Résumé du Cours N°4 - Psychologie Associationniste - PDF

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Université de Paris

S. Nicolas

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psychologie associationniste psychologie histoire de la psychologie

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Ce résumé du cours présente l'associationnisme en psychologie. Il inclut les fondamentaux théoriques de Locke, Hume, et Hartley. L'auteur Nicolas met l'accent sur les idées, les mécanismes d'association, et le contexte historique du développement de la psychologie.

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RÉSUMÉ DU COURS N°4 S. NICOLAS Université de Paris L’ASSOCIATIONNISME ET LA PSYCHOLOGIE STUCTURALISTE DE WUNDT ET DE SON ECOLE Le courant associationniste a condamné une grande part...

RÉSUMÉ DU COURS N°4 S. NICOLAS Université de Paris L’ASSOCIATIONNISME ET LA PSYCHOLOGIE STUCTURALISTE DE WUNDT ET DE SON ECOLE Le courant associationniste a condamné une grande partie des affirmations de la doctrine des facultés, de sorte qu’en Grande-Bretagne l’ascension du premier fut contemporaine du déclin de la seconde. Il n’était plus question d’établir la liste des facultés, mais plutôt de considérer que si une faculté est un mécanisme psychologique primitif alors il n’existe qu’une seule faculté, la capacité de former des associations. L’associationnisme sera ainsi une alternative à la psychologie des facultés caractérisée par une réduction remarquable du dispositif théorique requis pour expliquer les phénomènes mentaux. I. L’ASSOCIATIONNISME BRITANNIQUE ET SON IMPORTANCE AU XIXe C’est en effet d’Angleterre et plus largement de Grande-Bretagne que nous est venue cette manière de considérer le fonctionnement mental. a. L’empirisme de Locke et le mécanisme d’association des idées La doctrine de l’association prend sa source dans la philosophie de John Locke (1632‑1704) qui s’est opposé à la philosophie rationaliste de Descartes sur la question de l’origine des idées. En 1690, Locke publie L’Essai sur l’entendement humain où il soutient que la connaissance est issue de l’expérience de la réalité que nous donnent les sens. C’est cette théorie de la connaissance qu’on appelle l’empirisme. Pour lui, l’esprit peut être comparé à une table rase sur laquelle les sensations viennent inscrire les idées simples qui se combinent entre elles par le principe de l’association pour former des idées complexes. Cependant, Locke ne nous dit pas grand’chose sur le fonctionnement du mécanisme de l’association. b. L’associationnisme de David Hume L’œuvre de David Hume (1711‑ 1776) constitue l’expression définitive de l’associationnisme du XVIIIe siècle parce qu’il a été appliqué de manière complète à sa philosophie. Dans son Traité de la nature humaine (1739), il souligne que la science de l’esprit doit découvrir les principes qui font agir l’esprit humain dans ses opérations. Hume a divisé les perceptions de l’esprit en deux classes : les impressions (issues des sensations) dont l’étude est du ressort de l’anatomie et de la physiologie et les idées (images représentant des reflets atténués de sensations) dont l’étude est du ressort de la métaphysique qui doit étudier comment elles sont élaborées à partir des impressions et comment elles se combinent entre elles. Il résulte de cela que toutes nos idées ont pour condition préalable des impressions correspondantes, et qu’il s’établit entre les unes et les autres des relations. Ces relations sont de simples relations d’association. Il établit ainsi trois lois d’association : la loi de ressemblance, la loi de contiguïté dans le temps et dans l’espace et la loi de causalité. c. L’associationnisme psychophysiologique de David Hartley La psychologie associationniste anglaise de la première moitié du XIXe siècle n’est pas directement issue de la philosophie de Hume, bien qu’elle s’inspire en fait très largement de ses analyses, mais d’un médecin matérialiste anglais du nom de David Hartley (1705‑1757). Hume n’a pas porté son attention aux liens existant entre les perceptions et les fonctions du cerveau au plan physiologique. C’est en 1749 qu’Hartley publie ses Observations 1 sur l’homme, où il développe sur des bases spéculatives une psychophysiologie de l’esprit. Il met notamment en avant le mécanisme de l’association par contiguïté. d. L’école associationniste anglaise du XIXe siècle : John Stuart Mill Les positions de Hartley influenceront fortement de nombreux