L'intelligence ça s'apprend - Résumé du livre - BA2 2024-2025 PDF

Summary

Ce document est un résumé du livre "L'intelligence ça s'apprend" de Sébastien Goudeau et Marie Duru-Bellat. Il analyse la notion d'intelligence, notamment à travers le quotient intellectuel (QI) et le haut potentiel intellectuel (HPI), explorant les enjeux et les critiques entourant ces concepts. Le document traite également de l'évolution des tests d'intelligence et des critiques qui les accompagnent, et explore l'influence des facteurs sociaux et culturels sur la réussite scolaire.

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Lilou Jean BA2 2024-2025 L’intelligence ça s’apprend : Sébastien Goudeau, Marie Duru-Bellat Introduction : Ce livre traite des enjeux et des critiques autour de la mesure de l'intelligence, notamment à traver...

Lilou Jean BA2 2024-2025 L’intelligence ça s’apprend : Sébastien Goudeau, Marie Duru-Bellat Introduction : Ce livre traite des enjeux et des critiques autour de la mesure de l'intelligence, notamment à travers le QI (quotient intellectuel) et la notion de « HPI » (haut potentiel intellectuel). - Ces notions, bien qu'utilisées dans les pratiques de recrutement ou de sélection scolaire, sont basées sur des critères flous et controversés. - Si le QI est souvent perçu comme une mesure de l'intelligence et un indicateur de succès scolaire ou professionnel, les chercheurs et psychologues s'accordent à dire qu'il n'existe pas de consensus scientifique solide sur ce que signifie vraiment l'intelligence. ➔ Les tests de QI ne reposent sur aucune base théorique claire, et expliciter ce qu'ils mesurent est un défi, hormis leur corrélation avec la réussite. - Ces tests, bien que critiqués, sont largement utilisés car ils répondent aux « besoins de la pratique » : ils permettent de comparer et de classer rapidement les individus, dans un contexte de concurrence pour des places scolaires ou professionnelles. - De plus, ils répondent à une demande sociale croissante d'outils permettant de pronostiquer les performances futures des individus. Cette notion de mérite, souvent associée à la capacité intellectuelle, légitime les hiérarchies sociales et l'attribution des places dans la société. - médicalisation des difficultés scolaires : tendance croissante à étiqueter les enfants en difficulté comme « dys » (dyslexique, dyscalculique) ou comme « haut potentiel » s’ils sont trop brillants. Cette médicalisation s’inscrit dans une tendance plus large à renvoyer les problèmes sociaux à des causes psychologiques, une évolution qui remonte aux années 1960 et qui a pris de l'ampleur dans les années 1990, particulièrement dans le milieu éducatif. Pour les parents, ces diagnostics peuvent être à la fois source d’anxiété et de réconfort, car ils cherchent à maximiser les chances de réussite de leurs enfants. - Sur un plan sociétal, cette obsession pour la mesure de l’intelligence et les inégalités qu’elle prétend refléter est cruciale. Le mérite, souvent mesuré Page | 1 Lilou Jean BA2 2024-2025 par le diplôme et lié à l’intelligence, est utilisé pour légitimer les inégalités sociales. Les tests de QI semblent parfaitement adaptés à ce système, en offrant une mesure « objective » de l'intelligence, même si celle-ci est en réalité largement discutée. 1) Mesurer l’intelligence , pourquoi et comment ? 1.1) Mesurer l’intelligence, comment faire et pourquoi ? Ici, nous retraçons l'évolution des tests d'intelligence depuis leur création au début du 20e siècle, en soulignant les objectifs sociaux et politiques qui ont souvent motivé leur usage. - Initialement, les tests visaient à orienter les individus (enfants, migrants) en fonction de leurs capacités perçues, mais ils ont vite servi à justifier des hiérarchies sociales, avec des conséquences lourdes comme l'exclusion des immigrés ou des programmes de stérilisation aux États-Unis. - Alfred Binet, à l’origine de la première échelle de mesure de l'intelligence, la voyait comme un outil de diagnostic pour identifier les enfants nécessitant une aide scolaire, mais il craignait son utilisation pour figer les individus dans des catégories permanentes. - Aux États-Unis, les psychologues, en adaptant l'échelle de Binet sous forme écrite, en ont fait un outil généralisé visant à classer les individus et à mesurer leur intelligence « innée », aboutissant au concept de quotient intellectuel (QI) et à des pratiques eugénistes. La conception du QI a évolué sous