Méthodes de terrain : Observation et entretiens Cours 5 PDF
Document Details
Uploaded by BestKnownTucson
UCLouvain
Tags
Summary
Ce document présente une analyse détaillée et une explication approfondie de la méthode d'entretien pour les recherches en sciences sociales. Il couvre des aspects comme les différents types d'entretiens, les repères historiques ainsi que des conseils pratiques. Les différents types d'entretien sont expliqués. L'explication comprend des avantages, des inconvénients et des exemples.
Full Transcript
Méthodes de terrain : Observation et entretiens Cours 5. La méthode d’entre3en Plan de l’exposé 1. L’entre)en en sciences sociales : une défini)on 2. Une diversité de méthodes d’entre)en 3. Les étapes du recueil d’entre)ens 4. Le guide d’entre)en 5. Rendre compte des entre)ens...
Méthodes de terrain : Observation et entretiens Cours 5. La méthode d’entre3en Plan de l’exposé 1. L’entre)en en sciences sociales : une défini)on 2. Une diversité de méthodes d’entre)en 3. Les étapes du recueil d’entre)ens 4. Le guide d’entre)en 5. Rendre compte des entre)ens Méthodes de terrain : Observa2on et entre2ens 1. L’entre*en en sciences sociales : une défini*on Méthodes de terrain : Observa2on et entre2ens La misère du monde (1993) Une enquête sur les vécus de personnes appartenant aux classes populaires et moyennes… … pour faire entendre « une souffrance dont la vérité est dite, ici, par ceux qui la vivent » (4ème de couverture) Méthodes de terrain : Observa2on et entre2ens L’entre5en en sciences sociales? DéfiniAon : méthode d’enquête consistant en un entreAen entre deux personnes (parfois plus), un interviewer et un interviewé, conduit et pouvant être enregistré par l’interviewer ObjecAf : recueillir le point de vue et l’expérience vécue de l’interviewé, sur un thème de recherche Méthodes de terrain : Observa2on et entre2ens Repères historiques (1) Début du 20ème s. : naissance Le fieldwork de Malinowski (1884-1942) Premières formalisa)ons L’entre'en standardisé des anthropologues Les entre'ens à la « Western Electric » (Mayo, 1929) : cf. Roethlisberger et Dickson, Management and the Worker (1943) Les récits de vie de Shaw (1895-1957) : cf. Stanley le détrousseur (1929) et Sydney le violeur (1930) Méthodes de terrain : Observa2on et entre2ens Repères historiques (2) Années 1960-1970 : déconsidéra:on Domina)on du structuralisme et du fonc)onnalisme, et de la méthode sta)s)que Intérêt pour des individus standardisés et considérés interchangeables : des « unités sta)s)ques » (Passeron, 1989) Fin 20ème S. : retour en grâce Influence de la psychologie clinique de C. Rogers (1902-1987) aux Etats-Unis Ecroulement des grandes théories en France => intérêt pour les représenta)ons et le sens subjec)f des comportements Méthodes de terrain : Observa2on et entre2ens 2. Une diversité de méthodes d’entre*en Méthodes de terrain : Observa2on et entre2ens Trois modalités principales selon la place occupée par l’interviewer et l’interviewé - L’entre)en direc)f - L’entre)en semi-direc)f (ou entre)en compréhensif) - L’entre)en non-direc)f (ou récit de vie) Méthodes de terrain : Observa2on et entre2ens L’entretien directif Consiste en une suite de quesAons-réponses dirigée par l’interviewer. - Usage ? « Technique de recueil d’informaAons » (Gotman, 1985) à parAr de quesAons préconstruites selon des hypothèses préalables - L’interviewer n’est que l’administrateur d’un quesAonnaire, comportant - Des ques'ons fermées (oui/non) - Des ques'ons semi-fermées (choix parmi plusieurs op'ons) - Affinités avec la démarche hypothéAco-déducAve (vérificaAon, quanAficaAon) Méthodes de terrain : Observa2on et entre2ens L’entre5en semi-direc5f (ou compréhensif) Consiste en un échange verbale souple (une « conversaAon ») animé par l’interviewer. - Usage ? « Support d’exploraAon » (Kaufmann, 2004) du système de valeurs et de représentaAons de l’interviewé - L’interviewer s’engage dans l’échange pour susciter en retour l’engagement de l’interviewé ; il suit les pistes d’enquête qui émergent au fur et à mesure - Ques'ons ouvertes (« Que pensez-vous de », « Comment vous organisez-vous pour ») - Séquence de ques'ons non strictement prévue au départ - Maîtriser la dynamique de l’entre'en - Affinités avec la perspecAve compréhensive et la démarche empirico-inducAve - Vision du monde social : produit et réinventé par les acteurs (VS