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MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme Chapitre 1. L’ORGANISATION : DE QUOI S'AGIT-IL? 1.1. ORGANISATION-PROCESSUS ET ORGANISATION-ENTITÉ Le vocable «organisation» dési...
MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme Chapitre 1. L’ORGANISATION : DE QUOI S'AGIT-IL? 1.1. ORGANISATION-PROCESSUS ET ORGANISATION-ENTITÉ Le vocable «organisation» désigne 3 cléments différents en relation l'un avec l'autre, mais qu'il convient de distinguer. i. L'action d'organiser. - C'est un processus plus ou moins volontaire qui consiste à mettre un ordre dans une situation considérée comme en désordre. - Ensemble de «techniques d'organisation» pour désigner des techniques ayant pour but d'aider des responsables à «organiser» les choses d'une manière présumée «rationnelle ii. Le résultat d'une telle action, c'est-à-dire une réalité sociale, économique et technique relativement stabilisée. - Une entreprise, une association, un hôpital sont des ensembles organisés, des «organisations» au sens où on l'entend depuis maintenant une soixantaine d'années. Ces deux acceptions renvoient pour une large part à une période socio-historique commune : d'abord la révolution industrielle du début du XIXe siècle, et surtout la période charnière de la fin du xixc - début du XXe. - C’est bien à partir du xxe siècle qu'émerge la notion d'organisation-entité et que vont être formulées les premières recommandations systématiques sur la meilleure manière de diriger une entreprise «moderne». Pour l'analyse des réalités actuelles, il n'est pas inutile d'en rappeler le contexte d'apparition. iii. La structure organisationnelle (l’organigramme) Un organigramme est la représentation graphique de la structure d'un organisme, d'un établissement ou d'un service avec ses divers éléments et leurs relations. La structure d'un organisme, d'un établissement ou d'un service, est la façon suivant laquelle ses différents organes se situent les uns par rapport aux autres. 1.2. PENSER L'ORGANISATION COMME ENTITE : LES THÉORIES CONTRIBUTIVES La notion de « théorie » en théories des organisations En matière de théorie des organisations, il faut d'abord souligner que le mot « théorie » peut en fait recouvrir une variété d'énoncés ou de discours. Il est possible de trouver des énoncés correspondant à la définition générale du mot théorie, c'est-à-dire en fait un modèle agençant un ensemble de variables permettant d'expliquer un phénomène donné, M.ERRASSAFI 1 2015-2016 MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme mais comme le remarque P. Cossette, partisan d'une approche cognitiviste des phénomènes organisationnels, on a aussi tendance à utiliser le mot « théorie » pour désigner des énoncés beaucoup plus flous. Il peut s'agir : d'une façon très générale de voir les choses, d'une conception du monde des organisations ; d'une conviction tenue pour acquise sur un élément précis ; d'une simple hypothèse qui a plus ou moins été mise à l'épreuve ou dont on ne peut affirmer la validité expérimentale ; de l'explication d'un événement singulier, chacun pouvant avoir sa « théorie » pour en rendre compte. Une bonne partie des réflexions et des recherches sur les organisations s'inscrit dans un projet nomothétique visant à découvrir des lois et appliquant des méthodes d'investigation (considérées comme) scientifiques. Cette sorte de course à la scientifisation, qui s'est développée par mimétisme vis-à-vis des sciences naturelles, a pu apparaître et apparaît encore aux yeux de certains comme la garantie de production d'une connaissant pertinente sur le plan de l'aide à la décision. Cet objectif, présent dès le; débuts de la théorie des organisations, reste en effet d'actualité. : À moins de se cantonner à une posture passive et rétrospective et de ne constitue qu'une variante de l'analyse historique, la théorie des organisations est cen sée suggérer des façons d'améliorer le fonctionnement des organisations. En bref, notamment en théories des organisations, le mot théorie peu recouvrir des discours très différents. Selon P. DiMaggio, il peut s'agir d'énoncés qui expliquent à quoi ressemble le monde, ou d'autres qui expliquent