Psychologie du développement de l'enfant PDF
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Université Privée de Fès
Gabriela Martorell, Diane E. Papalia, Annick Bève
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Summary
This textbook, "Psychologie du développement de l'enfant", details the physical and cognitive development of children from birth to two or three years old. It covers topics like the development of the nervous system and sensory capabilities. The book also explores various theories of child development and the stages of early childhood development.
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CHAPITRE 3 Le développement physique et cognitif de l’enfant, de la naissance à deux ou trois ans PLAN DU CHAPITRE 3.1 Le développement physique 3.2.4 La théorie du traitement de l’information : 3.1.1 Le développement du système nerveux...
CHAPITRE 3 Le développement physique et cognitif de l’enfant, de la naissance à deux ou trois ans PLAN DU CHAPITRE 3.1 Le développement physique 3.2.4 La théorie du traitement de l’information : 3.1.1 Le développement du système nerveux perception et mémoire 3.1.2 Les capacités sensorielles du bébé 3.2.5 L’approche socioculturelle : les interactions entre 3.1.3 Les cycles physiologiques l’enfant et les personnes de son entourage 3.1.4 La croissance 3.3 Le développement de la communication 3.1.5 Le développement de la motricité et du langage 3.2 Le développement cognitif 3.3.1 La période préverbale 3.2.1 L’approche béhavioriste et l’apprentissage 3.3.2 Les étapes du développement du langage chez le nourrisson 3.3.3 Les théories de l’acquisition du langage 3.2.2 L’approche psychométrique 3.3.4 Les facteurs d’inuence de l’acquisition 3.2.3 La théorie de Piaget : le stade sensorimoteur du langage oir, entendre, toucher, sucer, bouger… Le bébé et les découvertes, et développe ainsi un sentiment V entre dans le monde avec ces quelques outils encore imparfaits, mais sufsants pour lui per- mettre d’établir les premières interactions avec de maîtrise indispensable à l’établissement de sa conance en lui. Au terme de cette période de crois- sance remarquable, il dispose de ses premières son environnement. En deux ou trois ans, il passe représentations mentales, signe manifeste du déve- peu à peu d’un état de totale dépendance à celui loppement de son intelligence, et commence à com- de petit explorateur déjà capable d’agir sur ce qui muniquer avec son entourage au moyen du langage, l’entoure à l’aide de ses sens et de sa motricité. instrument par excellence de son insertion sociale Trottineur infatigable, il multiplie les expériences et culturelle. 80 CHAPITRE 3 Mise en SITUATION Une sortie à la plage Juliane, éducatrice en milieu familial, a organisé une sortie à la plage aujourd’hui avec les 3 enfants dont elle a la garde : Thomas, 12 mois, Mégane, 20 mois, et Juliette, qui a 4 ans et qui est la grande sœur de Mégane. Tous s’amusent au bord de l’eau sous la supervision de leur éducatrice et de la maman de Mégane et Juliette, Anna, qui a accepté de les accompagner pour la sortie. Juliette creuse un trou dans le sable et essaie de le remplir d’eau avec son petit seau. Inlassablement, elle retourne chercher de l’eau, la verse dans le trou et la regarde disparaître dans le sable. s’enfonçant dans le sable, perd l’équilibre et décide de poursuivre Même s’il n’y a pas d’eau, Anna admire le « lac » de Juliette : « Bravo le chemin à quatre pattes. Ensuite, Anna l’assoit au bord de l’eau ma grande ! Tu vas nous faire un beau lac ! » Juliette continue alors avec une petite pelle, et Thomas s’amuse à taper dans l’eau et èrement son jeu. Mégane, comme d’habitude, veut faire comme à tout éclabousser autour de lui. Il rit aux éclats, mais lorsque sa grande sœur. Elle court chercher de l’eau, mais comme sa co- Juliette vient récupérer sa pelle, ses rires se transforment en cris, ordination et son équilibre sont encore précaires, l’eau s’échappe jusqu’à ce qu’on lui donne une autre pelle semblable. Mégane de son contenant au fur et à mesure qu’elle approche du trou et, vient s’asseoir à côté de lui et tape dans l’eau avec ses mains. quand elle va le remplir, il ne reste presque plus rien. Elle se lasse Elle s’empare ensuite d’un poisson en plastique et tente d’écla- vite de ce jeu et reste alors au bord de l’eau à regarder les petits bousser Thomas de plus en plus fort, avec toutes sortes d’objets. poissons qui passent près de ses pieds. Juliane lui dit : « Oh ! Les Au bout d’un certain temps, à force de recevoir de l’eau dans le petits poissons ! », et Mégane répète « ti-pessons ». Elle voudrait bien visage, Thomas ferme les yeux dès qu’il voit Mégane se préparer les attraper, mais les poissons sont trop rapides et disparaissent à taper dans l’eau. Puis, Mégane abandonne son activité pour se dès qu’elle fait un mouvement. Mégane dit alors « pati pessons », et diriger vers un ballon de plage très coloré. C’est un réel plaisir de Juliane lui répond : « Oui, ils sont partis les petits poissons. » regarder les enfants s’amuser ainsi à la plage. Thomas, quant à lui, se déplace à quatre pattes et s’arrête pour saisir un petit caillou. Alors qu’il s’apprête à le porter à sa bouche, Tout au long de la lecture de ce chapitre, référez-vous Anna le rattrape, le met debout et le prend par les deux mains à cette mise en situation pour répondre aux questions pour le faire avancer. Thomas fait quelques pas, puis, ses pieds qui s’y rapportent. 3.1 Le développement physique Dans cette première partie, nous allons aborder le développement des sens et de la motricité du bébé. Dans les premiers mois de la vie d’un enfant, il est difcile de faire la distinction entre son développement physique et son développement cognitif, tant les deux sont liés. Prenons l’exemple de l’apprentissage : à la base, il s’agit d’une fonc- tion cognitive ; toutefois, les enfants apprennent beaucoup par l’action, c’est-à-dire au moyen des fonctions motrices et sensorielles. Le bébé a besoin d’explorer son envi- ronnement à l’aide de ses sens et par ses propres mouvements, car c’est cette explo- ration qui lui permet de savoir où nit son corps et où commence le reste du monde. Mise en situation ci-dessus Ainsi, les mouvements de Thomas avec l’eau lui apprennent comment son corps peut transformer son environnement. Il en va de même pour les gestes qui accompagnent les premières tentatives de paroles. Quand un enfant dit « bye-bye ! », il ouvre et ferme la main, en plus de montrer qu’il est socialement en relation avec une personne. Quand un enfant dit « haut », il lève les bras, montrant ainsi à l’adulte où il veut aller. Le cerveau ne traite donc pas de façon séparée les fonctions sensorielles et motrices, les fonctions cognitives et les fonctions sociales : il les intègre. Par conséquent, lorsqu’on étudie le développement de la personne, on doit garder en tête l’importance de faire des liens entre toutes les dimensions, qu’elles soient physiques, cognitives, affectives ou sociales. Le développement physique et cognitif de l’enfant, de la naissance à deux ou trois ans 81 3.1.1 Le développement du système nerveux Tronc cérébral Qu’est-ce qui fait qu’un nouveau-né réagit