Cours de Droit Constitutionnel PDF
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Université Jean Moulin Lyon 3
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Ce document traite du droit de participation du citoyen et des modes de désignation des gouvernants, se concentrant sur le droit de suffrage et les différents types de scrutin. Il examine les notions de suffrage universel, égal et secret et retrace l'évolution historique du droit de vote, en particulier en France. Le document explique le suffrage restreint et son évolution vers le suffrage universel.
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Chapitre III : Le droit de participation du citoyen et les modes de désignation des gouvernants Seront étudiés le droit de suffrage, puis les modes de scrutin. Section I : Le droit de suffrage Le droit de suffrage (encore appelé pouvoir de suffrage) perme...
Chapitre III : Le droit de participation du citoyen et les modes de désignation des gouvernants Seront étudiés le droit de suffrage, puis les modes de scrutin. Section I : Le droit de suffrage Le droit de suffrage (encore appelé pouvoir de suffrage) permet à la personne qui en est titulaire de donner son accord, soit à la désignation d'une personne dans le cadre d'une élection, soit à un texte dans le cadre d'un référendum. Un régime n’est démocratique que si le droit de suffrage est universel, égal et secret. Ainsi, la République française, qui est une République démocratique en vertu de l'article 1er de la Constitution de 1958, connaît un suffrage qui est, d'après l'article 3 de cette même Constitution, "toujours universel, égal et secret". Ce sont pour l'essentiel les deux premiers caractères qui doivent être approfondis. En effet, le dernier - le caractère secret du suffrage - n'appelle que peu de commentaires. Il signifie que le vote s'exerce de façon anonyme, avec cette conséquence que seul l'électeur lui-même sait dans quel sens il a voté, ce qui le met à l'abri d'éventuelles pressions ultérieures. Concrètement, cette exigence se manifeste par l'obligation pour tout électeur de passer seul dans l'isoloir et de glisser son bulletin dans une enveloppe. Il faut toutefois préciser que le caractère secret n'a été admis que progressivement dans les différents Etats occidentaux, à partir de la seconde moitié du XIXème siècle et au début du XXème siècle. En France, sous la Révolution, le vote était ainsi public, et il faudra attendre le début du XXème siècle pour qu'il devienne secret. S'agissant des deux premiers caractères, lorsque l’on se tourne vers l’histoire, l’on constate qu’il a existé, au cours des derniers siècles et dans la plupart des Etats occidentaux, un mouvement dans le sens d'une universalisation du droit de suffrage et d'un approfondissement des exigences d'égalité de ce droit. Certes, ce mouvement a parfois été discontinu. Il y a eu des retours en arrière mais, sur le long terme, une telle tendance n’en est pas moins réelle. §1. Du suffrage restreint au suffrage universel Le suffrage est dit restreint lorsque le droit de vote est réservé aux individus possédant une certaine fortune ou présentant certaines capacités. Il existe donc deux modalités de suffrage restreint : le suffrage censitaire et le suffrage capacitaire. - Le suffrage est censitaire lorsque le droit de vote est réservé aux individus qui justifient le paiement d'un certain montant d'impôt appelé le cens électoral. Il faut ajouter que pour être éligible, le cens exigé est souvent plus élevé que celui exigé pour être électeur. Cette discrimination par l'argent est particulièrement inadmissible et choquante pour un citoyen du XXè ou du XXIème siècle, mais il faut bien constater que le suffrage censitaire a été pratiqué dans la plupart des Etats aux XVIIIème et au XIXème siècles. Quelles étaient les justifications avancées à cette époque ? D'abord, prétendaient les défenseurs du suffrage restreint, les personnes fortunées étant les plus instruites, elles seraient aussi les plus éclairées. En d'autres termes, les personnes moins fortunées - parce qu'elles n'avaient ni instruction (à une époque où l'école n'est ni gratuite, ni obligatoire) ni loisirs - étaient considérées comme incapables de comprendre la chose politique. L'on prétendait également pour justifier un tel suffrage que seuls ceux qui payaient suffisamment d'impôt seraient véritablement responsables, seraient donc suffisamment prudents et sages dans la gestion de l'Etat. En d'autres termes, les "riches" auraient seuls intérêt à ce que l'Etat ne dilapide pas l'argent récolté par la biais de l'impôt puisqu'ils en sont les principaux fournisseurs. Page 1 sur 13   En revanche, les "pauvres" auraient un goût inné pour la dépense puisqu'ils ne contribuent que peu aux recettes. Ces arguments sont évidemment irrecevables aujourd'hui. En réalité, le suffrage restreint et la théorie de la souveraineté nationale, qui autorise le recours à ce suffrage et lui apporte une justification théorique, ont surtout permis à la bourgeoisie d'écarter le peuple de la participation au pouvoir après la Révolution de 1789. Vous voyez donc quelle était l'idéologie sous-jacente à la théorie de la souveraineté nationale. En France, jusqu'en 1848 et malgré la Déclaration de 1789 qui consacrait le droit de chaque citoyen de concourir personnellement à la formation de la volonté générale, le suffrage sera pour l'essentiel censitaire. En 1848, la France sera le premier Etat à instituer le suffrage universel et le fera de façon définitive. Ce suffrage ne s’imposera dans la plupart des Etats libéraux d’Europe qu’au début du XXè siècle, dans les années qui ont précédé ou immédiatement suivi la première guerre mondiale (USA :1870 ; RU : 1918). - Le suffrage est dit capacitaire lorsque le droit de vote est réservé aux titulaires de certains diplômes ou de certaines fonctions, ou de façon plus rudimentaire, aux personnes qui savent lire et écrire. Aux Etats-Unis, c’est ce dernier système - le plus rudimentaire - qui a été pratiqué par certains Etats fédérés du Sud après la Guerre