l'influence de plusieurs psychologues : - Spearman a proposé un modèle global avec un facteur général d'intelligence (le facteur g), tandis que Thurstone a introduit une approche multifactorielle, distinguant plusieurs aptitudes spécifiques (comme la compréhension verbale ou la mémoire). - Des modèles hiérarchiques, comme celui de Cattell-Horn-Carroll, ont ensuite intégré ces visions, postulant un facteur général ainsi que des facteurs spécifiques. - Plus récemment, des tests inspirés des travaux de Piaget et d'autres, tels que la K-ABC, ont cherché à évaluer des processus cognitifs plus fins, comme les capacités de traitement séquentiel et simultané. Des critiques persistent tout de même autour du QI : Page | 2 Lilou Jean BA2 2024-2025 - Celui-ci reste une mesure relative, indiquant une position par rapport à une moyenne de population, et il peut fluctuer en fonction des conditions de vie et du contexte. - Les tests de QI, souvent associés aux performances scolaires, ne sont pas nécessairement représentatifs d'une intelligence globale : Des facteurs externes comme le stéréotype ou les conditions de passation peuvent influencer les résultats. ➔ Ainsi, même si le QI est stable avec l’âge, cela ne signifie pas que l’intelligence reste constante, mais plutôt que l'individu maintient une position relative au sein de son groupe d’âge. ➔ Les critiques pointent aussi le biais social des tests, qui avantageraient les enfants issus de milieux favorisés. - Face aux limites du QI, des modèles alternatifs comme ceux de Gardner (intelligences multiples) et de Sternberg (intelligence triarchique : analytique, créative, pratique) ont émergé, bien que critiqués pour leur manque de fondement scientifique. - Par ailleurs, les recherches actuelles en psychologie cognitive se concentrent davantage sur les fonctions exécutives (comme la flexibilité mentale et la mémoire de travail) plutôt que sur une définition unidimensionnelle de l’intelligence. ➔ Les tests de QI, bien qu'encore largement utilisés pour identifier les enfants à haut potentiel, orienter des parcours scolaires, ou recruter, suscitent des débats idéologiques. Ils sont critiqués pour leur faible fondement théorique et leur rôle dans la justification des hiérarchies et des inégalités sociales. 1.2) L’intelligence est-elle héréditaire ? : Le débat sur l’héritabilité de l’intelligence montre des points de vue opposés concernant l’influence de la génétique. - Les premiers tests de QI, développés au début du XXe siècle, soutenaient une thèse héréditariste, affirmant que l’intelligence, mesurable et stable, serait génétiquement déterminée et transmissible, légitimant en partie les inégalités sociales par l’inné. - Des figures médiatisées, comme Herrnstein et Murray, ont ensuite renforcé cette perspective dans le public. - Cependant, cette conception simplifiée de la génétique omet des distinctions essentielles, notamment entre héritabilité (mesure Page | 3 Lilou Jean BA2 2024-2025 corrélationnelle) et hérédité (perspective causale). Par exemple, des traits hérités génétiquement peuvent avoir une héritabilité faible, et inversement. Etude des jumeaux : - Les études sur les jumeaux monozygotes séparés à la naissance ont initialement montré une corrélation élevée dans les scores de QI, suggérant une part génétique. - Cependant, il est apparu que ces jumeaux vivaient souvent dans des milieux sociaux similaires, limitant la diversité environnementale étudiée. - Les recherches plus récentes, comme celles de Kathryn Paige Harden, soulignent que les gènes contribuent aux capacités cognitives, mais les généticiens rappellent que ces études comportent des biais liés aux interactions entre gènes et environnement, rendant les conclusions peu fiables. Des approches génétiques modernes comme les GCTA et GWAS, qui analysent des milliers de génomes pour estimer l’héritabilité, ont identifié de nombreux variants génétiques associés à la réussite scolaire : - Toutefois, ces analyses ne fournissent pas de liens causaux clairs, et les effets des variantes génétiques sont modulés par des facteurs externes, rendant les résultats difficiles à interpréter et limités dans un contexte donné. La génétique du cerveau est ainsi complexe, et bien que certains gènes influencent le développement cognitif, leur expression varie selon l’environnement, l’épigénétique, et la plasticité cérébrale. ➔ le développement cognitif des individus est influencé autant par les gènes que