Initiation à une approche esthétique des Arts - CM PDF

Summary

Ce document traite de l'histoire de l'art, en se concentrant sur le concept d'esthétique et différents courants de pensée. Il explore les idées de différents philosophes comme Charles Batteux et Alexander Gottlieb Baumgarten pour expliquer leurs points de vue sur l'art et la sensibilité.

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## Initiation à une approche esthétique des Arts - CM ### B/ L'expérience de l'art, le partage du sensible #### Charles Batteux (1713-1780) Les « preuves qu'on pouvait tirer du sentiment, d'autant plus, que c'est le goût qui est le juge-né de tous les beaux arts, et que la raison même n'établit s...

## Initiation à une approche esthétique des Arts - CM ### B/ L'expérience de l'art, le partage du sensible #### Charles Batteux (1713-1780) Les « preuves qu'on pouvait tirer du sentiment, d'autant plus, que c'est le goût qui est le juge-né de tous les beaux arts, et que la raison même n'établit ses règles, que par rapport à lui et pour lui plaire » « Les règles du goût ne sont que des conséquences du principe de l'imitation ». « Le je-ne-sais-quoi est de la nature de ces choses qu'on ne connaît que par les effets qu'elles produisent. » (Félibien, 2ème moitié du 17ème siècle). * Ce qui pointe ici, c'est le ressenti (et c'est nouveau). #### Alexander Gottlieb Baumgarten (1714-1762): lumière, allemand * Aisthesis = la sensation * Distinction traditionnelle entre : * Les NOÊTA, faits d'intelligence * Les AISTHÈTA, faits de sensibilité Baumgarten considère les sensations (aistheta) comme une forme de connaissance basée sur les sens, distincte de la raison. Il décrit le sensible comme une « intelligence confuse », moins précise mais tout aussi valable que la pensée rationnelle. Baumgarten propose une nouvelle théorie de la sensibilité comme faculté de connaissance parallèle à la raison. La sensibilité nous fournit des connaissances, avec un degré de clarté opposé à l'obscurité du néant de la connaissance. Cette clarté sensible se distingue de la clarté rationnelle par sa nature confuse. #### Clarté vs Obscurité : * Clarté distincte (intellectuelle) * Clarté confuse (sensible) * Obscurité (néant de la connaissance) La clarté confuse est une faculté positive de connaissance, fournissant une perception irréductible à la raison et ayant une valeur propre, notamment poétique. #### Caractéristiques de la clarté confuse : * Intuitive * Vive: forte présence dans l'esprit * Rapport plus clair au monde sensible, sans nécessairement mieux le comprendre #### Implications: 1. La vérité et la beauté résident principalement dans l'esprit, pas dans l'objet. 2. Notre perception est toujours subjective, limitée par nos facultés humaines. 3. La vérité absolue reste inaccessible; nous n'atteignons qu'une vérité apparente. #### Conséquences: 1. Réhabilitation de la sphère sensible, égale à la vérité logique. 2. Subjectivité inhérente à toute perception, sans accès aux caractéristiques intrinsèques des objets. En conclusion, Baumgarten redéfinit la vérité comme vraisemblance : une vérité apparente pour le sujet, mesurée à l'aune de nos facultés universelles, évitant ainsi un relativisme total. ### 1/ Emmanuel Kant (1724-1804), Critique de la faculté de juger (1790) * Faculté de juger: Quiconque, face à une œuvre d'art, peut dire « j'aime » ou « je n'aime pas », est capable de juger certaines œuvres comme bonnes et d'autres comme mauvaises. #### Trois relations différentes au sentiment de plaisir : * Agréable: Ce qui fait plaisir - subjectivité individuelle, satisfaction ne dépendant pas de la réflexion. DONC non communicable et se limitant à la seule sensation.. * Bon: Ce qu'on estime, approuve - à partir d'un concept. * Beau: Ce qui plaît – satisfaction désintéressée et libre, C'EST-À-DIRE « satisfaction ayant pour principe quelque chose que je peux supposer aussi en tout autre ». #### Art d'agrément VS beaux-arts * ART D'AGRÉMENT (bonne cuisine, conversation, musique accompagnant un repas) * Sa finalité: Que le plaisir accompagne les représentations en tant que simples sensations. * BEAUX-ARTS Sa finalité : Que le plaisir accompagne les représentations en tant que modes de connaissance. #### L'AGRÉABLE Ce