Notes sur l’interdiction de la double imposition intercantonale PDF
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Ces notes détaillent l'interdiction de la double imposition intercantonale en Suisse, en proposant une analyse des facteurs à l'origine du conflit d'imposition entre cantons. Le document explique comment le droit fiscal intercantonal vise à éviter cette double imposition, en précisant les concepts clés comme les conflits de rattachements personnels et économiques, et en décrivant les conséquences envisagées. Ce document se concentre sur la problématique de la double imposition en Suisse.
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CHAPITRE 4: L’INTERDICTION DE LA DOUBLE IMPOSITION INTERCANTONALE A. L’interdiction de la double imposition intercantonale et son traitement 1. Comme déjà mentionné, il existe deux facteurs principaux pouvant fonder un assujettissement fiscal. Un lien personnel avec une collectivité tel que le domic...
CHAPITRE 4: L’INTERDICTION DE LA DOUBLE IMPOSITION INTERCANTONALE A. L’interdiction de la double imposition intercantonale et son traitement 1. Comme déjà mentionné, il existe deux facteurs principaux pouvant fonder un assujettissement fiscal. Un lien personnel avec une collectivité tel que le domicile ou la résidence provoquera, dans la règle, un assujettissement illimité. Par contre, l’existence de points de rattachements économiques comme la présence d’un immeuble, l’exploitation d’un établissement stable ou d’une entreprise, génèrent des assujettissements limités. Ces divers facteurs d’assujettissement, qui répondent chacun à des conditions propres, sont sources potentielles de conflits d’imposition intercantonale. Par exemple, deux ou plusieurs cantons peuvent prétendre imposer une personne à raison d’un rattachement personnel (conflit d’assujettissements illimités), ou imposer les mêmes éléments plusieurs fois, invoquant la présence sur leur territoire de liens personnels et/ou économiques (conflit d’assujettissements illimités ou limités). 2. Pour éviter cette double imposition intercantonale, la Constitution stipule, à son article 127, al. 3, que la Confédération prendra « les mesures nécessaires » pour lutter contre la double imposition intercantonale. Ainsi, le droit fiscal intercantonal comprend l’ensemble des règles qui délimitent le pouvoir d’imposer des cantons en vue d’éviter une double imposition. Font partie du droit fiscal intercantonal les règles jurisprudentielles relatives à l’interdiction de la double imposition fondée sur l’art. 127 al. 3 Cst., certaines dispositions de la législation fédérale, notamment de la LHID et les accords intercantonaux (concordats). 3. Selon la jurisprudence, il y a double imposition prohibée lorsqu’un seul et même contribuable est tenu par deux ou plusieurs cantons de payer un impôt similaire pour la même période et le même objet (double imposition actuelle). L’art 127, al. 3 Cst interdit également qu’un canton, en violation des règles de conflit, outrepasse sa souveraineté fiscale en percevant un impôt de la compétence d’un autre canton (double imposition virtuelle). La double imposition n’est que virtuelle car l’interdiction s’applique, même si le canton compétent ne perçoit pas d’imposition). Il y aura également violation de l’art. 127, al. 3 Cst, si un canton impose différemment et plus lourdement un contribuable pour la seule raison qu’il n’est pas entièrement soumis à sa souveraineté fiscale, mais aussi à celle d’un autre canton, en raison de liens territoriaux avec ce dernier (imposition discriminatoire). 1 4. 5. Les éléments essentiels de la double imposition sont les suivants : 4.1. La double imposition doit frapper les impôts, à savoir, en ce qui concerne les personnes morales, les impôts sur le bénéfice et le capital. Il y aura double imposition lorsque ces impôts seront similaires, c’est-à-dire lorsqu’il s’agira d’impôts dont la base d’imposition (même objet fiscal) est économiquement la même (e.g. impôt sur le bénéfice et impôt spécial sur les gains immobiliers); 4.2. Un seul et même sujet fiscal doit être heurté par le principe de l’interdiction de la double imposition intercantonale. La double imposition économique n’est pas concernée par ce principe, dès lors que, dans ce cas, deux sujets fiscaux sont frappés (la société de capitaux sur son bénéfice, puis l’actionnaire sur la distribution de dividendes, par exemple) ; 4.3. La double imposition doit intervenir durant la même période fiscale. Afin de déterminer à quel canton appartient un droit d’imposer un élément particulier, il convient de savoir si, pour un contribuable donné, un domicile fiscal existe dans ce canton. En principe, la primauté du droit d’imposition appartient au domicile fiscal principal, c’est-à-dire au lieu où est imposable l’ensemble du revenu (bénéfice) et de la fortune (capital) mobilière du contribuable (assujettissement illimité). Pour les personnes morales, le domicile fiscal principal sera, en règle générale, au lieu de son siège social. En cas de divergence entre siège social et direction effective, c’est ce lieu de direction qui sera déterminant. Toutefois, le Tribunal fédéral (RDAF 2002 II p. 452 du 13.05.2002) a décidé que « Le for de taxation des personnes morales se détermine dans les rapports internes à la Suisse (uniquement) en fonction du siège, même si la société est administrée d'un autre lieu. C'est seulement lorsque le siège statutaire ne constitue qu'une simple boîte aux lettres que le lieu de la direction effective est reconnu comme domicile fiscal ». 