de sécession pour tenter de restreindre indirectement le suffrage de la population noire. En effet, depuis 1870, la Constitution interdisait expressément de refuser le droit de suffrage à certains citoyens en raison de leur couleur ou de leur race. Certains Etats du Sud, qui restaient d'irréductibles opposants à l'égalité des blancs et des noirs en matière de suffrage pensèrent alors contourner la Constitution en exigeant dans certaines hypothèses - qui en fait visaient essentiellement les noirs - le passage d'un examen. Cette pratique a été déclarée inconstitutionnelle par la Cour suprême en 1915 mais il a fallu attendre la loi de 1965 sur les droits civiques pour que toutes les restrictions imposées en fait aux noirs en matière de suffrage disparaissent et, en particulier, qu'un contrôle fédéral du respect de l'égalité soit mis en place, contrôle que la Cour suprême a toutefois récemment déclaré inconstitutionnel. Après avoir examiné les deux modalités de suffrage restreint, on pourrait penser que le suffrage sera dit universel dans un Etat lorsque toute personne résidant sur le territoire de cet Etat se voit reconnaître le droit de voter. Mais cette définition est à certains égards trop extensive : le problème est en effet que le suffrage n'a jamais été et ne sera jamais entièrement universel. Il y a eu et il y aura toujours des exclus du suffrage, mais le suffrage n’en a pas moins été ou n’en est pas moins considéré comme universel. En résumé, dire que le suffrage est universel, signifie qu'il n'est plus fondé sur les discriminations de fortune et de capacité qui prévalaient à une époque mais il s'avère que d'autres exclusions ont été ou sont encore considérées comme compatibles avec le caractère universel du suffrage. Quels ont été ou quels sont alors ces exclus du suffrage universel ? - 1ère catégorie d'exclu(e)s : les femmes. Cette exclusion n'a toutefois été pratiquée que dans le passé par les Etats occidentaux. Voilà une première discrimination qui n'est ni fondée sur l'argent, ni sur la capacité mais sur le sexe. Lorsque l'on affirme, comme nous l'avons fait auparavant, que l'introduction du suffrage universel date de 1848 en France et du début du XXè siècle pour les autres Etats européens, il s'agit le plus souvent du seul suffrage universel masculin. Que l'on ait pu parler de suffrage universel alors que la moitié de la population était exclue montre bien que cette discrimination était considérée comme naturelle, comme allant de soi. A l'époque, on en était encore à se demander si les femmes pensaient, et même lorsque cette capacité leur était reconnue, leur rôle devait être cantonné dans la sphère domestique, seuls les hommes étant appelés à participer à la vie publique. Page 2 sur 13   C'est un Etat fédéré américain qui a introduit le premier le suffrage féminin (le Wyoming en 1869), le premier Etat non fédéré a été la Nouvelle-Zélande (en 1893), il a été suivi par le Royaume-Uni (1918), par les Etats-Unis (généralisation de ce droit en 1920). La France, en avance pour le suffrage masculin, sera l'un des derniers grands Etats libéraux, avec l'Italie à reconnaître un tel droit aux femmes (1944 pour la France, 1945 pour l’Italie). Demeure évidemment le cas particulier de la Suisse (1971). 2ème catégorie d'exclus : les jeunes. Il est évident que les enfants et les adolescents ne pourront pas se voir reconnaître le droit de vote car ils manquent - sauf exception - de la maturité, de la conscience politique minimale qui est nécessaire pour participer aux élections en connaissance de cause. Il ne sont donc que des citoyens potentiels. Il y a là une différence de traitement fondée sur l'âge qui est légitime et n'est donc pas, même aujourd'hui, incompatible avec le caractère universel du suffrage. Mais tout dépend évidemment de l'âge de la majorité politique qui est fixé par la législation. Plus l'âge fixé sera élevé, plus la différence de traitement sera illégitime et le caractère véritablement universel du suffrage sera contestable. Il y a eu durant ces dernières décennies une tendance générale dans les divers Etats libéraux à l'abaissement de la majorité civique. Aux Etats-Unis, la majorité a été abaissée à 18 ans en 1971. En France, il a fallu attendre 1974, donc l'élection du Président V. Giscard d'Estaing, pour que la majorité politique soit abaissée de 21 à 18 ans. - 3ème catégorie d'exclus : les étrangers. Traditionnellement le droit de suffrage est réservé aux nationaux. Les étrangers résidant sur le territoire d'un Etat ne peuvent donc pas participer aux élections politiques. Le droit de vote n’est pas un droit de l'homme mais du citoyen. Plus précisément, c'est un droit politique qui, en principe, ne peut être exercé que par les nationaux à la différence des droits civils. Voilà encore une autre différence de traitement, cette fois fondée sur la nationalité, qui est traditionnellement considérée comme légitime et donc comme compatible avec le caractère universel du suffrage. L'article 3 de l'actuelle Constitution française est le reflet de ce rejet traditionnel. Il dispose en effet que "sont électeurs dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes...". Il faut cependant savoir que l'exclusion des étrangers du suffrage est remise en cause aujourd'hui, mais pour les seules les élections locales. En effet, il peut paraître légitime de permettre la participation des immigrés à la gestion des affaires locales dans la mesure où ils contribuent à l'enrichissement de la société par leur travail et paient des impôts. De nombreux Etats européens, dont les Etats scandinaves, ont d'ores et déjà reconnu ce droit, parfois sous certaines conditions (2/3 des Etats membres de l'Union européenne). Tel n'est toutefois pas le cas de la France, même si la révision de la Constitution en ce sens a parfois fait partie du programme de la gauche, une telle révision supposant de toute façon l'accord du Sénat (dominé pour l'essentiel par la droite - et donc défavorable à une telle réforme). A noter qu'elle ne faisait pas partie des programmes