qui plaît aux sens dans la sensation * SENSATION OBJECTIVE : cette prairie est verte * SENSATION SUBJECTIVE : ce que cette couleur verte a d'agréable La visée n'est pas la connaissance Mais = la satisfaction * Satisfaction: « le rapport de l'existence de l'objet à mon état, dans la mesure où cet état est affecté par l'objet » #### Différences entre l'agréable et le bon / le beau * Satisfaction liée au bon: implique un intérêt * l'utile * le bon en soi * Nécessité d'un CONCEPT (moral) VS il n'existe pas de concept de beau * Satisfaction liée à l'agréable - ne dépend pas de la réflexion VS la satisfaction prise au beau dépend de la réflexion #### Différence entre le bon et le beau * Le jugement de goût, contrairement au jugement du bon, est contemplatif et désintéressé. Il ne repose pas sur des concepts ou des connaissances, mais sur le sentiment de plaisir ou de peine lié à la nature de l'objet. > **Conséquence:** La satisfaction esthétique est « désintéressée et libre », sans contrainte des sens ou de la raison. Le jugement de goût considère l'objet indépendamment de son utilité ou de sa finalité. ### Subjectivité universelle Le jugement esthétique, bien que subjectif, prétend à l'universalité. Cette « universalité subjective » suppose que la satisfaction désintéressée contient un principe de satisfaction valable pour tous, transcendant les conditions personnelles. « La nécessité objective de la fusion du sentiment de tous avec le sentiment particulier de chacun. » Ainsi, le jugement esthétique est à la fois personnel et universel. #### PARADOXE Le jugement esthétique est à la fois subjectif et universel. Il est personnel, sans concept défini, mais prétend à une validité universelle. Le goût esthétique diffère du simple goût sensoriel. Il implique une réflexion et un jugement qui, bien que subjectifs, aspirent à l'universalité. L'absence d'un concept de beauté empêche toute démonstration rationnelle du beau. Le jugement esthétique se fonde sur un sentiment, supposé partageable, plutôt que sur des règles objectives. « Lorsque quelqu'un me lit un poème de sa composition ou me conduit à un spectacle qui pour finir ne satisfait pas mon goût, il aura beau en appeler à Batteux ou à Lessing, ou invoquer d'autres critères du goût encore plus célèbres et plus anciens... Je me boucherai les oreilles, ne voudrais entendre ni raison ni raisonnement et préférerait croire fausses toutes les règles des critiques plutôt que de laisser déterminer mon jugement par des arguments probants a priori, puisqu'il s'agira d'un jugement de goût et non de l'entendement ou de la raison. » ### Hypothèse : * Un sens commun esthétique, bien qu'indémontrable, permet la communication du sentiment de beauté. En déclarant une œuvre belle, on fait appel à ce sens commun, supposant chez autrui la capacité de partager notre expérience esthétique. « Le goût est donc la faculté juger a priori de la communicabilité des sentiments liés à une représentation donné (sans médiation d'un concept) » Kant résout l'opposition entre sentiment et jugement, marquant un tournant subjectif en esthétique. L'appréciation de l'art dépend désormais du sujet et de sa réception, soulignant l'autonomie critique de l'individu. #### Finalement La beauté n'est plus une propriété intrinsèque de l'objet, mais une expérience subjective communicable. Le jugement esthétique, bien que personnel, aspire à l'universalité, illustrant la complexité de notre rapport à l'art et au beau. Le spectateur, au cœur de l'esthétique kantienne, devient l'arbitre final de ce qui constitue l'art, exerçant son jugement de goût pour distinguer le beau. ### Retour sur Kant Une hypothèse politique : tous les hommes possèdent un sens commun de l'esthétique L'esthétique implique la place des individualité qui reçoivent de œuvre d'art, ce tournant subjectif n'a jamais été remis en question, il fait partie aujourd'hui de notre vision de l'art Kant insiste, ça ne veut pas dire que chacun partage mon jugement, mais que chacun doin l'admettre sans le partager en termes de goût. #### La question de goût > digression sociologique : * Bourdieux, La Distinction A partir d'une analyse de la société, il considère que le capital culturel importé sur ma manière qu'on considère les