Cours de Procédure Pénale 2024-2025 PDF

Summary

Ce cours de procédure pénale, pour l'année 2024-2025, couvre les principes directeurs, les garanties juridictionnelles et la preuve en droit pénal. Il aborde la présomption d'innocence, les droits des victimes et les aspects européens du sujet.

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COURS DE PROCÉDURE PÉNALE 2024-2025 Les principes directeurs du procès pénal et la preuve Depuis la loi du 15 juin 2000 renforçant la présomption d'innocence et les droits des victimes, le code de procédure pénale contient un article préli...

COURS DE PROCÉDURE PÉNALE 2024-2025 Les principes directeurs du procès pénal et la preuve Depuis la loi du 15 juin 2000 renforçant la présomption d'innocence et les droits des victimes, le code de procédure pénale contient un article préliminaire dédié aux principes directeurs qui consacre, au plan interne, les garanties juridictionnelles et procédurales exprimées par l'article 10 de la DUDH du 10 décembre 1948 ; l'article 14 §. 1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 ; l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union ; et surtout l'article 6 §. l de la Conv. EDH qui consacre le droit à un procès équitable. Ce dernier, qui est d'application directe, permet notamment aux juridictions pénales d'écarter une loi qui lui serait contraire. Depuis le 1er mars 2010, les principes directeurs du procès pénal peuvent encore être mobilisés dans le cadre d'une QPC puisque la plupart des principes contenus dans l'article préliminaire du code de procédure pénale sont élevés au rang de principes constitutionnels. Les garanties de l'article 6 §. l de la Conv. EDH s'appliquent à toute personne faisant l'objet d'une « accusation en matière pénale », étant rappelé que la notion d'« accusation » recouvre non seulement toute notification officielle du reproche d'avoir commis une infraction pénale émanant de l'autorité compétente, mais aussi toute mesure impliquant un tel reproche comme l'arrestation, la mise en examen, ou encore l'ouverture d'une enquête préliminaire. Quant à la notion de « matière pénale », elle va au-delà de ce que le droit interne qualifie de « droit pénal ». Dans l'affaire Engel c/ Pays Bas du 8 juin 1976, la CEDH en donne les trois critères : la qualification donnée par le droit interne ; la nature de l'infraction ; et la gravité de la sanction. Sont ainsi visées aussi bien les procédures disciplinaires mises en place dans un établissement pénitentiaire que celles pouvant aboutir au prononcé d'une sanction administrative, douanière, fiscale ou même le retrait des points sur le permis de conduire. Les principes directeurs du procès pénal apportent de nombreuses garanties aux justiciables, mais encadrent également les modalités entourant la recherche et l’administration de la preuve dans le procès pénal. Section 1 : Les garanties juridictionnelles Nous allons aborder ici les trois grandes catégories de garanties dont disposent les justiciables : les garanties d’accès à la justice pénale (§.1), celles assurant sa qualité (§.2), et enfin les garanties procédurales dont disposent les parties dans le procès pour défendre leurs droits (§.3). §. 1 – Les garanties d’accès à la justice pénale Les garanties d'accès à la justice pénale impliquent le droit d'exercer une action devant un juge (B) ou tout au moins la garantie de l'intervention d'un membre de l'autorité judiciaire en cas de privation de liberté (A). A – Le droit à un contrôle de l’autorité judiciaire En cas d’arrestation ou de détention. Selon l'article préliminaire du code de procédure pénale, les mesures de contrainte, dont toute personne suspectée ou poursuivie peut faire l'objet, « sont prises sur décision ou sous le contrôle effectif de l'autorité judiciaire ». Depuis la loi du 23 mars 2019, ce texte prévoit également qu’« au cours de la procédure pénale, les mesures portant atteinte à la vie privée d'une personne ne peuvent être prises, sur décision ou sous le contrôle effectif de l'autorité judiciaire, que si elles sont, au regard des circonstances de l'espèce, nécessaires à la manifestation de la vérité et proportionnées à la gravité de l'infraction». Mais le droit à un contrôle par un membre de l'autorité judiciaire est aussi garanti par l'article 5 §. l de la Conv. EDH, qui prévoit que, si toute personne peut être arrêtée et détenue en vue d'être conduite devant l'autorité judiciaire compétente, lorsqu'il y a des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis une infraction ou qu'il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l'empêcher de commettre une infraction ou de s'enfuir après l'accomplissement de celle-ci, c’est à la condition que la personne concernée soit « aussitôt traduite devant un 1 COURS DE PROCÉDURE PÉNALE 2024-2025 juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires ». Notion de juge ou magistrat habilité par la loi. Si dans un premier temps, la CEDH a jugé, en prenant appui sur la qualité de « magistrat » visée par le texte, que l'article 5 § 3 englobait les magistrats du parquet comme ceux du siège, sa position a ensuite évolué pour considérer qu'il y a incompatibilité entre les qualités d'autorité de poursuite et de « magistrat habilité » à contrôler la régularité d'une mesure privative de liberté avant jugement (CEDH, 10 juill. 2008, et gde ch., 29 mars 2010 : Medvediev c/ France. – CEDH, 23 nov. 2010 : Moulin c/ France). Cette position européenne entre en contradiction avec celle du Conseil constitutionnel pour qui, « l'autorité judiciaire comprend à la fois les magistrats du siège et du parquet », bien qu’il ait atténué sa position dans sa décision du 8 décembre 2017 (Cons. const., n° 2017-680 QPC). Ainsi, pour le Conseil constitutionnel, le procureur de la République peut parfaitement contrôler la garde à vue (Cons. const., n° 2010-14/22 QPC, 30 juill. 2010) ou la rétention d'une personne déférée, dans le cadre de la pratique du « petit dépôt », à la condition que cette « privation de liberté instituée par l'article 803-3 du code de procédure pénale, à l'issue d'une mesure de garde à vue prolongée par le procureur de la République, méconnaîtrait la protection constitutionnelle de la liberté individuelle si la personne retenue n'était pas effectivement présentée à un magistrat du siège avant l’expiration d’un délai de 20 heures » (Cons. const., n° 2010-80 QPC , 17 déc. 2010. – Cons. const., n° 2011-125 QPC, 6 mai 2011). La notion de « aussitôt ». L'article 5 §. 3 de la Conv. EDH pose une obligation de célérité dans la mise en œuvre du contrôle judiciaire de la privation de liberté. Le respect de cette obligation s'apprécie in concreto, au regard des circonstances propres à chaque affaire. Il est toutefois de jurisprudence constante que le délai maximal de présentation à un magistrat du siège est fixé à 4 jours dans les affaires de terrorisme ou de criminalité organisée (CEDH. 29 nov. 1988, Brogan c/ Royaume-Uni), et à 3 jours dans les affaires ordinaires (CEDH, 23 oct. 1990, Huber c/ Suisse). B – Le droit à l’intervention d’un juge Fondamentalisation du droit au juge. Le droit à l'intervention d'un juge est consacré, tant au plan européen, où il est celui de la personne privée de sa liberté en raison de son arrestation ou de sa détention, au sens de l'article 5 §. 1 de la Conv. EDH, mais également celui de toute personne faisant l'objet d'une « accusation en matière pénale » selon l'article 6 §. 1 de la même convention, qu’en droit interne par le Conseil constitutionnel qui reconnaît le droit à un recours juridictionnel en tant que droit inhérent à la garantie des droits prévue à l'article 16 de la Constitution (Cons. const., n° 93-335 DC, 21 janv. 1994. – Cons. const., n° 99-416 DC. 23 juill. 1999). Aussi bien en droit européen qu'en droit interne, le droit à l'intervention d'un juge doit être effectif. Pour la CEDH, l’exigence d’une consignation d'une somme trop importante pour la partie civile (CEDH, 28 oct. 1998, Ait Mouhoub c/ France) ou le formalisme excessif pour une requête en nullité (CEDH. 26 juill. 2007, Walchli c/ France) ne permettent pas de garantir ce droit. Dans le cadre de la procédure de contestation de l'amende forfaitaire, le Conseil constitutionnel veille également au respect du droit à un recours juridictionnel effectif pour toutes les décisions d'irrecevabilité prises par le parquet (Cons. const., n° 2015-467 QPC , 7 mai 2015), et il a considéré que la conversion de la consignation préalable en règlement de l'amende, à la suite de l'irrecevabilité de la contestation décidée par le parquet, est incompatible avec le droit à un recours juridictionnel effectif puisqu'elle rend impossible la saisine de la juridiction (Cons. const., n° 201038 QPC, 29 sept. 2010). §. 2 – Les garanties d’une justice pénale de qualité Les juridictions répressives sont soumises à un certain nombre de principes qui sont autant de garanties d'une justice de qualité pour les justiciables. Tel est le cas du principe de collégialité (A) ou encore du principe d’indépendance et d’impartialité du juge (B). 2 COURS DE PROCÉDURE PÉNALE 2024-2025 A – La collégialité Juge unique, juge inique. Si le principe est celui de la collégialité des formations de jugement, de nombreuses exceptions existent, et ne cessent de s’étendre, renvoyant la collégialité au rang d’exception. Au stade de l'instruction, tout d'abord, le juge d'instruction et le JLD sont des juges uniques. Au stade du jugement, les exceptions à la collégialité ont tendance à se multiplier ces dernières années, notamment en matière correctionnelle dans laquelle la liste des infractions permettant le jugement à juge unique ne cesse de s’allonger (C. proc. pén., art. 398-1). Avec la loi du 23 mars 2019, la chambre des appels correctionnels peut désormais être composée d'un seul magistrat exerçant les pouvoirs confiés au président de cette chambre. Certes, des exceptions sont prévues lorsque le prévenu est en détention provisoire ou lorsque l'appelant demande expressément que l'affaire soit examinée par une formation collégiale (C. proc. pén., art. 510), mais le principe de l'unicité est posé. Au stade de l'exécution des peines, le Jap est lui aussi un juge unique… B – L’indépendance et l’impartialité du juge Critères d’indépendance. L'indépendance de la justice peut se définir comme l'absence de subordination statutaire aux autres pouvoirs, législatif et exécutif. Elle est appréciée dans la jurisprudence de la CEDH au regard de quatre critères : le mode de désignation des membres de la juridiction ; la durée de leur mandat ; l'existence de garantie contre les pressions extérieures ; l'apparence d’indépendance. L'indépendance de l'autorité judiciaire est également garantie constitutionnellement, le Conseil constitutionnel considérant qu’« il n'appartient ni au législateur ni au gouvernement de censurer les décisions des juridictions, d'adresser à elles des injonctions et de se substituer à elles dans le jugement des litiges relevant de leur compétence » (Cons. const., n° 80-119 DC, 22 juill. 1980). Le défaut d'indépendance peut être censuré sur le fondement de l'article 16 de la DDHC, comme en témoigne la décision d’'inconstitutionnalité des tribunaux maritimes commerciaux (Cons. const., n° 2010-10 QPC, 2 juill. 