la qualité de la nourriture et le décor (relati- vement tangibles). 4. Un service principal assorti de biens et Un message publicitaire conçu pour un produit destiné aux consommateurs de services secondaires. Dans le transport La nature du marketing 9 aérien, par exemple, le service principal est constitué du service de trans- port, avec comme complément le service à bord de l’appareil. Pour être réalisé, ce service, intangible en soi, requiert l’usage d’un bien tangible, l’avion, qui implique des investissements considérables (par exemple, un Boeing 777 300ER coûte environ 350 millions de dollars). Au service principal s’adjoignent des éléments matériels, comme les sièges et les repas. 5. Un service pur. L’offre porte essentiellement sur un service. Le service consiste en une action (intangible par nature), comme l’émission d’un diagnostic par un neurochirurgien ou l’estimation, par un spécialiste du marketing, de la demande concernant un nouveau train de banlieue. 1.3.2 Le marketing de services aux consommateurs Un service peut être déni comme suit : un service est un acte, une activité ou une prestation offert par une partie à une autre partie, qui a pour effet de créer de la valeur, qui apporte des avantages aux parties et qui ne comporte pas de transfert de propriété. L’industrie des services est très vaste. Mentionnons notamment les services nan- ciers, le tourisme, l’hôtellerie et la restauration, le transport de personnes (par avion, train ou autobus) ou de marchandises (par voie terrestre, aérienne ou maritime), les services professionnels (comptables, avocats, scalistes, conseillers en manage- ment), les services personnels (coiffure, esthétique), les soins de santé, publics et pri- vés (médecine, physiothérapie, optométrie, acupuncture) et l’éducation publique ou privée. Le commerce de détail, traditionnel ou électronique, et le commerce de gros sont aussi des services. La publicité ci-contre montre un exemple de message publicitaire conçu pour un service destiné aux consommateurs. Quatre caractéristiques distinguent les services des produits11. 1. L’intangibilité. Parce que les services sont des actions et des prestations et non pas des objets, ils ne peuvent être vus, goûtés, sentis ni touchés. Pour plusieurs, c’est là la principale caractéristique qui distingue les services des produits. L’intangibilité des services suscite de l’incertitude chez les acheteurs potentiels, car le risque perçu à l’achat est plus élevé que dans le cas de produits, les services pouvant difcilement être évalués avant l’achat12. Pour venir à bout de cette incertitude, l’acheteur recher- chera des signes tels que l’apparence des locaux, la tenue vestimentaire, la conduite du personnel et même celle des autres clients. De plus, les services sont souvent difciles à présenter du fait que les ache- teurs connaissent peu (ou ne connaissent Un message publicitaire conçu pour un service destiné pas) le domaine pour lequel ils ont besoin aux consommateurs du service (pensons, par exemple, à un 10 Chapitre 1 médicament contre une allergie recommandé par un pharmacien) et sont inquiets ou anxieux devant un service tel qu’une police d’assurance, une hypothèque, un testament ou un contrat duciaire. Les mercaticiens dans les entreprises de services doivent donc s’attacher à fournir des signes tangibles pour rendre matériel ou concret ce qui en soi ne l’est pas. 2. La simultanéité. En général, la production et la consommation d’un service sont indissociables, car les services sont produits et consommés en même temps. Alors que les biens sont d’abord produits, puis vendus et consommés, les services sont d’abord vendus, puis produits et consommés en même temps. Aussi le personnel de l’entreprise est-il présent la plupart du temps, car il fait partie de l’offre. Le client est également présent et il est souvent un coproduc- teur du service. La qualité du service peut donc dépendre de la qualité de la participation du client : un médecin peut difcilement établir un bon diagnostic si son patient lui donne de mauvais renseignements ; la qualité du service fourni par un ingénieur-conseil ou un conseiller en management dépend largement de l’information donnée par les clients. L’information et même la formation des clients deviennent des outils de marketing déterminants. Enn, puisque le personnel fournit le service, la représentation fait fréquemment partie de ses responsabilités. 3. La variabilité. La variabilité a trait aux plus ou moins grandes différences entre les prestations des divers pourvoyeurs de services, des membres du personnel d’un même pourvoyeur et des divers clients, ou d’un pourvoyeur donné à des heures ou à des jours différents. En pratique, c’est une tâche difcile que de toujours obtenir et maintenir un niveau de qualité uniforme des services. La variabilité est un caractère inhérent à la prestation de services. Pour atténuer cette variabilité, on peut établir des normes, uniformiser la pres- tation, rechercher des qualités précises au moment de l’embauche du personnel, investir dans des programmes de formation, faire l’étalonnage continu des meilleures pratiques de la concurrence ou mesurer régulièrement la satisfaction de la clientèle. 