au mamelon en faisant des mouvements de Structure cérébrale située en haut de succion ? Cette capacité relève du système nerveux. Le système nerveux se compose du la moelle épinière. Il assure le passage système nerveux central (SNC) et du système nerveux périphérique (SNP). Le système des informations sensorielles et nerveux central comprend le cerveau et la moelle épinière. Le système nerveux périphé- motrices entre celle-ci et les couches rique comprend le système nerveux somatique, qui contrôle les sensations et les mou- supérieures du cerveau. Il joue un rôle dans plusieurs fonctions biologiques vements volontaires (par exemple serrer la main de quelqu’un), et le système nerveux de base. autonome, qui contrôle les fonctions internes automatiques (par exemple battements de cœur). Le système nerveux autonome comporte lui-même deux divisions : une division Cervelet sympathique, qui permet de mobiliser l’énergie lorsque l’organisme en a besoin (par Structure située à la base du cerveau, exemple énergie requise pour fuir une situation de danger), et une division parasympa- derrière la moelle épinière. Il est thique, qui permet de restaurer l’énergie (principalement pendant le sommeil lent). responsable de l’équilibre et de la coordination motrice. Le cerveau comprend trois parties : le tronc cérébral, le cervelet et le cortex cérébral (voir la gure 3.1). Le tronc cérébral , prolongé par la moelle épinière, contrôle les Cortex cérébral fonctions de base comme la respiration, le sommeil, la circulation sanguine et Couche supérieure du cerveau ou les réexes. Le cervelet est responsable de l’équilibre et de la coordination. Le cortex substance grise, siège des processus cérébral représente la couche supérieure du cerveau et il est composé de la substance mentaux tels que la mémoire, l’appren- tissage, l’intelligence, le langage et la grise, qui contient plusieurs milliards de neurones. Il contrôle la pensée, la mémoire, capacité de résoudre des problèmes. le langage et les émotions, de même que les informations sensorielles et la motricité. FIGURE 3.1 Les structures du cerveau Le cer veau comprend trois parties : le tronc cérébral, le cervelet et, par-dessus tout cela, le cor tex cérébral. Le tronc cérébral contrôle les fonctions de base comme la respiration, le sommeil, la circulation sanguine et les réexes. Le cervelet est responsable de l’équilibre et de la coordination. Le cortex cérébral contrôle la pensée, la mémoire, le langage et les émotions, de même que les informations sensorielles et la motricité. La croissance du cerveau, avant la naissance et durant l’enfance, est capitale pour le développement physique, cognitif et socioaffectif. Le développement du cerveau commence environ deux semaines après la conception, passant graduellement d’un long tube creux à une masse sphérique de cellules. Le tronc cérébral représente la structure la plus développée à la naissance. À ce moment, le cerveau humain possède environ 25 % de sa masse adulte (Toga, Thompson et Sowell, 2006). Certaines parties du cerveau vont croître plus rapidement que d’autres et à des moments différents. À 82 CHAPITRE 3 l’âge de six ans, le cerveau aura presque atteint sa taille adulte, mais certaines fonc- tions spéciques continueront de se développer jusqu’à l’âge adulte. Le cervelet croît plus rapidement durant la première année. Par contre, le cortex céré- bral comporte deux hémisphères formés de lobes ou sections, qui se développent à des rythmes différents. Par exemple, les régions impliquées dans la vision et l’audition arrivent à maturité vers l’âge de six mois, alors que les lobes frontaux responsables des activités cognitives supérieures, comme la pensée, la mémoire et la résolution de problèmes, pren- dront encore quelques années pour parvenir à leur pleine maturité (Gilmore et al., 2007). La croissance des neurones et la formation des synapses La croissance rapide des connexions cérébrales est cruciale pour le développement neurologique : elle débute autour du troisième trimestre de la vie prénatale et continue au moins jusqu’à l’âge de quatre ans. Sourire, babiller, ramper, marcher et parler sont des étapes importantes qui reètent le développement rapide du cerveau, particuliè- rement celui du cortex cérébral. Le cerveau est composé de neurones , ou cellules nerveuses, et de cellules gliales. Neurone Les neurones captent et envoient l’information. Les cellules gliales protègent et nour- Cellule de base du système nerveux dont le rôle est de transmettre les rissent les neurones. C’est entre la 25e semaine de la gestation et les premiers mois impulsions ner veuses. après la naissance que le nombre de neurones croît le plus rapidement. À la naissance, la plupart des 100 milliards de neurones du cerveau adulte sont déjà formés, mais pas Corps cellulaire complètement développés. Au départ, les neurones ne sont que des corps cellulaires Partie centrale du neurone, qui avec un noyau, composé d’ADN, qui contient le programme génétique. Ces cellules contient le noyau. rudimentaires se déplacent vers les différentes régions du cerveau en développement. La plupart des neurones sont en place après 20 semaines de gestation et leur structure s’achève durant les 12 semaines suivantes. C’est alors que les axones et les dendrites apparaissent. Les axones envoient l’infor- Axone mation aux autres neurones, alors que les dendrites reçoivent l’information en pro- Prolongement du neurone qui transmet l’information à d’autres neurones par venance des autres neurones. Ce transfert d’information se fait par les synapses, de l’arborisation terminale. petits espaces que l’inux nerveux traverse à l’aide de substances chimiques – appe- lées neurotransmetteurs – produites par les boutons terminaux des neurones (voir la Dendrite gure 3.2). Un seul neurone peut avoir de 5 000 à 100 000 connexions synaptiques qui Prolongement du neurone dont les envoient et reçoivent l’information liée aux récepteurs sensoriels, aux muscles et aux ramications captent l’information autres neurones du système nerveux central. provenant d’autres neurones. Synapse FIGURE 3.2 Un neurone Zone de rencontre entre deux neu- rones par laquelle l’information passe de l’un à l’autre. Neurotransmetteur Substance chimique produite par le neurone, qui assure la transmission d’informations d’une cellule nerveuse à une autre. Au cours du développement prénatal, le cerveau de l’embryon produit beaucoup plus de neurones qu’il n’en a besoin, ce qui lui donne une grande exibilité. Après la nais- sance, lorsque le cerveau connaît une nouvelle poussée de croissance due à la mul- tiplication de nouvelles connexions entre les axones (qui envoient les signaux) et Le développement physique et cognitif de l’enfant, de la naissance à deux ou trois ans 83 les dendrites (qui reçoivent les signaux), le processus d’élagage s’enclenche. Les Processus d’élagage connexions neuronales qui sont les plus utilisées se renforcent, tandis que celles qui Processus par lequel les connexions ne le sont pas s’atrophient. L’activité électrique déclenchée par un ot d’expériences neuronales non utilisées ou sensorielles rafne les circuits du cerveau en déterminant les