2010). Les formes de l’impartialité. À la différence de l'indépendance qui se mesure au regard des liens entre l'autorité judiciaire et les autres pouvoirs, l'impartialité prend en compte les rapports pouvant exister entre les membres de l'autorité judiciaire et les parties. L'impartialité peut s'apprécier aussi bien de manière objective que subjective (CEDH, 1er oct. 1982, Piersack cl Belgique). L’impartialité subjective est présumée jusqu'à la preuve du contraire (CEDH, 16 oct. 1999, Buscemi c/ Italie). Concrètement, elle interdit aux membres de l'autorité judiciaire d'exprimer un ou des préjugés. Tel est le cas du juge qui exprime, avant jugement, sa conviction dans la culpabilité du prévenu ou de l'accusé. N'est pas non plus impartial le juré d'assises qui fait part de ses convictions racistes face à un accusé d'origine maghrébine (CEDH, 23 avr. 1996, Remli c/ France) ou qui communique personnellement avec le représentant du parquet pendant une suspension d'audience (CEDH, 16 janv. 2007, Fahri c/ France). L’impartialité objective nécessite de rechercher, si indépendamment de sa conduite personnelle, le juge offre des garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime. L'impartialité objective fait donc défaut dans le cas d'un lien personnel entre le juge et l'une des parties (CEDH, 9 nov. 2006, Sacilor- Lormines c/ France). De manière préventive, le Code de l'organisation judiciaire prévoit un certain nombre d'incompatibilités de fonction pour les magistrats (COJ, art. L. 111-10. – COJ, art. R. 111-4) qui s'appliquent aussi bien aux magistrats du siège qu'aux magistrats du parquet (Cass. crim., 9 juin 2015, Bull. crim. n°139). Mais surtout, l'exigence d'impartialité objective s'oppose à l'exercice successif de fonctions juridictionnelles par un même juge dans une même affaire. La CEDH considère toutefois que le seul cumul de fonctions n'emporte pas, en soi, violation de l'article 6 de la convention et se livre à une analyse détaillée des circonstances de l'affaire, s'appuyant essentiellement sur le fait de savoir si le juge a, ou non, dû porter une première appréciation sur la culpabilité dont il aura ultérieurement à connaître (CEDH, 24 févr. 1993, Fey c/ Autriche. – CEDH, 24 août 1993, Nortier cl Pay-Bas. – CEDH, 6 janv. 2010, Vera Fernandez-Huidobro c/ Espagne). De son côté, le Conseil constitutionnel a censuré le fait que le juge des enfants préside le tribunal pour enfants après avoir instruit le 3 COURS DE PROCÉDURE PÉNALE 2024-2025 dossier d’un mineur (Cons. const., n° 2011-147-QPC, 8 juill. 2011), et plusieurs dispositions du code de procédure pénale tendent à garantir l’impartialité des magistrats composant les formations de jugement. S'agissant des magistrats du parquet, il semble plus délicat d'appliquer les règles relatives à l'impartialité objective dès lors que la Cour de cassation juge de manière constante que « le ministère public ne décidant pas du bien-fondé de l'accusation en matière pénale, le moyen pris de la partialité éventuelle de ce magistrat est inopérant. » (Cass. crim., 10 déc. 1986, n° 86-91567). Autrement dit, il n'est pas interdit à un magistrat du parquet de requérir successivement contre le même mis en cause devant différentes juridictions. Suspicion légitime ou récusation. En cas de suspicion de partialité, le justiciable dispose de deux moyens d'action. Le premier est la demande de renvoi pour cause de suspicion légitime lorsque des éléments objectifs sont de nature à faire naître un doute sur l'impartialité de la juridiction tout entière (C. proc. pén., art. 662). Le second moyen est l'exercice du droit de récusation, qui peut être exercé à tous les stades de la procédure à l'encontre de tout magistrat du siège (C. proc. pén., art. 668). §. 3 – Les garanties procédurales Si l'on se réfère aux exigences européennes, la procédure pénale doit offrir trois garanties essentielles : la publicité (A), la célérité (B) et l'équité de la procédure (C). Il faut toutefois y ajouter les droits de la défense (D) et s’interroger sur ceux des victimes (E). A – Principe de publicité de la procédure pénale Contenu et limites du principe de publicité. L'article 6 §. 1 de la Conv. EDH prévoit que « le jugement doit être rendu publiquement ». Cette exigence se trouve relayée en droit interne par le Conseil constitutionnel qui estime « qu'il résulte des articles 6. 8, 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme que le jugement d'une affaire pénale pouvant conduire à une privation de liberté doit, sauf circonstances particulières permettant le huis clos, faire l'objet d'une audience publique » (Cons. const., n° 2004-492 DC, 2 mars 2004). Cette exigence de publicité ne porte que sur la procédure de jugement. Dans les phases d'enquête et d'instruction, la règle est celle du secret (C. proc. pén., art. 11), même si des dérogations existent. La garantie de publicité de la procédure de jugement se justifie par la nécessité d'un contrôle du public sur la justice qui est rendue au nom du peuple, ce qui a conduit le législateur, avec la loi du 23 mars 2019, à prévoir la mise à disposition du public à titre gratuit sous forme électronique de l'ensemble des décisions de justice, sous réserve du respect de la vie privée des parties et des tiers. Mais la garantie de publicité va au-delà du seul prononcé du jugement ; elle implique aussi l'admission du public à l'audience ainsi que la reproduction des débats dans les médias. La question du recours à la visio-conférence. Elle a tout d'abord été une spécificité à Saint-Pierre-et-Miquelon pour tenir compte des difficultés de constitution d'un tribunal dans cette collectivité territoriale. La procédure a ensuite été étendue à tout le territoire par la loi du 15 novembre 2001 pour être sans cesse étendue dans les différentes phases de la procédure (enquête, instruction, jugement). La loi du 23 mars 2019 a posé le principe selon lequel la visio-conférence peut être décidée par un « magistrat en charge de la procédure » - incluant donc un magistrat du parquet - ou « un président de la juridiction saisie » qui estime le recours à ce procédé justifié « aux fins d'une bonne administration de la justice ». Dans le cadre de l'adaptation des règles de procédure pénale à l'état d'urgence sanitaire, l'ordonnance du 25 mars 2020 avait même permis une exception au consentement des parties, que le Conseil constitutionnel a censurée dans une décision QPC du 15 janvier 2021 (contrairement à ce qu’il a décidé dans le champ de la procédure civile), et il a même consacré un droit de comparution personnelle à échéance régulière en matière de détention provisoire (Cons. const., n° 2019-802 QPC, 20 sept. 2019. – Cons. const., n° 2020-836 QPC, 30 avr. 2020). Plus récemment, la loi du 20 novembre 2023 est venue étendre encore le champ d’application de la visioconférence au stade de l’enquête, dans la mesure de garde à vue notamment, nous y reviendrons en détail. 4 COURS DE PROCÉDURE PÉNALE 2024-2025 B – Principe de célérité de la procédure pénale Exigence d’un délai raisonnable. L'article 6 de la Conv. EDH énonce que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue « dans un délai raisonnable » tandis que l’article préliminaire du code de procédure pénale dispose qu’il « doit être définitivement statué sur l'accusation dont [une] personne [suspectée ou poursuivie] fait l'objet dans un délai raisonnable ». Ce texte prévoit des délais d'achèvement des procédures relatif aux phases d'enquête, d'instruction et de jugement. Mais cette exigence pose deux questions délicates. La première est celle de savoir ce qu'il convient d'entendre par « caractère raisonnable du délai ». La CEDH utilise trois critères : la complexité de l'affaire (nombre de personnes impliquées, difficultés de preuve, dimension nationale ou internationale, enjeu du litige pour la vie personnelle et professionnelle du requérant) ; le comportement du requérant (changement d'avocat, communication tardive des pièces nécessaires au jugement, usage abusif des voies de recours...) ; le comportement des autorités compétentes. Quant au point de départ de ce délai, il correspond au jour de la notification officielle des soupçons émanant de l'autorité compétente. La seconde question délicate est celle de la sanction du défaut de respect de la règle, puisque la durée excessive d'une procédure ne peut entraîner sa nullité (Cass. crim., 24 oct. 1989, Bull. n° 378. – Cass. crim., 24 avr. 2013, Bull. n° 100). Lorsque la méconnaissance du droit à un délai raisonnable a causé un préjudice aux parties, celles-ci peuvent obtenir réparation du préjudice résultant du fonctionnement défectueux du service public de la justice. C – Exigence d’équité de la procédure pénale Égalité des armes. La garantie d'équité apparaît expressément dans l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dans l'article 6 §. 1 de la Conv. EDH, et dans l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. L'équilibre des droits des parties dans la procédure pénale est essentiel, comme le souligne la formule de l'article préliminaire du code de procédure pénale : « La procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties ». L'expression « égalité des armes » ne figure pas dans la Conv. EDH, mais la CEDH en a fait une composante autonome du procès équitable. Ce principe n'impose pas des droits strictement identiques entre les parties, il doit donner à chacune d'elle une possibilité raisonnable de présenter sa cause, « y compris ses preuves dans des conditions qui ne la place pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire » (CEDH, 27 oct. 1993, Dombo Beheer BV c/ Pays-Bas). Le Conseil constitutionnel affirme quant à lui que le droit à un procès équitable, implique l'existence d'une « procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties » (Cons. const., n° 2010-612 DC, 5 août 2010. – Cons. const., n° 2011-112 QPC, 1er avr. 2011. – Cons. const., n° 2013-356 QPC, 29 nov. 2013). Cet équilibre des droits des parties s'impose jusqu'à l'exercice des voies de recours, qui doit être d’un égal accès (CEDH, 3 oct. 2006, Ben Naceur c/ France). L’égalité des armes implique également l’obligation pour les États de veiller à ce que tous les éléments du litige fassent l'objet d'un débat entre les parties. Autrement dit, l'égalité des armes a pour corollaire le respect du contradictoire. D – Exigence du respect des droits de la défense Contenu des droits de la défense. Le respect des droits de la défense est un principe fondamental reconnu par les lois de la République (Cons. const., des 19 et 20 janvier 1981). Il est également garanti par l'article 14 § 3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, par l'article 48 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et surtout par l'article 6 §. 