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FRIEDRICH NIETZSCHE...et l’esprit libre 1. Contexte 1. CONTEXTE HISTORIQUE (1/2) 3 A. Le nihilisme La tendance vers le néant (ou les “emos” de l’époque) Avec la diminution de la foi en Europe, il se produi...
FRIEDRICH NIETZSCHE...et l’esprit libre 1. Contexte 1. CONTEXTE HISTORIQUE (1/2) 3 A. Le nihilisme La tendance vers le néant (ou les “emos” de l’époque) Avec la diminution de la foi en Europe, il se produit : Des vagues de suicides et de violence La perte de sens de l’existence Fedor Dostoïevski Les « Carnets de Sous-sol » (1864) L’un des premiers romans mettant en vedette un anti-héros 1. CONTEXTE HISTORIQUE (2/2) 4 B. L’idéalisme de Hegel La dialectique Thèse – Antithèse – Synthèse. L’histoire L’Histoire n’est qu’une marche dialectique vers la connaissance totale, donc Dieu. 2. L'origine du « vrai »...ou la méthode généalogique 2. L'ORIGINE DU « VRAI » (1/4) 6 A. Héraclite et Nietzsche Héraclite définit le monde comme un constant devenir « On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve » - Héraclite Nietzsche reprend cette idée : Ce sont nous, les êtres humains, qui introduisons de l'ordre dans un monde en soi chaotique. Comment ? Réponse : Grâce à l'appareil extrêmement sophistiqué qu'est le langage 2. L'ORIGINE DU « VRAI » (2/4) 7 B. D'où vient notre croyance au « vrai » 1. Le découpage du réel : Pour survivre, l'organisme a dû développer la capacité de distinguer entre elles les différentes portions du chaos 2. La communication : Le besoin de communiquer avec les autres nous a fait créer des noms pour désigner les choses Exemple : arbre, mammouth, ennemi, etc. 3. La confusion (l’erreur) : Puis, à force d'utiliser ces mots, on en est venus à croire que les choses existaient telles qu'on les découpe grâce à eux par notre appareil logique On en est venus à prendre l'outil (la logique, le langage) pour la réalité Conséquence : On se met à croire qu'il y a des choses immuables, permanentes On crée un second monde dans lequel vivent ces vérités (le monde des Idées de Platon) On se met alors à croire qu'il y a des choses vraies en soi, ailleurs dans un monde imperceptible. ▪ Exemples : Âme, Liberté, Vérité, Bien, Justice, etc. 8 Citation sur le mythe de la logique Le gai savoir, § 110 : Origine de la connaissance « - Pendant d’énormes espaces de temps l’intellect n’a engendré que des erreurs ; quelques-unes de ces erreurs se trouvèrent être utiles et conservatrices de l’espèce ; celui qui tomba sur elles ou bien les reçut par héritage accomplit la lutte pour lui et ses descendants avec plus de bonheur. Il y a beaucoup de ces articles de foi erronés qui, transmis par héritage, ont fini par devenir une sorte de masse et de fond humains ; on admettait, par exemple, qu’il existe des choses qui sont pareilles, qu’il existe des objets, des matières, des corps, qu’une chose est ce qu’elle paraît être, que notre volonté est libre, que ce qui est bon pour les uns est bon en soi. Ce n’est que fort tardivement que se présentèrent ceux qui niaient et mettaient en doute de pareilles propositions, — ce n’est que fort tardivement que surgit la vérité, cette forme la moins efficace de la connaissance. Il semble que l’on ne puisse pas vivre avec elle, notre organisme étant accommodé pour l’opposé de la vérité ; toutes ses fonctions supérieures, les perceptions des sens et, d’une façon générale, toute espèce de sensation, travaillaient avec ces antiques erreurs fondamentales qu’elles s’étaient assimilées. Plus encore : ces propositions devinrent même, dans les bornes de la connaissance, des normes d’après lesquelles on évaluait le « vrai » et le « non-vrai » — jusque