gens qui font partie de notre société. * Le goût des gens est dépendant de ce capital culturel. Le « capital culturel » de Bourdieu désigne les ressources culturelles acquises par un individu, principalement via l'éducation et l'environnement social. Il englobe connaissances, compétences et avantages conférant statut et pouvoir dans la société. Selon Bourdieu, ce capital influence fortement les goûts et préférences, déterminés par le milieu social et l'éducation plutôt que par des choix purement individuels. Cette théorie s'inscrit dans une analyse sociétale plus large, examinant l'impact du capital culturel sur nos perceptions et interactions sociales. * Cari Wilson, Let's talk about love * Pourquoi je pense avoir le capital du mauvais goût? * BD: Ma Pizza Metal * Réflexion sur le bon goût ### 2/ John Dewey, L'art comme expérience * Philosophe américain, qui a beaucoup travaillé sur l'éducation et la pédagogie. Il fait partie du curant: le pragmatisme (avec George Dickie). #### Le pragmatisme : * Ce courant se distingue de la philosophie européenne qui ce base sur l'essence, quel est l'essence de l'art ? * Pour les américains ce sont des questions inutiles. Il faut se baser sur la pratique à l'échelle de l'individu. * Cette philosophie s'apparente aux sciences sociales, fondée sur des enquêtes sociétales. Les chercheurs observent avant de théoriser. La connaissance évolue avec le temps, sans vérité absolue préexistante. Les conclusions de leurs enquêtes peuvent changer avec le temps. Pour eux, il n'existe pas de vérité absolue et permanente. * ⇒ Une philosophie de l'enquête a des fins pratiques * ⇒ L'enquête s'applique au-delà des sciences, englobant l'étude des valeurs et la résolution des enjeux sociopolitiques. #### L'Art comme expérience, Chapitre 3 "Vivre une expérience" 1. Les choses existent parce que nous en faisons l'expérience, pas par elles-mêmes 2. La pensée contient une part de sensibilité 3. Le travail de l'artiste est un travail de pensée, qui est aussi important que la façon dont le spectateur reçoit l'œuvre #### Explorer l'expérience * Définition: Interaction être vivant-environnement, mais insuffisante pour une compréhension complète. #### Caractéristiques : * Ensemble cohérent (début-fin), comme une histoire * Unicité distinctive * Existence autonome * Déroulement complet * Dimension esthétique et émotionnelle * Dépasse la réaction automatique, s'applique aussi à la pensée. Aspect esthétique indissociable de l'expérience intellectuelle. ### An-esthétique: l'absence de conscience * Une expérience an-esthétique se caractérise par : * Une suite d'événements sans liens logiques * Des actions mécaniques sans réflexion * Un début et une fin, mais sans véritable commencement ni conclusion. Ce type d'expérience manque de forme et de cohérence. Elle ne peut donc pas être considérée comme une véritable expérience, car elle est dépourvue de dimension esthétique. ### L'idée d'un jugement réfléchi * Les émotions qui ont du sens font partie d'une expérience complexe qui évolue au fil du temps. Elles ne sont pas isolées, mais liées à nous-mêmes. Comme on dit, « l'émotion fait partie de moi ». * Pour qu'une émotion devienne vraiment significative, elle doit s'inscrire dans une expérience qui dure. Cette expérience a un début, un développement et une conclusion. Ce processus implique notre réflexion: nous découvrons et nous réfléchissons tout au long de l'expérience. ### Une expérience esthétique possède : * Une dimension originale: elle apporte quelque chose de nouveau ou d'unique. * Une dimension sensible de la pensée: elle implique nos émotions et nos sensations. * Une dimension esthétique dans le domaine de la pensée: elle influence notre façon de réfléchir et de percevoir les choses. ### Le travail de l'artiste et du chercheur * Les artistes et les chercheurs utilisent tous deux leur pensée dans leur travail. L'intelligence, dans ce contexte, c'est comprendre le lien entre ce qu'on fait et ce qu'on ressent. * Il existe une connexion entre le moment où l'on agit et celui où l'on reçoit ou perçoit. C'est en réfléchissant qu'on arrive à saisir ces liens. * Cela nous montre que l'intelligence joue un rôle important dans la création artistique. Quand un artiste danse ou