Les Principes Gouvernant la Preuve Pénale PDF
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Ce document traite des principes gouvernant la preuve pénale, en se focalisant sur la charge de la preuve et la présomption d'innocence. Il explore les différentes approches et comment les lois et les conventions internationales les régissent.
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Les principes gouvernant la preuve pénale Introduction Les règles de procédure pénale visent avant tout à administrer et établir la charge de la preuve. La preuve, pour être valable, doit être légale, et sans preuve, aucune sanction n’est possible. Il existe deux questions fondamentales : qui doit...
Les principes gouvernant la preuve pénale Introduction Les règles de procédure pénale visent avant tout à administrer et établir la charge de la preuve. La preuve, pour être valable, doit être légale, et sans preuve, aucune sanction n’est possible. Il existe deux questions fondamentales : qui doit prouver quoi (charge de la preuve) et comment la preuve est administrée. Section 1. La charge de la preuve et la présomption d’innocence I. Les deux sens de la présomption d’innocence La présomption d’innocence protège l’individu contre toute accusation injustifiée avant une condamnation. Elle se divise en deux aspects : 1. Droit processuel : Elle définit qui porte la charge de la preuve dans une procédure. 2. Droit subjectif : Elle empêche que l’accusé soit jugé coupable avant la fin de la procédure. II. Protection renforcée de la présomption d’innocence L’article 9-1 du Code civil prévoit des mesures pour corriger les atteintes à la présomption d’innocence, telles que des rectifications publiques. De plus, il est interdit de présenter un accusé menotté ou de publier des informations de procédure avant l’audience publique. Paragraphe 1. Droit processuel : Détermination de la charge de la preuve I. Textes fondateurs La présomption d’innocence est un principe inscrit dans plusieurs textes internationaux, comme la Déclaration des Droits de l’Homme (1789) et la CEDH (1950) , ainsi que dans des réformes législatives, notamment la loi du 4 janvier 1993 et la directive européenne de 2016, qui en renforcent la protection. II. Lois nationales et européennes Les réformes législatives comme la loi Guigou ont mis en place des mesures précises pour assurer le respect de la présomption d’innocence, qui est désormais un principe fondamental du droit constitutionnel. A. Signification et valeur du principe Règles classiques de la preuve Il existe deux principes concernant la charge de la preuve : 1. Preuve incombe au demandeur : C’est à l’accusation de prouver la culpabilité de l’accusé. 2. Le défendeur devient demandeur en excipant : Si l’accusé soulève une exception, il doit en prouver la validité. 1. La charge de la preuve incombe à l’accusation La présomption d’innocence implique que l’accusé n’a pas à prouver son innocence, mais c’est à l’accusation de fournir les preuves de la culpabilité. Le procureur doit prouver les éléments constitutifs de l’infraction pour renverser la présomption. 2. L’objet de la preuve L’accusation doit démontrer la matérialité de l’infraction, établir un lien de causalité entre l’infraction et l’accusé, et prouver l’imputabilité de l’auteur. Le procureur doit apporter un maximum d’éléments pour soutenir l’accusation. B. Portée du droit au respect de la présomption d’innocence Participation de l’accusé et du procureur Le procureur doit non seulement fournir des preuves à charge, mais aussi à décharge. Le principe du bénéfice du doute impose que, en cas d’incertitude, la culpabilité ne puisse être établie. Si la preuve de la culpabilité est insuffisante, l’accusé doit être acquitté. 1. Le bénéfice du doute : In dubio pro reo Le principe du doute profite à l’accusé : si le juge n’a pas de preuve suffisante de la culpabilité, il doit prononcer un acquittement. Cela garantit que personne n'est condamné sans preuve certaine. Le droit de se taire et la présomption de culpabilité 1. Le droit de se taire et de ne pas contribuer à sa propre incrimination Le droit de se taire, ou droit au silence, est un principe issu du droit anglo-saxon. Il permet à toute personne poursuivie de ne pas coopérer à sa propre incrimination. Ce droit a été affirmé par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) dans son interprétation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. Il est également inscrit dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966) à l'article 14-3g. Ce droit est une protection contre l’auto-incrimination, un fondement essentiel pour éviter que la personne