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CHAPITRE 5 - Un foyer orageux C'est dimanche, le jour du Seigneur, le jour de repos où tout le monde est censé savourer le bonheur d\'être en famille. Au lieu de cela, la famille Kapë se dispute sans cesse. Cette fois-ci, c\'est Maman qui n\'arrête pas de crier, comme si le ciel allait s\'écrouler....

CHAPITRE 5 - Un foyer orageux C'est dimanche, le jour du Seigneur, le jour de repos où tout le monde est censé savourer le bonheur d\'être en famille. Au lieu de cela, la famille Kapë se dispute sans cesse. Cette fois-ci, c\'est Maman qui n\'arrête pas de crier, comme si le ciel allait s\'écrouler. D\'abord, elle gronde Shania pour avoir joué dans le temple, plutôt que d\'écouter le pasteur. Puis Nora parce qu\'elle a mis un pantalon, au lieu d\'une robe popinée, pour la messe, et enfin Papa, à qui elle reproche d\'avoir manqué le culte. Parfois, Maman se prend pour la mère supérieure avec nous, et même avec Papa. Le pauvre ! Ce n\'est pas parce qu\'il s\'appelle Noël et qu\'il est né le 25 décembre, le même jour que le petit Jésus, qu\'il doit se comporter en saint. Notre repas de famille a donc un goût de mauvaise humeur, ce dimanche. Malgré l\'odeur des ignames chaudes, imprégnées de lait de coco, et du délicieux poisson fumé au beurre-citron, tout le monde garde les yeux baissés. Non pas à cause de la prière, mais Parce que les remontrances de Maman ne tarissent pas. Celui qui a de la chance, c\'est Grand-Père. En aucun cas il ne se sent concerné par ces reproches. Il se sert tranquillement, avec un petit sourire, se moquant certainement de nous. Avec son assiette fumante et parfumée, il nous fait drôlement saliver. Je suis sûre qu\'il le fait exprès. Il mange et ne nous adresse même pas un signe de compassion, à nous pauvres pécheurs, pour qui le repas dominical est injustement retardé. La suite est calamiteuse. L\'après-midi, au lieu de « s\'aimer les uns les autres » comme l\'enseigne la Bible, mes sœurs, Nora et Shania, décident de pourrir mon dimanche. D\'abord, cette petite peste de Shania vient me casser les oreilles avec son horrible voix. Franchement, Maman n\'aurait pas dû lui dire qu\'elle portait le nom de sa chanteuse préférée, la Canadienne Shania Twain. Maintenant, elle se prend pour une star, alors qu\'elle chante comme une casserole. Comme si ça ne suffisait pas, cette impertinente me compare à Titeuf, ce personnage de bande dessinée qui n\'a rien sur la tête, à part une mèche blonde. Elle me blesse profondément. C\'est vrai que j'ai des cheveux très courts et crépus, mais ce n\'est pas une raison pour m\'assimiler à ce personnage que je trouve moche et ridicule. Pour couronner le tout, Nora décide aussi de conspirer contre moi et me traite de « zebo ». Cette fois, c\'est la goutte d\'eau de trop, je pleure comme une madeleine en courant vers Papa, sous le manguier. \- Papa, Nora m\'a appelée « zebo » ! \- Qu\'est-ce que c\'est que ce « zebo » ? demande-t-il, interloqué. \- Ca veut dire « obèse ». Elle m\'a traitée d\'obèse ! \- Voyons, ma puce, ne pleure pas ! Tu n\'es pas obèse, ni grosse, tu es juste un peu enveloppée, c'est tout ! Mon père me console et appelle Nora, d\'une voix fâchée. Celle-ci accourt aussitôt, elle sait très bien que Papa n\'appelle qu\'une fois, pas deux. Ils traversent le jardin et se dirigent vers le pêcher. Papa arrache quelques branches pour corriger Nora, qui revient en pleurs. Pour lui rendre la monnaie de sa pièce, je lui lance : \- Maré moië hi ? Au sens propre, cette question veut dire : « Alors, comment ça va ? », mais chez nous, les jeunes, elle signifie : « Alors, comment ça va ? T\'as pris une grosse claque ? T\'en veux encore ? » Quant à Shania, la complice de Nora, elle assiste à la scène, apeurée. Je lui fais comprendre d\'un