Beauvais et al. (2020) PDF: Effect of Emotional Text Valence on Comprehension and Primary School Vocabulary Learning
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Université Paris 8
2020
Caroline Beauvais, Nicolas Pfeiffer, Marianne Habib, Lucie Beauvais
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Summary
This research article examines the effect of text emotional valence on comprehension and learning, specifically in 5th-grade students. It explores the impact of positive text on understanding and word learning. The authors hypothesize that positive emotional content might be distracting, thus reducing comprehension.
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Canadian Journal of Experimental Psychology / Revue canadienne de psychologie expérimentale ISSN: 1196-1961 © 2019 Canadian Psychological Association 2020, Vol. 74, No. 2, 144 –155 http://dx.doi.org/10.1037/cep0000194 Effet de la valence émotionnelle de textes sur leur compréhension et l’apprentis...
Canadian Journal of Experimental Psychology / Revue canadienne de psychologie expérimentale ISSN: 1196-1961 © 2019 Canadian Psychological Association 2020, Vol. 74, No. 2, 144 –155 http://dx.doi.org/10.1037/cep0000194 Effet de la valence émotionnelle de textes sur leur compréhension et l’apprentissage de nouveaux mots chez des élèves de 5éme année de primaire Caroline Beauvais Nicolas Pfeiffer Université Paris 8 Pratique privée, Tournus, France Marianne Habib Lucie Beauvais Paris Lumières; Université Paris 8 Clinsearch, Malakoff, France; Université Claude Bernard; Lyon 1 La présente étude examine l’influence de la valence émotionnelle de textes (positive, négative, et neutre) sur la compréhension et l’apprentissage de mots nouveaux auprès de 139 élèves de 5éme année de primaire (âge moyen : 10,9 ans). Huit histoires ont été construites selon trois versions — positive, négative et neutre. Les élèves étaient répartis aléatoirement dans l’une des trois conditions expérimentales. Chaque histoire comportait un pseudo-mot qui apparaissait trois fois, correspondant à un nouvel exemplaire d’une catégorie sémantique connue des élèves. Des indices étaient présents dans le texte afin de conférer à chaque pseudo-mot un sens spécifique. Le but de la lecture des textes n’était pas explicitement focalisé sur l’apprentissage des nouveaux mots, mais sur la compréhension du texte. Après la lecture de chacun des huit textes, la compréhension des textes ainsi que l’apprentissage des pseudomots cibles étaient évalués (reconnaissance orthographique et définition). Des tests évaluant le vocabulaire réceptif, le décodage, la compréhension en lecture et la mémoire verbale à court terme ont également été administrés. Les résultats ont révélé des scores de compréhension significativement inférieurs après la lecture des textes à valence positive plutôt que négative ou neutre, sans différence entre ces deux dernières conditions. L’effet de la valence émotionnelle des textes sur l’apprentissage des mots nouveaux n’a pu être démontré. Les résultats sont interprétés en termes d’effet distrayant du contenu émotionnel positif du support écrit sur la compréhension des textes. Intérêt public Nous testons ici l’effet de la valence émotionnelle de textes (positive, neutre et négative) sur leur compréhension ainsi que sur l’apprentissage de mots insérés dans ces textes. Les résultats montrent que la valence positive des textes a eu un effet distrayant, entrainant une compréhension moindre. Le choix des supports pédagogiques et de ses conséquences sur les apprentissages sont questionnés. Mots-clés : Compréhension en lecture, vocabulaire, émotions Matériel supplémentaire : http://dx.doi.org/10.1037/cep0000194.supp L’un des objectifs de l’école est de préparer les élèves à la lecture et à la compréhension de textes variés, potentiellement source d’apprentissage. Les habiletés de compréhension en lecture interviennent dans de nombreuses disciplines scolaires. La réussite scolaire des élèves dépend donc en grande partie de leurs compétences en compréhension en lecture. Le vocabulaire est un des principaux facteurs contribuant aux habiletés de compréhension en lecture (Cain & Oakhill, 2014; Currie & Cain, 2015; Oakhill, Cain, & McCarthy, 2015; Ouellette, 2006; Ouellette & Beers, 2010; Silva & Cain, 2015; Swart et al., 2017). Il est donc primordial de favoriser l’enrichissement du vocabulaire pour favoriser la compréhension de textes écrits. Les supports écrits (manuels scolaires, romans, bandes dessinées, etc.), en plus de divertir et de développer les connaissances des enfants sur un thème donné, constitueraient une source de développement de vocabulaire non négligeable. L’apprentissage de nouveaux mots peut se faire de façon explicite par l’utilisation d’activités régulières spécifiquement tournées vers des mots ciblés, This article was published Online First December 16, 2019. X Caroline Beauvais, Laboratoire Paragraphe, Université Paris 8; Nicolas Pfeiffer, pratique privée, Tournus, France; Marianne Habib, Laboratoire DysCo, Université Paris 8, COMUE Paris Lumières (UPL); Lucie Beauvais, Clinsearch, Malakoff, France, et Département Orthophonie, Université Claude Bernard; Lyon 1. Toute correspondance concernant le présent article doit être adressée à Caroline Beauvais, Laboratoire Paragraphe, EA 349, Université Paris 8, 2, rue de la liberté 93526, Saint-Denis, France. Courriel : caroline.beauvais@ iedparis8.net 144 EFFET DES ÉMOTIONS DES TEXTES SUR LA LECTURE ou bien de façon incidente, c’est-à-dire sans que l’objectif de la lecture ne soit explicitement tourné vers l’apprentissage de vocabulaire. Par ailleurs, la question du lien entre les apprentissages et les émotions en milieu scolaire fait l’objet d’un intérêt croissant et récent (Simoes-Perlant & Lemercier, 2018). Plusieurs études cherchent en effet à mieux comprendre dans quelle mesure et par quels mécanismes les émotions des élèves, ou celles potentiellement délivrées par les supports pédagogiques, peuvent influer sur les performances scolaires. Les textes étant une source essentielle d’apprentissage de nouvelles connaissances, la présente étude se propose d’examiner l’effet de la valence émotionnelle des textes sur leur compréhension et sur l’apprentissage de nouveaux mots insérés dans ces textes. Compréhension en lecture et vocabulaire : une relation réciproque Comprendre un texte écrit est une tâche complexe qui implique la construction d’une représentation mentale cohérente de la situation décrite par le texte lu (Van Dijk & Kintsch, 1983). Pour cela, le lecteur doit être capable d’ajouter aux informations du texte ses propres connaissances stockées en mémoire à long terme. Dans cette perspective, de nombreuses recherches ont tenté de déterminer quelles étaient les connaissances et les habiletés soustendant la construction d’une représentation mentale cohérente. L’influence du niveau de vocabulaire a été mis en évidence à de nombreuses reprises (Muter, Hulme, Snowling & Stevenson, 2004; Roth, Speece, & Cooper, 2002; Share & Leikin, 2004). Précisément, le niveau de vocabulaire serait davantage impliqué dans la compréhension inférentielle plutôt que littérale (Cain & Oakhill, 2014; Oakhill et al., 