agents) - Principe épistémologique : comprendre les ac;vités sociales à par;r de leurs raisons subjec;ves, en les replaçant à l’intérieur de l’univers de sens des acteurs (cf. les ac;vités déviantes, ruses, contournements) - Postulat : recueillir les points de vue des acteurs permet de comprendre des phénomènes plus généraux Méthodes de terrain : Observa2on et entre2ens L’entre4en non direc4f (ou biographique) Consiste en un témoignage, orienté par l’interviewer. - Usage ? « Forme narraAve » (Bertaux, 1997) pour saisir un épisode de vie ou une trajectoire biographique : « les personnes interviewées racontent quelque chose à propos de leur vie, de certaines de ses dimensions (vie professionnelle, familiale…) ou de certains moments (enfance, retraite…), dans le cadre d’un échange ouvert, approfondi, compréhensif » (Dubar et Demazière, 2011, p. 64) - Exemples : recherches sur les carrières, les conversions, les trajectoires migratoires… - L’interviewer donne un filtre à l’interviewé pour raconter son histoire => Pas de ques'ons prédéterminées, mais une consigne de départ (« Ce que je voudrais que vous me racon'ez, c’est comment vous êtes devenu·e », « comment vous en êtes venu·e à », « qui vous a amené·e à ») - Affinités très fortes avec la démarche empirico-inducAve Méthodes de terrain : Observation et entretiens Et aussi : des méthodes d’entre5en collec5f Le focus groupe : entreAen de groupe semi-dirigé et modéré par un ou plusieurs chercheurs La méthode d’analyse en groupe (MAG) : entreAen de groupe associant directement des acteurs concernés par le thème de la recherche à la co-producAon des savoirs Analyse collec've de situa'ons et d’expériences vécues et racontées par les par'cipants selon un disposi'f méthodologique piloté par les chercheurs. Cf. Van Campenhoudt, Chaumont et Franssen (2005), La méthode d’analyse en groupe, Paris : Dunod. Méthodes de terrain : Observa2on et entre2ens La situa5on d’entre5en est… - ArAficielle : crée par l’enquêteur, pouvant pousser la personne interviewée à s’interroger sur des aspects de sa vie qu’elle n’aurait pas quesAonné spontanément. - Inégale : les deux partenaires (interviewer/interviewé) n’occupent pas la même posiAon sociale (Beaud, 1996). L’un exerce un ascendant sur l’autre et l’entreAen se déroule au bénéfice de l’interviewer. - Des « effets de résistance à l’objec;va;on » (Bourdieu) : les interviewés n’ont pas toujours envie de tout dire, et peuvent même, consciemment ou inconsciemment, tenter d’imposer leur défini;on de la situa;on et la faire tourner à leur profit. - PerformaAve : provoque des changements chez l’interviewé qui, en racontant, se raconte aussi à lui-même et en vient à se représenter certains évènements de sa vie d’une manière nouvelle. Méthodes de terrain : Observa2on et entre2ens 3. Les étapes du recueil d’entretiens Méthodes de terrain : Observa2on et entre2ens Avant l’entre5en 1) Le recrutement : différentes stratégies pour obtenir des accords d’interview Au grès des circonstances => pour les ins'tu'onnels, les personnes rencontrées sur le terrain Par « boule de neige » => pour élargir l’échan'lllon (cf. prochain cours) Le recrutement ciblé => pour varier les profils d’interviewés (notamment selon la posi'on dans le milieu enquêté) 2) La négocia)on des condi)ons d’entre)en Un cadre favorisant l’in'mité Une durée suffisamment longue (au moins 1h) pour arriver à approfondir l’échange (ou que l’interviewé « baisse la garde ») Méthodes de terrain : Observa2on et entre2ens Pendant l’entre5en 1) La garan)e de l’anonymat (on y reviendra) 2) L’enregistrement 3) L’engagement dans l’entre)en « pour parvenir à s’introduire [...] dans l’in'mité affec've et conceptuelle de son interlocuteur, l’enquêteur doit totalement oublier ses propres opinions et catégories de pensée. Ne penser qu’à une chose : il a un monde à découvrir, plein de richesses inconnues [...] qui ont immensément à nous apprendre. Mais pour cela toute amtude de refus ou d’hos'lité doit être évitée, quels que soient les idées et les comportements de celui qui parle : il faut simplement chercher à comprendre, avec amour et considéra'on, avec aussi une intense soif de savoir » (Kaufmann, 1996 : 51-52). 