Pathologies du Lien Mère-Enfant PDF

Summary

This document analyzes the complexities of mother-child relationships, focusing on the psychological aspects of the parental bond and the challenges of child development. It explores different parent-child dynamics and the challenges associated with separation and individuation. A variety of psychological topics are investigated.

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Organisme de Formation N° : 73 31 00835 31 Pathologies du lien mère enfant Une mère, par essence même, est à la fois une femme, une fille, une compagne, et donc prise dans une certaine dynamique relationnelle. Quatre dimensions sont engagées, enchevêtrées, et c’...

Organisme de Formation N° : 73 31 00835 31 Pathologies du lien mère enfant Une mère, par essence même, est à la fois une femme, une fille, une compagne, et donc prise dans une certaine dynamique relationnelle. Quatre dimensions sont engagées, enchevêtrées, et c’est seulement au croisement de ces deux axes : horizontal et vertical, du générationnel et de « l’alliance », que ce lien "mère enfant" peut être abordé. Nous ne pouvons appréhender la relation de la mère à son enfant sans aborder les entrelacs de la relation de la mère à sa mère. Nous ne pouvons pas non plus laisser de côté les liens à la figure d’un tiers. Les figures mythiques de la mère : la mère super protectrice, la mère courage, la marâtre, la mère insatiable, la mère débordée, la mère angoissée, la mère intrusive… La figure maternelle est marquée par l'ambivalence. A l'image de l’Araignée de Louise Bourgeois : des bras immenses qui protègent, enserrent et en même temps donnent à penser à l’emprise, à l’effroi d’un envoûtement, d’un enfermement. Du côté de l'enfant aussi, la figure maternelle est frappée d'ambivalence. M. Klein n'a cessé de traiter de ce premier objet, à la fois désiré et haï : la mère, à la fois objet d’amour et de haine du bébé. I - Les principaux enjeux du lien mère-enfant 1) L’être mère Winnicott définit la préoccupation maternelle primaire comme un état tout à fait spécial de sensitivité de la mère constitué, entre autres, de sollicitude et d’identification au nourrisson qui lui permet d’aller à la rencontre des besoins de son enfant, et cela au prix de ses propres besoins : besoin de dormir, de se reposer. Il y a, dit Winnicott, des mères qui savent comment tenir un nouveau-né et d’autres qui ne le savent pas. Ces dernières provoquent rapidement un sentiment d’insécurité, des pleurs de détresse, et des désordres plus ou moins importants dans l’organisation et le développement affectif primaire. Un enfant doit ressentir, dans la manière dont sa mère le crée et dont il crée sa mère (Winnicott), cette sensation particulière d’être porté et rassemblé dans un conteneur (Bion) figuré par la peau qui tient tout ensemble les différentes parties de son corps, élevant ainsi le conteneur à la fonction contenante. Lorsqu’il ne peut éprouver cette sensation, il ne va trouver une possibilité de tenir ensemble toutes les parties du corps que par l’exercice de sa muscularité, soit en positif par l’hypertonie, soit en négatif par l’hypotonie. Cette seconde peau musculaire va tenir lieu de peau au sens où justement Anzieu en parle au travers du « moi-peau » avec ses nombreuses fonctions, notamment contenante et maintenante. Formation FARE maj 09 2023 – Pathologies du lien mère-enfant – Nathalie Soussi Ce concept peut s’articuler avec l’étude des identifications qu’Esther Bick a poussées très loin du côté de l’archaïque en parlant de l’« identité adhésive », dont la variante pathologique nous est utile pour la compréhension de la psychopathologie des autismes. C'est ce que l'on appelle le holding. Dans le holding, il y a toute la suite des soins donnés de jour comme de nuit. Mais il y a plus : il y a surtout le fait que l’on tienne physiquement l’enfant. On aborde là les fonctions maternelles de portage, de contenance, de pare-excitation, qui tissent pour l’enfant une sorte d’enveloppe. Ce vêtement, tissé, tricoté pourra bien être ressenti trop large, ou trop serré. Le dialogue mère/bébé demeure fondamental et s’inaugure avant même le premier regard posé, échangé, au détour des premiers mots signifiant à l’enfant le lieu d’inscription historique qui sera le sien, premiers mots qui, dans certains cas, retentiront