dans les domaines les plus éloignés de la logique pure. Donc : la force de la connaissance ne réside pas dans son degré de vérité, mais dans son ancienneté, son degré d’assimilation, son caractère en tant que condition vitale. » 2. L'ORIGINE DU « VRAI » (3/4) 9 C. Exemple 1 : Le mythe de l'âme Nietzsche doute de l'existence de l'âme. Pourquoi ? Parce que l'humanité a tant besoin de la notion d'âme pour donner un sens à son existence : a. Elle nous offre la vie après la mort b. Elle nous fait croire que nous sommes libres c. Elle nous fait croire que nous avons une identité personnelle Force est de croire que c'est nous qui avons inventé cette idée pour répondre à l'angoisse de la condition humaine... 10 Citation sur le mythe de la volonté Le gai savoir, § 127 Effet de la plus ancienne religiosité « — L’homme irréfléchi se figure que seule la volonté est agissante ; vouloir serait selon lui quelque chose de simple, de prévu, d’indéductible, de compréhensible en soi. Il est convaincu, lorsqu’il fait quelque chose, par exemple lorsqu’il porte un coup, que c’est lui qui frappe, et qu’il frappe parce qu’il voulait frapper. Il ne remarque pas du tout qu’il y a là un problème, car la sensation de la volonté lui suffit, non seulement pour admettre la cause et l’effet, mais encore pour croire qu’il comprend leur rapport. Il ne sait rien du mécanisme de l’action et du centuple travail subtil qui doit s’accomplir pour qu’il en arrive à frapper, de même il ne sait rien de l’incapacité foncière de la volonté pour faire même la plus petite partie de ce travail. La volonté est pour lui une force qui agit d’une façon magique : une foi en la volonté, comme cause d’effets, est une foi en des forces agissant d’une façon magique. Or, primitivement, l’homme, partout où il voyait une action, imaginait une volonté comme cause, un être doué d’un vouloir personnel agissant à l’arrière-plan, — l’idée de mécanique était bien loin de lui. Mais puisque l’homme, durant de longs espaces de temps, n’a cru qu’en des personnes (et non à des matières, des forces, des objets, etc.), la croyance aux causes et aux effets est devenue pour lui croyance fondamentale, dont il se sert partout où quelque chose arrive, — et cela aujourd’hui encore, instinctivement, comme une sorte d’atavisme d’origine ancienne. Les principes « pas d’effet sans cause », « chaque effet est une nouvelle cause » apparaissent comme des généralisations de principes au sens plus restreint : « où l’on a agi, on a voulu », [...] 2. L'ORIGINE DU « VRAI » (4/4) 11 D. Exemple 2 : Dieu est mort Nietzsche croit que, comme pour l'âme, nous avons inventé Dieu pour étouffer l'angoisse. Pourquoi Nietzsche dit-il que nous avons tué Dieu ? L'ironie : La religiosité a développé et exacerbé l'idéal ascétique *Idéal ascétique : Mépris du corps au nom d'une fin donnée par l'esprit. Or, c'est l'idéal ascétique qui a permis aux sciences de percer les mystères de la nature au point de démentir l'existence d'un monde divin, intelligible. Autrement dit, c'est la religiosité qui a permis à l'humanité de développer la science, science même qui a démenti la religiosité Nietzsche croit coïncider avec le moment historique où la croyance au Vrai disparaît (avec celle de Dieu) Il se considère le prophète de cette vérité 12 Citation sur le mythe de Dieu Le gai savoir, § 125 L’Insensé « - N’avez-vous pas entendu parler de ce fou qui allumait une lanterne en plein jour et se mettait à courir sur la place publique en criant sans cesse : « Je cherche Dieu ! Je cherche Dieu ! » Mais comme il y avait là beaucoup de ceux qui ne croient pas en Dieu, son cri provoqua un grand rire. S’est-il perdu comme un enfant ? dit l’un. Se