Methode Scientifique L1-S2 PDF - Cours et Exercices
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Licence 2 Psychologie
2024
Magali Ginet
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Ce document est un cours de méthodologie scientifique de niveau L1-S2, qui explore l'intérêt d'adopter une approche scientifique en psychologie. Il présente les objectifs du cours, la démarche scientifique et propose des exercices pour évaluer ses connaissances. Le document aborde également l'éthique de la recherche.
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L1-S2 Méthodologie Scientifique Contenu de cours Enseignantes responsables : Magali Ginet et Armelle Nugier 2024-2025 EAD 1 PROGRAMME Sé...
L1-S2 Méthodologie Scientifique Contenu de cours Enseignantes responsables : Magali Ginet et Armelle Nugier 2024-2025 EAD 1 PROGRAMME Séance 1 : La démarche scientifique (partie 1 : intérêt) Séance 2 : La démarche scientifique (partie 2) Séance 3 : La démarche causale et variables indépendantes Séance 4 : Plans expérimentaux à plusieurs variables indépendantes Séance 5 et 6 : L’interaction et les plans à plusieurs variables indépendantes Séance 7 : L’éthique de la recherche Séance 8 : Examen blanc en vue de la préparation à l’ET Bibliographie (informative) : Meyer, T. & Delhomme, P. (2002). La recherche en psychologie sociale. Projets, méthodes et techniques. Collection Cursus. Armand Collin, Paris. Myers, A. & Hansen, C.H. (2007). Psychologie expérimentale. Ouvertures Psychologiques, De Boeck Université : Paris. Vallerand, R.J., & Hess, U. (2000). Méthodes de recherche en psychologie. Gaëtan Morin Editeur. Montréal-Paris. Collins, T. & Rateau, P. (2022). La psychologie : théorie et méthode. Dunod MODE D’EVALUATION CONTRÔLE DES CONNAISSANCES 1ère session : (voir guide des études disponible sur le site de l’UFR) - Un Examen terminal. Pondération 1. 45 minutes. Portant sur l’ensemble du programme. - Type QCM dégressif avec une vingtaine de question. - Sauf indication contraire par la scolarité, l’examen terminal aura lieu en présentiel sur le site universitaire. 2ème chance : (voir guide des études sur le site de l’UFR) - Un Examen terminal. Pondération 1. 45 minutes. Portant sur l’ensemble du programme. - Type QCM dégressif avec une vingtaine de question. - Sauf indication contraire par la scolarité, l’examen terminal aura lieu en présentiel sur le site universitaire. 2 LA DEMARCHE SCIENTIFIQUE (Partie 1) Objectifs pédagogiques : A l’issue de cette séance, vous devez être capable de… …définir les notions de « méthode scientifique » et de « méthode empirique » …citer les intérêts d’étudier la démarche scientifique à l’université …citer les intérêts d’utiliser une approche scientifique, notamment en psychologie …identifier, à l’aide de critères objectifs, ce qui est scientifique de ce qui ne l’est pas Organisation de la séance : Commencez par faire les exercices de la séance 1 (Quiz 1 à Quiz 3) Puis prenez connaissance du contenu de formation. Lorsque les Mises en situation vous sont proposées, faites les exercices AVANT de continuer. La correction vous permettra de vérifier votre niveau de compréhension ou d’anticipation. Prendre des notes sur les points théoriques présentés dans le contenu de formation. Matériel : Le matériel est inclus dans ce fascicule. Les Quiz relatifs au contenu de cette séance sont disponibles sur l’espace de cours ENT. 3 Préambule du cours -L’objectif de ce cours est de : ð convaincre de l’intérêt d’une approche scientifique en psychologie. ð convaincre que la méthode scientifique représente un outil précieux applicable dans la vie de tous les jours, au sujet de problèmes très concrets (ce n’est pas un outil réservé aux chercheurs ou chercheuses!) ð faire connaître les étapes d’une démarche scientifique ð faire connaître les différentes méthodes scientifiques à disposition des psychologues ð inciter à adopter un point de vue critique sur les données issues de son environnement. A quoi sert d’étudier la méthode scientifique à l’Université ? La méthode scientifique, c’est la vérification de la connaissance par l’intermédiaire de l’observation et (si possible) de l’expérimentation. C’est donc une méthode empirique, c'est-à-dire fondée sur l’observation ou l’expérimentation dans le but de s’approcher au plus près de la réalité en augmentant nos certitudes à propos de ce qui est vrai et de ce qui est faux. La première question qu’un·e étudiant·e peut se poser, c’est : à quoi ça sert d’étudier cela ? Pourquoi étudier la méthode scientifique, en particulier en psychologie ? Notons la différence entre le concept de « « méthode scientifique et de « méthodologie scientifique ». La méthodologie scientifique est l’étude de la méthode scientifique. Elle consiste à réfléchir à la méthode scientifique, à la décrire, à en cerner les limites, etc. Le présent cours est un cours de méthodologie scientifique, dont l’objectif est d’étudier la méthode scientifique. Mise en situation QUIZ 1 Question 1 A votre avis, à quoi sert d’étudier la méthode scientifique en psychologie ? -La méthodologie scientifique (étude de la méthode) permet aux étudiant·e·s d’évaluer les données recueillies par d’autres. Cela leur permet de repérer ce qui relève d’une démarche scientifique de ce qui ne l’est pas. Et pour émettre cet avis, iels doivent connaître cette démarche. Ainsi, iels pourront formuler des avis qui ne sont pas juste fondés sur des croyances ou des opinions. Iels pourront mieux repérer, dans leur environnement, des données issues d’un travail scientifique de données issues d’intuitions et de croyances naïves. Iels pourront notamment se méfier plus facilement de données « pseudoscientifiques » (qui ont l’air scientifiques, mais qui ne le sont pas, en réalité). Ce jugement critique pourra d’ailleurs s’appliquer à bien d’autres domaines que celui de la psychologie ! Nous verrons plus loin comment ce jugement critique peut s’exercer à travers quelques exemples. -La méthodologie scientifique permet de lire et comprendre la littérature scientifique. Or, pour une bonne pratique, quel que soit le domaine (psychologie clinique, sociale, etc.), il est nécessaire que la ou le psychologue se tienne informé·e des nouvelles connaissances scientifiques produites. 4 -La méthode scientifique est un outil précieux pour la ou le psychologue praticien·ne. Elle peut être utile, par exemple, dans la formation et toutes formes d’interventions en entreprise, la publicité, le marketing, dans des fonctions de décisions, etc. En effet, il s’agit d’un outil précieux d’évaluation et de prise de décision. -ça fait partie de la culture générale de la ou du psychologue. Par exemple, en tant que psychologue spécialisé·e dans la publicité, vous êtes chargé·e par une entreprise de déterminer la couleur de casseroles qui est susceptible de se vendre le plus. Comment faire ? Le plus efficace est probablement de soumettre à des consommateurs et consommatrices potentielles des casseroles de couleurs différentes. Et vous pouvez mesurer, le plus objectivement possible, celle qui fait l’objet des préférences les plus marquées. C’est la base de la démarche scientifique. Autre exemple : Vous avez l’idée de vendre à des entreprises des séances de relaxation et de massage pour cadres supérieur·e·s stressé·e·s (séances réalisées directement au sein de l’entreprise). Vous espérez ainsi diminuer le niveau de stress des employé·e·s. Mais comme vous ne désirez pas vendre un produit dont vous n’êtes pas sûr·e qu’il peut être efficace, vous décidez de l’évaluer. Comment faire ? Comparer le niveau de stress des cadres ayant bénéficié de vos séances de relaxation par rapport à celles ou ceux n’en ayant pas bénéficié. Il s’agit à nouveau d’une base de la démarche scientifique. 5 Introduction générale : la démarche scientifique 1. Quel est l’intérêt d’une approche scientifique en psychologie ? A quoi sert la science ? Quel est l’intérêt d’adopter une démarche scientifique, notamment en psychologie ? Pour répondre à ces questions, commençons par reprendre le Quiz 2 des exercices de la séance 1 afin d’évaluer vos connaissances en la matière. Mise en situation QUIZ 2 Question 1 1. Voici une liste de disciplines. Quelles sont celles qui sont scientifiques et celles qui ne le sont pas ? Souligner les disciplines, qui, à votre avis, relèvent d’une approche scientifique. Cherchez par vous- même les définitions. A. La morphopsychologie B. La psychologie cognitive C. La graphologie D. La psychanalyse E. La programmation neuro-linguistique (PNL) F. L’astrologie G. La neuropsychologie H. La philosophie Question 2 2. Vrai ou Faux ? Voici une liste d’affirmations. Dites si, selon vous, ces affirmations sont justes ou fausses. Souligner les affirmations qui, à votre avis, sont justes. A. Ce qui est scientifique est vrai et ce qui n’est pas scientifique est faux. B. Les scientifiques, dans leur travail, ne doivent jamais se laisser influencer par leur intuition. C. Ce qui n’est pas scientifique n’a aucune utilité. D. Les théories naïves ne peuvent pas devenir « scientifiques ». Réponses Question 1 A. La morphopsychologie : lien entre des caractéristiques physiques (forme du visage, silhouette, etc.) et des caractéristiques de personnalité (esprit ouvert, intelligent, etc.). Approche non scientifique. B. La psychologie cognitive : nature et base des processus complexes de pensée et de raisonnement. Approche scientifique. C. La graphologie : lien entre une forme d’écriture et des caractéristiques de personnalité. Approche non scientifique. D. La psychanalyse. Approche non scientifique. 