sur la base desquels a été élu le Président E. Macron, du fait de cette impossibilité (politique) de mise en oeuvre. Mais le droit français a tout de même évolué sur ce point du fait de l’entrée en vigueur du Traité sur l’Union Européenne (Traité signé à Maastricht en 1992 - entré en vigueur en 1993). Celui-ci avait pour objectif de réaliser une union politique entre les Etats membres des Communautés européennes. C’est pourquoi, il a institué une citoyenneté de l'Union, citoyenneté qui bénéficie à toute personne ayant la nationalité d'un Etat membre. Or, quels sont les droits attachés à cette citoyenneté ? Il y a le droit de circulation et de séjour sur le territoire des Etats membres de l'Union mais également le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales et aux élections du Parlement européen dans l'Etat de résidence. Page 3 sur 13   Le Conseil constitutionnel, qui avait été saisi avant la conclusion du traité, avait estimé que cette disposition du traité était contraire à l'article 3 de la Constitution. La France a donc dû réviser sa Constitution le 25 juin 1992 et c'est l'article 88-3 de la Constitution révisée qui permet désormais la reconnaissance d'un tel droit de vote et d'éligibilité. J’insiste sur le fait que cette extension du droit de suffrage ne s’applique qu’aux immigrés communautaires, donc ayant la nationalité d'un des Etats membres de l'Union européenne et non aux autres immigrés, qui demeurent toujours exclus de droit de suffrage. Restent deux dernières catégories d'exclus du suffrage. Peuvent en effet être privés de leur droit de vote de façon définitive ou temporaire les malades mentaux les plus gravement atteints ainsi que les auteurs d'infractions, le plus souvent de crimes ou de certains délits graves. Ces deux catégories apparaissent à l'article 3 alinéa 3 de la Constitution actuelle de la France, qui précise que ne sont sont électeurs que les nationaux "jouissant de leurs droits civils et politiques". Cette condition a permis avant 2019 de priver du droit de vote, si le juge le décidait, les majeurs placés sous tutelle, possibilité qui a été supprimée par une loi adoptée en 2019. Elle permet toujours, si le juge le décide, de priver de ce même droit (pour 10 ans au plus) les auteurs d'un crime ou d'un délit estimés indignes et incapables moralement de participer à la gestion des affaires publiques. En résumé, voilà encore deux différences de traitement qui sont considérées comme compatibles avec le caractère universel du suffrage, fondées, pour la première, sur la santé mentale, et pour la seconde, sur le passé judiciaire. Conclusion : même lorsque le suffrage est dit universel, l'universalité du droit de suffrage rencontre des limites, qui sont variables selon les époques. Certaines ont disparu aujourd'hui. Les autres, qui subsistent, tendent à être interprétées de plus en plus strictement, donc dans un sens favorable à la conquête d'une plus grande universalité. §2. Du suffrage inégal au suffrage égal La démocratie ne suppose pas seulement que le suffrage soit universel, donc que chaque citoyen dispose du droit de suffrage. Elle suppose également que le suffrage soit égal, donc que la voix de chaque citoyen ait le même poids que celle des autres citoyens. C'est le principe une personne, une voix. Dans le passé, ce principe a parfois été mis en cause de façon directe du fait de l'instauration d'un vote plural (certaines personnes disposaient de plusieurs voix en fonction du nombre de leurs enfants, de leurs diplômes universitaires etc.). De nos jours, ce principe est parfois mis en cause, mais seulement de façon indirecte, du fait de l'inégalité du découpage électoral. Précisons que le découpage électoral est le découpage du territoire de l'Etat en circonscriptions électorales dans le cadre desquelles un (ou plusieurs) élu(s) sera (ou seront) désigné(s). A quelles conditions ce découpage est-il respectueux du principe d'égalité du suffrage ? - s'il respecte le principe de l'équilibre démographique : chaque circonscription doit comprendre à peu près le même nombre d'électeurs, ce qui suppose que ce découpage soit régulièrement adapté par le parlement à l'évolution démographique. - s'il respecte le principe de l'équilibre politique. Cette exigence est automatiquement respectée lorsque le scrutin est proportionnel, mais tel n'est pas le cas lorsqu'il est majoritaire. Dans ce dernier cas, le découpage peut en effet être réalisé dans un but purement politique par la Page 4 sur 13   majorité en place au détriment de la minorité (v. développements suivants). Une telle manipulation est toutefois moins fréquente aujourd'hui du fait du contrôle du respect de ce principe exercé par les cours constitutionnelles. Section 2 : Les modes de scrutin Les modes de scrutin, encore appelés régimes ou systèmes électoraux, sont les règles techniques utilisées pour départager les candidats. §1. Description des modes de scrutin Une première distinction doit être retenue : le scrutin peut être direct ou indirect. Le scrutin est direct lorsque l'élu est désigné sans intermédiaires par les électeurs. Il est en revanche indirect lorsqu'il est à deux ou à plusieurs degrés. Dans ce cas, l'élu est désigné, non par l'ensemble du corps électoral, mais par un collège électoral, c'est-à-dire un groupe restreint de personnes lui-même issu de l'élection. L'élection peut être à plus de deux degrés. Dans ce cas, le peuple désigne un premier collège électoral, qui va désigner un second collège, qui à son tour désigne les élus. La distinction majeure passe toutefois entre les modes de scrutin majoritaires et proportionnels. A) Les scrutins majoritaires Le scrutin majoritaire est un mode de scrutin dans lequel le (ou les) candidat(s) qui arrive(nt) en tête, donc qui obtient (ou obtiennent) le plus de voix, est (ou sont) élu(s). Il existe cependant plusieurs types de scrutins majoritaires : 1. En premier lieu, on doit les distinguer en fonction du nombre de candidats à élire. En effet, le scrutin majoritaire peut être uninominal ou de liste : - le