Cours d'Action Administrative - Aziz SAIDI - Semestre 3 - 2024/2025 PDF

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These notes provide a summary of Action Administrative topics including Principles, Activities, Legal Mechanisms, and Control of Administrative Action. The document covers fundamental concepts and practical applications, especially in the context of the Moroccan legal framework.

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Action administrative Aziz SAIDI Maître de conférences Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales Fès Filière Droit privé Semestre 3 Section 01 Ann...

Action administrative Aziz SAIDI Maître de conférences Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales Fès Filière Droit privé Semestre 3 Section 01 Année universitaire 2024/2025 Action administrative 2 Aziz SAIDI Objectifs du cours - Offrir une compréhension des principes qui régissent l'action des administrations publiques ; - Explorer les différentes activités de l’administration (État, collectivités territoriales, établissements publics) - Étudier les principaux moyens d’action administrative (actes administratifs, contrats) ; - Étudier les différents types de contrôles sur l’action des différentes institutions administratives. Indications bibliographiques - BENABDALLAH (M.A.), Contribution à la doctrine du droit administratif marocain, REMALD, Collection Manuels et travaux universitaires n° 77, 2008, Volume 1. - DE LAUBADERE (A.) et autres, Droit administratif, L.G.D.J, 16ème éd, 2000 - ROUSSET (M.), GARAGNON (J.), Droit administratif marocain, revu et mis à jour par ROUSSET (M.) et BENABDALLAH (M.A.), REMALD, Thèmes actuels, n° 99, 2017 - ROUSSET (M.) et BENABDALLAH (M.A.), le service public au Maroc, REMALD, Collection Manuels et Travaux universitaires n° 109, 2015 Sitographie - https://www.lexisma.com.eressources.imist.ma/ - http://aminebenabdallah.hautetfort.com/ - https://www.remeje.ma/index2.php - https://www.lexisma.com.eressources.imist.ma/~~write/explorer/mandatoryOrigin=m aroc/type=journal/revue=remald/dateDesc Action administrative 3 Aziz SAIDI Sommaire Chapitre I : Principes fondamentaux de l’action administrative : - Le principe de légalité et de hiérarchie des normes - La continuité et l’adaptation du service public - L’égalité de tous devant le service public - La transparence et motivation des décisions administratives - Le contrôle de l’action administrative Chapitre II : Les activités de l’administration - La police administrative - Le service public Chapitre III : Moyens juridiques de l’action administrative : - Les actes administratifs unilatéraux - Les contrats administratifs Chapitre IV : Le contrôle de l’action administrative : - Le contrôle non-juridictionnel - Le contrôle politique - Le contrôle juridictionnel Action administrative 4 Aziz SAIDI Introduction L 'administration publique joue un rôle fondamental dans la gestion des affaires publiques et la mise en œuvre des politiques publiques au Maroc. Elle représente un nœud de relations entre les citoyens, l'Etat et les collectivités territoriales. Le domaine de l'action administrative représente un domaine crucial dans le cadre juridique du droit public. Il englobe l'ensemble des actes et décisions pris par les autorités administratives dans le but de répondre aux besoins des citoyens, d'organiser les services publics, de maintenir l’ordre public et d'assurer le développement socio-économique du pays. L’action administrative prend la forme d'interventions de l'administration publique, qui peuvent toucher différents domaines : sécurité publique, aménagement du territoire, éducation, santé, sport, culture, etc. Ce type d'action repose sur plusieurs principes fondamentaux parmi lesquels figurent la recherche de l’intérêt général, la continuité et le respect du principe de la légalité. L'action administrative doit toujours viser la satisfaction d'un objectif d'intérêt général, au-delà des intérêts particuliers. En outre, les autorités publiques sont soumises à la loi ; la fourniture des prestations de services publics et l’édiction des mesures de police administrative doivent être conformes aux règles juridiques en vigueur et l’exercice de ces activités est soumis au contrôle juridictionnel. L'objectif de l'action administrative est d'organiser la vie publique de manière à servir l'intérêt général. Elle veille à l'administration des services publics et l’édiction des mesures de police administrative en application de la législation en vigueur. En outre, elle veille aux relations entre l'administration et le public qu'elle sert, en s'assurant que les droits des citoyens sont respectés. Depuis plusieurs décennies, le Maroc est en train de procéder à une transformation radicale de son appareil administratif dans le but d’aligner l’action de son administration avec les standards internationaux en matière d’Etat de droit, de bonne gouvernance et de protection des droits des administrés. Les réformes en cours visent à renforcer la décentralisation et la déconcentration, à améliorer la qualité des services publics et à promouvoir la bonne gouvernance. A la lumière de ces considérations, l'administration marocaine s'efforce d'atteindre un équilibre entre l'exercice de l'autorité publique, la promotion des droits des citoyens et la gestion efficace des ressources dans un cadre démocratique et participatif. Action administrative 5 Aziz SAIDI La réforme de l'administration publique, notamment dans le cadre de la Constitution de 2011, a permis d'élucider un certain nombre de principes fondamentaux, dont ceux de la légalité et de la hiérarchie des normes, de l’égalité de tous devant la loi, de la transparence, de la reddition des comptes, de la décentralisation, de la déconcentration et de la bonne gouvernance. L'objectif de ces réformes est de renforcer le respect de la loi par l’administration, de consolider la proximité de celle-ci avec les citoyens, de protéger les droits de ses usagers, d'améliorer son efficacité et de garantir un meilleur alignement sur les nouvelles exigences économiques et sociales. Parallèlement, les contrôles hiérarchique et gracieux, politique et juridictionnel, de l’administration jouent un rôle important et indispensable dans la régulation de l’action administrative et la protection des droits des administrés. Toutefois, l'administration marocaine est encore confrontée à des défis importants en matière de modernisation, d'efficacité et de transparence. Action administrative 6 Aziz SAIDI Chapitre 1 : principes fondamentaux de l’action administrative L es principes fondamentaux de l'action administrative sont des règles juridiques qui régissent l'organisation et le fonctionnement de l'administration publique. Ils visent à assurer que celle-ci respecte le droit, tout en assurant le respect des droits des citoyens. Ces principes sont essentiels dans un État de droit, où l'administration ne peut agir arbitrairement mais doit se conformer à la loi et aux normes en vigueur. Toute décision ou action administrative qui violerait ces normes est susceptible d'annulation par le juge administratif. Voici les grands principes de l'action administrative : Section 1 : Principe de légalité et de hiérarchie des normes : L’Etat de droit repose essentiellement sur la soumission de l’administration à la légalité et à la hiérarchie des normes et signifie que toutes ses décisions doivent respecter les normes de l’échelon supérieur. La décision administrative qui concrétise les normes de tous les niveaux supérieurs doit respecter la norme que pose l’arrêté, celle-ci doit respecter la norme posée par le décret, cette dernière est tenue de respecter la norme législative et enfin toutes les normes édictées aux différents niveaux doivent se conformer à la Constitution1. Le principe de légalité est un concept fondamental en droit public en particulier en droit administratif. Il signifie que toute action administrative doit être conforme au droit. L'administration ne peut agir que dans les limites fixées par la loi, qu'il s'agisse de la Constitution, des lois, des règlements ou des principes généraux du droit. Ce principe garantit que l'administration ne dispose pas d'un pouvoir arbitraire et qu'elle est soumise au contrôle de légalité des juridictions administratives. Selon J. CHEVALLIER, le principe de légalité « signifie d’abord que le droit se présente sous la forme d’un ordre structuré et hiérarchisé »2. Il « domine incontestablement l’ensemble de la théorie des actes administratifs et demeure le plus connu des principes dont le respect s’impose à l’administration »3. Le souci majeur de cette soumission au droit « c’est la recherche constante de la sécurité des rapports qu’entretiennent les administrés avec l’administration »4. 1 C’est l’illustration expresse du principe de hiérarchie des normes de H. KELSEN. 2 J. CHEVALLIER, la dimension symbolique du principe de légalité, RDP, 1990, p. 1651 3 Ph. RAIMBAULT, Recherche sur la sécurité juridique en droit administratif français, p. 138 4 M.-A. BENABDALLAH, La discordance entre le droit et la pratique administrative, Op.cit., p. 79 et suiv. Action administrative 7 Aziz SAIDI Le principe de légalité établit un système de subordination absolue de l'administration aux règles juridiques, empêchant ainsi tout exercice d'un pouvoir arbitraire. En cas de non-respect, les actes administratifs peuvent être annulés par le juge administratif. Le cadre juridique de l'action administrative au Maroc est constitué d'une hiérarchie de normes, allant de la Constitution aux lois, règlements et jurisprudence qui régissent l'organisation et le fonctionnement de l'administration publique. Ce cadre traduit la volonté de structurer et de moderniser l'action de l'administration marocaine dans le respect de l'État de droit. 