toute une vie, lors de la mythique première tétée et du désir alors engagé par l’une, la mère, et mis en mouvement chez l’autre, le bébé. Ce qu’il y a de fondamental et d’indispensable au point de départ dans la relation à la mère, c’est qu’elle a pour lui des marques d’intérêt. « Elle témoigne à son égard d’un désir qui n’est pas anonyme ». Si tel n’est pas le cas, c’est alors le désastre. L’amour sans le lait c’est la mort, tout comme le lait sans l’amour. Ce qui peut nous renvoyer aux travaux de Spitz sur l’hospitalisme. Affirmation de la nécessité pour l’enfant d’être en relation avec « un désir qui ne soit pas anonyme » et de bénéficier de soins, de sa mère ou de la personne qui en fait office, qui soit porteur de « la marque d’un intérêt particularisé ». Lacan 2) Le complexe de sevrage A l'unisson succède la séparation A mesure qu’il grandit l’enfant acquiert une meilleure maîtrise de son corps et de son langage. Les identifications changent de registres. L’identification à l’objet, aux fantasmes et désirs parentaux tendent à s’effacer : il entre dans la problématique œdipienne et va affronter l’expérience de la perte. C’est ainsi que l’illusion originaire, fondatrice, fait place au temps de la désillusion, et ouvre la voie à l’émergence d’un espace de manque pour l’enfant. La mère est alors ressentie comme disposant du privilège, du pouvoir de donner ou de refuser. C’est dans les satisfactions répétées et les insatisfactions, dans la succession des présences et des absences de la mère, dans cette rythmicité, que l’enfant va se constituer l’objet qu’est la mère et pouvoir faire face à son absence sans s’en trouver désespéré. Le temps de la désillusion chez Winnicott, la mère « suffisamment bonne », c'est en terme lacaniens une « mère pas-toute » à son enfant. En termes kleiniens, c’est le temps où s’ouvre l’accès à la position dépressive salvatrice en ce qu’elle permet à l’enfant de s’extraire du champ psychotique de l’indifférenciation. Avoir un enfant, c’est justement ne plus l’avoir. C'est dans cette alternance que l'enfant va apprendre qu’à une disparition succède une réapparition : jeu du cache-cache, fort-da, et pour que l’angoisse, le désespoir laisse place à la nostalgie qui amorce et anticipe le travail du deuil. Période où l'enfant peut se déprimer, où il constate que sa mère ne lui obéit pas, qu'il n'est pas tout puissant. C'est sans doute ce que nous dit Winnicott quand il parle de la mère « suffisamment bonne » La mère n’est pas toujours là, elle ne répond pas toujours aux appels de l’enfant. Et c’est Formation FARE maj 09 2023 – Pathologies du lien mère-enfant – Nathalie Soussi tant mieux. Une mère immuablement présente, dans un fonctionnement opératoire, ne vaut pas mieux qu’une mère sans cesse absente. C’est donc par la mère qu’est mis en jeu le rapport à la perte, au manque. C’est par la figure de la mère que passe la possibilité qu’a l’enfant de tolérer la frustration. C’est elle qui introduit l’enfant à la frustration. C'est elle qui fait renoncer à la jouissance primitive. Comment l’enfant va-t-il se sortir de l’orbite maternelle ? Comment va-t-il sortir de cette aliénation au désir de la mère, effectuer un véritable travail de séparation ? Comment l'enfant peut-il se défixer du fantasme maternel ? Sachant que parfois il n’en sort pas et c’est là les cas les plus graves qu’il nous ait permis de connaître dans ce que l’on peut appeler le champ thérapeutique. 3) Le complexe d’Œdipe Le processus de maturation psychique invite le petit d’homme à renoncer à une partie de ses pulsions pour assumer un désir qui ne cède pas à la tentation de l’inceste. Ce renoncement est crucial pour la possibilité même de la vie en société : « pas de société sans un certain renoncement à la jouissance » dira Lévy-Strauss, Pour accepter ce renoncement, l’enfant doit être capable de supporter psychiquement une perte. Cette capacité est conditionnée par la bienveillance de la mère « suffisamment bonne » qui a élevé son enfant en lui faisant une place bien particulière dans son fantasme : cette place est consistante pour que l’enfant bien avant sa naissance existe dans le désir maternel, mais en même temps la mère doit déjà considérer déjà son enfant comme séparé d’elle. Citons Winnicott : « la mère doit aimer son enfant qui la désaime déjà » car la vocation de