5.1 Il existe 2 catégories de domiciles accessoires qui se rapportent à la personne morale: 5.1.1 L’immeuble : La détention d’un immeuble dans un autre canton crée en principe un domicile spécial au lieu de situation. Le canton de situation de l’immeuble disposera donc du droit exclusif d’imposer le capital, le rendement et le gain de réalisation (plus-value et rattrapage d’amortissement) provenant d’un immeuble de placement sis hors du canton du siège. Il y aura exception au droit exclusif d’imposition en faveur du canton de situation, lorsque l’immeuble sert à l’exploitation d’un établissement d’une entreprise intercantonale. Dans ce cas, il y aura création d’un domicile secondaire et non d’un domicile spécial ; le canton de situation de l’immeuble doit alors partager la matière fiscale avec les cantons dans lesquels l’entreprise se situe. 2 5.1.2 L’établissement stable : l’établissement stable, soit l’installation fixe d’affaires dans laquelle s’effectue une partie qualitativement et quantitativement importante de l’activité de l’entreprise, constitue un domicile fiscal secondaire. Une quotepart des profits et de la fortune de l’entreprise devra ainsi être accordée au canton de situation de l’établissement stable. 6. Une fois définis les cantons ayant le droit de prélever une partie de l’impôt, il convient ensuite de déterminer les modalités de répartition de cet impôt. Deux méthodes existent pour le faire : la répartition objective et la répartition proportionnelle. 7. En général, la répartition entre le siège et le(s) établissement(s) stable(s) a lieu selon la répartition proportionnelle. Le capital et le bénéfice imposable global sont répartis en quotesparts entre le canton du siège et celui (ceux) de(s) établissement(s) stable(s). La règle de répartition par quote-part s’applique également au rendement de participation, respectivement au rendement du portefeuille de titres (en tant que partie du bénéfice global) d’entreprises intercantonales. Chaque canton établit selon les règles de son propre droit le montant du capital et du bénéfice global. En revanche, l’établissement des quotesparts doit se faire selon les règles fixées par la jurisprudence du Tribunal fédéral. La somme des quotes-parts attribuées à tous les cantons ne doit jamais dépasser 100%. 8. Il existe deux méthodes pour opérer cette répartition : La méthode directe et la méthode indirecte. Selon la première méthode, les quotes-parts sont établies en se fondant sur la comptabilité des établissements concernés ; selon la seconde, les quotes-parts sont allouées en se basant sur d’autres critères (e.g. chiffre d’affaires, salaires). Cette seconde méthode est la plus fréquemment utilisée. 9. La répartition du capital s’opère selon le rapport des actifs des divers établissements stables de l’entreprise par rapport aux actifs totaux. Selon la méthode directe, ce sont les actifs comptables qui servent de base à l’établissement des quotes-parts. Celles-ci correspondent au pourcentage des actifs bruts de chaque canton par rapport aux actifs bruts totaux. Ces quotes-parts sont ensuite appliquées à la fortune nette totale de l’entreprise (capital + réserves – dettes). Si la méthode indirecte est utilisée, ce n’est pas la comptabilité qui sert de point de référence, mais les critères retenus sont soit le lien géographique, soit le lien fonctionnel (économique) de cet actif avec un établissement ou le siège. Avec cette méthode, les principes suivants sont appliqués : - Les actifs localisés, à savoir ceux qui ont un lien étroit avec un des établissements stables de l’entreprise, sont attribués à l’établissement stable auquel ils sont liés (e.g. immeubles, machines, outils, matières premières, meubles, travaux en cours). - Les participations sont normalement imposables à l’endroit où se trouve le siège de l’entreprise. Le capital de dotation d’un établissement stable est, par contre, toujours imposable au lieu de l’établissement concerné. - Les actifs mobiles (e.g. débiteurs, papiers-valeurs, liquidités, comptes en banque) sont répartis différemment selon la nature de l’entreprise : pour les entreprises de 3 fabrications, ces actifs sont répartis au prorata des actifs localisés ; pour les entreprises commerciales, ils sont attribués au siège ; pour les entreprises mixtes, selon l’appréciation des autorités. 