connexions qui seront défectueuses sont éliminées. conservées et celles qui seront éliminées. Environ seulement la moitié des neurones produits survivent et fonctionnent à l’âge adulte. Par ailleurs, même si des neu- rones inutilisés meurent, d’autres peuvent encore se former à l’âge adulte (Society for Neuroscience, 2008). BOÎTE À OUTILS Un apprentissage se traduit dans le cerveau par la formation de nouvelles son nez à votre demande, il faudra répéter souvent la question sans quoi connexions entre les neurones. Or, puisque le cerveau maintient son ef- il aura oublié après quelques jours. Voilà pourquoi il est intéressant de cacité en éliminant les connexions les plus fragiles, il faut consolider regrouper les activités sous un calendrier de thématiques. L’enfant ap- chaque nouvel apprentissage en répétant souvent la stimulation pour en prendra ainsi le mot « citrouille » en octobre parce qu’il l’aura entendu à faire une réelle acquisition. Par exemple, si l’enfant désigne correctement plusieurs reprises, tant dans son milieu de garde qu’à l’extérieur. Cette extension du réseau synaptique dépend des stimulations provenant de l’envi- ronnement. Comme nous le verrons plus loin, on sait aujourd’hui qu’un enfant qui grandit dans un environnement riche en stimulations développe un réseau synaptique plus complexe que celui qui vit dans un milieu pauvre en stimulations. Alors que les connexions synaptiques se renforcent et deviennent de plus en plus précises et ables, le fonctionnement sensoriel, moteur et cognitif progresse et acquiert une plus grande exibilité (Society for Neuroscience, 2008). L’efcacité du système de communication neuronal est directement liée au processus de myélinisation. Ce processus de recouvrement des axones par une gaine de subs- Myélinisation tance graisseuse, appelée « myéline », permet une conduction plus rapide des inux Processus de recouvrement des nerveux. Les voies associées au toucher sont déjà entièrement myélinisées à la nais- axones par une substance graisseuse sance, alors que celles qui sont liées à la vision commencent à être myélinisées à appelée « myéline ». La myélinisation permet une conduction plus rapide de la naissance et continuent de l’être durant les cinq premiers mois de la vie. De leur l’inux ner veux. côté, les parties du cortex qui contrôlent l’attention et la mémoire se développent plus lentement ; elles ne seront pas totalement myélinisées avant le début de l’âge adulte. C’est cette myélinisation des voies sensorielles et motrices, effectuée dans la moelle épinière avant la naissance et dans le cortex cérébral ensuite, qui peut expliquer l’ap- parition et la disparition de certains réexes. Les réexes Les réexes sont des réponses automatiques innées à des stimuli externes spé- Réexe ciques. Lorsque vous clignez des yeux face à une lumière vive, le mouvement de Réponse automatique innée à vos paupières est une réponse involontaire, un réexe. On estime à 27 le nombre certaines stimulations spéciques. de réexes principaux (Gabbard, 1996), la plupart étant présents à la naissance ou apparaissant peu après. Ces réexes jouent un rôle important dans le tout premier Les réexes développement du système nerveux central et des muscles. Certains fournissent les Activité interactive premiers indices du développement cérébral et neurologique du bébé. Les réexes primitifs sont liés aux besoins instinctifs de survie et de protection, et Réexe primitif permettent au bébé de s’adapter dès la naissance. Leur apparition et leur disparition Réexe lié aux besoins de survie et obéissant à une séquence prévisible, leur présence ou leur absence peut donc servir de protection, qui permet au bébé de à l’évaluation du développement neurologique du nouveau-né. Ainsi, le réexe de suc- s’adapter dès la naissance, et qui cion, qui apparaît dès le développement prénatal, se déclenche dès qu’on introduit un disparaît au bout de quelques mois objet dans la bouche d’un bébé, que ce soit le mamelon, une tétine ou même le doigt (succion, agrippement, etc.). de papa. Au bout de quelques mois, le développement du cerveau ayant suivi son cours, le réexe disparaît pour faire place à des réponses volontaires ; la succion sera alors réservée au biberon et le doigt de papa sera plutôt mordillé. D’autres réexes 84 CHAPITRE 3 semblent témoigner de l’évolution de notre espèce. Par exemple, le réexe d’agrip- pement est le même que celui qui permet au bébé singe de s’agripper aux poils de sa mère. Le réexe des points cardinaux est un autre réexe primitif : dès qu’un bébé est placé près du sein de sa mère, il tourne sa tête de manière réexive dans la direction de la stimulation. Les réexes locomoteurs, comme le réexe de la marche automatique ou celui de la nage, sont présents dès la naissance. Ils ressemblent à des mouvements volontaires qui n’apparaîtront que plusieurs mois après la disparition du réexe. La plupart de ces réexes disparaissent au cours des 6 à 12 premiers mois, ce qui démontre que les voies neuromotrices du cortex sont sufsamment myélinisées pour permettre le passage aux mouvements volontaires. Le tableau 3.1 présente les prin- cipaux réexes ainsi que ce qui les déclenche et l’âge où ils devraient normalement disparaître. En plus de ces réexes primitifs, les êtres humains disposent de tout un Réexe adaptatif arsenal de réexes adaptatifs dont plusieurs jouent un rôle de protection, comme Réexe qui joue un rôle de protection le clignement des yeux, le bâillement, la toux, la nausée, l’éternuement et le réexe durant toute la vie (clignement des pupillaire (dilatation des pupilles dans le noir). Ces réexes adaptatifs seront présents yeux, éternuement, etc.). toute la vie durant. La plasticité du cerveau Même si, au départ, le développement du cerveau est programmé génétiquement, on sait aujourd’hui qu’il est continuellement inuencé par les expériences faites par le nouveau-né, qu’elles soient positives ou négatives. Si certaines connexions corticales ne sont pas établies tôt dans la vie, ces circuits peuvent disparaître à jamais. Ainsi, un singe élevé avec une paupière fermée jusqu’à l’âge de six mois est devenu aveugle de cet œil, probablement parce que les connexions entre cet œil et le cortex visuel ne s’étaient pas faites. D’autre part, des animaux élevés dans des cages remplies de jouets ont développé plus d’axones, de dendrites et de synapses que d’autres élevés Plasticité du cerveau dans des cages vides (Society for Neuroscience, 2008). Ces études nous démontrent Capacité du cerveau à se modier que cette plasticité du cerveau, c’est-à-dire sa capacité à se modier et à se réorgani- et à se réorganiser en fonction de ser en fonction de l’expérience, est essentielle au développement : c’est elle qui per- l’expérience. met l’apprentissage. Le cerveau de l’enfant est particulièrement vulnérable durant les premières années de vie, où le manque de stimulations sensorielles, par exemple, peut avoir des effets à long terme sur le développement cérébral. Pour des raisons éthiques évidentes, les chercheurs ne peuvent appauvrir l’environnement d’un nourrisson an d’en vérier les effets à long terme. Toutefois, la découverte, en 1989, de milliers de jeunes enfants