Cours Mobilité sociale PDF
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This document examines contemporary characteristics and factors influencing social mobility. It delves into the definitions and measurement of social mobility, exploring relevant concepts like intergenerational or intragenerational mobility, and reproduction, as well as providing an overview of the different types of social mobility and the challenges in measuring and understanding it, in the context of its role in society.
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Chapitre 4 [Sociologie et science politique] : Quels sont les caractéristiques contemporaines et les facteurs de la mobilité sociale ? Questionnement Objectifs d’apprentissage Quels sont les - Savoir distinguer la m...
Chapitre 4 [Sociologie et science politique] : Quels sont les caractéristiques contemporaines et les facteurs de la mobilité sociale ? Questionnement Objectifs d’apprentissage Quels sont les - Savoir distinguer la mobilité sociale intergénérationnelle des autres formes de caractéristiques mobilité (géographique, professionnelle). contemporaines et les - Comprendre les principes de construction, les intérêts et les limites des tables facteurs de la mobilité de mobilité comme instrument de mesure de la mobilité sociale. sociale ? - Comprendre que la mobilité observée comporte une composante structurelle (mobilité structurelle) ; comprendre que la mobilité peut aussi se mesurer de manière relative indépendamment des différences de structure entre origine et position sociales (fluidité sociale) et qu’une société plus mobile n’est pas nécessairement une société plus fluide. - À partir de la lecture des tables de mobilité, être capable de mettre en évidence des situations de mobilité ascendante, de reproduction sociale et de déclassement, et de retrouver les spécificités de la mobilité sociale des hommes et de celles des femmes. - Comprendre comment l’évolution de la structure socioprofessionnelle, les niveaux de formation, et les ressources et configurations familiales contribuent à expliquer la mobilité sociale. Introduction : Activité de sensibilisation → Voir le document 1 du dossier documentaire I – La mobilité sociale : définition et mesure 1.1 – Définir la mobilité sociale La mobilité sociale, qui n’implique pas de déplacement physique, se distingue de la mobilité géographique, qui désigne le fait changer de lieu de résidence : quitter la campagne (exode rural) ou sa région, ou son pays (émigration). La mobilité proprement sociale se distingue aussi de la mobilité « professionnelle », qui peut consister à changer d’entreprise ou de type de travail. La mobilité sociale peut être étudiée également de différents points de vue selon qu’on ne considère que la carrière d’un individu, qui peut changer ou non de statut au cours de son existence adulte, ou que l’on réfère les individus à leur origine familiale, en comparant leur statut à celui des membres des générations antérieures, comme leur père ou leur grand-père. On parle alors de mobilité intragénérationnelle (ou en cours de carrière) et intergénérationnelle (ou entre les générations). Dans les publications de l’Insee, la première est désignée comme mobilité professionnelle, la seconde comme mobilité sociale. On parle de mobilité sociale lorsque l’individu change de statut social : - Lorsqu’il atteint un statut social plus élevé que celui lié à son origine familiale, on parle de mobilité sociale ascendante. - Lorsqu’il atteint un statut social plus élevé que celui lié à son origine familiale, on parle alors de déclassement. Et lorsque la position sociale d’un individu est comparable, en termes de statut social, à celle de ses parents, on Voir le doc 2 parle alors de reproduction sociale. La notion de déclassement est quelque peu complexe, car elle peut recouvrir 3 significations différentes : le déclassement intragénérationnel, qui désigne une mobilité professionnelle (intragénérationnelle) descendante; le déclassement intergénérationnel, qui désigne une mobilité sociale (intergénérationnelle) descendante; le déclassement scolaire, qui désigne le fait d’occuper un emploi en dessous de son niveau de qualification. Ici, c’est la première signification qui est utilisée. 