Pensée sociale et représentations sociales PDF
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Ce document traite de la pensée sociale et des représentations sociales. Il explore les différentes perspectives et définitions de ces concepts, ainsi que leur relation avec les processus cognitifs et sociaux. Le texte souligne l'importance de la pensée sociale dans la compréhension des interactions humaines et de la construction de la réalité sociale.
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29.11.2024 - CM8 Pensée sociale et représentations sociales 1/ Introduction Lavater (1806), père de la physiognomonie, disait : « tout dans la nature est rapport et harmonie ; chaque apparence externe est le signe d’une propriété : chaque point de...
29.11.2024 - CM8 Pensée sociale et représentations sociales 1/ Introduction Lavater (1806), père de la physiognomonie, disait : « tout dans la nature est rapport et harmonie ; chaque apparence externe est le signe d’une propriété : chaque point de superficie d’un corps annonce l’état de sa profondeur et de sa structure : chaque trait de la beauté annonce une vertu ; chaque trait de la laideur, un vice ; et tous les êtres parlent, dans leur physionomie, une langue que l’on se rend aisément familière par l’expérience et l’observation ». La physionomie est une pseudo-science qui avait pour ambition de valider l’association entre caractéristiques corporelles et les caractères moraux : « la physiognomonie est la science, la connaissance du rapport qui lie l’intérieur et l’extérieur, la surface visible à ce qu’elle couvre d’invisible ». Elle porte en elle la recherche d’une naturalisation, d’un essentialisme somato-moral articulant prédispositions biologiques et morales ; caractéristiques du corps et valeurs des individus. Elle exprime des représentations du monde social. Elle s’affranchie de la preuve scientifique, elle s’appuie sur la preuve sociale, la pensée sociale. Expérience On a choisit des visages et on a demandé à des étudiants d’identifier les 2 qu’ils ont trouvé les plus beaux vs les moins beaux. On a demandé à d’autres étudiants de donner des caractéristiques sur ces personnes en fonction de leur visage. Sur les traits de personnalité, les beaux : compétence sociale, intellectuelle, ajustement, puissance, vivacité sexuelle. Ceux qui ne sont pas beaux : modestie, intégrité, intérêt pour les autres. Le fait d’être beau fait qu’on était perçu comme en meilleure santé. On observe un effet d’interaction être le niveau d’attirance est le genre : plus un homme est beau, plus il a un haut indicateur de réussite socio-professionnel à l’inverse, plus une femme est belle, plus elle a un bas indicateur de réussite socio-professionnel. En résumé, « l’impression que nous nous formons d’une autre personne résulte donc de la mise en place de structures définies par une représentation sociale de la personne », qui exprime une théorie implicite de la personnalité (Bruner & Tagiuiri, 1954) marquée par une vision du monde social, des modèles normatifs et des idéaux. L’utilisation d’une théorie implicite suppose ainsi un certain modèle de « société ». Les représentations mobilisées pour permettre ces attributions ou inférences ne concernent pas que la personne (ou la personnalité) mais également le corps. Le corps représenté, symbolisé, constitue une réservoir de sens par son objectivation et sa subjectivation au sein de la structure sociale. 1 2/ Partie 1 : la pensée sociale A. Définition générale Toute représentation sociale constitue « une forme de pensée sociale », elle en constitue un cas type. Dans la littérature, un certain nombre de termes sont utilisés pour rendre compte de ces phénomènes associés à la connaissance sociale : connaissance spontanée, pensée naturelle, connaissance naïve, sens commun. On parle ainsi de pensée naturelle pour distinguer cette forme de connaissance de la pensée scientifique. Ce type de pensée a pour caractéristiques de se fonder sur l’expérience sensible, de se manifester dans la communication sociale et de s’exprimer à travers le langage de tous les jours, et qui répond à sa logique propre. La pensée sociale correspond à des productions de l’esprit collectif qui émergent des interactions entre les individus (représentations sociales, croyances, valeurs, rumeurs, idéologies …). Elle est sociale car : Elle est partagée par un ensemble de personnes. Elle permet d’affirmer une appartenance et d’exprimer une identité sociale. Ses modes d’élaboration sont tributaires des formes de communication sociale (individuelle, institutionnelle, médiatique. B. Une épistémologie du sens commun Rouquette (ne pose pas une théorie mais un cadre général) distingue deux aspects de la pensée sociale : Celle qui prend pour objet la réalité sociale. Celle qui réfère à l’intervention de facteurs sociaux dans la réalisation commune de la pensée. C’est une double dimension car cela traite des objets sociaux et dépend