Questions Européennes - Sciences Po PDF

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This document provides an overview of European Union policies, specifically focusing on the construction of the internal market and the competition policy. It covers key concepts and relevant articles, along with references for further study.

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Prépa-concours Reda Rostane [email protected] ____________________________________________________________________ Questions européennes ____________________________________________________________________ Cycle 2 : Les politiques de l’Union Séance n°4 : M...

Prépa-concours Reda Rostane [email protected] ____________________________________________________________________ Questions européennes ____________________________________________________________________ Cycle 2 : Les politiques de l’Union Séance n°4 : Marché intérieur et concurrence Éléments de cadrage QE04.01. La construction du marché intérieur QE04.02. La politique de concurrence Bibliographie : Ouvrages de références / fichage :  Christophe Lescot, Questions européennes, Ellipses, fiche Approfondissement :  Francesco Martucci, Droit du marché intérieur de l'Union européenne, PUF, 2021.  Nicolas Petit, Droit européen de la concurrence, LGDJ, 2024. A lire :  Rapport Draghi de 2024  Rapport Letta de 2024 QE04.01. La construction du marché intérieur I. Le marché intérieur est le socle sur lequel repose l’intégration européenne I.A. L’approfondissement de l’intégration commerciale Au fondement du projet économique imprégné de la pensée ordolibérale, l’article 25 du Traité de Rome instituant la CEE prévoit union douanière au réalisée 1er juillet 1968 au sein de laquelle doivent librement circuler les marchandises (biens), les services, les capitaux ainsi que les personnes (en qualité de travailleurs).Toutefois, plusieurs freins sont recensés par le livre blanc de la Commission sur achèvement marché intérieur de 1985 (contrôle des personnes et des marchandises maintenues aux frontières, contournement de la liberté de circulation en adoptant des réglementations nationales à caractère technique ; intégration fiscale limitée), qui en préconise l’adoption de 310 directives et règlements. Ce livre blanc a servi de base à l’acte unique européen, qui prévoit une relance du marché commun. Il introduit la notion de marché intérieur : un espace sans frontières intérieures dans lequel libre circulation des marchandises personnes services et capitaux est assurée [article 26§3 TFUE]. Si l’adoption de l’acte unique a permis des avancées (réduction des contrôles aux frontières, libéralisation des mouvements de capitaux), plusieurs limites sont relevées à partir du début des années 1990 (not. Transpositions sous-optimales) qui ont mené à un approfondissement dans les traités successifs. I.B. Les fondements du marché intérieur Le marché intérieur s’articule autour de quatre libertés (1). La libre circulation des marchandises. L'Union comprend une union douanière qui s'étend à l'ensemble des échanges de marchandises et qui comporte l'interdiction, entre les États membres, des droits de douane à l'importation et à l'exportation et de toutes taxes d'effet équivalent, ainsi que l'adoption d'un tarif douanier commun dans leurs relations avec les pays tiers [article 28§1 TFUE]. L’union douanière implique l’interdiction des droits de douanes1 [article 30 TFUE] mais également des restrictions quantitatives (à l’importation et à l’exportation) et des mesures d’effets équivalentes2 [articles 34 et 35 TFUE]. Est ainsi contraire au TFUE toute réglementation susceptible d’entraver directement ou indirectement le commerce communautaire [CJUE, 1974, Dassonville], y compris lorsqu’elles ont un effet seulement potentiel sur les échanges intracommunautaires [CJUE, 1997, Pistre]. Si, des interdictions ou restrictions temporaires de transit peuvent être admises3, le marché unique implique un principe de reconnaissance mutuelle par les États membres de leur réglementations respectives [CJUE, 1979, Cassis de Dijon]4. La libre prestation de service et la liberté d’établissement. Les restrictions à la liberté d’établissement [article 49 TFUE] et à la libre prestation de services [article 56 TFUE] sont interdites Ainsi, au titre de la liberté d’établissement, toute personne morale ou physique d’un Etat-membre a le droit de s’établir au sein d’un autre Etat-membre afin d’exercer une activité économique5. Au titre de la libre prestation de service, toute prestation d’un service de nature industriel, commercial, artisanal ainsi que toute activité de profession libérale peut être librement effectuée depuis un État-membre vers un autre [article 57 TFUE]6. La liberté 1 Les droits du tarif douanier commun sont fixés par le Conseil, sur proposition de la Commission [article 31 TFUE]. Le Conseil et le Parlement, statuant conformément à la PLO, prennent des mesures afin de renforcer la coopération douanière entre les Etats- membres [article 33 TFUE]. 