2015). D’autres travaux se sont intéressés au sens inverse de la relation qui unit le vocabulaire et la compréhension de textes en se focalisant sur la contribution de la lecture à l’acquisition de mots nouveaux. Ces études ont montré que les enfants sont capables d’apprendre des mots nouveaux de façon incidente lorsqu’ils lisent des textes, c’est-à-dire lorsqu’aucune consigne n’est orientée explicitement vers l’apprentissage de ces mots (Beck & McKeown, 1991; Daskalovska, 2016; Jenkins, Stein, & Wysocki, 1984; Nagy, Anderson, & Herman, 1987; Suggate, Lenhard, Neudecker & Schneider, 2013). L’apprentissage incident via les lectures représenterait pour certains auteurs le moyen par lequel la majorité des mots seraient appris, tandis que l’apprentissage formel par les enseignants ne contribuerait que très peu au développement du lexique (Nagy et al., 1987; 3éme, 5éme et 7éme année). Différentes dimensions d’un mot peuvent être apprises au cours de la lecture, notamment sa phonologie (c’est-à-dire sa prononciation), son orthographe et sa signification (Ehri, 2005; Nagy & Scott, 2000; Nation, 2001). L’apprentissage d’un nouveau mot consisterait ainsi à lier ces différentes dimensions entre elles et à les stocker en mémoire sous forme d’amalgame (Ehri, 1998, 2005). La littérature distingue le nombre de mots connus (l’étendue de la connaissance du vocabulaire) de la richesse de la connaissance des mots (profondeur de la connaissance du vocabulaire; Ouellette, 2006; Stahl & Nagy, 2006). La notion de profondeur de la connaissance d’un mot laisse émerger l’idée d’un continuum, allant d’une connaissance partielle à complète, dépassant ainsi une conception simpliste d’une connaissance en « tout-ou-rien » (Harley, 1995). Au 145 regard de cette conception incrémentale de la connaissance des mots, les chercheurs ont proposé différentes mesures dans le but d’évaluer l’acquisition des différentes dimensions des mots et de leurs différents niveaux de connaissance (de superficiel à profond). Il peut s’agir de mesures permettant d’apprécier la connaissance de l’orthographe du nouveau mot, telles qu’une tâche de production écrite de mots (Daskalovska, 2016; Rosenthal & Ehri, 2011), ou de reconnaissance orthographique du stimulus cible parmi des distracteurs (Gobin, Baltazart, Pochoni & Stefaniak, 2018). Il peut s’agir également de mesures évaluant l’apprentissage du sens des nouveaux mots. Dans ce cas, les mesures utilisées varient en fonction des études, pouvant prendre la forme d’un choix d’image illustrant le mot cible parmi plusieurs (Suggate et al., 2013), d’une tâche de production de définition par écrit (Swanborn & De Glopper, 2002), d’une tâche de choix de définition (Rosenthal & Ehri, 2011) ou encore de choix de synonyme du mot cible (Daskalovska, 2016). Certains modèles ayant explicité les mécanismes d’apprentissage de nouveaux mots en situation de lecture se sont concentrés sur l’apprentissage de l’orthographe des mots uniquement (voir, par exemple, l’hypothèse du « self-teaching »; Share, 1999; 2004), d’autres sur l’apprentissage du seul sens de nouveaux mots lorsqu’ils sont rencontrés au cours de la lecture (Fukkink, 2005). Le modèle d’Ehri (1998) décrit, quant à lui, les mécanismes permettant l’apprentissage d’un nouveau mot en considérant l’ensemble des dimensions du mot (phonologie, orthographe et sens) dans un modèle à quatre étapes. Tout d’abord, le lecteur doit déterminer la prononciation du mot nouveau (sa phonologie). Le décodage permet le stockage en mémoire de l’orthographe du nouveau mot. Ensuite, le lecteur doit déterminer la fonction syntaxique du mot ainsi que son sens à partir des indices présents dans le contexte ou à partir d’une autre source d’information (le dictionnaire, par exemple). Enfin, les différentes dimensions de ce mot (prononciation, orthographe et sens) sont reliées entre elles en mémoire. Le lien entre ces différentes dimensions entraine la formation d’une représentation lexicale de qualité, facilitant ainsi l’accès aux mots au cours de la lecture et la compréhension du texte (Perfetti, 2007; Perfetti & Hart, 2001, 2002; Perfetti & Stafura, 2014). Selon la méta-analyse de Swanborn et De Glopper (1999), il est possible d’apprendre de façon incidente entre 5 % et 15 % de mots nouveaux rencontrés lors d’une lecture. Ce pourcentage peut néanmoins varier en fonction de plusieurs facteurs propres au lecteur, au texte, ou encore aux spécificités des mots cibles (Nagy et al., 1987; Swanborn & De Glopper, 1999). Les élèves ayant un niveau de décodage et de compréhension en lecture élevé, ou encore un niveau élevé de vocabulaire, apprennent plus de mots nouveaux que les élèves ayant un niveau inférieur dans ces habiletés lorsqu’ils sont en situation de lecture (Cain, Oakhill, & Lemmon, 2004; Swanborn & De Glopper, 1999). Par ailleurs, le rapport entre le nombre de mots connus et inconnus est un facteur qui influence l’apprentissage de nouveaux mots : plus un nombre important de mots connus entourent un mot inconnu, plus la probabilité d’apprendre son sens est élevée (Swanborn & De Glopper, 1999). La consigne de lecture influence également le nombre de mots appris au cours de la lecture : demander aux enfants de lire pour apprendre des informations sur le thème du texte conduit les élèves à apprendre plus de mots que de leur demander de lire librement (Swanborn & De Glopper, 2002). D’autres facteurs externes au lecteur ont une influence sur 146 BEAUVAIS, PFEIFFER, HABIB ET BEAUVAIS l’apprentissage de mots nouveaux, tels que la morphosyntaxe, les noms étant, par exemple, plus faciles à apprendre que les verbes (Wasik, Hindman, & Snell, 2016). Enfin, les élèves apprennent mieux un mot apparaissant, par exemple, trois fois au sein d’un même texte qu’un mot apparaissant une seule fois (Wasik et al., 2016). Les résultats expérimentaux précités font état de facteurs influençant l’apprentissage de nouveaux mots en situation de lecture. Les recherches sur l’effet des émotions issues des supports pédagogiques sur les performances scolaires sont en plein essor. La valence émotionnelle des textes dans lesquels apparaissent des mots nouveaux pourrait constituer un facteur à considérer. Effets des émotions sur les performances à des tâches scolaires Une partie de la littérature scientifique actuelle s’attache à mieux comprendre les émotions ressenties par les enseignants et les enseignantes (Keller, Chang, Becker, Goetz & Frenzel, 2014; Wang, Hall, Goetz & Frenzel, 2017), la transmission des émotions entre les élèves et leurs enseignants ou enseignantes (Frenzel, Becker-Kurz, Pekrun, Goetz & Lüdtke, 2018) ou encore l’effet des activités scolaires sur les émotions des élèves (Fartoukh & Chanquoy, 2016; Tornare, Czajkowski, & Pons, 2015). Un autre objectif de recherche consiste à examiner l’effet, sur les performances scolaires, des émotions des élèves ou de celles qui sont véhiculées par le support pédagogique auquel l’élève est exposé. Actuellement, deux approches permettent de traiter cette question. Une première consiste à induire chez les élèves un état émotionnel spécifique et à en apprécier l’effet sur les performances à une tâche définie. Dans ce cas, l’induction peut être réalisée en demandant