3 de la Conv. EDH, qui dresse une liste, non exhaustive, des implications concrètes du principe. Sous l'influence de la jurisprudence européenne, les droits de la défense sont désormais plus importants dès lors que des soupçons pèsent sur une personne identifiée, quel que soit le moment de la procédure. Surtout, la directive 2012/13/UE relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales, transposée par la loi du 27 mai 2014, a considérablement augmenté les droits de la personne soupçonnée au stade de l'enquête. Aux termes des articles 61-l et 62 du code de procédure pénale, 5 COURS DE PROCÉDURE PÉNALE 2024-2025 le suspect bénéficie du respect des droits de la défense face aux enquêteurs, avec une gradation selon qu'il est entendu librement, sous contrainte ou gardé à vue. Effectivité des droits de la défense. Pour garantir l'effectivité de ces droits, l'article 803-6 du code de procédure pénale, inséré par la loi de 2014, prévoit que toute personne suspectée ou poursuivie soumise à une mesure privative de liberté se voit remettre, lors de la notification de cette mesure, un document énonçant, dans des termes simples et accessibles et dans une langue qu'elle comprend, les droits dont elle bénéficie au cours de la procédure. Selon l’article 6 § 3 de la Conv. EDH, le respect des droits de la défense impose d’informer le suspect de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui, du droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, du droit de se défendre soi-même ou avec l’assistance d’un avocat, étant entendu qu’en procédure pénale l’assistance obligatoire par avocat est consacré parfois (procédure de CRPC par exemple), le droit de convoquer ou de faire interroger des témoins, ou encore le droit à un interprète. Le droit de se taire et de ne pas s’auto-incriminer. Introduit par la loi du 4 mars 2002, puis supprimé par la loi du 18 mars 2003, l'article 63-1 du code de procédure pénale a finalement été rétabli par la loi du 14 avril 2011 relative à la garde à vue pour prévoir que toute personne placée en garde à vue a le droit « de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ». Avec la loi du 27 mai 2014, le droit de se taire a pris une place importante ; et ce, tout au long de la procédure, depuis l'enquête jusqu'à l'audience. Nous le verrons en détail dans les différentes parties du cours. E – Quels droits pour les victimes ? Partie civile au procès pénal. Par sa constitution de partie civile, la victime d'une infraction pénale acquiert le statut de partie à la procédure pénale. À ce titre, des droits lui sont garantis. Parmi ces droits, celui d'obtenir réparation doit être effectif. La loi du 1er juillet 2008 créant de nouveaux droits pour les victimes et améliorant l'exécution des peines a inséré un nouveau titre du code de procédure pénale, consacré à « l'aide au recouvrement des dommages et intérêts pour les victimes d'infractions pénales ». Mais ce droit à réparation n'apparaît plus aujourd'hui consubstantiel au statut de partie civile. Du fait de sa double nature indemnitaire et répressive, l'action civile peut être exercée dans le seul but de participer à la manifestation de la vérité, et donc à l’établissement de la culpabilité de l’auteur, sans demande de dommages et intérêts. Depuis l'arrêt Laurent- Atthalin (Cass. crim., 8 déc. 1906, Bull. n° 443), les évolutions jurisprudentielles et législatives vont dans le sens d'une place croissante de la partie civile dans le déroulement du procès pénal. La garantie des droits de la défense est alors essentielle pour la partie civile, qui revendique un statut similaire à celui du mis en examen, du prévenu ou de l'accusé. Section 2 : Les règles encadrant la preuve dans le procès pénal La question des garanties et procédés de preuve innerve tous les stades de la procédure pénale, depuis l'ouverture de l'enquête jusqu'à la déclaration de culpabilité. Mais le rôle de la preuve est croissant lors des différentes phases de la procédure pénale. De simples soupçons peuvent justifier un placement en garde à vue au stade de l'enquête. Des indices graves ou concordants vont permettre une mise en examen par le juge d'instruction. Des charges suffisantes vont motiver le renvoi devant la juridiction de jugement. Enfin, lors de la décision sur la culpabilité, la preuve doit être apportée au-delà de tout doute raisonnable. Au final, la preuve revêt une importance particulière dans le procès pénal, puisqu'il s'agit de se prononcer sur la culpabilité d'une personne dont l'honneur et la liberté sont en cause. Or, la réglementation de la preuve ne semble pas être une priorité du code de procédure pénale, où le seul l'article 427 consacre le principe de liberté : « Hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d'après son intime conviction ». Ce texte, de portée générale bien qu’inséré dans la partie du Code relative au tribunal 6 COURS DE PROCÉDURE PÉNALE 2024-2025 correctionnel, permet aux juridictions pénales de se fonder sur les procédés de preuve les plus divers. Apportée par la partie poursuivante, qui a la charge de la preuve, l'appréciation de la preuve reste dominée par le principe de l'intime conviction. §. 1 – La charge de la preuve La question de la charge de la preuve est dominée des principes (A) qui peuvent toutefois être renversés (B). A – Les principes relatifs à la charge de la preuve La preuve incombe à la partie poursuivante. En vertu de l’article 9 de la DDHC, toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente jusqu'à la reconnaissance définitive de sa culpabilité. Si la présomption d'innocence interdit de présenter le suspect comme coupable avant toute condamnation, elle implique également que la preuve incombe à la partie poursuivante, c’est-à-dire au parquet. Ce dernier doit prouver l'existence matérielle de l'infraction, ainsi que la participation de la personne poursuivie aux faits désignés par la loi pénale. En cas d'échec, le doute profite à la personne poursuivie. La règle « in dubio pro reo » doit conduire à la relaxe ou à l'acquittement. Le suspect doit prouver ses moyens de défense. La personne poursuivie doit quant à elle faire la preuve de ses moyens de défense, tels que les faits justificatifs ou les causes subjectives d'irresponsabilité pénale. Mais la répartition de la charge de la preuve n'est pas aussi tranchée. Il faut se souvenir que le juge d'instruction doit instruire à charge et à décharge (C. proc. pén., art. 81). Depuis la loi du 3 juin 2016, l'article 39-3 du code de procédure pénale prévoit également que le procureur de la République veille, dans le cadre de ses attributions de direction de la police judiciaire, à ce que les investigations tendent à la manifestation de la vérité et qu'elles soient accomplies à charge et à décharge. B – Le renversement de la charge de la preuve Présomption de culpabilité. La charge de la preuve est parfois renversée par le biais de présomptions de culpabilité. Ces présomptions ne sont pas contraires à la Conv. EDH dès lors que la preuve contraire est possible et qu'il n'en résulte pas une atteinte disproportionnée à la présomption (CEDH, 7 oct. 1998, Salabiaku c/ France. – CEDH, 30 mars 2004. Radio France c/ France). Le Conseil constitutionnel valide également de telles présomptions à condition toutefois qu'elles ne soient pas irréfragables, que le respect des droits de la défense soit assuré et qu'elles reposent sur une vraisemblance raisonnable induite des faits (Cons. const., n° 2009-580 DC, 16 juin 1999. – Cons. const., n° 2011-625 DC, 10 mars 2011). Or, il ne s'agit pas ici de simples présomptions « de fait », qui sont parfois utilisées par les enquêteurs, puis par les magistrats du parquet ou de l'instruction, à partir d'indices recueillis lors des constatations policières, afin de contourner une difficulté, voire une impossibilité, de preuve (Cass. crim., 22 mai 1989, n° 89-91397). Ce que valident les juridictions suprêmes, ce sont des présomptions « de droit » ou légales, créées par la loi afin de faciliter la preuve de la culpabilité. Par exemple, l'article L. 121-2 du Code de la route fait peser sur le titulaire de la carte grise véhicule une présomption de responsabilité pécuniaire pour les contraventions à la règlementation sur le stationnement et au péage. Quant à l'article L. 121-3 du même Code, il prévoit que le titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule est redevable pécuniairement de l'amende encourue pour certaines contraventions, à moins qu'il n'établisse l'existence d'un vol ou de tout autre événement de force majeure ou qu'il n'apporte tous éléments permettant d'établir qu'il n'est pas l'auteur véritable de l'infraction. Certes, le Code de la route semble limiter ces présomptions à des conséquences purement pécuniaires, mais elles s'analysent plutôt comme de véritables présomptions de culpabilité puisque le titulaire de la carte grise ne peut s'exonérer qu'en apportant la preuve qu’il n'est pas l'auteur véritable de l'infraction. D'autres présomptions légales portent sur l'existence d'un élément constitutif de l’infraction. À titre d'illustration, s'agissant de l'élément matériel de l'infraction, l'article 225- 6 du Code pénal présume proxénète celui qui ne peut justifier de ressources correspondant à son train de vie, tout en vivant avec une personne se livrant habituellement à la prostitution. Il en va de même à l'article 225-12-8 7 COURS DE PROCÉDURE PÉNALE 2024-2025 du Code pénal qui réprime, au titre de la vente à la sauvette, le fait de ne pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie tout en étant en relations habituelles avec une ou plusieurs personnes qui se livrent à ce type d'infraction. §. 2 – Les pouvoirs du juge Si les pouvoirs du juge sur la preuve restent dominés par le principe de l'intime conviction, on peut toutefois y observer quelques limites. Ainsi la protection de la personne est une préoccupation constante, qu'il s'agisse de la recherche des preuves (A) ou de l'appréciation de celles-ci (B). A – Les pouvoirs du juge dans la recherche de la preuve L'empreinte du système inquisitoire. Contrairement au juge civil, le juge pénal joue un rôle actif dans la recherche de la preuve, en utilisant tous les moyens d'investigation que la loi met à sa disposition. Ce pouvoir appartient autant aux juridictions d’instruction (C. proc. pén., art. 81 à 201) comme aux juridictions de jugement (C. proc. pén., art. 283, 310, 434, 456 et 463). Limites aux pouvoirs du juge. Une limite importante à ce pouvoir d'investigation se trouve toutefois dans la reconnaissance pour toute personne faisant l'objet d'une accusation en matière pénale du droit de se taire et de ne pas s’auto-incriminer : « en mettant le prévenu à l'abri d'une coercition abusive de la part des autorités, ces immunités concourent à éviter des erreurs judiciaires et à garantir le résultat voulu par l'article 6 » (CEDH, 8 févr. 1996, John Murray cl Royaume-Uni). Le droit de se taire s'exprime par le droit de garder le silence, mais aussi par celui de ne pas produire de document contre soi-même. Ainsi, et selon la CEDH, l'administration ne peut pas contraindre la personne à produire des documents contribuant à sa propre accusation (CEDH, 25 févr. 1993, Funke c/ France). Plus généralement, l'administration de la preuve doit être compatible avec le respect des droits de la défense. Ainsi est-il impossible de faire état des correspondances écrites ou électroniques entre un avocat et son client (Cass. crim., 27 juin 2001, Bull. n° 163). Le pouvoir du juge dans la recherche des preuves se trouve également limité par les devoirs que les jurisprudences du Conseil constitutionnel et de la CEDH imposent aux autorités chargées des investigations. Ces devoirs constituent l'expression d'une certaine éthique, mais ils garantissent surtout le respect du suspect, du prévenu ou de l'accusé, lorsque celui-ci se trouve au centre du débat probatoire. Le respect de la dignité de la personne humaine constitue l'une de ces garanties. Ainsi, des aveux obtenus par violence, torture ou traitements inhumains et dégradants, ne peuvent fonder une décision de culpabilité (CEDH, 27 nov. 1992, Tomasi c/ France). Toutefois, il n'est pas interdit de recourir à des prélèvements corporels coercitifs. Les personnes suspectées d'avoir commis une infraction sexuelle sont ainsi contraintes de se soumettre à un dépistage des maladies sexuellement transmissibles, sous peine de sanction pénale (C. proc. pén., art. 706-47-2). De même, le prélèvement de tissus corporels destiné à permettre l'analyse d'identification de l'empreinte génétique peut être imposé dans le cadre des poursuites de certaines infractions (C. proc. pén., art. 706-56). Le respect de l'intimité de la vie privée est également une garantie que les autorités doivent respecter. Dans un arrêt du 24 avril 2007, la chambre criminelle a refusé l'admission d'une preuve résultant d'un dossier médical couvert par le secret professionnel (Cass. crim., 24 avr. 2007, Bull. n° 108). Selon la CEDH, des ingérences par les autorités publiques dans la vie privée sont possibles dans certains domaines, notamment dans ceux de la défense de l'ordre et de la prévention des infractions, mais cette possibilité ne peut jouer qu'à condition d'être nécessaire et proportionnée (CEDH, 6 mai 1988, Kruslin c/ France). Soumission au principe de loyauté. Les pouvoirs des autorités judiciaires sont limités par l'interdiction de recourir à des procédés déloyaux. Le principe de loyauté s’est d'abord appliqué au juge d'instruction agissant dans le cadre de l'instruction préparatoire (Cass. Ch. réunies, 31 janv. 1888, aff Wilson). Puis l'exigence de loyauté dans la recherche de la preuve a été étendue aux policiers agissant sur commission rogatoire (Cass. crim., 12 juin 1952, aff. Imbert). Enfin, la Cour de cassation a clairement affirmé que l'exigence de loyauté dans la 8 COURS DE PROCÉDURE PÉNALE 2024-2025 recherche de la preuve trouve à s'appliquer aux fonctionnaires agissant dans le cadre de l'enquête de police (Cass. crim., 27 févr. 1996, aff. Schuller). À toutes les étapes de la procédure, il importe donc que la recherche des preuves soit conduite selon des procédés « conformes au respect des droits de l'individu à la dignité de la justice » (Cass. crim., 7 janv. 2014, n° 13-85.246). En raison des droits de la défense, ni la partie poursuivie, ni même la partie civile ne sont soumises à l'exigence de loyauté. Ainsi, la personne poursuivie peut vaquer une preuve qu'elle a obtenue de manière déloyale (Cass. crim., 30 mars 1999, n° 97-83.464) et la partie civile produire une preuve issue d'une infraction qu'elle a commise pour les nécessités de sa défense (Cass. crim., 31 janv. 2007, n° 06-82.383). Mais il n’en est pas de même lorsque des policiers participent indirectement à un enregistrement réalisé par le plaignant (Cass. ass. plén., 10 nov. 2017, n° 17-82.028, aff. du Roi du Maroc). Il importe également de tenir compte des procédés utilisés dans obtention de la preuve. En effet, la preuve n'est pas déloyale lorsque les agents publics se sont contentés passivement de la recueillir ou lorsque des éléments de preuve leur ont été remis par des personnes privées même si les conditions de recueil de ces éléments sont incertaines (Cass. crim, 1er déc. 2020, n° 20-82.078). Elle peut l'être en revanche si son obtention a été provoquée. Ainsi la question des provocations policières n'est pas sans poser des difficultés en pratique. Provocation à la preuve et provocation à l’infraction. La jurisprudence distingue ici entre la provocation à la preuve de l'infraction et la provocation à la commission de l'infraction. Récemment, l'Assemblée plénière de la Cour de cassation a précisé que « le stratagème employé par un agent de l'autorité publique pour la constatation d'une infraction ou l'identification de ses auteurs ne constitue pas en soi une atteinte au principe de loyauté de la preuve » (Cass. ass. plén., 9 déc. 2019, n° 18-86.767). Seule la provocation à la preuve est donc conforme au principe de loyauté. Autrement dit, pour être licite, le procédé doit seulement servir à faire apparaître la preuve d'une infraction qui se serait de toute façon commise. En pratique, la distinction est délicate à mettre en œuvre. En effet, cette distinction, d'abord dégagée en jurisprudence, puis consacrée dans les textes relatifs aux moyens d'investigation utilisables pour la recherche et le constat des infractions relevant de la délinquance et criminalité organisées (C. proc. pén., art. 706-32, 706-43-1, 706-81), pose la question de ses critères. Plus abondante en matière de trafic de stupéfiants, la jurisprudence se réfère au caractère « déterminant » de l'action policière pour vérifier si la liberté de décision du suspect a été - ou non – annihilée (Cass. crim., 16 mars 1972, Bull. n° 108). Le critère est donc celui de l'atteinte au libre arbitre, la déloyauté apparaissant en cas d'atteinte. Mais dans ces conditions, la préexistence d'une activité délictueuse peut être déterminante dans l'appréciation du critère. Lorsqu'elle est relative à une infraction unique, la provocation policière est souvent admise. En revanche, lorsque l'infraction s'inscrit dans la lignée d'agissements délictueux préexistants, la provocation est considérée comme révélant une situation qu'elle n'a pas engendrée. Principe de loyauté et détournement de procédure. Le principe de la loyauté de la preuve a permis à la chambre criminelle d'invalider la preuve obtenue grâce à la sonorisation d'un local de garde à vue, pourtant réalisée conformément aux prescriptions légales. Dans un arrêt du 7 janvier 2014, la haute juridiction décide, au visa de l'article 6 de la Conv. EDH, de l'article préliminaire du code de procédure pénale, du principe de loyauté des preuves et du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination, que le procédé consistant à placer deux suspects dans des cellules contiguës et préalablement sonorisées, afin d'enregistrer à leur insu les propos qu'ils pourraient échanger, doit être annulé quand bien même la garde à vue et le dispositif de sonorisation auraient été mis en œuvre dans le respect des règles du code de procédure pénale (Cass. crim., 7 janv. 2014, Bull. n° 1). La solution est confirmée par l'Assemblée plénière dans un arrêt du 6 mars 2015, la cour d'appel de renvoi ayant refusé de se plier à la solution de la chambre criminelle du 7 janvier 2014 (Cass. ass. plén., 6 mars 2015, n° 14- 84.339). La question s'est alors posée de savoir si la même solution vaut également pour la sonorisation d'une cellule de détention provisoire. Or, pour la chambre criminelle, la situation n'est pas identique. Dans le cadre d'une garde à vue, deux actes d'investigation sont conjugués et la sonorisation contribue à faire échec aux droits reconnus au suspect dans le cadre de la garde à vue (droit de se taire et de ne pas s’auto-incriminer). Or, dans 9 COURS DE PROCÉDURE PÉNALE 2024-2025 le cadre de la détention provisoire, il ne s'agit pas de la conjugaison de deux actes d'investigation, la détention provisoire étant une mesure de sûreté. Aucun stratagème n'est donc mis en œuvre par l'autorité publique pour recueillir la preuve (Cass. crim., 17 mars 2015, Bull. n° 54. – Cass. crim., 14 avr. 2015, Bull. n° 83 et 87). Enfin, est proscrit le stratagème qui, par un contournement ou un détournement d'une règle de procédure, a pour objet ou pour effet de vicier la recherche de la preuve en portant atteinte à l'un des droits essentiels ou à l'une des garanties fondamentales de la personne suspectée ou poursuivie (Cass. ass. plén., 9 déc. 2019, n° 18-86.767). B – Les pouvoirs du juge dans l’appréciation de la preuve L’intime conviction du juge. Si dans un système de preuve légale, le juge n'a aucun pouvoir d'appréciation, tel n'est pas le cas en France où le code de procédure pénale consacre à l'article 427 le principe de l'intime conviction. Cette règle livre à l'appréciation du juge la force probante de chaque élément apporté, et contradictoirement discuté devant lui. La preuve est alors appréciée souverainement par les juridictions du fond (Cass. crim., 28 juin 1995, Bull. n° 242) qui peuvent admettre tous les modes de preuve. Cette appréciation souveraine ne signifie pas pour autant l'arbitraire. Bien que libre, le juge a toutefois l'obligation de motiver sa décision : l'absence, l'insuffisance ou la contradiction de motif est un cas de nullité de sa décision, sous le contrôle de la Cour de cassation. Corollaire de l'intime conviction, la motivation est aussi un principe directeur du procès pénal. Le principe de liberté de l'appréciation de la preuve est à ce point prégnant que la prévision par la loi d'un mode de preuve n'interdit pas au juge de s’en détourner pour en privilégier un autre. Par exemple, bien que le Code de la route prescrive, pour établir l'infraction de conduite d'un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique, un dépistage, puis une vérification médicale de l'alcoolémie d'un conducteur de véhicule (C. route, art. L. 234-3 et L. 234-4), les juridictions de jugement peuvent aussi recourir « à tout autre moyen de preuve pour déterminer d'après leur intime conviction si le prévenu s'est rendu coupable du délit » (Cass. crim., 24 janv. 1973, Bull. n° 33. – V. égal. : Cass. crim., 15 févr. 2012, Bull. n° 48). Moyens de preuve ne pouvant justifier à eux seuls une décision de condamnation. L'article préliminaire du code de procédure pénale prévoit qu’« en matière criminelle et correctionnelle, aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le seul fondement de déclarations qu'elle a faites sans avoir pu s'entre tenir avec un avocat et être assistée par lui ». De même, un juge ne peut entrer en voie de condamnation sur la base des seules déclarations d'un témoin anonyme (C. proc. pén., art. 706-62) ou d'un repenti ayant bénéficié d'un régime d'exemption ou de réduction de peine (C. proc. pén., art. 132-78). Les modes de preuve s’imposant au juge. En effet, et de façon exceptionnelle, les procès- verbaux et rapports de police ne valent pas seulement qu'à titre de simple renseignement, pour faire foi jusqu'à preuve contraire. Tel est notamment le cas des procès-verbaux qui constatent les infractions en matière de droit du travail, de chasse ou encore de contributions indirectes. L'article 431 du code de procédure pénale prévoit que, dans ces hypothèses, la preuve contraire ne peut être rapportée que par écrit ou par témoins, mais jamais par simple dénégation. En matière contraventionnelle, l'article 537 du code de procédure pénale prévoit que sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, les procès-verbaux ou rapports établis par les officiers et agents de police judiciaire font foi jusqu'à preuve contraire. La preuve contraire ne peut être rapportée que par écrit ou par témoins (Cass. crim., 28 mars 2017, n° 16-83.659). Or, sur le fondement de cet article, la Cour de cassation estime que le prévenu ne peut être relaxé au bénéfice du doute (Cass. crim., 16 févr. 2005, Bull. n° 64. – Cass. crim., 9 nov. 2005, Bull. n° 288). La règle posée par l'article 537 est toutefois de nature à controverse. À cet égard, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a été saisie de nombreuses QPC. Chaque fois, elle a décidé de ne pas transmettre la question au Conseil constitutionnel en l'absence de caractère sérieux parce que d'une part « en présence des constatations d'un procès-verbal ou d'un rapport établi conformément à l'article 537 du code de procédure pénale, la présomption de culpabilité instituée par ce texte en matière de contravention ne revêt pas de caractère irréfragable; que le respect des droits de la défense est assuré devant la juridiction de 10 COURS DE PROCÉDURE PÉNALE 2024-2025 jugement et que se trouve ainsi assuré l'équilibre des droits des parties » (Cass. crim., 22 janv. 2013, n° 12-90.067 – Cass. crim., 4 mars 2014, n° 13-90.041. – Cass. crim., 29 nov. 2016, n° 16- 83.659), d'autre part, parce que « seuls font foi jusqu'à preuve contraire les procès-verbaux régulièrement établis, sous le contrôle de l'autorité judiciaire, et rapportant des faits que leur auteur a personnellement constatés, ce qui exclut tout risque d'arbitraire » (Cass. crim., 15 janv. 2014, Bull. n° 14). Enfin, il est aussi des matières dans lesquelles les procès-verbaux rédigés par les agents compétents qui constatent personnellement l’infraction valent jusqu'à inscription en faux, comme en matière douanière et forestière (C. proc. pén., art. 433). §. 