scrutin est dit uninominal s'il n'y a qu'un seul siège à pourvoir dans la circonscription. Chaque bulletin ne porte donc qu'un seul nom ; - le scrutin est dit de liste si la circonscription attribue plusieurs sièges et que les candidats sont regroupés par listes. Sur chaque bulletin figurent donc plusieurs noms. Il existe plusieurs modalités de scrutin de liste : soit ces listes sont bloquées, dans ce cas, l'ensemble des candidats de la liste arrivée en tête sera élu. Soit le panachage est autorisé, dans ce cas, les électeurs ont la possibilité de rayer certains candidats de la liste pour laquelle ils votent et de les remplacer par des candidats pris dans d'autres listes. Les électeurs peuvent donc composer librement leur bulletin à partir des noms figurant sur les différentes listes. Les candidats élus seront ceux qui auront recueilli le plus grand nombre de suffrages dans la limite des sièges à pourvoir. Ce dernier mode de scrutin est utilisé en France pour les élections municipales dans les communes de moins de 1000 habitants (https://www.vie-publique.fr/fiches/20203-municipales-mode-de-scrutin- communes-de-moins-de-1000-habitants). Page 5 sur 13   2. En second lieu, il faut les distinguer en fonction du nombre de tours de scrutin nécessaires pour qu'un candidat puisse être proclamé élu. En effet, le scrutin majoritaire peut être à un ou à deux tours : - dans le cas du scrutin majoritaire à un tour, encore appelé scrutin à la pluralité des voix, sera élu le candidat arrivé en tête, quel que soit le pourcentage des suffrages qu'il aura obtenus. Ainsi, la majorité relative des suffrages exprimés suffit à un candidat pour être élu. Ce système est pratiqué au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Un exemple : si le candidat arrivé en tête a obtenu 30% des suffrages, ce pourcentage, qui ne constitue qu'une majorité relative (la majorité absolue suppose d'avoir obtenu 50% des voix + une) suffira pour qu'il soit élu. Une précision : on obtient le chiffre de suffrages exprimés en soustrayant des électeurs inscrits sur les listes électorales les abstentionnistes (ils n'ont pas voté) et les personnes qui ont voté blanc ou nul (elles ont voté mais le vote est blanc, par exemple parce qu'il n'y a pas de bulletin dans l'enveloppe, ou le vote est nul, par exemple parce que le bulletin est raturé) ; - lorsque le scrutin est majoritaire à deux tours, la majorité absolue des suffrages exprimés est requise pour qu'un candidat puisse être élu au premier tour de scrutin mais au second tour, la majorité relative est en revanche suffisante. Ce mode de scrutin a été très souvent pratiqué par la France, et c’est le mode de scrutin actuellement utilisé pour l’élection des députés, des conseillers départementaux (nouveau nom des conseillers généraux depuis la loi du 17/06/2013) et, avec certains aménagements, pour l’élection du Président de la République. Deux précisions : a. Une condition supplémentaire s'ajoute généralement à la condition de majorité pour que le candidat puisse être élu au premier tour. Elle impose au candidat de recueillir les suffrages d'un pourcentage minimum d'électeurs inscrits, ce qui permet d'assurer à l'élu une représentativité suffisante. Ainsi en cas d'abstention trop forte, un second tour devra être organisé. Tel est le cas en France pour l'élection des députés, où le candidat doit avoir obtenu 1/4 au moins des voix des électeurs inscrits. b. Dans le cas où personne n’est élu au premier tour, il y a ballottage, ce qui signifie qu'un second tour de scrutin, appelé "scrutin de ballottage" est organisé. A l'issue de ce second tour, la majorité relative suffira pour être élu. - Mais la législation électorale prévoit parfois que ne peuvent se présenter au second tour que les candidats qui ont obtenu plus d’un certain pourcentage de voix au premier tour. Tel est le cas pour l'élection des députés en France où il faut obtenir 12,5% des voix des électeurs inscrits. - De plus, des désistements peuvent également s’opérer entre les deux tours au profit des candidats les mieux placés : un ou plusieurs candidats qui pourraient se maintenir au second tour se retirent de la compétition et appellent à voter pour le candidat politiquement le plus proche et le mieux placé. L’élimination ou le retrait de ces candidats permet en particulier d'éviter la multiplication des "triangulaires", donc la présence de trois candidats restant en compétition au second tour. De telles triangulaires ont en effet pour inconvénient de permettre la victoire d'un candidat minoritaire, Page 6 sur 13   donc d'un candidat qui, même s'il a recueilli le plus grand nombre de voix, n’en a pas moins recueilli moins de 50% des suffrages exprimés (par ex. 35% contre 33% et 32% pour ses adversaires). En cas de duel, en revanche, le candidat élu sera plus représentatif puisqu’il représentera forcément plus de la moitié des électeurs qui se seront exprimés. B) Les scrutins proportionnels La représentation proportionnelle est un mode de scrutin dans lequel les listes de candidats se voient attribuer un nombre de sièges proportionnel au nombre de suffrages obtenus. A priori, un tel mode de scrutin paraît beaucoup plus simple que le précédent. En effet, un seul tour de scrutin est toujours suffisant et il s'agit toujours d'un scrutin de liste. Mais, en fait, sa mise en oeuvre est souvent complexe. Comment procède-t-on ? lors du dépouillement des résultats, on commence par déterminer le quotient électoral. Ce quotient est le résultat de la division du nombre de suffrages exprimés par le nombre de sièges à pourvoir. Le plus souvent, le territoire est découpé en plusieurs circonscriptions. Dans ce cas, le quotient est déterminé à l'échelle de la circonscription. Il existe donc un quotient électoral différent par circonscription. On divise ensuite le résultat qu'a obtenu chacune des listes par ce quotient, et le nombre entier - c'est-à-dire sans virgule - résultant de cette division détermine le nombre de sièges attribués à chaque liste. Ainsi, dans une circonscription où le nombre des