10. La répartition du bénéfice se fera dans la proportion du bénéfice net comptable des établissements se trouvant sur le territoire de chaque canton par rapport au bénéfice net total, si la méthode directe est utilisée (il est à préciser que les cantons dont les établissements sont en perte n’ont droit, avec cette méthode, à aucune part). Si la méthode indirecte est utilisée, le chiffre d’affaires réalisé dans chaque établissement cantonal servira de référence pour les entreprises commerciales, par exemple. Pour les sociétés d’assurances, la base sera le montant des primes encaissées auprès du siège et des divers établissements ; pour les entreprises de fabrication, la répartition s’opèrera en tenant compte des facteurs de production (capital et travail) de chaque établissement. En principe, on se fondera sur les actifs localisés, la valeur capitalisée des locaux loués pour l’exploitation (au taux de 6%), et celle des salaires (au taux de 10%). 11. Il est encore également possible, dans certains cas, d’allouer un préciput au canton du siège. Le préciput correspond à un pourcentage (entre 10 et 20%) préférentiel du bénéfice total de l’entreprise. Le préciput est largement accordé quand la méthode directe est appliquée ou lorsque la méthode indirecte utilisée se fonde sur le chiffre d’affaires. Un préciput ne sera par contre pas accordé lorsque la méthode de répartition se fonde sur les facteurs de production, dès lors qu’on estime que le poids du siège de l’entreprise est suffisamment pris en compte par ce critère de partage. 12. En ce qui concerne les pertes, si celles-ci sont partielles, la méthode de répartition intercantonale consiste à attribuer aux diverses entités de l’entreprise (établissements stables, siège) une quote-part du résultat global. Ce résultat est un montant net, dans la mesure où il englobe les diverses pertes subies par les éléments de l’entreprise. Si la méthode directe est utilisée, le canton dans lequel se trouve l’établissement ayant subi une perte n’a droit à rien. Le résultat net global est donc réparti entre les cantons auprès desquels des éléments de l’entreprise ont réalisé des résultats positifs. Si la méthode indirecte est utilisée, le résultat global est attribué à tous les établissements de l’entreprise, suivant une méthode indépendante du résultat de chacun (e.g. chiffre d’affaires, facteurs de production). Il en découle que même les cantons auprès desquels des éléments de l’entreprise réalisent une perte ont droit à une quote-part. 13. Dans la mesure où l’entreprise, dans son ensemble, réalise un résultat négatif, chaque canton détermine séparément, en suivant les règles de répartition intercantonales, sa quotepart au résultat positif total, respectivement au montant de la perte globale à compenser sur les périodes précédentes. Cela fait, chaque canton déduit alors sur le montant du bénéfice qui lui est attribué sa quote-part aux déficits antérieurs. 14. Le traitement fiscal des immeubles commerciaux fait l’objet de règles différentes, suivant que l’immeuble sert de placement de capitaux ou à l’exploitation d’une entreprise. 4 14.1 Est considéré comme immeuble de placement le bien immobilier qui ne constitue pas une installation fixe et permanente servant à l’exploitation d’une entreprise par le propriétaire du bien foncier. Les immeubles de placement ne sont pas affectés à l’exploitation de l’entreprise. Pour une entreprise intercantonale, la présence d’un tel immeuble dans un canton, autre que celui de son siège, ne crée pas d’ «établissement stable». Partant, le canton de situation de l’immeuble de placement ne peut pas imposer une quote-part des bénéfices (et du capital) de l’entreprise. En revanche, ce canton a le droit exclusif d’imposer l’immeuble et son rendement, en fonction du critère du domicile spécial. Le rendement immobilier sera attribué au domicile spécial. En outre, le domicile spécial devra supporter la déduction des frais d’entretien et amortissements liés à l’acquisition du revenu immobilier. Quant aux dettes et aux intérêts passifs, ils sont répartis proportionnellement aux actifs. Ce droit exclusif inclut également celui de pouvoir imposer, en cas de vente, l’éventuelle plus-value immobilière, dans son intégralité. Si un excédent d’intérêts passifs ou de frais d’entretien produit une perte dans le canton du siège de l’entreprise, le canton de situation de l’immeuble doit également en tenir compte. Il est encore à noter que les immeubles de placement situés dans le canton du siège de l’entreprise sont traités, pour la répartition, comme des immeubles d’exploitation (voir chiffre 14.2 ci-dessous), et leur rendement et déductions sont inclus dans la répartition proportionnelle. 14.2 Un bien immobilier sera considéré comme immeuble d’exploitation dans l’instant où ce dernier est affecté à l’activité de l’entreprise et sert directement à l’exploitation (e.g. fabrique, entrepôt). Si ce bien immobilier se situe dans un autre canton que le canton du siège de l’entreprise, il crée un domicile secondaire. Le partage s’opère alors selon la répartition proportionnelle (quotes-parts) ; le canton de situation ne peut alors imposer qu’une quote-part du bénéfice et du capital total de l’entreprise. Le gain en capital provenant de la vente de l’immeuble d’exploitation sera réparti proportionnellement, en ce qui concerne la partie du gain qui a son origine dans la reprise d’amortissements antérieurs (gain comptable). Le gain provenant de l’augmentation de valeur est imposable exclusivement dans le canton de situation de l’immeuble. 5