Samenvatting PDF - Partie 1 : La langue de la République est le français
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Summary
This document provides an overview of the origins of the French language, exploring influences from Latin, Celtic, and Germanic languages. It discusses key historical periods and events that led to the emergence of Old French, highlighting the evolution from Latin to modern French. The document includes details about the linguistic substrata and superstrata impacting the development of the language.
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Partie 1 : La langue de la République est le français 1. La naissance de la nouvelle langue romane 1.1. La langue mère est le latin, mais … Un double phénomène d’influence linguistique dû au bilinguisme des Gaulois, puis des Francs, a engendré une tout autre langue = le français Substrat : le...
Partie 1 : La langue de la République est le français 1. La naissance de la nouvelle langue romane 1.1. La langue mère est le latin, mais … Un double phénomène d’influence linguistique dû au bilinguisme des Gaulois, puis des Francs, a engendré une tout autre langue = le français Substrat : le gaulois/le celte o L’écriture était réservée à certains domaines de société o Dans la région d’Antibes, on parlait le grec avant o L’arrivée des romains va tout bouleverser o La couche celte existe pour beaucoup d’autres langues européennes § Exemple : l’italien Langue mère : le latin o Le grec était la langue la plus importante : langue de l’amour, langue de l’érotisme o La plupart des romains aisés était bilingues o La naissance d’une nouvelle culture : la culture gallo-romaine = une période de bilinguisme o En France, on parlait un latin qui va être influencé par la langue celte § Le latin vulgaire ou sermo quotidianus : le latin parlé Superstrat : la langue germanique o Il y avait diJérents peuples germaniques qui ont façonné l’Europe, mais seulement les Francs et les Anglo-Saxons ont pu constituer des états o Les peuples germaniques parlaient la langue germanique = l’ancêtre du néerlandais et de l’allemand § Ils n’ont pas imposé leur langue, mais ils ont adopté la langue de ceux qu’ils ont conquis Le latin comme langue oEicielle en Gaule romaine Jules César conquiert la Gaule lors de la guerre des Gaules entre 58 et 51 av. J.-C. o La Gaule romaine correspond à l’actuelle France (à l’exception de la Gallia Narbonensis) ainsi qu’à une grande partie des territoires actuels de la Belgique et de la Suisse o La ville principale était Lugdunum (Lyon), qui a longtemps été la capitale des Gaules Contrairement à l'image traditionnelle transmise par les auteurs antiques et longtemps attribuée aux « barbares » gaulois, il est aujourd'hui évident que la civilisation gauloise juste avant la conquête romaine était particulièrement prospère 1 o Cette civilisation gallo-romaine a duré environ six siècles o Bien que la Gaule ait été une région avec peu d'immigration romaine et que les Romains n'aient pas cherché à imposer leur langue aux peuples conquis, les Gaulois ont progressivement adopté le latin o Cela s'explique par la nécessité de communiquer avec les Romains et par la supériorité culturelle et politique de ces derniers o Les élites, notamment, se sont fortement romanisées, obtenant la citoyenneté romaine et envoyant leurs enfants recevoir une éducation supérieure en latin Ainsi, le latin est devenu la langue oJicielle en Gaule romaine, tandis que le gaulois est resté la langue maternelle des populations locales o Cependant, il ne faut pas croire que le latin de César et de Cicéron s'est imposé partout o Le latin parlé par les fonctionnaires, les soldats, les colons romains, ainsi que celui adopté par les Gaulois, s'est progressivement éloigné du latin classique du Ier siècle o À côté de ce latin classique réservé à l'aristocratie et aux écoles, un latin populaire, le « sermo cotidianus », s'est développé, avec des variations régionales importantes dues aux interactions entre vainqueurs et vaincus L’invasion des Germains La Gaule romaine connaît d'abord une période de prospérité et de stabilité Mais, dès la fin du deuxième siècle (192), la vie sociale commence à se disloquer o Cette tendance s'accentue à partir du 3ième siècle avec les incursions des Germains § Les Francs participent à la grande « invasion » de 256-257, aux côtés d'autres peuples germaniques qui entrent dans l'Empire romain pour piller Le 4 siècle est toutefois une période de rétablissement pour Rome ième o On peut comparer les grands déplacements de populations de la fin du 4ième et du 5ième siècles à un jeu de billard : la première boule (les Huns) a dispersé le système en place et chaque boule en a entraîné une autre o Il en a été de même avec les tribus germaniques qui, poussées par l’est, partaient vers l'ouest, contraignant ainsi le voisin à quitter son pays Vers la fin du 5ième siècle, l'Empire romain d'Occident se trouvait morcelé en une dizaine de royaumes germaniques o Mais la plupart de ces royaumes n’ont pas constitué d'États durables, à l'exception de ceux des Francs et des Anglo-Saxons o Néanmoins, ces « invasions » germaniques ont contribué à bâtir l'Europe moderne § C’est d’abord la famille des Mérovingiens, ensuite celle des Carolingiens qui détiennent le pouvoir 2 § Il se produit alors un fait linguistique assez rare : contrairement à ce qui s'est passé lors de la colonisation latine, c’est la langue dominée, le latin, qui demeure la langue oJicielle 1.2. La conscience de la mort du latin Le concile de Tours (813) Le concile de Tours de 813 a marqué un tournant important dans la relation entre la langue et la liturgie dans l'Empire carolingien o À cette époque, le latin classique utilisé par l'Église et les élites était de moins en moins compris par le peuple, dont la langue évoluait vers des formes vernaculaires, comme le protofrançais ou le proto-allemand o En 813, les évêques, réunis en concile à Tours, demandent aux prêtres de faire leurs sermons dans les langues familières, germanique ou romane, les seules désormais comprises par les fidèles o Cette décision, qui apparaît comme la première reconnaissance oJicielle de la langue française, est considérée comme fondatrice de la nouvelle linguam rusticam romanam § C’est un preuve du fait que la population se rendait compte de ce qu’elle parlait une autre langue qu’avant o C'est en eJet de ce jour que les clercs se sont préoccupés de mettre par écrit - et donc d'élaborer et de fixer - leur langue maternelle 1.3. Les premiers textes en français 1.3.1. Les Serments de Strasbourg (842) Les Serments de Strasbourg À la mort de Charlemagne, en 814, ses fils et ses petits-fils se disputent l'Empire Finalement, ses petits-fils Charles le Chauve et Louis le Germanique scellent une alliance contre leur frère aîné, Lothaire, par les Serments de Strasbourg (14 février 842), rédigés pour la première fois en langue dite vulgaire o Du latin vulgus : "peuple" o Le pouvoir n’était pas héréditaire comme aujourd’hui § Un roi mourait et on partageait son territoire -> quatre enfants = quatre partis § Charlemagne a pu constituer un empire tellement grand grâce au fait qu’il avait tué ses frères § Au moment de son mort, Charlemagne avait trois petits-fils : Charles le Chauve, Louis le Germanique et Lothaire Les Serments de Strasbourg constituent le plus ancien texte français conservé 3 o Bernard Cerquiglini parle d’ailleurs de la première « attextation du français » o L'on y trouve donc la première attestation de l'existence d'une langue parlée en France qui fut clairement séparée du latin, la romana lingua ou roman, ancêtre du français o Le premier texte de la langue française est donc un texte bilingue § Le texte n’était pas représentatif de la manière dont la population parlait à l’époque Les Serments de Strasbourg ont été déclarés et écrits dans ce protofrançais et en teudisca lingua (langue francique) par chacun des deux monarques dans la langue de son frère, puis par leurs troupes, afin que tout le monde puisse se comprendre Le texte de ces engagements nous est parvenu dans un ouvrage historique écrit en latin par Nithard, un clerc contemporain et autre petit-fils de Charlemagne o Cette citation de textes en langue vulgaire dans un ouvrage érudit est très surprenante pour l'époque o Ce protofrançais n'était pas, pense-t-on aujourd'hui, la transcription d’une variante locale § C'était plutôt une langue recomposée, très inspirée du latin mérovingien que les clercs érudits du 9ième siècle considéraient comme le modèle de la langue vulgaire écrite : leur volonté était de proposer une langue accessible à tous Pourtant, après les serments de Strasbourg, il a fallu encore 150 ans et un changement de dynastie pour que les rois de France ne s'expriment plus en germanique : le premier roi de France à avoir besoin d'un traducteur pour s'entretenir avec un roi germanique fut Hugues Capet (1000) 1.3.2. La Séquence de Sainte Eulalie (880-882) La Séquence de Sainte Eulalie La Séquence de Sainte Eulalie (c. 880-882) est également l’un des plus anciens textes en langue romane o Ce poème de 29 vers, écrit en l'honneur de la martyre chrétienne Eulalie de Mérida, est rédigé dans une forme primitive de la langue d’oïl, un ancêtre du français o Il s’agit donc d’un texte, non pas juridique, mais liturgique § Il est important de mentionner que la liturgie se déroulait toujours en latin à l'époque § Si la Séquence est écrite en langue romane, c'est qu'il est destiné plus directement aux croyants § Sans doute la séquence est rendue plus fidèlement la langue de l'époque que les Serments de Strasbourg 4 Le manuscrit unique, qui a conservé au verso d’un feuillet la séquence romane, dans une langue où se mêlent latinismes et expressions picaro-wallonnes, contient au recto une séquence latine sur la même sainte o Les deux séquences étaient probablement chantées en alternance o La musique a été perdue o Il s’agit donc aussi d’un texte bilingue 1.4. La naissance des langues d’oïl et de la langue d’oïl Le régime féodal Les caractéristiques principales du régime féodal sont le morcellement et la fidélité o Afin de s'assurer la fidélité de ses vassaux, un suzerain (seigneur) accorde à chacun l'eux un fief (une terre) qui leur servira de moyen de subsistance o En retour, les vassaux s'engagent à défendre leur seigneur en cas d'attaque extérieure o Le système féodal n’était pas comme une pyramide : le roi était la seule personne qui seulement était