Cours de Linguistique Espagnol L2 - Chapitre 4 : Langue, Parole, Discours PDF

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This chapter discusses the difference between language and linguistics. It covers the concepts of Ferdinand de Saussure on Language and includes discussion on definitions and characteristics of language and words. This is a chapter from a linguistics course.

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Espagnol – L2 – T2HF311-Linguistique (semestre 3) Chapitre 4 : Langue, parole, discours CHAPITRE 4 : LANGUE, PAROLE, DISCOURS Nous avons vu dans le premier chapitre qu’il fallait établir une distinction e...

Espagnol – L2 – T2HF311-Linguistique (semestre 3) Chapitre 4 : Langue, parole, discours CHAPITRE 4 : LANGUE, PAROLE, DISCOURS Nous avons vu dans le premier chapitre qu’il fallait établir une distinction entre les langues et le langage, ce dernier étant défini soit comme l’ensemble des propriétés communes à toutes les langues, soit comme la faculté de parler, spécifique à l’espèce humaine, qui met en jeu des aptitudes biologiques et cognitives. Quant au terme langue, nous l’avons utilisé – au pluriel – pour désigner les différents parlers que l’on rencontre dans le monde ; dans ce sens, on pourrait le remplacer par le terme idiome, qui désigne le système de communication propre à une communauté. Mais le mot langue ne s’oppose pas seulement au mot langage ; il est aussi employé – cette fois, toujours au singulier – pour désigner ce qui s’oppose à la parole ou au discours. C’est à cette autre opposition, et donc à cet autre sens du mot langue, que nous allons nous intéresser dans ce chapitre. 1- LA PAROLE ET LA LANGUE CHEZ SAUSSURE 1.1- Définitions Ferdinand de Saussure est un très important linguiste, né à Genève en 1857 et mort en 1913, qui est souvent présenté comme le fondateur de la linguistique moderne. Il est notamment l’auteur de cours (1906- 1911), réunis dans l’ouvrage de référence Cours de linguistique générale. Une des tâches que s’était fixée Saussure était de faire de la linguistique une science1, ce qui impliquait d’élaborer une méthode d’approche mais surtout de définir l’objet de cette discipline. En s’interrogeant sur ce que devait être cet objet et sur la nature du langage, Saussure a été amené à distinguer deux composantes au sein du langage, qu’il a appelées la langue et la parole et il a posé l’équation suivante : langage = langue + parole : [...] l’étude du langage comporte deux parties : l’une, essentielle, a pour objet l’étude de la langue, qui est sociale dans son essence et indépendante de l’individu ; [...] l’autre, secondaire, a pour objet la partie individuelle de la langue, c’est-à-dire la parole [...]. (Saussure, 1916/1985 : 37) Pour Saussure, la langue est la composante sociale, collective du langage, alors que la parole en est la composante individuelle. Plusieurs passages du Cours de linguistique générale (CLG) définissent la langue : [la langue] est la partie sociale du langage, extérieure à l'individu, qui à lui seul ne peut ni la créer ni la modifier […], c'est un système de signes. (Saussure, 1916/1985 : 32-33) La langue existe dans la collectivité sous la forme d'une somme d'empreintes déposées dans chaque cerveau, à peu près comme un dictionnaire dont tous les exemplaires, identiques, seraient répartis entre les individus. C'est donc quelque chose qui est dans chacun d'eux, tout en étant commun à tous et placé en dehors de la volonté des dépositaires. (Saussure, 1985 : 38) 1 Grâce à Saussure, la linguistique est la première des disciplines consacrées à l’étude de l’homme et des sociétés humaines (histoire, sociologie, anthropologie, etc.) à s’être constituée comme une science, avec un objet strictement défini et une méthode. Elle a ensuite servi de modèle à d’autres disciplines. -1- Espagnol – L2 – T2HF311-Linguistique (semestre 3) Chapitre 4 : Langue, parole, discours La langue, telle que la définit Saussure, est un système organisé de signes, et plus précisément : « un système de signes distinctifs correspondant à des idées distinctes » (Saussure, 1916/1985 : 26). On retrouve là l’idée du langage articulé (double articulation). Toujours pour bien faire ressortir ce qui fait la particularité de la langue par rapport aux autres types de langages, Saussure note : Mais qu’est-ce que la langue ? Pour nous elle ne se confond pas avec le langage ; elle n’en est qu’une partie déterminée […]. C’est à la fois un produit social de la faculté du langage et un ensemble de conventions nécessaires, adoptées par le corps social pour permettre l’exercice de cette faculté chez les individus. (Saussure, 1916/1985 : 25 ; mise en gras de notre fait). C’est cet aspect social et conventionnel qui caractérise encore La langue selon Saussure. Pour lui, la langue est une « totalité » qui unit les membres d’une même communauté linguistique. La langue est un fait social, une institution sociale : c’est le produit d’un consensus entre les membres d’une communauté. La langue existe donc en chaque individu séparément, mais elle est commune à un ensemble d’individus donné. La langue est donc « l’ensemble des habitudes linguistiques qui permettent à un sujet de comprendre et de se faire comprendre » (Saussure, 1916/1985 : 112). À ce propos, on peut encore citer ces deux phrases du Cours de linguistique générale : La langue existe dans la collectivité sous la forme d’une somme d’empreintes déposées dans chaque cerveau, à peu près comme un dictionnaire dont tous les exemplaires, identiques, seraient répartis entre les individus. C’est donc quelque chose qui est dans chacun d’eux, tout en étant commun à tous et placé en dehors de la volonté des dépositaires. (Saussure, 1916/1985 : 38) Depuis Saussure, on définit donc la LANGUE comme un ensemble de signes organisés en système, partagé par tous les individus d’une même communauté linguistique. Il faut insister sur deux des caractéristiques de la langue : d’une part, c’est une institution sociale, dans la mesure où aucun individu ne peut décider seul de la modifier et, d’autre part, c’est un système abstrait, qui ne s’observe pas. La PAROLE s’oppose à la langue parce qu’elle est à la fois individuelle et concrète. À la langue comme système abstrait, indépendant du sujet parlant car collectif et social, Saussure oppose la parole, Si la langue est un fait social et qu’elle est régie par ce que Saussure appelle la « masse parlante », la parole, c’est l’appropriation individuelle de la langue, c’est la mise en acte de la langue par l’individu. La dimension individuelle et concrète de la parole s’oppose donc au caractère collectif, social, et abstrait de la langue : [la parole] […] est la somme de ce que les gens disent, et elle comprend […] des combinaisons individuelles, dépendant de la volonté de ceux qui parlent […]. Il n'y a donc rien de collectif dans la parole; les manifestations en sont individuelles et momentanées. (Saussure, 1916/1985 : 38) -2- Espagnol – L2 – T2HF311-Linguistique (semestre 3) Chapitre 4 : Langue, parole, discours 1.2- Caractéristiques de la langue et de la parole La langue et la parole présentent une série de caractéristiques, de traits, qui les opposent : a) La langue existe dans et par la collectivité, c’est donc une institution sociale. La parole se distingue de la langue comme ce qui est individuel de ce qui est social. La parole est « un acte individuel de volonté et d’intelligence ». b) La langue est enregistrée passivement par l’individu, alors que la parole est un acte libre, un acte de création. À l’acte créateur qu’est la parole, domaine de la liberté individuelle, s’oppose le processus « passif » d’enregistrement, de mémorisation qu’est la langue. La langue est l’ensemble des moyens d’expression, un code commun à l’ensemble des individus appartenant à une même communauté linguistique ; la parole, au contraire, est la manière personnelle d’utiliser ce code. c) L’aspect créateur du langage est éliminé de la langue, domaine des signes et des règles de fonctionnement transmis comme un héritage, déposés dans la mémoire où ils sont sélectionnés. Emilio Alarcos Llorach résume ainsi l’opposition langue / parole : Saussure distinguió, hace ya mucho tiempo, los dos aspectos fundamentales del lenguaje: el habla (parole), fenómeno concreto e individual, y la lengua (langue), modelo constante y general de todas las manifestaciones lingüísticas particulares. Mientras el habla es una realidad física que varía de sujeto a sujeto, la lengua es un sistema abstracto de validez supraindividual [...]