par les interactions environnementales, avec des facteurs tels que l’éducation et le contexte social jouant un rôle crucial. ➔ Les enfants ne sont donc pas déterminés de manière inéluctable par leur patrimoine génétique, mais se développent grâce à la combinaison flexible de leur biologie et de leurs environnements. Page | 4 Lilou Jean BA2 2024-2025 différence entre hérédité et héritabilité 1. Hérédité :L’hérédité est un concept causal qui concerne la transmission de traits spécifiques d'une génération à une autre. Par exemple, la couleur des yeux est un trait héréditaire : si un parent a les yeux bleus, l'enfant a une probabilité accrue d’avoir aussi les yeux bleus, car ce trait se transmet de façon génétique. L’hérédité implique donc une relation directe entre les gènes des parents et les caractéristiques observables (phénotypes) chez les enfants. 2. Héritabilité :L’héritabilité est une mesure statistique et corrélationnelle qui estime la part de variabilité d’un trait dans une population attribuable à des différences génétiques, sans pour autant impliquer de relation causale. Elle évalue dans quelle mesure les variations d’un trait (comme l’intelligence ou la taille) peuvent être attribuées à des différences génétiques parmi les membres d'une population donnée. Une héritabilité élevée indique que les variations génétiques expliquent une grande partie des différences observées pour ce trait au sein d'une population, mais cela ne signifie pas que le trait est strictement déterminé par les gènes. Exemple pour illustrer :Supposons que l'héritabilité de l'intelligence dans une population soit de 60 %. Cela signifie que, statistiquement, 60 % de la variance des scores d'intelligence au sein de cette population pourrait s'expliquer par des différences génétiques. Cependant, cela n'implique pas que l'intelligence d'une personne spécifique est "déterminée" à 60 % par ses gènes. De plus, cette mesure est propre à un groupe et à un environnement particulier et peut varier dans d’autres contextes. En résumé : Hérédité = Transmission directe d'un trait génétique d'un parent à un enfant. Héritabilité = Mesure statistique de la part de variation d’un trait attribuable aux gènes dans une population spécifique, sans établir de lien causal direct. 2) Les situations scolaires et la fabrique d’intelligence : 2.1) L’intelligence au prisme du fonctionnement du système scolaire : Ici nous critiquons les explications "déficitaires" qui attribuent les différences de réussite scolaire à des caractéristiques individuelles, notamment l'intelligence, en affirmant que cette perspective est simpliste et scientifiquement infondée. - Les disparités scolaires ne découlent pas de prétendus déficits personnels mais s'inscrivent dans un contexte institutionnel et social plus vaste où l’école contribue à construire ces inégalités. En tant qu’institution, l'école évalue, classe et sélectionne les élèves selon une conception de l’intelligence qui est perçue comme légitime, classifiant les élèves sur une courbe normale, ce qui engendre une hiérarchie stable de compétences intellectuelles. - L’école a ainsi une double fonction : d’éducation, visant l’égalité des chances, et de sélection, où elle oriente les élèves selon un principe de Page | 5 Lilou Jean BA2 2024-2025 mérite perçu comme individuel. Cette sélection implique nécessairement des situations d’échec scolaire, qui touchent plus souvent les élèves de milieux populaires, en raison des croyances et pratiques institutionnelles qui tendent à voir en eux des carences. - Par ailleurs, un contexte de « médicalisation de l’échec scolaire » renforce cette vision en pathologisant les difficultés des élèves, notamment par le biais de diagnostics psychologiques et médicaux, contribuant à essentialiser les inégalités de réussite. - On peut également remettre en question les explications biologiques et environnementales qui considèrent l'échec scolaire comme le résultat de déficits cognitifs ou de milieux peu stimulants. Les recherches en neurosciences, notamment sur la plasticité cérébrale, démontrent que chaque enfant a la capacité d'apprendre, cela contredit donc l'idée que les différences de réussite soient naturelles ou immuables. 