aux enfants d’écouter une histoire gaie ou triste (Cuisinier, Sanguin-Bruckert, Bruckert & Clavel, 2010; Fartoukh, Chanquoy, & Piolat, 2014; Tornare, Czajkowski, & Pons, 2016), d’évoquer un souvenir autobiographique (Tornare, Cuisinier, Czajkowski & Pons, 2017; Tornare et al., 2016) de regarder de courtes vidéos (Kuhbandner, Pekrun, & Maier, 2010) ou encore de recevoir un cadeau (Isen, 1984). Les résultats de ces études sont relativement contradictoires et varient en fonction de la valence de l’induction émotionnelle, ainsi que du type de tâche proposé. Il a été démontré que l’induction d’une émotion de joie avant la réalisation d’une tâche de grammaire augmentait les performances des élèves de 5éme année de primaire (Tornare et al., 2016), ainsi que les performances en résolution de problèmes mathématiques chez des élèves de 3éme année de primaire à la 5éme année de primaire (Bryan & Bryan, 1991). En revanche, aucun effet de l’induction émotionnelle joyeuse n’a été mis en évidence lors d’une tâche de compréhension de texte en 5éme année de primaire (Tornare et al., 2016). Les études ayant examiné l’effet de la valence émotionnelle des supports pédagogiques, indépendamment d’une phase d’induction préalable, restent rares à ce jour et concernent diverses tâches complexes. Dans le cas d’une tâche de production de textes, la valence émotionnelle d’une consigne de rédaction peut influencer certaines caractéristiques des productions écrites. C’est ce que Fartoukh, Chanquoy et Piolat (2012) ont mis en évidence, en demandant à des enfants de 4éme et 5éme année de primaire de raconter par écrit un souvenir autobiographique joyeux, triste ou neutre. Si la valence émotionnelle du souvenir à raconter n’a pas eu d’effet sur les erreurs orthographiques, les récits négatifs étaient en moyenne plus courts que les récits positifs et neutres. L’effet de la valence émotionnelle des supports écrits sur les performances en dictée et les mécanismes sous-jacents à cet effet commencent à être bien documentés. Selon plusieurs études, la valence émotionnelle des textes utilisés pour la dictée, qu’elle soit positive ou négative, a un effet distrayant, engendrant une baisse des performances orthographiques (Fartoukh et al., 2014; Largy, SimoësPerlant, & Soulier, 2017). Les résultats de Cuisinier et al. (2010) confirment cet effet délétère en démontrant un plus grand nombre d’erreurs lorsque le texte dicté présente un contenu émotionnel plutôt que neutre. Ceci est d’autant plus vrai lorsque le texte est positif plutôt que négatif. Cette diminution des performances n’est pas accompagnée d’un changement de l’état émotionnel des élèves. Les auteurs concluent donc que la valence émotionnelle délivrée par le support de texte influence directement les performances des élèves, le contenu émotionnel jouant un rôle distracteur. Tornare et al. (2016) confirment l’effet distrayant de la valence émotionnelle positive des dictées sur le nombre d’erreurs orthographiques, sans induire un changement de l’état émotionnel des élèves de 5éme année de primaire. Fartoukh et al. (2014) mettent en évidence un nombre plus élevé d’erreurs orthographiques lorsque les textes dictés sont gais et tristes, chez des élèves de 4éme et 5éme année de primaire. Cependant, à la différence de Cuisinier et al. (2010) et de Tornare et al. (2016), les auteurs relèvent une modification de l’état émotionnel des enfants suite à la (double) lecture des textes. De rares études ont examiné l’effet de la valence émotionnelle des supports de textes sur l’activité de lecture dont la finalité est de comprendre ou d’apprendre de nouvelles informations issues du texte. Les résultats semblent à ce jour contradictoires. Clavel et Cuisinier (2008) ont proposé à des élèves de 5éme année de primaire de lire silencieusement un texte à valence émotionnelle joyeuse, triste ou neutre. À l’issue de chaque lecture, l’état émotionnel des élèves était évalué. Des questions visant à évaluer la compréhension des textes lus ont ensuite été proposées. Les résultats ont montré une compréhension moindre lorsque le texte lu silencieusement est à valence positive plutôt que négative ou neutre. L’état émotionnel des élèves postlecture était, quant à lui, congruent avec la valence des textes lus. À l’inverse, une étude de Gobin et al. (2018) menée auprès de jeunes lecteurs (de la 1ère à la 3éme année de primaire) a mis en évidence l’effet bénéfique de la valence émotionnelle de textes sur la mémorisation d’information issues de ces textes. Les auteurs ont demandé aux élèves d’écouter des histoires enregistrées (positive, négative et neutre) tout en suivant des yeux le texte présenté sur un écran d’ordinateur. Il leur était demandé de bien comprendre chaque histoire et d’imaginer le sens du mot final inconnu. Les résultats montrent une meilleure reconnaissance visuelle et auditive de ces mots après l’écoute et la lecture des textes lorsque ces derniers étaient positifs ou négatifs plutôt que neutres. Selon les auteurs, la valence émotionnelle des textes entourant les mots inconnus favoriserait l’encodage des représentations orthographiques et phonologiques des mots. Ce résultat est congruent avec ceux ayant mis en évidence un effet facilitateur des émotions sur la mémorisation (Blanchette & Richards, 2010; Syssau & Monnier, 2012). Les résultats divergents quant à l’influence de la valence émotionnelle sur les performances aux tâches scolaires invitent à poursuivre les recherches sur la question. L’effet du contenu émotionnel des supports semble EFFET DES ÉMOTIONS DES TEXTES SUR LA LECTURE favorable lorsque les tâches impliquent des traitements simples, comme c’est le cas de la mémorisation d’éléments intégrés dans un contexte langagier teinté émotionnellement (Gobin et al., 2018). Il apparait à l’inverse défavorable lorsque les tâches à réaliser sollicitent plus fortement la mémoire de travail, avec des traitements coûteux ou nombreux (dictée, production de textes ou compréhension en lecture). Selon le Modèle d’allocation de ressources attentionnelles et d’interférences cognitives (Ellis & Moore, 1999), l’état émotionnel des individus, positif comme négatif, entrainerait des pensées intrusives. Ces pensées consommeraient des ressources en mémoire et entraineraient une diminution des ressources pour l’exécution de la tâche en cours. Les performances seraient alors amoindries. Au regard des résultats expérimentaux disponibles (Clavel & Cuisinier, 2008; Cuisinier et al., 2010; Fartoukh et al., 2012; Fartoukh et al., 2014), cette explication pourrait s’appliquer plus largement aux études manipulant les émotions des contenus écrits, sans que cet effet ne soit nécessairement associé à une modification de l’état émotionnel des participants. Selon cette perspective, la complexité de la tâche (nombre ou complexité des traitements pour réaliser la tâche) pourrait moduler l’effet de la valence émotionnelle des supports écrits sur les performances. Plus une tâche serait coûteuse cognitivement, plus la valence émotionnelle pourrait interférer. Objectif et hypothèses L’objectif de la présente étude est de clarifier l’effet de la valence émotionnelle de textes (positive, négative, neutre) sur la compréhension