ne soit poussée à se condamner elle-même. Cour EDH, arrêt Funke c. France (1993) : La Cour a jugé que l'accusation ne doit pas se fonder sur des preuves obtenues sous contrainte ou pression, violant ainsi la volonté de l’accusé. Conseil constitutionnel, 30 mars 2018 : Un individu refusant de fournir son code de déchiffrement cryptographique pour accéder à son téléphone portable ne peut être considéré comme exerçant un droit au silence. Le Conseil a estimé que ce refus constitue un délit. Bien que le silence d'une personne ne puisse pas être une preuve de culpabilité, des conséquences peuvent être tirées de ce silence. Ce droit ne se limite pas à la garde à vue, mais s'applique également devant d'autres juridictions. Cass. crim. 24 février 2021 : La Cour de cassation a rappelé que le droit de se taire doit être notifié dans divers contextes, y compris lors de l’audition devant le juge des libertés et de la détention (JLD). Plusieurs décisions récentes du Conseil constitutionnel et des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) ont étendu ce droit, y compris dans des procédures disciplinaires, comme dans l’affaire du 8 décembre 2023 concernant un agent de la fonction publique. Toutefois, le Conseil d’État a estimé que le droit au silence ne s'applique pas dans les procédures disciplinaires. En juin 2024, une QPC a clarifié que les magistrats soumis à une procédure disciplinaire doivent être informés de leur droit au silence. 2. La relativité du principe : L’admission des présomptions de culpabilité En droit français, il existe des présomptions de culpabilité qui permettent au ministère public d'alléger sa charge de la preuve. Dans ces cas, il incombe au prévenu de prouver son innocence. Cette méthode a été validée par la Cour de cassation , le Conseil constitutionnel , et la CEDH , sous certaines conditions. Cour EDH, arrêt Salabiaku c. France (1988) : L’affaire concernait une personne accusée d’avoir récupéré un colis contenant des drogues. La Cour a estimé que la présomption de culpabilité, où il revient à l’accusé de prouver son innocence, ne viole pas la présomption d’innocence, tant que des garanties sont respectées (temps raisonnable, gravité de l’enjeu, droits de la défense). Conseil constitutionnel, 16 juin 1999 : Il a admis l'usage de présomptions de culpabilité dans des situations exceptionnelles, comme les contraventions où les enjeux sont mineurs. Cependant, cela doit être une présomption simple et respecter les droits de la défense, en s'appuyant sur des faits qui rendent l’imputabilité vraisemblable. La présomption de culpabilité est donc possible dans des cas particuliers, mais elle doit respecter des conditions strictes pour ne pas porter atteinte aux droits fondamentaux de la défense. L’administration de la preuve L’administration de la preuve est essentielle en droit pénal et repose sur deux principes fondamentaux : la liberté de la preuve et le principe de légalité. Ces principes encadrent la manière dont les preuves peuvent être recueillies, présentées et appréciées dans un procès. 1. La liberté de la preuve Le principe de liberté de la preuve s’impose en droit pénal. Contrairement au droit civil où la preuve écrite est souvent privilégiée (art. 1359 du Code civil), le droit pénal permet d’apporter toute sorte de preuve, tant que celle-ci est admise par le juge. Ce principe est formulé par l’article 427 du Code de procédure pénale : « Hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve ». A. Signification du principe de liberté Flexibilité des modes de preuve : En droit pénal, il n’est pas nécessaire de recourir à un mode de preuve particulier. Tout élément qui peut démontrer la culpabilité ou l'innocence d'un accusé est admissible, sauf si une loi en dispose autrement. Cela permet une grande souplesse dans la procédure pénale, facilitant ainsi la recherche de la vérité, dans le respect des droits de la défense et de la victime. Rôle de la défense et de l’accusé : Ce principe garantit que l'accusé peut se défendre en produisant tous les éléments susceptibles de démontrer son innocence. Il peut ainsi contester les preuves présentées par l'accusation. La liberté de la preuve protège aussi la victime qui pourra faire valoir ses droits à travers tous moyens admissibles. Le juge et sa conviction : Le juge n'est pas lié à un mode spécifique de preuve, il doit se forger sa conviction à partir de l'ensemble des éléments présentés. Les preuves doivent être débattues publiquement et contradictoirement, conformément au principe du contradictoire. B. Traduction pratique : diversité des moyens de preuve En droit pénal, les moyens de preuve sont nombreux et variés. Les législateurs n’ont pas défini une liste fermée, mais ont admis plusieurs types de preuves : 1. L’aveu : L’aveu consiste en la reconnaissance, par l’accusé, de sa culpabilité. Il peut être judiciaire (fait devant une autorité judiciaire) ou extra-judiciaire (fait en dehors du cadre judiciaire). L’aveu a longtemps été considéré comme la preuve parfaite. Cependant, il est désormais reconnu que l’aveu peut être extorqué sous pression (par exemple, en cas de torture ou de contraintes psychologiques) ou être rétracté. Ainsi, bien que l’aveu demeure un élément important, sa valeur probatoire dépend de son contexte et de son sincérité (art. 428 du CPP). 