2.2) Psychologisation ou essentialisation des performances scolaires : Il y a une tendance à "essentialiser" les performances scolaires, c'est-à-dire à les attribuer à des causes internes ou innées, telles que l’intelligence et la motivation, plutôt qu'à des facteurs contextuels ou situationnels. Cette vision est partagée par les enfants et les adultes dès le plus jeune âge. - Elle est influencée par des biais cognitifs naturels, les facteurs internes étant plus faciles à remarquer et à mémoriser que les facteurs extrinsèques, comme l'origine sociale. Ce biais est renforcé par la croyance dans la méritocratie, idée dominante dans les sociétés occidentales, selon laquelle le mérite personnel est à l'origine des différences de réussite. - Cette conception est reflétée dans l'organisation scolaire, où tous les élèves suivent un même programme avec des tâches similaires, accentuant les différences de réussite et minimisant l’impact des contextes externes. - Les conceptions psychologisantes de l’éducation, inspirées par des théories comme celles de Piaget, soutiennent que le développement cognitif est un processus interne à l'enfant, stimulant ainsi l'idée que les capacités émergent naturellement à des rythmes propres. - Ces conceptions renforcent la perception d’un "élève autonome" dont la réussite serait le reflet de qualités intrinsèques. En réalité, selon les connaissances actuelles, la réussite scolaire est fortement influencée par le contexte éducatif et les situations d'apprentissage, ainsi que par des pratiques institutionnelles de sélection et de compétition. - Ces dynamiques rendent les élèves sensibles à leur position dans la hiérarchie scolaire, ce qui oriente leurs comportements et leurs Page | 6 Lilou Jean BA2 2024-2025 préoccupations, tout en influençant les pratiques pédagogiques des enseignants. 2.3) Croire en la méritocratie scolaire : La croyance en la méritocratie scolaire a un impact. - Selon elle les résultats scolaires reflètent principalement les efforts et capacités individuels. Cette perspective tend à minimiser l'influence des facteurs externes comme le milieu social ou l'origine culturelle, ce qui peut accentuer les difficultés des élèves de milieux populaires. - Une étude a montré que l'introduction de cette idée de mérite augmente l'écart de réussite entre élèves de milieux populaires et favorisés. - Par ailleurs, les enseignants croyant en la méritocratie privilégient davantage des pratiques compétitives, moins propices à réduire les inégalités scolaires, et sont moins enclins à utiliser des méthodes pédagogiques favorisant l’entraide et l’équité. 2.4) Stéréotype sur l’intelligence : Nous pouvons également aborder le sujet concernant l’impact des stéréotypes sociaux en milieu scolaire, notamment celui associant les enfants de milieux populaires à un manque d’intelligence. - Ces stéréotypes, bien qu'infondés scientifiquement, influencent négativement les performances des élèves ciblés, en générant stress et pensées négatives. Ce phénomène, appelé "menace du stéréotype," crée une situation de double tâche, où l'élève doit à la fois accomplir une tâche académique et gérer le stress lié à la peur de confirmer le stéréotype, ce qui nuit à sa performance. - Des études montrent que les élèves de milieux populaires réussissent moins bien lorsque les tests sont présentés comme des évaluations d’intelligence, mais que cet écart disparaît si l'évaluation est neutre. ➔ percevoir les évaluations comme des outils de progression plutôt que comme mesures fixes de capacité pourrait réduire l’effet de cette menace et serait plus pertinent. 2.5) Pratiques d’évaluation dans la classe : Dans les pratiques d’évaluation en classe, les évaluations peuvent soit servir à sélectionner les élèves, soit à soutenir leur progression. Page | 7 Lilou Jean BA2 2024-2025 - Les évaluations normatives visent la comparaison des performances des élèves entre eux ou par rapport à un standard. En revanche, les évaluations formatives sont axées sur le suivi et l’amélioration des apprentissages. - Des études montrent que la perception de l’évaluation influe sur les performances : lorsque l’évaluation est perçue comme un outil de sélection, les élèves issus de milieux populaires réussissent moins bien que ceux de milieux favorisés. - Cet écart de performance s'atténue quand l’évaluation est présentée comme un moyen d’améliorer les compétences. - Par ailleurs, des biais d’évaluation apparaissent chez les enseignants, qui tendent à noter plus sévèrement des travaux qu’ils pensent provenir d’élèves de milieux populaires, surtout lorsqu’ils perçoivent l’évaluation comme un outil de sélection. 