philosophes britanniques notamment James Mill (1773‑1836) qui va affirmer : « Ce que la loi de gravitation est à l’astronomie, ce que les propriétés élémentaires des tissus sont à la physiologie, les lois d’association des idées le sont à la psychologie. » Mais c’est son fils John Stuart Mill (1806‑1873) qui dans son ouvrage Système de logique (1843) va insister en particulier sur les lois de similarité et de contiguïté aussi bien que sur la loi que nous pourrions qualifier de « loi d’intensité ». e. Alexander Bain: Le premier véritable psychologue de langue anglaise La psychologie associationniste a trouvé sa forme la plus systématique dans l'œuvre du philosophe écossais Alexander Bain (1818-1903), qui fut un intime de J. S. Mill et qui a plus insisté que ce dernier sur la valeur de la physiologie pour la psychologie et sur l’application possible des méthodes quantitatives en psychologie. Bain est connu également pour avoir fondé la revue Mind (1876), la même année de la fondation par Ribot de la Revue philosophique, qui laissaient toutes deux une large place à la psychologie nouvelle qui était en train de s’édifier. Les nouveautés que l'on peut percevoir dans l'œuvre de Bain sont essentiellement de deux ordres : d'abord, son insistance sur la valeur de la physiologie pour la psychologie et sa foi en l'application des méthodes quantitatives en psychologie même s'il n'a jamais expérimenté lui-même. Bain va perpétuer la tradition associationniste classique qui considère que les pensées complexes, les émotions et les actions peuvent être analysées dans ses composantes les plus simples, et qui abandonne la division des facultés en s’intéressant aux mécanismes mentaux et aux lois d’associations (qu’il ramène à celles de contiguïté et de ressemblance). Pour Bain, le seul fait psychologique, primitif et irréductible, c'est la sensation. Si l'on compare les travaux de Bain avec ceux de ses prédécesseurs immédiats on s'aperçoit rapidement que de grandes différences existent. Premièrement le style est plus scientifique, il n'est pas celui d'un orateur dont le discours est embelli de longues citations ; et deuxièmement la méthode n’est pas pleinement introspective et spéculative, la référence aux données médicales et physiologiques n’est pas insignifiante ou totalement dépassée (comme dans les œuvres de Brown et Mill). II. ASSOCIATIONNISME SCIENTIFIQUE : Premières études expérimentales sur l’association des idées Il n’est peut-être pas étonnant que ce soit en Angleterre où l’on trouve les premières études expérimentales qui aient été publiées sur le thème de l’association des idées. a. Les travaux inauguraux (1879) de Galton sur l’association Le savant anglais Francis Galton (1822-1911) a été le premier à réaliser des expériences sur l’association de mots qui a peut-être suggéré à Freud sa technique d’association libre. Dans un article publié en 1879, Galton part d’une constatation : un flot d’idées nous envahit tous les jours ; notre esprit vagabonde à travers les expériences de notre vie entière. Comment mesurer l’importance de ce flot ? Il imagine un matériel composé de 75 mots (ceux-ci sont présentés 4 fois à des périodes différentes). La tâche des sujets est de noter, à partir d’un mot imprimé, les 2 idées qui viennent à l’esprit. Galton va ainsi mesurer le temps d’apparition des idées grâce à un chronomètre. Les résultats montrent notamment qu’il faut un peu plus de 1 seconde pour qu’une idée émerge (3000 idées à l’heure), et que 40% des associations se rapportent au passé personnel. Galton note au passage à ce propos que les opérations inconscientes de notre esprit ont une importance beaucoup plus grande que ses opérations conscientes. b. Test de la force des associations : les études d’Ebbinghaus (1885) Le psychologue allemand Hermann Ebbinghaus (1850-1909), influencé à la fois par l’approche scientifique de Fechner en psychologie et par les écrits de Herbart en philosophie, pensait que la mémoire pouvait être étudiée expérimentalement et que les représentations mnésiques inconscientes pouvaient agir sur la pensée et le comportement conscients. C’est ainsi qu’il a étudié expérimentalement la mémoire consciente et inconsciente par la méthode du réapprentissage. Connu pour avoir formulé une loi de l’oubli de type logarithmique en référence à Fechner, il a abordé dans le dernier chapitre de son livre sur la mémoire (1885) l'étude des lois d'association par la méthode des séries dérivées. Il a pu