suzerain et pas vassaux o Le système féodal entraîne un morcèlement politique, qui va entraîner un morcèlement linguistique Les conséquences politiques du système féodal Le pays se morcelle en grands fiefs, eux-mêmes fragmentés en une multitude de petits fiefs Les guerres entre seigneurs sont très fréquentes, car elles permettent aux vainqueurs d'agrandir leur territoire Chaque seigneur vit de manière relativement indépendante dans son fief, avec peu de contacts avec l'extérieur o Dans ce contexte, la monarchie a pratiquement perdu tout pouvoir Au cours du 10ième siècle, les rois sont souvent contraints de mener une vie itinérante sur leurs domaines, qui sont morcelés et appauvris o Dans de telles conditions, les divergences qui existaient déjà entre les parlers locaux se développent et s'aJirment o Chaque village et chaque ville a son parler distinct : la langue évolue partout librement, sans contrainte La langue d’oïl et la langue d’oc La première distinction linguistique à établir est celle entre la langue d’oïl et la langue d’oc L'usage du terme langue d'oïl est attesté dès la fin du 13ième siècle 5 o Il vient de Dante qui avait nommé trois langues romanes selon la manière de dire "oui” : la langue d'oïl (français), la langue d'oc (occitan) et la langue de si (italien) o On disait langue d'oïl au singulier car, entre les 9ième et 12ième siècles, il s'agissait davantage de variétés linguistiques mutuellement compréhensibles, plutôt que de langues distinctes à proprement parler o Le terme langue d'oïl désigne donc globalement la branche des langues gallo- romaines qui se sont développées dans la partie Nord de la Gaule, puis dans la partie Nord de la France, en Wallonie et dans les îles anglo-normandes Au pluriel, les langues d'oïl signifient qu'il y a des langues distinctes dans le domaine d'oïl, dont entre autres : le normand, le picard, le wallon et le lorrain Le normand Les envahisseurs normands (c’est-à-dire scandinaves ou « vikings ») avaient, en colonisant le territoire maintenant connu sous le nom de Normandie, adopté le parler gallo-romain des habitants de l'ancienne Neustrie, tout en dotant la langue de quelques mots norrois, l’ancienne langue scandinave o Le roi de France avait donné la Normandie aux vikings, aux scandinaves qui vont s’installer en France et là fonder des familles avec des femmes qui parlaient la nouvelle langue romane § La langue qui naît dans ces familles, c’est le normand o Cette disparition de la langue norroise peut s'expliquer, selon Henriette Walter, de la façon suivante : § La colonisation scandinave avait été strictement masculine, et la langue de la famille, née des couples mixtes, a très vite été la langue de la mère, c'est-à-dire la langue romane de la région, surtout après la conversion des Normands au Christianisme § C’est cette variante de la langue d’oïl que Guillaume le Conquérant va importer en Angleterre = l’anglo-normand § En eJet, en traversant la Manche, il emporte le normand (dialecte de langue d'oïl) de son époque sur un sol qui n'a jamais parlé de langue romane (1066) § Le normand devient la langue des élites, et progressivement il influence la langue anglaise C'est la langue étrangère qui lui a transmis le plus de vocabulaire Il est sans doute intéressant de mentionner que le manuscrit qui est considéré comme l’original de la première œuvre littéraire écrite en ancien français, La Chanson de Roland, est écrit en en anglo-normand Le picard 6 Le picard est parlé en France dans le Nord-Pas-de-Calais et en Picardie ainsi que dans la province de Hainaut en Belgique Dans la région Picardie, on parle de « picard », alors qu’on emploie plutôt les sobriquets ch’ti ou ch’timi dans le Nord-Pas-de-Calais Les linguistes emploient uniquement la désignation de « picard » Le wallon Le wallon est un des diJérents dialectes romans parlés en Belgique, mais dans la mesure où les autres langues endogènes de la Belgique romane sont parfois désignées comme wallonnes, y compris par leurs propres locuteurs, il peut y avoir une certaine confusion La langue wallonne reste jusqu'au début du 20ième siècle la langue parlée par la majorité de la population de la moitié est de la Belgique romane car le français était seulement la langue des lettrés et des classes supérieures 2. L’ancien français L’apparition du français L'ensemble des langues romanes de la famille des langues d'oïl parlées approximativement dans la moitié nord du territoire français actuel, depuis le 10ième siècle jusqu'au 13ième siècle environ, vont lentement se rassembler et se ressembler Entre le 12ième et le 13ième siècle, ces variantes linguistiques perdent de l'importance au profit d'une langue d'oïl écrite interdialectale favorisant les échanges littéraires et juridiques entre les régions o Cette koinè interdialectale allait ensuite se développer en région parisienne, siège du pouvoir, et passer du statut de langue écrite à celui de langue parlée o À la fin du 13ième siècle cette koinè avait pris oJiciellement le nom de français L’ancien français L'existence d'un prétendu dialecte « francien » (ancien dialecte régional parlé en Ile- de-France) apparaît aujourd'hui comme un mythe construit par la linguistique historique du 19ième siècle Le français n'est pas la simple évolution d'un prétendu dialecte de la région parisienne qui aurait mieux réussi que les autres dialectes d'oïl qui sont aujourd'hui résiduels o On sait en eJet maintenant que le français est en fait l'évolution d'une langue d'oïl commune écrite (scripta) constituée vers le 11ième siècle avec les débuts de la littérature en langue vernaculaire, pour assurer l'intercompréhension entre les publics des diverses cours régionales 7 o Il s'agissait donc d'utiliser une forme écrite qui gomme les diJérences dialectales trop marquées o Cette langue d'abord essentiellement écrite (l’« ancien français ») coexistait avec les divers dialectes d'oïl parlés en France Les premières grandes œuvres littéraires en français Au cours du 12ième siècle, on commence à utiliser le français à l'écrit, particulièrement dans l'administration royale, qui l'emploie parallèlement au latin C'est également à cette époque, au 12ième siècle, qu'apparaissent des premières grandes œuvres littéraires en français o La chanson de geste § La Chanson de Roland (fin du 11ième siècle) o Le Roman (courtois, du Graal et la veine comique) § Chrétien de Troyes (12ième siècle) : premier grand écrivain “français” § Marie de France (12ième siècle) : les Lais (= nouvelles) § Tristan & Iseut (fin 12ième siècle) § Le Roman de Renart (12ième et 13ième siècle) À la fin de ce siècle, le français s'écrit o En Italie § En 1298, Marco Polo rédige ses récits de voyage en français o En Angleterre § Depuis la conquête de Guillaume le Conquérant o En Allemagne o Aux Pays-Bas o Évidemment, le peuple ne connaît rien de cette langue : les dialectes locaux continuent de subsister o On peut voir les racines de notre langue moderne § On est dans une syntaxe bétonnée (comme le français moderne) o Les traducteurs vont calquer les structures du latin en français 3. La période du moyen français L’anarchie et la misère en France Le 14ième et le 15ième siècle marquent une période sombre pour la France, plongée dans l'anarchie et la misère C’est l'une des époques les plus troublées de l’histoire sociopolitique du pays : la guerre de Cent Ans contre l’Angleterre, les guerres civiles, les pestes et les famines s'y succèdent Pour la langue, en pleine évolution, cette période représente une transition entre l’ancien français et le français moderne 8 La moyen français et l’évolution vers le français moderne La déclinaison issue du latin et réduite à deux cas en ancien français tombe également, favorisant ainsi une stabilisation de l'ordre des mots dans la phrase (sujet + verbe + complément) Les prépositions et les conjonctions se développent beaucoup, ce qui rend la phrase plus complexe Avec le français de la Renaissance, c’est une période de très grande créativité lexicale o Quand on étudie les 20.000 mots de base en française et quand on étudie la date de création de ces mots, on constate : § Au 13ième siècle : 22 % § Au 14ième siècle et au 15ième siècle : 23 % § Au 16ième siècle : 20% § Au 17ième siècle : 11% § Au 18ième siècle : 11% § Au 19ième siècle : 13% Les sources du lexique français Les principales sources du lexique français incluent surtout le latin, mais aussi le grec Le français a également été influencé par les diJérents dialectes régionaux Ce sera surtout après le Moyen Âge, que français empruntera de nombreux mots à des langues étrangères, notamment à l'italien, surtout au 16ième siècle, et à l'espagnol, particulièrement au 17ième siècle Les premiers actes oEiciels et traductions Dès la fin du 13ième siècle déjà, on avait commencé à employer le français pour les actes oJiciels Dès ce moment, les juristes romains et les philosophes grecs ont été traduits en français Les savants, clercs et autres lettrés latinisent fort leur français o Ces savants "translatent" les textes anciens en les accommodant à l'état du français o Ces spécialistes de l’écriture – clercs travaillant dans divers domaines comme juristes, notaires, écrivains – ont créé de nombreux mots savants à partir du latin et emprunté quelques mots à d’autres langues Ce faisant, ils éloignent la langue française de celle du peuple o C'est le début de la séparation entre la langue écrite et la langue parlée o À partir du 14ième siècle donc, même si l’usage de la langue vulgaire s’étend à de plus nombreux domaines, sa forme écrite présente une proportion de plus en 9 plus grande de latinismes qui supplantent le vocabulaire culturel de l’ancien français o Le français perd donc la prérogative de se développer librement, il devient la chose des lettrés, des poètes et des grammairiens o Le français s'est développé librement entre le 9ième et le 14ième siècle, mais le 15ième siècle annonce déjà l’époque du dirigisme linguistique, caractéristique du français moderne Comme on le constate, au fur et à mesure que s'aJermit l'autorité royale et que s'aJirme la centralisation du pouvoir, la langue du roi de France gagne du terrain, particulièrement sur les Sautres langues d'oïl o Mais, pour quelques siècles encore, le latin gardera ses prérogatives à l'écrit et dans les écoles Au 14ième siècle, Charles V (Le Sage) est un patron des arts : il reconstruit le palais du Louvre et y fonde la première Librairie royale, qui deviendra quelques