2 La taxe d’effet équivalent comme une toute charge pécuniaire [CJUE, 1992, Legros, une taxe perçue à l’occasion de l’introduction de produits dans une région d’un EM est une taxe d’effet équivalent]. 3 Conformément au droit international économique, des interdictions ou restrictions temporaires de transit peuvent etre justifiées par des raisons de moralité publique, d’ordre publique, de sécurité publique, de protection de la santé, de propriété industrielle et artistique ou de protection des trésors nationaux [article 36 TFUE]. 4 Chaque EM doit accepter sur son territoire les produits légalement fabriqués et commercialisés par autre Etat-membre. Ce principe est reversible uniquement s’il existe des exigences impératives. 5 La liberté d’établissement comporte l’accès aux activités non salariées et leur exercice ainsi que la constitution et gestion d’entreprises. L’établissement d’une succursale relève de la libre prestation de service [CJUE, 1999, Centros]. Les activités participant à l’exercice de l’autorité publique sont exclues [article 51 TFUE]. 6 La libre circulation des services en matière de transports est régie par les dispositions spéciales du TFUE (politique des transports [article 58 TFUE]. Les Etats membres peuvent en outre maintenir des mesures de restrictions nationale justifiées par des motifs d’intérêt général [CJUE, 1981, Webb]. d’établissement se distingue de la libre prestation de service en ce qu’elle renvoie une installation de façon stable [CJUE, 1995, Gebhard]. La libre circulation des personnes (travailleurs). Au titre du marché intérieur, la libre circulation des personnes est comprise au sens des travailleurs (la liberté de circuler au sein du territoire de l’Union pour tout citoyen relève de l’ELSJ). Elle implique l'abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail. Elle comporte également le droit, sous réserve des limitations d’ordre public, de répondre à des emplois offerts, de se déplacer à cet effet sur le territoire, de séjourner dans un État membre afin d’exercer un emploi et de demeurer sur ce territoire après y avoir occupé un emploi [article 45 TFUE]. Ce principe n'est pas applicable aux emplois dans l'administration publique [CJUE, 1980, Commission c. Belgique]. La libre circulation des capitaux. Toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites [article 63 TFUE]. Les États-membres conservent la capacité d’appliquer des dispositions pertinentes en matière fiscale et de prendre toute mesure visant à prévenir la constitution d’une infraction fiscale ou prudentielle [article 65 TFUE]. Un règlement de 2018, établissant le cadre applicable à la circulation des données personnelles, considère que la libre circulation des données constitue la cinquième liberté du marché unique. Toutefois, en l’absence de consécration dans les traités, cette qualification est soumise à discussion. L’intégration nécessite une harmonisation approfondie entre États-membres ainsi que la mise en œuvre d’instruments communs (2). L’harmonisation s’étend des législations aux produits, services et qualifications. L’harmonisation des législations s’effectue par le biais de la procédure législative ordinaire [article 114 TFUE]. Une procédure législative spéciale (vote à l’unanimité du Conseil après consultation du Parlement et du CESE) subsiste concernant les mesures en matière fiscale (1) , de libre circulation des personnes (2) et des droits et intérêts des travailleurs salariés (3) [article 115 TFUE]. Les mesures d'harmonisation comportent, dans les cas appropriés, une clause de sauvegarde autorisant les États membres à prendre des mesures provisoires soumises à une procédure de contrôle de l'Union. L’harmonisation des produits suppose une harmonisation des spécifications techniques7 et des exigences essentielles8. Les processus d’harmonisation sont divers (systèmes de certification, octroi de marques de conformité, adoption de directives opérationnelles etc…) L’harmonisation peut être totale ou partielle. L’harmonisation des services diffère en fonction de leur nature. Ainsi, en matière bancaire et financière, l’harmonisation porte sur la nature et la qualité des fonds propres [règlement CRR et directive CRD de 2013]. L’harmonisation des qualifications a été portée par l’adoption de deux directives de 1989 et de 1992 consolidées par une directive de 2005 instituant un système général de reconnaissance mutuelle des diplômes au sein de l’Union. Elles n’établissent pas un régime de reconnaissance automatique des diplômes, des mesures compensatoires pouvant être requises en cas de différences substantielles entre les formations dans les deux États. Concernant les professions réglementées, sept d’entre elles bénéficient d’une reconnaissance automatique entre États-membres (+EEE) (médecins généralistes, spécialistes, dentistes, infirmières, pharmaciens, sages-femmes, vétérinaires, architectes) mais pour d’autres professions (avocats), tandis que pour les autres professions, un régime général de reconnaissance a été institué. 