montrer en employant la méthode expérimentale que lorsqu'une série d'items est mémorisée, l'union entre la première représentation et la seconde représentation est plus fusionnelle qu'entre la première représentation et la troisième, etc. Ainsi dans une liste d’items il existerait une association, non seulement 2 d'un terme au suivant, mais même au-delà de plusieurs termes intermédiaires ; la force des connexions diminuant avec l’éloignement des termes dans la série. III – LA PSYCHOLOGIE EXPERIMENTALE DE WILHELM WUNDT a. Formation d’un psychologue expérimentaliste Après ses études à l’Université d’Heidelberg, Wundt obtient le grade de docteur en médecine (1855) et décide de poursuivre une carrière universitaire dans le domaine de la physiologie. Assistant de Hermann (von) Helmholtz (1821-1894) à Heidelberg, il sera attiré par la psychologie expérimentale qu’il va enseigner dans des séminaires et dont il fera l’éloge dans des ouvrages publiés au début des années 1860. Dans son livre Contribution à la théorie de la perception sensorielle (1862) il note l’importance de l’œuvre de Fechner et il propose pour la première fois la constitution officielle d'une nouvelle science : la psychologie expérimentale. L'année suivante (1863) voit la parution de ses Leçons sur l'âme de l'homme et des animaux où il annonce cependant que la constitution de la psychologie comme discipline autonome ne peut se faire en considérant seulement la méthode expérimentale. Avant de quitter Heidelberg, Wundt publie son fameux Traité de psychologie physiologique (la première partie strictement physiologique est publiée l’hiver 1873 et seconde partie, de nature psychologique, au printemps 1874), le premier du genre, qui eut un succès considérable si l'on en juge par ses multiples rééditions profondément remaniées jusqu'au début du siècle. En 1875, alors qu’il vient d’être nommé professeur de philosophie à Zurich, il est sollicité pour occuper une chaire de philosophie à l’Université de Leipzig (qu’il occupera pendant 40 ans), la plus grande et la plus fameuse université allemande de l’époque où se trouvent encore Gustav Theodor Fechner (1801-1887) et Ernst Heinrich Weber (1795-1878). b. Les débuts du laboratoire de psychologie de Leipzig (1879) L’année 1879 marque un tournant dans sa vie. Il met en place un séminaire de psychologie auquel a assisté un ancien étudiant de William James (1842-1910), Granville Stanley Hall (1840-1926), qui venait d’obtenir son doctorat de psychologie à Harvard. Un séminaire pratique était aussi proposé aux étudiants dans le tout nouveau laboratoire que venait de créer Wundt où des recherches originales pouvaient être menées par les étudiants désireux de s’initier à cette nouvelle discipline scientifique : la psychologie expérimentale. C’est durant l’hiver 1879-1880 que commencèrent les premiers travaux expérimentaux dans le laboratoire avec Wundt et ses deux étudiants d’alors : l’Allemand Max Friedrich et l’Américain Granville Stanley Hall. En 1881, la première revue de psychologie sera fondée pour présenter les travaux du laboratoire. Cette revue qui devait prendre d’abord le nom de « Psychologische Studien » parut sous le titre de « Philosophische Studien » [Etudes philosophiques]. Le titre de la revue paraît surprenant mais il doit être perçu comme une sorte de déclaration de guerre contre la philosophie et la psychologie traditionnelles. Ce titre soulignait l’aspiration de Wundt à l’unité de la psychologie et de la philosophie, la psychologie étant considérée tout à la fois comme une préparation et un développement de la pensée philosophique. En 1883, on attribua au laboratoire de Wundt presque tout le second étage d’un des principaux bâtiments de l’Université (Konviktgebäude), puis des assistants furent recrutés. Au début des années 1890, le laboratoire va être déplacé à cause des travaux entrepris par l’université, et il va par la suite (1896) être installé dans un immeuble destiné à l'enseignement, dans lequel l'étage le plus haut avait été prévu pour l'Institut de psychologie. Sous cette nouvelle forme, l'institut avec son laboratoire deviendront un modèle pour les institutions analogues dans le monde. Beaucoup d’étrangers, notamment des Américains vont venir s’y former, et même quelques Français vont également le fréquenter, dont le fameux élève d’Alfred Binet : Victor Henri (1872-1940). c. Résumé de la psychologie de Wundt Pour Wundt, le problème général de la psychologie expérimentale comprend trois questions : 1° Quels sont les éléments de la conscience, leurs propriétés qualitatives et quantitatives ? 