4. La périssabilité. La périssabilité (ou non-durabilité) a rapport au fait que les services ne s’entreposent pas. Les chambres d’hôtel non louées, les sièges inven- dus dans un avion ou pour un spectacle ne peuvent être récupérés. Comme les services ne peuvent être stockés, il faut synchroniser l’offre et la demande. Deux stratégies sont possibles pour y arriver, soit modier la capacité de prestation et déplacer la demande13. Lorsque l’on n’a aucune inuence sur la demande, il faut modier la capacité de prestation ou l’offre de service de façon à répondre à la demande. Voici des exemples de moyens utilisés à cette n14. Le réaménagement de l’horaire quotidien de travail, en fonction des pics de la demande. Cela consiste généralement à faire travailler du personnel à temps partiel aux heures de pointe en soutien au personnel à temps plein, comme certains membres du personnel dans les institutions nancières, ou à des heures entrecoupées, comme les chauffeurs d’autobus scolaires. Le réaménagement de l’horaire hebdomadaire de travail. Cela consiste par exemple, à faire travailler le personnel de 10 à 12 heures par jour, 5 jours d’af- lée, suivis de 3 ou 4 jours de congé. Cette méthode est souvent utilisée pour le personnel inrmier, les ambulanciers, les policiers ou les pompiers, ou encore les agents de bord et les pilotes. La nature du marketing 11 L’augmentation de la participation du client pendant les heures de pointe. Cela permet, par exemple, de faire exécuter certaines tâches par les clients eux-mêmes, comme se servir soi-même au buffet du midi ou utiliser les caisses libre-service. Dans le cas des guichets automatiques bancaires, non seulement le client fait le travail, mais il paie en outre pour l’utilisation du service. La modication et le partage des capacités de prestation. Cela s’exerce, par exemple, en changeant la disposition des sièges dans un avion ou en faisant exécuter par le personnel des tâches accessoires pendant les périodes creuses de façon qu’il puisse se concentrer sur les tâches principales en périodes de pointe. La formation polyvalente du personnel. Elle amène une exibilité de presta- tion qui permet de satisfaire la demande en périodes de pointe. On peut aussi s’appliquer à modier la demande15. Voici certains moyens utilisés pour ce faire. Le déplacement de la demande. Par des stratégies de marketing et de commu- nication marketing, on peut accroître le degré d’utilisation de la capacité (les centres de ski offrent des forfaits ou des réductions de prix pour les périodes creuses) ou encore réduire la demande an de compenser le manque de capacité (certaines municipalités exigent que les pelouses soient arrosées seulement tard le soir ou les jours pairs ou impairs, pour réduire la demande d’eau aux heures de pointe en été, surtout dans les périodes de sécheresse). Le prix. Un moyen courant d’inuencer la demande consiste à xer les prix en fonction des objectifs à atteindre. En vue d’accroître la demande dans les heures creuses et de réduire la demande durant les heures chargées, les com- pagnies d’électricité xent un tarif plus élevé pour la consommation excédant un certain niveau aux heures de grande demande. Les magasins de sport vendent quant à eux des équipements de ski avec d’importantes réductions au mois d’août, et les commerces de détail offrent des réductions pouvant aller de 50 à 80 % le 26 décembre (les ventes du Boxing Day), ou même quelques jours avant. L’ajout de services complémentaires. Aux heures les plus occupées, les restau- rateurs dirigent les clients vers un bar à l’aspect attrayant, près de l’entrée, en attendant qu’une table se libère. De la même manière, les guichets automatiques et les services bancaires informatiques ou mobiles ont permis de diminuer les opérations bancaires offertes en succursale, ce qui a eu pour effet de raccourcir les les d’attente aux heures de pointe. Le stockage de la demande. Lorsque la capacité de production est relativement xe et qu’il y a périodiquement une demande abrupte, on stocke la demande par le moyen d’un système de réservations, comme dans le cas des compagnies aériennes, des restaurants et des hôtels, des cliniques dentaires ou médicales ; ou bien on étale la demande du fait de la exibilité de l’offre, comme dans le cas de la formation à distance offerte par la TÉLUQ (émissions sur Internet, cours en ligne ou par correspondance). Plusieurs éléments fondamentaux sont communs au marketing de services et au marketing de produits, comme les processus de recherche et d’analyse, et la plani- cation stratégique du marketing. Mais les caractéristiques et les stratégies décrites plus haut montrent que le marketing de services diffère grandement par certains aspects du marketing de produits, plus traditionnel. 12 Chapitre 1 1.3.3 Le marketing de produits et services organisationnels On a brièvement présenté quelques aspects de la nature du marketing de produits et services destinés aux consommateurs, mais il existe un autre marché important : le marché organisationnel. Les produits et services organisationnels s’adressent aux entreprises manufacturières et de services, aux organisations publiques et parapu- bliques, et aux OSBL. Ils ne sont pas vendus à des consommateurs individuels ni à des intermédiaires qui se chargent de les vendre au consommateur nal. On parle de marketing B2B (Business-to-Business), mais le terme est réducteur, car le marché organisationnel comprend toutes les entreprises des secteurs primaire, secondaire et tertiaire, y compris les organismes gouvernementaux et les OSBL, qui achètent des marchandises et des services pour les incorporer à d’autres produits ou services, ou pour les utiliser dans leurs activités. Ainsi, les centres hospitaliers achètent aux com- pagnies pharmaceutiques de grandes quantités de médicaments, qui sont ensuite prescrits aux patients. On estime que l’importance économique de ce marché en dollars et en unités est plus grande que celle du marché aux consommateurs16. Le marché des produits et services organisationnels diffère du marché des biens et services de consommation à divers points de vue. Plusieurs caractéristiques en sont radicalement différentes, ce qui force le mercaticien à adapter sa manière d’agir et ses stratégies de marketing en conséquence. Ces caractéristiques sont les suivantes. Un moins grand nombre d’acheteurs. Ceux-ci sont souvent concentrés géogra- phiquement. Par exemple, le marché potentiel pour l’équipement de laboratoire se limite presque exclusivement aux laboratoires d’universités, d’hôpitaux, de centres de recherche et de