7 En matière alimentaire, des directives ont harmonisé composition (étiquetage, règlement pour surgelés), not adoptées par des organismes de normalisation comme comité européen de normalisation. 8 Principes de sécurité minima auxquels les produits doivent répondre : jouets, machines, gaz etc… Parallèlement, des instruments communs de protection de la propriété intellectuelle, de promotion de la qualité des produits et de certification ont été introduits. II. L’essoufflement progressif de l’approfondissement du marché commun invite à un renouvellement des politiques dédiées II.A. Si le marché intérieur a été un vecteur de croissance économique de l’Union, l’approfondissement de celui-ci s’est essoufflé. Le marché intérieur a été un vecteur de croissance économique et d’intégration politique. L’édification du marché intérieur a contribué au développement des échanges commerciaux au sein de l’UE : les échanges intra-communautaires sont passés de 16% du PIB en 1999 à 22% en 2020. La construction du marché a été accompagné des politiques de converge et de concurrence (v. fiches). L’intégration est un processus permanent et non achevé. Si la libre circulation des marchandises semble aboutie, la réduction des barrières sur les trois autres libertés n’est pas encore achevée : les prestations de services transfrontalières restent limitées, les reconnaissances des qualifications ne sont pas automatiques en matière de libre circulation des travailleurs et l’approfondissement de la liberté de circulation des capitaux n’a pas permis de mener à une union des marchés de capitaux. À ce titre, le paquet sur la politique industrielle de mars 2020 de la Commission identifie 13 barrières réglementaires, administratives et pratiques mises en avant par les entreprises et notamment les PME européennes : difficulté à obtenir des informations sur la réglementation d’un État membre, accès inégal aux marchés publics, manque de confiance des consommateurs vis-à-vis des achats en ligne transfrontières. La persistance de l’unanimité dans certains domaines favorise le dumping. Certains États membres attirent des entreprises grâce à des coûts du travail ou des taux d’imposition sur les sociétés particulièrement faibles, renforçant la fragmentation du marché européen9. Le projet assiette commune consolidée de l’impôt sur les sociétés (ACCIS), qui visait à lutter contre les entraves fiscales auxquelles se heurtent les entreprises présentes dans plus d’un Etat membre et contribuer à lutter contre l’optimisation fiscale des entreprises, n’a jamais été adopté faute d’accord au Conseil. De façon plus globale, la structure du marché unique telle que conçue au XXème siècle ne semble plus refléter les enjeux contemporains. Le rapport Letta de 2024 relève ainsi que la distinction entre les biens et les services est devenue de plus en plus floue, les services étant souvent intégrés dans les biens, et ne permet pas de saisir les aspects immatériels de l'économie numérique ainsi que les opportunités et les menaces liées aux tendances vers l'économie circulaire. S’inscrivant dans la continuité de Jacques Delors, le rapport considère que l’apparition d’une cinquième liberté, la liberté de l’innovation (liberté d’étudier, d’explorer, pour le bien de l’humanité) permettrait de catalyser les avancées dans des domaines tels que la R&D, l'utilisation des données, les compétences, l'IA, l'informatique quantique, la biotechnologie, la biorobotique et l'espace, entre autres. II.B. L’adoption de nouvelles politiques sectorielles et de rupture apparait dès lors souhaitable. Des pistes d’approfondissement du marché commun (1). Au titre de la libre circulation des marchandises, le rapport Letta recommande un marché commun pour les industries de la défense avec ses propres règles afin de dépasser le "déficit d’intégration" parmi les entreprises de défense de l’UE. Au titre de la libre circulation des services. La création d’un marché unique de l’énergie et des réseaux de télécommunications permettrait de réduire les barrières dans ces secteurs selon le rapport Letta. 