1.2 – Mesurer la mobilité sociale 1.2.1 – les tables de mobilité sociale Chapitre 4 - Quels sont les caractéristiques contemporaines et les facteurs de la mobilité sociale ? Cours 1/7 On mesure la mobilité à travers les tables de mobilité. Avant de nous intéresser à la manière de lire ces tables, il faut nous demander à partir de quelles données elles sont construites. En France, la mobilité sociale est étudiée à partir des enquêtes FQP (formation, qualification professionnelle) de l’I.N.S.E.E. effectuées tous les 7 à 8 ans. L’étude porte sur un échantillon représentatif d'actifs dont l’âge est compris entre 40 et 59 ans. Ceux ci déclarent la position qu’occupaient leurs pères au moment de la fin de leurs propres études : on détermine ainsi leur origine sociale. La position des personnes interrogées au moment de l’enquête constitue leur position sociale (ou destinée sociale). Remarque : Pour éviter les biais liés aux situations de mobilité au cours de la carrière professionnelle, le champ des tables de mobilité est composé d’actifs ou d’anciens actifs âgés de 40 à 59 ans : le groupe socioprofessionnel de l’enquêté est ainsi relevé lorsque sa carrière professionnelle est déjà avancée (entre 40 et 59 ans), et donc relativement stabilisé. En revanche le statut social de l’ascendant (père) est mesuré au moment où l’enquêté (le fils) finissait ses études. Les tables mesurant les flux de mobilité intergénérationnelle sont des tableaux croisés à double entrée où sont représentés le groupe socioprofessionnel du fils et celui du père. Remarque : Sont pris en compte uniquement les actifs occupés masculins (ou plus récemment les femmes actives) classés par PCS (professions et catégories socioprofessionnelles). Pour mieux comprendre la logique de construction des tables de mobilité, nous allons travailler à partir d'une Voir le doc 3 table fictive, simplifiée. [La lecture des tables de mobilité est un savoir-faire que vous devez impérativement maîtriser pour le bac.] La table de mobilité étudiée dans le document 3 était une table de mobilité (fictive) brute. Mais la plupart du temps, on utilise pour étudier la mobilité sociale des tables de mobilité en proportions. On en distingue deux : - la table de destinée, qui répond à la question suivante : que sont devenus les fils dont le père appartient à une catégorie donnée ? Par exemple : Sur 100 fils d'agriculteurs, combien sont devenus agriculteurs, cadres, ouvriers ?... - la table de recrutement, qui répond, elle à la question « à quelles catégories appartenaient les pères des Voir les docs individus d’une catégorie donnée » ? 4 et 5 Par exemple : Sur 100 agriculteurs, combien avaient un père agriculteur, cadre, ouvrier ?... A retenir : - Table de destinée « Que sont-ils devenus ? » - Table de recrutement » D’où viennent-ils ? » 1.2.2 – Les caractéristiques de la mobilité sociale La société française est-elle plutôt mobile, ou plutôt immobile ? Cette question est importante, car elle permet d’apporter des éléments de réponse à d’autres questions, relatives par exemple à la justice sociale (peut-on vraiment parler d’égalité des chances ? Est-on dans une société méritocratique?) ou à la pertinence ou non des classes sociales en tant qu’outil pour rendre compte de la stratification sociale (le fait de pouvoir changer facilement ou non de statut social définit l’épaisseur des frontières entre les groupes sociaux, et donc renforce ou affaiblit l’idée de l’existence de classes sociales). L’étude du document 6, qui est une table de destinée nous permet de dégager certaines caractéristiques de la Voir le doc 6 mobilité sociale en France : - L'immobilité sociale est importante aux deux extrémités de l'échelle sociale : ………………………………………………….. ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… - La mobilité est relativement importante parmi les couches moyennes : …………………………………………………………….. ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… Chapitre 4 - Quels sont les caractéristiques contemporaines et les facteurs de la mobilité sociale ? Cours 2/7 ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… - La mobilité sociale est le plus souvent ascendante : …………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… - Mais la mobilité sociale est essentiellement une mobilité de proximité : …………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… Le document 7, qui est une table de recrutement, nous donne d’autres informations : Voir le doc 7 - L'autorecrutement est élevé dans les catégories sociales en déclin : ………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… - Le recrutement est assez ouvert dans les catégories en expansion : ………………………………………………………………….. ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 1.2.3 – Les spécificités de la mobilité sociale des hommes et des femmes Les femmes connaissent une mobilité sociale forte par rapport à leur mère, plus ascendante que celles des Voir le doc 8 hommes par rapport à leur père, parce que l’accès des femmes au marché du travail n’a augmenté que récemment. Toutefois, la mobilité des femmes est moins ascendante par rapport à leur père que celle des hommes. Cela s’explique par le fait que les femmes occupent des positions socioprofessionnelles structurellement moins élevées que les hommes : cela rend donc la mobilité sociale ascendante des femmes par rapport à leur père plus difficile que par rapport à leur mère 1.2.4 – Intérêts et limites des tables de mobilité sociale L’intérêt des tables de mobilité sociale Les tables constituent des instruments statistiques stabilisés permettant de mesurer la mobilité intergénérationnelle et d'apprécier ainsi la mobilité ou la rigidité de la structure sociale (importance statistique du phénomène de reproduction sociale). Elles permettent aussi d'effectuer des comparaisons historiques. Elles permettent de mesurer de façon précise la part des personnes « immobiles », déclassées la part des personnes connaissant une mobilité ascendante, la part des personnes connaissant une mobilité de statut ainsi que la part des personnes connaissant une mobilité horizontale. Les tables de mobilité permettent également de rendre compte de l’évolution de la structure socioprofessionnelle, en observant l’évolution des lignes/colonnes « ensemble » des tables de destinée et de recrutement Tout ce que l'on va montrer dans la suite de ce chapitre s'appuie sur l'étude de ces tables, qui permettent donc de dire beaucoup de choses sur l'évolution de la société. Les limites des tables de mobilité sociale Chapitre 4 - Quels sont les caractéristiques contemporaines et les facteurs de la mobilité sociale ? Cours 3/7 Néanmoins, comme tout instrument statistique, les tables de mobilité sociale reposent sur des conventions qui ont des limites : 1/ Les tables de mobilité utilisent le niveau le plus agrégé de la classification en 6 PCS. Or, le choix de la nomenclature a des conséquences sur ce qu'on observe : plus elle est détaillée (c’est-à-dire plus il y a de catégories), plus il y a de chances de changer de catégorie, donc plus la mobilité sociale sera apparente et inversement. Ainsi, disposer de tables de mobilité avec 6 PCS implique une mobilité plus importante que si on raisonnait avec 3 groupes (cf les premières tables que l’on a étudiées : catégories supérieures / moyennes / inférieures) mais moins que si on avait une classification avec plus de catégories, par exemple si on étudiait le niveau 2 des PCS (24 catégories, par exemple ouvriers qualifiés / non qualifiés / agricoles, commerçants / artisans / chefs d'entreprise). 2/ Les PCS étudient des actifs occupés ou des anciens actifs occupés, classés selon leur précédente activité professionnelle, mais on ne sait pas si ces personnes sont au chômage ou en emploi atypique (CDD, intérim, temps partiel…) alors que cela joue un rôle important pour décrire leur position sociale. 3/ Une table de mobilité conduit à considérer que les groupes socioprofessionnels sont comparables d’une génération à l’autre et que leurs positions relatives restent identiques ; or les métiers et professions évoluent fortement, de telle sorte que les conditions de vie, le prestige, le revenu qui y sont associés sont très différents entre descendants et ascendants (par exemple le métier d'enseignant est bien moins valorisé qu'il y a une ou deux générations). 4/ Les enquêtes FQP à partir desquelles sont réalisées les tables de mobilité interrogent des personnes de 40 à 59 ans. Les positions sociales du fils et du père sont donc repérées au même moment de leur trajectoire respective stabilisée. La comparaison des deux positions, est, de ce fait, plus significative. C’est une convention française. Mais cela pose problème, car on ne peut étudier la situation des plus jeunes, donc on étudie les changements avec du retard. 