siècles plus tard la Bibliothèque nationale de France o Cette bibliothèque répond à un projet politique : elle doit former une élite administrative o Elle compte jusqu’à un millier de manuscrits, selon la légende tous lus par le roi (d’où son surnom) 4. La Renaissance : l’expansion et aEirmation du français Avec ses 15 millions d'habitants, la France reste le pays le plus peuplé d'Europe et les impôts rendent François Ier, le roi emblématique de la Renaissance en France, plus riche que ses rivaux, ce qui contribue à asseoir son autorité et à promouvoir sa langue De plus, l'imprimerie favorise la diJusion du français : il paraît plus rentable aux imprimeurs de publier en français qu'en latin en raison du nombre plus important des lecteurs en cette langue o La langue française s’aJirme selon trois axes § Comme langue administrative, parce qu’elle commence à faire l’objet de grammaires § Comme langue littéraire § Comme langue de traduction Il y a trois domaines dans lesquels on voit qu’il y a des changements pendant la Renaissance o Le niveau administratif : l’ordonnance de Villers-Cotterêts o Le niveau métalinguistique : les premières grammaires du français o Le niveau littéraire : De6ence et illustration de la langue françoyse de Joachim du Bellay 10 § Une des premières réflexions en Europe sur la place de la traduction dans le développement d’une langue et d’une culture Le français était en compétition avec deux autres langues o L’italien o Le latin o Il y avait donc une politique d’émancipation contre les deux autres langues avec un grand prestige § Exemple : l’italien avait précédé le français et avait créé une très grande littérature 4.1. L’aEirmation politico-administrative : l’ordonnance de Villers-Cotterêts L’ordonnance de Villers-Cotterêts L'ordonnance de Villers-Cotterêts est un document signé à Villers-Cotterêts en 1539 par François Ier Elle décrète que tous les actes juridiques, administratifs, et notariés doivent être rédigés en français, plutôt qu'en latin ou en d'autres langues locales = le but était d’imposer le français dans le langage administratif et juridique Elle est donc l'acte fondateur de la primauté et de l'exclusivité du français dans les documents relatifs à la vie publique o En eJet, pour faciliter la bonne compréhension des actes de l'administration et de la justice, elle leur impose d'être rédigés "en tout langage maternel du royaume de France" o Le français devient ainsi la langue oJicielle du droit et de l'administration, en lieu et place du latin et des autres langues du pays Même si l'ordonnance de Villers-Cotterêts n'a fait qu'appuyer un mouvement de centralisation linguistique déjà amorcé depuis plusieurs siècles, c'est la première fois que le français est institutionnalisé comme langue administrative du royaume, marquant ainsi un tournant majeur dans la centralisation du pouvoir royal o En uniformisant la langue utilisée dans les documents oJiciels, l'ordonnance visait à renforcer l'unité du royaume de France et en a augmenté la cohérence administrative 4.2. Les premières grammaires du français Les premières grammaires du français Si l'écrit est codifié, jamais le français parlé n'a été aussi bouillonnant. Jusqu'au 16ième siècle au moins, elle garde une grande liberté de structures et de tournures A ce moment, on publie de nombreux Arts poétiques, des grammaires 11 o John Palsgrave, prêtre à la cour de Henri VIII d'Angleterre, est l'auteur de Lesclarcissement de la langue francoyse (= L'éclaircissement de la langue française) § Cet ouvrage, écrit en anglais et publié en 1530 à Londres, est considéré comme la première grammaire de la langue française § Il s'adressait à des Anglais voulant apprendre le français § Les premières grammaires s’écrivent dans une visée que l’on appellerait actuellement français langue étrangère A l’exception du titre, toute cette grammaire est écrite en anglais Très vite les théoriciens sauteront le pas du français langue étrangère vers le français langue maternelle : les grammairiens écriront des ouvrages qui se destinent aux Français mêmes et ont pour but de fonder des règles o Dubois, dit Sylvius (1531) écrira une grammaire de français en latin, mais qui s’adresse donc à des Français § Il avait pour but de réagir contre l’absence apparente des règles en français et la voulait une sorte de manifeste destiné à glorifier une langue qui était souvent attaquée o Meigret, dont on ne sait pas grand-chose par ailleurs, a écrit en 1550 la première grammaire en français 4.3. DeEence et illustration de la langue françoyse Joachin du Bellay Joachim du Bellay fut le fondateur avec Ronsard du groupe de poètes de la Pléiade qui souhaitent définir de nouvelles règles poétiques o En 1549, le groupe décide de publier un manifeste que du Bellay est chargé d’écrire = Défense et illustration de la langue française § Du Bellay signe l’ouvrage, inspiré des idées du groupe : défendre le français contre la domination du latin, cultiver les genres nouveaux et enrichir le vocabulaire o Ce livre se veut l’acte de fondation de la poésie française, mais constitue également une réflexion très importante sur la traduction A ce moment-là, la position du français est comparable au statut de quelques langues en période postcoloniale o Exemple : les écrivains brésiliens qui écrivaient en portugais o Faire attention aux mots étrangers : il ne faut pas être submergé par des mots étrangers § Épuration du vocabulaire Texte fondamentale pour la langue française et pour la traduction 12 o Distinction entre la traduction littéraire et le traduction d’autres types de textes (textes informatifs, textes pragmatiques, …) § Le style est le plus important vs. l’information est le plus important § Du Bellay : il ne faut pas traduire la littérature parce qu’on ne peut pas traduire le style 5. Le 17ième siècle : la langue classique 5.1. Le français en France et à l’étranger Le français comme langue de classe À cette époque, le français reste une langue de classe o Celle de la cour, de l'aristocratie, de la bourgeoisie, de la littérature et des académies, parlée par à peine un million de personnes sur une population totale de 20 millions o Bataille pour le prestige de la langue française aux diJérents niveaux Les grammairiens Dans ce siècle marqué par une organisation autoritaire et centralisée, ce sont les grammairiens qui modèlent la langue Les grammairiens imposent des règles strictes en matière de prononciation, de syntaxe et de lexique Ils prônent l’usage d’un vocabulaire choisi et raJiné, veillant à épurer la langue pour éviter toute dégradation o Ainsi, ils bannissent les italianismes, les archaïsmes, les régionalismes, les termes techniques et savants, ainsi que les mots jugés vulgaires Les écrivains eux-mêmes s'alignent sur ces préceptes et se soumettent aux jugements des grammairiens, si bien que la langue littéraire de l'époque apparaît moins comme une œuvre individuelle que comme le fruit d’un eJort collectif L’infiltration de la langue du peuple Cette langue française, choisie et parlée par l’élite, infiltre lentement celle du peuple, qui reste ignorant des règles d’ordre, de pureté, d’élégance et d’harmonie L’analphabétisme avoisine alors 99 % en France, tout comme dans le reste de l’Europe En dehors de l’administration, la langue n’est pas encore une préoccupation pour la royauté o Il faudra attendre la Révolution française pour que cela change Les nouvelles provinces annexées au royaume sont même exemptées de l'application de l'ordonnance de Villers-Cotterêts 13 o Lors de ses voyages, Louis XIV est souvent accueilli par des discours en picard, en flamand, en alsacien, en occitan, et d’autres langues régionales Malgré les ambitions de Colbert, aucune politique linguistique d’assimilation n’est véritablement mise en place o Cela dit, au 17ième siècle, le français est parlé dans presque toutes les chancelleries européenne et sert de langue diplomatique, ayant détrôné le latin, bien que celui-ci soit encore largement utilisé o L’influence du français s’étend alors considérablement, grâce aux conquêtes du roi et à l’exode des protestants (huguenots) hors de France o Cette langue se diJuse particulièrement en Angleterre et aux Pays-Bas, mais aussi en Allemagne, en Suisse, en Italie, dans les pays scandinaves (Danemark et Norvège), en Hongrie, en Pologne, en Russie tsariste, et jusqu'en Amérique 5.2. L’Académie française La création de l’Académie française Pour soutenir l'entreprise d'épuration et de réglementation de la langue, il manquait une autorité ayant le pouvoir de fixer et de diJuser le bon usage Or, à la même époque, Richelieu cherchait un moyen de redonner à l'État monarchique la direction de la langue, que les précieuses et quelques érudits et philologues monopolisaient Il oJre donc sa protection à un cercle de lettrés qui se réunissaient chez l'écrivain Valentin Conrart et leur propose de constituer un "corps" et de s'assembler régulièrement sous "une autorité publique" o Le 20 mars, Richelieu baptise ce groupement d'Académie française o Le 29 janvier 1635, l’Académie est créée oJiciellement La composition et les fonctions de l’Académie française Le nombre d'académiciens est fixé à 40 o Depuis sa fondation, elle a reçu en son sein plus de 700 membres o Elle rassemble des poètes, des romanciers, des hommes de théâtre, des philosophes, des historiens, des médecins, des hommes de science, des ethnologues, des critiques d’art, des militaires, des hommes d’État, des hommes d’Église, qui ont tous illustré particulièrement la langue française o La qualité d’académicien est une dignité inamovible o Nul ne peut démissionner de l’Académie française § Tout au moins celui qui se déclare démissionnaire n’est-il pas remplacé avant son décès § ‘Les immortels’ Au cours de ses trois siècles et demi d’existence, elle a su maintenir ses institutions, qui ont fonctionné avec régularité 14 o Le cardinal de Richelieu s’était proclamé protecteur de l’Académie § Plus tard, cette protection fut exercée par Louis XIV et, par la suite, par tous les rois, empereurs et chefs d'État successifs de la France § Le rôle de protecteur de l’Académie française est donc une des fonctions que les Présidents de la République ont héritée des rois de France o Louis XIV et Richelieu souhaitaient que l'Académie soit une équipe de grammairiens et de stylistes qui auraient travaillé à créer une langue utilisable à l'échelon national et même international comme outil de culture et d'administration § L'article 24 stipule que "La principale fonction de l'Académie sera de travailler avec tout le soin et toute la diligence possibles à donner des règles certaines à notre langue et à la rendre pure, éloquente et capable de traiter les arts et les sciences..." Il est à remarquer que, dans ses débuts, l’Académie a fait large part aux traducteurs : parmi la première génération d’académiciens, on compte environ la moitié qui sont des traducteurs o Tel n’est plus le cas actuellement (actuellement aucun membre qui est traducteur/traductrice) 6. A partir du 18ième siècle : l’universalité de la langue française Le français comme langue du roi et l’Europe francisante Le français, qui va devenir avec la Révolution la langue de la nation, n'est encore que la langue du roi, c'est-à-dire celle des classes privilégiées o Cette variété de français ne touche pas seulement l'élite de France : elle saisit l'ensemble de l'Europe aristocratique Toutes les cours d'Europe utilisent le français : près de 25 États, de la Turquie au Portugal en passant par la Russie, la Yougoslavie, la Norvège, la Pologne et, bien sûr, l’Angleterre o Le français devient la langue diplomatique universelle (de l'Europe) et celle qu'on utilise dans les traités internationaux o Le personnage le plus prestigieux de toute l’Europe, Frédéric II de Prusse, écrit et s’exprime en français : toutes les cours l'imitent o Au 18ième siècle, un aristocrate qui se respecte se doit de parler le français et c'est presque une honte que de l'ignorer o Les Anglais ont inventé le mot gallomanie – du latin Gallus, c’est-à-dire "Gaulois", et manie : "tendance à admirer aveuglément tout ce qui est français" – pour identifier cette mode qui saisit l'Europe aristocratique Connaître le français, c'est faire preuve de son appartenance au cosmopolitisme de son temps et, par le fait même, de son rang 15 o Le français demeure donc, par-delà les nationalités, une langue de classe à laquelle toute l'Europe aristocratique s'identifie o Cette société privilégiée restera figée de stupeur lorsqu’explosera la Révolution française, qui mettra fin à l’Europe francisante Discours sur l’universalité de la langue française Cette question de l'universalité de la langue française fait même l'objet d'un concours organisé par l’académie de Berlin, auquel Antoine de Rivarol prend part : son Discours sur l'universalité de la langue française (1784) est couronné o « Ce qui distingue notre langue des langues anciennes et modernes, c'est l'ordre et la construction de la phrase. Cet ordre doit toujours être direct et nécessairement clair. Le français nomme d'abord le sujet du discours, ensuite le verbe qui est l'action, et enfin l'objet de cette action : voilà la logique naturelle à tous les hommes ; voilà ce qui constitue le sens commun. Or cet ordre, si favorable, si nécessaire au raisonnement, est presque toujours contraire aux sensations, qui nomment le premier l'objet qui frappe le premier. C'est pourquoi tous les peuples, abandonnant l'ordre direct, ont eu recours aux tournures plus ou moins hardies, selon que leurs sensations ou l'harmonie des mots l'exigeaient ; et l'inversion a prévalu sur la terre, parce que l'homme est plus impérieusement gouverné par les passions que par la raison. Le français, par un privilège unique, est seul resté fidèle à l'ordre direct, comme s'il était toute raison, et on a beau par les mouvements les plus variés et toutes les ressources du style, déguiser cet ordre, il faut toujours qu'il existe ; et c'est en vain que les passions nous bouleversent et nous sollicitent de suivre l'ordre des sensations : la syntaxe française est incorruptible. C'est de là que résulte cette admirable clarté, base éternelle de notre langue. Ce qui n'est pas clair n'est pas français ; ce qui n'est pas clair est encore anglais, italien, grec ou latin. » 7. La guerre aux patois à partir de la Révolution (1789-1799) jusqu’au 20ième siècle 7.1. La « terreur linguistique » Association entre langue et nation La période révolutionnaire met en valeur le sentiment national, renforcé par la nécessité de défendre le pays contre les armées étrangères appelées par les nobles en exil qui n'acceptent pas leur déchéance Ce mouvement de patriotisme s'étend aussi au domaine de la langue o Pour la première fois, on associe langue et nation La langue comme aEaire d’État et Henri-Baptiste Grégoire 16 Désormais, la langue devient une aJaire d’État : il faut doter d'une langue nationale la "République unie et indivisible" et élever le niveau des masses par l'instruction ainsi que par la diJusion du français o Or, l'idée même d'une "République unie et indivisible", dont la devise est "Fraternité-Liberté-Égalité pour tous", ne peut se concilier avec le morcellement linguistique et le particularisme des anciennes provinces o Les révolutionnaires bourgeois y voient même un obstacle à la propagation de leurs idées § Ils déclarent la guerre aux patois o En 1794, l'abbé Henri-Baptiste Grégoire publie son fameux Rapport sur la nécessité et les moyens d'anéantir les patois et d'universaliser l'usage de la langue française § Il dénonce la situation linguistique de la France républicaine qui, « avec trente patois diJérents », en est encore « à la tour de Babel », alors que, « pour la liberté », elle forme « l'avant-garde des nations » o Il déclare à la Convention : « Nous n'avons plus de provinces et nous avons trente patois qui en rappellent les noms. » § Il lui paraît paradoxal et pour le moins insupportable de constater que sur 25 millions de Français «au moins six millions de Français, surtout dans les campagnes, ignorent la langue nationale Qu’un nombre égal est à peu près incapable de soutenir une conversation suivie Le nombre de ceux qui la parlent purement n’excède pas trois millions et probablement ceux qui l’écrivent correctement est encore moindre » que le français est utilisé et unifié « même dans le Canada et sur les bords du Mississipi » Il aJirme d’ailleurs explicitement que la traduction ne peut pas oJrir de solution o « Proposeriez-vous de suppléer (à l’ignorance du français) par des traductions ? Alors vous multipliez les dépenses, en compliquant les rouages politiques, vous en ralentissez le mouvement : ajoutons que la majorité des dialectes vulgaires résistent à la traduction ou n’en permettent que d’infidèles. » 7.2. L’instruction publique pour combattre les patois au 19ième siècle Plus de patois ou parlers régionaux à l’école Sous la Troisième République, le désir de faciliter une certaine promotion sociale, et d'assurer l'unité française, amena les responsables de l'enseignement à proscrire l'usage de tous patois ou parlers régionaux à l'école o Il y avait des écoles gratuites laïques en français pour les garçons et pour les filles 17 À partir du milieu du 19ième siècle, le pouvoir central commence à réprimer les langues dites régionales qui sont peu à peu méprisée o À partir de la fin du 19ième siècle, ces langues sont interdites dans l'enseignement, au grand dam d'une partie du corps enseignant qui se demande comment enseigner dans de telles conditions à des élèves non francophones Dès lors, la France commença son véritable « génocide culturel » dans les régions françaises o On pouvait lire des aJirmations comme la suivante, qui serait considérée au 21ième siècle comme de la pure discrimination § « Multiplions les écoles, créons pour l'amélioration morale de la race humaine quelques-unes de ces primes que nous réservons aux chevaux ; faisons que le clergé nous seconde en n'accordant la première communion qu'aux seuls enfants qui parleront le français. » Un peu après le milieu du 19ième siècle (en 1863), on comptabilisait encore 7,5 millions de Français ignorant la « langue nationale » (sur près de 38 millions d'habitants) o Selon les témoignages de l'époque, les enfants des villages de province ne retenaient guère le français appris à l'école § Celui-ci « ne laisse pas plus de traces que le latin n'en laisse à la plupart des élèves sortis des collèges » 8. La législation linguistique au 20ième siècle 8.1. La langue de la République est le français … depuis 1992 Le français comme langue oEicielle de la République française Les dispositions constitutionnelles portant explicitement sur la langue étaient inexistantes jusqu'en 1992 o La langue française était la langue oJicielle de la République française dans les faits (ou de facto) parce que cette reconnaissance n'avait jamais été proclamée ni dans la Constitution de 1958 ni d'ailleurs dans aucun texte de loi o La Loi constitutionnelle du 25 juin 1992 a apporté des modifications à la Constitution de 1958, notamment à l'article 2 qui se lit maintenant comme suit : « La langue de la République est le français. » Concrètement, cela implique que le français est l'unique langue oJicielle en France o La politique linguistique de la France repose donc sur le monolinguisme d'État o Depuis 2008, un nouvel article a été ajouté à la Constitution, qui dit que « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France » 18 Treize langues dites "régionales" font aujourd'hui l'objet d'un enseignement public en France, dont le basque, le breton, le catalan, l'occitan, le corse o C'est de ces langues que l'on parle généralement lorsqu'on évoque les « langues régionales » o Aucune de ces langues n'a cependant statut de langue oJicielle, qui est celui du seul français Le régime de Vichy et les langues régionales Il convient d’insister sur un élément historique important : le régime de Vichy s’est montré conciliant à l'égard des langues régionales o Va bouleverser les idées républicaines sur la langue, comme la valeur du monolinguisme o Veut recréer un mythe du paysan français sur sa terre français = idée fasciste o Le régionalisme va être considéré comme une chose positive Les premières lois en faveur de l'enseignement de ces langues sont dues au ministre de l'Éducation nationale vichyssois Carcopino o L'objectif de la Révolution nationale, l'idéologie oJicielle du Régime de Vichy, était de vivifier le nationalisme français chez les enfants en développant chez eux l'attachement au sol natal notamment par un arrêté qui autorise l’enseignement facultatif des « parlers locaux » dans les écoles primaires § Après la Libération, ces premières lois à la faveur de l’enseignement des langues régionales à l’école vont disparaître o Le régionalisme pétainiste prétend unir la grande et la petite patrie présentée comme une communauté réelle par opposition aux « abstractions » administratives issues de la Révolution française et de la République o Ces lois comme l’ensemble des mesures prises par le gouvernement de Vichy, seront abrogées à la Libération 8.2. Les langues régionales et minoritaires La Charte européenne des langues régionales ou minoritaires L’Union Européenne a adopté en 1992 la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires qui consacre « le droit imprescriptible de pratiquer une langue régionale dans la vie privée et publique » o La Charte est une convention destinée d’une part à protéger et à promouvoir les langues régionales ou minoritaires en tant qu’aspect menacé du patrimoine culturel européen, et d’autre part à favoriser l’emploi des langues régionales ou minoritaires dans la vie privée et publique o Son objectif est essentiellement d’ordre culture. 