1. Les sources du principe de la légalité : L’administration est responsable de respecter une hiérarchie des normes qui sont la source de la légalité. Cette hiérarchie procède de la hiérarchie qui caractérise les organes de l’Etat dont émanent les diverses réglementations. En effet, « L’arrêté réglementaire d’un maire, tout en conditionnant la légalité des actes individuels d’application, est subordonné aux décrets réglementaires qu’il ne peut contredire »5. En outre, « la légalité est ainsi un cascade : les actes administratifs à portée générale sont à la fois soumis à la légalité et source de légalité »6. Ces sources sont formelles et informelles :  La Constitution : Il faut que toutes les lois, tous les règlements et tous les actes administratifs soient conformes à cette norme. Disposant que « Sont affirmés les principes de constitutionnalité, de hiérarchie et d'obligation de publication des normes juridiques»7, et pour la première fois que « tout acte juridique, de nature réglementaire ou individuelle, pris en matière administrative, peut faire l’objet de recours devant la juridiction administrative compétente »8, les articles 6 et 118 du texte de 2011 consacrent les principes de légalité et de hiérarchie des normes. Encore, l’article 145 de la Constitution accorde au wali de la région le pouvoir du contrôle de la légalité des délibérations du conseil et les ordres du président. Les litiges qui en découlent sont de la responsabilité du tribunal administratif. - Les traités internationaux ratifiés par le Royaume ont une valeur supérieure aux lois nationales. 5 DE LAUBADERE (A.) et autres, Droit administratif, L.G.D.J, 16 ème éd, 2000, p. 87 6 ibid 7 Article 6 de la Constitution de 2011 8 Article 118 de la Constitution de 2011 Action administrative 8 Aziz SAIDI - Les lois adoptées par le Parlement : les actes administratifs doivent être conformes à ces lois. - Règlements : ils comprennent des décrets, des arrêtés, des circulaires qui clarifient l’application des lois. - Les principes généraux du droit sont des principes non écrits qui ont été reconnus par le juge, comme la liberté individuelle ou l'égalité devant la loi. Ils sont reconnus par la jurisprudence comme s’imposant à l’administration sous peine d’illégalité. 2. Conséquences du principe de la légalité Le principe de légalité en droit administratif a des conséquences importantes sur l’organisation, le fonctionnement et les actions de l’administration. Ce principe a des implications non seulement sur la manière dont les autorités prennent leurs décisions, mais aussi sur les moyens par lesquels ces décisions peuvent être contestées et faire l'objet d'un réexamen. Encadrement de l’action administrative : L’adage selon lequel « administrer, c’est appliquer le droit » atteste de la soumission de la puissance publique au respect du droit. Le principe de la légalité impose une limitation stricte aux pouvoirs de l’administration. L’administration ne peut agir que dans les limites du pouvoir qui lui est conféré par le droit. L’acte administratif est juridiquement soumis, dans toutes les circonstances, à la légalité et « à un régime juridique dont le but est d’éviter deux dangers : que l’administration utilise cette prérogative de puissance publique dans un sens contraire à l’intérêt général, et qu’elle ne porte atteinte par son exercice aux droits des administrés »9. Si une autorité administrative dépasse le cadre de ses pouvoirs ou prend une décision sans base légale, elle peut être considérée comme agissant illégalement. Les principaux aspects de l’encadrement du pouvoir discrétionnaire de l’administration marocaine se manifestent à des niveaux multiples. D’abord, au niveau de la compétence, en imposant à toute décision, même en opportunité, d’être au moins compatible avec la loi. A défaut, l’incompétence représentera ce qui s’appelle « détournement de pouvoir ». Ensuite, au niveau de la procédure, le manquement à certaines règles de procédures (par exemple en matière d’expropriation et de fonction publique) constitue une limite du libre pouvoir de l’administration puisqu’elle est soumise au respect d’une procédure préparatoire de l’acte administratif qui pourrait à la fois être prescrite ou non prévue par la loi à l’instar des principes 9 ROUSSET (M.), GARAGNON (J.), Droit administratif marocain, revu et mis à jour par ROUSSET (M.) et BENABDALLAH (M.A.), REMALD, Thèmes actuels, n° 99, 2017. p. 437 Action administrative 9 Aziz SAIDI généraux du droit10. Et enfin au niveau des conditions du fond, ce libre pouvoir est soumis au respect par exemple de la condition de l’utilité publique, de l’âge pour l’accès à la fonction publique, à la justification de la nécessité de service en droit de la fonction publique, etc. Exemple : - Une collectivité territoriale ne peut pas prendre une décision dépassant ses compétences légales La protection des citoyens et limitation de l’arbitraire : Le principe de légalité protège l'individu contre les abus de pouvoir de l'administration publique. Il empêche l’administration de prendre des décisions arbitraires ou excessives. L’une des manifestations de cette protection est que les autorités administratives ne peuvent pas mettre en œuvre des mesures disproportionnées par rapport aux objectifs qu'elles poursuivent. Par exemple : Une sanction imposée à un fonctionnaire ou à un étudiant par les autorités compétentes doit être proportionnelle à l'infraction commise. Chose qui garantit les droits des citoyens en leur permettant de contester les décisions illégales devant les tribunaux. Obligation de motivation des décisions administratives : Afin de garantir la légalité de leurs décisions, les autorités administratives sont souvent tenues de justifier et motiver leurs actions, ce qui permet d'élucider le raisonnement qui sous-tend la décision en question. La motivation peut être définie comme « le fait de préciser et de communiquer aux intéressés les motifs des décisions administratives édictées par l’administration »11. Cela permet aux citoyens de comprendre le fondement juridique d'une décision et, le cas échéant, de la contester. Cette obligation de transparence sert à renforcer la responsabilité de l'organe administratif et à décourager les mauvaises pratiques. La motivation répond à l’exigence de l’état de droit qui interdit l’agissement de l’administration dans le secret et impose à l’administration de communiquer les motifs de ses actes. Il est sans doute une exigence rationnelle, mais c’est aussi une garantie contre l’arbitraire. 10 C’est le cas de la jurisprudence française du Conseil d’État français qui retient comme condition de la légalité, des règles de forme non prévues par la loi, mais résultent des principes généraux du droit (droit d’être entendu à titre d’exemple,…). 11 M. EL YAAGOUBI, la motivation des décisions administratives au maroc (la loi 03-01), Almaarif Eljadida, 2011, p. 15 Action administrative 10 Aziz SAIDI Ce sont les textes12 et le juge qui imposaient l’obligation de motivation des actes de l’administration. La motivation des décisions administratives individuelles défavorables est rendue obligatoire par la loi 03-0113 et prévue dans des lois organiques portant notamment sur les collectivités territoriales, de la loi n° 13-31 relative au droit d’accès à l’information et la loi n° 55-19 relative à la simplification des procédures et formalités administratives, etc. Évolution et adaptation du droit administratif : Bien qu’il impose une rigidité de l’action administrative, le principe de légalité ne signifie pas que les lois sont immuables. Elles peuvent évoluer pour répondre aux besoins sociaux et économiques. Mais tout changement doit respecter le processus législatif et des normes plus élevées. Exemple : intégration des nouvelles technologies de l’information et de la communication dans l’organisation et le fonctionnement des services publics Contrôle des décisions administratives : Il est envisageable que le juge administratif contrôle toute décision administrative afin de s'assurer qu'elle respecte bien la légalité. Si un acte administratif va à l'encontre du droit, il peut être annulé par le juge. Exemple : Il incombe ainsi au tribunal administratif de statuer lorsqu’il est saisi par le ministre de l’intérieur sur la nullité de droit, définit par l’article 112-3° qui est l’unique motif d’annulation des actes des organes de la région14. Aussi, en vertu de la loi organique n° 29-11 relative aux partis politique, l’autorité gouvernementale chargée de l’intérieur a le droit de saisir la justice lorsque le parti politique ne respecte pas les formalités prévues dans la loi15. 12 Voir la décision Royale du 14 juin 1989 avait imposé la motivation du refus d’agrément d’un investissement industriel 13 Dahir n° 1-02-202 du 12 joumada I 1423 (23 juillet 2002) portant promulgation de La loi n° 03-01 relative à l'obligation de la motivation des décisions administratives émanant des administrations publiques, des collectivités locales et des établissements publics (B.O, n°5030 du 15 août 2002, p. 882). 14 Dahir n° 1-15-83 du 20 ramadan 1436 (7 juillet 2015) portant promulgation de la loi organique n° 111-14 relative aux régions (BO n° 6440 du 9 Joumada I 1437 (7 juillet 2015) 15 Ces formalités se réfèrent aux dispositions claires de la loi qui définissent des règles relatives au financement et à la comptabilité du parti et prévoient le respect par celui-ci de la tenue régulière de ses congrès, la création d’organes d’arbitrage et de contrôle financier, la nécessité pour les statuts de prévoir un pourcentage réservé aux femmes et aux jeunes dans les instances dirigeantes du parti, etc. Voir pour plus de détails O. BENDOUROU, La nouvelle loi marocaine relative aux partis politiques, L’Année du Maghreb, II, 2005-2006, mis en ligne le 08 juillet 2010, consulté le 25 juillet 2019. URL : http://journals.openedition.org/anneemaghreb/126 Action administrative 11 Aziz SAIDI Responsabilité de l’administration Le non-respect du principe de légalité peut entraîner la responsabilité de l’administration. Dans le cas où un acte administratif illégal cause un préjudice à un administré de l’administration, la personne peut demander réparation. En cas d’erreur administrative, de défaillance ou de dérive qui cause un dommage, l’administration peut être tenue d’indemniser le citoyen. 