2. Le témoignage : Un témoin est une personne qui rapporte ce qu’elle a vu ou entendu au sujet de l’infraction. Le témoignage peut être apporté à tout moment de l’enquête, mais la valeur de ce témoignage peut être affectée par des biais de mémoire, des erreurs ou des mensonges volontaires. Le témoin peut être entendu sous serment, et dans ce cas, il risque des sanctions en cas de faux témoignage. En revanche, si le témoin est entendu pendant l’enquête sans prêter serment, il ne peut pas être poursuivi en cas de fausse déclaration. De plus, certains témoins (comme les mineurs ou les proches de l’accusé) ne sont pas tenus de prêter serment, ce qui peut réduire la force probante de leurs déclarations. 3. La preuve écrite : Les procès-verbaux sont rédigés par les officiers de police judiciaire (OPJ) et les agents de police judiciaire (APJ) pour consigner des faits et des infractions. Ils ont une valeur probatoire, mais cette valeur peut être contestée si les circonstances de leur rédaction ne sont pas claires. Les rapports rédigés par les agents de la police judiciaire administrative (APJA) et envoyés à leurs supérieurs hiérarchiques font également partie des preuves écrites. Ils sont utilisés pour étayer certaines infractions et actions de police. 4. Les indices : Les indices sont des éléments matériels ou circonstanciels qui permettent de supposer un lien entre l’accusé et l’infraction. Leur collecte, notamment par la police scientifique, est essentielle pour garantir leur intégrité. Par exemple, des traces de pas, des objets retrouvés sur les lieux du crime, ou des empreintes digitales peuvent constituer des indices précieux. Ces éléments, bien que potentiellement convaincants, doivent être interprétés avec prudence. 5. La preuve scientifique : Les techniques scientifiques comme l’analyse de l’ADN, les tests balistiques, ou encore l’analyse toxicologique, constituent des preuves modernes et souvent considérées comme fiables. Le pionnier de la police scientifique, Edmond Locard, et des figures comme Bertillon, ont permis d’établir des méthodes qui reposent sur les sciences fondamentales telles que la chimie et la biologie. Cependant, ces preuves ne sont pas infaillibles. Un exemple est l'affaire Omar m’a tuer, où une analyse ADN a été retrouvée sur la scène de crime, mais elle ne correspondait pas à l'accusé. Ce cas montre que l'ADN, bien qu’une preuve précieuse, ne suffit pas toujours à prouver la culpabilité d’une personne. 2. L’appréciation de la preuve En droit français, le juge est libre d’apprécier les preuves qui lui sont présentées. Ce principe est inscrit dans l’article 427 du Code de procédure pénale, qui dispose que le juge peut se forger sa conviction à partir des éléments de preuve, sans être tenu par un mode de preuve particulier. A. Le principe de l’intime conviction Appréciation libre des preuves : Le juge est seul à déterminer la valeur des éléments présentés et peut fonder sa décision sur des éléments qui ne sont pas nécessairement considérés comme des preuves "idéales" (par exemple, un aveu qui peut être rétracté ou un témoignage incertain). Principe du contradictoire : La présentation et la discussion des preuves doivent être menées dans le cadre du contradictoire, ce qui signifie que chaque partie doit avoir la possibilité de discuter et de contester les preuves de l’autre partie (art. 353 du CPP). Motivation de la décision : Le juge doit motiver sa décision, ce qui implique qu’il doit expliquer les raisons pour lesquelles il a choisi certaines preuves plutôt que d’autres. La motivation est essentielle pour garantir la transparence et éviter des décisions arbitraires. B. Les exceptions au principe de l’intime conviction Dans certains cas, la loi impose une appréciation spécifique de certaines preuves. Cela implique qu’elles ont une force probante particulière et que le juge doit tenir pour avéré certains faits qui sont confirmés par ces documents. 