19 o Par l’expression « langues régionales ou minoritaires », on entend donc les langues « régionales » et les « langues minoritaires » § « Langues régionales » : les langues parlées localement au sein même du pays, dérivant d'une culture régionale distincte de la culture du pays lui- même (le breton en Bretagne ou le corse en Corse par exemple) § « Langues minoritaires » : les langues parlées par une minorité ethnique importante implantée dans le pays (par exemple l'allemand parlé par une minorité allemande au Danemark) § La Charte n’inclut donc ni les dialectes de la (des) langue(s) oJicielle(s) de l’État, ni les langues des récents immigrants d'un État non européen o En 1999, la France la signe, mais sans la ratifier, à cause de son aspect anticonstitutionnel § En adhérant à la Charte, la France méconnaîtrait les principes constitutionnels d’indivisibilité de la République, d’égalité devant la loi, d’unicité du peuple français et d’usage oJiciel de la langue française o La France est – avec la Belgique qui ne l’a d’ailleurs ni signée ni ratifiée – l'un des rares États d'Europe à ne pas avoir ratifié cette charte 9. La langue des banlieues : une nouvelle forme de diglossie française ? Vers de nouvelles formes de diglossie à partir du 20ième siècle ? Le français des banlieues, le français des jeunes et le français des jeunes des banlieues o Ce sont diJérentes variantes sur le français qui ont été étudiées par des sociolinguistes o Résultats des années 80 : 10% à 20% des jeunes dans les banlieues ne connaissent plus le français standard = la diglossie Peut-être que chaque personne a besoin de deux langues ? o Peut-être le monolinguisme n’est pas si bon et facile pour nous ? o En Flandre, on connait cette diglossie : beaucoup de personnes ont une certaine langue de l’école, de la culture, … et une autre langue de maison, des amis, … Très grande visibilité des minorités à partir des années 80 o Beaucoup vivent dans les banlieues § On a créé une sorte de ghettoïsation Partie 2 : État laïc et fille aînée de l’Église ? 1. Introduction 20 La France est un État laïc Depuis 1905 la France est un État laïc, ce qui veut dire que la République française n'a donc plus de religions d'État ni oJicielles o La laïcité ne consiste pas, de la part des pouvoirs publics, à combattre les religions, mais à empêcher leur influence dans l’exercice du pouvoir politique et administratif o Elle renvoie les idées spirituelles et philosophiques au domaine exclusif de la conscience individuelle et de la liberté d'opinion o Selon le site du gouvernement français § La laïcité repose sur trois principes et valeurs : la liberté de conscience et celle de manifester ses convictions dans les limites du respect de l’ordre public, la séparation des institutions publiques et des organisations religieuses, et l’égalité de tous devant la loi, quelles que soient leurs croyances ou leurs convictions § La laïcité garantit aux croyants et aux non-croyants le même droit à la liberté d’expression de leurs convictions. Elle assure aussi bien le droit d’avoir ou de ne pas avoir de religion, d’en changer ou de ne plus en avoir. Elle garantit le libre exercice des cultes et la liberté de religion, mais aussi la liberté vis-à-vis de la religion : personne ne peut être contraint au respect de dogmes ou prescriptions religieuses § La laïcité suppose la séparation de l’État et des organisations religieuses. L’ordre politique est fondé sur la seule souveraineté du peuple des citoyens, et l’État —qui ne reconnaît et ne salarie aucun culte— ne régit pas le fonctionnement interne des organisations religieuses. De cette séparation se déduit la neutralité de l’État, des collectivités territoriales et des services publics, non de ses usagers § La laïcité n'est pas une opinion parmi d'autres, mais la liberté d'en avoir une. Elle n'est pas une conviction, mais le principe qui les autorise toutes, sous réserve du respect de l’ordre public La laïcité française et le pluralisme belge La laïcité en France o La laïcité française repose sur une stricte séparation entre l'État et la religion. Concrètement, cela signifie que l'État ne reconnaît ni ne subventionne aucune religion o Il doit rester neutre dans l'exercice de ses fonctions et ne pas favoriser ou défavoriser une croyance o La religion est perçue comme une aJaire privée o Les convictions religieuses ne doivent pas interférer dans l'espace public, notamment dans les institutions publiques (écoles, administrations) 21 o Dans certaines situations, comme à l'école publique ou dans les fonctions publiques, le port de signes religieux visibles (comme le voile, la croix ou la kippa) est interdit, afin de garantir la neutralité de l'espace public o La laïcité garantit donc à chacun la liberté de croire ou de ne pas croire, mais impose une stricte séparation des aJaires religieuses et politiques Le pluralisme en Belgique o En Belgique, le système est fondé sur le pluralisme religieux, qui reconnaît et accepte la diversité des croyances o Concrètement, cela signifie que l'État belge reconnaît oJiciellement plusieurs religions (catholicisme, protestantisme, islam, judaïsme, anglicanisme, orthodoxie) ainsi que la laïcité organisée o Les cultes reconnus reçoivent des subventions de l'État pour financer leurs activités, les salaires des ministres du culte et l'entretien des lieux de culte o L'État soutient la coexistence de plusieurs confessions religieuses et de la laïcité organisée o Plutôt que de viser la neutralité absolue, l'État encourage le dialogue entre les diJérentes croyances o En Belgique, l'enseignement religieux ou moral est obligatoire dans les écoles publiques, les élèves ayant le choix entre suivre des cours sur une religion reconnue ou un cours de morale non confessionnelle (cours de laïcité) o OJiciellement donc, la Belgique ne cherche pas à interdire les signes religieux dans l'espace public ou dans les institutions publiques o Le port du voile ou d'autres symboles religieux est généralement autorisé dans les écoles et dans les fonctions publiques, bien que des exceptions puissent exister selon les régions ou les communes Article 1 de la Constitution La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances La laïcité ne consiste pas, de la part des pouvoirs publics, à combattre les religions, mais à limiter leur influence dans l’exercice du pouvoir politique et administratif. Elle renvoie les idées spirituelles et philosophiques au domaine exclusif de la conscience individuelle et de la liberté d’opinion o Donc, la laïcité en France est l’absence des religions dans la vie publique, pas dans la vie privée Partie politique en Belgique : le CVP o En Belgique, il y a donc des partis politiques qui renvoient à la religion § Aujourd’hui : CD&V o Chez nous, l’idéologie chrétienne a influencé la politique et l’administration o Il y a une présence de la religion dans la sphère publique 22 La laïcité repose sur trois principes et valeurs o La liberté de conscience et celle de manifester ses convictions dans les limites du respect de l’ordre public o La séparation des institutions publiques et des organisations religieuses o L’égalité de tous devant la loi, quelles que soient leurs croyances ou leurs convictions o La laïcité n’est pas une opinion parmi d’autres mais la liberté d’en avoir une § Athéisme et laïcité ne sont donc pas des synonymes Les statistiques de la religion en France Par principe, la République française s'interdit de poser la question de l’appartenance religieuse dans les recensements o La France ne dispose donc pas de statistiques oJicielles concernant les communautés religieuses o Les estimations restent relativement incertaines o Les chiJres que l’on trouve dans diJérentes sources peuvent donc varier Selon une étude publiée en 2023 par deux centres de statistiques nationaux, parmi les Français de 18 à 50 ans (soit 25 millions de personnes), il y aurait o Non-croyants : environ 51 % des Français se déclarent non-croyants ou sans religion o Catholiques : environ 29 % des Français se déclarent catholiques, bien que le nombre de pratiquants réguliers soit beaucoup plus faible (environ 5-10 %) o Musulmans : la communauté musulmane est estimée à environ 10 % de la population française § Les statistiques au sujet des musulmans en France sont particulièrement biaisées parce qu'elles incluent aussi des personnes qui ne se considèrent pas nécessairement musulmanes d'un point de vue religieux, mais qui sont comptabilisées en raison de leurs racines dans des pays à majorité musulmane § En France, le terme « musulmans » est eJectivement souvent employé comme une catégorie « néo-ethnique » non associée à la religiosité (on peut donc parler éventuellement de « musulmans athées »), mais à une identité « acquise par la naissance et l'origine » § Cette identité de groupe diJérencie les musulmans non pas des « chrétiens croyants », mais, en France, des « Français de souche » § C’est ce qui explique que les diJérentes estimations arrivent à des chiJres parfois très divergents selon que l'on définisse comme musulman une personne de foi musulmane ou tout simplement une personne appartenant à cette catégorie « néo-ethnique », quelle que soit sa confession 23 o Protestants : environ 2 à 3 % de la population française se déclarent protestants § Il existe une diversité au sein du protestantisme en France, allant des luthériens aux évangéliques o Bouddhistes : environ 1 % de la population, avec une majorité d'adeptes issus de communautés asiatiques, mais aussi des convertis français o Juifs : la communauté juive en France est estimée entre 0,5 et 1 % de la population, soit