l’enfant est de désirer ailleurs. Mais la mère n’est pas seule, le père incarne la fonction symbolique de tiers séparateur : il est celui qui signifie à la mère qu’elle ne peut jouir de son enfant (il ne lui appartient pas) et à l’enfant qu’il ne peut désirer sa mère sexuellement. Les conséquences psychiques du complexe d’Œdipe : - L’intégration de l’interdit de l’inceste : pour accéder à un désir adulte, le garçon doit renoncer à « au moins une femme » à savoir la mère alors que la fille doit renoncer à « au moins un homme », le père. Ainsi, l’enfant se loge dans une verticalité, à savoir la différence des générations (verticalité), les parents représentant la génération de laquelle l’enfant est issu. Enfin, lors du processus d’identification au parent du même sexe, l’enfant décide de son destin sexuel puisqu’il a identifié la différence symbolique des sexes. - Il peut alors répondre aux deux questions qui fondent chacun de nous (coordonnées symboliques), à savoir la filiation et l’identité sexuelle : « être fils de… » pour le garçon ou « être fille de... », ce à quoi ne peut répondre le sujet psychotique. - La création du Surmoi (le gendarme intérieur) issu des interdits parentaux qui permet à l’enfant de se situer dans les catégories du bien et du mal, des valeurs qui régissent la relation à l’autre. Formation FARE maj 09 2023 – Pathologies du lien mère-enfant – Nathalie Soussi 4) Le père et la fonction paternelle Si avec la mère il s’agit d’une relation de voisinage, avec le père, il est question d’une rencontre. Le père procède d’une invention, il consiste en une construction. Le père serait donc une construction intellectuelle. C'est le premier autre à être différent de la mère. Il introduit une altérité et il est là pour introduire l’enfant à l'altérité, à le pousser hors du maternel, vers le Social. Pour Freud, le père constituait l'instance interdictrice et idéale permettant à l'enfant de se détacher de sa mère, de renoncer à ses pulsions incestueuses et de prendre ainsi sa place dans la civilisation. C’est à partir de lui que se règle la relation à l’autre, que se répartissent ce qui est de l’ordre du permis et de l’interdit, du pervers et du normal, du possible et de l’impossible. Ainsi, c'est cette fonction symbolique, supportée par le père qui permet de séparer, d'organiser le monde, de distinguer les générations, de distinguer soi des autres, les hommes et les femmes, le père et la mère, le vivant et le mort. Cette fonction est à l’origine du principe d’humanisation. C’est en s’appuyant sur elle que les parents en premier lieu, les adultes en général, les éducateurs, transmettent la régulation de la jouissance imposée à chaque sujet. C‘est la fonction paternelle qui organise une société, donne une place à chacun. C’est pourquoi, le premier acte d’un père c’est d’interdire l’inceste, c.-à-d. séparer le corps de la mère et celui de l’enfant. Le père en tant qu’agent de la séparation. Retenons que la fonction paternelle est une fonction symbolique qui pose que la mère ne peut appartenir à l'enfant. Le père interdit l’enfant à la mère et la mère à l’enfant. Le père « inter-dit ». Entre la mère et l’enfant, le père formule le dire d’un impossible : il est impossible pour l’enfant de retourner au sein maternel (inceste), il est impossible à la mère de réintégrer son produit (infanticide). Cet interdit s’accompagne d’une promesse implicite : la promesse de l’entrée dans le lien social. Quelque chose qui pourrait se formuler ainsi : « pas maintenant et pas celle-là, mais plus tard et un(e) autre. » Ainsi, le père, en tant que "fonction paternelle" est celui qui permet de séparer la mère et l’enfant, mais aussi l’enfant à l’intérieur de lui-même. La fonction paternelle inscrit l’enfant dans la capacité de vivre la séparation d’avec sa mère, mais aussi d’en jouer. C’est cette opération qui va pousser le sujet à rechercher sans cesse cet objet, telle une quête du Graal, en s’engageant dans la culture, c’est-à-dire le social et les échanges inter-humains. L’opération paternelle (dans son acception chirurgicale : trancher dans le vif) sépare l’enfant de la mère et l’engage sur la voie du désir. Le père, en tant que fonction est là pour "garantir" que l'enfant ne soit pas figé comme objet de la Jouissance maternelle. Il vient limiter la Jouissance à ne faire qu'un