pourquoi et comment ce monde est tel qu'il est, ou encore de propositions riches en paradoxes destinées à surprendre en se distanciant de; représentations conventionnelles. Cette diversité de sens est évidemment source de confusion, laquelle trouve à s'expliquer par plusieurs raisons. La théorie des organisations: objet ou point de vue? Un vieux débat, au sein des sciences humaines, oppose les partisans d'une définition des disciplines en ternies d'objet et en ternies de point de vue. Les premiers revendiquent, en quelque sorte, un "territoire" pour chaque discipline: la sociologie s'occuperait des groupes sociaux, la psychologie des individus, l'économie du marché, etc. Les seconds défendent au contraire le principe d'une spécificité du regard disciplinaire, indépendamment de l'objet envisagé- Ces derniers tendent à représenter aujourd'hui la position dominante. Selon une telle conception, la sociologie étudie n'importe quelle réalité par référence à des mécanismes sociaux (appartenance à des groupes, rapports de pouvoir, croyances collectives, etc.); la psychologie peut étudier la même réalité, mais cette fois par référence à des mécanismes mentaux (processus cognitifs, affectifs, émotionnels, motivations, etc.): si l'économie s'attaque à son tour à cette réalité, elle se réfère quant à elle à des mécanismes de marché (minimisation des coûts, maximisation des gains, etc.). Un même objet peut évidemment être abordé par différentes disciplines. On peut dès lors affirmer que la théorie des organisations rassemble, autour d'un objet (les organisations), différents points de vue disciplinaires: celui de la sociologie, de la psychologie, de l'économie, du droit, etc. M.ERRASSAFI 2 2015-2016 MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme Plusieurs ensembles de réflexions de théories accompagnent cette évolution, de manière disparate et souvent avec quelque retard par rapport aux réalités économiques ou administratives observables. Classement des grandes écoles de pensée selon l’approche du schéma de Scott M.ERRASSAFI 3 2015-2016 MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme Les paradigmes sociologiques selon Burrell et Morgan Burrell et Morgan (1979) furent les premiers auteurs à utiliser la notion de paradigme pour classifier les théories des organisations. En construisant une matrice basée sur des fondements métathéoriques de la nature des sciences sociales (objective ou subjective) et des théories du changement (radical ou régulation), ils ont proposé l'existence de quatre paradigmes sociologiques1 Organisation et autres formes de groupements sociaux Classification sociologique des groupes sociaux qui prend en compte trois critères : le degré d'intensité de l'interaction entre les individus qui y participent, le degré d'«institutionnalisation» de ces relations (c'est-à-dire de reconnaissance et de stabilisation) et le degré de formalisme du leadership qui y est exercé. L'organisation est ainsi vue comme une forme de relations sociales à interaction élevée, indirecte et directe (il y a ou non une hiérarchie intermédiaire) à fort degré d'institutionnalisation (il y a des statuts, des règles) et où est présent un leadership formel (il y a des chefs, même si ce leadership n'est pas le seul à influer sur les comportements des membres). M.ERRASSAFI 4 2015-2016 MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme Evolution historique des théories des organisations 1.3. ORGANISATION, ENTREPRISE, INSTITUTION Si nous avons présente jusqu'à présent l'émergence de la notion d'organisation comme largement raccordée à une réalité concrète particulière, celle du développement d'entreprises industrielles et commerciales, il est nécessaire maintenant de distinguer les concepts. Il faudra, pour ce faire, raisonner non pas sur deux mais trois concepts (organisation, entreprise et institution) qui sont souvent confondus ou utilisés de manière polysémique. L'organisation Les définitions de ce qu'est une organisation sont nombreuses et différentes ; elles reflètent les angles de vue adoptés par leurs auteurs et sont toutes à la fois riches et insuffisantes. J. March et H. Simon disaient qu'il n'était peut-être pas indispensable d'ailleurs de