compagnies qui font de la recherche. De plus, les orga- nisations sont aussi concentrées géographiquement. Les industries spécialisées dans l’aérospatiale, la technologie et les produits pharmaceutiques brevetés sont concentrées au Québec. L’automobile, les produits pharmaceutiques génériques et les nances sont l’apanage de l’Ontario, et le pétrole, celui de l’Alberta ; le bois de coupe est partagé entre la Colombie-Britannique, le Québec et le Nouveau- Brunswick, alors que les pêcheries sont surtout importantes pour les provinces de l’Atlantique. Des acheteurs professionnels avertis. Les mercaticiens, dans ce marché, font affaire avec des acheteurs compétents, bien formés et bien informés qui doivent toutefois, dans bon nombre de cas, suivre les règles et les politiques d’achat établies par leur entreprise. Ils travaillent souvent avec une équipe de vendeurs et une équipe d’acheteurs dont peuvent faire partie notamment des spécialistes en génie, en nance, en comptabilité et en informatique. De plus gros achats. Un petit nombre d’acheteurs font de gros achats. Un avion Airbus se vend aujourd’hui environ 250 millions de dollars, et le marché se limite à quelques centaines de clients potentiels, d’importants transporteurs. Les appareils de Bombardier sont eux aussi destinés à cette clientèle, mais s’adressent en outre à plus de clients, comme des transporteurs régionaux. Bombardier propose même des appareils d’affaires plus petits, comme le Learjet, pour des entreprises qui doivent transporter leurs cadres et employés plus efcacement. Un processus d’achat complexe. Ce processus comporte beaucoup plus d’étapes que le processus d’achat individuel. Il faut bien cerner le problème à résoudre dans son ensemble et les besoins à combler, élaborer des spécications, déterminer le budget, chercher des fournisseurs, procéder à un appel d’offres et La nature du marketing 13 choisir le fournisseur, préparer la commande et les contrats, puis faire le suivi. De surcroît, de nombreuses personnes ont voix au chapitre dans le processus de décision. Le mercaticien attaché à une entreprise doit savoir quelles sont les personnes qui composent la centrale d’achat, par exemple ; celles qui utilisent ou utiliseront le produit ou service ; celles qui inuencent le processus de décision ; enn, celles qui participent à la décision ou qui décident. Une demande dérivée et uctuante. La demande de produits et services sur le marché organisationnel dépend en partie ou totalement de la demande sur le marché nal. La demande pour les roulements à billes dépend de la demande pour les moteurs électriques, qui dépend de la demande pour les presses à injection de plastique, laquelle dépend à son tour de la demande par les consommateurs de contenants en plastique. La demande pour des produits industriels peut donc reposer sur plusieurs niveaux de demande. En consé- quence, elle a tendance à être plus volatile, plus uctuante que la demande des consommateurs. Par exemple, une augmentation ou une baisse de la demande de 20 % sur le marché des consommateurs pourrait entraîner une augmenta- tion ou une baisse, temporaire ou permanente, de la demande industrielle ou organisationnelle de 200 %. Une perspective relationnelle. À la différence du marketing transactionnel, qui se concentre sur la transaction, le marketing relationnel (présenté plus longue- ment à la section 1.4) a pour but d’entretenir et de renforcer les relations avec les clients majeurs en s’assurant des avantages mutuels. À cause de la nature et de l’importance des achats organisationnels, et du faible nombre de clients, les relations entre les vendeurs et les acheteurs sur ce marché ont tendance à être plus étroites et durent beaucoup plus longtemps que dans le marché des consom- mateurs. Même les achats de matières premières et de fournitures se font sou- vent pour un an. Lorsqu’il s’agit d’équipement d’importance, comme un réseau d’ordinateurs ou un avion, ou d’impartition de services, l’entente, donc la relation, s’échelonne sur une longue période, allant parfois jusqu’à 10, voire 20 ans. Toutes ces caractéristiques du marché organisationnel déter- minent les pratiques et les stratégies de marketing dans ce secteur de l’économie. Les professionnels, dans ce domaine, sont souvent très qualiés. Ainsi, dans le secteur pharmaceu- tique, il n’est pas rare qu’un représentant soit titulaire d’une maîtrise en sciences ou en gestion. Par ailleurs, il est nécessaire non seulement de savoir qui compose l’unité de prise de décision, mais aussi de com- prendre comment cette unité fonctionne. Il faut maîtriser le processus de décision, et en particulier tout ce qui concerne la procédure d’appel d’offres. Enn, il faut savoir adapter aux circonstances les différentes stratégies de marketing telles que le mix de communication. Sur ce marché, le budget de communication est relativement moins élevé que sur le marché des consommateurs, et l’allo- cation est différente : on accorde un plus grand pourcentage du budget à la vente, et moins à la publicité. Un message publicitaire d’un service destiné La publicité ci-contre présente un exemple de message publi- au marché organisationnel citaire conçu pour un service destiné à des professionnels. 