3. Les limites et exceptions du principe de la légalité : Il existe certaines limites du principe de la légalité : Les actes du gouvernement : Certaines décisions ne sont pas soumises à un contrôle juridictionnel, notamment en matière diplomatique ou de sécurité nationale. La jurisprudence marocaine a rarement eu l’occasion de se référer à cette théorie. On peut citer le fameux arrêt de la Cour suprême “Sté propriété agricole Abdelaziz” (C.S.C. 20 mars 1970, Revue juridique et politique, Indépendance et coopération, n° 3, 1970, p. 541 et la note). Encore, l’arrêt de la Cour suprême du 30 avril 1959 (Fédération nationale des syndicats de transporteurs routiers du Maroc, R., p. 47) a fait allusion à cette théorie d’une manière négative en énonçant que : « Enfin, cette décision n’est pas au nombre des actes de la puissance publique qui, en raison des autorités qu’ils mettent en cause en échappent à toute procédure juridictionnelle ». Une décision du tribunal administratif de Rabat consacre cette existence positivement en décidant que l’ouverture d’un bureau israélien à Rabat par une décision du gouvernement, ne pouvait faire l’objet d’un recours en annulation pour excès de pouvoir car « de tels actes sont considérés comme actes de gouvernement qui ne sont pas soumis au contrôle juridictionnel »16. C’est le cas des actes faits par le Roi sans contreseing en période normale et période exceptionnelle, les actes concernant les rapports du gouvernement avec le parlement et les actes concernant les rapports avec les Etats étrangers. Les circonstances exceptionnelles En temps de crise, comme en cas de pandémie ou de catastrophe majeure, les autorités peuvent être contraintes de mettre en œuvre des mesures qui, dans des circonstances normales, seraient considérées comme illégales. Dans certains cas, un libre pouvoir est accordé aux autorités 16 (TA Rabat, 8 mars 2001, Belouad, et la note M.A. Benabdallah, « L’inutilité de la théorie des actes de gouvernement dans la jurisprudence marocaine », REMALD, n° 41, 2001, p. 133). Action administrative 12 Aziz SAIDI administratives pour mettre en œuvre leurs actions comme c’est le cas en temps de Covid-19. Il se concrétise soit par ou en l’absence d’une loi ou en raison de l’imprécision des dispositions juridiques. L’administration dispose d’un libre pouvoir pour prendre ses décisions dans le cas où la loi est muette. Cette liberté est consacrée par le décret-loi instaurant l’état d’urgence sanitaire en faveur des autorités publiques locales en ce qui concerne les mesures à prendre pour lutter contre la Covid- 19. Dans ces cas, le pouvoir discrétionnaire se trouve renforcé mais pas au point de faire fi des droits des administrés et de leur sécurité juridique. La marge de manœuvre dont dispose l’administration n’est pas absolue grâce à l’encadrement de ce libre pouvoir qui s’est imposé au fil des années. Il est en effet inacceptable que l’administration ne respecte pas les décisions rendues par le juge. Dans son arrêt de 1967, Aboukacem Alaoui, la Cour a affirmé que : « La méconnaissance par l’administration des jugements passés en force de chose jugée constitue, sauf circonstances exceptionnelles, une violation des lois fondamentales d’organisation et de procédure judiciaire dont l’ordre public impose le respect… ». Toutefois, la théorie des circonstances exceptionnelles « ne signifie pas que, dans des circonstances en question, le principe de légalité n’existe plus, elle signifie seulement qu’à la légalité normale est substitué une légalité élargie, une légalité de circonstances exceptionnelles dont le juge apprécie lui-même le contenu et les limites »17. En effet, les actes pris sur la base des circonstances exceptionnelles sont susceptibles de recours devant les juridictions compétentes. Section 2 : Continuité et adaptation du service public 1. Définition Les services publics doivent avoir un caractère permanent et leurs prestations doivent bénéficier à tous les destinataires, tout en étant capables de s’adapter aux besoins changeants qui ont conduit à leur création. Le principe de continuité du service impose à l’autorité responsable l’obligation de faire fonctionner le service indépendamment des difficultés rencontrées. Il s’agit d’un principe fondamental de la théorie des circonstances exceptionnelles, qui repose sur la nécessité d’assurer la continuité du service lorsque cela est nécessaire en négligeant les 17 DE LAUBADERE (A.) et autres, Droit administratif, L.G.D.J, 16 ème éd, 2000, p. 96 Action administrative 13 Aziz SAIDI obligations découlant du principe de légalité dans des circonstances normales. Les usagers doivent pouvoir accéder aux services publics sans perturbations, en particulier pour les services essentiels comme les soins de santé, l’approvisionnement en eau ou en électricité, etc. Si l’on se réfère à l’article 154 de la Constitution qui dispose que les services publics doivent être organisés notamment « sur la base de la continuité des prestations rendues », l’autorité administrative a donc le devoir d’assurer le fonctionnement régulier du service, et à ce devoir correspond le droit des bénéficiaires du service d’en obtenir des prestations continues. Il en résulte que « le refus de faire fonctionner le service peut être contesté devant le juge de l’excès de pouvoir ; de la même manière, si le non fonctionnement du service entraîne un dommage, la responsabilité de la collectivité publique peut être mise en cause »18. Dans ce sens, l’article 157 de la Constitution a prévu l’élaboration d’une charte de services publics pour fixer « l’ensemble des règles de bonne gouvernance relatives au fonctionnement des administrations publiques, des régions et des autres collectivités territoriales et des organismes publics ». La loi n° 54.19 portant charte des services publics fut adoptée et publiée le 22 juillet 2021. L’organisation du service public, et les procédures de fonctionnement qui le définissent, doivent pouvoir être modifiées pour s’adapter à l’évolution des exigences d’intérêt général. L’illustration la plus frappante du principe d’adaptation au cours des dernières années est l’introduction de l’informatique dans l’administration publique19. Le principe susmentionné a pour conséquence qu’aucun individu ne peut revendiquer un droit acquis de maintenir les conditions d’organisation ou de fonctionnement du service qui prévalaient au moment du premier contact. Cela s’applique à toutes les parties impliquées dans le service, y compris le personnel, les utilisateurs et les fournisseurs de services. Parmi les prescriptions juridiques imposant ce principe, on peut citer : La notion de dépenses obligatoires dans la réglementation budgétaire des collectivités territoriales qui vise à assurer le fonctionnement des services publics essentiels à la vie de la collectivité et ses habitants Si au 31 décembre, la loi de finances de l'année n'est pas votée ou n'est pas promulguée, le gouvernement ouvre, par décret, les crédits nécessaires à la marche des services publics et à l'exercice de leur mission, en fonction des propositions budgétaires soumises à approbation, et 18 M. ROUSSET, J. GARAGNON, Droit administratif marocain, Op. cit., p. 371 19 ibid, p. 378 Action administrative 14 Aziz SAIDI L’obligation faite aux fonctionnaires d’exercer leurs fonctions de manière continue. Le refus de faire fonctionner le service public peut être contesté devant le juge de l’excès de pouvoir et de pleine juridiction si le non fonctionnement cause un préjudice 2. Exceptions au principe de continuité du service public Le principe de continuité du service public se heurte à la reconnaissance du droit de grève et à des circonstances exceptionnelles. L’exercice du droit de grève peut entrainer des interruptions dans le fonctionnement des services publics (Santé, éducation, justice, …). Au Maroc, une loi organique est prévue dans la constitution de 1962 et par l’article 29-2° de la Constitution de 2011 pour concilier les deux principes de continuité des services publics et le droit de grève. Il existe de services assurant la sécurité et l’ordre public dont le personnel ne peut faire grève (personnel des Forces armées royales, Forces de police, Forces auxiliaires, administrateurs de l’intérieur, administration pénitentiaire). L’interdiction d’exercer le droit de grève, droit garanti par la Constitution, ne peut apparaître légitime que dans la mesure où elle est indispensable pour assurer le fonctionnement des services publics essentiels pour le maintien de l’ordre public et de la sécurité de la collectivité20. En cas de catastrophe naturelle imprévue, d’agitation sociale ou d’apparition d’une épidémie ou d’un phénomène météorologique extrême, il peut être nécessaire de suspendre temporairement les services publics afin d’assurer la sécurité et le bien- être de la population. Des fermetures temporaires pour des raisons d’entretien, de rénovation ou de modernisation (Infrastructures publiques tels que les routes, les réseaux eaux et électricité,…) : En cas de manifestations publiques, de grèves nationales ou d’agitation sociale, la fermeture temporaire de certaines administrations ou infrastructures peut être justifiée pour des raisons de sécurité ou de protection de la population. 