cache-t-il ? A-t-il peur de nous? S’est-il embarqué ? A-t-il émigré ? Ainsi criaient et riaient-ils pêle-mêle. Le fou bondit au milieu d’eux et les transperça du regard. « Où est allé Dieu? s’écria-t- il, je vais vous le dire. Nous l’avons tué, […] vous et moi ! C’est nous, nous tous, qui sommes ses assassins ! Mais comment avons-nous fait cela ? Comment avons-nous pu vider la mer ? Qui nous a donné une éponge pour effacer tout l’horizon? Qu’avons-nous fait quand nous avons détaché la chaîne qui liait cette terre au soleil ? Où va-t-elle maintenant ? Où allons-nous nous-mêmes ? Loin de tous les soleils ? Ne tombons-nous pas sans cesse ? En avant, en arrière, de côté, de tous côtés ? Est-il encore un en haut, un en bas ? N’allons-nous pas errant comme par un néant infini ? Ne sentons-nous pas le souffle du vide sur notre face ? Ne fait-il pas plus froid ? Ne vient-il pas toujours des nuits, de plus en plus de nuits ? Ne faut-il pas dès le matin allumer des lanternes ? N’entendons-nous encore rien du bruit que font les fossoyeurs qui enterrent Dieu ? Ne sentons-nous encore rien de la décomposition divine ? […] les dieux aussi se décomposent ? Dieu est mort ! Dieu reste mort ! Et c’est nous qui l’avons tué ! Comment nous consolerons-nous, nous, meurtriers entre les meurtriers ! Ce que le monde a possédé de plus sacré et de plus puissant jusqu’à ce jour a saigné sous notre couteau ; […] qui nous nettoiera de ce sang ? Quelle eau pourrait nous en laver ? Quelles expiations, quel jeu sacré serons-nous forcés d’inventer ? La grandeur de cet acte est trop grande pour nous. Ne faut-il pas devenir dieux nous-mêmes pour, simplement, avoir l’air dignes d’elle ? Il n’y eut jamais action plus grandiose et, quels qu’ils soient, ceux qui pourront naître après nous appartiendront, à cause d’elle, à une histoire plus haute que, jusqu’ici, ne fut jamais aucune histoire ! » […]. On rapporte encore que ce fou entra le même jour en diverses églises et y entonna son Requiem aeternam Deo. Expulsé et interrogé il n’aurait cessé de répondre toujours la même chose : « Que sont donc encore les églises sinon les tombeaux et les monuments funèbres de Dieu ? » » 3. La volonté de puissance...ou le dépassement de soi 3. LA VOLONTÉ DE PUISSANCE (1/4) 14 A. Schopenhauer et la volonté Schopenhauer s'inspire de Kant et divise le monde en deux : 1. Le monde de la représentation Tout ce qui concerne la compréhension du monde Le monde de l'immuable et de la conscience 2. Le monde de la volonté Tout ce qui concerne la force qui fait que les choses changent dans l'univers Le monde du mouvement et des corps Pour Schopenhauer, cette volonté est une et indivisible : métaphysique Comme une grande force qui pénètre tout ce qui se meut dans l'univers 3. LA VOLONTÉ DE PUISSANCE (2/4) 15 B. Le corps et l'esprit Le corps Nietzsche trouve que cette conception de la volonté est encore trop kantienne, trop chrétienne... Il faut que la volonté soit concrète et non métaphysique. Pour Nietzsche, la volonté est une pluralité de pulsions Ces pulsions visent toujours une seule et même chose : davantage de puissance Notre corps n'est qu'une énorme hiérarchie de pulsions constamment en guerre les unes contre les autres. L'« esprit » Pour Nietzsche, la conscience n'est qu'un épiphénomène du corps : son organe le plus sophistiqué (une partie de lui). Cela implique que la conscience est toute aussi déterminée que le reste de la nature. La conscience croit (a l’impression de) diriger le corps, mais elle répond aux combats menés inconsciemment par nos pulsions. 