9 L'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (BEPS) - lorsque les multinationales transfèrent leurs bénéfices vers des lieux où l'impôt est faible ou inexistant et où elles n'ont que peu ou pas d'activité économique, ou lorsqu'elles érodent les bases d'imposition par le biais de paiements déductibles tels que les intérêts ou les redevances - entraînent chaque année une perte de recettes de 100 à 240 milliards d'USD pour les pays concernés. Cela équivaut à 4 à 10 % des recettes mondiales de l'impôt sur le revenu des sociétés. Bien que certains schémas BEPS soient illégaux, la plupart ne le sont pas. Les pratiques BEPS nuisent à l'équité et à l'intégrité des systèmes fiscaux, car les entreprises qui exercent leurs activités au-delà des frontières peuvent les utiliser pour obtenir un avantage concurrentiel par rapport aux entreprises qui exercent leurs activités au niveau national. Dans un contexte plus large, lorsque les grandes entreprises sont perçues comme évitant l'impôt sur le revenu, cela compromet le respect volontaire de la loi par tous les contribuables. Au titre de la libre circulation des capitaux. L’union des marchés de capitaux pourrait être renforcée par le biais d’un approfondissement et d’une harmonisation de la supervision européenne, d’un renforcement des dispositifs de capital-risque ainsi que d’une réorientation des investisseurs institutionnels vers les marchés d’actions européens (CAE, « Renforcer les marchés de capitaux de l’Union européenne », 2024). L’adoption d’instruments spécifiques et de réformes sectorielles est également souhaitable (2). L’adoption d’un code européen des affaires. L’introduction d’un Code européen des affaires permettrait d’approfondir le marché intérieur en simplifiant et harmonisant les règles commerciales à l’échelle de l’Union européenne, réduisant ainsi la complexité réglementaire et facilitant l’expansion des entreprises au sein du marché unique (rapport Letta). Des avancées en matière de coordination fiscale. Les États membres de l'UE sont parvenus à un accord de principe visant à mettre en œuvre au niveau européen le volet imposition minimum, dit Pilier 2, de la réforme sur la fiscalité internationale de l'OCDE. Les ambassadeurs des États membres de l'UE ont décidé de recommander au Conseil d'adopter la directive relative au Pilier 2, et une procédure écrite en vue de l'adoption formelle sera lancée. La mise en œuvre effective de la directive limitera le nivellement par le bas des taux d'imposition des sociétés. Les bénéfices des grandes multinationales et des sociétés ou groupes nationaux , dont le chiffre d'affaires annuel cumulé est d'au moins 750 millions d'euros, seront imposés à un taux d'imposition qui ne pourra pas être inférieur à 15 %. Les nouvelles règles réduiront le risque d'érosion de la base d'imposition et de transfert de bénéfices, et garantiront que les plus grands groupes multinationaux payent le taux minimum mondial convenu pour l'impôt sur les sociétés. QE04.02. La politique de concurrence I. La politique européenne de concurrence, qui complète celle du marché intérieur, vise à permettre d’atteindre un niveau optimal de concurrence à travers quatre grands domaines d’intervention I.A. La politique européenne de concurrence s’est progressivement approfondie Conformément à la pensée ordolibérale, la politique de la concurrence est le prolongement logique de la mise en place du marché unique. La pensée se fonde notamment sur la théorie économique, qui met en avant les bienfaits d’une économie concurrentielle pour la croissance. Ainsi, une économie concurrentielle est associée à une hausse du taux de croissance de la productivité totale des facteurs (de 3 à 4 pts en comparaison d’un secteur non concurrentiel) [Nickell, 1996] et les États dotés d’une législation en matière de concurrence ont un taux de croissance de 2 à 3 points plus élevés que les États qui n’en sont pas dotés (Gutman, Vogt, 2014). Cette politique vise à atteindre la concurrence pure et parfaite en luttant contre les inefficiences de marché10. Présente depuis le début de la construction européenne, la politique de concurrence s’est progressivement approfondie. La CECA a instauré un régime de concurrence inspiré par les lois antitrust américaines, interdisant les ententes et concertations nuisant à la concurrence, et octroyant à la Haute Autorité un mandat de surveillance et de sanction, similaire au Shearman Antitrust Act de 1890 et au Clayton Antitrust Act de 1914. À la demande de l’Allemagne, une autorité de la concurrence a été instaurée par le traité de Rome. La mise en œuvre a été progressive, avec trois années de négociations pour adopter le règlement de 1962, qui met en