partir d'une définition et qu'il valait mieux décrire des réalités observables. -l'organisation est un espace de coordination collective. Il y a organisation parce qu'il faut aller au-delà de l'effort individuel : -division du travail et coordination sont nécessaires pour mener une certaine action. On a souvent présenté l'organisation comme étant une action finalisée : cette proposition est acceptable, à condition d'être prudent sur la notion de buts, trop souvent présentés comme clairs et partagés; - cette action est volontaire et comporte des choix, des possibilités de décision, de négociation ou d'arrangements variés (on écarte du coup par hypothèse une conception trop déterministe) ; - cette action suppose la création de règles (de natures diverses) et le contrôle (formel ou non) de leur application ; M.ERRASSAFI 5 2015-2016 MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme - les éléments ci-dessus existent pendant une certaine durée. Répartition des tâches et coordination stabilisent (provisoirement sans doute) l'action finalisée à un moment donné : - une vision plus récente insiste aussi beaucoup sur le fait que l'organisation, pour être un lieu d'action, est aussi porteuse d'un ensemble de représentations, de connaissances accumulées. Elle comporte des «dispositifs cognitifs collectifs» qui supportent l'action de ses membres et lui permettent d'apprendre en permanence. Les sept impératifs de toute organisation Articuler missions, buts, stratégies et fonctions. Mettre en ordre les fonctions. Identifier les mécanismes de coordination et de contrôle. Faire qu'il y ait des rôles attribués et des comptes à rendre. Planifier et communiquer. Articuler performance et récompenses. Réaliser un «leadership» efficace. Source : E. Jaques, Requisite Organisation, Cason Hall, 1989 L'entreprise Il est plus difficile qu'on ne le croit de définir ce qu'est une entreprise. Si l'on part de la définition économique-juridique, il s'agit de «toute unité légale, personne physique ou personne morale qui, jouissant d'une autonomie de décision, produit des biens et services marchands». D'autres caractéristiques majeures définissent habituellement l'entreprise dans la littérature et les statistiques : - elle est un centre de comptabilité et de profit ; - son activité est à la fois continue et fixe ; - c'est le lieu d'un travail, individuel ou collectif ; - c'est un centre de décision autonome ; - elle est fondée sur une prise de risques. L'institution La notion d'institution a presque autant de définitions que d'utilisateurs. Il est d'abord possible de parler d'«institution» pour désigner le cadre global au sein duquel se déroule une activité économique ou sociale. Pour certains économistes «institutionnalistes», la coordination des actions (que réalise - au plan économique - l'entreprise) nécessite un ordre, un système normatif qui intervient en amont des choix et des valeurs des individus. Parler d'institution renvoie par conséquent à quelque chose qui serait un cadre préalable à l'action organisée. Dans une optique proche, le concept d'institution renvoie aussi à des projets, des choix ; «ce qui donne commencement, ce qui établit, ce qui forme». Une société ne peut se fonder et perdurer si elle n'élabore pas des «institutions», c'est-à-dire «des ensembles ayant une fonction d'orientation et de régulation sociale globale intervenant donc au niveau du politique»... Ce niveau «institutionnel» serait en quelque sorte le soubassement des organisations concrètes, qui ne feraient que traduire et incarner l'institution qui leur donne naissance. On conçoit dès lors que le nombre d'institutions de la société soit limité (réguler les mœurs, exprimer le religieux, etc.), mais que les organisations soient multiples (polices, associations, ordres religieux, etc.). L'organisation apporte la «quincaillerie» nécessaire à l'institution. M.ERRASSAFI 6 2015-2016 MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme : E.M. Morin, A. Savoie et G. Beaudin, 1994. M.ERRASSAFI 7 2015-2016 MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme Chapitre 2. EVOLUTION DES THEORIES DE L’ORGANISATION L'histoire de la pensée en matière d'analyse des organisations est riche de l'émergence