Titre I - Théorie générale du rapport aux biens PDF
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This document provides an overview of the concept of 'things' (choses) in French civil law. It outlines the distinction between corporeal and incorporeal things, and discusses categories of things that are not considered goods, such as common things and things outside the sphere of legal commerce. The document also explores the various aspects of property law, including the nature of property, and the different relationships between people and things. It's a comprehensive resource for legal and academic studies.
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Bien : - Un bien n’est pas une chose. - Un bien est un concept juridique. - Le bien est la chose telle qu’elle est appréhendée par la propriété. - C’est une chose appropriée. - C’est une chose qui a un propriétaire → il peut en faire ce qu’il veut et interdire les autres de l’utiliser....
Bien : - Un bien n’est pas une chose. - Un bien est un concept juridique. - Le bien est la chose telle qu’elle est appréhendée par la propriété. - C’est une chose appropriée. - C’est une chose qui a un propriétaire → il peut en faire ce qu’il veut et interdire les autres de l’utiliser. Chose : - c’est un terme très vague. - On peut distinguer les choses corporelles et les choses incorporelles. - Les choses corporelles peuvent être physiquement touchées. - Les choses incorporelles ne peuvent pas être palpables ‣ La clientèle d’un commerçant. ‣ Un roman, en tant qu’oeuvre en elle-même, est une chose incorporelle. ‣ Un brevet est une chose incorporelle. Les biens regroupent les choses corporelles et incorporelles. Elles relèvent d’un propriétaire. La propriété est un rapport d’exclusivité sur une chose. Le bien est une chose qui circule entre les individus qui forment la société. Tout n’est pas « bien » pour autant. La plupart des choses incorporelles et corporelles sont des biens mais il y a des catégories résiduelles qui ne sont pas des biens : Choses inappropriables : elles ne peuvent pas être objet de propriété : - Les choses communes : ‣ elles sont naturellement à tout le monde, personne ne peut prétendre se les approprier (l’eau de mer, l’eau de pluie, l’air…). ‣ Elles sont nécessaires à tout le monde donc personne ne peut s’en faire le propriétaire. ‣ Elles relèvent de l’art.714Cciv : « il est des choses qui n’appartiennent à personne et dont l’usage est commun à tous ». ‣ Personne ne peut avoir de droit privatif pour cette chose : une société développe un médicament essentiel. Elle le protège par un brevet afin de recevoir des royalties (indemnités). Pour certains, les médicaments utiles à tous devraient être considérés comme des choses communes cad des choses non appropriables. Néanmoins, il est difficile de concevoir qu’un inventeur de produits médicinaux soit privé de protection financière et de propriété car en raison du coût, il n’y aurait plus de création dans ce domaine. ‣ Pour ses besoins personnels, il est possible de s’approprier une fraction de ces choses (ex : citerne recueillant les eaux de pluie). Le recueillement d’une partie d’une chose commune est licite → Elles ne peuvent pas être appropriée en totalité. - Les choses situées en dehors du commerce juridique : ‣ elles ne peuvent pas faire l’objet d’un contrat licite. ‣ Elles ne peuvent pas circuler dans la société des hommes par le biais d’un contrat. 1 sur 68 ‣ C’est une catégorie qui incarne une sorte de tabou : il y a des choses qu’on ne veut pas mettre dans le commerce licite. ‣ Dans la tradition, c’est ce qui attrait à l’être humain : les personnes (esclavage est interdit), les organes, le sang, les phanères (cheveux, ongles, poils)…Il est possible de les mettre au service des dons, des greffes et des transfusions mais la vente est interdite. - Les sépultures : elles sont protégées par l’inappropriabilité. Choses inappropriées ou choses sans maître. Elles n’ont pas de propriétaire mais elles pourraient en avoir un. C’est une catégorie de fait. Le Cciv les évoque à l’art.713Cciv : « les biens qui n’ont pas de maître appartiennent à la commune sur le territoire de laquelle ils sont situés ». - Les immeubles : quand les terrains n’appartiennent à personne, la commune s’en empare au nom de l’art.713Cciv - Les successions en déférence : personne décédée sans héritier et sans testament. La commune s’empare de ces successions. - On distingue plusieurs formes de choses inappropriées : ‣ Les choses perdues : choses qui ont été appropriées mais qui ne le sont plus ‣ Les choses abandonnées : n’ont pas de propriétaire. le propriétaire fait cesser volontairement le rapport d’appropriation. De ce fait, la chose devient une chose sans maître. Mettre une chose à la poubelle est considéré comme une cessation de l’appropriation. L’abandon peut faire l’objet d’une rétraction car c’est un acte juridique → Tant qu’une autre personne ne s’est pas appropriée cette chose abandonnée, le propriétaire initial peut se rétracter et se la réapproprier. ‣ Les choses qui n’ont jamais été appropriées par personne : les animaux sauvages sont des choses sans maître. Un chasseur qui tue du gibier s’approprie une chose sans maître. La chasse et la pêche (pas dans les étangs) témoigne d’une chose sans maître → occupation d’une chose sans maître Les êtres vivants : -⚠ cela ne concerne pas les personnes car elles sont inappropriables → Elles sont situées en dehors du commerce juridique. ‣ Cette catégorie s’oriente plutôt vers les animaux. ‣ En 1804, les animaux domestiques sont des biens. Ce sont même des meubles. Depuis quelques années, les sensibilités française et internationale évoluent et n’acceptent plus la réification de l’animal. Cela vient bouleverser l’ordre juridique comme quoi il y a des personnes et des biens + les animaux n’étant pas des personnes, ce sont des biens. ‣ Art.515-14Cciv bouleverse cette summa divisio : « Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens. » : les animaux sont une chose particulière. Ce ne sont pas des biens mais pas non plus des personnes : Les animaux ne sont pas des biens car ce sont des êtres vivants doués de sensibilité. 2 sur 68 Les animaux sont tout de même soumis au régime des biens. Ils sont considérés comme des biens tant qu’il n’y a pas de technique particulière gouvernant le régime des animaux Cet article provoque une incertitude profonde. Depuis 2022, les gens souhaitant avoir un animal de compagnie doivent remplir un certificat d’engagement et de connaissance pour attester de la dignité avec laquelle l’animal va être traité : sorte de permis de détention de l’animal pour le soustraire au régime des biens. Note : Les personnes ont un statut Les choses ont un régime Distinction entre les choses corporelles et incorporelles : Les choses corporelles : Elles sont définies par le droit romain comme celles que l’on peut toucher. Tout l’environnement matériel est fait de choses corporelles. Les choses incorporelles : C’est un monde insaisissable. Elles ne peuvent pas être touchées. Elles peuvent concevables et appréhendées par le monde juridique. Par simplification, le droit des biens a été le droit des choses corporelles, les choses incorporelles étaient difficilement appréhendables. → Ex : un médecin a une clientèle. Il décide de se retirer. Il cède sa clientèle à un autre médecin. Cette cession de clientèle était considérée en fait comme une vente du médecin sortant. En droit droit c’est plus compliqué. - Pendant très longtemps, on a refusé que la clientèle soit une chose donc l’idée de vendre une clientèle était inacceptable. - Cette idée était acceptée en fait mais pas en droit car la clientèle était perçue comme un ensemble d’individus et de personnes libres qui ne pouvaient pas être vendues. - Finalement, il a été décidé que sur le plan juridique le médecin exerçait un droit de présentation au successeur. - Dans la réalité, la clientèle avait été vendue ce qui a été dissimulé juridiquement par le droit de présentation. - La vente de la clientèle passe par le biais de la notion du fond de commerce. Le commerçant peut décider de vendre son droit au bail, son matériel…mais pas sa clientèle. La seule chose qui a réellement de la valeur c’est la clientèle. Les droits : Ce sont des choses incorporelles. On se pose la question de savoir si ils peuvent être appropriés ou non. Un droit est une relation juridique entre un débiteur et un créancier. Cette relation a un objet : ce que le débiteur doit faire au profit du créancier. Les droits subjectifs se subdivisent en deux catégories : - Les droits personnels / droit de créance / obligation : ‣ les plus habituels, les plus fréquents. ‣ Ce sont des situations dans lesquelles un débiteur doit une prestation au créancier. 