3 – Les procédés de preuve La preuve a profondément évolué au cours de ces dernières décennies. Le règne de l’aveu (A), reine des preuves, issu de l'Ancien droit, est concurrencé par celui de la preuve scientifique. Le code de procédure pénale prévoit aujourd'hui de nombreux procédés de preuve, dont le régime varie selon qu'il s'agisse d'une enquête ou d'une instruction et selon qu’il s'agisse d'infractions de droit commun ou d'infractions spécifiques. Il en est ainsi du témoignage (B), l’écrit (C), l’expertise (D) ou encore les présomptions et indices (E). A – L’aveu L’aveu est extrajudiciaire ou judiciaire. Il peut être recueilli pendant la phase d'enquête, d'instruction ou de jugement. On trouve aujourd'hui quelques défiances à l'égard de l'aveu (au point que l'article préliminaire du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 14 avril 2011 relative à la garde à vue, précise qu’« en matière correctionnelle et criminelle aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le seul fondement de déclarations qu'elle faites sans avoir pu s'entretenir avec un avocat et être assisté par lui ». Encore faut-il distinguer l'aveu extrajudiciaire et l'aveu judiciaire. L’aveu extrajudiciaire est fait en dehors de la présence d'un juge ou d'un OPJ constitue un indice (par ex : reconnaissance de la culpabilité dans une lettre adressée à la victime). L'aveu judiciaire - le seul dont il est question dans l'article préliminaire - se définit comme la reconnaissance, devant la police ou l'autorité judiciaire, par une personne soupçonnée ou poursuivie, de l'exactitude de tout ou partie des faits qui lui sont reprochés, au détour d'un acte d'enquête ou d'instruction comme des écoutes téléphoniques, et le plus souvent dans le cadre d'un interrogatoire. L’interrogatoire aux fins d'aveu. Il peut être décidé par le policier ou le juge d'instruction, à tout moment, et peut être répété aussi souvent que nécessaire. Mais il doit être mené par des procédés loyaux, de sorte que sont à proscrire les actes de torture ou de violence, les procédés scientifiques portant atteinte à la dignité, ainsi que l'utilisation des ruses et stratagèmes. Ainsi, l'aveu obtenu grâce à un sérum de vérité est exclu. Il en est de même de l'aveu obtenu sous hypnose (Cass. crim., 12 déc. 2000, n° 00-83.852). B – Le témoignage Définition. Le témoignage est la déclaration d'une personne qui est étrangère à l'infraction qui peut se faire au stade de l'enquête, de l'instruction ou du jugement. Cette personne doit remplir un certain nombre de conditions : elle ne doit pas être incapable de témoigner. Elle est notamment frappée d'une telle incapacité lorsqu'elle est âgée de moins de 16 ans ou lorsqu'elle présente un lien de parenté ou d'alliance avec le prévenu (C. proc. pén., art. 335, 448, 536). Le témoin ne doit pas être indigne de témoigner (Par ex., ne pas avoir subi certaines condamnations. Cependant, ces personnes peuvent être entendues à titre de simple renseignement : C. pén., art. 131-26, 4°), ni non plus se trouver dans un cas d’incompatibilité (Par ex. : un accusé ne peut pas témoigner à l'égard d'un coaccusé : C. proc. pén., art. 335, 8°). Il doit avoir une connaissance directe du fait à prouver. Toutefois, un historien peut témoigner sur des faits historiques dont il n'a pas eu personnellement connaissance (Cass. ass. plén., 11 juin 2004, Bull. Ass. plén. n° 1). 11 COURS DE PROCÉDURE PÉNALE 2024-2025 Obligations du témoin. Si le témoin a toujours l’obligation de comparaître, il n’est pas toujours tenu de déposer, ni de prêter serment. Ainsi, les obligations qui s'imposent au témoin sont différentes aux stades de l'enquête, de l'instruction et du jugement. Au stade de l'enquête, la personne convoquée pour témoigner est tenue de comparaître. L'OPJ peut contraindre à comparaître par la force publique, avec l'autorisation préalable du procureur de la République, la personne qui n'a pas répondu à la convocation ou dont on peut craindre qu'elle n'y réponde pas (C. proc. pén., art. 78). Mais le témoin ne prête pas serment. Au stade de l'instruction, le juge peut faire citer devant lui toutes les personnes dont la déposition lui paraît utile (C. proc. pén., art. 101). Aux termes de l'article 109 du code de procédure pénale, toute personne citée pour être entendue comme témoin devant le juge d'instruction est tenue de comparaître, de prêter serment et de déposer. À défaut, le juge d'instruction peut, sur les réquisitions du procureur de la République, l'y contraindre par la force publique. Dans tous les cas, les témoins prêtent serment de dire toute la vérité, rien que la vérité (C. proc. pén., art. 103). On retrouve les mêmes obligations devant la juridiction de jugement. Il existe toutefois des dispenses de comparution pour certaines personnes (ex: membres du gouvernement), et l'obligation de prêter serment. Enfin, le témoin a l'obligation de déposer, c'est-à-dire de s'exprimer spontanément ou de répondre aux questions qui lui sont posées à l'audience, sous réserve de la protection du secret professionnel. Le fait de ne pas comparaître, de ne pas prêter serment ou de ne pas déposer, sans excuse ni justification, devant la juridiction d'instruction ou de jugement par une personne qui y a été citée comme témoin est puni de 3750 euros d'amende (C. proc. pén., art. 434-15-1 ; art. 326, 438, 536). Protection des témoins. Du fait du danger que peut engendrer le témoignage pour la sécurité du témoin lui- même ou de ses proches, des mesures de protection peuvent être mises en place. Outre la possibi­lité de déclarer comme domicile l'adresse du commissariat ou de la brigade de gendarmerie (C. proc. pén., art. 706- 57). Le code de procédure pénale prévoit que le JLD, saisi par requête motivée du procureur de la République ou du juge d'instruction. Puisse, par décision motivée, autoriser l'anonymat d'un témoin dans le dossier de la procédure. Mais les conditions de cet anonymat sont strictes. La procédure doit porter sur un crime ou sur un délit puni d'au moins trois ans d'emprisonnement et l'audition du témoin doit comporter un danger grave pour sa vie ou son intégrité physique, ou pour celles des membres de sa famille ou de ses proches (C. proc. pén., art. 706-58). Des garanties liées aux exigences du principe du contradictoire sont également imposées. Ainsi, l'anonymat est impossible si, au regard des circonstances dans lesquelles l'infraction a été commise ou de la personnalité du témoin, la connaissance de l'identité de la personne est indispensable à l'exercice des droits de la défense. La personne mise en examen peut, dans les dix jours à compter de la date à laquelle il lui a été donné connaissance du contenu d'une audition réalisée dans les conditions de l'anonymat contester le recours à cette procédure (C. proc. pén., art. 706-60). La personne mise en examen ou renvoyée devant la juridiction de jugement peut demander à être confrontée avec un témoin sous X par l'intermédiaire d'un dispositif technique permettant l'audition à distance ou à faire interroger ce témoin par son avocat par ce même moyen. La voix du témoin est alors rendue non identifiable par des procédés techniques appropriés (C. proc. pén., art. 706-61). La révélation de l'identité ou de l'adresse d'un témoin sous X ou sous adresse déclarée est punie de cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende (C. proc. pén., art. 706-60). Pour aller plus loin encore dans la protection des témoins, la loi du 3 juin 2016 permet au témoin, dans une procédure relative à la criminalité organisée, de bénéficier d'une identité d'emprunt pour lui-même, pour sa famille et pour ses proches. C – L’écrit Un mode de preuve peu courant. La preuve par écrit n’est pas fréquente en procédure pénale, même si la preuve de certains délits peut nécessiter la production d'un écrit, comme la preuve d'un contrat dans le délit d'abus de confiance. Les lettres missives peuvent également servir de preuve. Ainsi le juge peut procéder à des saisies de correspondance, sous réserve du respect du secret professionnel de l'avocat La preuve par procès- 12 COURS DE PROCÉDURE PÉNALE 2024-2025 verbaux est fréquemment utilisée. Tous les procès-verbaux n'ont pas la même force probante. Certains font foi jusqu'à preuve contraire, ou jusqu'à inscription de faux. D – L’expertise La reine des preuves. L'expertise est souvent présentée comme la nouvelle reine des preuves, venant ainsi concurrencer l'aveu. Il s’agit en effet d'utiliser les connaissances techniques d'un spécialiste qui propose son interprétation sur une question technique pour aider à la solution du procès pénal. Les expertises se multiplient dans des domaines variés : la psychologie, la toxicologie, la balistique, la génétique... Si le juge n'est jamais lié par les conclusions de l'expert, en raison du principe de l'intime conviction, il lui est toutefois quasiment impossible de se positionner sans tenir compte des résultats de l’expertise, sauf à ce que ceux-ci soient douteux. En outre, si les opérations d'expertise n'ont pas à être contradictoires (ex : si l'expert entend une personne, il n'a pas à le faire en présence du prévenu ou de son avocat), les conclusions de l'expert doivent être discutées contradictoirement. Au stade de l'instruction, les parties peuvent demander au juge d'instruction de modifier ou de compléter les questions posées à l'expert ou d'adjoindre à l'expert ou aux experts déjà désignés un expert de leur choix figurant sur la liste nationale dressée par la Cour de cassation ou sur une des listes dressées par les cours d'appel. E – Les présomptions et indices Les fichiers de police. Il s'agit de tous les faits dont on peut déduire l'existence ou l'absence de l'infraction, ainsi que la culpabilité ou l'innocence de la personne poursuivie. À cet égard, les fichiers de police et logiciels de rapprochement occupent une place grandissante. Les fichiers d'investigation sont nombreux : « fichier des antécédents judiciaires » ; « fichiers d'analyse sérielle » ; « fichier des personnes recherchées », etc. Placés sous le contrôle de l'autorité judiciaire, ils sont communs à la police et à la gendarmerie. Mais le recours aux fichiers d'identification biométrique est plus controversé. Les plus connus sont le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) et le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG). Depuis la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, ce