du fonctionnement social pour que ça arrive. La pensée sociale prend pour objets privilégiés les « autres », les relations entre les individus, les thèmes et les croyances du domaine collectif. Il s’agit d’une pensée constitutive et constituante du rapport au social, c’est une pensée concrète, d’application qui s’attache des questions et situations quotidiennes. C. Logique formelle vs logique sociale On oppose souvent la logique formelle (celle de la démonstration mathématique, scientifique) à la logique naturelle (celle de la pensée sociale). Une des distinctions entre pensée formelle et naturelle tient au fait que la pensée formelle chercher et atteint le « vrai ». C’est une pensée qui se contrôle et formule des critères pour infirmer ou confirmer ses raisonnements. 2 La frontière entre ces modalités de la pensée n’est pas facile à poser, à bien des égards elle est doublement floue : La frontière entre savoirs scientifiques / rationnelles et savoirs de sens commun est poreuse, voire ces savoirs peuvent entretenir une relation circulaire. Dans la vie quotidienne, pour l’individu social le passage de l’un à l’autre de ces modes de pensée s’effectue de manière « naturelle » (validité du recours à ces deux registres de pensée) mais aussi de façon conjointe (simultanéité possible des registres de pensé). D. La rationalité de la pensée sociale La pensée sociale n’a pas besoin d’être « raisonnable » (au sens normatif du terme), elle constitue une modalité possible de la raison, en tant qu’elle ordonne la réalité du monde qui est le nôtre et qu’elle permet aux individus de connaitre, de juger et d’agir conformément à leurs propres principes. Il faut dépasser la validité scientifique des postulats des croyances pour analyser les implications psychologiques et comportementales chez le sujet qui croit et leurs conséquences dans sa façon de maîtriser le monde et d’anticiper les situations (Heider, 1958). Ce qu’exprime la pensée sociale (ou du sens commun) ne constituent pas des « aberrations gratuites » ou le « témoignage d’une immaturité ». Elle n’est pas pseudo-logique car cela reviendrait à considérer la science comme un modèle idéal d’organisation intellectuelle. On peut opposer à cette perspective au moins trois critiques : La science elle-même est marquée par des distorsions et des incohérences. La science établie aussi des vérités contradictoires. Il existe une « logique de l’illogique » (Windisch, 1982). E. Illustrations —> illustration 1 Syllogisme : mise en relation de deux propositions prémisses conduisant à une conclusion. Biais empirique = influence de la culture sur l’environnement. (Illustration diapo) Selon la logique formelle, il y a une erreur mais si on reste sur la logique naturelle, il n’y a pas d’erreur. Cela apporte une autre lecture en terme de logique. 3 Les sujets produisent-ils leurs jugements, leurs conclusions sur la base d’assertions produites par les éléments du problème (évidence formelle) ou s’appuient-ils sur leurs connaissances du monde réel (évidence fonctionnelle) ? La réponse témoigne d’une évidence pour laquelle l’expérience passée conduit - via la manipulation du contenu du problème - à la réponse qui témoigne in fine d’une connaissance pratique. L’expérience personnelle et sociale se constitue en contenus d’informations, de représentations. —> illustration 2 Pour le jeune, en fonction de son environnement, le rapport à l’hygiène constitue une valeur supplémentaire : devient un critère de gestion du risque. F. L’architecture de la pensée sociale (schéma) Roquette (1996) a proposé une architecture de la pensée sociale incluant les concepts d’idéologie, de représentations sociales, d’attitudes et d’options à partir de leur stabilité (instable vs stable) et de leur niveau de généralité (particulier vs général). G. Pour conclure sur la pensée sociale Notre pensée et notre langage portent sur des significations. Or la signification ne jaillit pas de l’information elle- même. La signification n’est pas déterminée par la clarté de la perception ou la justesse des inférences, par les faits ou les éléments d’information. Elle dépend dans une large mesure d’engagements antérieurs envers un système conceptuel, une idéologie, une ontologie (rapport existentiel au monde) et un point de vue. Autrement dit, la signification née de notre inscription et de notre participation au monde social. La pensée sociale et le sentiment d’évidence (Paicheler, 1998). L’évidence est à la fois sociale (l’argumentation disponible dans le marché des idées, des croyances, la reconnaissance de la pertinence du savoir produit et véhiculé) et individuelle (la pertinence du recours à une argumentation corroborant l’expérience personnelle et sociale). 3/ Partie 2 : les représentations sociales Les représentations sociales comme modalités d’expression des pensées sociales. Elle permet d’envisager une forme d’expression de la pensée sociale. 