2° Comment se combinent-ils pour former des faits de conscience d’une nature de plus en plus complexe ? 3° Quels sont les rapports de coexistence et de succession, les lois générales qui dominent les faits intérieurs ? À ces trois problèmes répondent trois méthodes avec, dans l’ordre, les méthodes psychophysiques utilisées par Fechner et ses émules, les méthodes de manipulation de facteurs utilisées dans toutes les sciences expérimentales et les méthodes psychométriques (mesures des temps de réaction) empruntées aux astronomes et aux physiologistes (Helmholtz, Hirsch, Donders). A l’époque le fameux Traité de psychologie physiologique, publié par Wundt en 1874, avait pour objectif de 3 montrer l’apport à la psychologie des moyens employés par les sciences naturelles, et plus spécialement par la physiologie, et de donner une présentation critique des méthodes expérimentales de psychologie. Son précis de psychologie (Grundriss der Psychologie) publié en 1896 fut le manuel officiel du cours professé à Leipzig et avait pour objectif de présenter la psychologie dans sa propre cohérence et dans l’ordre logique. Comme les processus psychiques sont d'une nature complexe, Wundt désigne par éléments psychiques les composés des processus psychiques qui ne peuvent plus être divisés. Les éléments psychiques sont de deux sortes : les sensations (éléments de sensation), qui sont immédiatement liées à l’objet, et les sentiments (éléments de l’affect), qui sont immédiatement liés au sujet. Ils ont en commun deux déterminants ou attributs : la qualité et l’intensité ; une sensation et un sentiment ont ainsi un caractère qualitatif déterminé qui varie en degré d’intensité. [La qualité est l’attribut qui donne à une sensation son nom spécial et distinctif : bleu, froid, salé… L’intensité est l’attribut auquel nous pensons quand nous disons qu’une sensation est plus forte ou plus faible qu’une autre.] Une chose est de connaître les sensations, une autre est de pouvoir suivre leurs combinaisons pour former des faits de conscience. La psychologie expérimentale aborde ce nouveau problème en suivant une démarche lente et progressive et en commençant tout d'abord par étudier les combinaisons les plus simples : les perceptions. Une perception est formée de deux ou plusieurs sensations pures combinées par les mécanismes d'association qui permettent de construire des systèmes de représentation du monde extérieur. Les mécanismes d'association sont généralement de nature automatique (avec une attention passive par ex. lorsqu’ils concernent les sensations) mais pour Wundt le sujet peut déployer des mécanismes d'association par l'entremise des processus aperceptifs déclenchés par l'attention active. d. Les recherches expérimentales dans le laboratoire de Wundt : l’étude des temps de réaction La majorité des recherches réalisées au sein de l’Institut a porté sur des questions liées à la psychophysique. Presque aussi nombreux furent les travaux sur la psycho[chrono]métrie ; on a étudié les temps de réaction simples pour les sensations visuelles, auditives, tactiles et olfactives, l'influence de l'habitude, de la fatigue, de l'intensité de la stimulation et de différents médicaments sur la durée des réactions, etc. Dans ces études sur les temps de réaction, le chronoscope de Hipp a occupé une place centrale en psychologie expérimentale. Il a été très rapidement considéré comme l’appareil de mesure le plus important pour les psychologues intéressés par la mesure des temps de réaction. Les résultats nous ont enseigné combien de temps il faut pour percevoir une source lumineuse, un son ou un contact sur la peau ; combien de temps il faut pour reconnaître les caractéristiques d’une sensation (par exemple, cette couleur est bleue ou ce son est aigu) ; combien de temps cela prend pour mouvoir la main droite ou la main gauche ; combien de temps on met pour nommer une lettre, un mot ou une image, etc. On trouve notamment des travaux portant sur la durée d’actes mentaux plus ou moins complexes, comme les situations d’association (combien de temps une idée met pour en susciter une autre). Dans sa classification des associations mentales, Wundt (1880) avait établi une distinction entre l’association externe (contiguïté) où les objets associés le sont déjà dans le monde extérieur (ex. nez-visage). [Il s’agit d’une connexion habituelle