ayant passé la quasi-totalité de leur vie dans des orphelinats roumains surpeuplés a fourni un terrain naturel pour la recherche. Ces enfants étaient littéralement affamés et passifs, et ne démontraient aucune émotion. Ils avaient passé le plus clair de leur temps couchés, en ayant peu de contacts entre eux ou avec les adultes qui en avaient la charge. La plupart des enfants âgés de deux ou trois ans ne marchaient pas et ne parlaient pas. Les scientiques ont suivi trois groupes de ces enfants roumains : un premier groupe d’enfants abandonnés à la naissance et placés en institution, où ils sont restés ; un deuxième groupe d’enfants abandonnés à la naissance, placés en ins- titution, puis dans une famille d’accueil ; et enn, un groupe de comparaison composé d’enfants vivant avec leurs parents biologiques. Les résultats nous indiquent que le fait de vivre dans un milieu appauvri a de profondes conséquences négatives sur la croissance physique et le langage ainsi que sur le développement cognitif et émotion- nel. Par ailleurs, les recherches démontrent aussi que des soins de qualité prodigués par une famille d’accueil peuvent compenser en partie les effets négatifs du place- ment en institution (Moulson et al., 2009). Ces observations conrment qu’un faible niveau de stimulation conduit à de moindres performances motrices. À l’inverse, on peut optimiser le développement moteur d’un enfant en lui offrant les stimulations adéquates. Puisque de nombreux enfants passent plusieurs heures par semaine dans un milieu de garde, la qualité de l’environnement, du matériel et des activités offertes dans ce milieu est un facteur clé dans le développement des habiletés motrices. Le développement physique et cognitif de l’enfant, de la naissance à deux ou trois ans 85 TABLEAU 3.1 Les réexes du nouveau-né Âge moyen Réexe Stimulation Comportement de disparition Réexe de succion Mettre un objet (sein, tétine, Mouvements rythmiques de la 6 mois doigt, etc.) dans la bouche de l’enfant. langue et des lèvres Réexe des points cardinaux Frotter la joue avec le doigt ou le Bouche ouverte, le bébé tourne 9 mois mamelon. la tête. Réexe de Darwin Frotter la paume de la main. Le bébé ferme le poing. 4 mois (agrippement) Réexe tonique du cou Coucher l’enfant sur le dos. Le bébé tourne la tête d’un côté, 5 mois prend la pose de l’escrimeur, étend le bras et la jambe de son côté préféré et échit les membres opposés. Réexe de Moro Soulever les fesses et le dos du bébé Le bébé étend les jambes, les bras 3 mois et les relâcher ou lui faire entendre un et les doigts, cambre le dos et gros bruit. rejette la tête en arrière. Réexe de Babinski Frotter la plante du pied. Le pied tourné vers l’intérieur, le 4 mois bébé déploie les orteils. Réexe de marche Soutenir le bébé sous les bras, les Le bébé exécute des pas qui res- 4 mois automatique pieds nus sur une surface plane. semblent à la marche. Réexe de nage Placer l’enfant dans l’eau, la tête vers Le bébé exécute des mouvements 4 mois le bas. de nage bien synchronisés. 86 CHAPITRE 3 3.1.2 Les capacités sensorielles du bébé Les régions du cerveau qui contrôlent l’information sensorielle se développent rapide- ment durant les premiers mois de la vie. Les bébés sont capables de réagir à ce qu’ils touchent, goûtent, sentent, entendent et voient. Le sens tactile et la sensibilité à la douleur La peau du nouveau-né est déjà sensible aux stimulations : le bébé pleure lorsque l’eau du bain est trop froide ou se calme lorsqu’on le caresse. Nous avons vu également l’importance du contact réconfortant lors de l’allaitement. En outre, contrairement à ce que l’on croyait à une certaine époque où l’on pratiquait la cir- concision sans anesthésie, le bébé peut aussi ressentir de la douleur. Cette sensibi- lité à la douleur apparaîtrait dès le troisième trimestre de la grossesse (Lee et al., 2005). Elle augmente rapidement dans les jours suivant la naissance, et des tests d’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) démontrent une acti- vité cérébrale très semblable chez un bébé et un adulte lorsqu’ils expérimentent une situation douloureuse (Gokan et al., 2015). La Société canadienne de pédiatrie (2017) afrme qu’une douleur intense et prolongée peut avoir des effets néfastes à long terme chez le nourrisson et qu’il faut réduire au minimum les interventions douloureuses. Le goût et l’odorat Au même titre que le sens tactile, le goût et l’odorat semblent aussi se développer avant la naissance. La saveur et les odeurs des aliments consommés par la mère pour- raient être transmises au fœtus par le liquide amniotique, puis lors de l’allaitement. Le nouveau-né repousse ainsi les aliments qui ont mauvais goût et semble préférer les goûts sucrés aux saveurs amères et sures. Il est possible que cette préférence innée pour le sucré aide le bébé à s’adapter, puisque le lait maternel est lui-même plutôt sucré. Le nouveau-né est également sensible aux odeurs et il peut manifester une pré- férence pour l’odeur du lait de sa mère. Ce serait là aussi un autre mécanisme de sur- vie (Rakison, 2005). MYTHE OU RÉALITÉ Pour qu’un enfant apprenne à manger de tout, il faut le forcer. C’est faux. Il faut proposer souvent un aliment avant que l’enfant en apprécie le goût, surtout lorsqu’il doit s’habituer à plusieurs nouvelles saveurs. De plus, étant donné que la poussée de croissance qu’on observe depuis la naissance ralentit autour de deux ans, considérez que l’enfant pourra avoir moins faim, ses besoins étant plus rapidement comblés. Veillez alors à la quantité et la qualité des collations que vous donnez entre les repas. L’ouïe L’audition est une autre activité sensorielle qui est fonctionnelle avant la naissance, le système auditif ayant presque atteint sa maturité au 7e mois de la vie prénatale. La discrimination des sons se développe ensuite rapidement. Ainsi, des expériences ont permis de démontrer que, dès l’âge de trois jours, des bébés peuvent distinguer des sons différents de ceux qu’ils ont déjà entendus, même s’ils sont très semblables. Cette capacité permettrait à un bébé de reconnaître la voix de sa mère et même sa langue maternelle, comme nous le verrons un peu plus loin. Puisque l’audition est la clé du développement du langage, il est essentiel de détecter le plus tôt possible toute décience auditive. Le développement physique et cognitif de l’enfant, de la naissance à deux ou trois ans 87 La vue La vision est le sens le moins performant à la naissance, mais un bébé peut quand même voir dès ses tout premiers jours. Toutefois, la rétine et le nerf optique ne sont pas complètement développés, ce qui limite son acuité visuelle. Dès la naissance, c’est à une distance d’environ 20 cm à 30 cm que sa vision est la meilleure, distance qui cor- respond par ailleurs à celle existant entre le bébé et le visage de sa mère lorsqu’elle le nourrit, ce qui pourrait avoir une valeur adaptative pour l’établissement de la relation avec la mère. De plus, le bébé peut percevoir les mouvements d’un visage humain s’ils sont très marqués et même les imiter, comme nous le verrons plus loin. C’est seulement vers quatre ou cinq mois que la vision binoculaire est nalement établie, la