suffrages exprimés serait de 100 000 et qui aurait droit à 10 députés, le quotient serait de 100 000 : 10 = 10 000. Imaginons que la liste A a obtenu 39 000 voix, la liste B 25 000 voix, la liste C 23 000, la liste D 7 000 et la liste E 6 000. La liste A obtiendra 3 sièges, la liste B et la liste C chacune 2 sièges, et les listes D et E n'auront pas de siège. On remarque que 7 sièges seulement auront été attribués grâce à l'utilisation du quotient. Il en restera 3 à pourvoir. De plus, autre constat, un certain nombre de voix obtenues par les divers partis n'auront pas été représentées (à savoir la part qui est inférieure à 10 000 pour chaque liste et ne permet donc pas l'attribution d'un siège supplémentaire - le chiffre obtenu est après la virgule) : 9 000 pour la liste A, 5 000 pour B, 3 000 pour C, 7 000 pour D et 6 000 pour E. Il s'agit là du problème que pose ce mode de scrutin, à savoir que, sauf exception rarissime, les listes n'obtiennent jamais un nombre de suffrages qui constitue un multiple exact du quotient électoral. C'est pourquoi il convient de répartir ce qu'on appelle les "restes". Cette répartition constitue la seconde opération que nécessite la mise en oeuvre de la représentation proportionnelle. Il existe deux grands systèmes de répartition des restes puisque cette répartition peut s'opérer soit au plus fort reste, soit à la plus forte moyenne. Dans le système du plus fort reste, les sièges restants seront attribués dans l'ordre décroissant des suffrages inemployés lors de la répartition initiale des sièges, donc aux listes totalisant le plus grand nombre de suffrages non représentés. Dans l'exemple précédent, les sièges restants iront aux listes A, D et E. En effet, A totalise 9 000 voix inemployées, D 7 000 et E 6 000, alors que la liste B n'en totalise que 5000 et la liste C 3000. Les résultats définitifs seront donc les suivants : A - > 4 sièges, B et C -> 2 sièges, D et E -> 1 siège. Ce système, on le voit, avantage les petits partis, c'est- à-dire ceux qui sont faiblement représentés (en l'occurrence D et E). Page 7 sur 13   Le système de la plus forte moyenne exige un plus long calcul. Le premier siège restant est d’abord attribué fictivement à chaque liste, et on divise le nombre de voix obtenues par chaque liste par le nombre de sièges ainsi calculé. On obtient ainsi la moyenne d'électeurs par siège pour chaque liste et la liste pour laquelle cette moyenne est la plus élevée - c'est-à-dire pour laquelle 1 siège représente le nombre le plus grand d'électeurs - se voit attribuer ce siège. Dans l'exemple précédent, le premier siège restant sera d'abord attribué fictivement à la liste A, et on constatera que cette attribution, qui porterait le nombre de ses élus à 4, porte sa moyenne d'électeurs par siège à 39 000 divisé par 4 (= 9 750 électeurs). Le siège restant sera ensuite fictivement attribué à la liste B, ce qui aboutirait à porter sa moyenne à 25 000 divisé par 3 (= 8 333 électeurs). On poursuit ainsi les calculs pour chaque liste - je vous épargne le détail - et il apparaît que la plus forte moyenne obtenue par ces attributions fictives est celle de la liste A. Le premier siège restant ira donc à cette liste. Puis, car ce n'est pas fini, on procède à l'attribution du deuxième siège restant, selon la même méthode. A ce moment, il ne faut pas oublier d'intégrer, s'agissant de la liste A, le siège supplémentaire qui vient d'être obtenu grâce à la répartition des restes. La moyenne de la liste A tombe désormais à 39000 divisé par (4 + 1 fictif) = 5 (= 7 800). Et si l'on compare les différentes moyennes, c'est désormais la liste B qui a la plus forte moyenne et obtient ce siège. On poursuit de même pour l'attribution du troisième siège restant : la moyenne de A reste à 7 800, celle de B tombe à 25 000 divisé par (3 + 1 fictif) = 4 (= 6 250), celle de C reste à 7 666, et celles de D et E à 7 000 et 6 000. C'est encore la liste A qui a la plus forte moyenne et emporte ce dernier siège. Les résultats définitifs s'établiront ainsi à : A -> 5 sièges, B -> 3 sièges, C -> 2 sièges, D et E -> zéro. Ce système, on le voit, avantage les grands partis. Nous avons vu que le scrutin proportionnel était toujours un scrutin de liste. Soit les listes sont bloquées, et dans ce cas les candidats seront élus dans l'ordre fixé par le parti politique - puisque c'est chaque parti politique qui établit ses listes - soit il existe un système de vote préférentiel qui permet aux électeurs de classer eux-mêmes les candidats dans l'ordre qui leur conviendra. Dans ce dernier cas, les candidats placés en fin de liste par leur parti, et qui ont donc peu de chances d'être élus si cet ordre est respecté, peuvent donc être placés en tête de liste par l'électeur, et donc avoir davantage de chances d'être élus. Le système du vote préférentiel ouvre ainsi une marge de liberté aux électeurs par rapport aux partis. Ajoutons que la plupart des Etats européens ont adopté la représentation proportionnelle comme mode de scrutin. C) Les systèmes mixtes Certains systèmes s'efforcent de combiner les systèmes majoritaire et proportionnel, afin de cumuler leurs avantages tout en atténuant leurs inconvénients respectifs. Les possibilités de combinaison entre les 2 systèmes sont infinies. Donnons un exemple de système mixte. C’est le scrutin établi par la loi française du 19 novembre 1982 pour les élections municipales dans les communes de plus de 1000 habitants (avant la loi du 17/05/2013, le seuil était plus élevé : 3500 habitants). Il s'agit d'un scrutin majoritaire avec correctif proportionnel. Il permet de donner la moitié des sièges de conseillers municipaux à la liste ayant obtenu la majorité absolue des suffrages au premier tour ou qui est arrivée en tête au second (prime majoritaire de 50%). L'autre moitié est répartie en proportion des voix obtenues par chaque liste, donc à la représentation proportionnelle, Page 8 sur 13   entre toutes les listes y compris la première. Le parti majoritaire est donc assuré d'obtenir au Conseil municipal une forte majorité