3. LA VOLONTÉ DE PUISSANCE (3/4) 16 C. La critique du cogito de Descartes « Je pense, donc je suis » Nietzsche refuse la première vérité de Descartes. En effet, ce n'est pas parce qu'il y a des pensées qui jaillissent qu'il y a un Je unifié qui décide de ces pensées. Ça pense, et non je pense. Nous n'avons donc pas une âme qui flotte au-dessus des corps, mais bien seulement un corps dont l'esprit fait partie La principale pulsion de la conscience est de comprendre, d'expliquer, de découper le réel. Nietzsche dira que cette pulsion de vérité est réactive 3. LA VOLONTÉ DE PUISSANCE (4/4) 17 D. Les forces actives et réactives Forces actives Le flot naturel des pulsions lorsqu'elles ne rencontrent aucune résistance Exemple : la plante qui croît Elle ne veut faire de mal à personne Elle veut seulement se dépasser elle-même toujours plus, avoir plus de puissance. L’essence de la vie est active : c’est la volonté de puissance Forces réactives Lorsque les pulsions rencontrent une résistance Exemple : Les prêtres et la pulsion sexuelle En visant la pureté divine de manière ascétique, les prêtres refreinent leurs pulsions sexuelles au nom d’un bien transcendant (d’un idéal). Leur force vitale devient réactive : le corps se retourne contre lui-même. 4. La transvaluation des valeurs...ou la déconstruction de la tradition 4. LA TRANSVALUATION DES VALEURS (1/4) 19 A. Les pulsions a. Une mémoire corporelle organisée Le corps sait quoi faire grâce à l’expérience qu’il est capable de mémoriser b. Une guerre interne Ce sont les pulsions gagnantes des luttes qui dirigeront le corps Exemple : Abstinence sexuelle c. Une hiérarchie Le corps, lorsqu’on le laisse faire, prend la forme d’une organisation hiérarchique optimale. Lorsque la conscience (organe réactif) s’en mêle, alors notre corps se retourne contre lui-même. Conséquence : le ressentiment 4. LA TRANSVALUATION DES VALEURS (2/4) 20 B. Les valeurs a. Les coutumes Les valeurs sont des pulsions qui, après des siècles, voire des milliers d’années, sont devenues coutumes Exemple : l’humilité, l’abnégation, le vrai Les valeurs/coutumes sont corporelles et inconscientes b. Les valeurs judéo-chrétiennes et la rationalité Elles sont réactives, car : Elles réagissent à la peur de la mort dans leur fondement même Elles dévalorisent excessivement tout ce qui concerne l’épanchement des pulsions du corps. Le plus important exemple : la pulsion de vérité (réactive) Elle veut immobiliser le réel, le contrôler, elle refuse son flot organique 4. LA TRANSVALUATION DES VALEURS (3/4) 21 C. La transvaluation des valeurs La transvaluation des valeurs peut s’opérer de deux manières : 1. L’ incorporation (lent) Il faudra des siècles de déconstruction des valeurs dites grégaires (du troupeau) pour que les pulsions réactives (surtout la pulsion de vérité) ne se laisse vaincre à nouveau par les forces actives du corps. Il faudra des luttes et des luttes allant en sens contraire. 2. L’ éternel retour du même (instantané) Nous y reviendrons plus loin. 4. LA TRANSVALUATION DES VALEURS (4/4) 22 D. La métaphore de Zarathoustra Also spracht Zarathoustra (Ainsi parlait Zarathoustra) est le seul ouvrage lyrique de Nietzsche, où il nous explique la métamorphose de l’humain 1. Le chameau Il porte le poids de la tradition Il subit passivement Il est épuisé 2. Le lion Il est destructeur à l'égard de la tradition Il agit activement pour déconstruire la tradition C'est un moment violent, douloureux, solitaire 3. L'enfant Défait du poids des vieilles valeurs, l'enfant agit selon ses propres valeurs changeantes, fluctuantes Libéré des valeurs qui n'étaient pas les siennes, l'humain redevient actif comme l'enfant Légèreté, insouciance, force et...créativité 5. L’esprit libre...ou l’Übermensch 5. L’ESPRIT LIBRE (1/4) 24 A. Les petites vérités (ou le perspectivisme) Qu'en est-il alors de la vérité pour Nietzsche ? Tout est relatif ? Réponse : NON Quel est le nouveau critère de ce qui est vrai, alors ? Réponse : ce qui accroît mes forces vitales Il s'agit dès lors, plutôt que la vérité, de valoriser : o L'illusion o Le mensonge o L'erreur o Le masque...tant qu’ils s’accordent avec le déploiement actif de notre volonté de puissance. 