de différents courants selon un processus quasi-dialectique, au sens où une école donnée se développe souvent en réaction à celles qui l'ont précédée. Cette histoire ne peut se lire indépendamment du contexte, c'est-à-dire du monde réel des organisations qui offre à l'analyste des objets à la fois multiformes et protéiformes : la théorisation s'appuie bien évidemment sur les manifestations concrètes du monde des organisations que les observateurs ont à portée de regard. M.ERRASSAFI 8 2015-2016 MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme I. Les approches classiques : du début du XXe siècle à la fin des années 1970 1.1. Du déterminisme organisationnel… Tout comme les pères fondateurs de la sociologie (Marx, Durkheim, Weber) étaient préoccupés par les problèmes causés par les transformations institutionnelles et sociétales s’opérant dans le monde occidental à la fin du XIXe siècle, des auteurs vont s’intéresser aux problèmes causés par la transformation des entreprises. Deux praticiens font figure de précurseurs : il s’agit de Taylor et de Fayol. Ces ingénieurs occupent des fonctions importantes dans l’entreprise et écrivent leurs réflexions pour suggérer des pistes de solution aux problèmes d’organisation et d’administration des entreprises au début du siècle. L’organisation scientifique du travail (OST) L'organisation scientifique du travail repose sur un certain nombre de principes. D'abord, bien qu'il y ait diverses manières de faire les choses, Taylor est convaincu qu'il n'y en a qu'une qui soit optimale et meilleure que les autres. C'est ce qu'on appellera plus tard l'existence du one best way. Ensuite, cette meilleure façon de faire les choses ne peut être trouvée, selon Taylor, que par une analyse scientifique du temps et des mouvements néces- saires à l'accomplissement du travail et des tâches. De plus, les travailleurs doivent être scientifiquement sélectionnés. Certains travailleurs sont plus aptes que d'autres à accomplir certaines tâches. Il faut donc déterminer scientifiquement quelles sont les caractéristiques du travailleur idéal pour chaque tâche. Egalement, l'étude scientifique du travail ne peut être laissée aux travailleurs. Elle implique la séparation entre la conception des tâches et leur exécution. Enfin, Taylor considère que le travailleur doit être rémunéré à sa juste valeur. Lorsqu'on lui demande de travailler plus vite et qu'il produit plus, il devrait être rémunéré en conséquence. La rémunération du travail à la pièce est donc la forme de salaire la plus susceptible de motiver le travailleur à toujours produire davantage. M.ERRASSAFI 9 2015-2016 MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme Fondements du fordisme Le fordisme est une rationalisation poussée du travail avec une parcellisation des tâches et une séparation du travail de conception et d'exécution. Il renforce l'usine comme élément socio- économique avec des rôles à accomplir ainsi qu'un contrôle des taches par du personnel spécialisé (contremaîtres, ingénieurs, administrateurs, technocrates, etc.). Peu d'attributs symbolisent mieux le fordisme que la chaîne de montage. Longtemps la performance des chaînes de montage illustrait la richesse du secteur industriel et un mode de vie pour ceux qui y travaillaient. Voyons d'un peu plus près, ses origines, son développement et son application à grande échelle. Au début du XXe siècle la technique d'assemblage le long d'une chaîne de montage est perfectionnée par l'industriel américain Henry Ford. C'est à Ilighland Park au Michigan que naît officiellement le fordisme en 1913. Ford n'est cependant pas le créateur de la chaîne de montage, mais le principal responsable de sa diffusion. La chaîne de montage, en tant que maîtrise technique, est le résultat d'une observation des tâches nécessaires à l'assemblage er leur optimisation selon une séquence qui minimise les temps d'arrêt entre chacune des tâches. Ce principe est notamment du à Frederick Taylor qui les publia dans son ouvrage sur la division du travail (Primip/es of Management, 1911). Elle permet l'émergence d'un nouveau système de production qui sera rapidement adopté par plusieurs secteurs, parce que beaucoup plus productif. La chaîne