6 E. La programmation neuro-linguistique (PNL) : apprentissage de la communication et développement de la personnalité. Approche non scientifique. F. L’astrologie : lien entre une date de naissance et des caractéristiques de personnalité. Approche non scientifique. G. La neuropsychologie : mécanismes neuronaux sous-tendant les processus cognitifs. Approche scientifique. H. La philosophie. Approche non scientifique. Question 2 A. Ce qui est scientifique est vrai et ce qui n’est pas scientifique est faux. Faux. Les connaissances qui ont été élaborées de façon scientifique ne sont pas forcément vraies. Elles peuvent toujours être invalidées par de nouvelles observations, de nouvelles données recueillies. Les données scientifiques sont sans cesse remises en cause par de nouvelles découvertes. De même, ce qui n’est pas scientifique n’est pas forcément faux. Souvent, les approches non scientifiques en psychologie sont fondées sur de « bonnes intuitions ». Toutefois, n’ayant pas fait l’objet d’une évaluation « objective », il est souvent impossible de déterminer s’il s’agit de bonnes intuitions ou pas. Exemple : Dans le domaine de la justice. Dans les années 50, une loi a été établie en Allemagne rendant obligatoire l’expertise de crédibilité des enfants victimes d’abus sexuels par les psychologues. Les psychologues ont dû alors pratiquer des expertises à grande échelle, expertises pour lesquelles iels ne disposaient d’aucun outil. Autant dire que c’était un peu la panique chez ces professionnel·les. Heureusement, un psychologue, Undeutsch, a eu l’idée de proposer une technique d’analyse du discours des enfants témoins. Cette technique consiste en un ensemble de 19 critères, qui, s’ils sont présents dans le témoignage de l’enfant, peuvent amener à penser que cet enfant est crédible (par exemple, si l’enfant donne des détails concrets sur le lieu du crime, reproduit les dialogues de façon directe, etc.). Undeutsch a proposé cette technique sur la seule base de son intuition et de son expérience en tant qu’expert. Il n’a absolument pas adopté de démarche scientifique. Conclusion : cette technique est très largement utilisée en Allemagne. Dans les années 90 (il a quand même fallu 40 ans !), certain·e·s scientifiques en psychologie ont décidé d’évaluer objectivement l’efficacité de cette technique. Résultat : elle donne des résultats tout à fait probants. Simplement, certains des 19 critères sont beaucoup plus efficaces que d’autres. Cette évaluation scientifique a alors permis de 1. Vérifier que les intuitions d’Undeutsch étaient de bonnes intuitions 2. Modifier la technique en fonction des résultats obtenus, notamment en supprimant certains critères inefficaces (ce qui allège l’utilisation de la technique par ailleurs très lourde à appliquer). Donc en conclusion, ce qui n’est pas scientifique n’est pas forcément faux, bien au contraire. En adoptant une démarche scientifique, on permet de vérifier ses intuitions, les modifier éventuellement et faire de nouvelles découvertes. Question 2 B. Les scientifiques, dans leur travail, ne doivent jamais se laisser influencer par leur intuition. Faux. Bien au contraire. Les idées de départ des scientifiques sont souvent fondées sur une intuition. Prenons l’exemple de Milgram. Il a eu l’idée de travailler sur l’obéissance à la suite du massacre des juifs par les nazis durant la seconde guerre mondiale. Il avait l’intuition que les nazis n’étaient pas tous des sadiques, mais qu’il pouvait exister un script de l’obéissance chez les gens qui les conduit à se soumettre très facilement à un ordre. C’était une très bonne intuition ! 7 Question 2 C. Ce qui n’est pas scientifique n’a aucune utilité. Faux. La psychologie est une science jeune (100 ans). Donc il reste beaucoup de découvertes à faire et beaucoup de connaissances à vérifier. En attendant, certaines intuitions peuvent être bonnes et utiles pour traiter, par exemple, certains troubles mentaux. Mais si aucune démarche objective n’est entreprise pour évaluer ces intuitions, on ne peut pas savoir si elles sont utiles et on ne peut pas non plus les faire évoluer. En effet, une théorie non vérifiée scientifiquement est une théorie qui n’évolue pas ou peu, car elle n’est pas confrontée aux faits. Question 2 D. Les théories naïves ne peuvent pas devenir « scientifiques ». Faux ! Les théories naïves sont des explications que les gens donnent aux événements qu’ils observent autour d’eux. Ces croyances ne sont bien sûr pas scientifiques, et très souvent erronées. On a un bon exemple avec les proverbes. On dit très souvent « Qui se ressemble s’assemble », mais aussi « Les opposés s’attirent ». Alors, où est la vérité ? On dit très souvent que la séparation crée un manque qui rapproche le couple. Mais on dit aussi « Loin des yeux, loin du cœur » !... Or, la majorité des thèmes en psychologie peuvent faire l’objet d’une évaluation scientifique, y compris les théories naïves. Par exemple, vous voulez évaluer les deux proverbes « Qui se ressemble s’assemblent » et « Les opposés s’attirent » pour trancher entre les deux. Rien ne vous empêche d’adopter une démarche scientifique. Par exemple, vous pouvez recruter plusieurs couples, et évaluer leur degré de ressemblance sur un ensemble de critères (physiques, préférences, etc.) que vous comparez à de « faux » couples que vous avez constitué aléatoirement. Une théorie naïve peut même devenir scientifique un jour, si les scientifiques ont effectué suffisamment d’observations objectives pour s’assurer que le phénomène étudié existe et en ont proposé une explication. Donc, en bref, adopter une démarche scientifique en psychologie, ça sert à : 1. Accumuler plus de connaissances sur l’être humain et progresser dans cette recherche de connaissance. 2. Evaluer ces connaissances pour s’assurer qu’elles s’approchent le plus possible de la réalité (Faire la part des choses entre ce qui est vrai et ce qui est faux). 8 2. Comment savoir ce qui est scientifique et ce qui ne l’est pas ? Mise en situation QUIZ 3 Question 1 Comment sait-on qu’un fait a été produit par une démarche scientifique ? (souligner la ou les bonnes réponses) A. Si le fait a été produit à partir d’une observation objective. B. Si le fait a été produit en se fondant sur le sens commun. C. Si le fait émane d’une théorie. D. Si le fait est établi par un ou une scientifique. E. Si le fait est statistiquement significatif. Correction A. Si le fait a été produit à partir d’une observation objective. Vrai. C’est une des conditions obligatoires pour parler de « démarche scientifique ». B. Si le fait a été produit en se fondant sur le sens commun. Faux. Il est dangereux de se fonder sur le sens commun, car il peut véhiculer un ensemble de théories naïves, croyances erronées, etc. C. Si le fait émane d’une théorie. Faux. Il faut que cette théorie soit scientifiquement fondée et que l’hypothèse découlant de cette théorie ait été testée par une observation objective. Dans ce cas seulement, on peut parler de fait « scientifique ». D. Si le fait est établi par un ou une scientifique. Faux. Attention à l’autorité et la crédibilité véhiculée par les scientifiques (cf. effet de la « blouse blanche »). Il est très facile de manipuler un public non averti avec une apparence de scientificité. Certains scientifiques usent de la crédibilité associée à leur fonction pour faire passer des messages non scientifiques, ou manipuler l’opinion. E. Si le fait est statistiquement significatif. Faux. Tout dépend de la méthode utilisée pour aboutir à ces résultats chiffrés. Par exemple, si des biais existent dans la façon de mener l’étude dans un but de manipulation du ou de la lectrice (ou l’auditeur·rice), alors les résultats chiffrés ne veulent rien dire. De manière générale, tout indice statistique ne veut absolument pas dire que c’est scientifique. Bien au contraire. Se méfier des chiffres. Toujours s’intéresser à la source des résultats chiffrés (c’est un ou une scientifique qui est à l’origine de ces chiffres ? Ou pas ?), à la méthode ayant conduit à les récolter et à la manière avec laquelle ils sont présentés (vérifier que les chiffres ne sont pas présentés de façon non objective dans le but de manipuler la lectrice ou le lecteur. Par exemple, lorsqu’un·e journaliste annonce que la délinquance a diminué sur les trois derniers mois. Se demander : diminution par rapport à quoi ? Aux chiffres des trois mois précédents ? Dans ce cas, est-ce une comparaison valable ? Ne vaut-il pas mieux comparer ces chiffres avec ceux de l’année précédente pour les mêmes mois ? Les modes de classification des actes de délinquance ont-ils été modifiés ? etc.) 9 Donc, pour vérifier qu’un fait a été obtenu de manière scientifique, plusieurs critères doivent être remplis. 1. Le premier critère est de vérifier si des observations ont été réalisées. C’est la principale différence entre une démarche scientifique et non scientifique. Pendant très longtemps, on a pensé que la meilleure manière d’obtenir de la connaissance était d’explorer le monde par la pensée pure ou la réflexion (c’est le cas, par exemple, de la philosophie). Aujourd’hui, les êtres humains sont convaincus de l’intérêt d’une approche scientifique fondée sur l’observation pour certains domaines comme la médecine, la physique, la chimie. Mais il n’en a pas toujours été ainsi. Et il reste à convaincre certaines personnes de l’intérêt d’une telle démarche en psychologie. Ces observations doivent répondre à deux exigences : - ces observations doivent être objectives : la place accordée à la subjectivité des scientifiques doit être limitée. Ceci implique notamment de réaliser des observations sans biais méthodologiques. Exemple : une chercheuse a mis au point une lotion qui vise à diminuer les douleurs liées à l’arthrose. Pour évaluer l’efficacité de son produit, elle compare deux groupes de femmes : celles ayant bénéficié du médicament et celle n’en ayant pas bénéficié. Et elle demande ensuite aux femmes d’évaluer le degré de douleur ressentie. La chercheuse observe une différence en faveur de sa lotion. Mais, au moins deux biais existent dans cette étude. Le premier est lié au fait que c’est la chercheuse elle-même qui récolte les mesures. Or, celle-ci est extrêmement motivée à démontrer que sa lotion est efficace. Même si elle n’a pas l’intention de falsifier ses résultats, elle peut quand même influencer les réponses des participantes par son comportement (non verbal, notamment : hochements de tête, sourires, etc. plus fréquents dans un groupe que dans l’autre) ou commettre des erreurs non intentionnelles dans le traitement de ses données (erreurs de statistiques, etc.). En psychologie sociale, on connaît ce phénomène : c’est l’autoréalisation des prophéties. Le deuxième biais dans cette étude est lié aux participantes elles-mêmes. Dans une condition, les femmes reçoivent une lotion et dans l’autre pas. L’efficacité observée est-elle due aux substances actives contenues dans la lotion ? Ou est-ce simplement dû au fait de se passer une lotion sur le corps ? Dans ce dernier cas, c’est un effet purement psychologique (appelé « effet placebo »). Il est important de déterminer à quoi est dû l’effet de la lotion. Si c’est un effet seulement psychologique, le produit devient moins intéressant. Pour contrôler ce biais, il faudrait que les femmes des deux groupes se passent de la lotion. Simplement, dans un cas, la lotion contient les substances actives et pas dans l’autre…. Si ces deux biais ne sont pas corrigés, le caractère objectif des observations effectuées est sérieusement compromis. - ces observations doivent être systématiques : elles doivent être structurées, et non pas aléatoires. En effet, les scientifiques doivent savoir ce qui doit précisément être observé. Si iels n’ont pas un minimum d’attentes (d’hypothèses), leurs observations ne seront pas structurées, et iels ne pourront rien conclure. La plupart du temps, la théorie sert de guide pour effectuer des observations très précises. La théorie indique où regarder dans la réalité. Exemple : un chercheur veut connaître le lien entre des caractéristiques de l’écriture et des traits de personnalité. Mais que doit-il observer pour vérifier cela ? Combien de formes d’écriture ? Sur quels critères ? Qu’entend-il par « personnalité » ? Quels sont les aspects qu’il doit observer ? Tant qu’il ne développe pas d’attentes plus précises, le chercheur ne va pas savoir par quel bout commencer et quoi mesurer ! En revanche, s’il suppose que les gens dynamiques ont une écriture plus penchée sur la droite que les gens moins dynamiques (il s’agit d’un exemple fictif), alors il va pouvoir mesurer le degré d’inclinaison de l’écriture sur la droite, et mettre cette mesure en relation avec le degré de dynamisme de ses participant·e·s tel que mesuré par un questionnaire de personnalité validé. Ici, le chercheur sait exactement quoi mesurer. 