4) La maîtrise de la dynamique : tenir le rôle ; ne pas perdre de vue l’objec)f Méthodes de terrain : Observa2on et entre2ens Après l’entre5en 1) L’enquête de l’enquête : décrire le cadre matériel et rela)onnel de l’entre)en, qui aidera plus tard à analyser les données recueillies Le lieu Le non-verbal L’ambiance Les difficultés 2) La retranscrip)on Objec9f : rendre par écrit la richesse et la complexité de la parole, y compris ce qui n’a pas été dit avec des mots (mais bien avec des mimiques, des hésita9ons, des rires, des inflexions de voix, etc.) Mot à mot ? L’exigence de la retranscrip9on intégrale (ou liJérale) varie en fonc9on - du type d’analyse que l’on veut faire - du mode d’exposi6on des entre6ens Méthodes de terrain : Observa2on et entre2ens […] I : Le mé6er de bibliothécaire a évolué : maintenant ils font des anima6ons, des forma6ons etc. Et pour vous, c’est quoi le mé6er de bibliothécaire ? Mme D : [silence]. Je trouve que c’est un mé6er qui n’est pas… pas facile ! Gérer un public, les livres et tout ça. Il faut vraiment avoir une forma6on dans tout ça parce qu’il faut savoir l’informa6que, encoder tout ce qui entre, encoder tout ce qui sort, appeler les gens qui ne rendent pas les livres. Tout ça, c’est du travail. Être en contact avec les gens aussi. Répondre à leur demande. Parce que parfois ils ne trouvent pas les livres qu’ils demandent. Alors il faut regarder dans l’ordinateur si on l’a ou dans le rayon. Si tu dis « je ne trouve pas », alors il viendra t’aider. Il faut être à l’écoute des gens. Prêt à aider tout le monde. Je trouve que ce n’est pas EXEMPLE facile. Mais comme tout mé6er, il faut aimer, il faut apprendre. Ce n’est pas n’importe qui qui ferait ce mé6er. Moi je ne me vois pas là dedans, je ne pourrais pas. I : Vous c’est les forma6ons, l’anima6on ! Mme D : [rires] Oui l’anima6on, ça j’aime bien. [silence] Sinon, la B.…. je dirais que c’est aussi une associa6on jeune par rapport aux autres. Je parle des associa6ons d’alphabé6sa6on. C’est la deuxième année que je donne cours là-bas alors il y des choses à me\re à table, à discuter, comme toutes associa6ons jeunes. […] Méthodes de terrain : Observa2on et entre2ens 4. Le guide d’entre3en (ou grille d’entre3en) Méthodes de terrain : Observa2on et entre2ens Le guide d’entre5en, c’est quoi? Un ouAl permejant de conduire l’échange verbal et de le structurer. Un pense-bête pour ne pas oublier les thémaAques à aborder et les principales quesAons à poser… mais certainement pas un quesAonnaire ! Règle n°1 : Se demander ce que l’on veut savoir de la personne que l’on veut interviewer. Règle n°2 : Trouver des thémaAques qui permejent de recueillir des données sur ce que l’on cherche à savoir. Règle n°3 : Trouver des quesAons qui permejent d’explorer ces thémaAques. - Peu ou beaucoup ? Différentes façons de faire - Des formula'ons simples, sans ambiguïté… et de vraies ques'ons - Un ou'l à tester Méthodes de terrain : Observa2on et entre2ens EXEMPLE 3. Rapports à la ville - Pourquoi avoir choisi d’habiter Bruxelles ? - Qu’est ce qui vous plaît et déplaît à Bruxelles ? Consigne de départ : Pouvez-vous me décrire les différents logements que - Qu’est ce que vous y faites et qu’est ce que vous faites en dehors de la vous avez occupés jusqu’à votre logement actuel et les raisons de ce(s) ville ? déménagement(s)? - Fréquentez vous régulièrement d’autres quarGers, pour y faire quoi? - La ville vous a -t-elle toujours aXré ? 1. Logement actuel - Avez vous déjà eu envie de quiNer la ville, si oui pour quelles raisons? - Quelles sont les raisons qui vous ont conduit à habiter ici ? - Quels sont, pour vous, les points posiGfs/négaGfs de votre logement ? 4. Retour sur l’habitant Qu’est ce qu’il faudrait améliorer ? - Pensez vous rester longtemps dans votre logement ? Où vous voyez vous - Que pensez vous de l’architecture du bâGment ? Qu’est ce qui vous dans 10 ans ? plaît/déplaît dans l’architecture ? - Age - Le fait de devenir propriétaire était-il important pour vous ? Pourquoi ? - Trajectoire professionnelle : emplois occupés, où, combien de temps - A quoi êtes vous le plus aNaché dans votre logement ? - Diplôme(s) obtenu(s) - Trajectoire familiale : en couple ou non, nombre d’enfants, séparaGons et 2. Rapports au quarGer reconfiguraGons familiales éventuelles - Est ce que le quarGer a compté dans votre choix de logement, et pourquoi? - Qu’est ce qui vous plaît et déplaît dans votre quarGer ? Qu’est ce qui vous y manque ? - Qu’est ce que vous y faites concrètement ? - Comment sont vos relaGons avec les