avec la mère, la jouissance de la complétude. La jouissance primordiale est posée comme étant à jamais perdue. Formation FARE maj 09 2023 – Pathologies du lien mère-enfant – Nathalie Soussi II- Les “désordres” dans l’établissement des liens 1) Les premiers temps : Ajustement et défaut d’accordage Enjeux narcissiques Mythe de Narcisse, amour porté à l'image de soi-même Freud, « le sujet commence par se prendre lui-même, son propre corps comme objet d'amour » Le narcissisme de l'enfant se constitue en lien avec celui de la mère. Dans l’analyse du désir d'enfant, on sera donc confronté aux achoppements de ces étapes du développement psychique. Pendant la grossesse, l’enfant est présent dans l’imaginaire de la mère. Il est l’objet de ses rêves, de ses projets. Il peut aussi être source d’angoisse. Un travail d’élaboration s’amorce, parallèlement à sa présence réelle dans le corps, qui peut donner à certaines un sentiment de plénitude phallique (être entière, toute puissante, comblée). A l’opposé, certaines femmes peuvent se sentir envahie, parasitées, vampirisées. Pendant la grossesse, la femme est centrée sur elle-même, son corps, puis elle doit, pour reprendre une expression de Françoise Dolto, « décentrer son narcissisme » sur l’enfant, c’est-à- dire l’investir, lui, comme la chose la plus précieuse, la plus belle du monde, à la fois partie d’elle- même et existant dans le monde. Il est aussi, dans le meilleur des cas, le fruit de son amour et de son alliance avec un homme et, de ce fait, inscrit dans une généalogie. C’est parce qu’il est ainsi investi, «phallicis » par la mère, que l’enfant peut progressivement construire son narcissisme propre, socle de sa personnalité future. L’apparition d’un enfant ne vient pas seulement restaurer par certains côtés le narcissisme du parent, mais elle peut aussi le perturber. En effet, le surgissement d’un nouveau sujet, avec la reconnaissance de l’altérité que cela suppose, met en danger inconsciemment le moi du parent, ne serait-ce que parce que c’est sa propre mort qui est évoquée à travers cet enfant qui symbolise une nouvelle génération. C’est pourquoi l’enfant peut prendre parfois une dimension « phobogène », et que dans tous les cas chaque naissance réclame une véritable « appropriation narcissique » de la part du parent. En effet, la naissance d’un enfant a des répercussions psychiques importantes qui mobilisent les repères subjectifs et sollicitent le pulsionnel chez celui qui devient parent. Au point que, parfois, il peut se percevoir, ne serait-ce qu’un moment, étranger à lui-même, avec un vacillement de sa propre image. Il s’agit en tout cas pour lui sur le plan narcissique de maintenir ou de parvenir à retrouver une représentation adéquate de lui-même, intégrant cette nouvelle dimension de parent. Le plus souvent, il y réussit précisément en projetant sur son enfant cette figure de Sa Majesté le Bébé, ce qui lui permettra ensuite de s’identifier à lui. Les échanges et les interventions auprès de l’enfant vont réclamer une suffisante assise narcissique. Sinon il peut émerger non pas seulement le sentiment d’être un mauvais parent, mais encore la peur de faire mal à son enfant, d’être débordé par la violence, la crainte de ne pas bien le nourrir, le soigner ou l’éduquer. Le problème n’est pas en soi l’existence de telles peurs relevant de l’ambivalence intrinsèque des affects dans le psychisme, mais de leur présence dominante et paralysante. L'amour maternel n'est pas ce sentiment idéal, sans conflit, que l'on imagine. C'est au contraire un sentiment complexe, ambivalent et ambigu où se mêlent amour et agressivité, reconnaissance de l'autre et confusion avec lui. Formation FARE maj 09 2023 – Pathologies du lien mère-enfant – Nathalie Soussi 2) Carences de la fonction maternelle Dans un premier temps, la mère a à se substituer "entièrement" à l'immaturation des fonctions du nouveau-né pour qu'il puisse vivre, si elle ne le fait pas on se trouve alors dans les cas graves de carences, d’abandonnisme, ce qui peut nous renvoyer aux travaux de Spitz sur l’hospitalisme. Privés de leur mère les enfants pleurent pendant le 1 er mois, crient le second, puis refusent le contact au 3ème, entrent dans le marasme puis la léthargie et enfin, la mort. La dépression anaclytique et l'hospitalisme montrent que l'absence de toute relation