14 Chapitre 1 1.3.4 Le marketing de produits et services dans les secteurs public et social On a vu plus haut les différences importantes entre le marketing de produits aux consommateurs et le marketing de services aux consommateurs, mais aussi entre le marketing de produits et services aux consommateurs et le marketing de produits et services aux organisations. Le champ d’action du marketing s’est élargi depuis les années 1980. En effet, dans le secteur public, c’est-à-dire les gouvernements fédéral et provinciaux, les organismes gouvernementaux et l’ad- ministration municipale, on recourt de plus en plus au marketing pour faire la promotion de produits, de services, d’idées et de causes. En outre, à mesure que l’État se désengage, on voit apparaître de plus en plus d’organismes sans but lucratif, dont les besoins augmentent sans cesse. En quoi le marketing pratiqué dans les organismes publics et les OSBL diffère-t-il du marketing pratiqué dans le secteur privé17 ? Le marketing dans le secteur public Le secteur public ou parapublic est surtout associé à des services (comme la santé, le tourisme, etc.), à des idées et à des causes. Il y a bien sûr des exceptions : c’est le cas de la Société des alcools du Québec, qui distribue et commercialise des vins et spiritueux, et d’Investissement Québec, qui offre des services nanciers aux entreprises. Le marketing dans le secteur public s’adresse tantôt aux gens, tantôt aux organisations, et a normalement pour but de les aider. Toutefois, en général, les opérations dans le secteur public ont un but à carac- tère social ou d’intérêt public (voir la publicité en haut de la page suivante), et l’on parle dans ce cas de marketing social. Comme ils sont grandement visibles, les organismes gouvernementaux sont plus facilement exposés à la critique de la population et même des entreprises et des organisations privées. Le « produit » est souvent une idée ou une cause, comme les effets négatifs et l’iniquité du travail au noir, la sécurité routière (l’alcool au volant ou l’utilisa- tion du cellulaire au volant). Les politiques et les processus d’administration et d’évaluation sont beaucoup plus complexes et contraignants dans le secteur public que dans le secteur privé. Ainsi, le contrat d’une étude de marché ou d’une campagne publicitaire doit dans certains cas être adjugé au plus bas soumissionnaire, ce qui n’est pas nécessairement avantageux. On constate aussi une certaine fausse pudeur vis-à-vis de l’utilisation du marketing ou même du mot « marketing » ; ou encore on ne parle pas de publicité, mais plutôt de com- munication… Pourtant, les dépenses en publicité du gouvernement fédéral et du gouvernement du Québec sont parmi les plus élevées au Canada… Mentionnons pour conclure que le prix et la distribu- tion, deux variables du mix de marke- ting, sont souvent inappropriés dans le secteur public. Le marketing dans les OSBL Les organismes sans but lucratif relèvent surtout du secteur privé, mais ils reçoivent parfois des subventions gouvernementales. Les buts qu’ils pour- Un message publicitaire d’un organisme sans but lucratif destiné au grand public suivent sont fort variés. En témoignent La nature du marketing 15 les noms suivants : Centraide, Héma-Québec, Fondation de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont, Fondation de l’Or- chestre symphonique de Montréal (OSM), Fondation Rêves d’enfants, Jeunesse au Soleil, L’Œuvre Léger ou la Société canadienne du cancer. Les publicités à la page précédente et ci- dessous montrent des messages publicitaires diffusés par des OSBL. Dans les OSBL du secteur privé, les fonds proviennent de donateurs, alors que, dans le secteur public, ils viennent des contribuables. La première différence entre ce type de marketing et le marketing traditionnel fait par le milieu des affaires est que, comme l’organisme est constitué dans un but moral, philanthropique, religieux ou culturel, le profit ne fait pas partie de ses objectifs, ce qui n’empêche pas que l’on puisse souhaiter avoir des revenus supérieurs aux dépenses. Une autre différence essentielle est que la nature de l’échange n’est pas toujours claire : dans une situation commerciale, on donne de l’argent en échange d’un produit ou d’un service ; dans le cas d’un OSBL, il est possible de faire des contributions (de son vivant ou par un legs) ou de donner Un message publicitaire du secteur public destiné du temps (bénévolat) par esprit de devoir, par désir de aux consommateurs se réaliser ou de faire don de soi. Le marketing doit être fait tant à l’intrant qu’à l’extrant : il faut convaincre les bénévoles, collecter des fonds et les utiliser ou les dis- tribuer de la manière la plus efficace possible pour que l’organisme puisse atteindre ses objectifs. Les activités sont généralement des services (le gîte pour les itinérants, les repas pour les jeunes de la rue) mais, à l’occasion, des produits sont vendus à l’encan et les revenus sont remis à l’organisme. Toutefois, étant donné que, comme dans le cas du marketing traditionnel, le marché peut être constitué par le grand public ou les entreprises, on sollicite les dons individuels et les dons d’entreprise. Les principales différences entre le marketing de produits et services dans le secteur public, le marketing des OSBL et le marketing traditionnel portent sur les objectifs, en particulier celui de la rentabilité, et sur la mission, qui dans les deux premiers cas est le plus souvent sociale, philanthropique, religieuse ou culturelle. Ces différences sont prises en compte dans les opérations et les stratégies de marketing menées dans ce marché. Les mercaticiens qui travaillent dans ce secteur doivent être conscients de son caractère particulier, des objectifs qu’il poursuit, des contraintes opérationnelles quelquefois dues à la bureaucratie qu’il subit, de même que de la grande inuence qu’il a et du rôle important qu’il exerce dans la société. Enn, le marketing est vite devenu un outil puissant dans les OSBL et il le deviendra encore davantage Un message publicitaire d’une région destiné à mesure qu’ils rafneront leur gestion. Les implications les aux consommateurs plus importantes du marketing pour les organismes sans 16 Chapitre 1 but lucratif, tant à l’intrant qu’à l’extrant, sont une activation de la demande, et la détermination de la nature de l’échange avec des clients qui sont aussi des partenaires. 