20 ROUSSET (M.), GARAGNON (J.), Op.cit,, p. 374 Action administrative 15 Aziz SAIDI Au cours des grandes fêtes religieuses (comme le ramadan, l’aïd al-Adha ou l’aïd al- Fitr), certains services publics modifient leurs horaires et réduisent leur niveau de prestation de services. Section 3 : L’égalité de tous devant le service public Il s’agit d’un principe fondamental et une valeur essentielle du droit administratif. Il garantit que tous les usagers d’un service public doivent être traités de manière égale sans discriminations, dans des situations similaires (Education, santé,…). Pour une même demande ou un même service, le traitement administratif ne doit pas varier en fonction de critères subjectifs ou discriminatoires. L'égalité dans les services publics indépendamment du sexe des usagers, de leur origine sociale, ou de leur condition financière, est indispensable afin de garantir un traitement équitable à tous les citoyens, tout en tenant compte des circonstances exceptionnelles qui peuvent nécessiter des adaptations, telles que la particularité d’un service public comme la santé militaire, les différences de situation justifiant un traitement différent (Bourses, aides sociales, des tarifs réduits pour des groupes spécifiques,…). L’article 6 de la Constitution de 2011 dispose que « la loi est l’expression suprême de la volonté de la nation. Tous, personnes physiques ou morales, y compris les pouvoirs publics » devant la loi et l’obligation de s’y soumettre. L’article 19 proclame l’égalité de l’homme et de la femme et 31 proclame l’égal accès des citoyennes et citoyens à de nombreux services publics y compris la fonction public. Encore, l’article 39 proclame l’égalité devant les charges publiques. L’article 154 de la Constitution de 2011, « les services publics sont organisés sur la base de l’égal accès des citoyennes et citoyens, de la couverture équitable du territoire national et de la continuité des prestations rendus ». Les postes de secrétaire général, de directeur et d’agents exerçant des fonctions similaires sont nommés à la discrétion du gouvernement mais doivent satisfaire à un certain nombre de conditions relatives aux principes d’égalité des chances, de non-discrimination et d’égalité entre les sexes, le mérite, la compétence et la transparence, tels qu’ils sont énoncés dans la loi organique 02-12 du 17 juillet 2012 (B.0. 2012, p. 2487), prévue aux articles 49 et 92 de la Constitution. Si un usager estime qu’il a été discriminé ou traité de manière inégale par l’administration, il peut engager un recours en annulation pour excès de pouvoir devant un tribunal administratif. En effet, le juge a sanctionné les discriminations lorsqu’il était saisi. C’est le cas d’une décision de la Cour suprême lorsqu’elle a décidé qu’un règlement qui prévoit l’attribution aux médecins Action administrative 16 Aziz SAIDI de santé publique d’un avantage, doit faire l’objet d’une application identique à tous ces médecins, quel que soient leur nationalité et leur statut (CSA n° 201, Reno, 21/6/1990). Section 4 : Transparence et motivation des décisions administratives Tout acte administratif doit avoir des motifs de son édiction. La motivation peut être définie comme « le fait de préciser et de communiquer aux intéressés les motifs des décisions administratives édictées par l’administration »21. Elle est une occasion pour l’administration d’argumenter ses actes aux administrés et de leur expliquer sa démarche juridique ; et est une expression significative du droit de compréhension de l’administration qui incarne l’Etat qui doit rendre compréhensibles ses normes. La motivation est devenue une condition indispensable pour garantir une meilleure information des administrés et un contrôle efficace des motifs de l’acte. En effet, l’acte motivé permet à ses destinataires d’apprécier s’il y’a matière à contentieux et nombre de procès inutiles peuvent être évités22. Avant 2002, dès lors que l’administration marocaine disposait du pouvoir d’accorder un avantage quelconque ou de le refuser, le législateur a exigé la motivation de certains actes administratifs23. Ce n’est qu’en 2002 que la loi n° 03-01 du 23 juillet 2002 relative à l’obligation de motivation des décisions administrative défavorables a été promulguée. Il s’agit d’un texte fondamental qui élargit les cas de motivation obligatoire imposée aux autorités administratives et impose à celles-ci « l’obligation d’extérioriser les motifs dans la décision même »24. Cette loi « apparait donc comme l’aboutissement logique d’une politique plus globale »25 qui tend de plus en plus vers la limitation de l’arbitraire administratif et la protection des droits des administrés. Désormais, toutes les décisions administratives individuelles défavorables qui se rattachent aux rubriques prévus par l’article 2 de la loi précitée doivent être motivées26. Cette obligation est aussi confirmée dans la loi 31.13 relative au droit d’accès à 21 M. EL YAAGOUBI, Op. cit., p. 15 22 Ph. RAIMBAULT, Recherche sur la sécurité juridique en droit administratif français, Op. cit., p. 161 23 Par exemple l’art. 12, 3e du dahir portant loi du 20/9/1976 (B.O. 1976, p. 1026) qui impose au ministre de l’Agriculture l’obligation de motiver le refus de visa de certaines délibérations du conseil communal en matière forestière. La loi du 7 août 1997 (B.O, 1997, p. 866) relative à la poste et aux télécommunications. La loi du 26 janvier 1995 (B.O, 1995, p. 117) relative aux zones franches d’exportation. La loi du 5 juin 2000 (B.O, 2000, p. 645) sur la liberté du commerce et des prix. La loi sur l’eau du 16 août 1995 (B.O, 1995, p. 626) 24 M. EL YAAGOUBI, Op. cit., p. 17 25 Ibid. p. 19 26 Il énonce que « Outre les décisions administratives qui doivent être motivées en vertu de la législation et de la réglementation en vigueur, et sous réserve des dispositions des articles 3 et 4 de la présente loi, doivent être motivées les décisions administratives suivantes : Les décisions liées à l'exercice des libertés publiques ou celles présentant un caractère de police administrative. Action administrative 17 Aziz SAIDI l’information et l’article 4 de la loi n°55-1927 relative à la simplification des procédures et des formalités administratives. En lien avec les marchés publics, l’alinéa 2, de l’article 46 du décret sur les marchés publics dispose que : « de même le procès-verbal indique les motifs d’élimination des concurrents évincés et les critères sur lesquels la commission s’est fondée pour proposer au maître d’ouvrage de retenir l’offre qu’elle juge économiquement la plus avantageuse ». encore, l’alinéa 5 de l’article 46 précise qu’ « Un extrait du procès-verbal est publié sur le portail des marchés publics et affiché dans les locaux de l'organisme dont relève le maître d'ouvrage, dans les vingt-quatre heures suivant la date d’achèvement des travaux de la commission. La durée d’affichage de cet extrait est de quinze jours au moins ». A cet égard, l’administration marocaine est tenue d’inscrire tous les motifs de fait et de droit qui ont déterminé le sens de ses décisions28. Du point de vue jurisprudentiel, le juge exigeait la motivation dès lors que l’administration prenait une décision de sanction (CSA, 20 novembre 1988, gouverneur de Fès c/Société marocaine de transport rural). En effet, le refus de communiquer les motifs était considéré comme une présomption d’inexistence ou d’irrégularité de ceux-ci. De plus, le tribunal administratif de Casablanca juge quant à lui, que le « refus de l’octroi de la force publique pour l’exécution d’un arrêt d’appel au motif que les circonstances opportunes ne sont pas réunies sans pour autant les expliciter, est entaché d’excès de pouvoir pour absence de motivation » (dossier n° 44-97 du 10/2/1997). La motivation n’est pas absolue. En effet, l’article 3 exclut l’obligation de motiver s’il s’agit des « décisions administratives relatives à la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat » et des cas de nécessité ou de circonstances exceptionnelles (art. 4) empêchant la motivation. Les décisions administratives qui infligent des sanctions administratives ou disciplinaires. Les décisions administratives qui subordonnent à des conditions restrictives particulières l'octroi d'une autorisation, d'une attestation ou de tout autre document administratif, ou imposent des sujétions non prévues par la loi ou le règlement. Les décisions qui retirent ou abrogent une décision créatrice des droits. Les décisions administratives qui opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance de droit. Les décisions administratives qui refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions pour l'obtenir. » 27 Dahir n° 1-20-06 du 11 rejeb 1441 (6 mars 2020) portant application de la loi n° 55-19 relative à la simplification des procédures et des formalités administratives (B.O 6866 du 6 mars 2020) (En langue arabe) 28 Le Wali, en cas de constatation de nullité absolue de droit dans le cadre de son contrôle administratif des délibérations du conseil régional, est tenu de notifier son opposition motivée au président dans un délai de trois jours. Action administrative 18 Aziz SAIDI Section 5 : Le contrôle de l’action administrative Les citoyens ont la possibilité de contester une décision administrative devant les autorités administratives ou les juridictions administratives 1. Recours gracieux et hiérarchique Un citoyen peut d'abord demander un réexamen de la décision par l'administration (recours gracieux) ou faire appel à une autorité supérieure (recours hiérarchique). 2. Le contrôle hiérarchique et interne Il s’agit d’un contrôle exercé par les supérieurs hiérarchiques ; il vise le respect par les agents de l’administration de la légalité. Le supérieur hiérarchique supervise et corrige les actions des agents sous sa responsabilité ; il peut même annuler ou réformer certaines décisions accomplis par ces agents. Le gouverneur qui, en vertu de l’article 145 de la Constitution, est chargé d’exercer le contrôle administratif sur les délibérations du conseil et sur les arrêtés du président du conseil (droit d’expropriation, …) « Au nom du gouvernement, ils assurent l’application des lois, mettent en œuvre les règlements et les décisions gouvernementaux et exercent le contrôle administratif ». Au nom du gouvernement, il assure l’application des lois, met en œuvre les règlements et les décisions gouvernementaux et exerce le contrôle administratif. Pour permettre au gouverneur d’exercer ce contrôle, une copie des procès-verbaux des sessions et des délibérations ainsi que des arrêtés réglementaires du président doit lui être notifiée contre récépissé dans les dix jours de la clôture des sessions ou de la prise des arrêtés du président. En outre, le travail des inspections général vise aussi à contrôler la gestion et les performances des services publics. Tous les litiges qui peuvent naître à l’occasion de la mise en œuvre du contrôle administratif relèvent de la compétence de la juridiction administrative siégeant en référé ou au fond. 3. Le contrôle financier Il s’agit d’un contrôle des dépenses de l’administration. La cour des comptes contrôle l’usage des fonds publics et de s’assurer de la bonne gestion financière de l’administration. Il est exercé aussi sur