peint, il ne fait pas que bouger ou appliquer de la peinture - il réfléchit aussi. ### Les conséquences: * Savoir-faire et perfection technique ne suffisent pas pour créer une œuvre d'art. Si c'était le cas, les machines pourraient en produire. Pour qu'une création soit artistique, elle doit être conçue en pensant au plaisir qu'elle procurera au spectateur. L'artiste utilise son jugement esthétique pendant la création. Il devient en quelque sorte son propre spectateur pour améliorer son œuvre. * Une œuvre d'art naît véritablement lorsque l'artiste fait appel à sa sensibilité exceptionnelle pour percevoir les qualités uniques des choses. * L'esthétique est liée à l'expérience: elle implique à la fois la perception et l'évaluation du plaisir. Une perception esthétique va au-delà du simple fait de voir un tableau; elle engage notre sens du goût et notre jugement. ### Réceptivité vs Passivité * Un spectateur n'est jamais vraiment passif face à une œuvre d'art. Il ne se contente pas simplement de reconnaître ce qu'il voit. Au contraire, son interaction avec l'œuvre provoque des émotions et libère une certaine énergie. * Apprécier l'art est une compétence qui s'apprend et se développe. On s'entraîne à observer un tableau ou à écouter de la musique pour mieux les comprendre et les apprécier. * Pour vraiment percevoir une œuvre, le spectateur doit faire un effort créatif. Il participe activement à l'expérience artistique en utilisant son imagination et sa sensibilité. * Que ce soit pour l'artiste qui crée ou pour le spectateur qui regarde, il se passe la même chose: * Ils font tous les deux un travail d'abstraction. Cela veut dire qu'ils essaient de comprendre le sens profond de l'œuvre. * Ce processus fait appel à l'intellect, car on cherche à donner du sens à l'expérience. Mais c'est aussi quelque chose de concret et pratique: il y a comme un dialogue entre notre corps, nos émotions et l'œuvre d'art. ### L'expérience intellectuelle et l'expérience artistique sont différentes : * Dans une expérience intellectuelle : * La conclusion est importante en elle-même * On peut l'exprimer sous forme de formule ou de « vérité » * Dans l'expérience d'une œuvre d'art : * Il n'y a pas de conclusion qu'on peut séparer de l'expérience * La fin est importante, mais elle fait partie de l'expérience sensible * On ne peut pas l'extraire ou la résumer facilement En résumé, l'expérience artistique est liée à nos sensations et émotions, et ne peut pas être réduite à une simple formule comme une expérience intellectuelle. ### Résumé: * Selon Dewey, l'esthétique est essentielle à toute expérience. Un chef-d'œuvre ne se définit pas par sa perfection technique, mais par sa perception unique. L'artiste doit constamment évaluer son travail, combinant création et réception. * L'expérience artistique, individuelle et semblable à celle du créateur, aboutit à une conclusion valable mais indissociable de sa dimension sensible, défiant ainsi toute verbalisation simple. ### Rancière : Changement de paradigme artistique au 18ème siècle #### Scandales littéraires illustrant cette évolution: * Madame Bovary et Les Fleurs du mal: Sujets ordinaires en poésie et romans * Gustave Courbet, Un enterrement à Ornans : Scène banale traitée simplement, format monumental pour sujet ordinaire « Il n'y a pas des sujets nobles et des sujets vulgaires, pas non plus des épisodes narratifs importants et des épisodes descriptifs accessoires. Il n'y a pas d'épisode, de description, de phrase qui ne porte en soi la puissance de l'œuvre. Parce qu'il n'y a pas de chose qui ne porte la puissance du langage. Tout est à égalité, également important, également signifiant. » * Tous les sujets, importants ou ordinaires, sont traités à égalité. Descriptions et narrations ont le même poids. Les récits, comme "Madame Bovary", présentent les faits sans jugement moral. * Les gens ordinaires intègrent l'art, marquant la fin de l'exclusivité des sujets nobles. #### La démocratisation de l'art remet en question : 1. Ce qui peut être représenté 2. Qui peut juger les œuvres #### C'est à dire : * Évolution de la représentation: désormais, narration et description ont une importance égale, contrairement à l'accent mis auparavant sur l'histoire. * Nouvelle approche