4 A. Introduction Dans une assertion large : La représentation constitue un acte par lequel un matériel concret est organisé en catégorie ou « objets de pensée » : la représentation comme processus. La représentation désigne également les contenus de cet acte de pensée : la représentation comme contenu. L’acte de représentation : un acte de connaissance qui relie un objet à un sujet au moyen d’une représentation, présentation que quelque chose à l’esprit de quelqu’un. Un contenu concret qui tient lieu de réalité pour l’individu. Autrement dit, on a le postulat qu’il n’y a de réalité que représentée. Quand je touche aux représentations des personnes, je touche à leur réalité et donc à leur grille de lecture de la réalité. Ils auront tendance à résister si on modifie leur grille de lecture. La représentation se substitue à la réalité, elle est une (re)création de la réalité. Ce n’est pas la photographie du réalité, elle n’est pas la reproduction à l’identique de ce qu’est le réel. Adjoindre le terme « sociale » à celui de représentation permet la prise en considération des « forces et contraintes » émanant de la société, du social. Pour Moscovici (1976), il vise à signifier : La dimension de groupes sociaux (renvoie à des collectifs) : si on parle de représentations sociales, on ne parle pas de représentation individuelle. Un critère d’expression (la représentation comme manifestation expressive des groupes sociaux) : elle dit quelque chose de qui nous sommes dans un ensemble et comment les groupes s’expriment à travers des représentations. Une dimension relative au processus de production : on échange des significations qui sont partagées, donc des représentations. Et, en particulier leur caractère fonctionnel (« social » car elle contribue aux processus de formation des conduites et d’orientations des communications sociales). Les représentations vont naitre de la mise en oeuvre de pratiques sociales. B. Origine de la théorie : l’étude princeps de Moscovici (1961) Pour Moscovici (1984), la psychologie sociale trouve son unité et sa spécificité en se donnant comme objet d’étude la connaissance sociale et la communication sociale. Moscovici a introduit le concept de RS sur la base de la notion de représentation collective, décrite plus tôt par Durkheim (1898). Dans la perspective de Durkheim, les représentations collectives désignent des formes de pensée partagée par une société, qui orientent les conduites et définissent ce que st conforme aux normes ou non ; des entités générales (mythes, légendes, religions) dont la stabilité semble tendre vers l’inertie). 5 « Or, quand nous avons dit ailleurs que les faits sociaux sont, en un sens, indépendants des individus et extérieurs aux conscience individuelles, nous n’avons fait qu’affirmer du règne social ce que nous venons d’établir à propos du règne psychique. La société a pour substrat l’ensemble des individus associés. Qu’y a-t-il de surprenant à ce que les représentations collectives, produites par les actions et les réactions échangées entre les consciences élémentaires dont est faite la société, ne dérivent pas directement de ces dernières et, par suite, les débordent ? Si l’on peut dire, à certains égards, que les représentations collectives sont extérieures aux conscience individuelles, c’est qu’elles ne dérivent pas des individus pris isolément, mais de leur concours ; ce que est bien différent ». Le concept de représentation sociale tient davantage compte des caractéristiques des sociétés contemporaines, que ce soit au niveau de l’intensité et de la fluidité des échanges et des communications ou encore au niveau de la pluralité et de la mobilité sociale (Jodelet, 1989). Pour Moscovici (1989), les représentations sociales se distinguent des représentations collectives selon trois points : Le premier est d’affirmer les origines multiples des représentations, à la fois dans le groupe et chez l’individu. Le deuxième est de reconnaître la mobilité des représentations, passant du social à l’individu ou de l’individu au social. Le troisième est de souligner l’importance de la communication afin que les connaissances et émotions des individus trouvent une place dans le social, et que le social se retrouve dans les cognitions et émotions des individus. Pour Moscovici, (1976) la représentation sociale est une instance qui : Se situe entre le concept et le percept. Contribue à la formation des conduites et à l’orientation des connaissances sociales ; Se caractérise par une focalisation sur une relation sociale et une pression à l’inférence (relations entre propositions) ; S’élabore dans les différentes modalités des communications ; Aboutit à des processus d’objectivation et de classification. C. Quelques définitions « Un système de valeurs, d’idées, et de pratiques ayant une double fonction ; premièrement, établir un ordre qui permettra aux individus de s’orienter dans leur monde matériel et social et de le maîtriser ; deuxièmement, permettre la communication entre les membres d’une communauté en leur fournissant des codes d’échanges sociaux et un code pour nommer et classer sans ambiguïté les différents aspects de leur monde et de leur histoire individuelle et collective » (Moscovici). 