la préparation et l’exécution des budgets par les services du ministère des finances. Action administrative 19 Aziz SAIDI 4. Le contrôle parlementaire Il s’exerce à travers les questions des parlementaires sur le fonctionnement de l’administration et ses actions. En effet, les commissions d’enquêtes peuvent être crées lorsqu’il y’a suspicion de dysfonctionnement ou de mauvaise gestion. Les parlementaires contrôlent également l’utilisation des fonds publics par l’administration et la gestion des finances publiques 5. Le contrôle juridictionnel Il consiste à réguler l’action administrative en vérifiant la légalité des actes administratifs et protégeant les droits des citoyens. Le juge administratif marocain attache un intérêt particulier à la légalité et au respect de la loi. En effet, la cour de cassation a censuré plusieurs décisions dont l’objet n’était pas conforme à la règle de droit29. Il existe deux types de recours dont disposent les usagers pour attaquer l’administration devant le juge : le recours pour excès de pouvoir et le plein contentieux ou le recours en indemnité. Le premier consiste à demander à un tribunal administratif l'annulation d'un acte administratif qu’un administré considère comme illégal. Le second est un recours qui permet la condamnation de l’administration à verser une indemnité pour les préjudices qu’elle cause aux particuliers. Du point de vue jurisprudentiel, l’annulation de la sanction entraîne à la charge de l’administration l’obligation de reconstituer la carrière de l’intéressé, dans la mesure évidemment où celle-ci a été troublée par la sanction illégale ; la reconstitution de carrière se fait sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir (C.S.A. 18/7/1963, Mallie, R., p. 183). 6. Contrôle par des institutions constitutionnelles  Le médiateur : une institution indépendante chargée de traiter les plaintes des citoyens qui estiment avoir été lésés par une décision administrative.  Le conseil de la concurrence : Il est responsable du contrôle des pratiques anticoncurrentielles et des abus de position dominante, y compris celles qui peuvent relever de la responsabilité de l’administration. 29 C’est le cas de l’annulation des sanctions disciplinaires qui ne figurent pas sur la liste de celles qui peuvent légalement être prononcées, du refus de réintégrer un agent alors que la loi permet cette réintégration, etc.. Action administrative 20 Aziz SAIDI  Autorité nationale de probité, de prévention et de lutte contre la corruption (INPPLC) : Elle œuvre à promouvoir l’intégrité et à lutter contre la corruption dans les institutions publiques et privées, y compris les pratiques administratives. Action administrative 21 Aziz SAIDI Chapitre II : Activités de l’action administrative Il existe deux types d’activités de l’administration : le premier renvoie aux actions de l’administration sur l’organisation des activités des individus dont le but est de préserver l’intérêt général et de maintenir l’ordre public incarné par les mesures de police administrative ; le deuxième type consiste à fournir des prestations au profit des administrés et renvoie au service public. Section 1 : Police administrative 1. Définition L’ensemble des actions de l’administration qui ont pour but d’assurer le maintien de l’ordre public par une réglementation des activités des individus, des associations et des sociétés. On constate que la notion de police administrative n'est pas une entité homogène. Si la police administrative générale tend à ordonner les activités des particuliers conformément aux exigences de l'ordre public, elle s'accompagne d'un phénomène distinct, à savoir la police spéciale, qui concerne certaines activités ou certains individus seulement, qui sont tenus de se conformer à des réglementations spécifiques. A côté du régime de police normale applicable aux circonstances normales, existe des régimes de police exceptionnels pour les périodes exceptionnelles comme l’état d’exception et l’état de siège. La définition de la police administrative requiert la clarification d’un autre concept dont elle est intrinsèquement lié à savoir la notion de l’ordre public. 2. Définition de l’ordre public L’ordre public est une notion dont les contours sont flous et le contenu difficile à déterminer. La notion d’ordre public renvoi au bon fonctionnement des institutions, indispensable à la collectivité. Il s’agit d’un ordre qui ne porte pas atteinte aux droits et aux libertés fondamentales. Jean Carbonnier affirme que : « l’idée générale est celle d’une suprématie de la collectivité sur l’individu. L’ordre public exprime le vouloir-vivre de la nation que menaceraient certaines initiatives individuelles en forme de contrats ». Les composantes classiques de l’ordre public sont :  La sécurité publique (prévention des accidents, des catastrophes, etc.).  La tranquillité publique (réduction des nuisances sonores, manifestations, etc.). Action administrative 22 Aziz SAIDI  La salubrité publique (hygiène, prévention des épidémies, gestion des déchets, etc.) Dans son acception contemporaine, l’ordre public est défini en termes généraux comme toutes les questions relatives a : 1. Ordre public matériel : une notion objective qui implique la tranquillité (Bruit,…), la salubrité publique (Hygiène, prévenir les risques de maladies…) et la sécurité (prévenir les accidents,…) 2. Ordre public immatériel : une notion subjective qui implique la dignité humaine (Respect de l’être humain) et moralité publique (Protection de l’Etat moral de la collectivité, films) 3. Distinction entre police administrative et police judiciaire : La police administrative : La police administrative est caractérisée par son caractère préventif. Elle intervient en amont avant l’infraction par des mesures appropriées de contrôles et de régulation pour prévenir les atteintes et les troubles susceptibles de compromettre l’ordre public. Exemple : - Régulation de la circulation, interdiction de rassemblements, fermeture d’établissements dangereux,… Les autorités de la police administrative sont diverses. Il s’agit des autorités administratives (Chef du gouvernement (possibilité de délégation aux ministères), Agents d’autorités locaux, et autorités décentralisées (président du conseil communal). Il est interdit de déléguer l’exercice des pouvoirs de police administrative à des personnes de droit privé. Les mesures de police administrative sont contrôlées par le juge administratif. La police judiciaire : L’action de la police judiciaire est au contraire répressive consistant en la recherche des auteurs des infractions aux lois pénales, leur arrestation et leur présentation devant les juridictions. L’action de la police judiciaire intervient après l’infraction pour enquêter et réprimer. Cela n’écarte pas le fait qu’elle peut revêtir un caractère préventif. Action administrative 23 Aziz SAIDI Les agents investis de pouvoirs de police judiciaire interviennent par des enquêtes, des arrestations, perquisitions après autorisation judiciaire et saisies. Les officiers de police judiciaire sont placés sous la direction du procureur du Roi (art. 42, C.P.P.) et le parquet général surveille leurs activités (art. 51) et le parquet général. Les pachas et caïds qui ont une compétence générale pour constater toute infraction à la loi pénale et en rechercher les auteurs, ce qui leur confère la qualité d’officier de police judiciaire. Il existe des opérations de police judiciaire comme celles qui relèvent de la police administrative qui font appel au même personnel. Il existe des agents publics qui peuvent également se voir confier certaines fonctions de police judiciaire dans le domaine de leur activité. C’est le cas notamment des agents des Eaux et Forêts, des officiers commandants de port et leurs adjoints, des inspecteurs et inspecteurs- adjoints des chemins de fer 4. Catégories de police administrative Le pouvoir de police administrative se distingue en plusieurs catégories selon sa finalité, son champ d’application, et son autorité compétente. Chaque catégorie vise le maintien de l’ordre public dans l’intérêt général à travers la garantie de la sécurité, de la tranquillité, et de la salubrité. Police administrative générale Un pouvoir de police est pouvoir de police générale de police lorsque son objet est de préserver l’ordre public, qui est défini en termes généraux comme toutes les questions relatives à la sécurité, à la tranquillité et à la salubrité publique. Pour atteindre cet objectif, l’autorité dotée de pouvoirs de police peut exiger que toute activité soit conforme à ses exigences. Ordonner les activités des particuliers aux exigences de l’ordre public. Les pouvoirs de police administrative nationale s’exercent sur l’ensemble du territoire national ou pour des intérêts supérieurs, tandis que la police locale intervient sur un territoire limité. Police administrative spéciale Elle renvoi à la réglementation d’activités spécifiques ou de domaines particuliers nécessitant un régime spécifique de contrôle ou de restriction. Il s’agit des mesures qui concernent certaines activités ou certains individus seulement auxquels est imposé le respect de prescriptions spéciales. Action administrative 24 Aziz SAIDI Le champ d’application de la police administrative spéciale est strictement défini par un texte juridique. Certaines polices spéciales visent également la préservation de l’ordre public au sens large. L’autorité investie de ce pouvoir varie en fonction du domaine concerné. Exemple : La police de la chasse ou celle de la pêche, qui tend à la préservation des espèces et la lutte contre leur destruction La police économique qui permet d’assurer la moralité des transactions commerciales, la lutte contre la fraude ou la spéculation Les polices spéciales pour la protection de la ressource en eau, la protection du domaine public maritime ou celle de l’environnement (Loi portant charte de l’environnement et du développement durable) Police de l’urbanisme La police des monuments, des sites culturels,… 5. Les exceptions Il existe deux régimes exceptionnels. Ils sont prévus par les articles 59 et 74 de la Constitution de 2011. Etat d’exception : En