tandis que les partis minoritaires sont assurés d'y être représentés. L'actuel scrutin régional, même si les pourcentages sont différents - la prime majoritaire n'est que de 25% - fonctionne sur le même modèle (depuis 2004). §2. Effets des modes de scrutin La décision de choisir tel mode de scrutin au détriment d'un autre est une décision politique majeure car à chaque mode de scrutin correspondent des conséquences politiques - directes ou indirectes - différentes. On peut les étudier en distinguant les effets de chaque système sur la représentation, sur les partis politiques et sur le fonctionnement des institutions. Selon le niveau où l’on se place, chaque mode de scrutin présente alors des avantages ou des inconvénients. A. Les effets sur la représentation de l'opinion La question que l’on se pose ici est celle de savoir si un mode de scrutin assure une représentation fidèle ou infidèle des opinions politiques exprimées par les électeurs. - Le scrutin indirect favorise souvent les candidats modérés (par opposition aux candidats des extrêmes) grâce au filtrage qui résulte de l'intervention du collège électoral. - Le scrutin majoritaire, qu'il soit à un ou à deux tours, est assurément injuste puisque, dans chaque circonscription, les voix des candidats battus sont perdues, elles ne sont pas représentées. Les conséquences sont les suivantes : les courants d'opinion minoritaires ne sont pas représentés ou sont sous-représentés à l'assemblée tandis que la formation majoritaire est sur-représentée. C'est ce qu'on appelle la "prime à la majorité". Pour la prime à la majorité, lors des élections législatives françaises de 2017, La République en marche, qui a obtenu 28,75 % des voix au premier tour, a finalement obtenu 308 sièges (toujours sur 577), soit 53 % des sièges. Les Républicains et le Modem ont également bénéficié d'une "prime" (15, 7% des voix au premier tour avec 112 sièges, soit 19, 4 % des sièges après le second tour pour le premier ; 4,1 % des voix au premier tour avec 42 sièges, soit 7, 2 % des sièges après le second tour). En revanche, le parti socialiste, qui obtenait 7,4 % des voix au premier tour, n'a obtenu que 5,2 % des sièges (30 sièges). La France insoumise, qui obtenait 11,3% des voix au premier tour, n'a obtenu que 1,9 % des sièges après le second tour (17 sièges). Quant au Front national, qui obtenait 13,2% des voix au premier tour, il n'a également obtenu que 1,3 % des sièges après le second tour (8 sièges). Les minorités ont donc également été sous-représentées, pour l'essentiel au profit de la majorité. Autre exemple : lors des élections législatives françaises de 2022 et si l’on prend en compte les résultats publiés par le Ministère de l’intérieur, Ensemble ! (Majorité présidentielle), qui a obtenu 25,7 % des voix au premier tour, a finalement obtenu 245 sièges (toujours sur 577), soit 42,4 % des sièges (c’est-à-dire la majorité relative). Les Républicains ont aussi bénéficié d’une prime, mais presque insignifiante (10,4 % des voix au premier tour pour 61 sièges, soit 10,5 % des sièges après le second tour). En revanche, la Nupes, qui obtenait 25,6 % des voix au premier tour, n'a obtenu que 22, 7 % des sièges (131 sièges). Quant au Rassemblement National, qui obtenait 18,7% des voix au premier tour, il n'a également obtenu que 15,4 % des sièges après le second tour (89 sièges). Enfin, Reconquête ! n’a obtenu aucun siège pour 4,2% des voix au premier tour. Les minorités ont donc Page 9 sur 13   également été pour l’essentiel sous-représentées au profit du parti majoritaire, mais, pour beaucoup d’entre elles, dans une moindre mesure que lors des élections précédentes. Dernier exemple, le plus récent et le plus atypique : lors des élections législatives françaises de 2024 qui ont suivi la dissolution décidée par le Président de la République, le Nouveau Front populaire, qui a obtenu 28,06% des voix au premier tour, a finalement obtenu 182 sièges, soit 31,5% des sièges. Ensemble pour la République, qui a obtenu 20,04% des voix au premier tour, a finalement obtenu 168 sièges, soit 29,1% des sièges. Ces deux coalitions ont donc bénéficié de la prime à la majorité, en particulier en raison de la stratégie de « front républicain » qu’elles ont pour l’essentiel suivie. Quant à LR, avec 6,57% des voix, il a obtenu 7,8% des sièges (= 45 sièges) et donc également bénéficié d’une prime, mais plus faible. Seul le RN est en fin de compte sous- représenté - en raison du front républicain, il constitue la minorité - et obtient 24,7 % des sièges (143 sièges) pour 33,22% des voix au premier tour. Une autre source de décalage entre les suffrages et leur représentation en cas de recours au scrutin majoritaire peut se trouver dans le découpage électoral. En effet, le découpage du territoire en circonscriptions - qui est opéré par la majorité au pouvoir - peut être ainsi fait que la représentation de l'opposition soit systématiquement minorée. Il suffira qu'un nombre suffisant de circonscriptions soit dessiné de telle sorte que le (ou les) parti(s) d’opposition y soi(en)t minoritaire(s). Comment ? en accolant délibérément des territoires acquis à ces partis à des territoires qui sont largement dominés par le parti majoritaire. Une telle pratique peut permettre à la majorité en place de se prémunir contre un éventuel échec aux élections futures. Ainsi, même devenue minoritaire dans le pays, la majorité en place pourra parfois demeurer majoritaire à l'assemblée et conserver le pouvoir. Le contrôle exercé de nos jours par les juridictions constitutionnelles permet toutefois d'éviter - au moins dans une certaine mesure - ce type de pratique. - S'agissant de ses effets sur la représentation, le scrutin proportionnel est quant à lui souvent présenté comme étant conforme à l'idéal de justice et de démocratie puisqu'il permet de donner une photographie plus fidèle du pays. Les minorités sont représentées au Parlement et le parti majoritaire n'est pas ou ou est très peu sur-représenté. Quant au découpage des circonscriptions, il ne peut être utilisé à des