visuelle : focus sur des détails spécifiques, privilégiant la réalité brute plutôt qu'une narration structurée. * Absence de moral: cf. le refus de Flaubert « de confier à la littérature aucun message »: parti pris de peindre au lieu d'instruire * L'art traite désormais tous les sujets également, sans lien obligatoire entre forme et contenu. Auparavant, une hiérarchie existait : * Tragédies pour les nobles * Comédies pour le peuple * Peinture d'histoire supérieure aux scènes de genre * Donc.. * Tout écrit a une importance égale et est accessible à tous. Une communauté de lecteurs se forme naturellement autour d'expériences partagées, comme voir un film ou un tableau ensemble: partage du sensible ### 3/ Jacques Rancière (1940-) Le partage du sensible. Esthétique et politique (2000) - Premier extrait * L'histoire de l'art est vue comme des régimes de pensée artistique, liant création, visibilité et réception des œuvres. * L'esthétique, apparue à une époque spécifique, est une approche réflexive de l'art. Elle examine comment les œuvres stimulent notre pensée, suivant l'idée de Hegel que l'art nous pousse à réfléchir. * Sous-titre: « Esthétique et politique » « La politique porte sur ce qu'on voit et ce qu'on peut en dire, sur qui a la compétence pour voir et la qualité pour dire, sur les propriétés des espaces et les possibles du temps. » A partir de cette définition il distingue 3 périodes : #### Régime éthique des images: Antiquité et Moyen Age * Il n'existe pas de l'art par lui-même. L'art d'es pas identifié comme tel, il ne peut s'individualiser comme tel CAR il est subordonné à son sujet et à sa destination (religion) #### Régime poétique - représentatif - des arts: Renaissances * Ce régime identifie le fait de l'art dans le couple poesis/mimesis * Principe mimétique: d'abord un principe pragmatique qui isole, dans le domaine général des arts (des manières de faire) certains arts particuliers qui exécutent des choses spécifiques à savoir des imitations. * Régime poétique au sens où il identifie les arts - ce que l'âge classique appelle les beaux - arts - au sein d'une classification des manières de faire d'apprécier les imitations. * Régime « représentatif » en tant que notion de représentation ou de mimesis qui organise ces manières de faire, de voir, de juger. #### Régime esthétique des arts: 18ème * Le régime esthétique, marque l'ère des révolutions et de la démocratie. Il s'affranchit des hiérarchies et de la représentation traditionnelle. * « le régime de l'âge de l'Histoire, des temps révolutionnaires et démocratiques » * Contraste avec une société religieuse se croyant immuable, basée sur les trois ordres. « Esthétique » : L'art se définit désormais par l'expérience qu'il suscite, non par des règles préétablies. → Ce « partage du sensible » crée une expérience collective autour de l'art. * Ce régime libère l'art des conventions, efface les frontières entre disciplines, et redéfinit l'imitation. * La réception de l'œuvre par le public devient centrale dans cette nouvelle approche artistique. #### Ce nouveau régime artistique a deux effets majeurs : 1. Il établit l'unicité de l'art. 2. Il abolit les critères traditionnels d'évaluation artistique. Auparavant, les critiques comme Batteux jugeaient l'art sur son mimétisme. Le lien entre création et réception était étroit. Désormais, ce lien est rompu, transformant l'appréciation artistique. ### Une nouvelle façon de penser l'art dans l'histoire Cette approche considère l'art comme un sujet de réflexion. Elle examine comment les œuvres d'art nous font penser. Cette vision de l'art est devenue possible quand on a reconnu que nos sens jouent un rôle dans notre façon de penser. * Deux philosophes importants pour cette idée sont Baumgarten et John Dewey. Ils ont montré que nos expériences sensorielles (ce que nous voyons, entendons, etc.) sont liées à notre façon de réfléchir sur l'art. * « L'état esthétique est pur suspens, moment où la forme est éprouvée pour elle-même » → L'intérêt esthétique se déplace donc des objets représentés vers les moyens de la représentation ### Édouard Manet (1832-1883) * Le Bar des Folies-Bergères (1881) : * La serveuse, appartenant à la classe sociale la plus basse représentée, est le personnage