en lecture et l’apprentissage de nouveaux mots, auprès d’enfants en 5éme année de primaire. Si l’objectif final de la lecture d’un texte est la compréhension du message véhiculé, le texte est également une source d’apprentissage non négligeable, et notamment de nouveaux mots. Les résultats des rares études ayant examiné l’effet de la valence émotionnelle des textes sur la compréhension et l’apprentissage de vocabulaire aboutissent à des résultats contradictoires. La valence émotionnelle positive des textes agirait comme un distracteur et diminuerait la compréhension des textes lus (Clavel & Cuisinier, 2008; Ellis & Moore, 1999). Pourtant, selon Gobin et al. (2018), les valences positives et négatives faciliteraient l’encodage des représentations phonologiques et orthographiques de nouveaux mots insérés dans les textes. Aucune recherche n’a à ce jour examiné l’effet de différentes valences émotionnelles de textes sur ces deux aspects de façon conjointe. L’effet de la valence émotionnelle de textes sur l’apprentissage du sens de nouveaux mots présents dans les textes n’a fait l’objet d’aucune recherche. Pour répondre à ces questions, chaque élève devait lire huit histoires dans l’une des trois valences émotionnelles proposées (positive, négative ou neutre) (Voir les documents supplémentaires en ligne). Chaque histoire comportait un pseudo-mot dont l’élève pouvait attribuer un sens à partir d’indices présents dans les textes. Après la lecture, la compréhension des textes et l’apprentissage des pseudo-mots cibles ont été évalués (tâche de reconnaissance orthographique et de définition) et comparés entre les trois conditions expérimentales. Conformément aux résultats expérimentaux disponibles relatifs à l’effet de la valence émotionnelle des textes sur leur compréhension (Clavel & Cuisinier, 2008), il est attendu des performances plus faibles pour les questions de compréhension qui font suite à la 147 lecture de textes positifs plutôt que négatifs ou neutres. Cependant, les résultats des études antérieures concernant l’effet de la valence émotionnelle des supports écrits sur les performances à des tâches complexes autres que la compréhension en lecture peuvent conduire à la formulation d’une hypothèse alternative, selon laquelle les performances seront également inférieures après l’exposition à un écrit à valence négative comparativement à la valence neutre (Cuisinier et al., 2010; Fartoukh et al., 2012; Fartoukh et al., 2014). L’apprentissage des représentations orthographiques de mots nouveaux apparaissant comme une tâche moins complexe et coûteuse que la compréhension de texte, il est attendu un effet bénéfique de la valence émotionnelle des textes (positive et négative) sur les performances à la tâche de reconnaissance orthographique des mots, comparativement à la valence neutre (Gobin et al., 2018). Enfin, dans le cadre de cette étude, la compréhension du sens des pseudo-mots nécessite la réalisation d’une inférence lors de la phase de la lecture des textes. Cette activité, indispensable pour envisager l’apprentissage du sens des pseudo-mots, est complexe. Sur la base des études antérieures concernant l’effet de la valence émotionnelle des supports dans le cadre de tâches complexes, nous nous attendons à ce que les performances à la tâche de définition soient inférieures lorsque la tâche fait suite à la lecture des textes positifs plutôt que neutres (Clavel & Cuisinier, 2008; Cuisinier et al., 2010; Fartoukh et al., 2014; Tornare et al., 2016). Les études ayant manipulé la valence émotionnelle négative sont plus contradictoires et permettent de formuler l’hypothèse d’un effet délétère des textes à valence négative sur l’apprentissage des mots insérés dans ces mêmes textes (Cuisinier et al., 2010; Fartoukh et al., 2012; Fartoukh et al., 2014) comparativement aux textes à valence neutre, ou bien une absence de différence (Clavel & Cuisinier, 2008). Enfin, les relations entre les habiletés langagières des enfants (décodage, vocabulaire réceptif, mémoire verbale à court terme et compréhension en lecture) et la compréhension en lecture et l’apprentissage de nouveaux mots seront examinées, en fonction de la valence émotionnelle des textes. Méthode Participants L’étude a été réalisée auprès d’un échantillon de 159 élèves de 5éme année de primaire. Les enfants étaient scolarisés dans six classes d’écoles publiques des départements de Charente et de Saône-et-Loire, comparables du point de vue socioéconomique. La réalisation de cette étude a impliqué l’accord des Inspections académiques concernées et de ceux des directeurs et enseignants des écoles. Une autorisation parentale était requise pour toute participation; celle-ci informait les parents des objectifs et des conditions de réalisation de l’étude. Tous les enfants de l’étude étaient de langue maternelle française. Les enfants présentant des troubles neuro-développementaux (renseignés par les enseignants et enseignantes) ont été écartés au moment des analyses. Plusieurs mesures préalables ont été proposées afin de s’assurer qu’aucun élève ne présentait de difficultés particulières quant aux habiletés impliquées dans la lecture et l’apprentissage de vocabulaire (voir le descriptif des tâches ci-dessous) : les connaissances en vocabulaire, le décodage ainsi que la compréhension en lecture et les 148 BEAUVAIS, PFEIFFER, HABIB ET BEAUVAIS connaissances orthographiques. Ces mesures ont fait l’objet d’un contrebalancement. Pour chacune des mesures, le critère de trois écart-types inférieur ou supérieur à la moyenne de l’échantillon a été retenu pour exclure les élèves dont les performances s’éloignaient trop de la moyenne du groupe. Quinze élèves ont été exclus après cette analyse. De plus, quatre enfants ayant été absents à l’une des sessions et un enfant ne souhaitant pas participer le jour de l’expérimentation ont également été retirés de l’analyse des données. Au final, 139 enfants (56 filles, 83 garçons, M ⫽ 10,6) ont été inclus dans l’échantillon, répartis aléatoirement en trois groupes indépendants correspondant chacun à une valence émotionnelle de texte (« Positive » (n ⫽ 46), « Neutre » (n ⫽ 46), et « Négatif » (n ⫽ 47). Connaissances en vocabulaire. L’Échelle de vocabulaire en images Peabody (EVIP; Dunn, Theriault-Whalen, & Dunn, 1993) adaptée en français a été administrée. Les participants doivent pointer l’image qui illustre le mieux, parmi quatre, la signification d’un mot prononcé par l’examinateur. Seules les planches correspondant à l’âge des participants ont été administrées. Ainsi, l’évaluation a commencé cinq planches avant les items d’âge 10 –11 ans et s’est terminée cinq items après l’âge 10 –11 ans (soit les planches n°80 à n°104). L’EVIP permet l’évaluation de l’étendue du vocabulaire du participant. Un point a été donné pour chaque réponse correcte. Le score maximal est de 25. Mémoire verbale à court terme. Une tâche de répétition orale de 20 logatomes était proposée (Odédys; Valdois, Jacquier, & Zorman, 2009). L’objectif est pour l’enfant de les répéter à la suite de l’expérimentateur. Un point est donné à chaque répétition correcte. Le score maximal est de 20. Décodage. Le test de l’Alouette-R (Lefavrais, 2005) consiste pour