3 sur 68 ‣ Si le débiteur ne l’exécute pas, cette prestation peut être recouvrée par le patrimoine du débiteur. Une créance peut être vendue. ‣ C’est donc une chose appropriée. ‣ Il est exercé contre une personne - Les droits réels : ‣ ce sont des droits qui portent sur une chose. ‣ Il est donc exercé contre une chose. ‣ C’est aussi une relation entre un débiteur et un créancier. C’est une relation autour d’un objet car l’objet est une chose en général matérielle. Titre préliminaire : la diversité des biens Division fondamentale : summa divisio. Tous les systèmes juridiques procèdent à une division des biens. On associe un régime juridique particulier à chaque catégorie. Il y a des biens qu’on veut protéger plus que d’autres. Ces biens là vont faire l’objet d’une transmission plus difficile. La catégorie protégée est en fait la catégorie pour laquelle le droit est beaucoup plus exigeant. À côté de cette catégorie, il y a des catégories auxquelles on accorde pas une importance particulière. La réglementation est moins exigeante que la catégorie protégée. Souvent en matière de biens, il y a les biens protégés d’un côté et les biens abandonnés à la liberté des parties de l’autre. Dans le droit français, la catégorie protégée est celle des immeubles cad les terrains, les bâtiments = tout ce qui immobile. La catégorie non protégée est la catégorie des meubles. En 1804, la valeur était du côté des immeubles. La terre était le bien le plus important. En revanche, les meubles n’étaient pas considérés (res mobilis, res vilis : les choses mobilières sont des choses viles). Les meubles n’avaient pas de valeur. Le Cciv de 1804 fait un système de répartition entre les biens meubles et immeubles. La répartition est annoncée à l’art.516Cciv : « tous les biens sont meubles ou immeubles ». Cette division s’est étendue aux biens incorporels. Une chose incorporelle est plus difficilement classable car elle ne peut pas se déplacer ou rester immobile. Il est donc dit que les droits sont meubles ou immeubles en fonction de l’objet sur lequel ils portent I. La division des choses corporelles Les biens corporels (matériels, qui peuvent être touchés) sont les biens du monde réel. Ils n’ont pas besoin d’être conçus intellectuellement car ils existent en soi. C’est un critère matériel qui les différencient en fonction de leur position dans l’espace. Le critère répartiteur est donné à l’art.528cciv : « Sont meubles par leur nature les biens qui peuvent se transporter d'un lieu à un autre.». → Il est définit ici l’essentialité du meuble par son déplacement. 4 sur 68 Les meubles au sens technique du terme s’éloignent du sens courant. Les meubles meublants sont les meubles du langage courant : art.534Cciv : « Les mots "meubles meublants" ne comprennent que les meubles destinés à l'usage et à l'ornement des appartements, comme tapisseries, lits, sièges, glaces, pendules, tables, porcelaines et autres objets de cette nature. » Les immeubles ne sont pas susceptibles de déplacement. Ils sont immobiles. → Tout ce qu’on peut déplacer est meuble. → Tout ce qu’on ne peut pas déplacer sans travaux est immeuble. Le sol (la définition cadastrale du terrain) est un immeuble. C’est l’immeuble par excellence. Ce qui immeuble c’est l’identification cadastrale. - La terre sur ce sol est meuble car le moindre petit cailloux peut être déplacé. - Le bâtiment est immeuble vis-à-vis du cadastre. - Le terrain matériel en lui-même est constitué de meubles. Il faut aussi envisager les changement de catégorie : les meubles immobilisés et les immeubles mobilisés. A. La nature des choses Art.528Cciv : « Sont meubles par leur nature les animaux et les corps qui peuvent se transporter d'un lieu à un autre, soit qu'ils se meuvent par eux-mêmes, soit qu'ils ne puissent changer de place que par l'effet d'une force étrangère.» → critère de déplaçabilité des meubles et des immeubles. Les biens doivent être classés en fonction de leur nature soit dans les meubles soit dans les immeubles. 1. Les immeubles par nature Ce sont les choses qui ne sont pas susceptibles de se déplacer. Il n’y a pas de limite de poids. C’est donc un critère d’impossibilité à les déplacer car les choses tiennent, elles sont accrochées au sol. L’art.518Cciv : « Les fonds de terre (= terrain) et les bâtiments sont immeubles par leur nature.» : il n’y a là que deux exemples. Il n’y aurait rien d’autre : effectivement, il ne peut rien y avoir d’autre comme immeuble par nature. Fonds de terre : le terrain → immeuble par excellence. Ce sont les limites du terrain, les limitations cadastrales. Le fond de terre se décompose en 3 choses : - Surface : c’est la superficie. Elle peut être cultivée, construite. C’est ce qui identifie le terrain. - Le tréfonds = le sous-sol. C’est ce qui se situe sous la superficie. ‣ Si le tréfonds est une carrière, les pierres qui en sortent sont des meubles mais la carrière en elle-même reste immeuble. ‣ Le trésor : trouvé dans le tréfonds. Il est défini par l’art.716Cciv : « Le trésor est toute chose cachée ou enfouie sur laquelle personne ne peut justifier sa propriété, et qui est découverte 5 sur 68 par le pur effet du hasard. » c’est donc une chose enfouie dans le tréfonds sur laquelle on tombe sans avoir lancé des recherches intentionnellement. Personne ne doit pouvoir justifier sa propriété : mais la propriété ne se perd jamais. Si on arrive à retracer la lignée du propriétaire initial du trésor alors il reviendra à ses héritiers. Dès lors qu’il y a une indication de propriété, il est attribué et ne suit pas les dispositions de l’article 716Cciv. Si une personne creuse dans le terrain d’un particulier à la demande de celui-ci et trouve un trésor : la propriété revient au propriété du terrain. Si un jardinier indépendant (cad n’agit pas dans le commandement du propriétaire) trouve un trésor sur un terrain d’un particulier : la propriété est divisée en deux entre l’inventeur (jardinier) et le propriétaire du terrain. - Le surplomb : tout ce qui est au dessus de son terrain → Le caractère immeuble s’étend aux notions de superficie, tréfonds et surplomb → art.552 Cciv : La propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous. Le bâtiment est définitivement accroché au sol. - Le bâtiment est un immeuble car il ne peut pas être déplacé à moins de détruire les fondations → il est fixe. - Chaque fois qu’un élément se détache du bâtiment il devient meuble (tuile par exemple). → Toute construction ancrée dans le sol par un système de fondation est un immeuble alors que toute construction qui est posée sur le sol est un meuble. Une cabane à outils est donc un meuble car elle est simplement posée. Il y a une jurisprudence importante sur ce sujet pour définir si les serres, les vérandas sont des meubles ou des immeubles. 2. Les meubles par nature Tout ce qui n’est pas immeuble est meuble. Les immeubles se déterminent par la fixité. Il n’y a pas besoin de vérifier si la chose est mobilière à partir du moment où elle n’est pas immeuble. Les meubles sont donc censés être déplaçables. Cette catégorie résiduelle est immense car tout est meuble. B. Les changements de catégorie Par exception, des meubles deviennent des immeubles et vice-versa. Les changements de catégorie arrivent dans les deux sens : Des meubles peuvent immobilisés : les immeubles par destination. Des immeubles sont mobilisés par anticipation : les meubles par anticipation. 1. Les immeubles par destination Ils s’opposent aux immeubles par nature. Des meubles donc déplaçables voient leur nature modifiée car il y a des enjeux à cette immobilisation. Les meubles ne sont pas protégés, contrairement aux immeubles. L’immobilisation permet de faire acquérir au meuble un régime protégé et éviter des accidents. 6 sur 68 → Ex : le terrain d’un exploitant agricole. Il a un tracteur qui lui permet de labourer ses terrains. Si l’exploitant doit de l’argent à sa banque et que celle-ci exerce une saisie sur son tracteur alors il ne peut plus travailler. L’exploitant est tenté de mettre en avant que le tracteur est indispensable à l’exploitation et qu’il doit être un immeuble par destination. Alors, il ne pourra pas être saisi tout seul. Le banquier sera obligé de saisir toute l’exploitation agricole dont le tracteur (ce qu’il ne pourra pas faire car cela sera perçu comme une saisie disproportionnée). → L’immobilisation par destination est une transformation des meubles en immeubles à laquelle on procède pour des raisons de protection. La protection immobilière est étendue à un bien meuble. Condition pour l’immobilisation par destination : il faut que le meuble et l’immeuble appartiennent au même propriétaire → nécessité d’une propriété commune : permet la création d’un lien de solidarité entre l’immeuble principal et l’immeuble par destination qui est son accessoire. Le propriétaire peut changer son immeuble par destination. Il peut être détaché par le propriétaire de l’immeuble car celui-ci en est le propriétaire. En revanche, les tiers ne peuvent pas les séparer. Ils sont obligés de considérer qu’il y a un énorme immeuble avec l’immeuble et l’immeuble par destination. Il y a 2 sortes d’immobilisation par destination : Affectation à l’exploitation Attache à perpétuelles demeures a. L’affectation à l’exploitation Art.524.al.1Cciv : Al.1 : « Les objets que le propriétaire d'un fonds y a placés pour le service et l'exploitation de ce fonds sont immeubles par destination. » : Le propriétaire considère que l’exploitation du fonds se fait nécessairement par l’intermédiaire de tel ou tel object mobilier donc ils doivent être immobilisés. C’est une destination volontaire du propriétaire. Il estime que sans ces objets le fonds dépérit. Alinéas suivants = exemples - ils sont archaïques : animaux à la culture, les ustensiles aratoires qui servent à la culture. Ils sont tous insaisissables. Ils sont affectés à l’exploitation économique du fonds, ils sont donc indissociables. - Il y a aussi des exemples reflet de l’ère industrielle - C’est la jurisprudence qui ajoute des exemples plus en phase avec l’époque : tous les matériels ou de transport attachés à l’exploitation industrielle. - La jurisprudence donne également des exemples d’immeubles par destination dans le cadre commercial : les baignoires - Le coffre fort dans les banques est aussi considéré comme un immeuble à destination - L’outillage 7 sur 68 - En revanche, on refuse de considérer le stock comme un immeuble par destination car, comme il est vendu, il ne peut pas être affecté à