de montage à permit l'amélioration des conditions de vie de la population des pays industrialisés davantage parce qu'elle permettait de produire à moindre coût que par la rémunération qui les usines utilisant cette technique offraient à leurs travailleurs. Par exemple, les conditions de travail sur les premières chaînes de montage de Ford étaient telles que le taux de rotation de la main d'oeuvre avoisinait 40 à 60% par mois. Seule une augmentation salariale a pu stabiliser ces conditions. Eventuellement, les salaires sont indexés à la croissance de la productivité, permettant à la main d'oeuvre d'accroître son niveau de consommation. La chaîne de montage est donc l'application rationnelle d'une division du travail selon une série de tâches pré définies. Elle a pour principale conséquence de renforcer les économies d'échelle qu'il est possible d'atteindre dans la production économique, ce qui accroît significauYement les capacité de production. M.ERRASSAFI 10 2015-2016 MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme L’organisation administrative du travail (OAT) Fayol conçoit l'entreprise comme un corps social. Aussi est-il nécessaire à son bon fonctionnement que chaque organe, c'est-à-dire chaque partie de l'entreprise, remplisse la fonction qui lui est propre. C'est à cette fin qu'il énonce des principes normatifs décrivant quelle est, selon lui, la meilleure façon d'administrer l'entreprise. Par exemple, l'organisation administrative du travail, selon Fayol, consiste à mettre en place une structure pour le corps social avec une unité de commandement et une définition claire des procédures et des responsabilités de chacun. Fayol est ainsi le premier auteur à tenter de construire une théorie de l'organisation pour les dirigeants. Les activités principales selon Fayol Les 14 commandements d’Henry Fayol M.ERRASSAFI 11 2015-2016 MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme Le modèle bureaucratique de M.Weber L'influence wébérienne sur les sociologues de la bureaucratie vient essentiellement à cette époque de ses travaux sur la bureaucratie. Au tournant du XXe siècle, Weber s'interroge sur les transformations du monde occidental. Selon lui, ces transformations dans les modes de vie sont révélatrices de modifications importantes dans les types d'action. Dans Economie et Société, Weber distingue deux grands types d'action2 : l'action rationnelle en finalité et l'action rationnelle en valeurs. L'action rationnelle en finalité est une action effectuée dans un but spécifique et dont les moyens et les conséquences ont tait l'objet d'une évaluation logique. À l'opposé, l'action rationnelle en valeurs est motivée par des valeurs ou des croyances (p. ex., l'honneur, l'honnêteté, etc.). Il distingue entre trois types d’autorité qui façonnent l’organisation M.ERRASSAFI 12 2015-2016 MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme Loi de Parkinson et gestion du temps la Loi de Parkinson affirme : « Plus on accorde de ressources (temps, argent, personnes, etc…) à une activité, plus on a tendance à consommer toutes ces ressources ». La loi de Parkinson porte le nom de son inventeur Cyril Northcote Parkinson, écrivain britannique (Barnard Castle, Durham, Angleterre, 1909 — Canterbury, Kent, 1993). C.N. Parkinson soutient en 1958 l'idée qu'il y a très peu de relation entre la quantité de travail effectué dans une organisation et le nombre d'employés. Pour expliquer ce phénomène, il propose une explication sous forme de loi : la « loi de Parkinson » : Tout travail tend à se dilater pour remplir tout le temps disponible. Ce qui se passe concrètement Parkinson avait en effet observé durant la seconde guerre mondiale que l'on trouvait toujours des tâches à faire pour les hommes dans l'armée anglaise et que le fait d'avoir beaucoup de subordonnés était une source de prestige. D’après sa loi, tout collaborateur a tendance à étaler sa masse de travail sur le temps mis à sa disposition : il peut toujours s'inventer des tâches pour remplir le temps de travail défini par des normes institutionnelles. Il se crée donc du travail ! Une fois « débordé » et même si c’est son propre comportement qui génère cette situation, ce collaborateur va alors