des idées à travers le temps et l’espace ou par les habitudes de la parole.] et l’association interne (similarité) où la connexion est le fait de l’individu lui-même (ex. charité-bonté). [Il s’agit d’un enchaînement logique des idées en fonction de leur sens]. La thèse de doctorat d’un des premiers étudiants de Wundt avait justement porté sur la mesure des vitesses d’association. En 1882, Trautscholdt montre que le nombre et le type d’associations varie d’un individu à l’autre et selon le type d’association (interne vs. externe). Wundt qui fait partie des sujets interrogés par Trautscholdt présente 57% d’associations liées à son enfance, 32% d’associations liées à sa jeunesse, et seulement 11% d’associations rapportées à des périodes plus récentes. Des mesures effectuées à l’aide du chronoscope de Hipp montrent qu’il faut en moyenne un peu moins d’une seconde (700 ms) pour donner une réponse associative. Mais les travaux les plus novateurs dans ce domaine ont certainement été réalisés au milieu des années 1880 par le premier assistant de Wundt, l’étudiant américain James McKeen Cattell (1860-1944), qui a présenté des données expérimentales encore d’actualité sur les associations d’idées et la dénomination d’objets communs. Il fut le premier en 1886 à montrer que le temps de lecture est beaucoup plus rapide que le temps de dénomination de l’image correspondante, et à en donner une explication théorique en termes d’association mot-image. A la même époque, il poursuivit également des recherches sur l’influence de l’intensité du stimulus sur les temps de réaction (les temps de réaction visuelle varient en raison inverse de l’intensité du stimulus). Enfin, en 1887 Cattell s’intéressera également à la mesure des temps d’association pour des couples de mots, en publiant un article remarqué sur la question. Etant revenu aux Etats-Unis, il poursuivra avec ses étudiants, notamment avec Sophie Bryant, des recherches expérimentales sur les associations dans le but d’étudier les différences inter-individuelles. 4 Le laboratoire de Wundt fut un formidable centre de formation depuis sa fondation. Parmi les autres étudiants ayant soutenu des thèses de doctorat sous la direction de Wundt, beaucoup d’entre eux restent des figures de l’histoire de la psychologie comme les Allemands Hugo Münsterberg (1863-1916) [qui deviendra une figure fondatrice de la psychologie appliquée aux Etats-Unis] et Oswald Külpe (1862-1915), l’Anglais Edward Bradford Titchener (1867-1927) [qui sera le fondateur de l’école structuraliste américaine], les Américains James McKeen Cattell (1860-1944), Harry Kirke Wolfe (1858-1918), Frank Angell (1857-1939) et Edward Scripture (1864-1945). Il est à noter qu’un Français, le psychologue Benjamin Bourdon (1860-1943) est allé se former à Leipzig auprès de Wundt, mais il n’a pas soutenu de thèse de doctorat dans cette Université. Par contre, le tournant du siècle sera marqué par une relative désaffection des étrangers. Ceci concorde : 1° avec le développement des centres de formations dans d’autres Universités ; 2° avec le développement général de la psychologie dans de nombreux pays ; 3° avec le changement d’orientation de Wundt qui était, au plan personnel, de plus en plus intéressé par la « Völkerpsychologie » (socio-psychologie des peuples) comme en témoignent son œuvre à ce sujet (1900-1920). Wundt allait d’ailleurs avoir l’occasion au cours des années 1910 de voir se réaliser au plan institutionnel un vieux rêve : le couplage de la psychologie expérimentale et de la socio-psychologie (Völkerpsychologie). En effet à partir de 1900, Leipzig n’est plus le lieu de formation privilégié et les travaux de Wundt et de ses élèves ne sont plus guère référencés au plan international. La revue de Wundt (Philosophische Studien) n’attire plus les lecteurs même si les investigations sur les processus attentionnels et mnésiques, aussi bien que celles sur les sentiments et les affects, vont prendre le pas sur les autres thèmes traditionnels du laboratoire (sensations, perceptions). C’est à l’étranger que l’on trouve édité les travaux les plus marquants, notamment pour ce qui concerne la psychologie de l’association. Ce sont notamment les psychologues suisses du début du siècle qui vont s’illustrer sur cette question. Edouard Claparède (1873-1940) en fournira par exemple la première synthèse en publiant en 1903 un ouvrage remarqué sur cette question. Les études sur la psychologie de l’association se poursuivirent