10 2. Ces connaissances doivent être vérifiées publiquement. En effet, les scientifiques doivent rendre publiques leurs productions. Sous quelle forme ? -en les présentant à la télévision, à la radio, dans les journaux grand public (La Recherche, Sciences-Humaines, etc.), dans des livres écrits dans un langage accessible à tous. Cet exercice de vulgarisation permet de justifier leur travail devant la société et, pour les scientifiques, de se confronter à la critique. Les données scientifiques peuvent parfois avoir un impact sur les décisions politiques. -en réalisant des conférences dans des congrès et colloques ouverts au grand public ou réservés à un public très spécialisé. Dans ce dernier cas, les scientifiques peuvent ainsi bénéficier des échanges avec leurs pairs et soumettre leur travail à la critique. -en publiant des articles dans des revues et des livres spécialisés. Mise en situation Vous trouverez un ou deux exemples d’articles scientifiques issus de revues spécialisées sur votre espace de cours. Le contenu de ces articles n’est pas à apprendre. Il s’agit juste de vous donner une idée concrète de ce dont il s’agit. Lorsque les scientifiques envoient un article dans une revue spécialisée, leur travail est évalué par deux ou trois autres les scientifiques, expert·e·s du domaine (souvent anonymes). Ces expert·e·s vont commenter le travail effectué en émettant des suggestions d’amélioration tant sur la théorie et la méthode que les analyses statistiques et interprétations qui en découlent. La publication de l’article ne sera acceptée que si celui-ci a été évalué comme suffisamment justifié au niveau théorique et valable au niveau de la méthode. Les revues n’ont pas toutes le même niveau de prestige. Les plus prestigieuses sont celles, en général, qui sont les plus diffusées (le plus vendues). Plus la revue est prestigieuse, plus le taux d’acceptation des articles est faible. Dans certaines revues (en général, américaines), moins de 20 % des articles soumis sont acceptés au final. C’est dire la sélection, et la qualité que doit posséder le travail soumis. Ce processus de publication est essentiel pour garantir l’intégrité de la recherche. C’est le seul moyen, pour les scientifiques, de : -bénéficier d’une évaluation la plus objective possible de leur travail -donner la possibilité aux autres scientifiques de répliquer leur travail. La réplication est fondamentale. C’est le meilleur moyen de s’assurer que les observations effectuées par les scientifiques sont objectives et que le phénomène mis en évidence n’est pas seulement le fruit du hasard (ce qui arrive souvent) ou le résultat d’un biais (ex. autoréalisation des prophéties dont nous avons parlé plus haut). Les autres scientifiques, à la lecture de l’article, doivent posséder toutes les informations nécessaires pour reproduire à l’identique l’étude. Cela explique les normes très strictes avec lesquelles les articles publiés sont écrits. Ils comportent, en principe, une partie théorique, une partie méthode très détaillée, une partie résultats, une partie discussion et une partie références. Si de telles normes n’existaient pas, l’article pourrait être incomplet (ce qui rendrait la réplication impossible) et les scientifiques passeraient beaucoup de temps à rechercher une information précise au bon endroit dans l’article. 11 Donc, en conclusion, si une connaissance a été obtenue scientifiquement, on doit pouvoir obtenir : -une argumentation théorique minimale, et une hypothèse. -des informations sur la méthode de recueil des données utilisée -des chiffres (résultats de l’observation). Attention, rappel : tout résultat chiffré n’est toutefois pas forcément le résultat d’une démarche scientifique ! -des références bibliographiques précises indiquant qu’une évaluation par des expert·e·s a été accomplie. Attention, là aussi, à la manipulation de certaines personnes mal intentionnées qui utilisent des noms de scientifiques connus pour crédibiliser leur production. Attention, également, à certains scientifiques qui développent certaines approches qui, elles, ne sont pas scientifiques du tout. Mais comme iels sont crédibles, iels peuvent avoir un certain impact sur le public (Les médecins, notamment). Quand vous achetez un livre de psychologie dans le commerce, vous pouvez vérifier si ces aspects sont présents (vérifier notamment la présence d’une bibliographie, et le type de références citées). S’ils sont présents, vous avez plus de chances d’avoir affaire à un livre fondé sur des données scientifiques. 12 SEANCE 2 LA DEMARCHE SCIENTIFIQUE (Partie 2) Objectifs pédagogiques : A l’issue de cette séance, vous devez être capable de… …nommer et définir les caractéristiques de la réalité, point de départ de la démarche scientifique …nommer et expliquer les étapes de la démarche scientifique …définir la notion de « quasi-expérience » …définir les notions de « loi » et « théorie » en science …définir les notions de « raisonnement déductif » et « raisonnement inductif » Organisation de la séance : Commencez par lire les questions puis lisez les lectures en ayant une lecture ciblée. Procédez ensuite à une autocorrection avec l’aide des informations qui vous sont données dans la correction. Puis prenez connaissance de l’auto-formation et effectuez les quiz de la séance 2. Procédez à une autocorrection. Matériel : Le matériel est inclus dans ce fascicule. Les Quiz relatifs au contenu de cette séance sont disponibles sur l’espace de cours ENT. Vous retrouverez les textes, en doublon, sur l’espace ENT si ces derniers n’étaient pas très lisibles dans le fascicule. 13 FICHE DE LECTURE « CE QUI EST SCIENTIFIQUE ET CE QUI NE L’EST PAS » Questions sur les articles ci-après: 1. texte 1 (Evrard): A votre avis, pourquoi la morphopsychologie ne peut-elle pas être considérée comme une science ? 2. texte 1 : Comment l’auteur (Evrard) s’y prend-elle pour donner un caractère scientifique à la morphopsychologie ? 3. texte 2 : En quoi la démarche adoptée par Pradalier, Launay & Digue (1998) se différentie-t-elle de l’approche d’Evrard concernant la morphopsychologie? 4. texte 2 : A votre avis, pourquoi les chercheurs ont introduit un groupe « céphalées de tension »? 5. texte 2 : Que signifie « Étude contrôlée en simple aveugle » ? 14 Texte 1 La Morphopsychologie, une approche constructive de compréhension des individus. Par Eliane Evrard Revue Ensemble, juin 1998 Eliane Evrard était morphopsychologue-conseil. Elle a été professeur et responsable de l’enseignement au Centre Universitaire d’Etudes Graphologiques et Morphopsychologiques (C.U.G.M) de l’Université Catholique de Lille de 1981 à 1994. Elle était membre du jury d’examens de la Société Française de Morphopsychologie. Depuis l’antiquité, on a toujours pensé qu’il existait des correspondances entre les formes corporelles d’une part et les aptitudes intellectuelles des individus d’autre part. On estimait pouvoir connaître la personnalité de quelqu’un en considérant sa morphologie. C’était là une connaissance purement empirique. Pour qu’elle devienne scientifique, il fallait découvrir les lois qui régissent ces relations entre les formes biologiques et la vie psychique. Ceci est apparu à une époque récente grâce au Dr Louis Corman, qui par sa formation, son intérêt tout particulier pour le comportement humain, et son exceptionnel esprit de synthèse, a pu édifier les bases d’une science nouvelle appelée morphopsychologie. Psychologie signifie l’étude des phénomènes psychiques, morphologie, l’étude des formes. Le terme fut utilisé par Goethe pour nommer une science de la forme corporelle qui cherche d’une part à classer les individus en types, et d’autre part, à établir des concordances entre les signes physiques et les émotions ou les tendances du caractère : ainsi, visage ouvert, caractère ouvert… Les premières classifications typologiques connues sont fondées sur les travaux d’Hippocrate (470 avant Jésus- Christ) avec les quatre tempéraments. L’être humain est le siège, d’après lui, de quatre humeurs : l’eau, le sang, la bile et le flegme (ou atrabile). Quand l’une de ces humeurs prédomine par rapport aux trois autres, on peut différencier les sujets en La figure 1 présente les morphologies lymphatiques, sanguins, bilieux ou corporelles correspondant aux quatre atrabilaires, et ceci entraine chez chacun tempéraments d’Hippocrate. On peut un comportement différent, tant par ses remarquer que le lymphatique se affinités, ses fragilités que par ses moyens rapproche de la forme du petit enfant, le de défense. Il attache beaucoup sanguin de l’adulte, le bilieux de l’adulte d’importance à l’observation des malades plus combatif, et le nerveux (ainsi et aux symptômes qu’ils présentent, mais dénommé ultérieurement) du vieillard aussi au tempérament et au milieu dans replié sur lui-même. Chaque jour, il nous lequel ils vivent. Le malade devient une est permis de rencontrer des sujets ayant « entité », la notion d’individualité des statures à peu près analogues, de s’impose. n’importe quel âge. Au centre, le type « canon », chez lequel les quatre humeurs seraient à peu près d’égale importance, et que l’on présume équilibré. Un siècle plus tard, Aristote découvre une corrélation entre la morphologie des animaux et leur comportement et propose 15 des analogies avec les humains (oiseau, la personnalité, le gribouillis, les dessins de mouton, cochon, taureau, renard, etc.). Il famille, et surtout le test patte noire étudié énonce surtout une chose essentielle, pour et mis en application dans toutes les les uns comme pour les autres : « Ce qui facultés de psychologie. Passionné d’autre est durable dans la forme exprime ce qui part par la psychologie des profondeurs de est immuable, et ce qui est mobile et Nietzsche, il écrivit sur le sujet un livre fugace exprime ce qui dans cette nature