5/ Les tables de mobilité ne rendent pas compte de la mobilité subjective : on peut avoir un sentiment de Voir le doc 9 déclassement sans que l'INSEE mesure une mobilité descendante, et vice-versa. II – De l’étude la mobilité sociale à celle de la fluidité sociale Parler de mobilité sociale implique naturellement d'observer des déplacements d'individus vers le haut ou le bas de l'espace social. Mais il existe plusieurs rapports sous lesquels cette mobilité sociale peut être évaluée. La mobilité observée s’exprime à travers des taux absolus de mobilité (par exemple, x% des fils d'ouvriers deviennent cadres) ; elle concerne l'ensemble des trajectoires mobiles. Elle se distingue donc de l'immobilité sociale ou reproduction sociale. Une partie de cette mobilité observée s’explique par l’évolution de la structure de la population active d’une époque à une autre. Par exemple, la part des agriculteurs dans la population active a fortement diminué entre l’époque des « pères » et celle des « fils , ce qui entraîne mécaniquement le fait qu’une partie des enfants d’agriculteurs change de catégorie sociale. C’est ce que l’on appelle la mobilité structurelle. On peut repérer Voir le doc 10 l’ampleur de ce phénomène de mobilité structurelle grâce à une étude comparée des lignes / colonnes « Ensemble » des tables de destinée et de recrutement. Voir le doc 11 Mais la mobilité structurelle se traduit-elle pour autant par une plus grande ouverture des destinées sociales des individus, ou le milieu social d’origine continue-t-il d’influencer une force statistique sur leur position sociale d’arrivée ? Pour répondre à cette question, il convient d’adopter une analyse en termes de fluidité sociale. Elle consiste à mesurer la force du lien entre origine et position sociales indépendamment de la taille des groupes sociaux et de l’évolution de leur poids respectif dans la structure sociale. Pour mesurer cette fluidité sociale, on utilise un indicateur statistique qui est en fait un rapports de chances relatives (odds ratios). On va par exemple rapporter la probabilité qu’un fils de CPIS devienne CPIS plutôt qu’ouvrier à la probabilité qu’un fils d’ouvrier devienne CPIS plutôt qu’ouvrier. La fluidité sociale augmente si le Voir le doc 12 rapport de chances relatives diminue, donc que l'origine sociale influence moins la position sociale des individus. Chapitre 4 - Quels sont les caractéristiques contemporaines et les facteurs de la mobilité sociale ? Cours 4/7 Voir le doc 13 Comment la fluidité sociale a-t-elle évolué en France ? Après avoir baissé jusqu’en 1985, la fluidité sociale a beaucoup augmenté jusqu’en 2003, Cela ne veut pas dire que la société était parfaitement fluide, car le rapport de chances relatives n’était pas de 1 mais de 28,8, ce qui veut dire que ……………………………………………………………………………………………………………………….. ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… Depuis 2003, la fluidité sociale stagne. Pour résumer, de plus en plus d'individus sont mobiles, mais l'origine sociale influence toujours fortement la position sociale. En France, l’idéal d’égalité des chances n’a pas été atteint : les individus n'ont pas tous la même probabilité d'atteindre les différentes positions sociales, la position sociale dépend encore fortement de l'origine sociale. III – Quels sont les principaux déterminants de la mobilité sociale ? 3.1 – L’évolution de la structure socioprofessionnelle. Comme on a pu le voir dans le chapitre « Comment est structurée la société française actuelle », la structure des emplois a connu de profondes mutations depuis la fin de la seconde guerre mondiale, notamment sous l’effet du progrès technique : le nombre d’agriculteurs a fortement baissé (hausse de la taille des exploitations et Cf. ce qu’on mécanisation), puis celui des ouvriers d’industrie, ainsi que celui des autres travailleurs indépendants avait (concentration des entreprises, développement des grandes surfaces) ; à l’inverse, la hausse de la demande de démontré services de la part des ménages et des entreprises a créé des emplois dits de « cols blancs ». Donc, les enfants dans des catégories en forte baisse ne pouvaient mathématiquement pas rester dans la même catégorie que leur le doc 10 ! père, et les enfants des catégories en croissance n’auraient pas été assez nombreux pour fournir les effectifs de ces catégories à la génération suivante. Ces emplois en expansion étant plus qualifiés que les emplois en déclin, de nombreux individus ont été« aspirés » vers le haut de la structure sociale, dans