convergence de ses deux yeux permettant alors au bébé de percevoir la distance et la profondeur. Les yeux du bébé Dès la naissance, un bébé peut suivre Dans l’expérience classique de la falaise visuelle de Walk et Gibson, en 1961, des bébés des yeux un objet en mouvement, mais de six mois ont été placés sur une surface en partie transparente qui donnait l’illu- c’est seulement vers quatre ou cinq mois sion de profondeur et de vide au centre de la table, comme au bord d’une falaise. Les que la convergence de ses deux yeux lui enfants ont rampé librement sur les bords qui semblaient pleins, en évitant le centre permettra de percevoir la profondeur. de la table, même si leur mère les invitait à traverser pour la rejoindre de l’autre côté, ce qui montre qu’ils percevaient la profondeur. Enn, l’acuité visuelle du bébé attein- Falaise visuelle dra 20/20 vers le 8e mois (Kellman et Arterberry, 1998). Appareil conçu pour donner une illusion Si les capacités sensorielles sont relativement fonctionnelles dès la naissance, il n’en de profondeur et utilisé pour évaluer la est pas de même pour les capacités perceptuelles (comme la compréhension de la perception de la profondeur chez les jeunes enfants. signication des sons et des images), qui se développeront graduellement dans les mois et les années à venir. 3.1.3 Les cycles physiologiques Notre organisme est en grande partie réglé par des horloges internes, ou horloges biolo- Horloge biologique giques, qui cadencent nos cycles d’éveil et de sommeil, tout comme elles orientent les Mécanisme interne qui contrôle le périodes d’alimentation ou d’élimination et, possiblement, nos humeurs. Chez l’adulte, cycle des variations physiologiques. un cycle comporte une période de sommeil la nuit et une période d’éveil le jour, qui totalisent toutes deux environ 24 heures et qui se répètent successivement. On observe le même processus chez le bébé, mais sur une période beaucoup plus courte. Ainsi, dès la naissance, le besoin de nourriture se fait ressentir de 8 à 12 fois en 24 heures. Jusque vers trois mois, le bébé se réveille habituellement toutes les deux ou trois heures, de nuit comme de jour, pour être nourri. Toutefois, au cours de la première année, les cycles s’allongent de sorte qu’on observe une diminution progressive du nombre de repas et une augmentation des heures de sommeil continu. Cette progression repose sur la maturation du cerveau et présente une grande variabilité individuelle. Le sommeil constitue la principale activité des nouveau-nés, qui dorment en moyenne 18 heures par jour. Lorsque la durée des cycles augmente, le sommeil nocturne se consolide progressivement jusqu’à atteindre une période continue de six heures ou plus. Le sommeil diurne se limite alors aux siestes. Dans le langage courant, on dit alors que le bébé « fait ses nuits », ce qui survient en moyenne vers l’âge de six mois. Toutefois, cer- tains bébés font leur nuit dès les premières semaines de vie, alors que d’autres ne les feront pas avant leur premier anniversaire. Entre 1 et 2 ans, un enfant dort de 11 à 14 heures par jour, incluant 1 ou 2 siestes pendant la journée (Institut universitaire en santé mentale Douglas, 2016). Ces siestes ont une grande importance pour la régulation de l’humeur et la consolidation des apprentissages, et elles doivent donc être intégrées à la routine en milieu de garde. L’allongement de la durée des cycles entraîne un changement majeur dans la routine de l’enfant : l’augmentation des périodes d’éveil permet d’intégrer le jeu dans ses activités quotidiennes. La gure 3.3 (voir la page suivante) illustre les cycles éveil-sommeil typiques en fonction de l’âge. On remarquera notamment que pendant toute la période préscolaire, l’horaire doit inclure une sieste en après-midi. 88 CHAPITRE 3 FIGURE 3.3 Les cycles éveil-sommeil selon l’âge Cette gure illustre les changements dans les périodes de sommeil nocturne (en turquoise) et diurne orange ainsi que dans la durée des périodes d’éveil (en blanc) en fonction de l’âge. Source : Challamel et Thirion (2006). Pendant que l’enfant dort, on peut observer des périodes de sommeil calme qui alternent Sommeil lent avec des périodes de sommeil actif. Le sommeil calme correspond au sommeil lent chez Type de sommeil caractérisé par une l’adulte, lequel est associé à une activité cérébrale faible et dont la fonction principale activité cérébrale faible, particulière- est la restauration du corps. Le sommeil actif serait l’équivalent du sommeil paradoxal ment lié à la restauration du corps. chez l’adulte, lequel est caractérisé par une activité cérébrale élevée (c’est au cours de Sommeil paradoxal ce stade de sommeil que l’on rêve) et dont la fonction principale est la consolidation Type de sommeil caractérisé par une des apprentissages. Puisqu’au début de sa vie, l’enfant se trouve en phase active d’ap- activité cérébrale intense et associé prentissage, on observe ce second type de sommeil en grande quantité chez les très aux rêves, par ticulièrement lié à la jeunes enfants, puis il diminue de plus de 20 % vers l’âge de trois ans et continue de consolidation des apprentissages. décroître régulièrement tout au long de la vie. Chez les bébés de moins de un an, une attention particulière doit être portée aux conditions de sommeil an de diminuer les risques de « syndrome de mort subite du nourrisson », qui correspond au décès sans cause apparente d’un bébé âgé de moins de un an (voir la rubrique « Application »). L’éveil, l’activité et la vivacité qui augmentent le jour s’accompagnent habituellement d’un rapide développement physique, cognitif et affectif. Les réactions des parents ou de l’éducatrice devant un bébé qui sommeille presque toujours ou qui, au contraire, Consultez la rubrique est souvent éveillé sont alors très différentes, tout comme celles provoquées par un « Approfondissement » sur le bébé plutôt calme ou souvent en pleurs. Les états du nourrisson agissent en effet syndrome du bébé secoué. sur le comportement des adultes qui en prennent soin, ces derniers agissant à leur tour sur le type d’individu que deviendra le nourrisson. Par exemple, un bébé facile à calmer rehausse le sentiment de compétence et d’estime de soi des personnes qui s’en occupent, ce qui contribue à établir un cycle de ren- MYTHE OU RÉALITÉ forcement mutuel. Il arrive aussi que l’adulte soit exaspéré parce qu’il est incapable de calmer l’enfant, certains allant même jusqu’à secouer Les vaccins augmentent le risque de cancer, le bébé pour faire cesser ses pleurs. Or, ces gestes, même s’ils sont de d’autisme et de mort subite du nourrisson. courte durée, peuvent provoquer de sérieuses lésions au cerveau et donc Faux. Les vaccins ont des effets protecteurs réels avoir de graves conséquences, même si la plupart du temps, rien n’est sur les enfants et n’ont aucun lien avec le cancer, apparent extérieurement. Le syndrome du bébé secoué est souvent mal l’autisme ou la mort subite du nourrisson. Ils ont diagnostiqué et non rapporté, mais on estime qu’au Québec, sa réelle fré- permis d’éradiquer plusieurs maladies aux consé quence est d’environ 5 % chez les enfants de moins de deux ans. Environ quences graves pour l’enfant