vertu de l’article 59 de la Constitution de 2011, Le roi peut assumer les pouvoirs qui lui sont normalement conférés par règlement ou loi. Il faut que l’intégrité du territoire soit menacée ou que des événements entravent le fonctionnement régulier des institutions constitutionnelles. Le Parlement ne peut être dissous pendant la durée de l’Etat d’exception et les libertés et droits fondamentaux demeurent garantis. Etat de siège : Déclaré par dahir contresigné par le Chef du Gouvernement pour une durée de trente jours ; la prolongation de cette durée doit être décidée par la loi. La conséquence principale de la proclamation de l’état de siège est de confier aux autorités militaires les pouvoirs précédemment détenus par les autorités civiles en matière d’ordre public et de paix. Les juridictions militaires sont alors compétentes pour juger les auteurs d’infractions contre la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat Action administrative 25 Aziz SAIDI 6. Les autorités de la police administrative Les autorités générales de la police administrative : Le roi en présidant le Conseil des ministres ou pendant l’état d’exception peut exercer le pouvoir de police administrative. Le chef du gouvernement, indirectement le ministre de l’intérieur à travers ses directives et les autorités locales exercent les pouvoirs de police administrative générale. Le chef du gouvernement Au niveau national, à l’exception des circonstances exceptionnelles (telles que définies par l’article 59), le chef du gouvernement est habilité à exercer les pouvoirs de la police générale. C’est en vertu de l’article 90 de la Constitution que le pouvoir réglementaire lui est expressément attribué. En vertu de l’article 89 de la constitution, le gouvernement exerce le pouvoir exécutif sous l’autorité du Chef du gouvernement et assure l’exécution des lois. En outre, le chef du gouvernement peut de prendre par décret applicable à l’ensemble du territoire les mesures nécessaires pour faire respecter l’ordre public ; les actes réglementaires du Chef du gouvernement doivent être contresignés par les ministres chargés de leur exécution. L’article 90 de la Constitution permet au Chef du gouvernement de déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres qui peuvent ainsi être éventuellement habilités à intervenir en matière de police Les autorités locales de la police La détermination des autorités locales de police se base sur plusieurs textes à savoir le dahir du 1er mars 1963 portant statut des administrateurs du ministère de l’Intérieur (tel qu’il a été modifié et complété), le dahir portant loi du 15 février 1977 relatif aux attributions des gouverneurs, la loi organique n° 113-14 du 7 juillet 2015 relative aux communes, etc30. Le gouverneur dans les préfectures et provinces sous l’autorité du ministre de l’intérieur. En vertu de l’article 145 de la Constitution de 2011, les walis de région, les gouverneurs des préfectures et des provinces représentent le pouvoir central et sont chargés de l’application des lois ce qui recouvre évidemment les pouvoirs de police administrative qu’ils exercent au nom de l’Etat. En vertu du dahir portant loi du 15 février 1977 relatif aux attributions des 30 Les articles 49 et 50 de la loi 78-00 de 1976 portant charte communale ont réparti le pouvoir de police entre le président de la commune et l’autorité administrative locale Action administrative 26 Aziz SAIDI gouverneurs, « le gouverneur est chargé du maintien de l’ordre… Il dirige notamment, sous l’autorité du ministre de l’Intérieur, les activités des chefs de cercle et des chefs de circonscription urbaine et rurale ». Le gouverneur intervient en tant que représentant du pouvoir central et prend des mesures nécessaires à l’application sur le territoire de la commune des lois et règlements de police. Il peut également intervenir pour assurer l’ordre et la sécurité publique dans la commune en se basant sur des considérations locales Les matières qui lui sont dévolues en vertu de l’article 110 de la loi organique 113.14 sont : le maintien de l’ordre et de la sécurité sur le territoire communal, les associations, les rassemblements publics et la presse, les élections et référendum, les syndicats, la réglementation des armes, la police de la chasse, les passeports, le contrôle des prix, la réquisition des personnes et de biens, etc. En vertu de l’article 111, c’est le gouverneur de la préfecture de Rabat qui exerce les pouvoirs de police dans les domaines de l’organisation de la circulation, du roulage, du stationnement et de la sûreté des passages dans les voies à usage public ainsi que l’organisation et le contrôle des activités commerciales, industrielles et artisanales informelles et les autorisations d’occupation temporaires du domaine public sans emprises. Les agents d’autorités demeurent autorités de police administrative car ils sont des représentants du pouvoir central Le président de la commune et l’autorité administrative locale exercent de plein droit les attributions de la police administrative sur le territoire communal. L’article 100 de la loi organique 113-14 qui dispose que le président du conseil communal exerce les pouvoirs de police administrative communale par voie d’arrêtés réglementaires et de mesures de police individuelles portant autorisation, injonction ou interdiction dans les domaines de l’hygiène, la salubrité, la tranquillité publique et la sûreté des passages. En outre, en vertu de l’article 110 de la loi organique 113-14, le président exerce le pouvoir de police administrative communale à l’exception des matières qui sont dévolues au gouverneur de la préfecture ou de la province. En vertu de l’article 113 les attributions des présidents des conseils communaux sont exercées par le pacha dans les communes de méchouar, ce qui recouvre naturellement le pouvoir de police administrative communale. Action administrative 27 Aziz SAIDI Le président de la commune peut déléguer au président de l’arrondissement l’autorité d’appliquer certaines mesures individuelles de police administrative. Ce dernier est investi des pouvoirs de police administrative relatifs à l’hygiène, la tranquillité, la salubrité publique et la sûreté des passages. Il exerce les pouvoirs de police en matière de l’exercice d’activités commerciales et artisanales non réglementées, l’ouverture d’établissement insalubres, incommodes ou dangereux (Troisième catégorie). Les arrêtés du président sont soumis au visa du gouverneur en vertu de l’article 115 de la loi organique 113-14. Dans les cas où des dommages sont causés par le mauvais fonctionnement des services chargés de la police de l’ordre et de la sécurité publique, il revient aux juridictions de déterminer si l’État ou la commune doit être tenu responsable, ou si des poursuites peuvent être engagées contre les deux. Dans la pratique, le pouvoir d’édiction de mesures de police en matière de l’ordre et de sécurité publique et leur exécution échappe totalement à la commune. Dans sa décision Sté Maroc Modis du 31 juillet 1996, le tribunal administratif de Fès, jugeant qu’il y avait eu faute lourde de la part des forces de l’ordre du fait de la tardiveté de leur intervention lors des émeutes de Fès en décembre 1990, a condamné l’Etat à en réparer les conséquences. Les autorités spéciales de la police administrative : Police des carrières : composée d’agents commissionnés par l’administration et qui sont chargés de la recherche et de la constatation des infractions aux dispositions de la loi 27-13 du 9 juin 2015 (B.O. 2015, p. 4424) relative aux carrières et des textes pris pour son application. Police de l’environnement : L’article 35 de la loi cadre 99-12 du 6 mars 2014 portant charte de l’environnement et est organisée par le décret du 19 mai 2015 (B.O. 2015, p. 3059). Police économique sur la liberté des prix et de la concurrence : Appartient au chef du gouvernement. En vertu de l’article 100 de la loi organique 113-14, le président de la commune est compétent pour ce qui concerne la qualité des aliments, boissons et condiments exposés à la vente publique, (article 100 de la loi organique relative à la commune). Le contrôle des prix est aussi de la compétence du gouverneur de la préfecture ou de la province Action administrative 28 Aziz SAIDI La police des établissements industriels insalubres, incommodes ou dangereux : La liste de ces établissements est établie par le Chef du gouvernement. Le ministre de l’équipement autorise l’ouverture des établissements les plus nocifs (1ere classe). Les autorités locales, pachas et caids intervient pour autoriser les établissements les moins nocifs (2eme classe) 7. Le concours des autorités de police administrative Elle designe la coopération 1. Le concours des autorités de police générale La police générale relève d’autorités hiérarchisées à la fois nationale et locale. Elle s’exerce dans des zones géographiques différentes allant du territoire national, provincial et préfectoral, cercles aux communes. Dans ces rapports, l’autorité de police locale ne peut se borner à une application pure et simple des mesures édictées par l’autorité supérieure. Ainsi le Premier ministre est seul juge des impératifs de l’ordre public sur l’ensemble du territoire ; mais ce minimum national peut cependant n’être pas localement suffisant pour assurer le maintien de l’ordre public31. Toutefois, La commune peut accroitre la rigueur des prescriptions de police pour faire face aux exigences particulières de l’ordre public dans la circonscription. L’exemple le plus marquant est la réglementation de la circulation qui peut être localement plus sévère qu’elle ne l’est sur le plan national. 2. Le concours des autorités de police spéciale La contradiction des mesures qui pourraient être édictées par les autorités compétentes ne peut à vrai dire être évitée qu’à la condition que ces autorités agissent soit conjointement soit après s’être consultées. 