remarquable, résultat d’une vie entière de est contingent et variable ». Chez les réflexion. humains, ce qui est durable, c’est le bâti Véritable fondateur de la osseux et ce qui est variable, c’est le morphopsychologie, le docteur Corman modelé des chairs, les mimiques, les (fig. 3) a pu l’utiliser jour après jour et en attitudes. constater le bien-fondé. L’une des idées-forces de Corman était celle-ci : « La vie est mobilité, elle est dynamisme ». La connaissance de l’enfant ne doit pas le pétrifier, le figer en un objet immobile. Elle doit au contraire s’efforcer de suivre le mouvement même de la vie, surtout dans ces phases de l’existence où la Evidemment, depuis deux mille ans, un croissance modifie sans cesse l’équilibre nombre considérable de chercheurs se des forces en présence. Quand on regarde sont penchés sur l’être humain et il est clair grandir l’enfant, on est émerveillé devant que la découverte du Dr Corman résulte de le spectacle chaque jour renouvelé du tout ce qui s’est fait avant lui. mystère de la vie, de la vie dans sa plénitude, créatrice de fonctions et de Les travaux de Corman formes. Nous savons que d’incessantes Né à Roubaix en 1901, décédé à mutations fonctionnelles s’accomplissent Nantes en 1995, Louis Corman entreprit dans l’intimité secrète de notre organisme. des études de médecine générale, puis se Mais nous savons aussi que ces mutations spécialisa en pédiatrie. Impressionné par le nous restent en grande partie cachées. En nombre important d’enfants malades revanche, les transformations marqués par leur milieu environnant, il morphologiques qui les accompagnent s’investit dans la psychiatrie. Préférant la sont constamment sous notre regard et, si vie de Province à celle de la capitale, il nous savons observer, elles vont, à chaque travailla pendant plus de trente ans à étape de l’existence, nous révéler ce qui se l’Institut psychiatrique de Nantes où il passe dans les profondeurs. termina comme médecin-chef, d’abord Il existe une corrélation constante soignant les enfants, puis les adultes, avec entre fonction et forme. Découvrir la loi cet avantage d’avoir pu suivre en tant des corrélations peut nous fournir une qu’adultes certains des enfants qu’il avait méthode d’étude vivante de l’être humain, vus auparavant. Marié et père de six et par là nous éviter les erreurs qui enfants, il sut aussi ce qu’était la vie de entachent toutes les méthodes statiques, famille. Il put mener en parallèle de incapables de suivre l’être vivant dans sa nombreuses recherches et applications mobilité. Telle est, entre autres, la psychologiques. Sa production est méthode morphopsychologique. impressionnante dans son domaine C’est à Claude Sigaud, médecin particulier : une bonne quarantaine de lyonnais du début du siècle, que Corman livres. Il est à l’origine de nombreux test de doit d’avoir établi la loi qui régit les 16 corrélations morphophysiologiques : la loi conservation (utiliser toute son énergie de dilatation-rétraction. Cette découverte a pour se maintenir en vie). rendu possible l’analyse des réactions de Considérer l’être comme une totalité chaque type d’homme dans la maladie, indivisible, c’est donc voir les fonctions réactions qui constituent l’élément organiques, le psychisme et la essentiel de notre connaissance du morphologie, comme trois aspects d’une tempérament individuel, et de l’évolution même réalité fondamentale, mais des états morbides chez chaque sujet exprimée dans des registres différents. particulier. Lors de l’observations quotidienne des On a retrouvé tout récemment cette enfants, on ne peut manquer de antique conception en constatant la s’apercevoir qu’au long de leur croissance fréquence dans les maladies des troubles comme à l’occasion des maladies, les dits psychosomatiques, ce terme modalités réactionnelles de leur soulignant bien les relations intimes du tempérament et les manifestations de leur psychique et du somatique. Lorsqu’on vie psychique sont très étroitement étudie l’être humain sous l’angle du mêlées. On sait combien l’entourage tempérament, on se trouve amené à affectif favorable ou défavorable d’un considérer que la morphologie ne révèle enfant (et même d’un adulte) est source pas seulement les fonctions organiques, d’épanouissement ou à l’inverse de comme Sigaud l’avait montré, mais aussi régression. Ceci prouve une dynamique les fonctions psychiques, le caractère et permanente avec modification apparente l’intelligence de chacun, comme l’a des structures. constaté Corman. Pour tout, la chaleur dilate, le froid La loi de dilatation-rétraction est la rétracte. Ce double mouvement suivante : l’opposition bien connue des d’expansion et de rétraction se rencontre morphologies des gros et des maigres partout dans la nature ; nous pensons à la répond à une loi biologique fondamentale : progression des saisons depuis la il existe une différence profonde de germination, la production, le temps des réactions face aux maladies qui est liée à récoltes et puis celui du sommeil apparent leur différence de sensibilité. Les gros à de l’hiver… à l’opposition du jour et de la dominante lymphatique ou sanguine sont nuit servant à la récupération, au peu sensibles, c’est-à-dire qu’ils perçoivent mouvement des marées, flux et reflux … mal ce qui leur nuit, ce qui ne leur convient Physiologiquement chez l’homme, dans le pas, ni jusqu’où ils peuvent aller, et les cadre de l’activité réflexe (l’arc réflexe maladies les atteignent en profondeur sans élémentaire), l’influx nerveux part du qu’il y ait eu avertissement, alors que les récepteur sensible jusqu’au neurone maigres (les bilieux et les nerveux), effecteur. Ainsi, les organes des sens (les hypersensibles aux moindres modifications yeux, le nez, la bouche, les oreilles et la du milieu ambiant, se rétractent à la plus peau) vont se détendre ou se resserrer lors petite atteinte de l’organisme, avec pour des contacts avec des éléments ressentis conséquence un comportement sur la favorables ou nocifs. défensive, bien moins détendu, moins jovial dès qu’ils sont dans une ambiance [ ] qui ne leur convient pas. On peut donc conclure que la Morphopsychologie et autres typologies. dilatation accompagne l’instinct Les expansions électives peuvent être d’expansion (s’accroître grâce à tous les assimilées aux fonctions de Jung dont apports de la vie) et la rétraction celui de la Corman s’est vraisemblablement inspiré, 17 les types sensation, sentiment, pensée, sujet peut, par sa structure, dépasser ou voire intuition. Tout au long de sa carrière rester fixé à un stade de croissance, grâce à de psychanalyste, Jung a pu constater les sa tonicité fondamentale plus ou moins réactions différentes de patients se grande, à sa prise de conscience intérieure trouvant pourtant dans des situations plus ou moins aigüe des situations vécues. identiques. La loi morphopsychologique explique bien cela. Un type à expansion Conclusion instinctive dominante (pour Jung, un type Ceux qui ont étudié la « sensation ») accordera moins morphopsychologie sont totalement d’importance aux sentiments dans une convaincus de la solidité de leur approche, relation qu’un type à expansion affective car ils en vivent l’expérience à tout dominante (chez Jung type « sentiment »). moment. Si elle développe le sens de Jung a également insisté sur l’orientation, elle porte aussi à l’indulgence l’extraversion et sur l’introversion. Cela et accroît notre respect pour l’être humain rejoint quelque peu l’instinct d’expansion qui est toujours pour nous un sujet, jamais et l’instinct de conservation et, à quelques un objet. nuances près, la dilatation et la rétraction Les débouchés de la chez Corman. Corman a aussi appliqué la morphopsychologie ? Nombreux ceux qui morphopsychologie à la caractérologie de souhaitent en faire un outil professionnel René le Senne dont le traité a été écrit en pour l’orientation, pour la sélection. Ceci 1949. Le caractère peut être primaire est possible, pour autant que l’on soit bien (instantané, spontané, ce qui s’inscrit dans au courant des métiers et des modes de la morphologie par l’ouverture des organes formation. Elle est surtout un atout des sens et le profil ouvert, ou secondaire considérable d’aide à la compréhension (avec un temps d’arrêt ou de réflexion, des gens que nous côtoyons, et convient à visible par le redressement du profil et tous ceux qui sont en relation avec les l’abritement des organes des sens). Mais autres : toutes les professions Corman a ajouté que cela pourrait se vivre commerciales, l’enseignement, le médical en alternance chez les types mixtes, selon et le paramédical, les juges, les avocats, la que l’ambiance soit connue ou nouvelle, police, les sciences humaines, les langues, car en milieu habituel la plupart des gens le tourisme, le monde du spectacle… la vivent en primaires, alors qu’en milieu liste est longue. L’enseignement qui est inconnu, si la rétraction est quelque peu prodigué à l’Université catholique de Lille inscrite dans le visage, elle se manifestera prouve qu’elle a vivement intéressé les par une attitude de recul, de secondarité. gens de formations les plus diverses, et Pour terminer, signalons que les presque toujours avec le même instances de la personnalité mises en enthousiasme. Il est à noter évidemment évidence par Freud, le ça, le moi, le surmoi, que cette matière intéresse davantage les permettent aux morphopsychologues de affectifs et les cérébraux, ou les deux comprendre davantage les comportements réunis, car cela demande aussi un en se référant aux trois étages, l’instinctif, important investissement de recherche. Le l’affectif et le cérébral, de même que Dr Corman assurait que les limites de la l’étude des stades freudiens qui expliquent morphopsychologie étaient celles du l’évolution psychologique des individus où, morphopsychologue… Il en est bien ainsi, en cas de difficulté de quelque ordre que mais n’est-ce pas vrai pour n’importe ce soit, il y a possibilité de régresser. Selon quelle spécialisation ? sa morphologie, et son tempérament, le 18 Texte 2 Graphologie et Migraine A. Pradalier, J.M. Launay & C. Digue (version abrégée) Revue Européenne de Psychologie Appliquée, vol.48 (3), 1998 Certaines caractéristiques de l’écriture sont considérées par les graphologues comme reflétant certains traits de caractère. Aussi, la graphologie est-elle utilisée par des entreprises industrielles ou commerciales. Certains graphologues estiment même qu’il est possible de déterminer l’aptitude ou non à la céphalée d’un individu par son étude graphologique. Cependant, un article récent de Driver et al. était critique sur cette technique. Il n’existe pas, à notre connaissance, d’étude contrôlée sur ce sujet. Aussi avons-nous décidé de réaliser une étude en comparant