environ 500 000 à 600 000 personnes, principalement concentrées à Paris et dans ses environs Le pays compte parmi les moins « religieux » au monde et les plus athées : 40 % des Français se considèrent comme athées, ce qui place la France à la quatrième place mondiale 2. Les chrétiens 2.1. Le début L’origine du christianisme en France La religion catholique romaine, en déclin, demeure la religion dominante en France o C'est un marqueur identitaire pour beaucoup de Français face à la sécularisation et à l'expansion d'autres religions o Intimement liée à la monarchie française, elle a eu un rôle considérable dans l'histoire de France, tant sur le plan religieux et culturel que politique La présence chrétienne en Gaule est attestée au 2ième siècle : une des premières communautés chrétiennes en Gaule était située à Lyon, composée de migrants hellénophones venus de l'Orient o Dans le courant des 3ième et 4ième siècles, le christianisme se développe dans un premier temps dans les villes romaines et le long des voies de communication, telles que les vallées du Rhône et de la Saône o Les campagnes et les régions peu romanisées restent fidèles à la religion gauloise (dont on sait en fin de compte très peu en raison de l’absence de sources écrites) Clovis et le christianisme Clovis et ses guerriers francs accumulèrent les victoires, étendant leur domination jusqu'à la Loire ainsi que sur les royaumes des Wisigoths et des Burgondes o Cette expansion militaire n'a cependant pas empêché que le pouvoir dans les cités soit resté entre les mains de l'aristocratie gallo-romaine o Les évêques, considérés comme les successeurs des apôtres, étaient les chefs des communautés chrétiennes, élus par le clergé et le peuple 24 o En pratique, ces fonctions étaient souvent héritées au sein des familles aristocratiques, qui jouaient un rôle central dans la gestion des cités § Face à Clovis et à ses guerriers francs, les évêques représentaient donc l'ensemble des élites civiles L'adhésion des diJérents rois « barbares » au catholicisme s’est révélée très importante o La conversion de Clovis au catholicisme fut un événement politique majeur, non seulement en raison de son caractère relativement précoce, mais aussi à cause de la solidité de l'alliance ainsi formée o Quelle que soit la date exacte du baptême de Clovis, située entre 496 et 508, son passage au catholicisme a eu lieu près d'un siècle avant celui des autres rois européens (notamment les Wisigoths o L'enjeu principal ne résidait donc probablement pas dans le baptême en lui- même, mais dans les années qui ont suivi, lorsque les fils de Clovis parvinrent à maintenir l'alliance avec les évêques o Clovis établit donc une autorité royale territoriale, fondée sur une alliance particulièrement stable entre les élites militaires franques et civiles gallo- romaines o La conversion de Clovis a été considérée ultérieurement comme l'un des événements les plus importants de l'histoire de la monarchie française, et même de l'Église catholique § Elle est parfois présentée comme le fondement du mythe de la nation française o C'est en souvenir de ce baptême que les futurs rois de France porteront le titre de « fils aîné de l’Église » o La France sera même reconnue par l'Église comme la nation « fille aînée de l'Église » § Le pape donne la France cette titre o La date de ce baptême est parfois évoquée comme étant le fait fondateur de la France o Aux 6ième et 7ième siècles, se met en place une réelle organisation d'une vie monastique toujours croissante § Les abbayes géraient de vastes domaines et réalisent la christianisation des campagnes § Ce lien particulier entre l'Église, le roi et le peuple marquera le catholicisme français pendant bien des siècles 3. Les guerres de religion entre catholiques et protestants La Réforme protestante et la Contre-réforme 25 Aux progrès de la Réforme protestante, rendue possible par l'impression et la diJusion de la Bible, s'oppose la Contre-réforme de l'Église catholique romaine o Le durcissement de l'opposition entre catholiques et protestants voit les deux religions s'aJronter violemment dans l'ensemble de l'Europe et notamment dans le royaume de France, essentiellement pendant la deuxième moitié du 16ième siècle Il s’agit en fait d’une terrible guerre civile o Catholiques (« papistes ») et protestants (« huguenots ») se font la guerre pour assurer par la force le triomphe de la « vraie foi », mais ces conflits servent aussi les intérêts des grandes familles princières o Pendant ce temps, les guerres de religion livrent le pays à la famine et au pillage, entre les batailles rangées, les massacres, les tortures et les assassinats des Grands du royaume o Aux conflits religieux se superposent donc des aJrontements politiques, des luttes sociales, des diJérends culturels et enfin des interventions étrangères Le massacre de la Saint-Barthélemy Le massacre de la Saint-Barthélemy, survenu dans la nuit du 23 au 24 août 1572 à Paris, est l'un des événements les plus marquants des Guerres de Religion en France o Ce massacre, au cours duquel des milliers de protestants huguenots (entre 20 000 et 30 000) ont été tués par des catholiques, a été déclenché dans un climat de tensions religieuses extrêmes o Il s'est produit après le mariage de Marguerite de Valois (catholique) et d'Henri de Navarre (protestant), qui avait été pensé comme un moyen de réconciliation entre les deux camps o L'assassinat raté de l'amiral protestant Gaspard de Coligny, figure influente de la cour, servit de catalyseur à la violence qui s'ensuivit o L'importance du massacre réside dans plusieurs aspects § D'abord, il a marqué la rupture définitive des espoirs de paix entre catholiques et protestants, instaurant une méfiance durable § Ensuite, il a révélé la fragilité de l'autorité royale qui n’a pas pu l’empêcher, ce qui a mis en lumière le rôle ambigu de la monarchie dans les conflits religieux o Au-delà des frontières françaises, le massacre a provoqué une onde de choc à travers l'Europe § Les protestants des pays voisins étaient horrifiés, tandis que les catholiques plus radicaux y voyaient un triomphe de la foi § Cette tuerie a renforcé ainsi la polarisation des nations européennes autour de la question religieuse et a contribué à prolonger les Guerres de Religion 26 3.1. L’Édit de Nantes L’Édit de Nantes Quand Henri III est assassiné, Henri de Navarre, chef des protestants, devient le roi de France sous le nom d'Henri IV Le problème religieux est réglé par l'adoption d'un édit de « tolérance », l'Édit de Nantes en 1598 qui autorise la liberté de culte aux protestants dans certaines limites et leur accordant certaines places fortes militaires o Les protestants devaient vivre dans certaines villes et vivre leur culte o Ils ne pouvaient donc pas choisir où ils voulaient exercer leur religion o Il y avait donc une sorte de ghettos pour les protestants o Il ne s’agissait donc pas d’une tolérance, mais d’une guerre Les catholiques voient cet édit comme un moyen de contenir les protestants en attendant leur disparition, une sorte de pis-aller en somme De leur côté, les protestants ne considèrent cet édit que comme une pause dans la conversion des catholiques L’Édit de Nantes est souvent cité comme une des prémices historiques de la laïcité o Il met un terme aux sanglantes Guerres de Religion qui opposèrent catholiques et protestants En réalité, en tant qu’édit de "tolérance" promulgué par un monarque, il constitua un précédent très équivoque et fonde également en quelque sorte, autour d'une religion d'État dont le souverain est le pivot, l'absolutisme o Le début de l’absolutisme royale selon beaucoup de spécialistes 3.2. La révocation de l’édit de Nantes La révocation de l’Édit de Nantes avec l’édit de Fontainebleau En 1685, Louis XIV scelle l’édit de Fontainebleau, par lequel il met fin à près de quatre-vingt-dix ans d’exception française et de tolérance de la religion réformée au sein du royaume Le Roi-Soleil proclame une maxime totalitaire qui allait de nouveau déclencher la persécution religieuse : « Un roi, une loi, une foi. » Le nouvel édit contraint la pratique protestante et favorise les conversions forcées o Cet acte politique et religieux est célébré en France par un concert de louange en faveur du rétablissement de l’unité de foi, même s’il contribue fortement à l’édification de la légende noire de Louis XIV dans l’Europe du Nord, où aJluent plusieurs dizaines de milliers de réfugiés huguenots o On appelle, le « Refuge » l’ensemble des pays qui les ont accueillis (surtout les îles Britanniques et les Provinces-Unies, mais aussi certaines régions en Allemagne et en Suisse) 27 o Même si la Révocation interdit sévèrement toute émigration des huguenots et punit toute aide à l'émigration, on estime que près de 300 000 protestants quittent alors la France, emportant avec eux des capitaux et un savoir-faire indispensable à l’économie du pays Commence alors ce que les huguenots appellent la période du « Désert », c’est-à- dire la période de clandestinité et de persécution des protestants en France o Ce terme poétique, inspiré du passage biblique des Hébreux errant dans le désert, symbolise l'isolement et la souJrance des huguenots sous le règne de Louis XIV, après que leurs droits de pratiquer leur religion librement avaient été révoqués o Leurs temples étaient détruits, le culte interdit et les huguenots forcés de se convertir au catholicisme sous peine de sanctions sévères § Ceux qui étaient découverts pratiquant leur foi étaient emprisonnés, envoyés aux galères (pour les hommes), ou emprisonnés à vie (pour les femmes, comme dans la Tour de Constance à Aigues-Mortes) § Leurs biens étaient souvent confisqués Ne pouvant plus pratiquer leur foi publiquement, les huguenots ont commencé à se réunir en secret dans des endroits isolés, notamment dans les montagnes et les forêts du sud de la France, pour des cultes clandestins o Actuellement à Anduze (Gard) : les protestants de la France se réunissent pour rappeler le Désert L’Édit de Versailles et l’Édit de Tolérance Ce n’est qu’en 1787 (deux ans avant la Grande Révolution) que Louis XVI rend aux protestants une existence civile et légale par l'Édit de Versailles (aussi appelé l'Édit de Tolérance) o Il ne reconnaît donc pas la religion protestante, mais institue pour les non- catholiques un statut juridique et civil, dont celui de contracter un mariage civil et donc d’avoir des enfants reconnus par la loi Soulignons donc que