l’élève à lire un texte qui n’a pas de sens à haute voix le plus rapidement possible, en faisant le moins d’erreurs possible dans une durée maximale de trois minutes. Au maximum, 265 mots peuvent être lus correctement. Deux indices ont été calculés : un indice de précision (correspondant au rapport entre le nombre de mots correctement lus et le nombre de mots lus au total), et un indice de vitesse (correspondant au rapport entre le nombre de mots correctement lus et le temps de lecture). Compréhension en lecture. Dans cette épreuve (Potocki, Bouchafa, Magnan & Ecalle, 2014), le participant lit silencieusement une histoire avant de répondre à une série de 12 questions à choix multiples. Quatre questions portent sur les informations littérales du texte, quatre nécessitent la construction d’une inférence de cohésion par la résolution d’une anaphore. Quatre autres nécessitent la production d’une inférence basée sur les connaissances du lecteur. Chaque question implique de choisir la réponse correcte parmi trois. Il n’y a pas de limite de temps imposée. Chaque réponse correcte est notée un point, le score maximal est de 12. Matériel Les pseudo-mots cibles. Huit pseudo-mots de cinq ou six lettres ont été construits, tous étaient bisyllabiques. Les suites de lettres des huit pseudo-mots étaient plausibles dans la langue française. De plus, chaque pseudo-mot comportait une correspondance graphème-phonème qui n’était pas la plus fréquente dans la langue française. De cette façon, il a été possible de proposer une alternative plus fréquente dans la tâche de reconnaissance or- thographique (voir Tâches expérimentales). Ces fréquences ont été obtenues dans la base française Lexique (New, Pallier, & Ferrand, 2005). Chaque pseudo-mot correspondait à un nouvel exemplaire d’une catégorie sémantique connue des enfants, qui pouvait être déduit après la lecture de l’histoire. Les histoires. Chaque histoire (de 125 à 135 mots; de 9 à 11 phrases) contenait trois occurrences de chaque pseudo-mot cible. Les textes ont été construits de sorte que la première apparition du mot cible soit située entre la première et la troisième phrase du texte. Pour chaque pseudo-mot cible, plusieurs indices étaient présents dans les deux phrases suivant sa première apparition (aucun indice sémantique n’apparaissait avant la première occurrence du premier pseudo-mot cible). En effet, selon les résultats de Cain et al. (2004), une plus grande distance entre le mot cible et les indices pourrait engendrer une difficulté dans la réalisation de l’inférence. Ces indices se référaient aux caractéristiques physiques et aux fonctions usuelles du mot cible, et devaient permettre d’inférer leur catégorie sémantique et d’y associer leurs propriétés. Les indices qui permettaient d’inférer le sens des pseudo-mots cibles étaient les mêmes pour chacune des trois versions des textes. Enfin, les deux occurrences du pseudo-mot cible restantes étaient situées dans les phrases qui suivaient la phrase contenant la première occurrence du pseudo-mot cible (de la phrase 2 à 7). En suivant ces critères, trois versions de huit histoires ont été élaborées selon les trois valences émotionnelles manipulées. Pour s’assurer que la valence émotionnelle des textes construits était congruente avec la valence émotionnelle manipulée, les textes ont été analysés au moyen du logiciel EMOTAIX-Tropes (Piolat & Bannour, 2009), qui permet de relever le nombre d’occurrences de termes connotés positivement et négativement au regard de la valence émotionnelle souhaitée. De plus, les textes ont été évalués subjectivement concernant leur valence par 69 élèves de 5éme année de primaire (de 19 à 27 enfants par texte). Pour cela, on a demandé aux participants de lire chaque texte et d’estimer, sur une échelle en neuf points de type Self-Assessment Manikin (SAM, Bradley & Lang, 1994), la valence des textes (de 1 ⫽ très négatif à 9 ⫽ très positif) en entourant le chiffre approprié. Les résultats de ce pré-test ont mis en évidence un effet de la valence des textes sur la valence estimée des textes par les enfants de 5éme année de primaire, F(2, 136) ⫽ 239,22, p ⬍ 0,0001 : les textes positifs ont été jugés plus positifs que les textes à valence neutre, p ⬍ 0,0001, ces derniers étant eux-mêmes jugés plus positifs que les textes négatifs, p ⬍ 0,0001 (respectivement, M ⫽ 8,07, É.-T. ⫽ 0,91; M ⫽ 6,43, É.-T. ⫽ 1,45; M ⫽ 3,10, É.-T. ⫽ 1,55). Tâches expérimentales. Trois tâches expérimentales étaient proposées immédiatement après la lecture de chaque histoire : une tâche de compréhension de texte, et deux tâches visant à examiner l’apprentissage des pseudo-mots cibles (une tâche de reconnaissance orthographique et une tâche de définition). Compréhension de texte. Après la lecture de chaque histoire, cinq questions de compréhension portant sur les informations littérales du texte étaient posées à l’élève. Il s’agissait de questions ouvertes. Aucune de ces questions ne portait sur les pseudo-mots cibles. Le score maximum est de 40. Reconnaissance orthographique. Cette tâche permettait d’évaluer l’acquisition de la forme orthographique des pseudomots cibles. Il s’agissait de reconnaître la forme orthographique du pseudo-mot présenté dans le texte précédemment lu, parmi trois EFFET DES ÉMOTIONS DES TEXTES SUR LA LECTURE distracteurs : un visuel, un phonologique et un pseudo-mot composé des mêmes lettres que le pseudo-mot cible présentées dans le désordre. La consigne était la suivante : « Lis bien les mots de la liste et entoure celui que tu as vu dans le texte. Attention, il n’y en a qu’un ! » Un point par réponse correcte était attribué, soit huit au total pour l’ensemble des textes. Définition. Cette tâche évalue l’acquisition du sens des pseudo-mots cibles sous la forme d’un questionnaire à choix multiple. À la question « Qu’est-ce qu’un/une [pseudo-mot cible] ? », l’élève devait entourer la bonne réponse parmi quatre propositions : une proposition concernait la catégorie sémantique à laquelle appartient le pseudo-mot cible lu dans l’histoire (réponse correcte); trois autres propositions correspondaient aux catégories de trois pseudo-mots qui apparaissaient dans les autres textes. Un point par réponse correcte était attribué, soit huit points au total pour l’ensemble des textes. Procédure Les mesures préalables individuelles (connaissances en vocabulaire, mémoire verbale à court terme, décodage) ont été proposées avant ou après les deux séances expérimentales, dans un délai moyen d’une semaine, en fonction des classes testées. Cette séance individuelle menée par l’un des expérimentateurs durait entre 10 et 15 min, et avait lieu au sein de l’école, à la bibliothèque ou dans une classe vide prévue à cet effet. La présentation des épreuves était contrebalancée entre les enfants. Ensuite, la passation des épreuves expérimentales se faisait en deux temps (environ 45 min par temps), en présence de l’enseignant ou de l’enseignante, pour chaque classe. Lors du premier temps, les élèves de chaque classe ont été répartis aléatoirement dans une des trois conditions expérimentales. Un tiers de la classe lisait les textes neutres, un tiers lisait les textes positifs, et l’autre tiers lisait les textes négatifs. Le