les caractéristiques graphologiques de sujets normaux ou présentant une migraine ou une céphalée de tension. Matériels et méthodes Le protocole d’étude contrôlée a été réalisé chez 3 groupes de sujets féminins âgés de 20 à 50 ans, ne prenant pas de traitement en période non céphalalgique, 10 sujets normaux sans pathologie connue, notamment céphalées, 20 sujets migraineux, 10 sujets ayant une céphalée de tension. Le diagnostic de la céphalée a été porté selon les critères de l’International Headache Society. Le choix des teste graphologiques et l’étude graphologique ont été faits par l’un des auteurs : recopiage au crayon d’un texte extrait du scenario du film de Louis Malle : « Au Revoir les Enfants », test de l’arbre selon la méthode de Renée Stora. Les textes étaient analysés par le graphologue de manière anonyme, sans connaître les patients ni leur diagnostic clinique. L’étude statistique des tableaux de contingence a été réalisée grâce au calcul du c2 pour échantillon indépendant et pour les tableaux 2 X 2 grâce au test de Fisher. Résultats A la fin de cette étude contrôlée, simple aveugle, la répartition dans les 3 groupes : sujets normaux, migraines, céphalées de tension, a été réalisée par le graphologue selon le tableau II de l’article. Les analyses des tableaux de contingence 2 X 2 indiquent pour les comparaisons : Migraine/témoin : différence non significative tant pour le c2 que pour le Fisher (p = 0.3059) Céphalée de tension/témoin : différence significative tant pour le c2 (p < 0.02) que pour le Fisher (p = 0.0271) Témoin/céphalalgique (migraine + céphalée de tension) : différence non significative tant pour le c2 (p >.0.05) que pour le Fisher (p = 0.0881). Cette étude contrôlée en double aveugle n’a donc pas permis d’établir le diagnostic de « migraine » à partir des caractéristiques graphologiques des sujets testés ni d’aider au diagnostic de céphalée de tension. Par contre, dans cette étude, la graphologie apparaît susceptible d’aider au diagnostic de « céphalalgique ». Nous serons cependant extrêmement prudents dans la mesure où elle porte sur un nombre réduit de sujets testés, et que le graphologue connaissait l’existence de 3 groupes (normaux, céphalée de tension, migraine), mais il n’avait aucune connaissance du diagnostic posé par le clinicien. Il n’est donc pas possible de définir une personnalité migraineuse à partir de l’écriture seule. La comparaison de nos résultats et les effectifs théoriques (Tableau II), indique que les écarts les plus importants entre le diagnostic clinique et la graphologie portent sur le fait que le graphologue déclare que souffrent de migraine plus de sujets souffrant de céphalée de tension que ceux que l’on observerait dans le cadre d’indépendance entre les deux classifications. Conclusion Nos résultats négatifs montrent les limites de la graphologie au moins dans cette étude avec les tests choisis par le graphologue. D’autres études contrôlées pourraient être faites avec d’autres tests graphologiques. Nos résultats corroborent de manière indirecte les études sur les caractéristiques psychologiques des sujets présentant une migraine ou une céphalée de tension dans la mesure où ces dernières n’ont pas retrouvé de profil psychologique type de ces pathologies. 19 FICHE DE LECTURE « CE QUI EST SCIENTIFIQUE ET CE QUI NE L’EST PAS » Mise en situation Correction sur les textes Réponse - Question 1 A votre avis, pourquoi la morphopsychologie ne peut-elle pas être considérée comme une science ? Pour au moins deux raisons : 1. Faiblesse au niveau des appuis théoriques ð Sources très imprécises : « on » => on a toujours pensé => théorie naïve, on estimait……….., on a retrouvé, on sait combien….. Pas de noms d’auteur·e·s cités, pas de références bibliographiques. ð Des théories implicites => visage ouvert, caractère ouvert + les lymphatiques et les sanguins sont peu sensibles, alors que les nerveux et les bilieux sont hypersensibles + le type canon est l’individu parfait, « équilibré »=> théorie naïve qui peut avoir des conséquences négatives dans une société donnée si de telles images sont véhiculées (cf. type arien dans l’idéologie nazie) 2. Aucune démarche méthodologique pour obtenir des observations « objectives » ð A la rigueur, on peut noter par moment un semblant de méthodologie : *Premier paragraphe : Hippocrate aurait fait des observations de malades, de leurs symptômes (« Il attache beaucoup d’importance à l’observation des malades et aux symptômes qu’ils présentent»), de leur tempérament et de leur milieu de vie. C’est effectivement par là qu’il faudrait commencer. Mais rien n’est dit sur la méthode. => Combien d’observations ont été effectuées ? Comment ? Dans quel but ? Résultats précis ? *p. 95 : « on » a constaté la fréquence dans les maladies des troubles psychosomatiques => Néanmoins : source ? Méthode ? Chiffres ? Résultats ? Ect. ð Dans sa conclusion : « on s’aperçoit que c’est une approche solide quand on vit l’expérience à tout moment » => validation de la discipline par des observations strictement subjectives. Réponse - Question 2 Comment l’auteur (Evrard) s’y prend-elle pour donner un caractère scientifique à la morphopsychologie ? Recours aux expert·e·s => l’inventeur de la morphopsychologie est un médecin, Corman => l’auteure insiste beaucoup sur sa formation, et ce, dès le début de l’article : il a une formation scientifique, il a un intérêt pour le comportement humain, il a l’esprit de synthèse, il a fait des études de médecine générale, de pédiatrie et de psychiatrie, il a terminé médecin-chef, il a mené de nombreuses recherches =>, mais on ne sait pas combien, lesquelles, sur quoi, comment ? Et où rechercher les résultats de ces recherches ? Il est à l’origine du test « patte noire » qui est effectivement un test célèbre *ce sont effectivement des qualités attendues d’un ou d’une scientifique =>, mais une personne qui possède une formation scientifique n’adopte pas forcément une démarche scientifique. Toutefois, on sait quel est l’impact des expert·e·s sur l’opinion publique => figure d’autorité à laquelle on se soumet parce que formation prestigieuse, âge souvent respectable, statut social élevé, et on lui accorde facilement toute crédibilité (on ne peut pas prouver 20 qu’elle ou il a tort, on le croit digne de confiance). Se méfier des sources soi-disant scientifiques Référence aussi à Goethe, Hippocrate, Aristote, Nietzsche, Jung, Freud (mais on n’est même pas sûr que Corman s’est inspiré de ces travaux « Corman s’est vraisemblablement inspiré »). Recours à des disciplines crédibles Psychologie, biologie, physiologie. Utilisation de termes scientifiques ð « connaissance empirique, lois, science, étude, observation, corrélation (mais on ne découvre pas une corrélation, on la calcule !), chercheurs, découverte, méthode morphopsychologique, analyse des réactions, fréquence, influx nerveux, neurone effecteur, extraversion/introversion » En résumé : Se méfier de toute apparence scientifique. Quand on doit évaluer un écrit, un article, un livre pour savoir s’il est fondé sur un savoir scientifique ou pas, il est conseillé de : ð évaluer la base théorique (notamment vérifier si des références bibliographiques existent et s’il s’agit de références de travaux scientifiques) ð toujours se renseigner sur la formation des personnes à l’origine de l’écrit : des chercheurs ou chercheuses ? Quelle formation ? Mais se méfier en même temps des effets d’une source crédible d’un message. ð repérer si de l’information est donnée sur la méthode de recueil des données (signe d’une observation objective) ð des résultats (même minimaux) doivent apparaître. Conclusion La morphopsychologie n’est pas scientifique. Toutefois, elle peut avoir des conséquences négatives importantes dans nos sociétés ð l’auteure, en conclusion, affirme que la morphopsychologie incite à l’indulgence et au respect pour l’être humain, ð mais deux lignes plus loin, elle précise que la morphopsychologie peut être utilisée comme un outil pour la sélection. C’est contradictoire avec la notion de respect, d’autant que cette sélection se fait par les caractéristiques physiques. Et plus loin enfin, elle indique que la morphopsychologie devrait surtout intéresser les affectifs et les cérébraux => respect et tolérance ? On doit avoir la même attitude méfiante vis-à-vis de la graphologie, de la PNL, de l’analyse transactionnelle, de l’astrologie, de la numérologie, etc. Cela ne veut pas dire que toutes ces approches sont fausses, mais elles n’ont aucun fondement scientifique. Donc, on ne peut pas savoir si ce qui est affirmé est juste ou faux. 21 Réponse - Question 3 En quoi la démarche adoptée par Pradalier, Launay & Digue (1998) se différentie-t-elle de l’approche d’Evrard concernant la morphopsychologie? Il s’agit d’une démarche scientifique. 1. Il y a un minimum de références à des travaux antérieurs sur la graphologie (Toutefois, ces travaux n’étant pas nombreux, les références sont nécessairement limitées) 2. Il y a présence d’une hypothèse = Il est possible d’établir un diagnostic de migraine à partir des caractéristiques graphologiques des patients. 3. Description précise de la méthode et du matériel = pas toujours suffisant pour être sûr que c’est scientifique, mais doit obligatoirement figurer dans n’importe quelle communication scientifique ð pourquoi ? pour que d’autres scientifiques puissent reproduire la recherche telle quelle + pour qu’il puisse y avoir un échange dans la communauté, et critiquer éventuellement quand certains biais ont été introduits. Toutefois, à noter que dans cette étude, il manque des éléments sur les critères objectifs sur lesquels s’est fondée la graphologue pour catégoriser les sujets. 4. Recueil de données objectives Ces données objectives reposent sur la comparaison : c’est la méthode préférée dans la plupart des études en psychologie => méthode expérimentale toujours fondée sur la comparaison. Utilisation de tests statistiques pour savoir si les différences sont dues au hasard ou à la manipulation expérimentale. (en termes de différence « significative ») 5. Le problème dans cette étude : les groupes ne sont pas équilibrés au niveau des effectifs. Néanmoins, les auteur·e·s apportent des conclusions prudentes : ils ou elles critiquent leur propre travail (dans la discussion d’un article, toujours donner les limites de l’étude). Réponse - Question 4 Pourquoi avoir introduit un groupe : céphalées de tension ? ð Si on obtient une différence dans l’écriture, on ne peut pas être sûr que ce soit juste dû à la migraine. Cela peut être provoqué par n’importe quel mal de tête. ð Si on veut pouvoir poser un diagnostic spécifique à la migraine, ajouter un groupe de comparaison similaire est nécessaire. Réponse - Question 5 Que signifie « Étude contrôlée en « simple aveugle » : ð Le graphologue ne connaît pas le diagnostic posé par le médecin et les textes sont anonymes. C’est important pour limiter l’influence de la subjectivité du graphologue (mais il aurait fallu en plus qu’il ne sache pas que les sujets étaient répartis en 3 groupes « sans pathologie – migraine – céphalée de tension »). ð La procédure en simple ou double aveugle prévient des effets de confirmation des hypothèses ou de biais de l’expérimentateur·rice. Les participant·e·s et/ou les expérimentateurs·rices sont aveugles aux traitements que subissent les participant·e·s (par ex. Un·e participant·e qui ne sait pas si elle ou il est dans la condition test ou placébo ; Un·e expérimentateur·rice ne sait pas si le ou la participante est dans la condition test ou placébo). 