réagir en demandant du renfort et en faisant engager plus de personnel…. Tout collaborateur souhaite en effet multiplier ses subordonnés non ses rivaux… Et s’il a des subordonnés, la promotion de ce collaborateur 'méritoire' est presque certaine ! En définitive, 7 personnes voire plus font faire maintenant le travail d'une seule mais la routine des projets, comptes rendus, rapports, fait que tous travaillent beaucoup et que le responsable d’équipe travaille plus dur que jamais. Au final, l’organisation à laquelle appartiennent ce collaborateur 'méritoire' et ses autres collègues aussi 'méritoires', s'étend et grossit au point d'arriver à occuper le temps et les ressources à sa disposition. La même loi s’applique à la situation dans laquelle un manager, ayant à sa disposition une équipe de 10 personnes pour faire le travail de 5 personnes, crée ce qu'il faut de désordre dans l'organisation pour assurer que 10 personnes soient effectivement occupées à plein temps. La loi des mille pour l'administration Bien que cela soit vrai pour des effectifs moindres, Parkinson nomme "loi des mille" le constat suivant: "Tout organisme, gouvernemental, industriel ou universitaire, dont l'effectif administratif atteint ou dépasse mille personnes, n'a besoin, pour se perpétuer, d'exercer nulle autre activité, d'employer nulle autre catégorie de personnel. " M.ERRASSAFI 13 2015-2016 MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme Le mouvement des relations humaines L'implantation de l'organisation scientifique et administrative du travail dans les premières décennies du XXr siècle favorise l'essor de l'industrialisation. Il s'ensuit, dans les années 1920, une forte critique sociale des effets néfastes et déshumanisants du travail qu'entraîne la rationalisation des modes de production (p. ex., formation de ghettos ouvriers dans les villes, grèves sauvages, etc.). De plus, secoués par la crise des années 1930, les chefs d'entreprise continuent de s'interroger sur les manières possibles de soutenir la croissance. En réaction aux excès de l'organisation scientifique du travail et pour trouver d'autres moyens d'améliorer la productivité, naît l'école des relations humaines. L'idée de cette école germe d'abord dans des études empiriques largement inspirées par les idées tayloriennes et par le mouvement béhavioriste en psychologie. Dans ces travaux, on observe minutieusement les ouvriers pour comprendre quels effets différentes composantes matérielles et extérieures au travail ont sur la productivité. Ainsi, de nombreuses expériences menées en entreprise visent à trouver des moyens de réduire la fatigue des ouvriers, l'absentéisme et les accidents de travail qui affectent la productivité des entreprises. a - Elton Mayo (1880-1949): l'homme social Son analyse est une réaction contre la conception rationnelle qui oublie la dimension humaine du travailleur. Elle émane des recherches réalisées dans l'usine de Hawthorne (près de Chicago) de la Western Electric par le psychologue Elton Mayo et son groupe de chercheurs de l'université de Harvard entre 1927 et 1934. Ceux-ci ont étudié les variations de rendement en fonction des facteurs d'ambiance (éclairage, niveau sonore...) et de l'organisation du travail (pauses, durée...)- Ces expériences ont démontré que l'homme a des besoins et des motivations et que le rendement augmente quand on les prend en compte. L'homme n'est donc pas seulement un être économique mais a aussi des moti- vations liées à l'intérêt du travail. Mayo va préconiser de prendre en compte tous ces besoins et de laisser se nouer des relations personnelles et de groupe dans l'entreprise lors de la définition de l'organisation du travail. M.ERRASSAFI 14 2015-2016 MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme Les expériences de l’usine Hawthorne L’observation de l’effet Hawthorne vient d’une série d’études menées à l’usine Hawthorne de la compagnie d’électricité Western Electric à Chicago, où l’on produit notamment des relais téléphoniques et des câbles. Tout commence en 1924. La direction charge un groupe d’ingénieurs de mesurer l’effet d’une variation d’intensité de l’éclairage sur le rendement des ouvriers. Ce rendement augmente bien, mais