. Si la dualidad saussureana se entiende como oposición entre un sistema y su realización, la lengua se identifica con el sistema y el habla comprende los demás aspectos. Si preferimos ver una oposición entre lo abstracto y lo concreto, el habla se reduce al hablar concreto y la lengua será todo lo demás. Oponiendo lo social a lo individual, la lengua es a la vez sistema y norma social, mientras el habla abarca el hablar concreto y la norma individual. (Alarcos Llorach, 1983 : 26) Il faut ajouter que, malgré ces caractéristiques clairement opposées, langue et parole sont étroitement liées et que l’une ne vas pas sans l’autre : Bien sûr, ces deux objets sont étroitement liés et se supposent l’un l’autre : la langue est nécessaire pour que la parole soit intelligible et produise tous ses effets ; mais celle-ci est nécessaire pour que la langue s’établisse ; historiquement, le fait de parole précède toujours. (Saussure, 1916/1985 : 37) 2- LANGUE ET DISCOURS CHEZ GUSTAVE GUILLAUME La formule de Saussure « langage = langue + parole » a été reprise et légèrement corrigée par un linguiste français, Gustave Guillaume (1883-1960), qui a profondément influencé la recherche de nombreux linguistes hispanistes. Guillaume récuse le terme parole, car ce dernier semble ne référer qu’à l’usage oral et non à l’écrit, et lui préfère le terme discours, qui comprend aussi bien les manifestations écrites que parlées du langage. Ce changement de terminologie va s’imposer en linguistique et l’on va désormais opposer le DISCOURS, l’usage effectif du langage tel qu’il se réalise dans une situation donnée, à la langue, le système qui rend possible cet usage effectif. -3- Espagnol – L2 – T2HF311-Linguistique (semestre 3) Chapitre 4 : Langue, parole, discours Le discours est une réalisation individuelle, particulière, contingente, alors que la langue a un caractère général et constant. Par exemple, si je dis « Hier, je suis allée à la plage », je fais part d’une expérience, je produis du discours, c’est-à-dire un énoncé concret, particulier, faisant référence à une situation particulière, individuelle, et que je prononce dans des circonstances elles-mêmes particulières. Cependant, je n’ai pas élaboré cet énoncé ex nihilo. Pour construire un énoncé de ce type, il faut avoir une connaissance préalable des mots, il faut connaître un certain lexique. Mais, cela va plus loin. Pour dire « je suis allée », il faut savoir qu’il existe en français des verbes, qui sont des signes permettant d’exprimer un événement, de déclarer quelle personne est impliquée dans cet événement (ici « je »), de placer cet événement dans une période donnée (ici, le passé), etc. Il faut donc avoir une connaissance non seulement du lexique mais aussi de la grammaire, c’est-à-dire de tout ce qui constitue le système qu’est la langue. On ne peut pas produire un énoncé sans connaissance antérieure de la langue, du système de signes. Guillaume insiste beaucoup sur le fait que la langue et le discours sont deux notions bien distinctes, mais qui sont inévitablement liées. D’une part, comme nous venons de le voir, parce que la langue est ce qui rend possible le discours, et, d’autre part, parce que la langue n’offre pas de visibilité directe : on ne peut avoir accès à la langue (qui est une abstraction) qu’à travers les réalisations concrètes qu’elle permet, i.e. le discours. Dès lors, la langue ne peut être décrite qu’à partir des manifestations de discours. À partir de l’observation des énoncés d’une langue donnée, le linguiste va inférer, déduire, le système, l’organisation qui les permet. En observant le discours, on va pouvoir reconstruire la langue. Pour Guillaume, le discours ne doit donc pas être écarté de la recherche linguistique (alors que Saussure considérait que seule la langue méritait d’être étudiée), car le discours nous permet d’appréhender la langue. On pourrait ajouter que, dans la théorie de Guillaume, la distinction langue/discours est une distinction dynamique (il insiste sur les interactions entre les deux), alors que chez Saussure, la distinction langue/parole est une distinction statique. Enfin, Guillaume insiste sur un fait extrêmement important : il y a, en langue, un nombre limité de signes, de règles, alors que le discours se caractérise par la multiplicité des nuances et un nombre illimité d’énoncés. Cela se traduit aussi par le principe selon lequel un mot a un sens et un seul, qui autorise des emplois divers. Sur cette question, je vous renvoie au chapitre sur les prépositions du cours de morphosyntaxe mais aussi, ici même, au chapitre 5. Pour aller plus loin SAUSSURE Ferdinand de (1985) : Cours de linguistique générale, Paris : Payot, p.36-39. -4-

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