22 NOTE THEORIQUE LA DEMARCHE SCIENTIFIQUE Le point de départ de la démarche scientifique : la réalité La démarche scientifique part de la réalité qui nous entoure. Cette réalité possède, au moins, trois caractéristiques importantes pour les scientifiques. 1) Tout d’abord, elle est vaste, c'est-à-dire composée de très nombreux phénomènes. Par exemple : Si je lâche mon crayon, il tombe par terre. Il pleut parfois. Il fait nuit une partie de la journée. Les humains ont des enfants. Certains êtres humains sont dépressifs, etc. 2) Elle est également complexe. Chaque phénomène résulte de l'action simultanée de plusieurs éléments. En effet, il est rare qu’un phénomène ne puisse être expliqué que par un seul élément. Par exemple : Une personne est dépressive. La dépression peut provenir d’un effet conjugué d’un traumatisme vécu pendant l’enfance, du décès récent d’un proche, d’un problème hormonal et d’un surmenage professionnel. 3) Mais, la réalité doit posséder une troisième caractéristique indispensable pour envisager un travail scientifique : la réalité doit être un minimum organisée. Les phénomènes observés ne sont pas uniquement le fruit du hasard. Au contraire, il existe des régularités ou des lois qui peuvent être découvertes. Une loi indique qu’un phénomène A s’accompagne toujours du phénomène B. Par exemple : si je lâche mon crayon, il ne va pas aller se coller au plafond (si je suis sur terre) ou s’envoler par la fenêtre ! Nécessairement, il va retomber au sol ! Ici, j’ai bien découvert une loi : les objets sont toujours attirés par la terre ! Si de telles lois n’existaient pas, on aurait du mal à vivre (on ne pourrait jamais rien apprendre, puisque rien ne serait constant) et la science n’existerait pas. Le but de la science va alors être de connaître cette réalité, d’en extraire les lois qui l’organisent. C’est un regard particulier sur la réalité avec des particularités qui le distingue de celui qui est posé par d'autres points de vue (religieux, philosophique, etc.). Par exemple, l'explication de la création de l'univers est différente selon qu'on adopte un point de vue scientifique (big bang) ou religieux (un dieu créateur). Pour appréhender cette réalité, les scientifiques doivent donc adopter deux convictions fondamentales 1. les phénomènes fréquemment observés ne sont pas dus au hasard. Au contraire, ils sont ordonnés et répondent à des lois. 2. ces lois peuvent être découvertes par un travail scientifique d'observation et de reproduction. 23 Etape n° 1 de la démarche scientifique : le repérage de régularités La première étape dans la démarche scientifique consiste, pour les scientifiques, à observer la réalité, observer des faits et repérer des régularités (ou des invariants). Exercice : Voici des exemples de régularités : ales gens qui passent entre deux personnes en train de discuter baissent systématiquement la tête adans une soirée, les femmes mangent moins lorsque des hommes sont présents que lorsqu’ils ne sont pas présents C’est à vous ! Trouvez une régularité que vous avez observée dans le comportement des gens autour de vous Notons que c’est une étape identique pour le sujet naïf ou les scientifiques, sauf que les scientifiques vont adopter cette démarche volontairement et de manière consciente, alors que le sujet naïf n’a souvent pas conscience d’avoir repéré une régularité et n’a pas cherché spécialement à le faire. Dans tous les cas, c’est une étape subjective. Par exemple : Vos voisins divorcent. Cela provoque un petit scandale dans le village dans lequel vous habitez. Chacun y va de sa propre interprétation « Elle avait très mauvais caractère », « Il était coureur de jupons » « Il a déjà divorcé deux fois » « Elle était dépensière ». En tant que scientifique en psychologie (vous essayez consciemment de repérer une régularité dans tous ces commérages !), vous avez l’impression que les gens, dans ce cas, n’envisagent que des explications au divorce qui impliquent la personnalité ou le comportement du couple. Et les facteurs extérieurs sur lesquels le couple a eu moins de contrôle ? Par exemple, Monsieur venait de perdre son emploi suite à la délocalisation de son entreprise. Madame s’était fait agresser dans la rue l’année dernière. Ces facteurs ne pourraient-ils pas, eux aussi, être impliqués dans le divorce ? Vous vous demandez alors si cette tendance que les gens ont à expliquer les événements en invoquant prioritairement la personnalité ou le comportement ne serait pas en fait une régularité. Etape n°2 de la démarche scientifique : l’observation objective Les scientifiques vont alors effectuer une observation la plus objective possible des faits observés subjectivement et des régularités dans l’apparition de ces faits. Les faits naturels deviennent ici des faits scientifiques. Les scientifiques vont alors procéder à une observation objective, systématique et méthodique. Une observation objective est une méthode qui permet de limiter l’interprétation (et donc la subjectivité) des scientifiques. L’observation est communicable, réplicable et donc vérifiable (d’où l’intérêt des communications et publications scientifiques). Une observation systématique est une observation organisée, suivant un certain nombre de règles, dans le cadre de laquelle les scientifiques sont guidés par une ou plusieurs hypothèses (contrairement aux observations quotidiennes qui sont plutôt hasardeuses). Elle intervient dans le cadre d’un projet précis qui réduit le champ des observables. Notons que c’est à ce niveau-là que le chemin entre les scientifiques et le sujet naïf se sépare. Si les scientifiques n’observent pas la régularité, alors elles ou ils remettent en cause celle-ci et retournent à l’étape n°1. On remarquera que cette phase est possible parce que les objets de la réalité sont mesurables. C'est d’ailleurs la mesure qui assure l'objectivité de l'observation. 24 Par exemple : Vous (en tant que scientifique) demandez aux gens dans la rue de penser à un couple de leur connaissance qui a divorcé. Puis vous leur demandez d’expliquer ce qui, à leur avis, est à l’origine du divorce. Vous catégoriserez alors les explications en explications liées à la personnalité du couple, dites « internes »/ explications liées à la situation, dites « externes ». Et vous calculez deux proportions : 1. explications internes/total d’explications fournies 2. explications externes/total d’explications fournies Vous observez alors que cette proportion est plus importante pour les explications internes. Les gens semblent avoir une nette préférence pour les explications qui impliquent les gens (leur personnalité, leur volonté, leur motivation) plutôt que celles impliquant le hasard, la chance ou les circonstances. Vous venez de découvrir une régularité ! À ce stade, les scientifiques peuvent faire une observation systématique simple. Leur investigation va alors porter sur un phénomène naturel ou culturel. Les scientifiques n’interviennent pas dans le phénomène étudié. Par exemple : Une scientifique récupère la note d’un examen effectué par des étudiant·e·s alors qu’elles ou ils étaient en attente de résultats d’examen. Mais les scientifiques peuvent également effectuer une observation qui s’insère dans une expérimentation. Dans ce cas, les scientifiques interviennent et font varier les facteurs étudiés. Par exemple : vous faites passer un premier test de mémoire à des étudiant·e·s sans consigne, puis vous faites passer un deuxième test en leur annonçant qu’elles ou ils vont recevoir des résultats d’examens. Ou bien vous faites passer un test de mémoire à un premier groupe d’étudiant·e·s en attente de résultats, et à un deuxième groupe ayant déjà eu leurs résultats. Les scientifiques peuvent notamment réaliser une quasi-expérimentation. Celle-ci consiste à comparer des groupes de participant·e·s variant sur des dimensions invoquées (non provoquées par les scientifiques, donc des dimensions « naturelles », telles que le genre, l’appartenance ethnique, l’âge, etc.). 3° étape de la démarche scientifique : Vers la théorisation -Généraliser et aboutir à la formulation d’une loi Une fois une régularité mise en évidence, les scientifiques vont vérifier à quel point celle-ci peut être généralisée. Elles ou ils commencent alors par formuler une ou des hypothèses. Puis, elles ou ils réalisent une série d’observations et d’expérimentations dans des situations différentes. Si la ou les hypothèses sont vérifiées, et que la régularité s’observe donc toujours dans différentes situations, c’est que les scientifiques ont mis en évidence une loi générale. En revanche, si la ou les hypothèses ne sont pas vérifiées, la loi doit être remise en question. La loi établit une relation entre les faits scientifiques, s’axe sur les points communs entre eux. Elle consiste à généraliser. Par exemple : Vous (en tant que scientifique) vous demandez si cette préférence pour les explications internes dépasse la simple situation de divorce. Vous allez alors réaliser plusieurs études auprès de populations différentes impliquant des situations variées, autres que des situations de divorce. Vous commencez par réaliser une étude auprès de demandeurs·euses d’emploi qui doivent expliquer la raison pour laquelle elles ou 25 ils ne trouvent pas de travail. Vous formulez l’hypothèse que les demandeurs d’emploi vont fournir davantage d’explications internes qu’externes. Puis vous observez objectivement le nombre d’explications fournies par une quinzaine de demandeurs d’emploi de longue durée. Confirmant votre hypothèse, vous pouvez alors réaliser une deuxième étude auprès d’étudiant·e·s qui doivent expliquer la raison pour laquelle elles ou ils ont échoué une matière, etc. Si, dans tous les cas, vous observez une nette préférence pour les explications internes (même quand, pourtant, des facteurs externes sont clairement impliqués), c’est que vous avez mis en évidence une loi. Vous l’appelez, par exemple, « l’erreur fondamentale d’attribution ». -Expliquer et proposer une théorie scientifique Toutefois, une fois qu’une loi est mise en évidence, les scientifiques, la plupart du temps, ne s’arrêtent pas là. Elles ou ils cherchent à répondre à la question : POURQUOI ? en essayant de fournir une explication à l’existence de cette loi. C’est à ce niveau-là qu’une théorie scientifique est proposée. Pour proposer une explication au phénomène observé, et donc une théorie, les scientifiques vont bien sûr se fonder sur leur intuition et leurs observations personnelles. Toutefois, elles ou ils doivent également intégrer dans la théorie le résultat de tous les travaux scientifiques existants déjà sur ce thème. En ce sens, la théorie représente une synthèse des travaux les plus actuels. Avec la théorie, les scientifiques en psychologie rentrent, en quelque sorte, dans l’esprit du sujet humain, et essayent d’expliquer comment fonctionnent certains processus psychologiques (comme le raisonnement, les émotions, les préjugés, la dépression, etc.) et leurs liens avec des comportements. De ce fait, la théorie est abstraite : nous sommes au niveau des processus psychologiques (c.