œuvre les dispositions du traité relatives au contrôle des ententes et des abus de positions dominantes, instituant un dispositif de notification, d’évaluation et de sanction centralisé auprès de la Commission. À partir des années 1980, un triple saut qualitatif a eu lieu. En 1989, la création du Tribunal de Première Instance (TPI) a permis de confier à une juridiction adjointe à la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) le soin de traiter les affaires introduites par les personnes physiques et morales en matière de concurrence, le TPI étant plus enclin que la CJUE à remettre en cause les décisions de la Commission. Le règlement de 1989 a mis en place le contrôle des concentrations, et la Commission a développé à partir des années 1980 une politique plus active de contrôle des aides d’État, se montrant plus exigeante sur l’obligation de notification ignorée par les États. Depuis la fin des années 1990, plusieurs réformes ont eu lieu. La politique a été réformée en raison des arrêts du TPI (First Choice, 1999, Airtours, 2002, Schneider en 2002, Tetra Laval en 2002) qui ont annulé des interdictions de fusions prononcées par la Commission en raison d’une mauvaise garantie des droits de la défense et de la faiblesse de l’analyse économique. Le système de contrôle des accords entre entreprises a été décentralisé en 2002. En matière de concentrations, le règlement de 2004 a assoupli la procédure sans modifier les règles de fond. Le plan d’action de 2005 de la Commission a lancé une réforme de la politique des aides d’État autour de quatre objectifs : des aides d’État moins nombreuses et mieux ciblées, un contrôle reposant sur une approche économique fine, et une amélioration des procédures. Le débat ouvert par le traité constitutionnel et le traité de Lisbonne a vu la France demander que la concurrence libre et non faussée ne figure pas parmi les objectifs de l’Union Européenne, comme c’était le cas depuis le traité de Rome, bien que l’expression soit reprise dans le protocole. I.B. La Commission met en œuvre le droit européen de la concurrence en coopération avec les autorités nationales compétentes Le droit européen de la concurrence interdit les accords restreignant la concurrence entre entreprises, les abus de position dominante, certaines concentrations et les aides d’États. L’interdiction des ententes anticoncurrentielles. Sont interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché intérieur [article 101 TFUE]. 10 Asymétrie d’information, existence d’externalités, constitutions de monopoles, sous-investissement au sein des biens publics. Les accords visés concernent notamment ceux visant à fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction (1), à limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement technique ou les investissements (2), à répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement (3), à appliquer aux partenaires des conditions inégales à des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence (4) ou à subordonner la conclusion de contrats à l'acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n'ont pas de lien avec l'objet de ces contrats (5). Afin de permettre un surplus de croissance économique tout en préservant la concurrence, le Conseil, sur proposition de la Commission, peut autoriser les accords ou pratiques concertées qui améliorent la production des produits ou favorisent le progrès technique ou économique sans imposer des restrictions disproportionnées ni aboutir à éliminer la concurrence. Après une enquête de plusieurs années, la Commission européenne a condamné en 2016 cinq constructeurs automobiles - DAF Trucks (Pays-Bas), Daimler (Allemagne), Iveco (Italie) et les Suédois Volvo et Scania - à une amende record de 2,93 milliards de dollars. En cause : une entente (dénoncée par l’un de ses membres) sur le prix et le calendrier d’introduction des technologies permettant de diminuer les émissions polluantes. L’objectif était de faire payer aux acheteurs les coûts de mise en conformité avec les règles en matière d’émissions de CO2. L’interdiction des abus de position dominante. Est interdite le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci [article 102 TFUE]. La position dominante renvoie au pouvoir de faire obstacle au maintien d’une concurrence effective sur le marché en cause en fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis à vis de ses concurrents, de ses clients et finalement des consommateurs [CJUE, 1978, United Brands]. Ces pratiques abusives peuvent notamment consister à imposer de façon directe ou indirecte des prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction non équitables (1) limiter la production, les débouchés