il augmente aussi dans les ateliers " témoins ", où l’on n’a rien changé. La direction, intriguée, demande aux ingénieurs de poursuivre leurs travaux. Ils décident alors de sélectionner un groupe de cinq ouvrières, de les mettre dans un local distinct et de faire varier différents facteurs. Cette expérience, connue sous le nom de Relay Assembly Test Room, est la plus célèbre. Lancée pour un an en 1927, elle durera cinq ans. Les cinq ouvrières assemblent des relais téléphoniques (une sixième les fournit en pièces). L’expérience se déroule par phases de plusieurs semaines, chaque nouvelle phase étant marquée par l’introduction d’un changement. Par exemple, à la phase III, l’on introduit un salaire collectif aux pièces ; à la phase IV, deux périodes de repos de 5 minutes ; à la phase VII, une pause-déjeuner de 15 minutes le matin et une pause de 10 minutes l’après-midi. Un observateur est constamment présent et s’efforce d’obtenir une bonne collaboration du groupe. Au bout d’un an, l’un des ingénieurs parle de cette expérience à Elton Mayo, professeur à Harvard, qui accourt à Hawthorne avec deux collaborateurs, qui rédigeront plus tard le compte rendu de l’ensemble des expériences. Ces trois chercheurs prennent alors la direction des opérations. Lorsque Mayo arrive, le résultat majeur se dessine déjà, au dire des chercheurs : le rendement des ouvrières augmente constamment - et cela se poursuivra même au cours de la phase XII, au cours de laquelle tous les avantages accordés précédemment seront supprimés. Comment expliquer ce phénomène? Mayo formule trois hypothèses explicatives : un travail moins fatigant et moins monotone ; un mode de rémunération plus attrayant ; des contremaîtres plus bienveillants (friendly supervision). Pour trancher entre ces hypothèses, il monte deux autres expériences : la Second Relay Assembly Room, dans laquelle les cinq ouvrières choisies bénéficient, comme les précédentes, du salaire aux pièces, mais sans quitter l’atelier collectif ; et la Mica Splitting Test Room, dans laquelle les filles travaillent à part et bénéficient de pauses, mais sont payées comme tout le monde. De ces deux expériences, Mayo et son équipe déduisent que seule la troisième hypothèse est valide. Ils se lancent dans un vaste programme d’interviews pour déterminer ce qui fait une " bonne supervision ". Enfin, ils montent une dernière expérience, avec un groupe d’hommes cette fois, la Bank Wiring Observation Room, pour explorer le phénomène du leader informel (lequel, constatent-ils en effet, impose au groupe le respect d’une norme de production au détriment de la recherche du gain maximum). En 1932, la crise met fin à l’ensemble des expériences. b - Le développement des relations humaines 1. Abraham H. Maslow Maslow définit une pyramide des besoins en partant des besoins physiologiques (primaires) vers des besoins moins objectifs comme le développement personnel. Il définit ainsi, sous forme d'une pyramide, 5 catégories de besoins hiérarchisés montrant que ceux de la catégorie inférieure doivent d'abord être satisfaits pour qu'apparaissent les suivants. Toutefois, dans la réalité, ces besoins ne sont pas hiérarchisés de la même façon par les salariés et les dirigeants. Il faut également souligner que le taylorisme centré sur les aspects économiques avait totalement écarté les besoins du sommet de la pyramide. C'est ce qui explique que lorsque le niveau de vie et d'éducation de la population s'est élevé permettant aux salariés de chercher à satisfaire les besoins d'appartenance sociale, d'estime, de considération, d'accomplissement, le taylorisme a été de plus en plus remis en cause. M.ERRASSAFI 15 2015-2016 MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme 2. Fred Herzberg Herzberg essaie d'appliquer la théorie de Maslow à l'entreprise. Il distingue deux types de facteurs qui influencent l'homme au travail. Tout d'abord, « les facteurs de conditionnement » qui ne motivent pas le travailleur mais sont des facteurs d'insatisfaction s'ils sont absents, fis correspondent aux trois premiers niveaux de l'échelle de Maslow. Ensuite, les facteurs de motivation * qui peuvent motiver à condition que les besoins élémentaires, les facteurs de