la période de la persécution antiprotestante, entre la Révocation de l'édit de Nantes, en 1685, et l'Édit de Tolérance, en 1787, recouvre une période qui est le plus souvent appelée le Siècle des Lumières o La persécution antiprotestante en France s’est déroulée donc dans l'indiJérence quasi générale des « philosophes » 4. Vers la laïcité La liberté de conscience et de culte Il faudra attendre 1789 et l'adoption de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen pour que soit promulguée la liberté de conscience et de culte et établie l'égalité entre tous les citoyens quelle que soit leur conviction religieuse 28 L’article 10 aJirme : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi » Très vite cependant, la question de la religion deviendra très complexe pendant la Révolution française, qui mènera une politique de déchristianisation, ayant pour but avoué de supprimer le christianisme de la vie quotidienne en France : prêtres déportés ou assassinés, religieux contraints à abjurer leurs vœux, croix et images pieuses détruites, fêtes religieuses interdites et interdiction du culte public et privé o Ces agissements antireligieux déplaisent en fin de compte aux membres de la Convention nationale et l'abolition du culte leur paraît une faute politique o Le but de la Révolution française était de supprimer toutes les religions § Exemple : les pierres des abbayes ont été utilisées pour la construction des villages Napoléon Bonaparte et le Concordat Après les bouleversements de la Révolution française, Napoléon Bonaparte estime que la religion est nécessaire à la stabilité de l'État, mais est aussi partisan d'un nécessaire pluralisme religieux o Il ne va donc jamais imposer le catholicisme comme religion d’état, mais il estime qu’il y a une place pour la religion dans l’état Le Concordat (1801) visait à apaiser ces tensions et à restaurer une certaine harmonie religieuse dans le pays o Il s’agit d’un compromis entre l’État français et la papauté, donc l'Église catholique qui dit que « la religion catholique, apostolique et romaine sera librement exercée en France » o L’état paie les salaire des évêques et des curés o Le concordat de 1801 reconnaît le catholicisme comme prépondérant en France, mais refuse d’en faire une religion d’État o En Belgique, on vit toujours sous le concordat : l’état paie les responsables de la religion Le régime concordataire reconnaît également les autres religions minoritaires o 1802 : protestantisme o 1808 : judaïsme o A ce moment-là, on ne parlait pas encore de l’islam comme religion en France o Pour évaluer l’importance du Concordat, rappelons qu’à l’époque, il y avait à peine quinze ans que les protestants avaient un état civil, et trente ans auparavant, on pouvait encore condamner à mort des pasteurs qui célébraient le culte L’enseignement public laïc 29 L'enseignement public est laïc depuis 1882, moment où l’enseignement primaire devient aussi obligatoire o Par Jules Ferry : un des grands francs-maçons qui veut franciser la France L'importance de la laïcité dans les valeurs scolaires républicaines a été accentuée par la loi de 1905 instaurant la laïcité de l'État La Loi concernant la séparation des Églises et de l’État C’est eJectivement le 9 décembre 1905 que la France adopte la Loi concernant la séparation des Églises et de l'État, dont les deux premiers articles stipulent : o La République assure la liberté de conscience o Elle garantit le libre exercice des cultes o La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte o La France rompe donc avec le Concordat : pas antireligion, mais absence de la religion dans la sphère publique Cette loi brise donc unilatéralement les engagements français relatifs au concordat napoléonien de 1801, entre le gouvernement français et l’Église catholique o Cette loi met donc fin à la très ancienne union entre l’Église catholique de France et le pouvoir politique : cette loi de séparation instaure la France comme État laïc Pour ce qui est de l’enseignement, le respect des croyances des élèves et de leurs parents implique : l'absence d'instruction religieuse dans les programmes, la laïcité du personnel et l'interdiction du prosélytisme Soulignons cependant que le Concordat est toujours en vigueur en Alsace-Moselle, qui en 1905 était sous administration allemande o Le catholicisme, le protestantisme et le judaïsme y ont le privilège d’être salariés, subventionnés et enseignés dans les écoles publiques 5. Les musulmans en France La razzia des Sarrasins L'histoire de l'Islam en France commence avec une première période allant au début du 8ième siècle avec la razzia des Sarrasins en Corse et à la fin du 10ième siècle, où ils sont installés dans une grande partie du Sud de ce qui deviendra la France Depuis cette époque donc, il y a une communauté musulmane dans le Golfe de Saint-Tropez et sur le versant méridional du massif des Maures en Provence La prise d’Alger et le statut d’indigène La France prend Alger en 1830 et commence alors la colonisation de l’Algérie Le principe de laïcité ne s’est appliqué qu’aux citoyens et en France métropolitaine o Dans les colonies et même en Algérie (départementalisée), la population d'origine indigène n'avait pas la pleine citoyenneté et le droit qui s'appliquait 30 faisait une large place aux coutumes locales, y compris en matière de place des cultes, des structures religieuses et de leurs ministres La France aJirme en 1830 en eJet sa volonté de respecter l’exercice de la religion musulmane en Algérie o Le culte musulman est cependant surveillé (comme les autres cultes), mais en matière de mariage, de famille, d’héritage, le pouvoir estime que la loi du Coran doit être conservée o Les litiges jugés par les tribunaux français s’appuient sur le droit musulman § Mais cette liberté religieuse va donc de pair avec un refus de la citoyenneté française : les musulmans d’Algérie seront maintenus dans un statut indigène Pendant la Première Guerre mondiale, de nombreux soldats indigènes s’étaient battus pour la France o La grande Mosquée est inaugurée à Paris en 1926 o Les soldats indigènes : d’abord un terme de système juridique o Pour les Algériens, la laïcité n’existe pas § Quand ils arrivent en France, ils constituent le plus grand groupe d’origine ‘étrangère’ : ils n’avaient jamais connu une France laïque en Algérie DiEicultés d’intégration Le fait que les musulmans aient pu continuer à exercer leur religion dans la sphère publique à l’époque française explique aussi les certaines diJicultés d’intégration en France à partir des années 1960 Après l'indépendance de l'Algérie en 1962, beaucoup d'Algériens, dont des harkis (anciens combattants musulmans ayant soutenu la France), s’installent en France Depuis une vingtaine d’années, on assiste à une forte dégradation de l'image de l'Islam en France o De plus en plus de Français pensent qu’il existe un aJrontement fondamental entre l’Islam et les valeurs françaises Depuis lors, la France est d’abord secouée par toute une série « d’aJaires » qui tournent autour de la question de la définition de la laïcité et de la neutralité de l’état : celle de port du voile islamique dans les écoles, celle des caricatures de Mahomet, d’abord parues dans un journal danois o Ensuite par les attentats de janvier 2015 contre Charlie Hebdo et d’une supérette casher de la Porte de Vincennes (Est de Paris) et de novembre, contre la salle de spectacle, le Bataclan L’aEaire du foulard en France L’aJaire du foulard en France débute avec l'exclusion, en 1989, de trois jeunes filles d'un collège à Creil pour avoir porté un foulard islamique, jugé incompatible avec les lois sur la laïcité par le directeur 31 o Le Conseil d'État, la plus haute instance administrative, a toutefois statué que ces jeunes filles avaient le droit de porter un foulard dans les écoles publiques, tout comme les catholiques peuvent porter un crucifix et les juifs une kippa o Le directeur de l’établissement a été condamné pour ne pas avoir respecté la liberté d'expression religieuse o Le Conseil d'État a cependant statué que le prosélytisme est interdit dans les écoles, mais ne considère pas le port de signes religieux comme tel En 1994, François Bayrou, ministre de l'Éducation, a tenté d'interdire les signes religieux « ostentatoires », dont le foulard islamique, mais excluant la kippa et le crucifix o Depuis lors de nombreuses décisions judiciaires ont confirmé le droit des jeunes filles musulmanes à porter le voile si elles le souhaitent o Cependant, l'opinion publique française a majoritairement soutenu la position antifoulard de Bayrou o Fait intéressant : une majorité des musulmans de France se montre également favorable à l'interdiction du voile dans les écoles publiques, exprimant une adhésion stricte au principe de laïcité § Bien que la circulaire de Bayrou ait incité certaines jeunes filles à porter le voile par défi, le nombre total concerné reste marginal comparé aux centaines de milliers de jeunes filles musulmanes dans les écoles publiques qui ne portent pas de foulard 6. Les juifs en France L’arrivée des juifs en Gaule La religion non chrétienne la plus ancienne en France est le judaïsme Les juifs arrivent déjà en Gaule peu après sa conquête par Rome Au 11ième siècle, la France devient un pôle florissant de la culture juive, abritant dans la moitié nord (Troyes !), en Provence et au Languedoc des communautés très importantes La situation se détériore fortement après les croisades auxquelles font suite les expulsions, temporaires puis définitives o Ainsi en 1306, le roi Philippe le Bel expulse les juifs de France, en confisquant au passage leurs biens et possessions o Un millénaire après leur établissement, vers le 13ième siècle et le 14ième siècle, il ne reste presque plus de Juifs dans le royaume de France Le « Code noir » Au 16ième siècle, environ un siècle après l’expulsion des Juifs de la péninsule ibérique (1492), des (crypto-)Juifs originaires du Portugal s’installent dans le Sud 32 Au 17ième siècle, les Juifs d’Alsace et de Lorraine se retrouvent eux aussi sous la juridiction de la France et constituent une autre communauté juive importante Le « Code noir » de 1685 ordonne l'expulsion des Juifs des colonies françaises o C’était donc aussi important pour les juifs et pas seulement pour les esclaves Comme dans de nombreux autres pays à prédominance chrétienne, la petite minorité juive de France ne pouvait s’établir librement sur le territoire o Concrètement, ils étaient