à.d. ce qui se passe dans la tête du sujet humain), qui sont, par définition, non concrets et non directement observables. Par ailleurs, c’est la meilleure explication possible du moment, puisqu’elle intègre tous les travaux scientifiques existants. Elle peut (et elle doit) évoluer au fur et à mesure des découvertes et doit intégrer tous les nouveaux résultats au fur et à mesure qu’ils sont mis à jour. En ce sens, la théorie est une connaissance relative et provisoire. Elle doit être également testable et testée. Elle doit pouvoir être réfutée par les faits. Une théorie qui n’est pas testable ou réfutable (par ex. car trop générale, avec un raisonnement circulaire, etc.) n’est pas une théorie scientifique. Quel est l’intérêt de proposer une théorie scientifique ? -expliquer la réalité qui nous entoure -prédire une grande variété de faits. En ce sens, la théorie a un pouvoir de prédiction beaucoup plus grand que la simple loi. De plus, elle permet bien souvent de proposer de nouvelles prédictions auxquelles personne n’aurait pensé si la théorie n’avait pas existé. C’est en ce sens que la théorisation permet l’avancée de la science et est génératrice de nouvelles connaissances. La théorie est donc essentielle. Par exemple : Vous avez mis en évidence l’existence d’une tendance systématique des gens à préférer les explications internes plutôt qu’externes. À l’aide de nombreuses études, vous avez pu démontrer que ce biais touchait toute la population. De plus, il concerne aussi bien l’explication du comportement des autres (« il a échoué parce qu’il n’a pas assez travaillé ») que le sien propre (« Je n’ai peut-être pas fait de mon mieux »). Enfin, il concerne aussi bien ce que font les gens (les comportements : « Il a giflé sa petite sœur ») que ce qui leur arrive (les renforcements : « Il a été puni par sa mère »). Il s’agit donc d’un phénomène très général (c’est 26 donc bien une LOI). A ce stade, vous vous posez alors la question de l’origine de ce biais. POURQUOI les gens préfèrent-ils les explications internes ? Vous allez proposer l’explication suivante (à partir de votre intuition, de votre propre réflexion, de votre connaissance d’autres travaux scientifiques en psychologie): il ne s’agit peut- être pas d’un biais, mais d’une norme. En se référant aux travaux sur les caractéristiques et les effets des normes, vous allez supposer que ce qui est normatif est valorisé dans la société. Ainsi, se montrer interne dans ses explications serait une norme. Si c’est une norme, se montrer interne devrait être plus valorisé que se montrer externe. A partir de votre théorie scientifique (les gens sont internes pour se faire bien voir, car l’internalité est perçue comme une norme), vous venez de proposer une nouvelle prédiction à laquelle il aurait été difficile d’aboutir sans la théorie. -Vérifier en retournant vers les faits Une fois la théorie formulée, les scientifiques doivent vérifier que leurs intuitions sont exactes. Ils doivent tester la théorie scientifique, la confronter aux faits en effectuant des observations objectives. Ainsi, à partir de la théorie, les scientifiques vont en déduire des hypothèses et effectuer des études afin d’évaluer ces hypothèses. Si un fait ne confirme pas la théorie, les scientifiques doivent la remettre en question, en la modifiant ou en la rejetant. Par exemple : Vous supposez que se montrer interne devrait être plus valorisé que se montrer externe. Vous réalisez une étude auprès d’étudiant·e·s à l’Université. Vous leur présentez un film dans lequel on peut voir l’interview de deux jeunes femmes par un journaliste. L’une d’elles répond aux questions du journaliste systématiquement de façon interne (« c’est mon choix » « j’ai beaucoup travaillé pour cela » « j’ai eu de l’intuition ») et l’autre répond de façon externe (« mes parents m’ont incitée à faire cela » « j’ai eu de la chance » « les circonstances étaient favorables »). Les étudiant·e·s doivent ensuite évaluer les deux jeunes femmes sur différentes dimensions (sympathie, compétence, etc.). Résultats : la jeune femme « interne » est beaucoup mieux perçue que la jeune femme « externe ». Voilà une étude qui confirme votre théorie de l’internalité comme norme et valorisée socialement. Toutefois, vous devrez réaliser de nombreuses autres études afin de vérifier qu’il s’agit bien d’un effet robuste et généralisable, et que votre théorie peut expliquer tous les faits observés. -Appliquer les connaissances acquises Une fois la théorie établie et testée, les scientifiques peuvent en trouver des applications (donc, peuvent modifier la réalité à partir de la théorie, car celle-ci leur permet de mieux comprendre les phénomènes concernés). C’est le rôle de la psychologie appliquée, qui est donc également fondée sur des connaissances scientifiques. Par exemple : Vous avez démontré que se présenter de façon interne était plus valorisé que se montrer externe. Vous décidez alors d’aider des demandeurs d’emploi de longue durée à se présenter de façon plus efficace lors d’entretiens de recrutement devant des employeurs potentiels. Vous leur apprenez ainsi, lors d’une formation, à se présenter systématiquement de façon interne lors des entretiens. Vous mesurez ensuite le nombre de demandeurs d’emploi ayant trouvé un emploi suite à la formation par rapport à des demandeurs non formés. Ici, on a un exemple d’application d’une théorie élaborée de façon scientifique. 27 -PIQÛRE DE RAPPEL- Deux raisonnements à la base de toute démarche scientifique : le raisonnement déductif et inductif Il existe deux formes de raisonnements utilisés dans la démarche scientifique : 1) Le raisonnement inductif L’induction est un raisonnement qui permet d’aller du particulier au général, des faits à la théorie. C’est ce qui permet le passage de l’observation aux lois, à la théorie. En ce sens, il représente une généralisation, une inférence de processus psychologiques à partir des faits. Il s’agit d’une SYNTHESE (composer un tout à partir de ses éléments et des liens supposés existants entre eux). Par exemple : vous vous rendez en suède et vous observez plusieurs corbeaux gris. Si vous menez un raisonnement inductif, vous allez formuler la loi suivante : « tous les corbeaux suédois sont gris » L’induction est souvent utilisée lors de la première phase de la recherche, au moment du recueil de données (validation objective d’une régularité), lors de la formulation de la loi ou de l’élaboration d’une théorie (dans tous ces, on GENERALISE). 2) Le raisonnement déductif La déduction consiste à passer du général au particulier. À partir de lois ou de théories, les scientifiques vont déduire des faits observables. Il s’agit donc d’une ANALYSE (décomposer un tout en ses éléments et déterminer les relations qui existent entre ces éléments) Par exemple : vous avez fait l’hypothèse que tous les corbeaux suédois étaient gris. Vous allez définir plusieurs zones géographiques dans le pays, vous allez établir des postes d’observation et vous allez noter la couleur et le nombre de corbeaux observés dans ces différentes zones. La déduction permet de prédire les conséquences d’un modèle ou d’une théorie. À partir d’une théorie, les scientifiques vont formuler des hypothèses (déduction logique compte tenu de la théorie) et réaliser une expérimentation pour tester la validité de l’hypothèse, et donc la théorie sous-jacente. 3) Autres points à noter Il existe des règles de déductions (règle de la logique), alors qu’il n’existe pas de règles pour faire des inductions. En effet, le raisonnement hypothético-déductif consiste à formuler des déductions à partir d’hypothèses. Il s’agit d’un raisonnement strictement déductif, donc logique. Par exemple : Si a => b et b => c alors a => c, etc. Lorsque les scientifiques formulent des hypothèses, elles ou ils peuvent le faire à partir de ces deux modes de raisonnement : les hypothèses déduites ou induites 28 Ces deux approches, inductives et déductives, se complètent selon le niveau d’avancement de la recherche. L’hypothèse induite suppose une relation entre deux faits, relation non encore explorée. Si les scientifiques font varier l’un des facteurs, des modifications sur l’autre variable devraient s’observer. Par exemple, l’émotion aurait un effet négatif sur la mémoire. L’hypothèse déduite se formule à un stade plus avancé de la recherche. L’hypothèse est déduite des faits déjà connus ou d’une théorie. Par exemple : l’émotion entretient une relation en u inversé avec la mémoire. Cette relation est modulée par l’intensité émotionnelle et l’attention, mais aussi le contexte au moment du test. Hypothèse déduite : si on replace une personne dans le même contexte émotionnel prévalent au moment de l’encodage, elle devrait avoir de meilleures performances mnésiques qu’une personne qui n’est pas replacée dans un tel contexte. Mise en situation Faites le QUIZ 1 de la séance 2 qui se trouve sur l’ENT Correction : QUIZ 1 Q1 : vaste/complexe/organisée Q2 : B Q3 : B, D, E Q4 : C Q5 : D Q6 : A, B Q7 : B, C, D Q8 : A, B, D Q9 : C Q10 : A, B Mise en situation Une fois le quiz corrigé, essayez de prendre 10 à 15 minutes pour essayer de construire par vous- même un schéma de la démarche scientifique. La correction se trouve ci-après, essayez de faire l’exercice sans la regarder en premier. 