l’exploitation (c’est un matériel qui tourne et non qui dure comme les autres) Vocabulaire : La boutique : partie de l’exploitation en contact avec la clientèle Le magasin c’est là où se trouve le stock (magasin = emmagasiné) Cette affectation à l’exploitation se comprend par le fait qu’on a voulu garder l’outil du travail et ne pas voir un démembrement au profit d’un tiers créancier : il ne faudrait pas qu’il puisse saisir un certain nombre de meubles → les meubles qui sont utiles à l’exploitation sont des immeubles en ce qu’ils font corps avec l’immeuble principal. Ils ne peuvent donc pas être saisis séparément par des tiers. Le propriétaire peut quant à lui disposer librement de ces immeubles par destination. L’exploitation est objective. Si le créancier veut saisir un immeuble par destination, le propriétaire peut se défendre en mettant en avant que ce bien ne peut pas être séparé de l’immeuble principal. b. Attache à perpétuelles demeures Elle procède d’un autre esprit mais répond au même objectif : il s’agit également de transformer un meuble en immeuble et de solidariser le meuble en immeuble. La perspective est exactement la même mais pas la technique et les besoins. Dans l’affectation, il y a des considérations économiques et objectives : l’exploitation a besoin des meubles. Dans l’attache, c’est la volonté du propriétaire d’attacher le meuble à l’immeuble. Cela relève d’un désir avant tout esthétique. Il y a deux techniques : Le scellement : fait de sceller un bien - Art.525.al.1Cciv : « Le propriétaire est censé avoir attaché à son fonds des effets mobiliers à perpétuelle demeure, quand ils y sont scellés en plâtre ou à chaux ou à ciment, ou, lorsqu'ils ne peuvent être détachés sans être fracturés ou détériorés, ou sans briser ou détériorer la partie du fonds à laquelle ils sont attachés. » : un meuble est attaché à perpétuelle demeure quand il est scellé à l’immeuble de telle façon que pour le détacher il faut casser quelque chose (le meuble ou une partie de l’immeuble) - Si c’est vissé ce n’est pas un immeuble par attache à perpétuelle demeure car il était fait pour être dévissé. - « Les glaces d'un appartement sont censées mises à perpétuelle demeure lorsque le parquet sur lequel elles sont attachées fait corps avec la boiserie.» → les miroirs dans les appartements haussmaniens par exemple 8 sur 68 - Aujourd’hui, la jurisprudence donne des exemples plus modernes : une bibliothèque construite aux dimensions de la pièce et scellée au mur est considérée comme attachée à perpétuelle demeure. - La Cour de cassation a refusé de considérer certains objets comme attachés à perpétuelle demeure : les meubles de cuisine installés → objets à durée de vie modeste donc ils ne sont pas considérés comme attachés à perpétuelle demeure (d’autant plus qu’elles sont souvent juste vissées et non scellées) → C’est la volonté du propriétaire qui joue et seulement sa volonté Le meuble reste déplaçable : - des meubles sont placés sans être scellés dans des endroits qui sont faits pour les recevoir - Il reste par sa nature même un meuble mais est considéré comme une attache à perpétuelle demeure L’attache à perpétuelle demeure suppose toujours un immeuble principal et un meuble qui a une place prépondérante dans cet immeuble. Il y a un marquage réel qui appelle la solidarité entre le meuble et l’immeuble 2. Les meubles par anticipation Cette catégorie n’est pas prévue par le Code civil. Elle était déjà connue par l’ancien droit et a toujours été pratiquée. C’est une mobilisation par anticipation : des immeubles dont on va détacher un certain nombre de meubles. Pour être détachables, ils doivent être déjà considérés comme des meubles car c’est plus facile de faire des contrats sur des meubles que sur des immeubles. Par exemple, quand on a une carrière ou une mine, il est possible de vendre les pierres à une somme donnée/kilos sans les avoir déjà détachées de la carrière. C’est donc une mobilisation par anticipation. Exemple détaillé : Un pommier plein de pommes. Mon voisin est prêt à acheter l’ensemble des pommes de mon pommier. Faire un contrat sur les pommes qui ne sont pas encore tombées n’est pas autorisé juridiquement car les pommes ne se distinguent pas du pommier qui est immeuble, étant scellées au pommier par la tige. Pour les besoins du contrats, on considère que les pommes sont des meubles alors qu’elles n’existent pas encore comme des biens (car encore scellées à l’arbre) → anticipation de leur nature une fois tombée du pommier : c’est une mobilisation par anticipation. On les considère comme des biens par anticipation car tant qu’elles sont sur l’arbre ce ne sont pas des biens. → La mobilisation par anticipation est le fait de concevoir des biens intellectuellement alors qu’ils sont encore dans un état immobilier. 2 raisons d’anticipation : 9 sur 68 Jour concret de la vente : - Permet de réduire la complexité intellectuelle de concevoir comme meubles des choses jusque là considérées comme immeubles → réellement anticiper la nature de la chose - Exemple du pommier : les pommes qui viendront de tomber du pommier seront déjà considérées comme des meubles. - Si il y a un risque, ce n’est pas interdit d’envisager l’aléa dans le contrat : Il y a un danger quand on passe un contrat aléatoire : les deux parties prennent un risque, elles ne savent pas si ce sera un avantage ou un risque La division meuble/immeuble repose aussi sur la protection : la règlementation des immeubles est beaucoup plus lourde et précautionneuse. La mobilisation par anticipation permet de disposer plus facilement du bien, de le vendre notamment. II. La division des choses incorporelles : les droits Les droits sont des choses incorporelles. Cette division est plus difficile à exposer. Il est possible de percevoir spontanément une chose corporelle. Pour les choses incorporelles c’est compliqué. Il y a des choses incorporelles qui ne sont pas des biens comme la réputation. On passe d’une distinction matérielle à une distinction plus abstraite : les idées, les brevets, la propriété littéraires et artistiques, les droits personnels… Le critère utilisé pour les choses corporelles est inutilisable pour les incorporelles et notamment pour les droits. Quand un bien est corporel, il est possible de se demander si ce bien est déplaçable ou non. Pour les choses incorporelles, un poème par exemple, il n’est pas possible de penser en terme de déplaçabilité. Art.526Cciv : « Sont immeubles, par l'objet auquel ils s'appliquent : L'usufruit des choses immobilières ; Les servitudes ou services fonciers ; Les actions qui tendent à revendiquer un immeuble. » : l’action en revendication est l’action par laquelle on demande qu’une chose dont on a été dépossédée nous soit retournée → L’article 526 parle de choses qui ne sont pas corporelles : ces biens ne sont pas corporels. Le code classe des choses incorporelles parmi les meubles et les immeubles. Art.529Cciv : « Sont meubles par la détermination de la loi les obligations et actions qui ont pour objet des sommes exigibles ou des effets mobiliers, les actions ou intérêts dans les compagnies de finance, de commerce ou d'industrie, encore que des immeubles dépendant de ces entreprises appartiennent aux compagnies. Ces actions ou intérêts sont réputés meubles à l'égard de chaque associé seulement, tant que dure la société.» : les obligations et les actions sont des choses incorporelles. Ce sont des droits, des procédures → elles sont classées comme des meubles. Les choses incorporelles doivent rentrer dans la distinction meubles/immeubles. La difficulté pour les choses incorporelles réside dans le fait de savoir comment intégrer la déplaçabilité. Les immeubles ne peuvent concernés que certains droits → un droit est immeuble lorsqu’il s’applique à une chose elle-même immobilière, donc à un immeuble par nature. - La propriété ou l’usufruit d’un immeuble est un immeuble. - Les servitudes aussi car ce sont des relations entre deux fonds de terre. 10 sur 68 - Les droits immobilisés sont des droits qui s’appliquent à un objet matériel immobile. → Ex : action en revendication d’une somme = action mobilière. L’unité monétaire euro est un bien incorporel. L’action en revendication d’argent = un meuble car elle est dans la catégorie résiduelle. La division des droits se calque sur la division des choses corporelles : les droits immobiliers sont immobiliers par l’immeuble auquel ils s’appliquent. Ces droits font l’objet d’une protection légale renforcée. En revanche, tous les droits non immobiliers sont rangés dans la catégorie mobilière. Conclusion : Distinction meuble/immeuble (art.516Cciv) : cette classification des biens est faite car dans l’ensemble des choses qui nous entoure on a voulu protéger les immeubles qui ont une importance particulière. Toute cette construction repose idéologiquement sur le fait que l’immeuble est important et le meuble non (res mobilis res vilis). L’immeuble et le meuble n’ont pas du tout la même importance. On a pris l’habitude de sanctifier les immeubles et de considérer que les meubles ne sont pas grand chose. L’immeuble est la garantie de la vie en société, cela ne peut pas être un meuble ordinaire. Les immeubles sont protégés par : Identification : ils sont tous cadastrés. Tous les immeubles français sont inscrits dans un service administratif. À chaque fois qu’un contrat de vente est passé par un immeuble, le service administratif intervient. La propriété des immeubles est protégée par des institutions juridiques Titre 1. Théorie générale du rapport aux biens La propriété est un concept structurant de notre environnement. En 1804, on sort de l’ancien droit et d’une société très différente. La notion de « personnes » est encore toute nouvelle dans le monde juridique. Dans l’Ancien Droit il n’y a pas une personne mais des personnes. C’est une société d’ordre dans laquelle la capacité d’un individu est indexée à sa position dans la société. 