objectale causée par la carence affective arrête tout développement dans tous les secteurs de la personnalité : retard moteur, débilisation. Qu’est-ce qu’une mère qui n'offrirait pas à l'enfant ce temps de l'illusion, ce temps de l'unisson ? Peut-être cette figure que Green dépeint sous les traits de la « mère morte ». Le bébé n’aurait pas été investi libidinalement. La mère ne lui aurait pas autorisé la croyance en sa toute-puissance, ce qui le confronterait, dans ce temps d’un narcissisme non encore solidement établi, au vide, vide de signifiant, sorte de réel « absolu ». En termes freudiens, c’est un bébé que la mère n’aurait pas séduit, l’empêchant de la sorte à séduire en retour. Des mères déprimées, trop fragiles narcissiquement, qui n’arrivent pas à « se dévouer » à leur enfant, des mères carencées, au maternage chaotique, des mères psychotiques, absorbées dans leur monde intérieur, des mères isolées, sans instance paternelle à qui référer leur enfant, peuvent être très toxiques pour leur bébé, qui risque de se déprimer, de s’isoler dans un retrait parfois profond et/ou de se désorganiser. - La voix, terne, rare, sans musique - La posture, abattue, coincée, engluée - La motricité, retenue, reste dans l’espace de son corps propre - Le regard, sans vie - Le toucher, pris dans la phobie d’impulsion, peur de toucher Ainsi, nous pouvons nourrir de grandes inquiétudes lorsque pendant la grossesse, l’enfant n’est pas parlé, pas investi. Indifférence totale, non représentation imaginaire de l’enfant à venir. La femme ne modifie en rien son mode de vie, pas de projet pour l’accouchement, pour le bébé. Pas de montée de lait, pas de dépression post-partum : elle ne peut faire le deuil de ce qui n’a pas existé. Le danger est encore plus grand quand ce sentiment d’étrangeté vis-à-vis de l’enfant se maintient après la naissance, lorsque l’enfant reste un morceau de chair détaché d’elle-même dont elle vient satisfaire mécaniquement le bon fonctionnement, sans que l’imaginaire (un imaginaire stérile, absent, vide ici) ne vienne l’humaniser, l’investir. Nous mesurons chaque jour, dans notre clinique quotidienne, les effets du désir maternel sur l’enfant, sur la construction de son fantasme, la portée du fantasme maternel sur la structure de l’enfant, sur les dimensions symptomatiques de son organisation subjective. Risque d’abandon, même au sens psychique, générateur de carences affectives Risque de conduites opératoires, gestes mécaniques, se réduisant à la fonction Si l’interprétation des besoins de l’enfant est trop distordue, si leur satisfaction ne s’accompagne pas de la tendresse des mots, de la chaleur du portage, l’enfant manifestera son intolérance avec l’arme qu’il a à sa disposition : son corps Il y a là un fort risque de carences affectives. La privation prolongée du contact avec la mère ou avec un substitut maternel entraîne chez le nourrisson une inhibition anxieuse, un désintérêt pour le monde extérieur (dépression anaclitique) qui s'accompagne d'anorexie, Formation FARE maj 09 2023 – Pathologies du lien mère-enfant – Nathalie Soussi d'insomnie, d'agitation, de retard psychomoteur et de troubles psychosomatiques. C'est ce qu'on appelle le syndrome d'hospitalisme. Si la carence se poursuit au-delà de 3 ou 4 mois, l'enfant risque de souffrir de dommages physiques et psychiques irréversibles. Un vide qui fera retour à l’adolescence, à l’occasion de la traversée du réel pubertaire. Notamment dans la toxicomanie, où l’illusion ne cesse d’être recherchée, les conduites ayant à voir avec le vide, la mort… chez de jeunes patients paraissant souffrir de la persistance de traits dépressifs, mais qui l’ignorent. 3) Carences de la fonction paternelle, les enjeux de séparation L’enfant arrive en place d’objet du fantasme maternel, l’essentiel est qu’il puisse s’en détourner. Dans de nombreuses situations, en même temps que le père s'est effacé, la mère est devenue le seul horizon de l'enfant. Le père, même s'il est présent, reste en périphérie et n'interviendrait plus vraiment dans le couple mère enfant. D'où la difficulté accrue pour l'enfant de sortir de l'orbite maternelle. On se trouverait alors dans des situations où l'Inceste règne en maître, non comme l'accomplissement sexuel avec la mère, mais comme une force allant à l'encontre du travail de séparation avec cet