fichier, placé sous le contrôle d'un magistrat, est destiné à centraliser les empreintes génétiques issues des traces biologiques ainsi que les empreintes génétiques des personnes déclarées coupables des infractions visées à l'article 706-55 du code de procédure pénale. Sont également conservées dans les mêmes conditions les empreintes génétiques des personnes poursuivies pour ces mêmes infractions lorsqu'elles ont fait l'objet d'une décision d'irresponsabilité pénale ou lorsqu'il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient commis l'une de ces infractions. Les OPJ peuvent aussi, d'office ou à la demande du PR ou du JI, faire procéder à un rapprochement de l'empreinte de toute personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis l'une des infractions concernées avec les données incluses au fichier, sans toutefois que cette empreinte puisse y être conservée. Enfin, le même fichier contient les empreintes génétiques recueillies à l'occasion des procédures de recherche des causes de la mort ou de recherche des causes d'une disparition ou encore des recherches aux fins d'identification de personnes décédées dont l'identité n’a pu être établie. Enfin, il existe des logiciels de rapprochement facilitant le rapprochement d'information sur les modes opératoires et donc les investigations. Le Conseil constitutionnel a validé es pratiques avec réserves (Cons. const., n° 2011-625 DC, 10 mars 2011). Garanties de protection. Pour la CEDH, si de tels fichiers peuvent viser un but légitime, ils doivent répondre à l'exigence de proportionnalité, comporter des garanties appropriées, et distinguer, dans le traitement des données, les personnes condamnées de celles n'ayant été reconnues coupables d'aucune infraction, afin d'éviter tout risque de stigmatisation (CEDH, 18 avr. 2013, MK cl France). Droit à l’oubli numérique. La loi n° 2018-493 du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles 13 COURS DE PROCÉDURE PÉNALE 2024-2025 a transposé plusieurs textes européens relatifs à la protection des données personnelles. Cette loi consacre des droits à l'information concernant les données et un accès direct à celles-ci, mais également un droit à la rectification et à la suppression des mentions. Cependant, ce texte prévoit d'importantes restrictions à l'ensemble de ces droits. La protection de la sécurité publique ou nationale ou bien encore celle de la protection des droits et libertés d'autrui peuvent bien sûr être opposés au demandeur. Mais surtout, le texte prévoit une possibilité pour le responsable du traitement de retarder la réponse ou même ne pas répondre afin d'« éviter de gêner des enquêtes, des recherches ou des procédures administratives ou judiciaires » et « éviter de nuire à la prévention ou à la détection d'infractions pénales, aux enquêtes ou aux poursuites en la matière ou à l'exécution de sanctions pénales ». Dans la mesure où les fichiers de police ont précisément pour objectif de faciliter les enquêtes et prévenir les infractions, il y a fort à parier que le droit à l'oubli numérique sera ici de faible intensité. 14 COURS DE PROCÉDURE PÉNALE 2024-2025 La découverte des infractions pénales Les infractions pénales peuvent être découvertes à l’occasion de contrôles, vérifications ou relevés d’identité (Section 1) que l’on qualifie en pratique d’« actes de pré-enquête », ou à l’occasion d’enquêtes diligentées suite à des dénonciations ou plaintes, mais également à des constatations réalisées directement par les services enquêteurs (Section 2). Section 1 : Les contrôles, vérifications et relevés d’identité Il convient de distinguer ici les contrôles (§.1), des vérifications et relevés d’identité (§.2), en raison de leur différence de régime. §. 1 – Les contrôles d’identité Si l’on fait référence aux contrôles d’identité, et non au contrôle d’identité, c’est qu’il existe différents types de contrôles d’identité obéissant à un régime juridique propre (A). Les contrôles d’identité, contrairement aux vérifications ou relevés d’identité, offrent aux enquêteurs la possibilité de se livrer des recherches intrusives en procédant à des fouilles de bagages ou de véhicules dont le régime juridique doit être étudié (B). A – Les différents types de contrôles d’identité Cadre général. Depuis la loi du 2 février 1981, dite loi « sécurité liberté », les contrôles et vérifications d'identité sont encadrés légalement, mais ce cadre légal a été plusieurs fois remodelé. D'après l'article 78-1 du code de procédure pénale, toute personne se trouvant sur le territoire national doit accepter de se soumettre à un contrôle d'identité effectué dans les conditions et par les autorités de police autorisées. Les contrôles peuvent donc entrer dans le cadre d’une opération de police administrative (logique de prévention) ou de police judiciaire (logique de répression). Le pouvoir de contrôler l'identité est conféré à tous les policiers et gendarmes, quels que soient leurs grades. Ainsi, même un APJ, sous la responsabilité et sous les ordres d'un OPJ, peut effectuer ce type de contrôle. Les policiers municipaux ne disposent que de la possibilité de « relever » l'identité d'une personne, pour dresser les procès- verbaux concernant des contraventions, sans pouvoir exercer de coercition. Mais depuis la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique, les policiers municipaux peuvent aussi, sur l'ordre d'un OPJ, retenir le contrevenant pendant le temps nécessaire à arriver de ce dernier ou à celle d'un APJ agissant sous son contrôle (C. proc. pén., art. 78-6). Les contrôles administratifs. Ils sont étrangers à la recherche d'une infraction. Ils ne constituent donc pas des actes d'enquête. Ils sont tout de même aménagés par le code de procédure pénale. L'identité de toute personne, quel que soit son comportement, peut être contrôlée par les OPJ, pour prévenir une atteinte à l'ordre public, notamment à la sécurité des personnes et des biens (C. proc. pén., art. 78-2, al. 8). Le contrôle administratif n'est pas sans lien avec la commission d'une infraction, laquelle constitue une atteinte à l'ordre public. Par exemple, un tel contrôle est justifié lorsque, dans un quartier où de nombreux délits sont commis, une personne tente de faire demi- tour en accélérant le pas à la vue de policiers (Cass. crim., 23 mai 1995: Bull. crim. 1995, n° 187). Le danger du contrôle préventif pour les libertés individuels étant réel, le Conseil constitutionnel a instauré une obligation de motivation du contrôle (Cons. const., n° 93-323 DC, 5 août 1993) qui constitue l'instrument permettant d'encadrer le risque d'atteinte aux droits fondamentaux. Ainsi le contrôle d'identité d'un étranger dans une station de métro est irrégulier si les autorités chargées du contrôle ne précisent pas en quoi la sûreté 1 COURS DE PROCÉDURE PÉNALE 2024-2025 des personnes et des biens est immédiatement menacée au moment du contrôle (Cass. crim., 4 oct. 1984: Bull. crim. 1984, n° 287). Plus récemment il a été jugé que la référence abstraite au plan Vigipirate et à l'état d'urgence ne permet pas, à elle seule, de justifier le contrôle d'identité, en l'absence de circonstances particulières constitutives d'un risque d'atteinte à l'ordre public (Cass. civ. 1re, 13 sept. 2017, n° 16- 22.967). Les contrôles de police judiciaire. Trois types de contrôles doivent être distingués ici : d’une part, les contrôles diligentés à l’initiative de la police ; d’autre part, les contrôles sur réquisitions du PR ; enfin les contrôles d’identité introduit pour lutter contre certaines formes spécifiques de délinquance. À l’initiative de la police judiciaire. Les OPJ peuvent contrôler l'identité de toute personne apparaissant comme suspecte (C. proc. pén., art. 78-2, al. 1er). Ce type de contrôle peut être exercé également dans la conduite d'une enquête ou d'une instruction. La difficulté essentielle pour apprécier la régularité du contrôle réside dans l'existence des raisons plausibles de suspecter tel ou tel individu. À titre d’exemple, le contrôle de plusieurs individus déambulant le regard voilé, dans un état second susceptible de provenir, notamment, de l'utilisation de stupéfiants a été jugé licite (Cass. crim., 7 avr. 1993). De même, est justifié par des indices suffisants le contrôle d'une personne qui, à la nuit tombée, stationnait dans un parking en se rapprochant des véhicules pour voir à travers les vitres ce qu’ils contenaient ; ces indices laissant penser que l'individu se préparait à commettre un vol (Cass. crim., 13 janv. 1986 : Bull. crim. 1986, n° 19). Sur réquisitions du PR. Introduit par la loi du 10 août 1993, l'alinéa 7 de l'article 78-2, déclaré conforme à la constitution (Cons. const., n° 2016-606/607 QPC, 24 janv. 2017), indique que « sur réquisitions écrites du PR aux fins de recherche et de poursuites d'infractions qu'il précise, l'identité de toute personne peut […] être contrôlée […] dans les lieux et pour une période de temps déterminés par ce magistrat ». Directement inspiré des opérations “coup de poing“ réalisées en matière de circulation routière afin de vérifier le taux d'alcoolémie des conducteurs de véhicules automobiles (C. route, art. L. 234-9), le contrôle d'identité sur réquisitions du PR a été conçu pour répondre à une forte demande de sécurité dans des zones particulièrement sensibles, là où les autorités compétentes savent que des infractions sont commises régulièrement mais sans en avoir précisément identifié les auteurs. Les réquisitions doivent être écrites et préciser les infractions recherchées ; les lieux ; les périodes de temps pendant lesquels la police peut agir. Le caractère écrit des réquisitions permet, en cas de contestation sur la légalité des contrôles d'identité réalisés, de vérifier que leur champ d'application avait été précisément défini par le PR. Faisant office de caution judiciaire, le magistrat du parquet doit indiquer les infractions motivant l'opération qu'il requiert afin de délimiter l'action de la police, et s'appuie, pour les déterminer, sur les procédures qui lui sont communiquées par les services compétents ainsi que sur les cartes de criminalité dessinées à partir des rapports de police et de gendarmerie. Reconnaissant implicitement que certaines catégories d'infractions prospèrent dans des zones géographiques déterminées, l'article 78-2, alinéa 7, impose également à l'autorité requérante d'indiquer le lieu de l'opération de police. Sous réserve d'un accès dans des conditions légales, aucune restriction quant à la nature publique ou privée des lieux n'a été formulée, mais dans sa décision du 24 janvier 2017, les sages ont formulé une réserve d’interprétation en indiquant que cette disposition « ne saurait, sans méconnaître la liberté d’aller et de venir, autoriser le PR à retenir des lieux et des périodes sans lien avec la recherche des infractions visées dans ses réquisitions (Cons. const., n° 2016-606/607 QPC, 24 janv. 2017) ». Le choix du lieu doit donc s’expliquer au regard de la délinquance qui est susceptible d’y être observée et qui est précisément recherchée par le parquet. Contrôles généralisés par un cumul de réquisitions. Le PR doit mentionner la date ainsi que l'intervalle de temps sur lequel peuvent se dérouler les opérations de contrôle d'identité, la détermination de cette période devant être en lien avec les infractions recherchées. Afin d’éviter un contournement de la loi, le Conseil