11 sur 68 La Révolution a pour effet de créer cette notion par le biais du Code civil. À partir du Code civil, tous les individus, quelque soit leur place dans la société ont eu le même pouvoir abstrait (libres et égaux en droit). Dans l’Ancien Droit, la notion de biens n’existe pas. Il y a des pouvoirs sur les biens qui sont très différents ce qu’on a aujourd’hui. Exemple détaillé : un terrain agricole. - Personne n’est propriétaire de ce champ. - À la place de la propriété il y a des saisines, cad des pouvoirs partiels sur la même chose. - Un certain nombre de personnes ont des prérogatives différentes mais coordonnées sur le même champ (ex : celui qui laboure, celui qui moissonne…). - Il y a par exemple le droit de glaner une fois les moissonneurs passés qui appartient encore à d’autres personnes. - Une année sur quatre, le terrain est mis en jachère : une autre personne peut faire paître ses animaux dessus… → Les saisines sont héréditaires. Dans l’Ancien Droit, c’est un système qui ne connait pas la notion de biens mais qui organise des pouvoirs qui s’articulent les uns aux autres. À partir de la Révolution, il n’y a plus de saisines et de pouvoirs partiels. On constitue une relation directe et essentielle entre les personnes et les biens : la propriété. C’est ce qui est permet à une personne d’assouvir les désirs qu’elle peut avoir à l’égard des choses cad appropriables en totalité. C’est une simplification et même une transformation géométrique de l’environnement : il n’y a plus des tas de saisines, il n’y a plus que le terrain cad la chose. La relation entre les personnes et les biens est la propriété → moyen pour une personne de soustraire le bien d’un usage collectif à un usage individuel. Elle devient une absorption totale par un individu. La relation entre la personne abstraite et le bien est la propriété. C’est un concept inspiré d’un concept romain → en droit romain, la propriété est plena in re potestas : pleine puissance dans la chose. Un individu a tous les pouvoirs concevables sur la chose. C’est une transformation radicale du système. La propriété est la technique qui permet à un individu de déclarer qu’une chose qui pourrait appartenir à tout le monde lui appartient à lui seul. Il existe tout de même des aménagements, la propriété n’est pas totalement absolue. Art.543Cciv : « On peut avoir sur les biens, ou un droit de propriété, ou un simple droit de jouissance, ou seulement des services fonciers à prétendre. » il n’y a pas que la propriété dans le Code civil, il y aurait en fait trois modalités dans le rapport aux biens (propriété, droit de jouissance, services fonciers à prétendre). C’est faux. Les droits de jouissance et les services fonciers se constituent à partir de la propriété. À partir de la propriété on peut construire juridiquement les deux autres rapports aux biens. Ils sont conditionnés par la propriété : 12 sur 68 Droits de jouissance : ex Usufruit : technique protectrice du conjoint survivant. - Quand l’un décède, il se pose souvent la question du mode de vie du conjoint survivant. Le problème est encore plus présent quand les conjoints ont eu des enfants. Si tous les biens reviennent au conjoint survivant, les enfants n’ont plus rien d’autant plus qu’ils pourraient être dilapidés sans que les enfants n’aient rien. Si les enfants ont tout, le conjoint survivant n’a plus rien. - L’usufruit permet de créer une dissociation. Les enfants sont considérés comme les propriétaires des biens (le statut de propriétaire va aux enfants). - Le conjoint survivant a le droit d’utiliser et de profiter des biens laissés par le mari (cad l’habiter et le mettre en location mais il ne peut pas le vendre ou le détruire) → par exemple, le conjoint survivant pourra avoir l’usage de la maison, les enfants ne pourront pas la mettre dehors même si ils sont propriétaires. - L’usufruit est un droit réel (droit qu’un propriétaire accorde à un titulaire de profiter d’un certain nombre d’utilités de la chose : les enfants accordent à leur parent usufruit de jouir de la propriété). → le droit réel part toujours d’un propriétaire : il concède des utilités d’une chose à un titulaire. Il accepte que certaines utilités de cette chose soit concédées à un titulaire. Cette concession ressemble à une saisine : il a des prérogatives sur la chose. → L’usufruit se constitue à partir de la propriété, c’est un diminutif de la propriété → ce n’est pas un autre rapport aux biens mais qui se constituent par fragmentation de la propriété. → La propriété est la relation première dont le droit des biens découle. Service foncier = une servitude. C’est une relation juridique entre deux terrains voisins. Il y a une enclave, cad un terrain complètement situé dans un autre terrain. Le terrain enclavé a un droit de servitude cad qu’il peut passer par le terrain dans lequel il est enclavé pour en sortir et celui-ci ne peut rien dire. La servitude est un droit que le terrain enclavé reçoit contre l’autre terrain. Il découle de la propriété. Le service foncier est un rapport entre deux terrains voisins aux termes duquel le propriétaire d’un terrain a un droit sur l’autre. C’est une relation entre deux immeubles. Elle suppose des propriétés différentes et un droit donné par un propriétaire au terrain de l’autre. Chapitre 1 Le système de la propriété La propriété se diversifie avec le temps. Il faut au moins l’envisager avec deux aspects différents. C’est le fait qu’une chose soit soustraite à un usage collectif pour être réservée à un propriétaire → c’est une réservation à un seul propriétaire ou à plusieurs propriétaires. Dans le Cciv de 1804 il est évident que le propriétaire est un propriétaire unique → propriété exclusive. Le propriétaire est maître chez lui. Avec le temps, se développent des formes plurales et collectives de propriété. Ces formes collectives sont connues depuis longtemps mais n’apparaissent pas dans le Code civil de 1804. Exemples : Quand il y a plusieurs propriétaires dans un immeuble : co-propriété des immeubles bâtis. - Chaque co-propriétaire est propriétaire exclusif de son appartement. 13 sur 68 - Mais ils sont co-propriétaires des parties communes : entrée, cours, toit… - C’est un système qui associe une propriété individuelle sur les appartements et une propriété collective sur les parties communes. - Les immeubles à habitations multiples ont toujours existé et ont donc toujours été une forme de propriété collective. Il y a aussi l’indivision : plusieurs personnes sont propriétaires d’une seule chose (comme par exemple plusieurs enfants qui héritent d’une maison de campagne : ils en sont tous propriétaires et la propriété ne peut pas être divisée). C’est une autre forme de propriété collective. À partir de 1804 et jusqu’au milieu du XXème siècle, la propriété collective était cachée. La propriété était forcément individuelle. Depuis les années 1970, la pression exercée par les collectivités oblige à faire une distinction entre la propriété individuelle et la propriété collective. Aujourd’hui, elle est complètement installée. Section 1 Le régime de principe : la propriété individuelle Article 544Cciv définit la propriété : « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue (principe), pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements (limites) ». C’est un article fondamental. Il y a un ensemble d’informations qu’il faut distinguer entre trois points. Qu’est-ce que la propriété ? L’article dit que c’est « le droit de » d’où on a déduit que la propriété était un droit subjectif (càd un droit des sujets, entre deux personnes). Dire que la propriété est un droit subjectif est une erreur car la propriété est en réalité relation entre une personne et une chose. C’est une relation de pouvoir, mais la chose ne peut rien faire donc ce n’est pas un droit subjectif. La propriété c’est le propriétaire dans les aspects matériels. En sens inverse, je peux dire non à un tiers qui touche ce qui m’appartient. Il y a une pleine puissance sur la chose. Les prérogatives du propriétaire : Jouissance : ‣ le propriétaire peut matériellement tout faire sur sa chose. Il dispose de cette prérogative lui permettant de tout faire dès lors que ce qu’il en fait lui permet de réaliser pleinement ses désirs. - Liberté : ensemble du potentiel possible de la chose. → il peut y avoir des bornes : la jouissance est illimitée dans ses manifestations mais elle ne doit pas nuire à autrui. - La jouissance est reliée à la matérialité de la chose Disposition : - C’est une prérogative beaucoup plus juridique - Cette relation est définie de manière totale et absolue : le propriétaire peut modifier le lien particulier qui le lie à la chose - 4 critères : ‣ Le propriétaire à le droit de transférer la propriété du bien : Il peut céder la chose à titre gratuit ou à titre onéreux 14 sur 68 ‣ Manifestation : remise temporaire de la chose à des tiers. Il peut permettre à un tiers de profiter temporairement de la chose. Il la remet de manière précaire cad que cela entend une restitution ‣ Le propriétaire peut constituer des droits réels sur cette chose : ✓ il peut transférer des utilités de la chose à un tiers, le tiers ayant un pouvoir direct sur la chose pour exercer ses utilités → j’accorde l’usufruit d’une chose à un tiers. ✓ Ce tiers peut utiliser la chose, en tirer des fruits mais il