matériel, présenté sous forme de livrets, était distribué à chaque élève. Les huit textes initiaux (pour chaque condition) ont été séparés en deux livrets contenant quatre textes chacun (baude, sengre, meigne, naule pour le livret 1; viraut, feine, reige, nédent pour le livret 2). Au sein de chaque livret, l’ordre des textes était contrebalancé. L’expérimentateur annonçait aux élèves qu’ils allaient rencontrer quatre textes dans le livret et que des questions porteraient sur ces textes après la lecture. Ils étaient ensuite invités à ouvrir le livret pour commencer la lecture. Après chaque texte suivaient les tâches de compréhension de texte, de reconnaissance orthographique puis de définition, toujours dans cet ordre. Cette succession d’étapes était répétée pour les trois textes. Il a de plus été indiqué aux élèves qu’aucun retour en arrière n’était possible. Une fois la page tournée, il était formellement interdit de retourner à la page précédente. Aucune limite de temps n’était fixée. À la fin de la séance, l’expérimentateur ramassait les livrets. Le second temps, à distance d’une semaine en moyenne, se déroulait de façon similaire, chaque enfant rencontrait les quatre textes qu’il n’avait pas lus lors de la première séance. L’ordre des livrets (livret 1 et livret 2) a été contrebalancé en fonction des classes. L’expérimentateur ramassait les livrets à la fin de la séance, et proposait ensuite l’épreuve de compréhension en lecture, qui durait de 30 à 40 min. Résultats Trois ensembles d’analyses ont été menées. Une première analyse a consisté à examiner l’équivalence des groupes testés concer- 149 nant l’âge et les habiletés verbales préalables. Une deuxième analyse (corrélationnelle) a consisté à examiner les liens entre les habiletés verbales préalables et les performances obtenues aux trois tâches expérimentales postlecture (compréhension de textes, reconnaissance orthographique, définition). Les liens entre les performances obtenues entre les trois tâches expérimentales ont également été examinés. Enfin, nous avons mené des analyses de modèles linéaires mixtes pour tester l’hypothèse formulée relative à l’effet de la valence émotionnelle des textes sur la compréhension des textes et l’apprentissage de nouveaux mots. Équivalence des groupes expérimentaux Dans un premier temps, lorsque cela a été possible, nous avons comparé les résultats obtenus aux différentes mesures préalables aux normes disponibles dans les manuels des tests utilisés. Les performances des élèves pour les épreuves évaluant la mémoire à court terme (Odédys;Valdois et al., 2009), le décodage (Alouette-R; Lefavrais, 2005) et la compréhension en lecture (Potocki et al., 2014) se situent autour de la moyenne attendue pour les enfants de 5éme année de primaire (moyennes des groupes comprises entre ⫺1 et ⫹ 1 écart-type de la moyenne; voir le Tableau 1). Dans un second temps, une ANOVA intersujets à un facteur « Groupe » à trois modalités (neutre, positif, négatif) a été réalisée sur chacune des mesures préalables. Les analyses ne révèlent pas d’effet du groupe sur les performances obtenues à la mesure du vocabulaire, F(2, 136) ⫽ 0,66, p ⫽ 0,52 (négatif vs neutre : d ⫽ 0,18; négatif vs positif : d ⫽ 0,04; neutre vs positif : d ⫽ 0,25) aux deux mesures de décodage (Indice précision : F(2, 136) ⫽ 0,32, p ⫽ 0,73; négatif vs neutre : d ⫽ 0,05; négatif vs positif : d ⫽ 0,17; neutre vs positif : d ⫽ 0,11; Indice vitesse : F(2, 136) ⫽ 1,17, p ⫽ 0,31; négatif vs neutre : d ⫽ 0,01; négatif vs positif : d ⫽ 0,27; neutre vs positif : d ⫽ 0,27), à la mémoire verbale à court terme, F(2, 136) ⫽ 1,01, p ⫽ 0,37 (négatif vs neutre : d ⫽ 0,24; négatif vs positif : d ⫽ 0,24; neutre vs positif : d ⫽ 0,00; à la mesure de compréhension, F(2, 136) ⫽ 0,54, p ⫽ 0,58 (négatif vs neutre : d ⫽ 0,21; négatif vs positif : d ⫽ 0,08; neutre vs positif : d ⫽ 0,14). L’âge ne diffère pas significativement entre les trois groupes, F(2, 136) ⫽ 2,90, p ⫽ 0,06 (négatif vs neutre : d ⫽ 0,02; négatif vs positif : d ⫽ 0,25; neutre vs positif : d ⫽ 0,26). Les performances obtenues par les participants aux mesures préalables en fonction de leur répartition au sein des conditions expérimentales (neutre, positif, négatif) sont présentées dans le Tableau 1. Analyses corrélationnelles Le Tableau 2 présente les corrélations entre les habiletés verbales et les performances aux trois tâches expérimentales proposées après la lecture. Quel que soit le groupe concerné, les résultats mettent en évidence des corrélations positives entre les habiletés en vocabulaire réceptif (EVIP) et les performances à la tâche de définition. Des corrélations positives et significatives ont été mises en évidence entre les performances au test de compréhension (Potocki et al., 2014) et la compréhension des textes expérimentaux, et entre les habiletés en vocabulaire et la compréhension des textes expérimentaux pour les groupes positifs et négatifs. Les indices de décodage (Précision et Vitesse) sont positivement corrélés aux performances obtenues aux tâches expérimentales de façon rela- BEAUVAIS, PFEIFFER, HABIB ET BEAUVAIS 150 Tableau 1 Moyenne (et écarts-type) de l’âge des participants et des scores obtenus aux mesures préalables, pour chaque groupe expérimental (positif, neutre, négatif) Groupes Âge Vocabulaire réceptif (/25) Compréhension de textes (/12) MCT verbale (/20) Indice précision (décodage) Indice vitesse (décodage) Positif (n ⫽ 46) Neutre (n ⫽ 46) Négatif (n ⫽ 47) Moyennes issues des normes 11,01 21,04 (2,19) 10,84 (1,11) 19,5 (1,17) 95,53 (2,80) 275,77 (99,59) 10,8 21,56 (2,03) 10,99 (1,17) 19,15 (1,07) 95,82 (2,76) 301,95 (95,25) 10,8 21,15 (2,66) 10,75 (1,08) 19,49 (1,64) 95,93 (2) 300,97 (84,70) Ø1 10,56 (1,50) 19,4 (1) 95 (4) 268 (82) tivement anarchique en fonction des tâches et des conditions expérimentales. Enfin, il existe une corrélation significative positive entre les habiletés de compréhension mesurées préalablement et les performances à la tâche de définition pour le groupe Neutre et Négatif. Quelle que soit la condition expérimentale, les performances pour les tâches de définition et de reconnaissance orthographique sont corrélées positivement. Plus spécifiquement, des corrélations positives ont été mises en évidence entre la tâche de compréhenTableau 2 Corrélations entre les mesures verbales préalables et les performances aux tâches expérimentales, en fonction des conditions expérimentales Tâches expérimentales Mesures Compréhension Groupe Neutre Compréhension Vocabulaire MCT verbale IVL (Alouette) IPL (Alouette) Tâches expérimentales Compréhension Orthographe Définition Groupe Positif Compréhension Vocabulaire MCT verbale IVL (Alouette) IPL (Alouette) Tâches expérimentales Compréhension Orthographe Définition Groupe Négatif Compréhension Vocabulaire MCT verbale IVL (Alouette) IPL (Alouette) Tâches expérimentales Compréhension Orthographe Définition ⴱ p ⬍ 0,05. ⴱⴱ p ⬍ 0,01. Orthographe Définition 0,030 0,246 0,024 0,219 0,229 0,334ⴱ ⫺0,054 0,175 0,318ⴱ 0,304ⴱ 0,396ⴱⴱ 0,318ⴱ 0,117 0,248 0,116 — — — 0,317ⴱ — — 0,220 0,379ⴱⴱ — 0,388ⴱⴱ 0,392ⴱⴱ 0,201 0,252 0,181 0,077 0,151 0,023 0,178 0,160 ⫺0,076 0,349ⴱⴱ 0,177 0,330ⴱ 0,264 — — — 0,420ⴱⴱ — — 0,588ⴱⴱ 0,411ⴱⴱ — 0,325ⴱ 0,468ⴱⴱ 