au cours de cette période. Il est même apparu la possibilité d’un diagnostic des maladies mentales avec la méthode des associations. Carl Gustav Jung (1875-1961), psychiatre suisse, à Zürich, travaille en 1900 à la clinique psychiatrique universitaire (surnommée le « Burghölzli »). C’est entre 1904 et 1907 qu’il publie les résultats d’une longue série d’expériences avec la technique des associations libres qui ont donné une base scientifique aux théories de Freud. Dans ses premières expériences de 1904, les sujets interrogés devaient donner le premier mot qui leur venait à l’esprit suite à un terme inducteur. Les résultats montrent 90% d’associations externes (objectives ou communes) et 10% d’associations internes (subjectives ou individuelles), avec un temps d’association moyen = 1,8 s. Le test donne une première appréciation de conflits inconscients qui n’apparaissent pas spontanément à l’entretien. IV – EXPORTATION DE LA PSYCHOLOGIE DE WUNDT : LE STRUCTURALISME AMERICAIN DE TITCHENER Le structuralisme de Wundt était directement issu de l’école empiriste et associationniste anglaise des XVIIIe et XIXe siècles. En soutenant l’hypothèse associationniste que toute expérience mentale humaine est le résultat d’une combinaison de composants élémentaires, l’objectif était de révéler la structure sous-jacente de l’esprit humain en analysant les éléments de la sensation qui forment le socle des connaissances psychologiques d’un individu. Entre 1879 et 1892, près de quarante-cinq travaux avaient été réalisés au laboratoire de Leipzig sous la direction de Wundt, dont la grande majorité se rapportait soit à la mesure de la durée des actes psychiques, soit à la mesure de la stimulation extérieure qui produit telle ou telle sensation ou changement de sensation. A cette époque un étudiant anglais, Edward Bradford Titchener (1867-1927), va propager aux USA le structuralisme de Wundt. Après avoir soutenu sa thèse de doctorat (1892) à Leipzig, Titchener va être appelé à enseigner la psychologie expérimentale aux USA à l’Université Cornell où un laboratoire de psychologie expérimentale était déjà en activité. Il s’agissait d’un des plus importants laboratoires de psychologie au monde à l’époque. Nommé professeur ordinaire en 1895 (alors qu’il n’a que vingt-huit ans), son laboratoire va s’agrandir les années suivantes jusqu’à avoir 28 pièces en 1909. Il s’agissait du plus grand laboratoire de psychologie dans le monde. À cette époque, il est très attaché à la psychologie de son maître allemand Wundt dont il fait connaître l’œuvre en langue anglaise par de nombreuses traductions. Défenseur d’un structuralisme wundtien radical, il va défendre l’approche théorique de son maître en publiant en 1898 un article stigmatisant l’opposition entre la psychologie structurale issue de l’école de Wundt que Titchener représente maintenant en Amérique et de la nouvelle psychologie fonctionnelle américaine dont le père fondateur est William James (1842-1910) et suivi des disciples de l’école de Chicago (J. Dewey, J. R. Angell). Il écrit ainsi : « L’objectif premier du psychologue expérimentaliste a été d’analyser la structure de l’esprit ; d’extraire les processus élémentaires du fatras de la conscience, ou (s’il est permis de modifier la métaphore) d’isoler les constituants dans la formation consciente spécifiée. Son activité est 5 la vivisection, mais une vivisection qui livrera des résultats non pas fonctionnels mais structuraux. Il essaie avant tout de découvrir ce qu’il y a là et en quelle quantité, non pas pourquoi c’est là. (…) Dans toute l’analyse minutieuse des vingt dernières années, on n’a pas trouvé trace d’un krypton ou argon mental. Il semble donc possible de conclure à coup sûr qu’il y a deux, et seulement deux, processus fondamentaux, les sensations et les affections…». La psychologie expérimentale que défend Titchener est très bien représentée dans son livre « Text-book of psychology » (1909-1910) qui fut traduit en français en 1922 sous le titre de « Manuel de psychologie ». Le plan de l’ouvrage montre bien que l’intérêt de Titchener se porte essentiellement sur les processus élémentaires. Mais il n’est pas un élève loyal de Wundt. Les différences entre les psychologies de Wundt et de Titchener se situent essentiellement au niveau de la méthode, de la théorie et de la philosophie de la psychologie. Au niveau de la méthode, Wundt a toujours mis l’accent sur l’expérimentation dans la psychologie individuelle