n’en est pas propriétaire. Lors d’une hypothèque, le créancier peut se rembourser la dette de manière prioritaire même si ce n’est pas lui qui vend l’immeuble. ‣ Le propriétaire peut renoncer à la propriété de la chose : il peut décider qu’il cesse d’être propriétaire de la chose en abandonnant la propriété. La renonciation à la propriété est une prérogative du propriétaire. Art.544Cciv : le propriétaire a tous les pouvoirs mais pas tout à fait → limites à la propriété car c’est une liberté quasi-absolue. Toute liberté est bornée par le fait de porter atteinte aux tiers. Une liberté n’est jamais un absolu. C’est une expression donnée à une notion qui a trop de prérogatives pour toutes les nommer. À partir du XXème siècle, le pouvoir juridique français est devenu de plus en plus juridique. Il y a eu de plus en plus de règles qui restreignent les propriétaires. Aujourd’hui, le propriétaire est très souvent contraint. On dit que la propriété est exclusive : À l’égard de la relation avec la chose → le propriétaire est exclusif cad que lui seul a des prérogatives constituant à jouir et disposer de la chose. À l’égard de tous les autres, la propriété est aussi exclusive. Le propriétaire peut exclure juridiquement tous les autres de la jouissance à l’égard de sa chose. → exclusivisme à la fois interne et externe. Sous-section 1 : le rapport de la propriété et de la possession Ce sont deux notions différentes juridiquement mais elles entrent fréquemment dans une relation dialectique. La propriété est une relation consacrée par le droit. - C’est la façade légale de la relation. - La propriété est l’aspect légal des choses. - Elle peut permettre à une personne de se défendre contre un tiers qui voudrait toucher à sa chose. - Il n’y a pas de titre de propriété en droit français. Il est presque impossible de prouver qu’une personne est propriétaire de la chose en matière mobilière. Comme la relation de la propriété est une relation sans titre et incertaine, alors on utilise plus souvent la notion de possession. 15 sur 68 La possession est une relation de fait. - La personne a l’air d’être propriétaire de cette chose. - Un possesseur est une personne qui se comporte comme si il était propriétaire d’une chose. - La possession joue un rôle important en matière de droits des biens car elle statut sur la propriété qui est quelque chose d’insalissable. Le propriétaire se positionne en tant que possesseur pour protéger sa chose. Il utilise plus souvent la possession que la propriété pour protéger sa chose. 2 cas de figure : 1. Le propriétaire est possesseur et joue de la possession = tout va bien, c’est un cas de cumul. 2. Un propriétaire et un possesseur sont en conflit : En matière mobilière, le possesseur l’emporte régulièrement tandis qu’en matière immobilière c’est l’inverse. I. La propriété Art.17.DDHC : « la propriété est un droit inviolable et sacré » Cette propriété est définie par l’article 544Cciv. La propriété est un plein pouvoir sur une chose. C’est une relation entre une personne et un bien. A. Une relation C’est une relation qui débouche sur des prérogatives lui permettant de jouir et de disposer de la chose : le propriétaire a tous les pouvoirs sur la choses, sous réserve des limites imposées par la loi. Il y a trois singularités : Relation exclusive Relation absolue Relation inscrite dans la durée 1. Une relation exclusive → relation dans laquelle une personne est seule habilitée à exercer ses pouvoirs sur la chose. Le propriétaire peut défendre sa chose contre les intrusions des tiers. Toute personne qui voudrait toucher à la chose va subir l’exclusivité de la relation entre la chose et le propriétaire. Contrairement à l’Ancien Droit et le système des saisines, il n’y a pas de partage de la propriété. Le propriétaire dispose de l’ensemble des pouvoirs. En aucune façon, un propriétaire exclusif ne doit partager l’exclusivité (sauf exceptions : si il a accepté la constitution de droits réels et donc un partage + si il a accepté des contrats précaires : forme de partage). a. Les manifestations matérielles de l’exclusivisme C’est le fait pour le propriétaire d’avoir la main sur la chose : tant qu’il utilise la chose, qu’il exerce sa jouissance sur la chose il manifeste ses pouvoirs exclusifs. Il n’y a que lui qui puisse le faire. 16 sur 68 En matière mobilière c’est assez facile à constater : la déplaçabilité des meubles permet de se rendre compte que le propriétaire en a l’usage. Toutes les fois qu’une personne laisse quelque chose chez elle ou qu’elle est la seule à l’utiliser révèle son usage sur la chose. L’exclusivisme vient du fait que le propriétaire a la main mise sur les choses. En matière immobilière c’est beaucoup plus compliqué car ils sont exposés à tous. Ils ne sont pas dissimulables. On ne peut jamais garantir l'exclusivisme d’un bien immobilier. En cas de squat il est difficile de faire partir le squatteur car il a la possession du bien et non la propriété. Il y a toujours des risques de subir des empiètements sur la propriété. Il y a des techniques pour éviter ces empiètements : - Pancarte propriété privée : rendre opposable la propriété privée. Le propriétaire signifie aux tiers que c’est une propriété privée. Cela les rend sensible. - Les clôtures : art.647Cciv : tout propriétaire peut clore son héritage - Si les empiètement viennent d’un voisin : le bornage → art.646Cciv : tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës. Ce sont des bornes pour indiquer les limites séparatives de deux terrains. Elles sont enterrées et souvent scellées. b. Les manifestations juridiques de l’exclusivisme Normalement l’exclusivisme permet d’empêcher à quiconque d’obtenir un droit sur une chose qui vous appartient. Si on veut qu’un tiers acquière un droit on peut s’opposer à toutes les prétentions qui constitueraient un empiètement. Deux situations dans lesquelles un tiers peut devenir propriétaire sans que le propriétaire soit d’accord : L’expropriation : la collectivité locale convoite un terrain privé et obtient de se l’approprier sans que l’accord du propriétaire ne soit nécessaire. - article 545Cciv : Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité. - L’article réalise un équilibre entre les besoins collectifs et les droits individuels. - Droits individuels = céder sa propriété. La JP a rendu de nombreux arrêts dans lesquels elle n’a jamais considéré qu’il était abusif de vendre ou de céder sa propriété. C’est un principe acquis. - « Si ce n’est pour cause d’utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité » : si la collectivité ou l’Etat ont besoin d’un terrain privé (par exemple pour créer une route ou une ligne de chemin de fer) alors le propriétaire ne peut pas s’y opposer. Le propriétaire est donc maître chez lui sauf si un besoin collectif nécessite que la collectivité ou l’Etat s’approprient sa chose. Alors il est exproprié. - C’est une procédure très encadrée : ‣ Existence d’une nécessité collective/cause d’intérêt public : l’administration et les collectivités qui décident d’exproprier doivent faire une déclaration d’utilité publique 17 sur 68 ‣ Seule la propriété immobilière est concernée : on n’exproprie mais les meubles. Il peut y avoir des réquisitions temporaires mais pas de réelle expropriation. ‣ Contrôle judiciaire tout le long de la procédure. En cas d’irrégularité, le tribunal peut mettre fin à la procédure ‣ L’expropriation doit être associée à une indemnité juste et préalable : Juste: l’expropriation ne doit pas être une cause d’enrichissement ou d’appauvrissement pour les particuliers. Préalable : l’expropriation ne peut pas se faire à crédit. Il faut immédiatement que la collectivité verse une indemnité à la personne expropriée : sachant que l’Etat est un mauvais payeur* → on ne peut jamais nationaliser ou exproprier sans une indemnité juste et préalable *Contexte de cette exigence : Arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 : Mitterand avait un programme de nationalisation qui concernait les banques françaises. L’Etat français a promis une indemnisation mais tardive. La loi de nationalisation a été déférée au conseil constitutionnel. Il décide d’invalider les nationalisations sauf si elles sont suivies d’une indemnité juste et préalable sur le fondement de l’article 545Cciv. L’insolvabilité : une personne est endettée au point de ne pas pouvoir faire face à son endettement → impossibilité de résoudre ses dettes grâce à ses moyens. - Quand une personne se révèle insolvable, le créancier peut diligenter des procédures civiles d’exécution (ce qui était autrefois appelé saisie). C’est le fait de liquider le patrimoine de la personne pour se faire payer. - En s’endettant, la personne a implicitement engagé l’ensemble de ses biens : Art.2284Cciv : « quiconque s’est obligé personnellement est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir » : les créanciers non satisfaits peuvent saisir ou faire vendre les biens d’une personne endettée de manière à éteindre ses dettes. - C’est une forme d’expropriation par intérêt privé car la personne n’a pas payé ses dettes : il s’agit de protéger le créancier contre le débiteur de manière intense - C’est un transfert de propriété qui peut être imposé c. Les manifestations judiciaires de l’exclusivisme Elles surviennent lorsqu’une personne est dépossédée d’une chose qui lui appartient : un tiers qui n’avait pas de droit a pris la chose et refuse de la rendre. Dans ce cas, il faut faire une action en revendication : le propriétaire dépossédé demande à être remis en possession de sa chose. Elle commence toujours par la preuve de la propriété : Le revendiquant