fins politiques comme il peut l'être en cas de scrutin majoritaire. Voilà donc un avantage de la représentation proportionnelle, à savoir représenter fidèlement les opinions du peuple. Mais cet avantage doit être fortement nuancé. En fait, les différents courants de l’opinion publique sont mieux représentés mais le peuple est dépossédé du pouvoir de choisir la personne de ses représentants. En d'autres termes, la représentation proportionnelle présente l’inconvénient de transférer aux partis politiques le pouvoir de désigner les candidats, et donc les futurs élus. En effet, elle est toujours un scrutin de liste et l’ordre de classement des candidats, donc le choix des têtes de liste, est fait - sauf système de vote préférentiel, mais qui est rare - par les partis politiques. Un tel mode de scrutin place d'ailleurs les élus dans une situation de dépendance vis-à-vis de leur parti. En revanche, un tel inconvénient n’existe pas lorsque le scrutin est uninominal, ce qui est souvent le cas du scrutin majoritaire. Un candidat indépendant ou qui n'est pas le candidat officiel du parti peut se présenter et être élu en raison de ses qualités propres, ce qui n'est pas concevable lorsque le scrutin est de liste. Page 10 sur 13   B. Les effets sur les partis politiques Ces effets ont été systématisés en 1950 par le Professeur M. DUVERGER, dans un ouvrage devenu célèbre intitulé "L'influence des systèmes électoraux sur la vie politique". Il formulait trois lois de sociologie politique, c'est-à-dire des lois qui décrivent des phénomènes qui se reproduisent dans les différents Etats et qui sont scientifiquement observables (à différencier des lois au sens juridique, qui sont des actes votés par le parlement). Ces lois restent pour l'essentiel valables même si elles connaissent des exceptions : - Première loi : le scrutin majoritaire à un seul tour favorise l’apparition d’un bipartisme, c'est-à-dire d’un système politique dominé par deux grands partis. C’est d’ailleurs le mode de scrutin dont l'effet sur la vie politique est le plus simplificateur : il oblige les différentes tendances politiques à se regrouper à l'intérieur de deux grands partis si elles veulent avoir des chances d'être représentées au parlement. En effet, quel va être le comportement d’un électeur moyen ? dès le premier tour - puisqu'il n'y en a qu'un - il va être tenté de "voter utile", c'est-à-dire de faire un choix qui influence le résultat du scrutin. Concrètement, cela signifie que l’électeur moyen ne va pas donner sa voix à un petit parti, même si celui-ci est plus proche de ses opinions, mais à un parti qui a des chances d’obtenir un élu. Les petits partis ont donc tendance à être laminés par ce mode de scrutin au profit de deux grands partis fédérateurs. Pour deux exemples de bipartisme qui s'expliquent en partie par le mode de scrutin, il suffit d'observer le cas britannique (où s'affrontent pour l'essentiel le parti conservateur et la parti travailliste) et le cas américain (où s'affrontent pour l'essentiel le parti républicain et le parti démocrate). - Deuxième loi : le scrutin majoritaire à deux tours favorise l’apparition d’un système de partis multiples, souples et dépendants. Le multipartisme sera toutefois limité. En effet, quelle va être la psychologie de l'électeur ? au premier tour, il va choisir. Par son vote il va donc exprimer son opinion politique avec toutes les nuances qu'elle comporte. Ce n'est qu'au second tour qu'aura lieu le vote utile. L'électeur ne va plus choisir, il va éliminer. En guise d'exemple, on peut citer l'élection présidentielle de 2002 en France. A gauche, les électeurs ont effectivement "choisi" au premier tour, et la particulière dispersion des voix (entre 5 candidats de gauche et 3 candidats d’extrême gauche) a d'ailleurs entraîné l'élimination du candidat socialiste, Lionel Jospin (qui avait obtenu 16,18% des suffrages exprimés), au profit du candidat du Front national, Jean-Marie Le Pen (qui en avait obtenu 16,86 % des suffrages exprimés). Il faut préciser que ne peuvent se présenter au second tour de cette élection que les 2 candidats arrivés en tête au premier tour (en l’occurence Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen). Au second tour, les électeurs ont alors éliminé ce dernier candidat bien plus qu'ils n'ont choisi - à plus de 82% des voix - Jacques Chirac. Vous voyez la différence avec le cas de figure précédent : ici, plus de deux partis peuvent survivre mais il est en revanche de l'intérêt des partis de conclure des accords de désistement en vue du second tour. Les partis sont donc souples (du point de vue de leur programme) et dépendants (les uns des autres). En effet, de tels accords permettront d'éviter des triangulaires au second tour, donc la présence de trois candidats, qui peut être fatale aux candidats qui refusent d’unir leur force. Page 11 sur 13   Ex: dans une circonscription française, deux candidats de droite se présentent aux élections législatives, l'un recueille 32% de voix au premier tour, l'autre 28% des voix. Un candidat unique de gauche recueille 40% des voix. Que va-t-il se passer au second tour si les partis de droite ne concluent aucun accord de désistement entre les deux tours ? il y a de fortes chances pour que ce soit le candidat de gauche - gauche qui est pourtant minoritaire dans la circonscription - qui soit élu puisque c’est le candidat qui a obtenu la majorité relative au second tour qui l’emporte. Ceci explique donc que les partis soient qualifiés de souples et de dépendants. Ils doivent s'unir en vue du second tour et donc mettre en avant les éléments qui les rapprochent au détriment de ceux qui les séparent. C’est ce système de partis que connaît la France. Vous comprendrez la situation fort difficile dans laquelle ce mode de scrutin place les partis modérés à l’égard des partis extrémistes, que ce soit à droite ou à gauche. Le choix sera souvent entre s'unir avec ces derniers et gagner l’élection en perdant son âme, ou refuser l’union et perdre l’élection en conservant son intégrité. A