constitutionnel précise que l’article 78-2, alinéa 7, ne saurait « autoriser, en particulier par un cumul de réquisitions portant sur des lieux ou des périodes différents, la pratique de contrôles d’identité généralisés dans le temps ou dans l’espace ». Est donc illégal le contrôle généralisé en raison d’un cumul de réquisitions. Par exemple, le parquet ne peut faire succéder 2 COURS DE PROCÉDURE PÉNALE 2024-2025 trois réquisitions de contrôles d'identité de manière ininterrompue dans les mêmes lieux car cela conduit à un contrôle généralisé dans le temps et l'espace (Cass. civ. 1re, 14 mars 2018, n° 17-14.424). En même temps qu'il oblige le procureur à mentionner précisément les infractions motivant le contrôle d'identité, le législateur précise que « le fait que le contrôle d'identité révèle des infractions autres que celles visées dans les réquisitions du PR ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes », ce qui est conforme à la Constitution (Cons. const., n° 93-323 DC, 5 août 1993). Ainsi, la découverte de nouvelles infractions autorise les autorités policières à agir dans le cadre d'une enquête préliminaire ou de flagrance. Visant à lutter contre le terrorisme. Ils ont été introduits dans le code de procédure pénale par la loi du 15 novembre 2001, et complétés par la loi du 3 juin 2016 qui fait suite aux attentats commis sur le territoire français en 2015. Ce type de contrôle est décidé par le PR qui prend des réquisitions écrites devant indiquer les lieux et la période de temps durant laquelle ces contrôles vont avoir lieu, laquelle ne peut excéder vingt-quatre heures, renouvelables sur décision expresse et motivée selon la même procédure. La liste des infractions recherchées n’est pas visée par le PR, mais par le législateur au sein de l’article 78-2-2. Visant à lutter contre le travail dissimulé. Prévu à l'article 78-2-1, ce contrôle permet aux policiers de rechercher des infractions de travail dissimulé ou d'emploi d'un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France en se faisant présenter le registre unique du personnel et les documents attestant que les déclarations préalables à l'embauche ont été effectuées. Ils doivent ensuite contrôler l'identité des personnes travaillant dans le seul but de vérifier qu'elles figurent sur le registre ou qu'elles font l'objet des déclarations mentionnées précédemment, étant rappelé que, la seule présence sur les lieux ne permet pas de justifier l'exercice d'un contrôle fondé sur ce texte (Cass. civ. 1re, 6 janv. 2010, Bull. crim. n° 2). Prises pour une durée maximum d'un mois, les réquisitions du PR doivent être présentées à la personne disposant des lieux ou à celle qui la représente. Le défaut de présentation des réquisitions n'est toutefois pas sanctionné par une nullité (Cass. crim., 15 févr. 2005, trois arrêts, Bull. crim. n°57). Visant à lutter contre la toxicomanie. Afin de détecter l'usage de stupéfiants commis par des personnes « dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, ou par le personnel d'une entreprise de transport terrestre, maritime ou aérien, de marchandises ou de voyageurs exerçant des fonctions mettant en cause la sécurité du transport », l'article L. 3421-5 du code de la santé publique institue, sur le même modèle que l'article 78-2-1, au profit des policiers un nouveau pouvoir d'introduction dans des entreprises de transport afin de procéder, sur réquisition du PR, au contrôle d'identité des personnels de ces entreprises à seule fin « s'il existe à leur encontre une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elles ont fait usage de stupéfiants, à des épreuves de dépistage en vue d'établir la commission du délit recherché ». Surveillance aux frontières. Ces contrôles ont été créés pour pallier la disparition des barrières frontalières au sein de l'espace Schengen. L’article 78-2 du code de procédure pénale indique, d'une part, que le contrôle d'identité ne peut avoir lieu que pour la prévention et la recherche des infractions liées à la criminalité transfrontalière, d'autre part, que le contrôle ne peut être pratiqué que pour une durée n'excédant pas six heures consécutives dans un même lieu et ne peut consister en un contrôle systématique des personnes présentes ou circulant dans les zones transfrontalières. Ce contrôle d'identité se distingue du contrôle de police judiciaire en ce qu’il ne nécessite pas d'indices objectifs de commission d'une infraction. Ainsi, ce type de contrôle est régulier dès lors qu'il est opéré de manière « aléatoire et non systématique » (Cass. crim., 8 févr. 2017, n° 16-81.323). Est donc régulier un contrôle ciblé visant le quai précis d'une gare faisant suite à une information relative à l'arrivée de migrants clandestins (Cass. crim., 25 mai 2016, n° 15-50.063). Sanction du non-respect des procédures de contrôle d'identité. Dans l'hypothèse où les autorités publiques procèdent à un contrôle sans respecter les cadres définis par le code de procédure pénale, la principale sanction 3 COURS DE PROCÉDURE PÉNALE 2024-2025 consiste dans la possibilité d'annuler les actes relatifs aux contrôles et, le cas échéant, la procédure subséquente. Par ailleurs, si un contrôle d'identité s'avère discriminatoire, une action en responsabilité contre l'État pour faute lourde du service public de la justice peut être exercée devant les juridictions civiles B – Les fouilles Le régime juridique des fouilles de véhicules et de bagages ne figure pas dans les dispositions du code relatives à l'enquête. Il prend place dans un chapitre consacré aux contrôles, vérifications et relevés d'identité. Il faut ainsi comprendre que les fouilles sont, en pratique, intimement attachées à une opération de contrôle d'identité. Toutefois, les fouilles constituent parfois des actes d'enquête indépendants des contrôles d'identité, de sorte que le code leur préserve une certaine autonomie. On distingue deux types de fouilles : les fouilles de véhicules (a) et l'inspection visuelle et la fouille de bagage (b). a) Les fouilles de véhicules Les fouilles de véhicules (et de navires) sur réquisitions du parquet (C. proc. pén., art. 78-2-2). Ici la fouille accompagne un contrôle d'identité sur réquisitions du PR. Ces opérations ne peuvent être menées que pour certaines infractions dont la liste est établie (terrorisme, infraction en matière d'arme, trafic de stupéfiants, vol, recel). Sur réquisitions écrites du PR, les OPJ peuvent, dans des lieux et pour une période de temps déterminés (24 heures renouvelables une fois), procéder à des contrôles de véhicules circulant, arrêtés ou stationnant sur la voie publique ou dans des lieux accessibles au public. L'intérêt d'un tel contrôle est d'autoriser la fouille de tout véhicule, quelle que soit l'identité du conducteur. L'arrêt du véhicule ne doit pas dépasser le temps nécessaire à la fouille, opération qui doit être réalisée en présence du conducteur (ou à défaut d'un tiers). S'il s'agit d'un véhicule aménagé à usage d'habitation et effectivement utilisé comme résidence, la fouille ne peut avoir lieu que conformément aux règles relatives aux perquisitions. Le même article permet également la visite des navires présents en mer territoriale. Les fouilles de véhicules en situation de flagrance (C. proc. pén., art. 78-2-3). Les fouilles peuvent être réalisées à l'initiative de l'OPJ, lorsqu'il existe, à l'égard du conducteur ou d'un passager, des raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis un crime ou un délit flagrant. Les fouilles peuvent alors porter sur les véhicules circulant, arrêtés ou stationnant sur la voie publique ou dans des lieux accessibles au public. Durant l'enquête de flagrance, les fouilles de véhicules sont donc considérées comme des actes d'enquête ordinaires, qui peuvent être réalisés contre les personnes suspectées. Les véhicules ne peuvent être arrêtés que le temps de la visite, laquelle doit se dérouler en présence du conducteur. Si un véhicule arrêté n'a pas de conducteur, l'OPJ requiert une personne extérieure qui ne se trouve pas sous son autorité (un passant par exemple). En cas de risque grave pour les personnes ou les biens, l'OPJ peut se dispenser de la présence d'une personne extérieure (par exemple si l'OPJ soupçonne la présence d'explosifs dans le véhicule). Si le véhicule est spécialement aménagé à usage d'habitation (un camping-car), et qu'il est effectivement utilisé comme résidence, la fouille du véhicule n'est pas autorisée sous le régime qui vient d'être décrit. Elle doit obligatoirement suivre le régime des perquisitions. Les fouilles de véhicules à titre préventif (C. proc. pén., art. 78-2-4). Hors les cas de flagrance, les fouilles ne peuvent avoir lieu que pour prévenir une atteinte grave à la sécurité des personnes et des biens (contrôle d’identité administratif). L'OPJ peut procéder à ces opérations dans les véhicules qui circulent, sont arrêtés ou stationnent sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public, soit avec l'assentiment du conducteur du véhicule, soit sur instruction du PR communiquée par tous moyens. En cas de refus du conducteur, l'OPJ peut immobiliser le véhicule, dans l'attente des instructions données par le PR. Cette immobilisation ne peut excéder trente minutes. 4 COURS DE PROCÉDURE PÉNALE 2024-2025 Fouilles lors de manifestations publiques (C. proc. pén., art. 78-2-5). Les fouilles de véhicules peuvent avoir lieu sur réquisitions du PR pour rechercher les personnes portant des armes (C. pén., art. 431-10). b) L’inspection visuelle et la fouille de bagages Dans l’enquête. L'inspection visuelle et la fouille des bagages sont placées sous le régime de droit commun des perquisitions (Cass. crim., 15 oct. 1984, n° 83-93.689 à propos de la fouille d'un portefeuille). Cela signifie qu'elles ne peuvent être menées que s'il existe des indices permettant de soupçonner l'existence d'une infraction. Dans ce contexte, les fouilles ne peuvent prévenir une infraction. Ce régime est très contraignant, notamment en enquête préliminaire, car la fouille de bagages ne peut être réalisée qu'avec le consentement de l'intéressé. En marge du droit commun. Les inspections et fouilles de bagages peuvent avoir lieu dans deux situations spéciales. Elles peuvent accompagner soit un contrôle d'identité préventif (C. proc. pén., art. 78-2-4), c'est-à-dire destiné à prévenir une atteinte à la sécurité des personnes et des biens, soit un contrôle d'identité sur réquisition du parquet (C. proc. pén., art. 78-2-2, III), soit encore la recherche d'armes dans les manifestations publiques et à leurs abords (C. proc. pén., art. 78-2-5). Les règles applicables à ces situations sont identiques. L'inspection des bagages doit avoir lieu en présence de leur propriétaire, lequel ne peut être retenu que le temps nécessaire à l'opération. En cas de découverte d'une infraction quelconque, le propriétaire des bagages peut demander que soit dressé un procès-verbal qui mentionne notamment le lieu, les dates et heures de début et de fin d'opération. Ce procès-verbal pourra servir, par la suite, à contrôler la régularité de la procédure. §. 