doit prouver qu’il a été propriétaire du bien. Cela permet de renverser la charge de la preuve : le possesseur doit prouver pourquoi il a l’usage de la chose et pourquoi il ne veut pas la rendre En matière immobilière cela fonctionne toujours : 18 sur 68 - tous les immeubles sont dans un registre. La propriété est inscrite dans ce registre. Pour le propriétaire, il suffit de produire un document prouvant sa propriété. Le possesseur doit produire un droit concurrent ce qui est très difficile à faire → il va être expulsé. - L’action sera exécutée car il est facile de prouver la propriété grâce à la publicité foncière, au système des hypothèques. Elle prendra du temps mais elle arrivera à ses fins En matière mobilière c’est plus compliqué car il n’y a pas de publicité foncière : plus difficile de faire la preuve de la propriété du meuble. - Il y a conflit entre la propriété et la possession : art.2276Cciv : « en fait de meuble, la possession vaut titre » → en fait de meuble corporel, la possession de bonne foi vaut titre de propriété. Si on est présence d’un meuble corporel et si les raisons sont de bonne foi d’en être le propriétaire alors on va l’emporter. - Autant le droit français protège les immeubles autant il abandonne les meubles (res mobilis res vilis) - En matière mobilière la possession joue un rôle très fort → c’est celui qui croit être devenu propriétaire qui l’emporte 2. Une relation absolue Étant donné que personne d’autre n’a de droit sur la chose, la propriétaire a une relation absolue sur la chose : c’est l'exclusivisme. En revanche, pour les juristes rien n’est jamais absolu. L’absolutisme a été contraint par une certaine pratique : au Monyen-Âge, on a incarné l’absolutisme dans un adage latin qui a finit par incarné quelques éléments de l’absolutisme : Usus, fructus, abusus L’usus → l’usage - C’est l’utilisation de la chose par le propriétaire - c’est le corollaire de la jouissance de l’article 545Cciv. - Le propriétaire a le droit disposer de sa chose, il l’utilise comme il veut Le fructus : - Le propriétaire de la chose principale est propriétaire de toutes les choses que sa chose produit ‣ L’agriculteur est propriétaire d’une vache qui est enceinte : l’agriculteur est propriétaire du veau. ‣ C’est en se basant sur cet adage que durant les périodes où l’esclavage sévissait, les nouveaux-nés des femmes esclaves devenaient la propriété des esclavagistes… - Tout ce qu’une chose produit appartient au propriétaire de la chose productrice - Fruit : chose produite qui n’altère pas la chose d’origine 19 sur 68 ‣ Carrière de pierres : chaque pierre enlevée de la carrière la réduit → les pierres extraites d’une carrière ne sont pas des fruits (tout ce que la chose produit sans se modifier), ce sont des produits (tout ce que l’on peut tirer d’une chose en l’appauvrissant). - Un usufruitier a le droit au fruit mais pas au produit - Les fruits sont de 3 types : ‣ Les fruits naturels : tout ce qu’une chose peut produire sans travail cad que sans l’aide humaine → arbre fruitier ‣ Les fruits industriels : tout ce qu’une chose travaillée peut produire → un terrain qui est labouré et semé. Il a donné une moisson. La moisson est le fruit appartenant au propriétaire du terrain ‣ Les fruits civils : ce sont les revenus tirés d’un contrat portant sur la chose → une location. En dehors des fruits naturels, les autres fruits sont tantôt les fruits du travail tantôt les fruits du contrat. Ce n’est donc plus la chose qui produit les fruits mais le fructus appartient toujours à son propriétaire. L’abusus → disposer. Il y a 2 significations possibles qui ne sont pas complémentaires : - Celui qui a l’abusus peut détruire/modifier/transformer la chose. - Possibilité de vendre la chose ou de constituer des droits réels sur la chose Relation absolue : le propriétaire peut faire ce qu’il veut. Depuis le premier tiers du XXème siècle, le dirigisme étatique est de plus en plus important. Il y a de plus en plus de contraintes qui sont liées à l’intérêt général et à l’ordre public. Il y a des empiètements très importants. Aujourd’hui, on considère que la loi peut imposer de plus en plus de choses au propriétaire ce qui n’était pas admis autrefois. Les interventions publiques sur la propriété publique sont de plus en plus pesantes. Le droit de construire suppose l’obtention d’un permis délivré par la commune. Celle-ci doit être informée des travaux effectués sur les terrains. Elle a le contrôle sur l’opportunité d’une construction mais aussi la matérialité de la construction (les matériaux). L’intérêt général s’est invité dans deux dimensions : Les interventions publiques sur la propriété sont de plus en plus pesantes. Le droit de construire suppose l’obtention d’un permis délivré par la commune. Le voisinage est une intervention privée. Quand vous avez des voisins ont a des contraintes L’idée d’une propriété absolue est battue par des interventions de la loi, des collectivités de plus en plus fréquentes. Cela est considéré comme assez pesant. Le propriétaire est de moins en moins maitre chez lui. Or, cette espèce de souveraineté a été construite au XIXe comme la caractéristique première de la propriété. A partir de quel moment les empiètements deviennent inadmissibles ? 3. La relation inscrite dans la durée 20 sur 68 Dans un manuel, on dira que la propriété est perpétuelle mais ce n’est pas forcément très clair. On entend par là que la propriété n’est a priori pas limitée dans le temps. On n’est pas propriétaire pour une certaine durée car cela n’a pas de signification. Par exemple, je ne peux pas vendre ma montre pour quelques heures et la récupérer après. Dans le droit français c’est considérer comme une location mais pas comme une vente. La propriété à durée déterminée parait toujours très compliqué. La propriété n’est donc pas limitée dans la durée. On est propriétaire pour toujours. Il est important de comprendre que c’est une question de point de vue : Quand on dit que la propriété est perpétuelle, elle l’est parce qu’on la regarde du point de vue du propriétaire. À ses yeux, la propriété n’est pas limitée dans le temps. Du point de vue de la chose et surtout du point de vue d’une chose durable, c’est différent : - Exemple : une maison de campagne. J’en suis propriétaire. Mais je ne peux pas dire que je sois la propriétaire perpétuelle de cette maison car elle a vu des occupants passer. - Loisel « tout fut à autrui et à autrui seulement » : la terre dont une personne est propriétaire durant une période était là avant et continuera à exister après. Elle connaitra plusieurs propriétaires. Il faut regarder du point de vue du propriétaire quand on énonce la perpétuité de la propriété. Elle n’a pas de durée assimilée dans le temps. Le propriétaire ne l’est jamais à durée déterminée. Propriété périssable : je suis propriétaire d’une fleurs. Je le suis pour la durée de la vie de la fleurs. La propriété dure aussi longtemps que la chose. Elle ne s’éteint pas avant. C’est en ce sens que la propriété sur une rose est la même que sur un diamant. Propriété non périssable : la propriété est perpétuelle car le propriétaire la détient jusqu’à la fin de sa vie. Elle dure aussi longtemps que lui et même un peu plus longtemps car c’est lui qui décide de la propriété de la chose. Il fait un lègue par testament ou laisser le droit des successions produire ses effets. La propriété ne se perd pas par le non-usage de la chose. Le propriétaire d’une chose qui ne l’utilise pas ne perd pas sa propriété sur cette chose. En droit français, tous les droits subjectifs sont susceptibles de la prescription extinctive. Par exemple, une personne doit 1000€ à une autre. Elle est censée les remettre le 1er janvier 2025. La créance devient exigible le 1er janvier 2025. Mais à cette date, le débiteur ne s’en occupe pas et il oublie. Le créancier oublie aussi d’exiger la somme. Au bout de 5 ans, la prescription extinctive a fait son effet et je ne peux plus exiger les 1000euros. La prescription extinctive est un mécanisme général du droit français. C’est quelque chose de général mais elle n’existe pas dans le domaine de la propriété. La propriété ne s’éteint jamais. 21 sur 68 En revanche, il peut y avoir le contraire : il y a un tiers qui s’intéresse à la propriété. Par exemple, j’ai reçu par succession un terrain mais il est trop loin, il ne m’intéresse pas et je ne m’en occupe pas. J’en suis toujours propriétaire. Un tiers s’installe sur le terrain et l’occupe pendant 30 ans. Il construit une habitation de fortune et y vit. Dans ce cas là, le propriétaire ne perd pas la propriété mais le tiers acquière la propriété par usage. → C’est ce qu’on appelle la prescription acquisitive ou l’usucapion. La perpétuité de la propriété vaut pour les meubles et les immeubles. La prescription acquisitive vaut réellement que pour les immeubles. B. Un bien objet de la relation La propriété est donc une relation qui porte sur un bien. Tous les biens dans leur extension dans l’espace et dans leur extension dans le temps peuvent être l’objet d’une propriété. 