principal du tableau. Ce choix artistique de Manet a une dimension politique, mettant en avant une personne souvent ignorée, face à des spectateurs bourgeois qui pourraient être ses clients. * Une botte d'asperge / L'Asperge : * Les tableaux d'asperges de Manet sont peints avec autant de soin que des portraits de personnages importants. Cela soulève une question intéressante: pourquoi consacrer tant d'attention artistique à un sujet aussi banal qu'une asperge? * Tres de Mayo, Francisco de Goya (1814) // L'Exécution de Maximilien Quand il reprend le tableau de Goya, c'est beaucoup plus plat. Il n'y a plus de grands gestes, de chemise blanche marquante. On retrouve au-dessus du mur des spectateurs très passifs. C'est la même scène avec une composition qui rappelle celle de Goya, mais on est plus dans la description que dans la narration. Il n'est plus question d'un événement tragique. Style: Manet simplifie, réduisant les détails dramatiques de Goya. #### Composition: Manet s'inspire de Goya, mais avec des différences : * Gestes moins expressifs * Absence d'éléments frappants (ex: chemise blanche) * Ajout de spectateurs passifs #### Approche : * Goya: Narratif, histoire tragique * Manet: Descriptif, représentation de la scène #### Émotion: Manet traite l'événement de façon plus distante que Goya. ### 3*/ Jacques Rancière (1940-) Le partage du sensible. Esthétique et politique (2000) - Deuxième extrait * Rancière conteste l'idée que la technique d'un art détermine ses qualités esthétiques et politiques. Il remet en question la notion que les arts mécaniques (photographie, cinéma) ont intrinsèquement transformé l'art et son rapport aux sujets. * Note: Cette perspective contestée par Rancière est celle de Walter Benjamin, à étudier prochainement. « Il faut prendre les choses autrement « Pour que les arts mécaniques puissent donner visibilité aux masses, ou plutôt à l'individu anonyme, ils doivent d'abord être perçus comme arts. C'est-à-dire qu'ils doivent d'abord être pratiqués et reconnus comme autre chose que des techniques de reproduction ou de diffusion. » « la révolution esthétique, c'est d'abord la gloire du quelconque, qui est picturale et littéraire avant d'être photographique ou cinématographique » Aristote voyait la poésie comme un arrangement ordonné d'actions, avec une histoire résolue et des personnages en conflit exprimant leurs sentiments selon des règles précises. Le régime esthétique moderne, en revanche, offre plus de liberté : * L'histoire peut être non linéaire * Les actions peuvent être moins « vraisemblables » * L'œuvre est perçue comme un assemblage de signes Cette approche permet aux artistes une plus grande liberté créative et interprétative. ### 4/ Nelson Goodman (1906-1998) « Un message en provenance de Mars » (1984) * Pourquoi les arts et les sciences ne sont-ils pas considérés de la même manière ? La séparation entre le sensible et l'intelligible persiste. * Influence platonicienne : la distinction entre sensible et intelligible demeure * Aspect politique : l'éducation universelle a poussé l'élite à maintenir sa distinction sociale en s'appropriant l'art * // Avec la difficulté de langue française * Cf. John Dewey: « Chacun sait qu'il faut de l'entraînement pour voir dans un microscope ou un télescope et pour voir un paysage comme le voit le géologue. L'idée que la perception esthétique est réservée à de rares instants est une des raisons qui explique le retard des arts chez nous ». ### 5/ Don DeLillo (1936-) Point Omega (2010) * À New York, un homme assiste seul à la projection ralentie de Psychose d'Hitchcock au MoMA, intitulée « 24 Hour Psycho » par Douglas Gordon. * Ce roman, tel un arrêt sur image, révèle l'étrangeté du monde et du langage, dépassant l'énigme des secrets d'État et le bruit des conflits. * Douglas Gordon, 24 hour Psycho 1993 * 24 Hour Psycho (1993) de Douglas Gordon ralentit Psychose d'Hitchcock à 2 images/seconde, le prolongeant sur 24 heures. Cette œuvre sur les images animées, exposée au MoMA en 2006, figure dans Point Oméga de DeLillo. * « C'était le but du jeu. Voir ce qui est là, regarder, enfin, et savoir qu'on regarde » → C'est la définition de l'expérience esthétique.

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