une dynamique de mobilité ascendante largement structurelle. D’ailleurs, une partie de la mobilité sociale masculine observée en 2015 résulte directement de l’évolution de la structure des emplois entre les générations d’hommes nés entre 1955 et 1980 et celles de leur père : par exemple, 24 % de la mobilité sociale masculine observée cette année là correspond à de la mobilité structurelle. Depuis la fin des années 1970, cette mobilité structurelle a toutefois eu tendance à ralentir, car les changements du système productif, et leurs effets sur les emplois, ont été moindres. La structure sociale de la génération actuelle ressemble davantage à celle de ses parents que la génération précédente, ce qui explique cette diminution de la mobilité structurelle. 3.2 – Le rôle des niveaux de formation La mobilité structurelle a été rendue possible par l’élévation du niveau de formation. En effet, la transformation de la structure des emplois décrite plus haut a engendré un besoin d’augmentation du niveau de qualification moyen de la population active. La transformation de la structure socioprofessionnelle s’est donc accompagnée d’une démocratisation de l’accès au diplôme des enseignements secondaire et supérieurs (voir le chapitre « Quelle est l’action de l’école sur les destins individuels et sur l’évolution de la société? »). Mais cette démocratisation n’a pas eu pour seul effet d’accompagner la mobilité structurelle : le diplôme étant Voir le doc 14 devenu le facteur explicatif le plus important de la position sociale, son accès démocratisé s’est traduit par une diminution de la force du lien entre l’origine sociale et la position sociale. L’extension massive de la scolarisation a donc aussi contribué à la progression de la fluidité sociale. Cependant, à partir de la fin des années 1970, l’augmentation du niveau de qualification de la population active a été plus rapide que l’augmentation des besoins en travailleurs qualifiés de la structure productive. La sociologue française Marie Duru-Bellat qualifie ce phénomène d’« inflation scolaire » : de la même manière que l’on augmente la quantité de monnaie en circulation de manière brutale dans un système économique cela entraîne une hausse des prix (inflation) et donc une baisse du pouvoir d’achat de la monnaie, la progression rapide du nombre et du niveau des diplômes délivrés a eu pour conséquence une baisse du rendement de ces Voir le doc 15 diplômes : un même niveau de diplôme ne permet plus d’intégrer un niveau aussi qualifié (et rémunéré qu’avant). Ce phénomène va alimenter une forme de déclassement social : - soit parce que les individus accèdent à une position sociale inférieure à celle de leurs parents, tout en disposant d’un niveau de diplôme équivalent voire supérieur. C’est ce qu’on appelle le paradoxe d’Anderson. Chapitre 4 - Quels sont les caractéristiques contemporaines et les facteurs de la mobilité sociale ? Cours 5/7 - soit parce que les individus occupent un emploi correspondant à un niveau de qualification inférieur à celui auquel leur titre scolaire peut prétendre. 3.3 L’impact des ressources et des configurations familiales. 3.3.1 – Le rôle du capital économique, social et culturel dans l’accès aux différentes positions sociales Le rôle du capital culturel Le capital culturel est un ensemble formé par : - les bien culturels possédés et les références culturelles maîtrisées par un individu (ou, en fonction de l’âge de l’individu, par ses parents) - les titres scolaires possédés par un individu (ou ses parents) - les « bonnes manières », l’aisance, la capacité à s’exprimer en public : ce que le sociologue français Pierre Bourdieu nomme l’ « habitus culturel ». Or, le capital culturel est inégalement distribué dans la structure sociale : en moyenne, les catégories sociales les moins favorisées en possèdent moins que les catégories sociales favorisées. De plus, de nombreux travaux en sociologie ont montré que la réussite scolaire était fortement influencée par le niveau de capital d’un individu (ou de la cellule familiale dans laquelle il évolue). On observe donc des inégalités de réussite scolaire (voir le chapitre « Quelle est l’action de l’école sur les destins individuels et l’évolution de la société ? ») en fonction de l’origine sociale, ce qui a tendance à alimenter la reproduction sociale. Le rôle du capital économique Le capital économique se définit comme