6 « La représentation est le produit et le processus d’une activité mentale par laquelle un individu ou un groupe reconstitue le réel auquel il est confronté, et lui attribue une signification spécifique » (Abric). « Une forme de connaissance, socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social » (Jodelet). « Les représentations sociales sont des principes générateurs de prises de position liées à des insertions spécifiques dans un ensemble de rapport sociaux et organisant les processus symboliques intervenant dans ces rapports » (Doise). S’il y a une multiplicité de définitions, on peut toutefois identifier des points communs. Les représentations sociales : Sont une forme de connaissance socialement élaborée et partagée. Ont une visée pratique : intégration de la réalité, mise en jeu dans la communication et les pratiques sociales. Si situent étroitement dans les rapports symboliques inter et intragroupes. D. Les dimensions / caractéristiques Quelle que soit son origine, la représentation sociale possède un certain nombre de caractéristiques. Ces caractéristiques sont les suivantes (Jodelet, 1984, 1989) : Il s’agit toujours d’une représentation d’un objet (personne, objet ou événement), dont elle tient lieu ; Elle a un caractère imageant et la propriété de rendre interchangeable le sensible et l’idée, le percept et le concept. Elle sert donc à rendre présent à l’esprit quelque chose d'absent. Elle a un caractère symbolique et signifiant : elle fait correspondre à toute figure un sens et à tout sens une figure. Elle a un caractère constructif (activité de construction, re-construction dans l’activité représentationnelle, dynamique représentationnelle) ; Elle est autonome et créative (relation entre représentations) ; Elle comporte toujours quelque chose de social : les catégories qui la structurent et l’expriment disposent d’un fond culturel. —> la communication Les représentations offrent aux individus « un code pour leurs échanges et un code pour nommer et classer de manière univoque les parties de leur monde, de leur histoire individuelle ou collective ». Les RS permettent donc de donner forme à la pensée sociale qui s’exprime dans les échanges quotidiens. Elles actualisent les connaissances qui servent de base à ces échanges : lien réciproque entre communications et représentations. 7 —> la (re)construction du réel Dans le champs d’étude des RS, l’individu est vu comme un acteur qui remodèle et catégorise les informations auxquelles il est confronté, et il ne le fait pas dans un vide social, il le fait en relation avec d’autres individus, et à partir d’objet qui sont socialement importants pour lui et autrui. « Les représentations nous guident dans la façon de nommer et définir ensemble les différents aspects de notre réalité de tous les jours, dans la façon de les interpréter, statuer sur eux et, le cas échéant, prendre une position à leur égard et la défendre ». —> la maîtrise de l’environnement L’ensemble des RS permettent aux individus de se situer dans leur environnement et de le maitriser. Cette possibilité de maitrise de l’environnement met en lumière l’utilité sociale de la représentation, son caractère fonctionnel pour les individus. Il faut voir dans ce caractère fonctionnel, que les RS sont utiles pour les individus, elles leur permettent de négocier l’incertitude, de s’adapter à leur environnement. E. Émergence et objets de représentation Moscovici a proposé initialement 3 conditions nécessaires à l’émergence d’une représentation sociale : La dispersion de l’information. La focalisation d’un groupe social particulier sur un aspect ou l’autre de l’objet. La pression à l’inférence. Moliner (1993) a proposé plusieurs critères pour qu’un objet puisse servir de base à une représentation sociale : Les spécificités de l’objet. Les caractéristiques du groupe. Les enjeux : identitaire, maintien de la cohésion sociale. La dynamique sociale. L’absence d’orthodoxie. F. Le contenu des représentations sociales L’information : une représentation se compose d’un ensemble d’informations. Ces informations sont les connaissances (au sens large du terme, connaissances scientifiques, objectives ou non) dont disposent les individus et groupes sociaux à l’égard de l’objet représenté. L’attitude : l’objet de la représentation fait l’objet d’une attitude générale qui témoigne d’une disposition plus ou moins favorables de l’individu et des groupes sociaux à son égard. 8 Le champ : renvoie au fait que les unités élémentaires d’information sur l’objet représenté sont organisées, articulées et hiérarchisées entre elles. « Les hommes ne vivent pas seulement d’information, il leur faut aussi des significations. » 9