1. Force probante jusqu’à preuve contraire (art. 537 du CPP) : Certaines preuves, comme les procès-verbaux des contraventions de stationnement ou d’autres délits mineurs, ont une valeur probante tant que l’accusé ne prouve pas le contraire. La preuve contraire peut être apportée uniquement par écrit ou par témoin. Par exemple, dans un cas de stationnement, une personne peut prétendre que la machine de paiement était en panne, mais cette défense devra être prouvée par un document ou un témoignage, et non par une simple déclaration. 2. Force probante jusqu’à inscription de faux (art. 642 du CPP) : Dans certains cas, comme pour les infractions douanières, les procès-verbaux rédigés par des agents habilités ont une valeur probante renforcée. Ils ne peuvent être contestés que si une procédure d’inscription de faux est lancée, c'est-à-dire que l'on prouve que le document est falsifié. La légalité dans l’administration de la preuve Le principe de légalité dans l’administration de la preuve impose que la recherche, la collecte et la présentation des preuves respectent strictement les règles établies par la loi. En droit pénal, cela signifie que les moyens employés pour obtenir des preuves doivent être conformes aux normes juridiques, notamment en ce qui concerne le respect de la dignité humaine, la prohibition de procédés déloyaux ou violents, et le principe de loyauté dans la collecte des preuves. 1. Le respect de la dignité humaine Le principe du respect de la dignité humaine est fondamental et s’applique à toute étape de la procédure pénale, y compris dans l’administration de la preuve. La dignité humaine est protégée par des conventions internationales, telles que la Convention européenne des droits de l’homme (art. 3), qui interdit la torture et les traitements inhumains ou dégradants. A. La prohibition absolue de la violence Rôle des fonctionnaires de police : Bien que la loi permette aux fonctionnaires de police de recourir à la force dans certaines situations, cette force est strictement encadrée par des conditions légales. L’utilisation de la violence pour obtenir un aveu est formellement interdite. Aucune preuve ne peut être obtenue par des procédés violents ou inhumains. Article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme : Cet article stipule qu'aucune personne ne peut être soumise à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. La jurisprudence européenne a souvent rappelé cette interdiction absolue dans des affaires de mauvais traitements durant la garde à vue. Arrêt Tomasi c. France (1992) : Tomasi a été accusé d’avoir tiré sur des gendarmes. Lors de sa garde à vue, il a subi des violences (intimidation avec une arme). Bien que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) ait estimé que la France n’avait pas violé la dignité humaine de l’accusé, cet arrêt a souligné les limites à ne pas franchir. Arrêt Selmouni c. France (1999) : Dans cette affaire, l’accusé a subi des traitements violents durant sa garde à vue, y compris des violences physiques et sexuelles (matraquage, humiliation). La CEDH a condamné la France pour violation de l’interdiction des traitements inhumains et dégradants. Cela montre l'importance de respecter la dignité humaine dans la collecte de la preuve. B. La prohibition de procédés scientifiques destinés à obtenir un aveu Prohibition des techniques manipulant la volonté : Certaines techniques, telles que le détecteur de mensonges , la narco-analyse (injection de substances pour "faire parler" l’accusé) ou l’hypnose, sont interdites car elles visent à influencer ou contrôler la volonté de la personne de manière artificielle. Cela porte atteinte au principe selon lequel l'aveu doit être libre et non extorqué par des moyens déloyaux ou coercitifs. Arrêt du 12 décembre 2000 : La chambre criminelle de la Cour de cassation a interdit l’utilisation de l’hypnose pour obtenir des aveux. Cette décision a souligné que l’utilisation de procédés scientifiques pour influencer la décision d’un individu en violation de sa volonté est contraire aux principes de la dignité humaine et de la liberté individuelle. 