2 – Les vérifications et relevés d’identité Il faut distinguer ici les vérifications d’identité (A) des relevés d’identité (B) avant d’aborder la délicate question de la rétention administrative instituée par la loi du 3 juin 2016 (C). A – Les vérifications d’identité Pouvoirs des agents. Cette vérification constitue l'étape qui succède au contrôle d'identité, dans la seule hypothèse où l'identité de la personne contrôlée n'a pu être établie (refus ou impossibilité - C. proc. pén., art. 78- 3). La vérification d'identité permet de retenir la personne concernée, soit sur place, soit dans un local de police. Si la personne contrôlée est mineure, elle doit être assistée de son représentant légal, sauf impossibilité. La personne retenue a le droit de faire informer un membre de sa famille de la mesure, dont il fait l'objet et d'en faire aviser le PR. La personne appréhendée et retenue pour une vérification d'identité ne peut résister à la mesure même si elle démontre que le contrôle est irrégulier. Placement en rétention. Si l’intéressé refuse ou ne peut justifier de son identité, il peut être retenu sur place ou être conduit au local de police aux fins de vérification de son identité. Il est dans tous les cas présenté à un OPJ qui le met en mesure de fournir tous moyens permettant de l’identifier et qui procède s’il y a lieu aux vérifications nécessaires. S’agissant des étrangers non communautaires, le défaut de présentation de tout titre (titre d’identité et titre de séjour), ou d’un titre d’identité (passeport) mais sans titre de séjour (visa ou carte de séjour) peut caractériser l’infraction de séjour irrégulier) et dès lors motiver un placement en garde à vue. Si la nationalité française ou communautaire est avérée, mais qu’aucun titre justificatif d’identité n’est produit, une mesure de rétention pour vérification d’identité pourra être prise. Prise d’empreintes ou de photographies. Si la personne refuse de justifier de son identité ou fournit des éléments manifestement inexacts, ses empreintes digitales ou sa photographie pourront être prises, après autorisation du PR, si elles constituent l’unique moyen d’établir son identité (C. proc. pén., art. 78-3). Le refus de la prise d’empreintes ou des photographies constitue un délit. 5 COURS DE PROCÉDURE PÉNALE 2024-2025 Durée de la rétention. Elle ne peut excéder le temps strictement nécessaire à la vérification et au plus 4 heures, durée qui s’imputera le cas échéant sur la garde à vue si celle- ci est ensuite ordonnée (C. proc. pén., art. 78-4), notamment pour refus d’empreintes ou de photographies. Le délai de rétention court à compter du relevé d’identité le cas échéant mis en œuvre par les APJA ou les agents verbalisateurs d’un exploitant d’un service public de transport terrestre. La durée de la rétention s’impute sur le délai de retenue pour vérification du droit au séjour si cette mesure lui est consécutive. Droits de la personne placée en rétention. L’intéressé peut aviser sa famille, toute personne de son choix, ainsi que le PR, de la mesure de rétention prise à son encontre. Il est informé de ses droits et mis en mesure de les exercer par l’OPJ. À peine de nullité, ces opérations sont consignées dans un procès-verbal qui, soumis à la signature de l’intéressé, précise les motifs du contrôle et de la vérification, les modalités d’information des droits de la personne retenue et de leur mise en œuvre, le jour et l’heure du contrôle, le jour et l’heure de la fin de la rétention et sa durée. Le PR est obligatoirement informé dès le début de la rétention d’un mineur. Il peut mettre fin à tout moment à toute rétention, et est destinataire du procès- verbal de vérification d’identité. Issue. Si aucune procédure d'enquête n'est engagée, toutes les pièces se rapportant à la mesure doivent être détruites dans un délai de six mois. Aucune information ne peut être conservée dans un fichier. A l'inverse, la procédure de vérification d'identité peut se poursuivre par une garde à vue (si les conditions sont réunies). La durée de la détention effectuée en application de la vérification d'identité s'impute alors sur la durée de la garde à vue (C. proc. pén., art. 78-5). Les empreintes digitales peuvent alors être conservées dans un fichier automatique géré par le ministère de l'Intérieur (Cons. const., n° 87-249 DC, 8 avr. 1987). B – Les relevés d’identité Relevé d’identité par les APJA. Les APJA sont habilités à relever l’identité des contrevenants lorsqu’ils sont amenés à dresser procès-verbal concernant les infractions aux arrêtés de police du maire, les infractions au code de la route que la loi ou les règlements les autorisent à verbaliser ou les contraventions qu’ils peuvent constater en vertu d’une disposition législative expresse. Si le contrevenant refuse ou se trouve dans l’impossibilité de justifier de son identité, l’APJA en rend compte immédiatement à tout OPJ de la police nationale ou de la gendarmerie territorialement compétent, qui peut alors lui donner l’ordre « sans délai de lui présenter sur-le- champ » le contrevenant ou de « retenir celui-ci pendant le temps nécessaire à son arrivée ou à celle d’un agent de police judiciaire agissant sous son contrôle, pendant le temps nécessaire à l’information et à la décision de l’OPJ, le contrevenant est tenu de demeurer à disposition » de l’APJA. La violation de cette obligation est punie de deux mois d’emprisonnement et de 7 500€ d’amende. A cet égard, il est à souligner qu’en « cas de crime flagrant ou de délit flagrant puni d’une peine d’emprisonnement, toute personne a qualité pour en appréhender l’auteur et le conduire devant l’OPJ le plus proche » (C. proc. pén., art. 73). Si l’OPJ décide de procéder à une vérification d’identité, le délai de rétention court à compter du relevé d’identité. À défaut d’ordre de présentation donné par l’OPJ, l’APJA ne peut retenir le contrevenant. Relevé d’identité par les agents d’un service public de transport terrestre. Les agents de l’exploitant d’un service public de transport ferroviaire et des services de transport public de personnes, s’ils sont agréés par le PR et assermentés, sont habilités à recueillir et à relever l’identité et l’adresse du contrevenant pour les infractions à la police du transport ferroviaire ou guidé ainsi que les contraventions prévues par les règlements relatifs à la police ou à la sûreté du transport et à la sécurité de l’exploitation des systèmes de transport ferroviaire ou guidé (C. proc. pén., art. 78-6 ). Les passagers des transports ferroviaires ou guidés doivent être en mesure de justifier de leur identité lorsqu’ils ne disposent pas d’un titre de transport valable ou lorsqu’ils ne régularisent pas immédiatement leur situation (C. transp., art. L. 2241-10) ou lorsque l’entreprise de transport subordonne le voyage à la détention d’un titre de transport nominatif (C. transp., art. L. 2241- 11). 6 COURS DE PROCÉDURE PÉNALE 2024-2025 C – La rétention administrative en matière de terrorisme Nouveauté issue de la loi du 3 juin 2016. Lors d'un contrôle ou d'une vérification d'identité, s'il existe des raisons sérieuses de penser que le comportement de la personne contrôlée peut être lié des activités à caractère terroriste, cette dernière peut faire l'objet d'une retenue destinée à contrôler sa situation au regard des bases de données disponibles (C. proc. pén., art. 78-3-1). Cette retenue administrative permet de vérifier que la personne ne fait pas l'objet d'une surveillance particulière en matière de terrorisme. La retenue peut être réalisée sur le lieu du contrôle d'identité ou dans un local de police. Elle ne peut durer que le temps nécessaire aux vérifications et ne peut, en aucun cas excéder quatre heures à compter du début du contrôle d'identité. Cette retenue se distingue de la garde à vue, car elle ne peut donner lieu à aucune audition. Le PR est prévenu dès le début de la mesure. La personne retenue doit être informée du fondement légal de la mesure ; de sa durée maximale ; du fait qu'elle ne peut être auditionnée et qu'elle a le droit de garder silence ; du fait qu'elle peut faire prévenir une personne de son choix ainsi que son employeur (sauf dérogation spéciale autorisée par le PR). Si la retenue débouche sur une garde à vue, le temps de rétention s'impute sur celui de la garde à vue. Section 2 : L’enquête Bien que le code de procédure pénale regorge de textes spécifiques à plusieurs régimes d’enquêtes, il est possible de considérer que ce dernier s’articule principalement autour d’enquêtes de droit commun et d’enquêtes spéciales dans lesquels les enquêteurs disposent de pouvoirs étendues. Il convient donc de prendre le temps de se familiariser avec les différents régimes d’enquête dans la code (§.1) avant d’aborder la question des pouvoirs d’enquête (§.2). §. 1 – Les enquêtes Aux côtés des traditionnelles enquêtes de droit commun que sont l’enquête de flagrance ainsi que les enquêtes dont le régime est assimilé à celui de l’enquête de flagrance (A), on trouve l’enquête préliminaire (B), et des enquêtes “spéciales“ (C). Plus récemment, la nécessité de protéger les enquêteurs et leurs familles de représailles a conduit le législateur à introduire une nouvelle enquête dite « sous pseudonyme » (D). A – L’enquête de flagrance et autres enquêtes assimilées Il convient ici de distinguer entre l’enquête de flagrance proprement dite (a) et les enquêtes qui suivent le régime juridique de la flagrance (b). a) L’enquête de flagrance proprement dite Conditions. La flagrance se définit par un certain nombre de critères qui doivent être réunis pour que les enquêteurs puissent acquérir les pouvoirs coercitifs de l'enquête de flagrance. En vertu de l’article 53 du code de procédure pénale, « est qualifié de crime ou délit flagrant, le crime ou le délit qui se commet actuellement ou qui vient de se commettre. Il y a aussi crime ou délit flagrant lorsque, dans un temps très voisin de l'action, la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur publique, ou est trouvée en possession d'objets, ou présente des traces ou indices, laissant penser qu'elle a participé au crime ou au délit ». La flagrance n'existe donc que pour les crimes et délits, et à la condition qu’ils soient punis d'une peine d'emprisonnement (C. proc. pén., art. 67). L'état de flagrance s'apprécie au moment de l'intervention de l'OPJ, peu importe que, par la suite, les faits reçoivent, par exemple, une qualification contraventionnelle (Cass. crim., 9 janv. 1990: Bull. crim. 1990, n° 16). 7 COURS DE PROCÉDURE PÉNALE 2024-2025 Critère temporel. Il existe deux types de flagrance en fonction de la proximité temporelle de l'infraction. Il s’agit, tout d’abord, de la flagrance immédiate, c’est-à-dire celle dans laquelle l'infraction se commet actuellement ou vient de se commettre. Il s’agit, ensuite, de la flagrance reportée dans le temps, c’est-à-dire celle dans laquelle l’on se trouve « dans un temps très voisin de l'action ». Cette notion n'est pas définie avec précision par le code, mais la Cour de cassation qualifie de flagrante, l'infraction qui a été dénoncée deux jours après sa commission par la victime d'une extorsion de fonds qui avait été, dans un premier temps, impressionnée par son agresseur puis, dans un second temps, convaincue par sa famille de déposer une plainte (Cass. crim., 8 avr. 1998: Bull. crim. n° 23). Critère d’apparence. Il s'agit d'un critère posé par la jurisprudence. Il est caractérisé dès lors que les enquêteurs ont constaté des indices apparents d'un comportement délictueux révélant l'existence d'une infraction qui répond à la définition de l'article 53 (Cass. crim., 4 janv. 1982:

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