1.4 Le dynamisme du marketing Le marketing est une discipline dynamique, ouverte et en constante évolution, OA4 rendant possible de nouvelles orientations. Un premier changement important dans l’orientation du management du marketing a été la transition, dans certaines entreprises, du marketing traditionnel, qui était plutôt transactionnel, au mar- keting relationnel. Un peu plus tard, on a commencé à s’intéresser au marketing expérientiel et à le mettre en pratique ; depuis peu, on voit apparaître un « nouveau marketing », qui prend en considération l’utilisation croissante de la technologie et une déshumanisation des liens avec les clients et, en réaction à cette évolution, un regain d’intérêt pour un meilleur service à la clientèle. 1.4.1 Le marketing relationnel Le marketing traditionnel focalise sur l’offre et les transactions entre l’entreprise et le marché alors que le marketing relationnel se concentre plutôt sur la relation avec le client. Le premier est ponctuel et vise plus le court terme ; le second est concerné par le long terme. Le marketing relationnel est né dans le marché des produits et services aux entreprises, comme on le verra plus loin, puis a débordé vers le marché des consommateurs. En marketing traditionnel, on accorde beau- coup d’importance à conclure une transaction avec les clients. En marketing relationnel, qui est très pertinent dans certains marchés comme les services nanciers, on cherche plutôt à bâtir et à maintenir des liens étroits à long terme avec les clients. Beaucoup d’efforts sont consacrés à la délisation des meilleurs clients par des programmes comme Aéroplan ou AIR MILES et à l’amélioration des relations avec ces clients. 1.4.2 Le marketing expérientiel Le marketing expérientiel vise notamment à développer la qualité de l’accueil, la qualité de l’environnement et celle des informations délivrées aux clients pour faire de l’activité d’achat un moment particulièrement agréable18. L’intérêt croissant pour le marketing relationnel a amené certaines entreprises à se concentrer encore plus sur le client. Le marketing traditionnel, dans une optique produit, focalise sur les attributs du produit et les bénéces qu’en tire le consommateur. Dans ce type de marketing, le client prend des décisions rationnelles, cartésiennes. Dans une perspective de marketing expérientiel, on pense aussi en termes d’activités de consommation, mais on considère davantage que l’émotion est importante, ou même qu’elle prime la raison. On peut penser à l’importance, pour Disneyland, de faire vivre une expérience inoubliable aux enfants. Grâce au marketing expérien- tiel, on cherche donc à faire vivre une expérience plaisante, voire mémorable, au client. On doit donc proposer au consommateur, dans sa relation avec l’entreprise, une expérience client signicative, qui sort de l’ordinaire. On cherche à produire l’effet « WOW ! » en améliorant la qualité de l’accueil, de l’environnement et des informations délivrées aux clients, an de transformer l’acte d’achat en un moment sympathique et agréable. Mais l’expérience client va plus loin que l’achat : il prend La nature du marketing 17 en compte l’ensemble des émotions et des sentiments ressentis envers une entre- prise ou une marque par un client avant, pendant et après l’achat d’un produit ou la prestation d’un service. Avant l’achat : communication organisationnelle, campagne de communication, actualités de l’entreprise et de ses produits, médias, réseaux sociaux. Pendant l’achat : expérience au point de vente ou sur le site Web de l’entreprise, ou encore sur son site de commerce électronique, conditionnement du produit, communication sur le lieu de vente ou de prestation du service, ambiance dans le magasin, restaurant, hôtel, etc. (décor, choix des couleurs, matériaux, ameu- blement, musique, odeurs, etc.), accueil, attitude et discours des employés (on accorde beaucoup d’importance aux détails). Après l’achat : expérience d’usage du produit, respect de la garantie, relation avec le service client, service après-vente 19. Dans une perspective expérientielle, on cherche à comprendre comment un client perçoit le produit ou service et ce qu’il éprouve chaque fois qu’il est en relation avec l’organisation ; c’est ce qu’on appelle le moment de vérité. On cherchera donc à comprendre quels sont les moments importants dans la relation du client avec l’entreprise et à se surpasser à chacun de ces moments pour optimiser l’expérience client, laquelle a un impact direct sur la satisfac- tion et la délisation des clients. Pourquoi un client voudrait-il continuer de faire affaire avec une entreprise, et ses employés, quand il ne se sent pas bien quand il le fait ? 1.4.3 Le « nouveau marketing » Le renouveau en marketing résulte de l’utilisation croissante de la technologie et, en réaction à cette évolution, de l’accroissement de l’intérêt pour un service à la clientèle de qualité. En effet, nul ne peut nier l’impact de la technologie sur nos vies, sur les entreprises, de même que sur le marketing. Pour le consommateur, les nouvelles technologies ont nettement changé la façon de chercher l’information, de prendre des décisions et de partager ses expériences. La présence d’Internet, des réseaux sociaux et des supports matériels mobiles a révolutionné la relation entre l’entreprise et son client. Toutefois, l’omniprésence de la technologie a eu pour conséquence de raréer les rapports humains, qui sont des facteurs déterminants dans les décisions de consommation. C’est ce qu’on appelle le dilemme technologie-rapports humains (high tech-high touch). Les services nanciers et les commerces de détail qui uti- lisent de plus en plus Internet, par exemple, doivent faire face à ce dilemme. Pour pallier les conséquences négatives de la raréfaction des relations entre les entreprises et les clients, les entreprises d’avant-garde misent davantage sur la qualité du service à la clientèle. Dans tous les marchés, l’interaction sociale joue un rôle important dans la satisfaction. Offrir un excellent service à la clientèle peut devenir un avantage concurrentiel de plus en plus distinctif. On assiste donc à un certain retour aux sources, qui vise à redonner sa juste place à l’humain dans les relations d’affaires. Un excellent service à la clientèle peut prévenir la dégradation des relations avec les clients, et même les améliorer. Composer avec la technologie tout en maintenant de bonnes relations avec les clients est le dé que doit relever le nouveau marketing 20, ce qui inue sur les fondements de la gestion et de l’organisation du marketing dans les orga- nisations de nos jours21. 