2.6) Comparaisons sociales entre élèves : La comparaison sociale est omniprésente dans les environnements scolaires, influençant l’estime de soi des élèves. Lorsqu’ils constatent la réussite de leurs pairs, les élèves ont tendance à comparer leur propre valeur et à ressentir du stress s'ils se perçoivent comme "moins bons". La réussite des autres peut être menaçante pour leur image de soi, surtout s'ils estiment que ces différences de performance sont dues à des qualités intrinsèques et stables, comme l'intelligence. - Les élèves interprètent souvent les écarts de réussite comme des signes de différences individuelles permanentes, renforçant les inégalités scolaires. En particulier, les élèves de milieux populaires, moins familiers avec certains apprentissages, voient les avantages de leurs pairs comme des signes de capacités supérieures, ce qui accroît leur sentiment d'infériorité et limite leur concentration. - Des recherches montrent que ces effets peuvent être exacerbés dans des contextes de comparaison sociale. Par exemple, des élèves peu familiarisés avec un système d’écriture réussissaient moins bien lorsqu’ils devaient lever la main pour indiquer leurs progrès, ce qui rendait les écarts visibles. - Les élèves défavorisés en termes de préparation interprètent leur moindre réussite comme une preuve de faiblesse intellectuelle. ➔ Il est possible de diminuer ces effets négatifs en expliquant que les écarts de réussite sont dus aux différences d’entraînement, plutôt qu’à des capacités fixes. - On se rend également compte que dès leur plus jeune âge, les enfants utilisent les critères scolaires pour juger leurs camarades, rejetant souvent ceux qui obtiennent de mauvaises notes ou semblent moins performants. Page | 8 Lilou Jean BA2 2024-2025 2.7) L’effet maitre et l’effet classe : L'« effet maître » et l'« effet classe » influencent les résultats scolaires des élèves, incluant l'efficacité de l'enseignant (élévation du niveau moyen) et l'équité (réduction des écarts entre élèves). - En France, ces effets expliquent 10 à 15 % de la variance des acquis des élèves, impactant davantage ceux en difficulté. Les différences d'efficacité entre enseignants dépendent de la formation, de l'ancienneté et de la gestion du temps dédié aux apprentissages, qui peut varier considérablement. - La composition de la classe influe aussi : la réduction de la taille des classes, notamment en primaire, bénéficie particulièrement aux élèves en difficulté. En revanche, la formation de classes de niveau accentue les inégalités, affectant négativement l'estime de soi et la réussite des élèves en difficulté, qui perçoivent leur placement comme un manque de capacité. ➔ Ce type de regroupement entraîne des pratiques pédagogiques ajustées selon le niveau perçu, souvent au détriment des élèves en difficulté. - Les attentes de l’enseignant jouent un rôle crucial, influençant la progression des élèves par des effets de prophéties autoréalisatrices, appelés « effet Pygmalion » : les élèves envers qui l'enseignant a des attentes élevées sont plus stimulés, tandis que ceux en difficulté, envers qui les attentes sont moindres, sont moins sollicités. - Cette dynamique avantage les élèves de milieux aisés, qui ont plus souvent accès à des contextes scolaires favorables (enseignants expérimentés, couverture des programmes, attentes élevées), renforçant les inégalités sociales en matière de réussite scolaire. ➔ L'école contribue ainsi à une forme de ségrégation, car les conditions d'apprentissage sont souvent moins favorables dans les zones populaires. 2.8) Le rôle des pratiques pédagogiques : Les pratiques pédagogiques scolaires sont porteuses d'exigences souvent implicites, créant des malentendus sociocognitifs, surtout pour les élèves de milieux populaires. - Ces élèves perçoivent le travail scolaire comme le respect des règles, sans saisir l'objectif de construction de savoirs, contrairement aux élèves favorisés, plus proches des codes scolaires implicites grâce à leur environnement culturel. - Les méthodes pédagogiques implicites, comme l'apprentissage par le jeu, renforcent ces écarts : les élèves favorisés comprennent mieux les enjeux Page | 9 Lilou Jean BA2 2024-2025 éducatifs dissimulés dans le jeu que les élèves populaires, pour qui jouer et apprendre sont distincts. - Certaines pédagogies, comme des méthodes de lecture adaptées, montrent néanmoins leur efficacité en réduisant les échecs scolaires sans avoir besoin de diagnostiquer de troubles spécifiques comme la dyslexie, ce qui atténue les inégalités dès le départ. ➔ La réussite scolaire dépend davantage des contextes pédagogiques et des interactions sociales, marquées par les attentes et stéréotypes implicites des institutions, que de l'intelligence innée ou du QI des élèves. 