obligés d’habiter dans des ghettos, où ils devaient vivre séparés de la population non juive La situation après la Révolution En 1791, suite à la Révolution, les Juifs de France obtiennent la citoyenneté française o À ce moment cependant encore, les Juifs d’Algérie n'ont que la nationalité sans citoyenneté et sont donc aussi des indigènes o Ce n’est qu’en 1870, par le décret Crémieux, qu’ils recevront également la citoyenneté française La mesure de l'émancipation des Juifs de 1791, fait de la France le premier pays européen à accorder des droits civiques complets à la communauté juive L'émancipation est un processus graduel qui abolit les restrictions légales et professionnelles auxquelles les Juifs étaient soumis, comme le paiement de taxes spéciales ou la limitation des métiers o Cependant, cette égalité juridique ne supprime pas les préjugés sociaux et l'antisémitisme persistant L’antisémitisme en France C’est en 1886 que se publie en France un des premiers pamphlets antisémites : La France juive o Dans cet ouvrage, Drumont développe une théorie du complot selon laquelle les Juifs exerceraient une domination occulte sur la société française, notamment dans les domaines économique et politique § Il accuse la communauté juive d'exploiter les Français et de corrompre la nation o L’ouvrage a eu un immense succès populaire à l'époque, se vendant à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires o Il a contribué à alimenter un climat de haine qui culminera avec l'aJaire Dreyfus à la fin des années 1890 L’aEaire Dreyfus Un des moments les plus importants dans le cadre de l’antisémitisme français est eJectivement celui de l’aJaire Dreyfus 33 o En 1894, Alfred Dreyfus, jeune oJicier juif, est accusé d'avoir livré aux Allemands des documents secrets, et est condamné pour haute trahison o Il est condamné à la déportation perpétuelle et à la dégradation militaire o Quatre ans plus tard, Émile Zola relance l'aJaire et clame l'innocence de Dreyfus § Il plaide avec la célèbre lettre J'accuse adressée au Président de la République § La France s'enflamme, les passions se déchaînent § Ce qui n'était qu'un fait divers a débouché sur un sévère aJrontement : dreyfusards contre anti-dreyfusards Les proches de Dreyfus, persuadés de son innocence et conscients d'une eJroyable erreur judiciaire, se battent pendant de longues années avant d'obtenir sa réhabilitation en 1906 Largement relayée, "l'AJaire" déchaîne la haine antisémite et déchire durablement la France de la Troisième République Le régime de Vichy poursuivra également avec un zèle particulier les Juifs o Exemple : le Camp des Milles près de Aix-en-Provence Une nouvelle vague d’antisémitisme Depuis les années 2010, la communauté juive doit faire face à une nouvelle vague d'antisémitisme, qui a provoqué un mouvement accru d'émigration vers Israël La Commission nationale consultative des droits de l’homme attribue, pour l’année 2006, 28 % des violences antisémites aux milieux arabo-musulmans et 10 % à ceux de l’extrême droite o La grande majorité (62 %) des auteurs d’actions violentes antisémites sont non identifiées o Alors que les juifs représentent moins de 1 % de la population française, ils ont été la cible de 40 % des actes racistes commis en France en 2015 Partie 3 : La France en guerre 1. La Seconde Guerre mondiale Les questions de la légitimité et de la responsabilité Comme nous le verrons, pendant la Deuxième Guerre mondiale, la souveraineté française a été partagée entre deux autorités ennemies, dans un rapport de forces qui s’est inversé depuis le triomphe du pétainisme de juin 1940 jusqu’à la reconnaissance de la France libre comme puissance belligérante, et finalement victorieuse en août 1944 34 o Pétain et Vichy ont bénéficié, au début, d’une légitimité de fait auprès de l’opinion intérieure comme sur la scène internationale, mais ils ont dû céder progressivement le pas au général de Gaulle et à la Résistance La question de la légitimité est intimement liée à celle de la responsabilité o En eJet, ce débat soulève des interrogations morales profondes sur l’identité de la France : est-ce un pays qui a accepté de se soumettre à une puissance étrangère et aux valeurs racistes du régime nazi, ou bien un pays résistant, fidèle aux idéaux de liberté, d’égalité et de fraternité ? En reconnaissant finalement la France Libre comme seul gouvernement légitime, l’État français a pu poursuivre en justice les responsables du régime de Vichy pour leur collaboration avec les nazis o Cela a permis également de poser les bases d’une justice pour les victimes de la guerre, y compris pour les déportés et les familles juives persécutées o De plus, cette reconnaissance a permis à la France de retrouver un rôle actif dans les négociations internationales de l’après-guerre, de conserver son siège de membre permanent au Conseil de sécurité de l’ONU, et de réaJirmer son statut de grande puissance mondiale. Cette question alimente la façon dont les Français voient leur histoire et leur identité collective 1.1. Le début de la guerre, la « drôle de guerre » et l’oEensive allemande (1939- 1940) La déclaration de guerre et la « drôle de guerre » Quand Hitler envahit la Pologne le 1er septembre 1939, la France et le Royaume-Uni déclarent la guerre à l'Allemagne o A ce moment, la France est encore sous le régime de la Troisième République avec Albert Lebrun comme Président de la République et Édouard Daladier comme Président du Conseil (= chef du gouvernement) Alors qu'Hitler est en train de conquérir l'Europe, l'armée française opte pour une stratégie défensive grâce à la ligne Maginot : c'est la « drôle de guerre » o C’est donc un conflit sans combats majeurs, surtout en France o Le terme de « drôle de guerre » est basé sur une erreur traductive (phony war vs. funny war) La « Bataille de France » Le 10 mai 1940, l'armée allemande lance la « Bataille de France », qui commence par l'invasion des Pays-Bas, de la Belgique et du Luxembourg De là, ils parviennent à pénétrer en France par Sedan le 14 mai Le 27 mai, les Allemands atteignent Calais, et, le lendemain, les armées alliées encerclées à Dunkerque se replient en Grande-Bretagne 35 Entretemps, le gouvernement Daladier a été remplacé par celui de Reynaud, dans lequel Philippe Pétain est vice-président du conseil o Il s’agit toujours de la Troisième République o Dans ce gouvernement siègent des partisans de l'armistice avec l'Allemagne et ceux qui souhaitent poursuivre la guerre o Les premiers l'emportent et Paul Reynaud présente sa démission au président de la République Albert Lebrun o Philippe Pétain comme vice-président du conseil § Il est un militaire, mais maintenant il a aussi une fonction politique importante § Déjà sous la Troisième République existe la discussion de continuer la guerre ou de signer l’armistice § Pétain était le symbole le plus éclatant de la France Il est devenu une sorte de substitut de roi : il représentait souvent la France à l’étranger, faisait des négociations avec Franco, avait battu pendant la Première Guerre mondiale et déjà avait rencontré Hitler avant la guerre L’armistice du 22 juin 1940 Un nouveau gouvernement sera formé, celui de Philippe Pétain comme Président du Conseil o C’est ce gouvernement, le dernier sous la Troisième République, qui demande, sous impulsion de Pétain, l'armistice, qui est signé le 22 juin o Les militaires avaient refusé la capitulation La distinction entre une capitulation et un armistice est cruciale dans ce contexte o Une capitulation est une décision militaire qui reconnaît une défaite importante (c’est donc l’armée qui capitule) § Elle peut être prise par un chef militaire et entraîne des conséquences graves pour l’armée concernée § Cela peut même être perçu comme un acte de trahison, passible de la peine de mort § En termes de politique intérieure, cette défaite engage symboliquement la responsabilité de l’armée o L’armistice, en revanche, relève d’une décision politique (c’est donc le gouvernement qui signe une armistice) § Dans ce cas, l’armée est toujours oJiciellement en état de combattre § Le résultat est donc fixé par une négociation politique § Tandis qu’une capitulation implique forcément un vaincu, un armistice peut survenir entre des adversaires sans qu’aucun ne triomphe définitivement 36 § En négociant l'armistice, Pétain, lui-même militaire, exonère totalement l'armée et place la responsabilité de la défaite sur les politiciens. L’armistice du 22 juin 1940 est donc un accord entre le Troisième Reich et le dernier gouvernement de la Troisième République, dirigé par le maréchal Philippe Pétain o Pétain déplace ensuite le gouvernement français à Vichy o Pétain va protéger l’armée et collaborer avec l’Allemagne § Il ne va pas donner la responsabilité à l’armée § « L’armée a tout fait pour la France, ce sont les politiciens qui n’ont fait rien. » § Il fait donc une chose complètement anti-démocratique en mettant toute la responsabilité sur la politique o Pétain avait surtout une très bonne réputation chez les militaires : il avait beaucoup fait pour les soldats pendant la Première Guerre mondiale § Rôle du père de nation comme militaire humain o La France avait deux choix § Arrêter la guerre pour éviter l’occupation totale de la métropole, ce qui veut dire s’engager dans la voie de la collaboration avec le Troisième Reich = Régime de Vichy § Continuer la guerre à partir de l’empire colonial = la « France libre » (le régime de résistance fondé à Londres par le général de Gaulle) 1.2. Le vote des pleins pouvoirs constituants à Philippe Pétain L’institution du « Régime Vichy » Le 10 juillet 1940 a lieu le vote des pleins pouvoirs constituants à Philippe Pétain par l'Assemblée nationale convoqué par le Président de la République française Albert Lebrun, à la demande du président du Conseil Philippe Pétain La loi constitutionnelle du 10 juillet 1940 donne ainsi « tout pouvoir au gouvernement de la République […] de promulguer […] une nouvelle constitution de l'État français [qui] devra garantir les droits du travail, de la famille et de la patrie » o Ce vote met un terme à la Troisième République et institue l’« État français », dit le « Régime de Vichy », qui était de nature traditionaliste, xénophobe et antisémite En 1940, l'immense majorité des Français reconnaissent l'homme providentiel dans ce militaire de 84 ans, auréolé dans son prestige de vainqueur de Verdun, qu’ils vénèrent 1.3. La France sous le régime de Vichy (1940-1944) 3