1. Des biens de toute nature En droit romain, la propriété ne portait que sur les choses corporelles. Ce sont donc des choses matérielles, faites de matière. Le droit romain utilisait cette expression pour les définir : « quae tangi possumt » = les choses que l’on peut toucher. Dans une conception ancienne, la propriété est réduite aux biens matériels de sorte qu’il était dit que la propriété ne pouvait pas porter sur les biens immatériels. Le droit des biens coupait le monde en deux : Les biens corporels : le seul pris en considération. Les biens incorporels abandonnés. Aujourd’hui, l’idée d’une restriction de la propriété aux seules choses corporelles est quasi abandonnée. On a plutôt tendance à dire que la propriété des choses incorporelles existe même si elle a des contours un peu différents que la propriété de choses corporelles. La propriété est une relation entre une personne et une chose qui lui permet d’assouvir les désirs éprouvés pour cette chose. C’est un moyen permettant l’exclusivité de la jouissance sur une chose. Ce qui est vrai d’une chose corporelle peut être vraie d’une chose incorporelle. Appréhender la propriété comme un moyen d’assouvir ses désirs sur la chose permet de plus facilement l’assimiler pour les choses incorporelles. Rationnellement, il n’y a aucune raison qu’il n’y est pas de propriété des choses incorporelles. Le bien le plus important dans toute l’économie est une chose incorporelle : l’argent. Il est composé d’unités monétaires qui n’ont pas d’existence et parfois une incarnation matérielle mais pas toujours. 22 sur 68 2. Les biens dans toute leur extension dans l’espace C’est une question qui ne concerne pas les meubles. La question de l’extension dans l’espace ne se pose pas car le propriétaire est propriétaire de rien d’autre que ce meuble (j’achète une table, je ne suis propriétaire que de la table, pas de l’air qui a en dessous ni au dessus). Elle se pose de manière intense pour les biens immeubles et notamment les terrains. → j’achète un terrain à la campagne : de quoi suis-je propriétaire ? - Horizontalement : limitations cadastrales → le terrain délimité par les clôtures - Verticalement : on n’est pas que propriétaire du sol. → art.552Cciv : la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous. Il y a toute de même une singularité dans la propriété immobilière qui est consacrée dans cet article. « Du dessus et du dessous » : pas de limite dans ce dessus ni dans ce dessous mais l’idée d’une propriété illimitée au dessus et en dessous est absurde : dans cet esprit, un propriétaire peut interdire le survol de sa propriété par des avions. Mais cette idée a disparu car on a posé des limites. La propriété du dessus : Le propriétaire du sol est propriétaire de tout ce qui est accroché au sol. Toutes les constructions et plantations apparaissent au propriétaire du sol Article 552 fonctionne comme une présomption : - si je suis propriétaire du sol alors je suis propriétaire de tout ce qui est au dessus et tout ce qui est accroché à mon sol. - Je peux donc interdire tout empiètement dans les hauteurs du terrain. - Un empiècement d’un terrain, même sur 1 centimètre du terrain voisin, peut aboutir à une destruction du bâtiment. C’est un domaine sur lequel le droit français se montre féroce. Il y a tout de même des limites de bon sens comme ne pas interdire aux avions de passer La propriété du dessous : Le propriétaire du sol (superficie) est aussi propriétaire du tréfonds. Il a toute liberté de creuser son tréfonds. L’article 552 al.3 énonce que le propriétaire peut faire au dessous toutes les constructions et fouilles qu’il jugera à propos, et tirer de ces fouilles tous les produits qu’elles peuvent fournir, sauf les modifications des lois et règlements relatifs aux mines et les règlements de police. Il est donc libre mais cette liberté a des limites. La propriété du dessous en fait quelque peu illusoire. - Il peut construire un sous-sol, une cave - creuser pour trouver une source et l’exploiter est conditionnée à une autorisation administrative. - Pour les fouilles archéologiques, il faut demander une autorisation aux Beaux-Arts. La moindre trouvaille est récupérée par les archéologues. - Creuser pour trouver un gisement d’or : toutes les mines appartiennent de plein droit. - De plus, le propriétaire du sol doit accepter tous les usages collectifs : tout ce qui doit passer par le sous-sol pour des raisons d’usages collectifs (canalisations…) 23 sur 68 Le propriétaire du sol est tréfoncier (= propriétaire du tréfonds) dès lors qu’il n’y a rien qui intéresse l’Etat dans son tréfonds. → Le propriétaire du sol est propriétaire du dessus et du tréfonds pour les besoins considérés comme légitimes. → La propriété du sol emporte celle du dessous et celle du dessus. C’est une situation avantageuse pour le propriétaire. Mais il faut trouver un équilibre entre cette situation et les besoins collectifs. 3. Les biens dans leur évolution temporelle a. En matière immobilière Le propriétaire a une propriété perpétuelle (avec des réserves). Que se passe-t-il lorsque la chose évolue et se transforme ? Ex du bouquet : je suis propriétaire du bouquet qu’il soit frais ou que les fleurs aient séchées. Elles ont changé d’état mais ma propriété dessus n’a pas changé. Ex du vase : si je fais tomber un vase dont je suis propriétaire, je reste propriétaire de tous ses débris. Ma chose originelle s’est divisée en plusieurs choses séparées : je reste propriétaire de la chose originelle et des choses qui en ont découlé. Il y a des choses qui se séparent de la chose originelle et il y a des choses qui s’y adjoignent. Les choses qui se séparent : - Je suis propriétaire de toutes les choses qui se séparent de la chose originelle tant que celle-ci était mienne. - La propriété est une enveloppe. Tout ce qui est dans l’enveloppe appartient au propriétaire de l’enveloppe. - Le propriétaire d’une chose est propriétaire de tous les fruits de cette chose. - Il y a une expansion de propriété sur les fruits de la chose. Les choses qui s’adjoignent : - Première hypothèse : Un locataire d’une maison avec un terrain construit une cabane à outil dans le jardin. Elle est scellée au sol → à appartient la cabane ? Au propriétaire du terrain au locataire qui l’a conçue ? ‣ Quand le locataire fait une construction sur le terrain loué, il en reste propriétaire jusqu’à l’extinction du bail sinon le propriétaire pourrait lui demander une charge de loyer pour cette construction. ‣ Il y a une accession différée. ‣ À l’extinction du bail, le locataire est libre d’enlever la construction ou de la laisser. ‣ Si il la laisse, elle appartiendra au propriétaire. On reste dans le principe de la propriété du sol qui emporte la propriété du dessus (mais là c’est une accession différée). 24 sur 68 ‣ Paradoxalement, on pourrait dire que c’est une forme de propriété à durée déterminée - Seconde hypothèse : un propriétaire construit une cabane à outil par erreur sur le terrain de son voisin. À qui appartient la cabane ? Au propriétaire qui l’a construit ou au voisin propriétaire du terrain sur lequel elle a été construit ? ‣ Cette construction appartient au voisin, propriétaire du terrain sur lequel la construction a été construite et scellée. ‣ Il y a tout de même des règles d’indemnisation. ‣ On reste dans le principe de la propriété du sol qui commande de la propriété du dessus. En matière immobilière, le sol est toujours la partie principale. Même si la construction a une valeur supérieure à la valeur du sol, le sol reste la partie principale et c’est au regard du sol qu’on raisonne. b. En matière mobilière Une personne a une voiture. La boîte de vitesse ne fonctionne plus. Elle va chez le réparateur. Il prend une boite de vitesse qui est à lui et l’installe dans la voiture. Elle est tellement incorporée dans la voiture que sa propriété revient au propriétaire de la voiture. → Il y a un phénomène d’accession. Le propriétaire de la voiture revient chez le garagiste qui a changé la boîte de vitesse et dit qu’il ne peut pas payer la boîte de vitesse mais il veut récupérer sa voiture. Même si il ne le paie pas, il peut récupérer sa voiture car il peut la revendiquer en tant que c’est sa propriété. Le garagiste ne peut rien dire car la boîte de vitesse ne lui appartient plus. → Pour éviter cette situation, le garagiste peut exercer un droit de rétention et refuser de rendre la voiture tant qu’il n’est pas payé. Le droit de rétention est un droit exceptionnel. En matière mobilière on ne raisonne pas comme en matière immobilière : c’est la chose qui a le plus de valeur qui est la partie principale. Pour savoir comment fonctionne l’accession il faut d’abord faire une comparaison entre les différentes choses qui se sont unies dans un bien nouveau. Une personne a une bague un peu modeste. Elle demande à un bijoutier de mettre diamant sur cette bague. Il faut se demander qu’est-ce qui a le plus de valeur : la bague, le diamant ou le travail du bijoutier ? En donnant la bague, la personne perd la propriété de la bague car le diamant a plus de valeur. C’est le bijoutier qui devient le propriétaire de la bague sertie. Ainsi, si le bijoutier n’est pas payé, il exercera son droit de rétention tant qu’il ne sera pas payé. II. La possession C’est quelque chose qui est difficile à saisir non pas en tant que notion juridique mais dans son articulation avec la propriété. La possession est un double de la propriété. Elle y ressemble mais elle est bien distincte de la propriété. 