habitants du quarGer ? - A quelles condiGons pourriez-vous éventuellement quiNer le quarGer, et qu’est- ce qu’y vous y reGent ? Méthodes de terrain : Observa2on et entre2ens Différents types de ques5ons - La consigne de départ : large, pour introduire le sujet et lancer l’échange - Les quesAons thémaAques : explorer des aspects plus spécifiques de chaque thémaAque - Eviter « l’effet CV », disposer du plus de détails possibles - Faire décrire : des ques'ons au ras du sol : des faits, des anecdotes, des éléments terre à terre - Les quesAons de relance : pousser l’interviewé à en dire plus s’il n’est pas assez disert - « Que voulez-vous dire par là ? »; « Concrètement, qu’avez-vous fait ? »; « Donc, pour vous… [reformuler ce qui vient d’être dit] » - Relancer sur des épisodes escamotés (« là, que s’est-il passé ? »), des rencontres énigma'ques (« lui, comment l’avez-vous rencontré ? ») - Ouvrir des boites noires : savoir ce qui s’y est passé - Les quesAons sociodémographiques : recueillir des données objecAves sur l’interviewé (âge, composiAon du ménage, profession, diplôme, lieu de résidence, origine sociale…), qui permejront d'interpréter ses propos - Éviter l’effet « enquête de police » : les poser idéalement au compte-gouwe durant l’entre'en Méthodes de terrain : Observa2on et entre2ens EXEMPLE 3. Rapports à la ville - Pourquoi avoir choisi d’habiter Bruxelles ? - Qu’est ce qui vous plaît et déplaît à Bruxelles ? Consigne de départ : Pouvez-vous me décrire les différents logements que - Qu’est ce que vous y faites et qu’est ce que vous faites en dehors de la vous avez occupés jusqu’à votre logement actuel et les raisons de ce(s) ville ? déménagement(s)? - Fréquentez vous régulièrement d’autres quarGers, pour y faire quoi? - La ville vous a -t-elle toujours aXré ? 1. Logement actuel - Avez vous déjà eu envie de quiNer la ville, si oui pour quelles raisons? - Quelles sont les raisons qui vous ont conduit à habiter ici ? - Quels sont, pour vous, les points posiGfs/négaGfs de votre logement ? 4. Retour sur l’habitant Qu’est ce qu’il faudrait améliorer ? - Pensez vous rester longtemps dans votre logement ? Où vous voyez vous - Que pensez vous de l’architecture du bâGment ? Qu’est ce qui vous dans 10 ans ? plaît/déplaît dans l’architecture ? - Age - Le fait de devenir propriétaire était-il important pour vous ? Pourquoi ? - Trajectoire professionnelle : emplois occupés, où, combien de temps - A quoi êtes vous le plus aNaché dans votre logement ? - Diplôme(s) obtenu(s) - Trajectoire familiale : en couple ou non, nombre d’enfants, séparaGons et 2. Rapports au quarGer reconfiguraGons familiales éventuelles - Est ce que le quarGer a compté dans votre choix de logement, et pourquoi? - Qu’est ce qui vous plaît et déplaît dans votre quarGer ? Qu’est ce qui vous y manque ? - Qu’est ce que vous y faites concrètement ? - Comment sont vos relaGons avec les habitants du quarGer ? - A quelles condiGons pourriez-vous éventuellement quiNer le quarGer, et qu’est- ce qu’y vous y reGent ? Méthodes de terrain : Observa2on et entre2ens Dans quel ordre prévoir les ques4ons ? Principe : veiller à la cohérence interne du guide Éviter les coqs-à-l’âne et s’il y en a, les commenter (« mais revenons à », « un autre thème qui me semble important », « pour parler d’autre chose »...). Du plus général au plus parAculier Du plus descripAf (praAque) au plus interprétaAf (inAme) - Selon Becker : s’intéresser davantage au comment qu’au pourquoi… pour rester aussi proche que possible du quo;dien de l’interviewé et éviter de recueillir des points de vue trop généraux - Ensuite : des ques;ons sur les posi;onnements, les opinions. Suivre une chronologie Terminer par les ques'ons sociodémographiques Méthodes de terrain : Observa2on et entre2ens Les compétences de l’interviewer : savoir-faire et savoir-être Savoir exploiter les silences Aussi féconds que les paroles… mais awen'on à ne pas les surinterpréter ! Des « zones blanches » (Bertaux, 1997) : ce qui n’est pas exprimé par l’interviewé (et qui est su du chercheur) par oubli, ou parce que la réponse est trop difficile, douloureuse ou honteuse à élaborer Savoir montrer de l’empathie « […] la connaissance préalable la plus approfondie resterait incapable de conduire à une véritable compréhension, si elle n’allait pas de pair avec une awen'on à autrui et une ouverture obla've [pour conver