ou le développement technique au préjudice des consommateurs (2), appliquer à l'égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence (3), subordonner la conclusion de contrats à l'acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n'ont pas de lien avec l'objet de ces contrats (4). La définition du marché pertinent encadre le périmètre au sein duquel on apprécie un degré de pression concurrentielle (apprécié grâce à une méthodologie présentée par la Commission en 1997). Le pouvoir de(s) l’entreprise(s) au sein de ce marché peut résulter de plusieurs facteurs, notamment de la part de marché [CJUE, 1979, Hoffmann-La Roche]. En 2018, la Commission européenne a ainsi condamné Google à une amende de 4,3 milliards d’euros. La société américaine avait obligé les fabricants de smartphones et tablettes utilisant son système d’exploitation Android à préinstaller son moteur de recherche et son navigateur (Chrome), en vue d’éliminer ses concurrents. Une sanction confirmée par la Cour de justice de l’Union européenne en 2022, bien que le montant ait légèrement diminué (4,1 milliards). Le géant du numérique s’était également vu réclamer 2,42 milliards d’euros en 2017 pour avoir favorisé son comparateur de prix. D’autres firmes ont également été sanctionnées pour abus de position dominante, dont Microsoft pour avoir systématiquement incorporé son propre moteur de recherche à son système Windows 7, ou encore Gazprom, pour avoir pratiqué des prix trop élevés dans huit pays d’Europe orientale. Le contrôle des concentrations. En l’absence de disposition au sein du droit primaire, un règlement de 1989, remplacé par un règlement de 2004, sont venus poser les fondements juridiques du contrôle des fusions et des acquisitions d’entreprises11. À ce titre, la Commission évalue ex ante l’impact des concentrations sur la libre concurrence au sein du marché unique ou au sein d’au moins trois États-membres. Elle n’intervient uniquement que pour les rapprochements qui ont une dimension européenne (entreprises dont le CA mondial dépasse La CJUE, dans un arrêt Continental Can de 1973 avait posé les bases de ce contrôle, en considérant que l’abus de position dominante 11 pouvait résulter d’une concentration. les 5MdE avec un CA réalisé intra UE de 250ME). Les entreprises notifient à la Commission leur projet de concentration avant que celle-ci ne statue12. L’interdiction des aides d’États. Les articles 107 et 108 du TFUE posent le principe de l’interdiction des subventions publiques aux entreprises. L’aide d’État recouvre ainsi toute facilité (transfert budgétaire mais également prêts à taux bonifié, renoncement à percevoir des taux, exonérations fiscales) provenant de toute administration publique. Certaines aides sont toutefois compatibles avec le marché intérieur (v. schéma). La Commission européenne s’attaque notamment aux distorsions de concurrence dans le domaine fiscal. Afin d’attirer des grandes entreprises, certains Etats leur accordent des avantages fiscaux au cas par cas. La Commission considère que ces pratiques, assimilées à des aides d’Etat, faussent la concurrence. Apple s’était ainsi vue infliger une obligation de remboursement de 13 milliards d’euros en 2016 pour avoir bénéficié d’un traitement fiscal privilégié en Irlande, une demande finalement invalidée par la Cour de justice de l’Union européenne en juillet 2020. L’institution juridictionnelle a également annulé plusieurs condamnations emblématiques de la Commission contre Engie, Fiat ou Amazon, lesquelles avaient bénéficié d’avantages fiscaux au Luxembourg. Les décisions prises par la Commission sont susceptibles de recours en annulation devant la CJUE. La mise en œuvre de la politique de concurrence est souple et partenariale. Si la politique de concurrence est large et que le périmètre des contrôles réalisés par la Commission est extensif, la Commission coopère avec les autorités nationales de contrôle (ANC) dans le cadre du réseau européen de la concurrence (REC). Ce réseau permet de maintenir une cohérence dans l’application du droit de la concurrence ainsi que d’en assurer une application effective. Près de 85% des décisions relatives à l’application du droit de la concurrence sont prises par les ANC et la Commission n’a jamais recouru à son pouvoir de dessaisissement pour remettre en cause décision d’une ANC. 12Si la concentration ne peut se réaliser tant que la Commission ne s’est pas prononcée, cette dernière dispose d’un court délai de 25 jours afin de se prononcer. Si elle émet un « doute sérieux », un examen approfondi débute (moins de 105 jours) au terme duquel une décision finale est rendue. II. En dépit de certaines sous-optimalités sectorielles, la politique