comme la variole ou les deux tiers des enfants victimes du syndrome du bébé secoué en gar- la poliomyélite. deront des séquelles permanentes (Centre hospitalier universitaire [CHU] Sainte-Justine, 2015). Le développement physique et cognitif de l’enfant, de la naissance à deux ou trois ans 89 APPLICATION Le syndrome de mort subite du nourrisson (SMSN) cérébral, qui régit la respiration, le rythme cardiaque, la tempéra- ture corporelle et l’éveil (Paterson et al., 2006). Ces anomalies pour- raient empêcher les victimes du SMSN qui dorment sur le ventre ou sur le côté de se réveiller ou de tourner la tête lorsqu’elles respirent l’air chargé de dioxyde de carbone emprisonné sous leurs couver- tures. Aussi, les bébés qui présentent un faible taux de sérotonine pourraient ne pas se réveiller lorsque l’oxygène se raréfie et que s’accumule le dioxyde de carbone, ce qui les rend plus vulnérables (Duncan et al., 2010). Bien que les causes exactes du SMSN ne soient pas encore élucidées, la précaution la plus importante à prendre en milieu de garde est de coucher les bébés sur le dos pour les siestes. En 1999, le gouvernement du Canada a lancé la campagne de santé publique Dodo sur le dos. Cinq ans plus tard, on constatait une réduction de 50 % du taux de SMSN au Canada (Agence de la santé publique du Canada, 2008). L’Agence de la santé publique du Canada (2012) a élaboré, de concert Le syndrome de mort subite du nourrisson (SMSN) désigne la mort avec plusieurs intervenants, dont la Société canadienne de pédiatrie, soudaine d’un bébé de moins de un an dont la cause demeure inexpli- Santé Canada, l’Institut canadien de la santé infantile et des experts quée après un examen approfondi incluant une autopsie. En 2009, au dans le domaine de la santé publique, un Énoncé conjoint sur le som- Canada, il a été responsable de 5,6 % des décès chez les enfants de meil sécuritaire : Prévenir les décès subits des nourrissons au Canada. moins de 1 an, ce qui représente un taux de 28,3 pour 100 000 nais- Voici leurs principales recommandations : sances vivantes (Statistique Canada, 2011). Le SMSN est vraisem- Coucher le bébé sur le dos. blablement causé par une combinaison de facteurs ; une anomalie L’allaiter au sein. biologique peut rendre certains nourrissons vulnérables, durant une Ne pas laisser le nourrisson dormir sur une surface moelleuse comme période critique, à certains événements déclencheurs. L’un des princi- un oreiller, une couette ou une peau de mouton ni sous des couvertures paux facteurs de risque connus est l’exposition prénatale à la nicotine. lâches. En l’absence de facteurs de risque, modiables ou non, le SMSN est Ne pas laisser le bébé dormir dans le même lit qu’un adulte. rare. Les bébés qui y succombent présentent plusieurs facteurs de ris- que ou y ont été fréquemment exposés (Ostfeld et al., 2010). Éviter les couvertures qui peuvent provoquer un excès de chaleur. Ne pas fumer pendant la grossesse. Près de 10 % des victimes présentent des mutations ou des variations génétiques associées à un rythme cardiaque irrégulier (Arnestad et Éviter la fumée secondaire pour le nourrisson. al., 2007). Les chercheurs ont découvert des anomalies du tronc Donner une tétine au bébé pour dormir. 3.1.4 La croissance La croissance n’est jamais aussi rapide que durant les trois premières années de la vie, et plus particulièrement durant les premiers mois. La tête du bébé, qui semble énorme à cause de la croissance rapide du cerveau avant la naissance, devient proportionnellement plus petite au fur et à mesure que l’enfant grandit et que les parties inférieures se développent (voir la gure 3.3 à la page suivante). La taille et le poids du bébé augmentent rapidement dans les premiers mois, mais ralen- tissent un peu par la suite. Par exemple, l’enfant double son poids vers l’âge de quatre ou cinq mois, mais il le triple seulement vers l’âge de un an. Pour évaluer si la crois- sance d’un enfant se fait bien, la Société canadienne de pédiatrie utilise les nouvelles courbes de croissance de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) révisées en 2014. Ces normes ont été établies à partir d’enfants de mères non-fumeuses, nés à terme, provenant de six pays différents et qui étaient exclusivement allaités. 90 CHAPITRE 3 FIGURE 3.3 L’évolution des proportions du corps humain au cours de la croissance La transformation la plus frappante est la diminution de la propor tion de la tête par rapport au reste du corps. Les fractions indiquent la propor tion que représente la tête par rapport à la longueur totale du corps à différents âges. Source : Adapté de Cole et Cole (1989). La silhouette générale du corps dépend principalement des gènes : ceux-ci déter- minent, par exemple, si l’individu sera grand et mince ou encore court et trapu. Habituellement, les garçons sont légèrement plus grands et plus lourds que les lles à la naissance, et ils le demeurent généralement tout au long de la vie adulte, à l’exception de la courte période de la puberté, pendant laquelle la poussée de croissance est plus précoce chez les lles. Cependant, la taille et le poids sont également inuencés par des facteurs environ- nementaux comme l’alimentation, les conditions de vie et l’état de santé général. Les enfants de milieux favorisés, peu importe l’origine ethnique de leurs parents, deviennent plus grands, plus gros et atteignent souvent leur maturité sexuelle plus tôt que ceux qui vivent dans des milieux plus pauvres. Ainsi, l’environnement et l’hérédité entrent constamment en interaction dans le processus de la croissance physiologique. 3.1.5 Le développement de la motricité Le développement de la motricité représente un aspect fort important du programme éducatif. Les nouveau-nés sont très actifs : ils tournent la tête, donnent des coups de pied, battent l’air de leurs bras et manifestent, comme nous l’avons vu, toute une gamme de réexes. Vers le 4 e mois, ce sont les mouvements volontaires, gérés par le cortex, qui prennent le dessus. La capacité de se déplacer délibérément et de mani- puler les objets avec de plus en plus de précision se développe alors rapidement durant les trois premières années, au fur et à mesure que l’enfant commence à utiliser consciemment certaines parties de son corps. Le développement de la coordination vision-mouvement se trouve au centre de ces pro- grès. L’ordre dans lequel ce contrôle s’acquiert respecte les principes du développe- ment dénis dans le premier chapitre. Par exemple, le bébé peut tourner la tête avant d’être capable de se retourner du ventre sur le dos (progression céphalocaudale). Il commence aussi par prendre des objets avec la totalité de sa main, les doigts se refer- mant sur la paume, avant de pouvoir perfectionner sa technique par des mouvements de pince et prendre de petits objets entre le pouce et l’index (progression proximo-distale). Les jalons du développement de la motricité Le développement moteur est marqué par une série d’événements qui le jalonnent, la maîtrise de chaque nouvelle habileté préparant l’enfant à aborder la suivante. Ainsi, les jeunes enfants développent d’abord des habiletés simples, qu’ils combinent pour en arri- ver à des