regard noir qu\'elle n\'a plus intérêt à m\'importuner, sinon c\'est ce qui va lui arriver aussi. Et puis de toute manière, en tant qu\'aînée, c\'est moi qui vais lui régler son compte si elle continue à m\'embêter. Qui a dit que le deuxième enfant est le plus terrible ? C\'est une sottise ! Nora et Shania ne sont pas meilleures que moi. Il y a vraiment des fois où je prie pour que Wia devienne une « canne à sucre », comme son prénom en drehu l\'indique, ainsi elle me fichera la paix, une bonne fois pour toutes. CHAPITRE 6 -- Vive le silence ! ![](media/image2.png) Ce qui est sûr, c\'est qu\'après les loisirs que les parents nous imposent et les querelles entre sœurs, je n\'ai qu\'une envie : me réfugier dans la solitude et savourer un moment à moi. Pas vingt-quatre heures sur vingt-quatre comme Grand-Père, mais de temps en temps, ça calme les nerfs. D\'ailleurs, quelquefois, je rejoins l\'expert en la matière, Madrinë Kapë. Tant pis s\'il n\'est pas ravi ! Je le retrouve sous le jamelonier, où il adore faire la sieste. Je sais qu\'il nous a interdit de fréquenter cet endroit, mais je me dis que l\'arbre ne lui appartient pas et qu\'on peut bien aller où on veut. En me voyant arriver, le vieillard se retourne sur sa natte. Je remarque alors son maigre dos. Il fait mine de dormir. \- Qaqaa, je t\'ai vu, tu es réveillé ! Il se met à ronfler. \- Pas besoin de faire tout ce cinéma ! Déjà qu\'en ce moment j\'ai droit au manège de Nora et de Shania. Le vieil homme ne veut pas écouter mes enfantillages. Il tente des ronflements plus forts pour couvrir ma petite voix. \- D\'accord ! Tu n\'as pas besoin de parler, mais je sais que tu es réveillé. Ce n\'est pas grave ! Tu as envie de calme, tant mieux, moi aussi. Je m\'allonge près de lui et j\'apprécie le vent qui s\'amuse avec les feuilles de l\'arbre au-dessus de nos têtes. Tout devient silencieux. Grand-Père doit sûrement être fatigué de faire semblant. Je souris, j\'interprète cela comme un signe me donnant l\'autorisation de parler. J\'y mets toute ma douceur : \- Qaqaa, pourquoi tu n\'es pas heureux avec nous ? Tu t\'appelles Madrinë. Ça veut bien dire « joyeux », non ? Il ne répond pas. Je continue à regarder son dos. \- C\'est le jour du Seigneur, aujourd\'hui, tu ne pourrais pas faire une exception et me sourire ? En guise de réponse, il se retourne, les yeux fermés, un léger sourire au coin des lèvres. Je crois qu\'il n\'a pas pu se retenir, en écoutant mes sottises. Quant à moi, je m\'amuse à scruter son visage paisible et ses cheveux bien blancs. II a l\'air adorable, mon grand-père, dans son soi-disant sommeil. Je lui chuchote à l\'oreille : \- Ce n\'est pas grave si tu continues à être muet comme une tombe. Je ne t\'en veux pas. Tu as raison d\'aimer le silence. C\'est tellement agréable, surtout après avoir vécu un week-end aussi terrible. D\'un geste tendre, je prends sa vieille main et la serre très fort dans la mienne, avant de lui faire une confidence. Je t\'aime, Grand-Père, malgré tout ! Tu as sans doute tes raisons de nous fuir, mais ce que je sais, c\'est que j\'ai raison de t\'aimer et d\'être là, à tes côtés. Même si tu es comme une mine d\'or qui ne se révèle pas facilement au monde. Par ta seule présence, tu nous combles. Merci, Qaqaa, d\'être là ! Sache que tu n\'es pas seul ! Je suis là, moi ! Nous sommes là, ta famille ! Il serre alors affectueusement ma main, en guise de réponse. Ce sont sans doute les prémices d\'une nouvelle complicité entre Grand-Père et moi. Même s\'il ne le dit pas, je crois qu\'il a besoin de se sentir accompagné. Allongés sur la natte, nous savourons le silence, loin de Papa, de Maman et de mes insupportables sœurs. C\'est comme si, à nous deux, nous allions fabriquer un nouveau monde.

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