3) Les familles et la fabrique de l’enfant intelligent : 3.1) Le développement cognitif entre neurosciences et sciences sociales : Ici nous analysons l'influence de l'environnement familial et socioéconomique sur le développement cognitif des enfants et leur réussite scolaire. - la diversité des milieux familiaux affecte divers aspects du développement cognitif, notamment à travers les compétences et attitudes valorisées à l'école. Les stratégies parentales, y compris le soutien scolaire et la reconnaissance des « hauts potentiels », jouent également un rôle crucial dans la réussite scolaire des enfants. - La question des inégalités cognitives est assez pertinente. En la mettant en lien avec les neurosciences et les sciences sociales, on observe que le cerveau se développe en fonction des stimulations sociales et environnementales. Les conditions de vie, comme la pauvreté, influencent le fonctionnement cognitif et le cerveau. - Par exemple, le stress lié aux difficultés économiques capte l’attention des enfants et peut nuire à leur prise de décision, entravant ainsi leurs chances de sortir de la précarité. - De plus, des études montrent que le niveau d'éducation et le revenu parental sont associés à la taille du cortex cérébral, avec un impact plus fort pour les enfants de familles à faible revenu. - L'enquête française ELFE révèle des inégalités dès le plus jeune âge, particulièrement dans le développement langagier. Les enfants de milieux défavorisés utilisent moins de mots et de vocabulaire abstrait que ceux de familles éduquées, ce qui impacte leur réussite scolaire. Page | 10 Lilou Jean BA2 2024-2025 L’enquête ELFE : (Étude Longitudinale Française depuis l’Enfance) suit 18 000 enfants nés en 2011 pour analyser l’impact de leur environnement familial, social et matériel sur leur développement jusqu’à l’âge adulte. Menée par l’INED et l’INSERM, cette étude examine des facteurs variés, comme le milieu familial, les conditions de vie, la santé, et les modes de garde. Les premiers résultats montrent des inégalités de développement, notamment dans le langage et le vocabulaire selon le niveau socioéconomique. Ces données permettent de mieux comprendre comment les conditions de vie influencent la réussite scolaire et offrent des bases pour des politiques éducatives et sociales visant à réduire les inégalités dès la petite enfance. Attention ces différences ne sont pas nécessairement irréversibles !!! - Bien que les enfants issus de milieux défavorisés puissent avoir moins d’opportunités d’expériences enrichissantes, des interventions visant à améliorer leur environnement peuvent améliorer leurs performances intellectuelles. - Par ailleurs, les enfants exposés à la précarité développent parfois des compétences spécifiques, comme l'adaptation au stress, qui leur permettent de mieux gérer des environnements difficiles. ➔ Enfin, même dès la maternelle, les enfants présentent des inégalités cognitives et langagières, influencées par les conditions matérielles et les pratiques parentales de socialisation, qui façonnent leur parcours scolaire. 3.2) Stimuler l’ « intelligence de l’écolier » : Il y a certaines différences dans les pratiques éducatives familiales selon les milieux sociaux et leur influence sur la réussite scolaire des enfants. - Les parents de milieux favorisés tendent à organiser la vie quotidienne autour d'activités éducatives et structurées, visant à développer chez l’enfant des compétences d'expressivité, d’autonomie et de gestion du temps, nécessaires à la réussite scolaire. Ces enfants apprennent à exprimer leurs opinions, à valoriser l'effort et à gérer leur emploi du temps, des compétences en phase avec les attentes scolaires. - En revanche, dans les milieux populaires, le développement de l'enfant est souvent perçu comme spontané, et les loisirs ne sont pas toujours orientés vers des apprentissages formels. Ces familles distinguent davantage le temps libre du temps de travail, valorisant l’épanouissement immédiat plutôt que la préparation scolaire. - Les enfants de milieux favorisés bénéficient ainsi d’un « capital culturel » qui inclut des habitudes de lecture, des pratiques culturelles et une familiarité avec le langage formel, ce qui favorise leur réussite scolaire. Page | 11 Lilou Jean BA2 2024-2025 ➔ Pour résumer ce sous-chapitre, les différences sociales influencent directement l’« intelligence de l’écolier », en dotant certains enfants de ressources et d’attitudes plus adaptées aux exigences de l’école. 