systèmes d’action de plus en plus complexes, ce qui leur permet de mieux Le développement physique et cognitif de l’enfant, de la naissance à deux ou trois ans 91 contrôler leur environnement. Si la maturation suit un cours apparemment bien déter- miné, le moment précis où chaque enfant acquiert les habiletés de base varie, par contre, considérablement. Il n’y a donc pas véritablement de bon âge pour se tenir debout ou pour marcher. Toutefois, on peut déterminer l’âge moyen auquel la majorité des enfants déve- loppent certaines habiletés. Le tableau 3.2 décrit les grandes lignes de ce développement. TABLEAU 3.2 Les jalons du développement de la motricité 50 % des 90 % des 50 % des 90 % des Habileté Habileté enfants enfants enfants enfants Roule sur lui-même 3,2 mois 5,4 mois Marche bien 12,3 mois 14,9 mois S’assoit sans soutien 5,9 mois 6,8 mois Construit une tour 14,8 mois 20,6 mois de deux blocs Se tient debout avec 7,2 mois 8,5 mois Monte un escalier 16,6 mois 21,6 mois un appui debout Rampe ou marche à 7,5 mois 9,4 mois Saute sur place 23,8 mois 2,4 ans quatre pattes Saisit un objet avec 8,2 mois 10,2 mois Reproduit un 3,4 ans 4 ans le pouce et l’index cercle Se tient debout sans 11,5 mois 13,7 mois appui Source : Adapté de Frankenburg et al. (1992). 92 CHAPITRE 3 On distingue les actions motrices qui requièrent de la motricité globale, c’est-à-dire Motricité globale les mouvements qui impliquent les grands muscles (comme ceux du cou, des bras Mouvements qui nécessitent la participation de tout le corps ou de et des jambes), de celles qui requièrent de la motricité ne, c’est-à-dire la dextérité et parties impor tantes du corps (marcher, des mouvements ns avec les mains et les doigts. Le programme éducatif doit per- courir, danser). mettre de stimuler une variété d’actions motrices, comme nous le verrons dans le chapitre 5. Motricité ne Mouvements qui demandent la Le contrôle de la tête et du corps Au tout début de la vie, le développement des participation des doigts et des mains habiletés motrices concerne plus spéciquement le contrôle progressif de la tête et (saisir, insérer, dessiner). du cou. À la naissance, la plupart des bébés sont capables de tourner la tête d’un côté ou de l’autre lorsqu’ils sont sur le dos. À plat ventre, plusieurs peuvent lever la tête sufsamment pour la tourner. Avant deux ou trois mois, ils lèvent la tête de plus en plus haut, parfois au point de tourner sur le dos accidentellement. Vers quatre mois, presque tous les bébés sont capables de tenir leur tête droite lorsqu’on les prend. C’est ensuite l’axe principal de son corps que le bébé apprendra à maîtriser. À partir de trois mois, l’enfant moyen commence à rouler délibérément sur lui-même, d’abord du ventre au dos, puis, un peu plus tard, du dos au ventre. Le bébé peut ensuite rester assis sans appui vers l’âge de cinq ou six mois et, deux mois plus tard environ, il arrive Mise en situation, p. 80 à se mettre seul en position assise. Avant que Thomas puisse La locomotion Vers l’âge de six mois, la plupart des bébés peuvent se mouvoir sans marcher seul, quelles sont aide, en rampant. Vers 9 ou 10 mois, ils se déplacent alors assez bien, généralement les grandes étapes qu’il doit à quatre pattes. Le fait de pouvoir se déplacer par lui-même semble marquer un tour- franchir dans son développement nant dans le développement du jeune enfant. Cette nouvelle capacité a en effet des moteur ? répercussions sur de nombreux aspects physiques, cognitifs et socioaffectifs, et elle apporte à l’enfant des perspectives nouvelles sur le monde : 1. En se déplaçant, les enfants deviennent plus sensibles à la position des objets, à leur taille et à la façon de les bouger. Marcher à quatre pattes aide les bébés à éva- luer les distances et la profondeur ; ils se rendent compte que les personnes et les objets leur apparaissent différemment selon qu’ils sont proches ou éloignés. 2. Lorsqu’ils commencent à se déplacer, les enfants entendent plus souvent des mises en garde telles que « Reviens ! » et « Ne touche pas ! », et ils apprennent à prendre en considération les consignes données par les parents pour déterminer si une situa- tion est dangereuse ou non. 3. Un enfant qui veut se rapprocher d’un de ses parents ou de son éducatrice peut main- tenant le faire plutôt que d’attendre leur arrivée. Cette étape importante lui donne Mise en situation, p. 80 un sentiment de maîtrise sur le monde et contribue grandement à développer sa conance et son estime de soi. Le jalon suivant est posé lorsque l’enfant arrive à se lever et à se tenir debout. Lors- qu’ils sont capables de se tenir debout tout seuls, la plupart des enfants se déplacent en se tenant aux meubles, en donnant la main, comme Thomas, puis réussissent leurs premiers pas sans aide. Ils tombent, recommencent à quatre pattes, puis tentent de nouveau leur chance. Peu après son premier anniversaire, le bébé moyen marche rela- tivement bien, quoique d’un pas mal assuré au début. Durant l’année qui suit le début de son apprentissage de la marche, le bébé rafnera ses habiletés motrices. Il pourra alors courir, sauter ou faire des roulades, et ses progrès, tant sur le plan de la coordi- nation que sur celui de l’équilibre, seront remarquables. Le contrôle des mains Parallèlement à la motricité globale, le jeune enfant fait aussi des progrès sur le plan de la motricité ne. Le réexe d’agrippement disparaît et le bébé devient capable de saisir des objets de taille moyenne, comme un hochet. Toute- La préhension en pince fois, ce n’est qu’un peu plus tard qu’il pourra les relâcher de manière volontaire. Cet enfant utilise sa préhension en pince pour saisir les petits morceaux Entre 7 et 11 mois, l’enfant passe ensuite d’une préhension palmaire, c’est-à-dire de de nourriture. l’utilisation du pouce en opposition à la paume de la main, à une préhension digitale, Le développement physique et cognitif de l’enfant, de la naissance à deux ou trois ans 93 avec opposition du pouce et des doigts. Peu à peu, le contrôle des doigts devient alors Préhension en pince sufsamment rafné pour saisir de petits objets, comme une miette de pain, ou le Mode de préhension qui utilise l’oppo- petit caillou que Thomas saisit, en utilisant le pouce et l’index : c’est ce qu’on appelle sition du pouce et de l’index. la préhension en pince. Les inuences du milieu sur le développement de la motricité Mise en situation, p. 80 L’être humain semble programmé pour s’asseoir, se tenir debout et marcher ; cela fait partie de son hérédité spécique. Des spécialistes du développement trouvent toutefois cette explication un peu simpliste. Selon la théorie des systèmes dynamiques d’Esther Théorie des systèmes dynamiques Thelen (1995 ; Smith et Thelen, 2003), le développement moteur se fait selon un proces- Théorie selon laquelle le développe- sus continu d’interactions entre le bébé et son environnement. Il faut tenir compte de ment moteur est un processus continu la motivation de l’enfant à agir (par exemple, lorsqu’il veut prendre un jouet ou aller qui résulte d’interactions entre le corps, les actions et l’environnement. dans une autre pièce), de même que de l’aménagement physique de son