2. Le principe de loyauté dans la recherche de la preuve Le principe de loyauté dans la recherche de la preuve est une règle qui découle de la jurisprudence. Bien qu’elle ne soit pas explicitement définie dans le code de procédure pénale, cette règle a été formulée par la jurisprudence pour garantir un procès équitable et respecter l'égalité des armes. Cela implique que les preuves doivent être obtenues de manière licite et respectueuse des droits de la défense. A. Définition et objectif du principe de loyauté Le principe de loyauté garantit que les preuves doivent être obtenues sans tromperie, violence, ou manipulation. Il s’assure que les moyens de preuve soient respectueux des droits fondamentaux et que l’égalité des parties dans le procès soit préservée. Cela est particulièrement important pour maintenir la crédibilité de la justice et garantir que les décisions sont prises de manière juste et équitable. Respect des principes éthiques : La loyauté dans la recherche des preuves repose sur des bases éthiques, veillant à ce que les policiers, les magistrats et les enquêteurs n’utilisent pas de moyens déloyaux ou contraires à l’éthique pour obtenir des informations. B. La recevabilité des preuves recueillies de manière déloyale par un particulier Intervention des particuliers dans la collecte de preuves : Traditionnellement, l’État, à travers ses magistrats et enquêteurs, est responsable de la collecte des preuves. Cependant, ces dernières années, on constate une intervention accrue des particuliers, qui peuvent apporter des preuves dans le cadre d’une procédure pénale. Cela inclut des preuves collectées de manière directe par des témoins ou des plaignants (par exemple, enregistrer une conversation à l’insu d’une autre personne). L’exception à la loyauté pour les particuliers : Contrairement aux agents de l'État, les particuliers ne sont pas soumis à la règle de loyauté dans la collecte de la preuve. Ainsi, la jurisprudence admet des preuves recueillies de manière déloyale par un particulier (par exemple, l'enregistrement clandestin d’une conversation), tant qu’elles sont présentées dans le cadre du contradictoire et soumises à l’appréciation du juge. Jurisprudence récente : La chambre criminelle de la Cour de cassation a estimé qu’il n’y a aucune raison d’écarter une preuve recueillie de manière illicite ou déloyale par un particulier, à condition que cette preuve soit présentée au juge et soumise à un débat contradictoire. Le juge devra alors en apprécier la valeur probante et décider de son admissibilité dans le procès. Exemple : Si une personne enregistre une conversation avec une autre sans son consentement, cette preuve peut être recevable en cour, même si elle a été obtenue de manière déloyale. Il appartient au juge de déterminer si cette preuve est fiable et pertinente, et de la discuter contradictoirement avec les autres parties. 1. Le Testing comme méthode de preuve Le testing est une méthode utilisée pour prouver des comportements discriminatoires dans des contextes tels que l'emploi, le logement ou l'accès à certains services, comme les discothèques. À l’origine, cette technique a été utilisée pour démontrer des discriminations à l'entrée de boîtes de nuit, où des individus de différentes origines étaient confrontés à un traitement inégal, souvent en raison de leur appartenance à un groupe ethnique spécifique. Exemple de SOS Racisme : SOS Racisme a mené des expériences sociales pour prouver des discriminations raciales. Par exemple, des personnes habillées de manière similaire, mais d'origines ethniques différentes, se sont présentées à l'entrée d'une boîte de nuit. Les résultats ont montré que seule la personne blanche (d'origine française) a été autorisée à entrer, tandis que les autres ont été refoulées. Cette pratique de testing a été acceptée par la Chambre criminelle , car elle permettait de mettre en lumière des discriminations systématiques. Législation et reconnaissance du Testing : Le testing a été formalisé par la loi, notamment l' article 225-3-1 du Code de procédure pénale (CPP) , qui régit la mise en œuvre de cette technique pour prouver des discriminations dans certains secteurs. 2. Affaire Bettencourt et recevabilité de la preuve L’affaire Bettencourt est un exemple de la manière dont les preuves peuvent être obtenues de manière indirecte et soulever des questions de leur recevabilité. Dans ce cas, la fille de Mme Bettencourt a porté plainte pour abus de faiblesse contre l’entourage de sa mère, qui exploitait la richesse de cette dernière alors qu’elle souffrait de la maladie d’Alzheimer. Enregistrement de l’entourage : Afin de prouver les abus de faiblesse, la fille de Mme Bettencourt a utilisé des enregistrements effectués par le majordome de la famille, qui avait secrètement enregistré des conversations compromettantes. La question a été soulevée de savoir si ces enregistrements étaient recevables, étant donné qu'ils avaient été réalisés sans le consentement des personnes enregistrées. Jugement de la Chambre criminelle : La Chambre criminelle de la Cour de cassation a estimé que ces enregistrements étaient recevables en tant que pièces à conviction , car ils avaient été produits par un particulier sans l’intervention directe ou indirecte d'une autorité publique. Cette décision a illustré que la preuve obtenue par un particulier, même de manière indirecte, pouvait être recevable dans un cadre légal, tant que l’action ne constituait pas une violation directe des droits individuels. 