3.3) Se mobiliser pour de brillantes carrières scolaires : L’implication parentale a un rôle plus que crucial dans la réussite scolaire des enfants, l’intelligence seule ne garantit pas un parcours scolaire brillant. - Les parents, en fonction de leurs ressources culturelles et économiques, s’efforcent de soutenir leurs enfants dans un contexte compétitif où les meilleures filières et les meilleurs emplois sont convoités. - Dans les milieux favorisés, les parents adoptent des stratégies subtiles pour développer l’autonomie, la motivation et les compétences d'auto-évaluation de leur enfant, alors que les familles moins favorisées se concentrent souvent sur le suivi basique du travail scolaire, avec des difficultés à comprendre les attentes implicites de l'école. - Quand des difficultés scolaires apparaissent, les parents des milieux favorisés ont plus de moyens pour offrir une aide extérieure, par des cours privés ou des outils pédagogiques, ce qui aide leurs enfants à surmonter ces obstacles et à maintenir de bonnes performances scolaires. ➔ En conséquence, les enfants de familles aisées ont souvent un parcours plus stable et progressent plus facilement vers des filières prestigieuses, indépendamment de leurs performances cognitives initiales. L’influence des familles se manifeste également dans les choix d’orientation scolaire : - Les milieux favorisés, bien informés du système scolaire, font des choix stratégiques pour orienter leurs enfants vers les filières d’excellence, renforçant ainsi les inégalités sociales. Ce phénomène est particulièrement frappant chez les enfants dits « HPI » (haut potentiel intellectuel), souvent issus de familles cultivées et favorisées. - Ces parents, persuadés des besoins particuliers de leur enfant, obtiennent des diagnostics de QI élevé et exercent des pressions pour obtenir des aménagements spécifiques (sauts de classe, programmes adaptés), justifiés par des lois (loi « Pour l’avenir de l’école » 2005) favorisant la prise en charge des élèves précoces. On peut donc voir que la réussite scolaire dépend largement de la mobilisation parentale, de leur capacité à optimiser le parcours scolaire de leurs enfants et à exploiter toutes les ressources institutionnelles disponibles, notamment pour les enfants « surdoués ». Page | 12 Lilou Jean BA2 2024-2025 ➔ Cette mobilisation parentale illustre à quel point la carrière scolaire est influencée par des facteurs externes, au-delà des simples aptitudes intellectuelles de l’élève. 3.4) inégalités des conditions de vie ou désavantages arbitraires : On peut analyser la question des inégalités de développement cognitif des enfants à travers leur environnement social et matériel, en opposant les perspectives des neurosciences et de la sociologie. - Les neurosciences montrent que le développement cognitif est fortement influencé par le contexte de vie, notamment par la pauvreté, qui limite les opportunités éducatives et affecte le cerveau des enfants. - Cependant, cette approche pourrait induire une vision stigmatisante des classes populaires, en ignorant la capacité du cerveau à s’adapter et les potentiels de progrès. - En parallèle, la sociologie souligne que le système éducatif impose des normes et des contenus souvent arbitraires, avantageant les enfants de milieux favorisés qui ont développé des habitudes et des compétences (comme un rapport réflexif au langage) en adéquation avec les attentes scolaires. ➔ Les différences dans les pratiques éducatives familiales se traduisent par une inégalité d’accès à des compétences langagières et cognitives valorisées à l’école. Les enfants des milieux populaires, qui ont un rapport pratique au langage, sont désavantagés face à l'exigence scolaire d'abstraction et de formalisation du langage, à laquelle les enfants favorisés sont mieux préparés. Mais quelle est la frontière entre inégalités réelles et normes culturelles arbitraires ? - La sociologie et la psychologie travaillent ensemble pour étudier comment les pratiques éducatives influencent le développement cognitif ( et donc pour tenter de répondre à cette question). - Il faut éviter