3. Le concours des autorités de police générale et des autorités de police spéciale La règle est que l’autorité de police générale ne peut, en aucun cas, exercer leur compétence dans le domaine réservé à l’autorité de police spéciale. Exemple : 31 Benabdallah, p. 349 Action administrative 29 Aziz SAIDI - l’autorité de police générale ne peut exercer la police des chemins de fer attribuée au ministre chargé des transports. Toutefois, lorsque l’activité, objet de la police spéciale est de nature à compromettre localement l’ordre public, l’autorité de police générale peut intervenir. C’est le cas aussi de la police cinématographique. Action administrative 30 Aziz SAIDI Section 2 : Service public 1. Définition L’étude de la notion du service public peut se faire selon plusieurs approches :  Le service public en tant que phénomène juridique qui renvoie à l’étude de la règlementation applicable aux différents services publics ;  Le service public en tant que phénomène humain qui implique l’étude des interactions humaines au sein des services publics en adoptant les méthodes de la sociologie des organisations ;  Le service public comme l’agencement de moyens humain, matériel, financier et technique ;  Approche historique impliquant l’étude des services publics dans leur conception classique et contemporaine La notion est surtout complexe et controversée. Elle a subi de nombreuses transformations ; ce qui explique la diversité des définitions et des conceptions sur le service public. C’est un ensemble d’activités d’intérêt général assurées par l’Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics et les organismes privés sous la régulation de l’Etat, soumise à un régime spécial qui est le droit administratif. Le service public fournit selon L. Duguit « une limite objective au pouvoir, transformant la puissance publique en « un devoir, une fonction et non point un droit ». Selon Gaston JESE: « le service public est un procédé juridique qui peut être appliqué pour la satisfaction d’un besoin d’intérêt général, quel qu’il soit. C’est au législateur à choisir ; les motifs de son choix dépendent du milieu politique, social, économique. C’est la jurisprudence qui décide souverainement si l’intention du législateur a été de vouloir, dans tel cas, le procédé du service public »32. Du point de vue formel, «Un ensemble organisé des moyens matériels et humains mis en œuvre par l’Etat ou une autre collectivité publique ». Du point de vue matériel, « toute activité destinée à satisfaire un besoin d’intérêt général et qui, en tant que telle, doit être assurée ou contrôlée par l’administration ». Les activités du service public peuvent être classées en trois catégories : 32 G. Jèze, RDP 1923.561 Action administrative 31 Aziz SAIDI - Les grandes fonctions étatiques dont l’Etat s’est assuré le monopole : défense du territoire, justice, sécurité, etc ; - Les fonctions qui découlent d’une sorte d’impératif de solidarité sociale ; l’assistance, la lutte contre les calamités, etc. - Les fonctions nécessaires à la satisfaction des besoins élémentaires de la vie sociale : hygiène, communications, enseignement. L’organisation des services publics s’aligne le plus souvent sur les structures administratives elles-mêmes ; en plus des services publics de l’Etat il y’a des services publics créés par les collectivités territoriales. Le service public est un critère fondamental d’identification du droit administratif à côté des prérogatives de la puissance publique. Exemple : L’ONCF a pour mission d’assurer le transport ferroviaire de voyageurs et de marchandises dans les meilleures conditions de sécurité, de sûreté, de confort, de régularité, et de développement durable33. 2. Critères d’identification Il existe Faisceau d’indices pour dire qu’un service quelconque à un caractère public ou non : Critère finaliste qui exige l’existence d’une activité d’intérêt général. L’autorité publique est la seule compétente pour décider si une activité, en raison de son importance quantitative et qualitative, met en cause l’intérêt général et justifie ou non son intervention. Il ne cherche pas le profit même si le service public n’est pas rentable. Critère organique qui requiert une activité assurée et/ou par une collectivité publique ou par une personne de droit privée et sous le contrôle de celle-ci. La gestion des services publics est généralement assurée par un organisme public. Mais, la gestion et le fonctionnement d’un service public peut être confié à des personnes privées. Elle est sous la direction étroite des autorités administratives responsables de la satisfaction de l’intérêt général. 33 Dahir n°1- 63 – 225 du 05 Août 1963, l’Office National des Chemins des Fer « ONCF » Action administrative 32 Aziz SAIDI L’existence d’un service public n’entraine pas nécessairement la création d’un organisme public. La gestion d’un service public peut être partagée avec l’initiative privée (Agriculture, Transport aérien,…). La réglementation et le contrôle d’activités de servicepublic gérées par des organismes et personnes particuliers par des organismes administratifs (Ministère de la santé publique) comme c’est le cas de la médecine privée, de l’éducation physique et du sport Critère matériel qui exige la soumission de l’activité à un régime spécial qui est le droit administratif et exceptionnellement au droit commun. Les services publics sont soumis au droit administratif qui se caractérise par des prérogatives de la puissance publique et des sujétions exorbitantes du droit commun. Ils peuvent exercer le droit d’expropriation ou le droit de saisie, tandis que les travaux qu’ils effectuent bénéficient des règlements favorables aux travaux publics ; les biens meubles et immeubles sont protégés par les règles de comptabilité publique et de propriété publique. Les autorités chargées de la gestion du service public sont soumises au respect du principe de la légalité et de la responsabilité. Mais, elles peuvent recourir aux règles de droit commun pour recruter (contrat de travail), se procurer des biens via des contrats ordinaires,…. Dans une décision CSA 25 juin 2008, ONEP c/Naciri et consorts à propos du refus de raccordement d’un usager au réseau de distribution de l’eau potable, la cour suprême juge que « l’Office Nationale de l’Eau Potable, même à vocation commerciale et industrielle, est un établissement public tendant à la réalisation d’un service public... ce qui rend ses actes des actes administratifs susceptibles de recours en annulation ». Encore, la Cour suprême, dans le souci de simplifier la solution des problèmes de compétence, et sans doute aussi d’accélérer le règlement de certains conflits, a décidé de recevoir le recours en annulation pour excès de pouvoir contre les décisions prises par les directeurs d’établissements publics industriels et commerciaux à l’encontre d’agents même soumis au droit privé. 3. Principes fondamentaux du service public Continuité des services publics Il est impératif que les services publics aient un caractère permanent et qu'ils profitent à tous les bénéficiaires, tout en étant capables de s'adapter à l'évolution des besoins qui ont conduit à Action administrative 33 Aziz SAIDI leur création. Le principe de continuité du service impose à l'autorité responsable l'obligation de faire fonctionner le service quelles que soient les difficultés rencontrées. L’article 154 de la Constitution dispose que les services publics doivent être organisés notamment « sur la base de la continuité des prestations rendues ». Le refus de faire fonctionner le service peut être contesté devant le juge de l’excès de pouvoir ; de la même manière, si le non fonctionnement du service entraîne un dommage, la responsabilité de la collectivité publique peut être mise en cause. Exemple : - La notion de dépenses obligatoires : inscrites au budget de la collectivité pour faire fonctionner les services publics essentiels à la vie de la collectivité et de ses habitants. Egalité devant les services publics Le principe d'égalité signifie que toutes les personnes placées dans des situations comparables doivent être traitées de manière identique par les services publics. Cela se traduit par l’absence de discrimination fondée sur des critères tels que l’origine, le sexe, la religion ou l’appartenance sociale ainsi que l’universalité du service public en permettant à tous les citoyens de bénéficier des services publics. Etant donné que le service public est organisé dans l’objectif de satisfaire des besoins collectifs, il est naturel qu’il procure à tous les membres de la collectivité le bénéfice de son action. Cette égalité se manifeste au niveau de l’égal accès aux emplois du service public, égal accès aux prestations du service public, aussi devant les charges publiques, … Les usagers peuvent demander au juge de faire respecter le respect de cette obligation. Adaptation aux exigences de l’intérêt général Dans l’objectif d’obtenir une meilleure satisfaction des besoins de l’intérêt général, l’organisation du service public, les modalités de son fonctionnement doivent pouvoir être modifiées de façon à tenir compte des exigences variables de l’intérêt général. Action administrative 34 Aziz SAIDI Exemple : L’affectation des agents, leurs conditions de travail, l’organisation du service peuvent être modifiées à tout instant ; toutefois les mutations doivent obéir réellement à un intérêt du service ce que le juge s’autorise aujourd’hui à vérifier34. Les usagers supportent pareillement toutes les modifications estimées nécessaires par l’autorité responsable du service. 4. Les modes de gestion des services publics La gestion des services publics renvoie aux différents modes par lesquels l’administration ou des personnes privées assurent le respect de la continuité des services publics afin de satisfaire les besoins d’intérêt général. Il existe plusieurs modes de gestion des services publics. Gestion directe L’administration publique est responsable de la gestion directe du service public, en utilisant ses propres ressources, y compris le personnel, les moyens budgétaires et les infrastructures. Elle implique que les fonctionnaires sont responsables de la continuité et de la qualité des services qu’ils fournissent. Les établissements publics à caractère administratif (EPA) se rapprochent souvent de la gestion directe. Car, ils remplissent des missions administratives ou sociales qui relèvent de l’intérêt général. Exemple : - Les principaux services publics administratifs (défense nationale, urbanisme, fiscalité, la police, la justice, les écoles publiques,…) et certains travaux des collectivités territoriales (Travaux municipaux,..) Parfois un service traditionnellement géré en régie est transformé en établissement public : tel est le cas de la conservation foncière qui est devenue Agence nationale de la conservation foncière, du cadastre et de la cartographie (loi du 13 juin 2002, B.O. 2002, p. 904). 