5. L’ESPRIT LIBRE (2/4) 25 B. L'artiste a. D'un côté, l'art obtient une grande valeur, puisqu'elle est l'expression de notre force créatrice Elle met en pratique notre capacité d'inventer/recréer la réalité Exemple : Une pièce de théâtre Nous savons que c'est une illusion, mais oublier le vrai nous procure des émotions parfois grandioses, utiles b. Mais plus profondément, l'artiste représente bien l'archétype nietzschéen, puisqu'il s'agit non seulement de fabriquer des œuvres d'art, mais de faire de sa vie une œuvre d'art Bob Ross : « Le seul moment dans toute ma vie où je sois 100% libre, c'est devant mon canevas » Il s'agit pour Nietzsche de vivre avec la même liberté créative que l'artiste devant sa toile « Sois l’artiste de ta vie ! » « Deviens qui tu es ! » 5. L’ESPRIT LIBRE (3/4) 26 C. D'un point de vue social... a. Amor Fati Adage stoïcien voulant dire : « aime la nature telle qu'elle est » Hélas, Nietzsche croit qu'on doit agir conformément à la nature des choses (qui est la volonté de puissance) Ça vous rappelle quelqu'un peut-être ? Oui, là-dessus, il s'inspirait beaucoup d'Aristote, qui est la plus officielle réponse à Platon et la théorie des Idées... b. L'aristocratie Il croit que la seule manière pour les plus puissants de se démarquer et de se dépasser, c'est de laisser les plus faibles derrière, et de réserver à l'élite (créatrice) le pouvoir Une élite non basée sur la richesse, mais sur la force et la créativité Quel est le problème ici selon vous ? 5. L’ESPRIT LIBRE (4/4) 27 D. L'éternel retour du même Grande révélation de Nietzsche vers 1880 : Une idée peut, à elle seule, agir avec tant de force qu'elle opère en nous immédiatement la transvaluation de toutes les valeurs Voir citation prochaine diapo :) 28 Citation sur l'éternel retour Le Gai savoir, § 341 Le poids le plus lourd « Que serait-ce si, de jour ou de nuit, un démon te suivait une fois dans la plus solitaire de tes solitudes et te disait : « Cette vie, telle que tu la vis actuellement, telle que tu l’as vécue, il faudra que tu la revives encore une fois, et une quantité innombrable de fois ; et il n’y aura en elle rien de nouveau, au contraire ! il faut que chaque douleur et chaque joie, chaque pensée et chaque soupir, tout l’infiniment grand et l’infiniment petit de ta vie reviennent pour toi, et tout cela dans la même suite et le même ordre — et aussi cette araignée et ce clair de lune entre les arbres, et aussi cet instant et moi-même. L’éternel sablier de l’existence sera retourné toujours à nouveau — et toi avec lui, poussière des poussières ! » — Ne te jetterais-tu pas contre terre en grinçant des dents et ne maudirais-tu pas le démon qui parlerait ainsi ? Ou bien as-tu déjà vécu un instant prodigieux où tu lui répondrais : « Tu es un dieu, et jamais je n’ai entendu chose plus divine ! » Si cette pensée prenait de la force sur toi, tel que tu es, elle te transformerait peut-être, mais peut-être t’anéantirait-elle aussi ; la question « veux-tu cela encore une fois et une quantité innombrable de fois », cette question, en tout et pour tout, pèserait sur toutes tes actions d’un poids formidable ! Ou alors combien il te faudrait aimer la vie, que tu t’aimes toi-même pour ne plus désirer autre chose que cette suprême et éternelle confirmation ! » FIN