29 30 En guide de conclusion sur la démarche scientifique Mise en situation Correction QUIZ 2 Question 1 Adopter une démarche scientifique, ça permet de (compléter les mots qui manquent): ------------- la réalité ------------- la réalité ------------- la réalité ------------- la réalité Correction : Adopter une démarche scientifique, cela permet ð d’explorer la réalité, ð la décrire, ð l’expliquer et ð éventuellement intervenir et modifier cette réalité. En revanche, les scientifiques doivent toujours avoir à l’esprit que la science n’est pas LA réalité, mais une approximation. En effet, les théories scientifiques ne sont que des représentations abstraites de la réalité. C'est pourquoi d'ailleurs la science évolue. Son évolution constante est fonction de nouvelles découvertes, de nouvelles interrogations et du perfectionnement des méthodes d’acquisition des connaissances. 31 SEANCE 3 CAUSALITE et PLANS EXPERIMENTAUX « LA DEMARCHE CAUSALE» A l’issue de cette séance, vous devez être capable de… …De donner une définition de la causalité et de l’inférence causale en méthodologie scientifique … De définir ce qu’est la démarche expérimentale et un plan d’expérience … De définir la notion du « toutes choses égales par ailleurs » … D’énumérer et de définir les différents types de variables que l’on peut trouver dans une expérience … De présenter un plan expérimental sous forme d’écriture formalisée Rouanet Lépine … Définir une VI intra et intersujets … Différencier VI provoquée d’une VI invoquée Pour préparer cette séance, il faudra … … étudier la note théorique (afin de pouvoir répondre au Quiz qui sera distribué en cours) … lire l’encart 1 sur les normes APA et l’encart 2 sur la significativité de ce livret 32 Préambule Nous l’avons vu lors des séances précédentes, la démarche scientifique en psychologie s’inscrit dans une perspective qui vise principalement à identifier et expliquer les liens qui peuvent exister entre différents phénomènes psychologiques (p.ex. comprendre et expliquer pourquoi et comment le stress peut entraîner l’échec ou la réussite). Il s’agit d’apporter les explications les plus probables et appropriées aux phénomènes que l’on cherche à comprendre à un moment donné. Pour cela, nous allons tenter d’apporter la preuve que nos explications sont « bonnes » en les mettant à l’épreuve des faits. C’est-à-dire en les testant. La démarche scientifique est en effet caractérisée par le souci de la preuve, mais cette preuve ne s’apporte pas n’importe comment et c’est là que la démarche causale et la méthode expérimentale qui en découle prennent tout leur sens. Elles nous permettent de nous assurer, a minima, que nos interprétations et explications sont valides. 33 NOTE THEORIQUE LA DEMARCHE CAUSALE L’objectif d’une expérimentation ou de la méthode expérimentale est de tester des hypothèses explicatives (relations de cause à effet), en modifiant certaines conditions que l’on suppose responsables de l’apparition d’un comportement et en les comparant à d’autres conditions que l’on maintient constantes. On tente par ailleurs de contrôler systématiquement un maximum de sources de variations potentielles qui sont susceptibles d’interférer dans la situation expérimentale et d’affecter les conclusions quant à la relation de cause à effet qui nous intéresse (variables parasites ou confondues). Ainsi, pour tester sa relation de cause à effet, les scientifiques vont devoir trouver un moyen, non seulement, de recréer les causes du phénomène et de les manipuler, mais aussi de mesurer les variations comportementales qu’engendrent ces manipulations (les effets). Elles ou ils vont, pour cela, créer ce que l’on appelle des variables indépendantes (VI) et des variables dépendantes (VD). L’expérimentateur.rice contrôle ou Le comportement des sujets dépend modifie une condition de ce que fait l’expérimentateur.rice Variable Indépendante Variable Dépendante (VI) (VD) Effet Cause Mesure de l’effet de la cause sur le comportement Figure 1. Relation de cause à effet dans la méthode expérimentale (adapté de Tarvis et Wade, 1999). Variable indépendante : variable qui apparaît à titre de variable explicative d’une autre variable. Cause présumée de la variable dépendante. Variable dépendante : variable qui, dans une expérience, subit l’influence présumée de la variable indépendance. Résultats produits de la manipulation. La démarche causale va donc consister à tester l’effet (l’impact) d’une ou plusieurs variables indépendantes (VI) sur une ou plusieurs mesures du comportement ou variables dépendantes VD). Grâce à ces variables indépendantes, les scientifiques vont chercher à provoquer une variation du comportement ou des réponses des participantes et participants. C’est cette variation, si elle est observée, qui indiquera aux scientifiques que leur manipulation a bien eu un effet sur le comportement et donc qu’elle en est bien la cause. A travers la mise en 34 évidence d’une relation causale, les scientifiques proposent ainsi des explications aux phénomènes qu’elles ou ils étudient. Remarque sur la covariation non causale. Il s’agit ici des variables concomitantes ou spurious. Une variable C peut être responsable de la relation supposée entre A et B alors que cette relation n’existe pas en réalité. Cela s’explique parce que C cause en même temps A et B. On peut citer un exemple avec l’âge. Plus le niveau de vocabulaire d’un enfant augmente, plus la taille de ses pieds augmente aussi. En apparence, il existe donc une relation entre le niveau de vocabulaire et la taille des pieds. Toutefois, cette relation s’explique par l’intervention d’une 3° variable qui est l’âge. Vocabulaire et taille des pieds augmentent tous les deux, mais ne sont pas la cause l’un de l’autre. C’est l’âge qui est liée au niveau de vocabulaire et à la taille des pieds. La démarche expérimentale nous aide justement à y voir plus clair en permettant de rejeter les explications liées à ces 3eme variables et de confirmer les liens (plus ou moins) directs entre 2 ou plusieurs variables. La notion de cause et inférence causale - définitions (D’après Vallerand et Hess, 2000) : * Cause : facteur antécédent qui produit un effet ou une conséquence *Causalité : Présomption/supposition d’une relation entre 2 ou plusieurs événements ou phénomènes de sorte que la présence d’une variable mène à la présence subséquente d’une autre variable. *Inférence causale : démarche déductive qui consiste à conclure à la présence d’une relation de cause à effet (Vallerand et Hess, 2007). On infère les effets de la VI des changements observés sur la VD. Autrement dit, on conclut, à partir de la constatation de ces changements, que la VI a bien eu un effet. La notion d’hypothèse - définition *Hypothèse « Une hypothèse est une prédiction sur la relation entre 2 ou plusieurs variables. La question à laquelle on s’intéresse alors est de savoir si une variation de la variable A est associée à la variation de la variable B. » On posera explicitement l’effet attendu de notre VI sur notre VD. 35 SI A est comme ça alors ALORS je devrais observer que B sera comme ça. SI les participants ont du succès dans un domaine (plutôt que pas) ALORS ils se percevront comme heureux. Ils rapporteront plus de bien-être que ceux qui n’ont pas de succès dans le même domaine. On retrouve bien notre « relation causalité » transposée explicitement en termes d’effet. Variable indépendante et dépendante (d’après Myers et Hansen, 2007) La Vi d’une expérience est la dimension que l’expérimentateur·rice manipule intentionnellement. C’est l’antécédent qu’il ou elle choisit de (faire) varier. Cette variable est indépendante, car elle ne dépend d’aucun autre facteur ou variable dans l’étude. Les scientifiques font varier la VI en créant différentes conditions de traitement à l’intérieur de l’expérience, (les fameuses conditions expérimentales sous lesquelles on va observer le comportement des participant·e·s). Ces traitements correspondent aux niveaux ou modalités de la VI. La VI doit avoir au moins 2 niveaux de comparaison donc au moins 2 traitements (modalités ou niveaux) différents. On peut créer des VI quasi-expérimentales. Ce sont des variables qui ne sont pas manipulables par les scientifiques, mais dont on peut examiner l’impact sur le comportement (VI invoquées). Les scientifiques vont sélectionner les valeurs particulières de la variable qui les intéresse. Ils ou elles vont former des groupes de traitement sur la base des caractéristiques propres aux participant·e·s (par exemple le sexe des participant·e·s). La VD est le comportement particulier dont nous attendons qu’il change suite à notre intervention expérimentale. C’est le comportement que nous essayons d’expliquer. C’est la mesure Objective des effets de la VI. Elle est donc dépendante des variations que va prendre la VI. C’est grâce à elle que l’on sait si oui ou non il y a relation de cause à effet. En effet, si l’hypothèse est correcte, les différentes valeurs de la VI devraient entraîner des changements de la VD. Dès que la VI change de valeur (en fonction des différentes modalités), on devrait observer des différences au niveau du comportement observé (de la VD donc). Variables externes (d’après Myers et Hansen, 2007, p.213-215) Les variables externes sont des variables ou facteurs qui ne sont pas le centre d’intérêt majeur de l’étude, mais qui peuvent en affecter les résultats et conclusions. Ces 36 variables peuvent en effet affecter les conclusions de l’étude en interférant ou en se confondant avec l’effet de la VI (effet de confusion). Elles peuvent expliquer les variations observées sur la VD à la place de notre VI. Pour rappel, o Dans une recherche nous souhaitons n’observer que les effets de nos VI sur nos VD et pas les effets d’autres variables. o Nous devons être sûrs que ce qui affecte le comportement est bien uniquement ce que nous avons manipulé et rien d’autre. Hormis les variations de la VI, tout le reste doit être constant et comparable (pas de différence par ailleurs). SI C a un effet sur B en même temps que A, comment affirmer que A est bien responsable de l’apparition de B !? Il faut s’assurer dans l’expérience que les effets de C sont neutralisés. SI B change, on sera alors sûrs que c’est bien A qui a causé ce changement. Ces variables sont appelées parasites ou confondues. Quand on arrive à neutraliser, à contrôler leurs effets dans l’expérience, on les appelle les variables contrôles ou contrôlées. Il faut rappeler ici qu’on ne peut pas tout contrôler dans une étude. C’est impossible. On essaye de contrôler les choses dont sait, par connaissance de la thématique, qu’elles peuvent avoir un impact sur la VD et nuire aux conclusions de l’étude. La notion de « toutes choses égales par ailleurs » Schéma 1 : Visualisation de la notion « toutes choses égales par ailleurs » 37 Groupe Contrôle Groupe exposé au traitement Effet de la V.I. L’effet d’autres influences est le même que celui du groupe contrôle Pour établir une inférence causale, il va falloir comparer deux situations absolument identiques (« toutes choses ég