34 TA de Rabat,19 mars 1998, Dahani, REMALD n°24, 1998, p. 139 note M.A. Benabdallah ; Action administrative 35 Aziz SAIDI Gestion déléguée : Une autorité publique ou locale peut déléguer la gestion d’un service public à une entité privée, tout en conservant le contrôle indirect (Concession des services de distribution d’eau, d’électricité et d’assainissement). Une loi du 14 février 2006 (B.O. 2006, p. 506) sur la délégation de service public a donné un cadre général au recours à des personnes privées pour la gestion des services publics locaux. Le principe fondamental de la délégation consiste en ce que «» (article 4). les parties contractantes doivent veiller au maintien de l’équilibre financier de gestion du contrat de gestion déléguée en tenant compte des impératifs de service public et de la juste rémunération du délégataire » La convention de gestion déléguée prévoit la durée de la délégation en fonction de son objet mais aussi en tenant compte de la durée nécessaire pour permettre l’amortissement des investissements du délégataire. Le délégataire est soumis à un contrôle de sa gestion selon des modalités détaillées de façon très précise par la loi sur la base des dispositions du cahier des charges. En cas de manquement du délégataire à ses obligations la convention prévoit des sanctions ; outre la déchéance du délégataire des sanctions pécuniaires sont prévues sous forme de pénalités ou de dommages et intérêts. Également, e cas de litige la loi a prévu le recours à l’arbitrage. Les établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) s’inscrivent davantage dans une logique proche de la gestion déléguée. Ils peuvent être soumis à des mécanismes de délégation dans l’exploitation de certains services. Gestion mixte La gestion mixte des services publics est une forme de gestion dans laquelle une collectivité publique (État, collectivité territoriale, établissement public) et une personne privée collaborent pour assurer un service public. Elle repose sur la mobilisation des ressources et des compétences de chaque partie dans le but d’optimiser la gestion du service public. Certains établissements publics peuvent également relever d’une gestion mixte, notamment lorsqu'ils fonctionnent sous la forme de sociétés d’économie mixte (SEM) ou lorsqu’ils impliquent des partenariats avec des acteurs privés. Action administrative 36 Aziz SAIDI - Société d’économie mixte : créée sous forme de société anonyme de droit privé. Il s’agit d’une société où l’autorité publique détient une part majoritaire ou significative du capital, aux côtés d’investisseurs privés. Elle renvoie à l’association des capitaux publics et des capitaux privés. La puissance publique dispose souvent de prérogatives lui permettant d’agir sur la nomination des administrateurs et du directeur général ; elle exerce toujours un certain nombre de contrôles financiers.  Exemples : SNRT, Transport aérien et maritime,.. - Partenariats public-privé (PPP) : il s’agit d’« contrat de durée déterminée par lequel une personne publique confie à un partenaire privé la responsabilité de réaliser une mission globale de conception, de financement de tout ou partie de construction, de réhabilitation, de maintenance et/ou d'exploitation d'un ouvrage ou infrastructure ou de prestations nécessaires à la fourniture d'un service public ». Autrement dit, c’est une opération d'externalisation de la personne publique laissant à une personne privée la charge de diverses prestations à différents stades du projet. Elle permet d’adapter les modèles de gestion aux spécificités locales ou sectorielles La loi 86-12 du 24 décembre 2014 (B.O. 2015, p. 682) a donné naissance au contrat de partenariat public privé qui permet de confier à un partenaire privé dans un cadre contractuel « une mission globale de conception, de financement de tout ou partie de construction, de réhabilitation, de maintenance et/ou d’exploitation d’un ouvrage ou infrastructure ou de prestations nécessaires à la fourniture d’un service public ». Exemple :  Le Complexe Solaire Noor A Ouarzazate.  Casa Transports, qui gère le tramway de Casablanca. Etablissement public comme instrument d’intervention publique Un établissement public (EP) est une personne morale de droit public disposant d’une autonomie administrative et financière afin de remplir une mission d’intérêt général, précisément définie, sous le contrôle de la collectivité publique dont il dépend (État, région, province et préfecture ou commune). Les domaines d’intervention des EP sont variés (santé, éducation, enseignement,…). Action administrative 37 Aziz SAIDI Il bénéficie d’une autonomie administrative (Conseil d’administration, directeur et parfois comité technique) et financière (budget et patrimoine) et dans parfois des prérogatives caractéristiques des personnes publiques. L’établissement public possède des ressources propres et peut les affecter à des dépenses dont la détermination lui appartient. Il gère sous un contrôle de tutelle une activité qui lui est confiée dans un domaine déterminé (Intérêt général). L’établissement public est un instrument de l’intervention publique dont l’objet est déterminé lors de sa création. Leur création est du ressort de l’Etat et des collectivités territoriales (Assemblées délibérantes). L’article 71 de la constitution de 2011 dispose que relève du domaine de la loi « la création des établissements publics et de toute autre personne morale de droit public ». L’objet de l’établissement public peut être déterminé de deux manières : domaine d’action propre (Enseignement, transport,…) et/ou les interventions auxquelles il peut se livrer. Exemple :  L’université Sidi Mohamed Ben Abdellah n’est compétente qu’en ce qui concerne l’enseignement supérieur et la recherche. L’article 49 de la Constitution en vertu duquel « Le Conseil des ministres délibère sur la nomination sur proposition du Chef du gouvernement et à l’initiative du ministre concerné..., des responsables des établissements et entreprises publics stratégiques » dont la liste a été arrêtée par l’annexe n° 1 de la loi organique 02-12 du 17 juillet 2012 (BO. 2012, p. 2487). La même loi détermine également les établissements et entreprises publics dont les responsables sont nommés par décret après délibération du Conseil du gouvernement. Les établissements publics sont soumis à trois principes : - L’autonomie : dotée de la personnalité morale, leur organisation est très variable (conseil d’administration, président, directeur...) et ils disposent d’un budget propre (subventions de l’État ou des collectivités territoriales, redevances des usagers, emprunts...) - Rattachement à un niveau de l’administration (Etat, collectivités territoriales) : on distingue ainsi les EP nationaux rattachés à l’Etat et des EP locaux rattachés aux collectivités territoriales. Action administrative 38 Aziz SAIDI - La spécialité : leurs actions sont limitées à des actions clairement définies en fonction de la nature de l’activité, il existe des services publics administratifs (SPA) et les services publics industriels et commerciaux (SPIC). Services publics administratifs : Leurs activités relèvent directement des fonctions régaliennes de l’Etat (police, justice, éducation,…). Elles sont purement administratives sans caractère commercial et industriel. Elles ne cherchent pas de profit et leur financement est assuré par les fonds publics. Les agents des services publics administratifs sont souvent des fonctionnaires ou exceptionnellement des agents contractuels soumis au statut de la fonction publique. Leurs actes sont des actes administratifs et relèvent de la compétence de la juridiction administrative. Les activités du service public administratif sont soumises au droit public et relèvent de la compétence de la juridiction administrative. Ces services sont gérés directement par l’Etat et financés par les fonds publics. Les usagers ne contribuent que peu ou pas aux coûts de fonctionnement de ces services ; ils bénéficient de la gratuité de ces services ou à des tarifs faibles. Services publics industriels et commerciaux : Leurs activités sont semblables à celles des entreprises privées. Ils proposent des services ou biens dans des secteurs tels que le transport, l’eau, l’électricité,… Ils sont soumis à un régime juridique mixte (droit privé et droit public), mais, leur gestion peut être confiée par l’Etat ou une autorité territoriale à des personnes privées sous certaines conditions. Leur contentieux relève du juge judiciaire, et non du juge administratif, sauf pour les aspects liés à la gestion de leurs biens, qui sont sous droit public. La majorité des agents des services publics industriels et commerciaux sont considérés comme des salariés du droit privé même si le service public est géré par une collectivité publique. Ils bénéficient des règles relatives au droit du travail : contrats de travail et conventions collectives Les agents dirigeants ou les cadres supérieurs notamment du service comptable peuvent être considérés comme des agents de droit public. Action administrative 39 Aziz SAIDI Ces services Bénéficient d’une autonomie financière ; ils s’autofinancent. Ils visent souvent à couvrir leurs coûts grâce aux revenus qu'elles génèrent (coût de production voire même des bénéfices). Autrement dit, ils sont financés par les redevances des usagers.  Exemple : Créé par Dahir n°1- 63 - 225 du 05 Août 1963, l’Office National des Chemins de Fer « ONCF » est un Etablissement Public à caractère Industriel et Commercial (EPIC), doté de la Personnalité civile et de l’autonomie financière.

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