droite, c’est le choix du refus de l’union qui a toujours été fait au niveau national jusqu’à l’éclatement de LR avant les élections législatives de 2024, son président ayant décidé de faire alliance avec le RN. Même difficulté à gauche, l’alliance électorale avec LFI étant également contestée au sein du PS. Enfin, une stratégie de « front républicain » est parfois choisie par certains partis pour empêcher un ou des candidats extrémiste(s) (actuellement d’extrême droite) d’être élu(s). - Troisième loi : la représentation proportionnelle favorise l’apparition d’un système de partis multiples, rigides et indépendants. En effet, ce mode de scrutin incite les différents courants d'opinion, non pas à se fédérer au sein de grands partis politiques qui verraient donc coexister en leur sein différents courants, mais à s'ériger en partis indépendants. L'union n'est plus une condition nécessaire pour obtenir une représentation. En conséquence, les différents partis ont tendance à exagérer les différences qui les séparent pour se démarquer les uns des autres, et la représentation nationale risque alors d'être pulvérisée entre une multitude de partis. Ces partis, qui n'ont pas besoin de s'unir, sont donc rigides et indépendants. Pour éviter cet inconvénient, donc pour éviter un morcellement excessif de la représentation nationale, la plupart des lois électorales qui instaurent la R.P. imposent que les partis recueillent un pourcentage suffisant de suffrages exprimés dans le pays pour pouvoir être représentés au parlement (par ex. 5% en Allemagne). C. Les effets sur le fonctionnement des institutions - L'inconvénient du scrutin indirect est qu'il confère à l'organe élu une autorité moindre que s'il avait été élu au suffrage direct. L'origine du pouvoir paraît en effet plus lointaine. En d'autres termes, la représentativité des élus au scrutin indirect est moindre que celle des élus au scrutin direct. En France, ces considérations valent pour les sénateurs qui sont élus par un collège électoral comprenant pour l'essentiel les élus locaux. - Le mérite essentiel du scrutin majoritaire est son efficacité, au sens où il facilite l'apparition d'une majorité stable à l'assemblée. Ceci est important dans les régimes parlementaires où le gouvernement peut être renversé par le parlement. S’il existe une majorité solide, composée d’un ou de plusieurs partis, le gouvernement sera assuré d’être soutenu pendant toute la durée du mandat des élus. L’exécutif sera donc stable et disposera du temps nécessaire à la mise en oeuvre de sa politique. Ceci vaut surtout pour le scrutin majoritaire à un tour. En effet, dans ce cas, l’un des deux partis dominants disposera à lui tout seul de la majorité à l'assemblée. La cohésion de la majorité sera Page 12 sur 13   donc à son maximum. En revanche, l’effet est moins net si le scrutin est majoritaire à deux tours. En effet, dans un tel cas, le parti arrivé en tête n'a pas forcément la majorité des sièges au parlement et est donc parfois obligé de faire alliance avec d'autres partis pour gouverner. La cohésion de la majorité est alors parfois plus fragile. En France, la majorité a souvent été composée de plusieurs partis, dont l’UDF et le parti gaulliste pour la droite et le P.S. et le P.C. pour la gauche (on parlait d'ailleurs de majorité plurielle en 1997, laquelle englobait les Verts et les divers gauche), mais la cohésion de la majorité était toujours restée importante. En 2012 et en 2017, un parti (socialiste, puis LRM) a même obtenu la majorité absolue des sièges à l'Assemblée nationale, mais tel n’a plus été le cas en 2022, encore moins en 2024. - Voyons maintenant ce qui se passe du côté de la représentation proportionnelle : la stabilité et la cohésion de la majorité, et donc du gouvernement, sont beaucoup plus difficiles à obtenir. Le gouvernement sera obligé le plus souvent de s'appuyer sur une coalition instable de partis au Parlement. Pourquoi les coalitions sont-elles alors instables ? car, durant les campagnes électorales, les partis doivent mettre l'accent sur leurs différences, ce qui ne facilite pas les rapprochements, une fois les élections achevées. Même si des coalitions sont possibles, elles peuvent se faire et se défaire, donc se refaire avec des partis différents au cours d'une même législature - donc après les élections - et finalement compromettre la nécessaire stabilité gouvernementale. Deux inconvénients de la R.P. doivent ainsi être mis en lumière : - D'abord, le peuple est tenu à l'écart de ces négociations entre partis car ces négociations succèdent à l'élection. Conséquence : la volonté nationale est médiatisée. Elle ne s'exprime que par l'intermédiaire des partis qui lui donnent un véritable contenu. Ce n'est pas le peuple qui décidera de la majorité qui gouvernera le pays, mais les états-majors des partis, qui décideront de nouer telle ou telle alliance. Or, ce n’est pas la même chose qu’un parti s’allie avec des partis situés plus au centre, ou bien plus à l’extrême sur l’échiquier politique. Vous voyez que les partis, à la fois pour la désignation des candidats et pour le choix des alliances et des programmes, sont les véritables bénéficiaires de ce mode de scrutin. La souveraineté, qui appartient en principe au peuple, a alors toutes les chances d'être exercée en fait par les partis et leurs états-majors. Tel n'est pas le cas lorsque le scrutin est majoritaire à deux tours : les négociations ont en effet lieu au plus tard entre les deux tours et seront donc soumises au peuple qui dispose du droit de dernier mot. Par exemple, en cas d'alliance d'un élu de la droite classique avec le Rassemblement national, le peuple pourra sanctionner cette alliance en votant pour un autre candidat. - L'absence de sur-représentation du parti majoritaire a des effets néfastes en cas de dissolution de l'assemblée. Ce mode de scrutin a un "effet-édredon". Il tend à amortir les changements d'opinion au lieu de permettre de les accentuer, ce qui ne permet pas, le plus souvent, de dégager une nouvelle majorité. Page 13 sur 13