3. Le caractère absolu du principe de loyauté de la preuve L’affaire Wilson (1888) : Scandale des décorations L'affaire Wilson, en 1888, est l’une des premières à mettre en lumière le principe de loyauté de la preuve dans le cadre des enquêtes judiciaires. Dans cette affaire, un juge d’instruction s'était fait passer pour une autre personne afin d’obtenir des déclarations compromettantes, qui ont été utilisées comme preuve dans une procédure. Toutefois, la Cour de cassation a jugé que cette preuve était irrecevable, car elle avait été obtenue de manière déloyale. Application moderne : Le principe de loyauté s'applique de manière stricte, non seulement aux actions des policiers mais aussi aux magistrats. Tout acte de collecte de preuves qui contrevient à ce principe peut entraîner l’annulation de la procédure. 4. La loyauté de la preuve apportée par les autorités policières La loyauté de la preuve est un principe fondamental en droit pénal, stipulant que les preuves doivent être obtenues de manière régulière et sans recourir à des manœuvres frauduleuses. Cependant, la doctrine admet que certaines méthodes subtiles peuvent être utilisées par les forces de l’ordre dans le cadre de la lutte contre la criminalité. 4.1 Provocation à la preuve : Les policiers peuvent, sous certaines conditions, se faire passer pour des acheteurs de drogue ou infiltrer un réseau criminel. Dans ces cas, le policier ne provoque pas directement l’infraction, il reste passif dans le processus de commission du crime. La Chambre criminelle a jugé que ce type de provocation était recevable , car il s'agit d'une simple collecte d’informations. 4.2 Provocation à l’infraction : En revanche, lorsqu’un policier prend une part active dans la commission d’un crime (par exemple, en incitant directement quelqu’un à commettre un délit), la procédure peut être annulée. Ce type d’intrusion active est considéré comme une provocation à la commission de l’infraction , ce qui viole le principe de loyauté et rend la preuve obtenue irrecevable. 5. Législation et jurisprudence sur les provocations policières 5.1 La loi du 19 décembre 1991 et la loi Perben 2 (2004) : Ces deux lois ont introduit des mesures spécifiques concernant les livraisons surveillées , les infiltrations et les provocations policières. Les policiers peuvent désormais agir en tant que complices ou co-auteurs d’infractions dans le cadre d’enquêtes sous certaines conditions. Toutefois, cette pratique est strictement encadrée pour éviter qu’elle ne franchisse la ligne de la provocation à la commission de l’infraction. 5.2 Cyber-infiltration : La loi du 5 mars 2007 a introduit la possibilité de recourir à la cyber-infiltration pour prouver des infractions commises en ligne, en particulier en matière de cybercriminalité. Cela permet aux autorités de s’infiltrer dans des réseaux criminels utilisant des moyens de communication électronique, tout en respectant les principes de loyauté. 6. Le contournement des procédures et l’intervention des autorités publiques 6.1 Affaire du roi du Maroc : Dans cette affaire, des journalistes ont tenté de faire chanter le roi du Maroc en utilisant des enregistrements secrets de conversations compromettantes. Bien que la police ait été informée, la Chambre criminelle a jugé que l’enregistrement réalisé par les journalistes constituait une violation de la loyauté de la preuve, car les autorités publiques n’étaient pas directement impliquées. 6.2 Affaire Benzema/Valbuena (sextape) : Dans cette affaire, un policier a agi comme intermédiaire dans des négociations pour récupérer une sextape, sans inciter à la commission d’un crime. La question de savoir si cette action violait le principe de loyauté a été soulevée. La Chambre criminelle a estimé que l’intervention de la police, bien qu’elle ait permis l’enregistrement des conversations, ne violait pas les principes de loyauté, car elle n’avait pas conduit directement à la commission du chantage. 6.3 Affaire Benalla : L’affaire Benalla (où un membre de l'entourage de Macron s’était déguisé en policier lors d'une manifestation) a également posé la question du respect de la loyauté dans l'exercice de fonctions publiques. La Cour a estimé que ces actes enfreignaient les principes de loyauté, illustrant la rigueur avec laquelle ce principe est appliqué dans les procédures judiciaires.