européenne de concurrence est efficace II.A. La politique de la concurrence européenne est soumise à des questions sur son efficacité et sa finalité La politique de concurrence est efficace. Les marchés européens sont progressivement devenus plus concurrentiels que les marchés américains13. La politique de concurrence a facilité le démantèlement des barrières commerciales et a empêché la formation de cartels, entraînant des changements significatifs dans les économies européennes, avec des bénéfices pour les consommateurs. Cependant, elle fait l’objet de critiques quant à sa structure d’ensemble. D’une part, la politique européenne de la concurrence a été accusée, par la France et l’Allemagne notamment, d’être devenue inadaptée à la compétition internationale. Elle rendrait le développement de “champions européens” impossible, là où les acteurs économiques d’autres puissances exercent parfois une position dominante sur les entreprises européennes, à l’image des géants américains du numérique comme Google ou Amazon. En février 2020, un an après l’échec de la fusion entre Alstom et Siemens, les deux pays ainsi que l’Italie et la Pologne ont officiellement enjoint la Commission de revoir sa politique. D’autre part, certaines insuffisances sont également à relever. Ainsi, le contrôle des concentrations de permet pas de prendre en compte les pratiques des plateformes numériques comme par exemple la fusion autorisée entre Whatsapp et Facebook [Toledano, 2017]. En outre, le mécanisme de contrôle des aides d’États ne permettrait pas de filtrer efficacement les subventions étatiques tierces des investissements étrangers. II.B. Alors que certaines des insuffisances de politique européenne de concurrence ont été corrigées, la constitution de champions européens doit davantage mobiliser la politique industrielle de l’Union Certaines des insuffisances relevées ont été corrigées. En 2020, La Commission a démarré un réexamen complet des règles antitrust et en matière de concentrations et des règles sur les aides d’État de l’Union. La communication de la Commission intitulée «Une politique de concurrence adaptée aux nouveaux défis» de novembre 2021 résume les principaux éléments de ce réexamen. Elle met également en évidence la manière dont le réexamen des politiques contribue à promouvoir la reprise de l’Union après la pandémie et créer un marché intérieur plus résilient pour favoriser la mise en œuvre du pacte vert européen et accélérer la transition numérique. D’une part, la position de la Commission en matière d’accords verticaux a été assouplie par le biais d’un règlement d’exemption par catégorie verticale a été adopté en 2022. D’autre part, pendant la pandémie de COVID-19, la Commission a adopté l’encadrement temporaire des aides d’État afin de faire face aux graves perturbations économiques causées par la pandémie; il a déjà été progressivement supprimé. En mars 2022, la Commission a adopté un encadrement temporaire de crise, qui a depuis été élargi, afin de permettre aux États membres d’utiliser la flexibilité offerte par les règles en matière d’aides d’État pour soutenir l’économie dans le contexte de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. En mars 2023, la Commission a transformé davantage l’encadrement temporaire en encadrement temporaire de crise et de transition, par l’ajout de mesures visant à renforcer des mesures de soutien dans des secteurs essentiels à la transition vers une économie à zéro émission nette, conformément au plan industriel du pacte vert. En conséquence, grâce à l’ajout de nouveaux objectifs, l’essence de la politique de concurrence de l’Union connaît actuellement de profonds changements, qui pourraient être considérés comme une rupture par rapport à des décennies de pratique Les limites à la constitution de champions européens résident davantage dans les insuffisances de la politique industrielle européenne, qui n’est pas une compétence partagée (v. fiche). D’après les données de l’OCDE agrégées par le CAE (2019), les marges bénéficiaires ont progressivement augmenté aux États-Unis 13 de 2000 à 2015 alors qu’elles ont baissé au sein de l’Union sur la même période. Selon Thomas Philippon (2019), le ratio de concentration des huit plus grandes entreprises (CR8) dans tous les secteurs est plus élevé aux Etats-Unis qu’au sein de l’Union. Sujets : INSP : La politique européenne de concurrence constitue-t-elle un frein à l’innovation ? La libre circulation des professionnels de santé est-elle suffisamment garantie par le droit de l’Union européenne ? [QE+QS] La réforme de la fiscalité européenne ? [QE+Fipu] INET : L’approfondissement du marché intérieur.

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