18 Chapitre 1 1.5 Les optiques de gestion du marketing Le marketing est à la fois une façon de penser et une façon d’agir, et il faut donc OA5 envisager diverses optiques de gestion du marketing. Une optique est une façon de voir. Donc, comme cette section décrira quatre optiques de gestion du marketing, elle présentera quatre manières de voir ou de gérer la fonction marketing dans une organisation, soit quatre orientations : l’optique produit, l’optique vente, l’optique marketing et l’optique marketing sociétal. 1.5.1 L’optique produit Cette orientation traditionnelle détermine les décisions prises dans bon nombre d’entreprises. Selon cette optique, le marché préfère les produits offrant la meilleure qualité, la meilleure performance et les meilleures caractéristiques – ce qui est vrai, d’un certain point de vue. Le problème est que la qualité, la performance ou les caractéristiques sont parfois dénies par le producteur, qui souvent se préoccupe surtout d’intérêts personnels, de rentabilité, de productivité ou d’avance techno- logique et qui ne consulte ni la clientèle ni le marché. Voici quatre exemples frappants d’événements qui ont marqué l’économie ces dernières années. Le premier concerne l’industrie des télécommunications. Après que la célèbre bulle technologique eut éclaté, à la n des années 1990, des spécia- listes du secteur technologique proclamèrent que ce secteur était devenu le secteur industriel le plus important et attendirent une croissance du marché, qui ne vint jamais. Des entreprises comme Nortel se sont retrouvées avec des surplus de stocks et une surcapacité de production, mais sans marchés. Les ventes ont chuté de même que les prots, et la Bourse a suivi ; des emplois, des fonds de retraite pour le personnel et des fortunes ont été perdus. Les actions de Nortel ont même été retirées de la Bourse, et ses actifs vendus en pièces détachées aux plus offrants. On avait pensé « production et produit », mais pas « marché ». Le deuxième exemple est celui de BlackBerry, qui ressemble beaucoup à celui de Nortel. Ce pionnier dans la téléphonie intelligente a focalisé ses activités sur son produit, mais n’a pas su conserver sa position de tête devant un marché qui souhaitait un appareil polyvalent et facile à utiliser. Résultat : la valeur de ses actions a chuté de 150 $ en 2008 à 8 $ en 2014… Le troisième exemple est encore plus éloquent. Devant les succès continus de vente des modèles A320 et A340 d’Airbus, la mise au point du gros-porteur à très grande capacité A380 de la même société et le retrait du Concorde, les ingé- nieurs de Boeing ont conçu le Sonic Cruiser, un avion capable de voler à une vitesse légèrement inférieure à la vitesse du son. Des centaines de millions de dollars ont été dépensés pour la conception de cet appareil à la ne pointe de la technologie. Mais, en 2003, le projet a été abandonné… Pourquoi ? Après avoir résolu les principaux problèmes techniques, on a présenté le produit aux com- pagnies aériennes. Cependant, aucune ne voulait de ce type d’avion22. Enn, et cela constitue le quatrième exemple, l’industrie nord-américaine de l’automobile a fait la même erreur. Elle n’a pas vu les changements qui survenaient dans la société (demande pour des produits de qualité, sécuritaires et plus écologiques) et n’a pas su adapter son offre en conséquence. La caricature présentée à la page suivante illustre bien la philosophie de marketing rétrograde des grands manu- facturiers nord-américains d’automobiles à cette époque. Les sociétés GM et Chrysler ont été acculées à la faillite, ont dû être complètement restructurées et La nature du marketing 19 n’ont pu survivre que grâce au soutien nancier des gouvernements américain et canadien. L’histoire s’est même répétée en 2013 et 2014 pour GM, qui a dû rappeler des millions de véhicules pour des problèmes de qualité et de sécurité23, l’éloignant encore plus des attentes des acheteurs potentiels. Cet exemple rappelle que l’optique produit a été favorisée au détriment de l’optique marketing, ce qui a entraîné la « myopie du marketing », une concentration exagérée de l’attention sur le produit qui fait oublier le marché et ses besoins. Les concepteurs de GM ont mis toute leur attention sur la rentabilité, l’ajout d’équipement technologique (géolocalisation, sonar de recul, téléphone intelligent « mains libres », etc.), le design et d’autres caractéris- tiques qui les passionnaient et ils ont négligé ce qui était important pour le consommateur : la sécurité et la qualité du véhicule et des pièces. 