25 sur 68 La possession traduit aussi une relation étroite entre une personne et un bien. Quand une personne a une chose entre les mains on ne peut pas savoir si elle est propriétaire ou possesseur. Pour le savoir, il faut connaitre le statut de la chose. C’est dans cette ignorance que réside la notion de possession. La propriété est une situation légale cad par le statut légal de la propriété : le propriétaire est seul habilité à avoir un pouvoir exclusif, absolu, perpétuel sur la chose. Ses prérogatives sont garanties par la loi. La possession est aussi une relation entre une personne et une chose. Cela reste une situation factuelle. On ne sait pas si légalement ce lien est établi par la propriété. La possession étant une situation purement factuelle, elle ne contient aucune prérogative qui serait garantie par la loi. Le droit français ne garantie aucune prérogative au possesseur. Il constate la possession mais la possession ne donne aucun droit. La propriété confère des droits. La possession qui ne donne pas de droit est tout de même objectivement reconnue par le droit français. C’est une situation de fait reconnue par le droit. Cette situation de fait est parfois protégée par le droit. Cela signifie que si un possesseur d’une chose voit un tiers contester son utilisation de la chose, le droit français le protège en tant que possesseur. Dans une situation où un tiers conteste la possession d’un possesseur sur une chose, qui a la charge de la preuve ? Le possesseur est protégé par le droit, c’est donc au tiers revendiquant de prouver que la chose n’appartient pas au possesseur. Parce qu’il est protégé, le possesseur n’a pas à prouver quoi que ce soit. Le fait qu’il ait la chose entre les mains et qu’il en ait l’usage suffit. Cela explique que selon le type de contentieux un propriétaire à la fois propriétaire et possesseur peut avoir à agir soit en tant que propriétaire soit en tant que possesseur. Compte tenu du conflit dans lequel le propriétaire se trouve, il peut tantôt dire qu’il est propriétaire tantôt dire qu’il est possesseur. Il y a un cumul possible. Le statut légal et le statut de fait se recoupent. La propriété et la possession sont des statuts qui peuvent se cumuler mais aussi se disjoindre. → Propriétaire = situation légale reconnue par l’article 544 du Code civil. De ce statut légal des droits et des prérogatives en découlent. → Possession = situation de fait qui protège le possesseur Ne devrait-on pas être mesure de dire que le statut légal suffit ? La possession se constate mais ne se choisit pas. Pourquoi faire la distinction ? Réponse 1 : - les rédacteurs du Cciv avaient l’habitude des situations de fait. - En 1804, on est dans une période dans laquelle les rapports de fait sont beaucoup plus fréquents. 26 sur 68 - Les rapports de droit produisaient des effets pour les rapports de fait. - Le droit de rétention est un droit qui s’appuie sur une situation de fait. Comme j’ai la chose entre les mains, on ne peut pas me forcer à la rendre. - En droit des biens, celui qui a la main sur la chose est donc toujours protégé par une situation de fait : la possession. Réponse 2 : - la propriété devrait être toujours la situation prééminente. - Le droit devrait l’emportait sur le fait. La situation de fait devrait être moins forte. La possession serait donc non nécessaire. - Néanmoins, la preuve de la propriété est une preuve très difficile à rapporter car, contrairement à ce que l’on croit, il y a très peu de titres de propriété en droit français. - Un titre est un papier énonçant qu’un tel est propriétaire de tel chose. Il n’y a pas de titre de propriété en droit français. ‣ La facture : prouve la propriété au moment de l’achat mais ne vaut pas titre de propriété. Il est facile de prouver quand une personne est devenue propriétaire mais c’est difficile de prouver que la personne est restée propriétaire ‣ Hypothèque : une personne est devenue propriétaire d’une bien immobilier à cette date. Ce sont les actes d’acquisition mais rien n’indique cette personne est restée propriétaire. → Si on accepte de dire qu’il n’y a pas ou très peu de titre en droit français alors on comprend pourquoi la possession est utile. Pour un propriétaire ce sera toujours plus facile de faire valoir qu’il est possesseur et non pas propriétaire. Dans certaines situations, la possession prend donc le relais de la propriété complémentaire. C’est plus simple car la possession se constate et que la propriété se prouve (mais qu’il n’y a pas de titre de propriété) → Exemple de titre : Pass Navigo : preuve que le porteur est propriétaire d’un certain nombre de droits de transport vis-à-vis de la RATP Dans la plupart des cas, le propriétaire est un possesseur qui n’a pas envie de s’embarrasser de la preuve de propriété. C’est lui qui invoque sa possession pour se protéger. Il arrive qu’il y ait une opposition : les deux qualités n’appartiennent pas à la même personne : Un héritier se rend compte que dans la déclaration de la succession il y a un terrain dont il est propriétaire mais qu’il ne connait pas. Il s’y rend et constate et qu’une personne est installée sur ce terrain. Dans cette situation, le propriétaire n’est pas la même personne que le possesseur. Il y a un conflit entre les deux. Dans cette situation, un statut de droit prévaut toujours sur le statut de fait sauf si le possesseur est installé depuis 30 ans (usucapion : le possesseur est devenu propriétaire par l’usage). Si un possesseur qui n’est pas propriétaire vend cette chose dont il a possession mais pas propriété : la vente n’est pas transférative de propriété. Mais, le droit français considère que celui qui achète un bien à un possesseur devient tout de même propriétaire. 27 sur 68 Il y a donc un conflit entre le propriétaire et l’acquéreur. C’est l’acquéreur qui gardera la propriété de la chose litigieuse (art.2276Cciv : en fait de meuble la possession vaut titre). Très souvent, la possession joue le rôle d’une anticipation de la propriété. On considère que la possession fait présumer la propriété. C’est une présomption réfragable cad qu’elle peut être renversée. Le possesseur est présumé propriétaire. Il faut ensuite prouver le droit supérieur à la possession (la propriété). Si une personne prouve la propriété sur la chose utilisée par le possesseur, la présomption dont il disposait est renversée. En mettant la possession en avant on se dispense de rapporter la preuve de la propriété qui est très difficile à rapporter. A. La notion de possession Le Code civil définit la possession d’une façon qui n’a pas plu à la doctrine et à la jurisprudence. Il y a donc deux façons de définir la possession selon qu’on utilise les termes de la jurisprudence ou des textes. 1. La possession définie par le Cciv La possession est réglementée avec l’acquisition (extinctive et acquisitive) ce qui explique sa place éloignée dans le Cciv : Art.2255Cciv : « La possession est la détention ou la jouissance d'une chose ou d'un droit que nous tenons ou que nous exerçons par nous-mêmes, ou par un autre qui la tient ou qui l'exerce en notre nom. » Cet article n’est pas très clair car il mélange deux choses. Sont traitées de la même façon la possession d’une chose et la possession d’un droit alors que ce n’est pas la même chose. La possession sur une chose est une emprise matérielle sur la chose : Le possesseur détient la chose lui-même. Il a la chose entre les mains. Le mot détenir est entendu dans un sens commun et non juridique : détenir dans le sens de l’avoir entre les mains. Celui qui a la chose entre les mains a l’apparence de la propriété. En droit français, il y a la théorie de l’apparence : celui qui a un statut apparent a des pouvoirs assez proche de celui qui a le statut réel. « Que nous tenons par un autre qui la tient en notre nom » : Exemple : le locataire d’un appartement a l’air d’être propriétaire mais il ne l’est pourtant pas. Il est dans une situation proche du propriétaire. Le locataire n’est pas un possesseur. Il est le détenteur précaire de la chose. Précaire : précarité = obligation de restituer une chose. Détenteur précaire : il détient la chose en raison d’un contrat ou d’un statut juridique. 28 sur 68 - Il a la chose entre les mains pour une raison juridique (locataire, usufruitier…). - Ce sont toutes les personnes qui en détiennent la chose comme si ils en étaient propriétaires. - Donc ce ne sont pas des possesseurs mais des détenteurs. Le détenteur ne peut donc pas usucaper. Qui est possesseur : le propriétaire : - même si il ne la détient pas entre ses mains, le propriétaire est possesseur car le détenteur précaire détient l’appartement au nom du propriétaire. - Le propriétaire possède corpore alieno. - Il possède alors que la chose est entre les mains d’un tiers. - Le tiers exercer la possession au nom et pour le compte du propriétaire. - Le détenteur ne possède pas la possession en son nom, il l’exerce pour le propriétaire. 2. La possession définie par la doctrine et la jurisprudence L’article 2255Cciv se borne à la possession des choses et la possession des droits sans dire véritablement ce qu’est la possession. La jurisprudence considère qu’il faut deux éléments pour acquérir la qualité de possesseur : Corpus : les actes exercés sur le corps même de la chose Animus domini : esprit du maître. - Le possesseur apparait aux tiers comme un propriétaire. - C’est psychologique. - Ce que ressentent les tiers en voyant le possesseur : il a l’apparence d’être le propriétaire de la chose. - C’est l’impact produit sur les tiers. a. Le corpus Le possesseur a la chose entre ses mains. On parle de corpus car on raisonne en termes de choses corporelles. Les actes de corpus sont les actes matériels qui s’exercent directement sur la chose. Par exemple : Habitation d’une maison Culture d’un champ Cueillette des fruits Clôture d’un terrain → le possesseur manifeste le fait que la chose est à lui. En conséquence, il fait un certaines nombres d’actions qui peuvent concerner cette chose. Les actes de corpus sont des actes adéquats à la destination de la chose. Le corpus s’apprécie dans l’appréhension matérielle de la chose. Le corpus du possesseur d’un droit : le possesseur se comporte extérieurement comme si il était titulaire de ce droit. C’est le fait d’avoir des actes qui correspondent extérieurement au droit.