environnement (l’enfant est couché dans son berceau ou placé par terre). Au cours d’une même journée, plusieurs situations se présentent, pouvant être favorables ou non au développement de certaines habiletés. L’enfant expérimentera alors différents comportements avant de retenir celui qui lui permettra le mieux d’atteindre son but. Ainsi, la maturation du cerveau ne serait pas le seul élément permettant d’expliquer le développement de la motricité. Selon Thelen, la plupart des bébés développent les mêmes habiletés motrices dans le même ordre parce qu’ils sont bâtis de façon assez semblable et qu’ils font face à des besoins et des dés similaires. Ils nissent donc par découvrir que, dans la plupart des situations, la marche est préférable au déplacement à quatre pattes, puisqu’elle libère les mains. Chaque nouvelle habileté maîtrisée donne à l’enfant encore plus d’oc- casions d’explorer son environnement et d’en retirer une stimulation sensorielle et intellectuelle. Cela pourrait expliquer pourquoi certains bébés apprennent à marcher plus tôt que d’autres. En général, lorsqu’on assure aux enfants une saine alimentation, de bons soins, la liberté de mouvement et l’occasion de pratiquer leurs aptitudes motrices, la motricité se développe normalement. Cependant, si le milieu présente de graves lacunes dans l’un ou l’autre de ces domaines, le développement moteur de l’enfant peut en souffrir, comme nous l’avons vu plus haut avec les enfants des orphelinats roumains. Les inuences culturelles La culture inuence également le développement de la motricité, comme nous l’avons vu dans la rubrique « D’une culture à l’autre » (voir la page 25). Selon plusieurs recherches, les jeunes enfants africains ont tendance à être plus précoces que les enfants américains ou européens quand il s’agit de s’asseoir, de marcher ou de courir. En Ouganda, par exemple, la plupart des bébés marchent en moyenne à 10 mois, com- parativement à 12 mois aux États-Unis et à 15 mois en France (Gardiner et Kosmitzki, 2005). De telles variations peuvent s’expliquer par des différences culturelles dans les pratiques éducatives. Certaines cultures encouragent en effet le développement hâtif des habiletés motrices par des exercices qui renforcent les muscles du bébé. Le développement de la motricité et de la perception Les activités motrices, combinées à la conscience des changements corporels, permettent aux jeunes enfants de comprendre ce qui arrivera s’ils bougent de telle ou telle façon. Ce lien entre la perception et l’action, établi par le cerveau en développement, donne aux enfants des informations importantes sur eux-mêmes et sur leur environnement. Piaget et d’autres chercheurs ont longtemps afrmé que la capacité d’atteindre un objet dépendait de l’utilisation des yeux pour guider les mouvements de la main (ou d’une autre partie du corps). On sait maintenant que des bébés âgés d’environ cinq mois sont capables d’utiliser des indices sensoriels pour atteindre un objet. Ils peuvent situer un hochet par son bruit, comme ils sont capables également d’atteindre un objet lumineux dans le noir même s’ils ne voient pas leurs mains (Clifton et al., 1993). 94 CHAPITRE 3 Entre cinq et sept mois, les enfants développent la perception tactile, c’est-à-dire l’habi- Perception tactile leté à acquérir de l’information en touchant les objets plutôt qu’en les regardant simple- Habileté à acquérir de l’information sur les objets, comme la grosseur, le poids ment. La perception tactile permet aux bébés de réagir à des indices comme la grosseur ou la texture, en les manipulant. relative des objets ou les différences de textures et de formes (Bushnell et Boudreau, 1993). Les enfants apprennent continuellement à évaluer leurs habiletés et les environ- nements dans lesquels ils se déplacent, en adaptant leurs mouvements et en dévelop- pant de nouvelles stratégies. Un bébé qui apprend jusqu’où il doit tendre la main pour atteindre un jouet lorsqu’il est assis doit à nouveau apprendre les notions de distance lorsqu’il commence à ramper. De la même façon, un bébé qui marche à quatre pattes et qui a maîtrisé les pentes doit se réajuster aux pentes quand il commence à marcher. Ce processus d’apprentissage combine l’action et la perception (Adolph, 2008). FAITES LE POINT 1. Expliquez comment se fait la croissance des neurones chez le nouveau-né. 2. Expliquez en quoi consiste la plasticité du cerveau. 3. Quelles sont les principales capacités sensorielles du bébé à la naissance ? 4. Expliquez comment l’hérédité et l’environnement agissent en interaction dans le développe- ment de la motricité chez le jeune enfant. 5. Amélie, éducatrice en centre de la petite enfance (CPE), a conçu un parcours dans lequel les enfants doivent ramper ou sauter pour éviter des obstacles. Quel type de motricité requièrent les actions que doivent effectuer les enfants dans ce parcours ? 3.2 Le développement cognitif Un objectif à atteindre Comment le bébé apprend-il ? Comment sa mémoire se développe-t-elle ? Pourquoi y L’objectif de cet enfant – atteindre son a-t-il des différences dans les habiletés cognitives des individus ? Peut-on mesurer l’in- jouet – favorisera le développement de sa motricité. Ce développement ne dépend telligence d’un bébé et prédire ses capacités futures ? Ces questions ont longtemps intri- pas seulement de la maturation, mais gué les scientiques du développement et c’est sous l’angle de différentes approches, aussi des conditions de l’environnement. dont la plupart ont été vues dans le chapitre 1, qu’ils ont poursuivi leurs recherches. 3.2.1 L’approche béhavioriste et l’apprentissage chez le nourrisson Selon cette approche, l’apprentissage est au cœur du développement : c’est une modi- Apprentissage cation relativement durable du comportement qui résulte habituellement de l’expé- Modication durable du comportement résultant de l’expérience. rience. Si l’être humain possède la capacité innée d’apprendre, l’apprentissage comme tel ne se produit qu’avec l’expérience. Nous avons vu que le bébé n’a pas besoin d’apprendre à téter, puisque ce réexe est présent avant même la naissance. Cependant, il apprend rapidement que le fait de téter lui procure le lait qui satisfait sa faim. De la même manière, le premier cri d’un enfant n’est pas un comportement appris. Toutefois, le bébé découvre vite que ses Mise en situation, p. 80 pleurs l’aident à obtenir ce qu’il désire : il apprend la fonction du cri, tout comme Thomas, quand on lui redonne une petite pelle à la suite de ses cris. L’apprentissage par conditionnement répondant (ou conditionnement classique) Dans la mise en situation, Thomas ferme les yeux par réexe lorsqu’il reçoit de l’eau dans le visage. Après s’être fait arroser à quelques reprises par Mégane, la seule vue de celle-ci qui s’apprête à l’éclabousser lui fait fermer les yeux. Le comportement de Thomas illustre bien le conditionnement répondant, que nous Mise en situation, p. 80 avons présenté dans le chapitre 1. Dans ce type d’apprentissage, une personne ou un animal apprend à réagir de façon automatique à un stimulus qui est neutre à l’ori- gine – pensons à Mégane qui s’apprête à taper dans l’eau – parce que ce stimulus a