1.5.2 L’optique vente Cette autre optique traditionnelle suppose que les clients n’achèteront pas un produit s’ils sont lais- sés à eux-mêmes. Si le produit est bon mais que les clients sont incapables d’en apprécier la valeur, il faut alors adopter une formule vigoureuse de vente Une illustration des pièges de l’optique produit et de promotion des ventes. Les entreprises qui ont épousé cette manière de penser cherchent à vendre ce qu’elles ont produit et non à produire ce qu’elles peuvent vendre. Cette optique est propre aux organisations qui ont une certaine surcapacité et à celles qui connaissent mal le marché ou ont peu de respect pour les clients. C’est ce que GM et Chrysler ont fait en désespoir de cause en 2009, dans le contexte de leur problème de survie et de la grave crise économique, avec un succès très relatif. Devant la difculté de vendre leurs voitures, ils ont eu recours à des rabais importants, à du nancement à un taux d’intérêt de 0 %. Cette stratégie ressemble un peu à celle adoptée de nos jours par certains manufacturiers, qui misent surtout sur le « prix payé par nos employés » pour vendre leurs automobiles. Le marketing qui s’appuie sur la vente, surtout la vente sous pression, comporte de grands risques. Les clients se détournent rapi- dement des entreprises qui emploient cette méthode. Quoi de plus désagréable qu’un représentant qui pousse la vente de son produit chez un concessionnaire automobile ? D’autre part, cette manière de faire repose sur l’idée que les clients qui achè- teront le produit l’aimeront. Au contraire, si la vente est forcée, il est possible que les consommateurs ne l’aiment pas. C’est d’ailleurs pourquoi la Loi sur la protection du consommateur autorise l’annulation des ventes dans certains cas. De plus, la mauvaise publicité faite par des clients insatisfaits peut nuire gravement aux entreprises. Les clients insatisfaits se plaignent auprès d’un grand nombre de personnes, alors que les clients satisfaits ne recommandent le produit qu’à quelques proches. Par ailleurs, beaucoup de clients insatisfaits ne se plaignent pas, mais ne font simplement plus affaire avec l’entreprise24. Chercher de nouveaux clients pour compenser ceux qu’on a perdus n’est pas une bonne solution. Il en 20 Chapitre 1 coûte cinq fois plus cher pour attirer un nouveau client que pour conserver un client actuel 25. Vendre sous pression un mauvais produit ou un produit qui ne répond pas aux besoins des clients accroît donc la probabilité d’insatisfaction ; la méthode permet peut-être d’atteindre certains objectifs à court terme, mais elle peut se révéler très néfaste à long terme. Certaines personnes confondent vente et marketing. C’est là une erreur, car le rôle du marketing est de rendre la vente superue26. 1.5.3 L’optique marketing Cette optique a été conçue pour remédier aux défauts des deux optiques précé- dentes. L’optique marketing est une philosophie de gestion selon laquelle, pour qu’une organisation atteigne ses objectifs, il est nécessaire pour celle-ci de bien cerner les besoins et les désirs de la clientèle et de lui apporter la satisfaction d’une manière efcace et efciente27. L’optique marketing repose sur les quatre piliers sui- vants : la focalisation sur le marché, l’orientation vers le client, le marketing intégré et la rentabilité. L’optique marketing est une perspective externe-interne-externe. L’entreprise part du marché pour cerner les besoins à satisfaire, mettre au point de nouveaux produits et services et les tester auprès du marché, puis devancer la concurrence. L’entreprise doit ainsi être orientée vers le marché pour pouvoir reconnaître les occasions d’affaires intéressantes, mais elle doit aussi focaliser constamment son attention sur le client – non seulement le client potentiel, mais surtout le client actuel en offrant, entre autres avantages, un excellent service à la clientèle. Selon cette manière de voir, la délisation des clients actuels a plus d’importance que la recherche de nouveaux clients. Dès lors, la mesure continue de la satisfaction de la clientèle et le désir de s’adapter aux changements du marché apparaissent comme des nécessités. Le marketing intégré suppose que toutes les activités de l’entreprise qui concernent le client forment un tout. Dans la pratique, cela implique trois types d’intégration : premièrement, l’intégration des diverses fonctions et opérations de marketing entre elles ; deuxièmement, l’intégration des autres fonctions de l’entreprise (production ou opérations, nances, ressources humaines, technologie, etc.) à la fonction marketing pour tout ce qui concerne le client ; troisièmement, à tous les échelons de l’entreprise, l’intégration du marketing dans les décisions et les opérations qui ont rapport au client. Ces intégrations ont pour but d’aider l’entreprise privée à atteindre un niveau de rentabilité normal. Dans le cas des organismes publics et des OSBL, les objectifs peuvent être relatifs aux revenus (collecte de fonds) ou aux activités (nombre d’itinérants accueillis, nombre de paniers de Noël distribués). 1.5.4 L’optique marketing sociétal Selon l’optique marketing sociétal, les entreprises doivent considérer les pro- blèmes sociaux et environnementaux dans leurs décisions de marketing, en plus des problèmes économiques. De plus en plus de gens se demandent si l’optique marketing suft pour que les entreprises deviennent des citoyennes responsables et pour que les chefs d’entreprise puissent estimer avoir acquitté leur rôle social, être considérés comme de bons citoyens ou même assurer la survie à long terme de leur entreprise. L’optique marketing se justie-t-elle dans un contexte de pauvreté accrue (l’écart croissant entre nantis et moins fortunés, la pauvreté des familles monoparentales), de mauvaise condition physique en croissance au pays (l’obésité et l’embonpoint dus à la mauvaise alimentation, l’irresponsabilité de La nature du marketing 21 certains fabricants d’aliments et propriétaires de restaurants-minute, le tabagisme, la consommation excessive de médicaments), de détérioration de l’environnement (la pollution liée à la consommation élevée de carburant des véhicules utilitaires et autres) ? Des théoriciens et des praticiens ont donc proposé l’optique marketing sociétal en vue d’aider les entreprises et leurs dirigeants à assumer leurs responsabilités sociales. Dans cette optique, l’entreprise doit non seulement déterminer les besoins, les désirs et les intérêts des clients actuels et potentiels de façon à les satisfaire d’une manière plus efciente et efcace que les concurrents, mais elle doit aussi s’efforcer d’améliorer le bien-être des citoyens en général. La question, ici, est de savoir s’il est possible à la fois de répondre aux besoins individuels à court terme et de protéger à long terme tant les intérêts individuels que les intérêts collectifs. Ainsi, les compagnies de tabac sont-elles justiées de mettre des cigarettes sur le marché ? Si elles considèrent la question sous une optique sociétale, les entreprises doivent reconnaître qu’elles ont des responsabilités sociales, qu’elles doivent promou- voir le respect de l’éthique, et qu’elles doivent établir et suivre certaines règles de conduite. La section suivante aborde plus en détail, en la situant dans la perspective du marketing, la question de la responsabilité sociale des entreprises et de leurs obligations éthiques. 