0,191 0,246 0,427ⴱⴱ 0,060 0,180 0,069 0,443ⴱⴱ 0,173 0,343ⴱ 0,465ⴱⴱ 0,214 0,438ⴱⴱ 0,345ⴱ 0,287 — — 0,562ⴱⴱ 0,420ⴱⴱ — — — — sion et de reconnaissance orthographique pour les groupes Neutre et Positif. Enfin, les performances aux tâches de compréhension et de définition sont corrélées positivement pour les groupes Positif et Négatif. Tâches expérimentales Des modèles linéaires mixtes ont été utilisés pour tester l’effet de la valence émotionnelle des textes sur les trois variables dépendantes (Compréhension de textes, Reconnaissance orthographique, Définition; IBM SPSS Statistics, version 23). Pour chaque analyse, le facteur Valence (intersujets; positive, neutre et négative) a été entré comme facteur fixe. Les facteurs Participants et Items ont été entrés en facteurs Aléatoires. Les comparaisons par paires ont été menées avec des tests de Bonferroni. Le tableau 3 présente les moyennes et les écart-types des scores obtenus aux tâches expérimentales, en fonction des conditions expérimentales. Analyse préalable : effet de l’ordre de la session sur les performances. Comme il a été précisé dans la section Procédure, les quatre textes proposés aux enfants ont été séparés en deux livrets contenant chacun quatre textes. La présentation de ces livrets a fait l’objet de deux séances expérimentales, à une semaine d’intervalle en moyenne. Des analyses statistiques (test t de Student intrasujets) ont été menées afin de tester l’éventuel effet de la session sur les performances des élèves sur les trois tâches proposées après la lecture des textes (Compréhension de textes, Reconnaissance orthographique et Définition). L’objectif était d’examiner si les enfants avaient anticipé les questions qui seraient posées dans les livrets. Les analyses ne mettent pas en évidence de différence significative de performances entre la Session 1 et la Session 2, ni pour la tâche Compréhension de texte, t(138) ⫽ 0,84, p ⫽ 0,40, ni pour la tâche Reconnaissance orthographique, t(138) ⫽ 1,13, p ⫽ 0,26. En revanche, les performances ont tendance à être supérieure à la deuxième séance comparativement à la première pour la tâche Définition (respectivement, M ⫽ 3,9, M ⫽ 3,8, t(138) ⫽ 1,78, p ⫽ 0,08). Compréhension de texte. L’analyse met en évidence un effet de la valence émotionnelle des textes sur les performances au test de compréhension, F(2, 136) ⫽ 6,56, p ⬍ 0,01. Les comparaisons par paire montrent des performances supérieures après la lecture 1 Les conditions de passation de l’EVIP (Dunn, Theriault-Whalen, & Dunn, 1993) n’ayant pas respectées strictement celles qui sont proposées par le manuel, la comparaison des résultats de l’échantillon à la norme n’est pas pertinente. EFFET DES ÉMOTIONS DES TEXTES SUR LA LECTURE Tableau 3 Moyenne (et écarts-type) des scores obtenus aux tâches de compréhension, de reconnaissance orthographique et de définition, pour chaque groupe expérimental (positif, neutre, négatif) Groupes Compréhension (/40) Reconnaissance orthographique (/8) Définition (/8) Positif Neutre Négatif 27,67 (7,86) 31,19 (5,60) 32,30 (5,27) 7,39 (1,02) 7,46 (1,05) 7,41 (0,96) 7,91 (0,28) 7,70 (0,55) 7,72 (0,58) des textes neutres comparativement aux textes positifs (p ⬍ 0,05; d ⫽ 0,52). Les scores sont également significativement supérieurs après la lecture des textes négatifs plutôt que positifs (p ⬍ 0,01; d ⫽ 0,69). Aucune différence n’est mise en évidence entre les performances après la lecture des textes neutres et négatifs. Reconnaissance orthographique. Aucun effet de la valence des textes n’est mis en évidence sur les performances à la tâche Reconnaissance orthographique, F(2, 136) ⫽ 1,87, p ⫽ 0,16) Définition. L’analyse montre un effet de la valence des textes sur les performances obtenues à la tâche de définition, F(2, 136) ⫽ 4,81, p ⬍ 0,01. Les comparaisons par paire montrent des performances supérieures dans la condition Neutre comparativement à Positif (p ⫽ 0,01, d ⫽ 0,56). Aucune autre différence n’est significative. Discussion L’objectif de la présente étude était d’examiner l’effet de la valence émotionnelle de textes (neutre, positive et négative) sur la compréhension et l’apprentissage de mots nouveaux insérés dans ces textes. À notre connaissance, une seule étude s’est intéressée à l’examen de la valence émotionnelle des supports pédagogiques écrits sur la compréhension en lecture (voir Clavel & Cuisinier, 2008). De plus, si une étude récente a testé l’effet de la valence émotionnelle des textes sur l’apprentissage de formes orthographiques et phonologiques de nouveaux mots (voir Gobin et al., 2018), aucune étude n’a concerné l’apprentissage de leur représentation sémantique. Pourtant, sur la base des résultats expérimentaux disponibles dans la littérature (Cuisinier et al., 2010; Fartoukh et al., 2014; Tornare et al., 2016), il semble indispensable de considérer de quelle façon les émotions des textes utilisés comme supports pédagogiques peuvent interférer avec la compréhension et l’apprentissage d’informations présentes dans ces textes. Pour répondre à cet objectif, il a été demandé à des élèves de 5éme année de primaire de lire des histoires de différentes valences émotionnelles (neutre, positive ou négative), dans lesquelles était inséré un pseudo-mot. La compréhension des textes et l’apprentissage des pseudo-mots cibles (orthographe et sens) ont été évalués suite à la lecture des textes. Effet de la valence émotionnelle des textes sur la compréhension Au regard de la littérature, il était attendu des performances plus faibles pour les questions de compréhension qui font suite à la 151 lecture de textes positifs plutôt que négatifs ou neutres (Clavel & Cuisinier, 2008), ou bien des performances inférieures après l’exposition à des textes à valence négative plutôt que neutre (Cuisinier et al., 2010; Fartoukh et al., 2012; Fartoukh et al., 2014). Tout d’abord, les résultats montrent que les performances des élèves en compréhension sont plus faibles lorsque les textes lus sont à valence émotionnelle positive plutôt que neutre ou négative, sans différence entre les valences négative et neutre. Ces résultats confirment ceux mis en évidence par Clavel et Cuisinier (2008), sans toutefois confirmer l’effet distrayant de la valence négative sur les performances à des tâches complexes autres que la compréhension de textes (voir Cuisinier et al., 2010; Fartoukh et al., 2012; Fartoukh et al., 2014). Conformément à l’hypothèse explicative avancée par Cuisinier et al. (2010) et Tornare et al. (2016), le traitement du contenu émotionnel du texte positif engagerait l’attention de façon accrue, ce qui laisserait moins de ressources disponibles pour les traitements de haut niveau associés au travail de compréhension. Cette explication renvoie également au Modèle d’allocation de ressources attentionnelles et d’interférences cognitives (Ellis & Moore, 1999), selon lequel l’état émotionnel des individus entraînerait des pensées intrusives qui consommeraient des ressources en mémoire ayant pour conséquence une diminution des ressources pour l’exécution de la tâche en cours. Le contenu émotionnel des informations du texte en tant que tel pourrait entrainer des pensées intrusives ou une focalisation sur les informations