l’ensemble de la richesse d’un agent économique. Or, le niveau de capital économique de la cellule familiale dans laquelle évolue un jeune individu est susceptible d’exercer une influence sur sa trajectoire sociale. Par exemple, si les fils d’indépendants sont le plus souvent indépendants eux-mêmes, c’est parce qu’ils reprennent l’affaire de leur père. En effet, un travailleur indépendant doit disposer d’un patrimoine professionnel : des terres et du matériel pour les agriculteurs, un fond de commerce, une entreprise, pour les artisans, commerçants, chefs d’entreprises, un cabinet pour un avocat ou un médecin. Donc, un individu qui bénéficie de ressources économiques familiales peut plus facilement acquérir ce patrimoine. Parfois, il peut même en hériter (un jeune diplômé de la faculté de droit devient plus facilement avocat en reprenant le cabinet de son père, donc aussi sa clientèle, qu’un autre diplômé dépourvu de telles ressources). Voir le doc 16 Mais de manière plus générale, le niveau de capital économique joue sur la capacité des parents à aider leur(s) enfant(s), ce qui est susceptible d’avoir un impact sur leur trajectoire scolaire et leur position sociale future. Le rôle du capital social L’étude des débouchés professionnels des différentes filières scolaires montre que le rendement social des diplômes dépend aussi de l'origine sociale. Autrement dit, un même diplôme conduit les élèves ou étudiants à des professions ou à des niveaux de salaire qui sont sensiblement différents en fonction de leur origine sociale. Cela peut s’expliquer par les différences de capital social des individus. Le capital social peut se définir comme l’ensemble des réseaux de relations socialement utiles, par exemple pour trouver la meilleure formation scolaire, un stage, un emploi. Par exemple, le fait d’être salarié d’une entreprise permet de disposer d’informations sur les emplois qui s’y créent, sur les éventuels stages, mais aussi sur les compétences qui y sont particulièrement valorisées. Le diplôme n’est donc pas suffisant pour expliquer l’intégralité de la trajectoire sociale d’un individu ; plus ce dernier a un capital social important, plus il aura accès à des informations lui permettant de s’insérer de la meilleure manière possible qui soit sur le marché du travail (en termes de poste occupé et de rémunération). 3.3.2 – Le rôle des configurations familiales sur la réussite scolaire. Les configurations familiales sont les caractéristiques de la famille dans laquelle grandissent les jeunes (rôle et place du ou des parents, des éventuels frères et sœurs…). Ces configurations familiales sont susceptibles d’influencer la réussite scolaire et donc la trajectoire des individus. Voir le doc 17 - Par exemple, le fait d’être dans une famille monoparentale surexpose les individus au risque de pauvreté, ce qui est de nature à perturber la trajectoire scolaire et, en fonction des situations de départ, favoriser les Chapitre 4 - Quels sont les caractéristiques contemporaines et les facteurs de la mobilité sociale ? Cours 6/7 situations de reproduction sociale ou de déclassement. Voir le doc 18 - La taille de la fratrie semble aussi exercer une influence sur les trajectoires scolaires : les individus ayant vécu dans une famille nombreuse (plus de 3 enfants) voient leur chance de mobilité sociale diminuer. Des sociologues ont en effet montré que ces enfants deviennent moins souvent cadres et professions intermédiaires, et plus souvent ouvriers. Joue bien sûr le fait que les familles nombreuses font souvent partie des classes populaires, dont la mobilité sociale est réduite. Il semblerait néanmoins qu’il existe un effet propre de la taille de la fratrie, quel que soit le milieu d’origine. Ce phénomène, très stable dans le temps, pourrait s’expliquer par les conditions matérielles d’existence. Les enfants de famille nombreuses doivent par exemple souvent partager une chambre à plusieurs, ce qui a des effets négatifs très nets sur la réussite scolaire… et donc sur la mobilité sociale. D’autant qu’ils bénéficient moins de soutiens scolaires extérieurs. Le nombre élevé d’enfants, combiné à la promiscuité spatiale, pourrait aussi entraîner un « style éducatif » parental rigide, moins propice au développement intellectuel des jeunes. Chapitre 4 - Quels sont les caractéristiques contemporaines et les facteurs de la mobilité sociale ? Cours 7/7