des processus de conscience alors que Titchener a utilisé la méthode d’introspection expérimentale analytique (que Wundt a toujours fermement condamnée comme étant un retour à la métaphysique) similaire à celle utilisée par Külpe en Allemagne à la même époque. C’est grâce à cette méthode qu’il a pu découvrir l’existence, selon lui, de trois classes de processus élémentaires : la sensation, élément caractéristique de la perception ; l’image, élément caractéristique de l’idée ; l’affection, élément caractéristique de l’émotion. Au niveau de la théorie, la psychologie de Wundt est une psychologie essentiellement explicative qui va au-delà du descriptif contrairement à l’approche de Titchener. Wundt a souligné dans les différentes éditions de son Grundriss der Psychologie (1896) que sa psychologie est de nature volontariste parce qu’elle met l’accent sur l’importance des processus explicatifs de la volonté (avec les processus aperceptifs). Contrairement à Wundt, Titchener pensait que toute connaissance prend son origine dans les sensations élémentaires pour lesquelles il admet quatre attributs : qualité et intensité (admises par Wundt), clarté et durée (non admises par Wundt). [La clarté est l’attribut qui indique la position qu’occupe une sensation dans le champ de la conscience. La durée, comme son nom l’indique, est l’attribut temporel.]. Selon Titchener les deux principales tâches de l’approche structuraliste sont les suivantes : 1° découvrir et cataloguer les sensations les plus simples données à la conscience en établissant comment elles sont liées entre elles ; 2° découvrir les processus physiologiques sous- tendant les sensations et leurs connexions. Pour Titchener le seul concept important dans la psychologie de Wundt c’est celui de sensation ; tous les autres concepts comme celui « d’aperception » évoqué par Wundt ne sont que des termes vagues dont la psychologie n’a nul besoin. Au niveau de la philosophie de la psychologie, Wundt considère qu’une expérience mentale est le produit combiné de la sensation simple et de ses dérivés (phénomènes mentaux externes) avec l’opération des processus cognitifs complexes (phénomènes mentaux internes). Les processus mentaux externes simples peuvent être étudiés par la psychologie expérimentale (psychologie physiologique). Or, une psychologie complète doit inclure non seulement la psychologie expérimentale de l’individu pour l’étude directe des phénomènes mentaux externes simples mais aussi la socio-psychologie du groupe (Völkerpsychologie) pour l’étude indirecte mais objective des phénomènes mentaux internes de l’esprit (processus cognitifs complexes). Titchener a complètement ignoré la socio- psychologie (Völkerpsychologie) de Wundt pensant que les processus supérieurs complexes dérivent de la sensation et peuvent être étudiés du point de vue expérimental. CONCLUSION Le structuralisme a pris pour base la psychologie associationniste anglaise qui a étendu à l’ensemble de la vie mentale ses principes de réduction, à savoir considérer les éléments complexes comme composés d’éléments simples associés entre eux. C’est ainsi que les psychologues de ces écoles ont passé de la simple classification des états mentaux décrits en termes de facultés nominales à une explication du fonctionnement et de la structure du psychisme par génération à partir d’une même origine (les sensations). Ainsi la psychologie des facultés a été condamnée en invoquant le mécanisme de l’association pour expliquer le comportement. Les lois d’association vont être très discutées jusqu’au début du XXe siècle, la question étant de savoir s’il existe une ou plusieurs lois d’association. De nombreux psychologues ont souligné les faiblesses du structuralisme. Les attaques ont porté sur les aspects réductionniste (on ne peut réduire le comportement à une combinaison de simples sensations), élémentaire (on ne peut se satisfaire d’une étude des comportements simples et ne pas s’intéresser directement aux comportements complexes) et mentaliste (on ne peut s’appuyer uniquement sur les rapports verbaux de sujets humains conscients en ignorant l’étude des individus incapables de décrire leur ressenti, tels que les animaux, les enfants et les attardés mentaux) du structuralisme. L’opposition au structuralisme viendra d’une école concurrente américaine (le fonctionnalisme) pour qui le fonctionnement de l’esprit primera sur l’étude de sa structure. 6

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