émotionnelles directement. Dans notre étude, les questions de compréhension portaient sur des informations neutres, littérales et factuelles (prénom du personnage principal, lieu où se déroule l’histoire, activités réalisées par les personnages, etc.). Il est possible de faire l’hypothèse que les enfants, en lisant les textes à valence positive, se soient focalisés sur le contenu émotionnel positif de l’histoire, au détriment des informations plus neutres sur lesquelles portaient les questions. Cette hypothèse que nous formulons serait en accord avec les résultats expérimentaux démontrant une meilleure mémorisation des informations émotionnelles positives (Davidson, Luo, & Burden, 2001; Syssau & Monnier, 2012). Des questions portant de façon distincte sur les événements émotionnels et non émotionnels du texte pourraient permettre de confirmer cette interprétation. Bien que les résultats soient conformes à ceux que peut envisager le modèle d’Allocation de ressources attentionnelles et d’interférences cognitives concernant la valence positive (Ellis & Ashbrook, 1988), il convient de rester prudent quant à ce cadre interprétatif dans la mesure où l’état émotionnel des participants après la lecture des textes n’a pas été évalué. Pour cette raison, il est difficile de prendre position de façon tranchée quant aux mécanismes qui sous-tendent l’effet distrayant de l’émotion positive sur les performances. Les supports écrits positifs ont donc pu causer un effet direct sur les performances (c’est-à-dire entrainer une baisse des performances sans modifier l’état émotionnel des lecteurs), tout comme un effet indirect (c’est-à-dire entrainer une diminution des performances médiatisée par un changement de l’état émotionnel des lecteurs, congruent avec l’état émotionnel des textes). Pour de futures recherches, une évaluation de l’état des émotionnel des enfants devrait être envisagée. Comment expliquer l’absence d’effet distrayant de la valence négative des textes sur la compréhension de textes ? Une piste explicative pourrait être liée à l’intensité de l’émotion négative 152 BEAUVAIS, PFEIFFER, HABIB ET BEAUVAIS délivrée dans les textes construits pour les besoins de l’expérience. En effet, pour des raisons déontologiques, les expérimentateurs ont exprimé la dimension négative des textes à travers des histoires à valence négative faisant majoritairement appel à des émotions négatives, comme l’ennui, la tristesse ou encore la fatigue d’une mauvaise journée. Au regard du modèle « Circumplex Model of Affect » (Russell, 1980), le niveau d’activation (arousal en anglais) de ces histoires peut paraitre relativement faible. Peu d’entre elles exprimaient une émotion vive, telle que la colère, l’agitation ou encore un stress intense. À l’inverse, les textes positifs créés pour les besoins de l’étude expriment un réel enthousiasme, enjouement, voire une excitation, qui correspondent à un plus haut niveau d’activation. Le caractère distrayant des textes positifs ne fait que peu de doute, contrairement aux textes négatifs. Cette possible distinction liée au niveau d’activation des textes entre les deux valences peut expliquer cette différence de résultats entre la condition positive et négative. Certains chercheurs soulignent d’ailleurs l’importance d’étudier l’effet différencié de ces deux dimensions (valence et niveau d’activation) sur les performances (Brainerd, Holliday, Reyna, Yang & Toglia, 2010, pour une tâche de mémorisation; Orlic, Grahek, & Radovic, 2014, pour une tâche de raisonnement). Des recherches devront être conduites dans cette perspective, dans le cadre de tâches scolaires. Effet de la valence émotionnelle des textes sur l’apprentissage des pseudo-mots Des hypothèses différenciées ont été formulées quant à l’effet de la valence émotionnelle des supports écrits sur l’apprentissage des pseudo-mots, en fonction de la dimension évaluée (orthographique ou sémantique). En accord avec les résultats de Gobin et al. (2018), nous nous attendions à un effet bénéfique de la valence positive et négative des supports écrits sur les performances à la tâche de reconnaissance orthographique, comparativement à la valence neutre. À l’inverse, nous formulions l’hypothèse selon laquelle les performances à la tâche Définition seraient inférieures lorsque les pseudo-mots étaient insérés dans les textes positifs plutôt que neutres (Clavel & Cuisinier, 2008; Cuisinier et al., 2010; Fartoukh et al., 2014; Tornare et al., 2016). Il était attendu des performances inférieures à la tâche Définition lorsque les mots étaient insérés dans des textes négatifs comparativement aux textes à valence neutre (Cuisinier et al., 2010; Fartoukh et al., 2012; Fartoukh et al., 2014), ou bien une absence de différence (Clavel & Cuisinier, 2008). L’apprentissage de l’orthographe des mots, évalué par une tâche de reconnaissance orthographique, n’a pas été influencé par la valence des textes. Ces résultats ne vont pas dans le sens de ceux obtenus par Gobin et al. (2018), qui avaient mis en évidence une meilleure mémorisation des représentations phonologiques et orthographiques des mots après l’écoute et la lecture de textes lorsque ces derniers étaient positifs ou négatifs plutôt que neutres. Notons toutefois que la tâche utilisée dans la présente étude est différente de celle qui était proposée par ces auteurs. Alors que ces derniers ont utilisé une tâche de décision lexicale (en modalités visuelle et auditive), nous avons opté pour une tâche de choix du pseudo-mot cible dans une liste parmi des distracteurs. Les scores moyens très élevés obtenus dans notre étude peuvent refléter un niveau de difficulté trop faible et nous encouragent à envisager une tâche plus discriminante afin de possiblement observer un effet de la valence émotionnelle sur les performances. Les résultats concernant l’apprentissage du sens des pseudomots cible (Définition) vont dans le sens d’un effet négatif de la valence positive des textes comparativement à la valence neutre. Cependant, nous ne pouvons apprécier l’effet du facteur manipulé dans la mesure où, quelle que soit la condition expérimentale, les performances à cette tâche plafonnent. Là encore, des tâches plus discriminantes devraient être proposées à l’avenir pour évaluer l’apprentissage du sens de nouveaux mots. Relations entre mesures d’habiletés verbales, compréhension en lecture et apprentissage de pseudo-mots Enfin, conformément aux études antérieures (Cain et al., 2004; Suggate et al., 2013; Swanborn & De Glopper, 1999), les liens entre l’apprentissage de vocabulaire en situation de lecture silencieuse et les habiletés de décodage, de vocabulaire réceptif, de mémoire à court terme verbale et de compréhension en lecture ont été examinés pour chaque condition expérimentale. Les résultats ne mettent pas en évidence de lien significatif entre la mémoire à court terme verbale et les tâches évaluant l’apprentissage des pseudo-mots, quelle que soit la tâche concernée (Reconnaissance orthographique et Définition), et la condition expérimentale. Pourtant, selon Gathercole, Hitch, Service et Martin (1997), les enfants ayant de bonnes capacités en mémoire à court terme phonologique seraient plus à même de se représenter la str