de naturaliser les difficultés cognitives des enfants en les attribuant à la génétique, le plus pertinent serait de repenser les politiques éducatives en intégrant les apports des sciences sociales et des neurosciences. ➔ Ces analyses ont un enjeu politique fort, car elles influencent les politiques éducatives visant à réduire les inégalités en améliorant l’environnement des enfants défavorisés. Page | 13 Lilou Jean BA2 2024-2025 Conclusion : Dans un contexte de montée des inégalités, certains cherchent à justifier ces écarts par des causes biologiques ou génétiques, notamment en ce qui concerne l’intelligence. Cependant, cette perspective est scientifiquement contestable. Les études attribuant des variations d'intelligence à la génétique souffrent de biais méthodologiques, et la biologie ne peut expliquer seule les différences de réussite scolaire. - L'intelligence est loin d’être un phénomène purement naturel. En effet, elle est largement influencée par des facteurs sociaux. - Les inégalités scolaires découlent de l’interaction entre le milieu familial et le système éducatif. Les élèves arrivent à l’école avec des préparations inégales, en raison des différences sociales et culturelles. - Ces écarts initiaux façonnent les perceptions de leurs capacités, renforçant un cercle vicieux : les élèves jugés performants se perçoivent comme intelligents, tandis que ceux en difficulté s’auto-évaluent négativement, ce qui influence leur apprentissage. - La société et l'institution scolaire, en valorisant une conception étroite de l'intelligence (mesurée par des tests tels que le QI), aggravent ces inégalités. Ces tests reflètent des compétences privilégiées par l’école et la société compétitive, en laissant de côté d'autres formes d'intelligence, comme l’intelligence émotionnelle ou les soft skills. Les soft skills sont des compétences interpersonnelles et comportementales qui permettent de bien interagir avec les autres et de s'adapter à différentes situations. Contrairement aux hard skills (compétences techniques spécifiques à un métier), les soft skills sont transversales et s'appliquent à tous les domaines. Exemples : capacités d'empathie, créativité, etc Des solutions existent pour réduire ces inégalités : - Par exemple, des interventions ciblées sur les familles (comme la promotion de la lecture partagée) et des changements dans les pratiques pédagogiques montrent des effets positifs ( cela a été fait aux Etats-Unis). - Travailler sur les représentations de l’intelligence (en valorisant l’échec comme étape d’apprentissage) peut aussi aider, mais ces actions restent localisées. - Ex : « Ainsi, alors que le niveau de vocabulaire des jeunes enfants est marqué par des inégalités sociales importantes, cette inégalité est réduite de plus de 40 % lorsque les parents les moins diplômés se voient distribuer des livres accompagnés de certaines consignes et lisent avec leurs enfants autant que les plus diplômés » Page | 14 Lilou Jean BA2 2024-2025 Enfin et pour conclure, une réelle égalité des chances nécessite une transformation globale du système éducatif et de la société. ➔ Il s’agit de reconnaître que tous les enfants sont capables, indépendamment de leurs conditions initiales, et de diversifier les critères de réussite. ➔ Cette démarche éviterait de réduire l’éducation à une compétition basée sur une définition étroite et inégalitaire de l’intelligence. Les auteurs : 1) Sébastien Goudeau est maître de conférences HDR en psychologie sociale à l’Université de Poitiers, où il dirige le site de Niort de l’INSPE. Il mène ses recherches au CeRCA (Centre de recherches sur la cognition et l'apprentissage), se concentrant sur l’influence du contexte socio-culturel et scolaire sur l’apprentissage et les performances des élèves. Il est l’auteur de Comment l’école reproduit les inégalités? (UGA éditions, 2024). 2) Marie Duru-Bellat, sociologue, est professeure émérite à Sciences Po et chercheuse au CRIS (Centre de recherche sur les inégalités) et à l’IREDU (Institut de recherche en éducation). Elle travaille sur le système éducatif, les questions de genre et les enjeux de justice sociale. Parmi ses ouvrages récents figurent La Tyrannie du genre (2017), Le mérite contre la justice (2019), L'école peut-elle sauver la Démocratie? (2020, coécrit avec François Dubet) et Sociologie de l'école (2022, coécrit avec G. Farges et A. van Zanten). Page | 15

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