Autre maternel. Il y aurait une mise en échec de l'opération paternelle, à savoir cette opération qui vise à décoller l'enfant comme objet de la mère. L'enfant éviterait pour la mère l'expérience de la perte, tout travail de deuil. Dans certaines situations, on se trouverait alors "en deçà de l'Œdipe", c'est-à-dire dans l'arrière-pays du lien exclusif à la mère. Le déclin de la fonction paternelle + l'égalité des places père /mère rendrait plus hasardeuse la possibilité pour l'enfant de se dés-assujettir de cet Autre maternel. Sans l'appui du père pour se sortir de l'orbite maternelle, comment soutenir les sujets dans la voie de leur désir singulier ? Jusque-là l'éducatif venait soutenir le père, le cadre, l'interdit. Aujourd'hui, nous aurions de plus en plus affaire à des sujets "englué dans le maternel", pour qui la séparation d'avec la mère est d'avantage problématique et qui parfois ne peut avoir lieu. III - Les expressions symptomatiques chez l’enfant 1) La névrose Il existe 3 structures névrotiques : la névrose hystérique, la névrose obsessionnelle et la névrose phobique. La névrose correspond au destin « normal » du sujet ayant traversé l’Œdipe (personnalité hystérique, obsessionnelle ou phobique). Cependant, la névrose peut se décliner sur une forme décompensée qui se traduit par des troubles de l’affectivité et de l’émotivité sans impacter le rapport à la réalité commune : la névrose est due à un conflit psychique non résolu dont le symptôme (ce qui fait souffrir) est l’expression symbolique. Ce conflit intrapsychique se joue entre le Surmoi (ce qui limite) et le ça (le lieu des pulsions). Alors le Moi opte pour un type de défense en substituant à la représentation inacceptable (la tentation incestueuse) une autre Formation FARE maj 09 2023 – Pathologies du lien mère-enfant – Nathalie Soussi représentation acceptable. La réalité est déformée dans le fantasme mais elle n’est pas niée comme dans la psychose (délire et hallucinations). 2) L’autisme Bien que rare, l’autisme de Kanner touche entre 0,5 et 4 pour 10000. Le syndrome est plus fréquent chez les garçons. Pronostic sombre. Autisme : du grec autos = soi-même, terme proposé par Bleuler en 1911 pour décrire le repli de soi et la démence précoce, l’absence de contact avec l’autre, qui apparaît dès la naissance ou les premiers mois, quelles que soient les stimulations proposées. Décrits par leurs mères comme des bébés calmes, ne demandant rien. L’enfant semble éviter la rencontre avec le vivant ; il fuit le regard de l’autre, son regard ne se fixe pas (regard périphérique). Il est vide, absent, ou bien s’égare à chercher des objets qu’il ne trouve pas. Le bébé n’a pas d’anticipation posturale lorsqu’on le prend dans les bras mais manifeste un intérêt pour les objets inanimés durs qu’il ne quittera plus. Il les manipule selon une fonctionnalité étrange mais avec dextérité. Il n’est pas distrait de ses activités par les bruits extérieurs et semble sourd. Présence de stéréotypies : répéter des gestes inhabituels (remuer les doigts devant le visage, les bras comme des ailes maladroites). Pousse des cris stridents et angoissants. Marche sur la pointe des pieds, et entretiennent un commerce particulier avec la salive ou les fèces. Exigence d’immutabilité du monde extérieur : hurle si on change un objet de place (angoisses massives). 3) La psychose Trouble de l’organisation de la personnalité et de la relation de l’enfant avec lui-même, avec l’autre et avec le monde extérieur. Les critères cliniques sont marqués du sceau de la bizarrerie ; sur le plan structural, la psychose correspond à une absence totale ou partielle d’organisation du moi ; sur le plan développemental, elle correspond à une indifférenciation entre soi et non soi, dedans et dehors, tout ou partie, présent et passé. Bibliographie Michèle Benhaïm : L’ambivalence de la mère Annie Cordié : Un enfant devient psychotique Sigmund Freud : Les 5 psychanalyses Jacques Lacan : Deux notes à Jenny Aubry Jacques Lacan : Les psychoses Robert & Rosine Lefort : Naissance de l’Autre Maud Mannoni : Amour, haine et séparation Claude Racamier:Le deuil originaire Claude Racamier : Le génie des origines Donald Winnicott : Jeu et réalité Formation FARE maj 09 2023 – Pathologies du lien mère-enfant – Nathalie Soussi

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