1.6 La responsabilité sociale des entreprises et le marketing OA6 Il n’y a pas si longtemps, des sondages indiquaient que les gens d’affaires comptaient parmi les personnes les plus respectées et les plus inuentes dans nos sociétés. Le milieu des affaires avait la conance du public. Mais une suite de scandales, la plupart à caractère nancier, ont secoué ce milieu des affaires, et même le grand public, semant le doute (pensons aux scandales de SNC-Lavalin, de la Banque Morgan Stanley, d’Enron et de Norbourg). Par ailleurs, les défauts de fabrication dans les automobiles mentionnés précédemment, certains pouvant causer la mort, ont forcé GM à nalement rappeler des millions d’automobiles, en février et mars 2014, alors que le problème était connu depuis longtemps28. C’est surtout le manque de responsabilité sociale de la part de GM qui a choqué le public. À cela sont venus s’ajouter plusieurs autres problèmes qui concernaient eux aussi la responsabilité sociale d’autres entreprises : la pollution résultant du déversement de déchets toxiques dans l’environnement, l’emploi de techniques frauduleuses de télémarke- ting, le recours par de grands fabricants et de grands commerçants de vêtements et d’articles de sport (comme Nike) à des sous-traitants qui font travailler, en Asie, des adultes et même des enfants dans des conditions dangereuses et proches de l’escla- vage, puis la vente de ces produits par de grandes chaînes de commerce de détail (comme Walmart et Loblaws), etc. Enn, aux États-Unis, des pratiques abusives d’accessibilité au crédit, particulièrement des méthodes agressives d’accès au crédit hypothécaire, et l’utilisation d’outils nanciers à haut risque ont provoqué la crise économique mondiale de 2009. Cela a fait déborder le vase. Le monde des affaires était alors partout en butte aux critiques, ce qui mena à un resserrement et à un plus grand encadrement des institutions nancières aux États-Unis. Des gens d’affaires soucieux d’assumer leurs responsabilités 22 Chapitre 1 sociales, des associations de gens d’affaires, des entreprises et des universi- taires partout dans les pays développés s’alarmèrent en constatant que les fondements mêmes de notre système économique étaient secoués. Déjà, depuis quelques années, on commençait à tenir compte de la responsabilité sociale et de l’éthique dans la conduite des affaires. À cet effet, la société KPMG a longtemps publié un sondage annuel sur les sociétés que les principaux cadres dirigeants du pays respectent le plus. Une des catégories de classement était la responsabilité sociale. La notion de responsabilité sociale est difcile à dénir. On s’accorde généralement pour dire que la responsabilité sociale pour une entreprise consiste à contribuer à l’amélioration de la société. Plusieurs dénitions ont été proposées29. Pour cer- tains, la responsabilité sociale représente l’engagement de l’entreprise à assurer le développement économique et à améliorer la qualité de vie. Pour d’autres, c’est la relation globale d’une compagnie avec différentes entités ou différents groupes sociaux et économiques : actionnaires, employés, collectivités, propriétaires, inves- tisseurs, gouvernements, fournisseurs, concurrents et clients. On a aussi donné une dénition toute simple de la responsabilité sociale : la défense par l’entreprise d’intérêts autres que ceux des actionnaires. En effet, la notion de responsabilité sociale implique que les obligations de l’entre- prise transcendent celles qu’elle a envers ses actionnaires : l’entreprise doit rendre compte de ses actions à plusieurs groupes d’intérêts (dont les clients), que les intérêts défendus soient protégés ou non par la loi30. Dans le présent ouvrage, la responsabilité sociale des entreprises et l’éthique sont traitées dans la perspective du marketing. Ces deux questions sont d’autant plus importantes que le marketing est un outil de gestion efcace, extrêmement efcace. C’est aussi une technique de persuasion très puissante qui peut amener des individus et des entreprises indif- férents à l’égard de leurs responsabilités sociales ou dépourvus de sens moral, ou tout simplement sans scrupules, à abuser des gens. Dans l’optique du marketing sociétal, l’entreprise doit donc non seulement répondre aux besoins du marché, mais aussi assurer le bien-être des individus et de la communauté à long terme. Ainsi, lorsqu’une entreprise s’emploie à satisfaire les besoins d’un groupe social, il peut en résulter des conséquences négatives pour d’autres groupes sociaux (comme la taille d’une embarcation à moteur qui est hors de proportion avec celle d’un lac peut être source de désagrément pour les riverains) ou pour la société en général (certains véhi- cules utilitaires sont particulièrement polluants, et certaines motocyclettes, spécialement bruyantes). Le principe de responsabilité sociale implique que toute organisation fait partie de la société et qu’elle est redevable de ses actes à cette même société31. Elle doit par conséquent veiller à ce que ses actions aient des effets sociaux positifs. Mais la responsabilité sociale n’est pas seulement le lot des entreprises ; les clients aussi ont des r

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