conditionnement soient satisfaits. Herzberg préconise de les développer et d'enrichir les tâches. M.ERRASSAFI 16 2015-2016 MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme 3. Les théories X et Y de Douglas McGregor (1906-1964) McGregor distingue deux analyses de l'homme au travail, les théories X et Y. En fonction de leurs caractéristiques respectives, on peut déduire le meilleur mode d'organisation du travail à adopter et les moyens pour y parvenir. McGregor considère que la théorie X d'inspiration taylorienne est utilisée dans trop d'entreprises. Il préconise une évolution vers un mode d'organisation du travail centré autour de la théuric Y. 4.Denis Likert Professeur de psychologie industrielle à l’Université du Michigan aux Etats-Unis, Rensis Likert (1903-1981) conduit des recherches sur les attitudes et les comportements humains au travail. […] Il cherche à comprendre dans quelle mesure la nature des relations entre supérieurs et subordonnés peut conduire à des résultats très différents dans un contexte organisationnel identique. Les résultats de ses recherches sont publiés en 1961 dans un ouvrage intitulé « Le gouvernement participatif de l’entreprise ». A partir d’enquêtes auprès de directeurs de grandes compagnies d’assurances, il observe que ceux qui ont les résultats les plus médiocres présentent des traits communs. Leur conception du commandement les conduit à se focaliser sur les tâches à accomplir, leur mission est avant tout orientée vers la surveillance et le contrôle, ils adoptent les principes de l’organisation taylorienne du travail (travail prescrit, aucune autonomie, salaire au rendement, etc.). Ce mode de management est dominant après la deuxième guerre mondiale aux Etats-Unis. Pour autant, il relève que certains dirigeants semblent obtenir de meilleurs résultats car ils ont une autre attitude vis-à-vis des hommes en situation de travail. En effet, ils ont la conviction qu’il est nécessaire de comprendre les attentes et les valeurs personnelles des salariés afin d’améliorer leur degré de motivation et d’implication au travail. […] Dans son ouvrage consacré au gouvernement participatif des entreprises, Rensis Likert formalise à partir d’enquêtes de terrain quatre styles de direction dans une conception assez normative de ce que devrait être le mode de commandement idéal. […] M.ERRASSAFI 17 2015-2016 MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme M.ERRASSAFI 18 2015-2016 MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme 1.2. …à la théorie de la contingence Les théories de la contingence résultent de travaux de recherche empirique se réclamant d'une démarche formelle, systémique et comparative sans précédent. Jusque-là, les théories des organisations reposaient principalement sur des études de cas exploratoires et cliniques. Les théories de la contingence introduisent les enquêtes statistiques et consacrent le triomphe des analyses quantitatives. Les théories de la contingence reconnaissent que toutes les organisations sont différentes et qu'il n'y a pas de structures formelles qui soient idéales. Cependant, elles postulent qu'il y a des éléments du contexte qui influencent de manière déterminante les structures et les processus internes de l'organisation. La performance des entreprises dépend donc de leur capacité à faire en sorte qu'il y ait adéquation (fit) entre ces éléments (les facteurs de contingence). Les facteurs de contingence internes La technologie (J.Woodware) Woodward stipule que la technologie est le point de départ dans l’analyse des organisations. Selon l’auteur, les systèmes de production semblables engendrent des structures d’organisation semblables. En d’autres mots, deux entreprises possédant les mêmes technologies de production possèdent logiquement la même structure. Suite à cela, l’auteur a distingué 3 types de production. Le système unitaire, de masse et continue. Cependant, les tests statistiques de Woodward démontrent que la taille, le secteur ou l’histoire de l’entreprise n’expliquent pas les différences entre les entreprises. Ses recherches permettront de constituer une liste de technologies dans l’entreprise, des critères d’efficacité qui feront apparaitre des types de structure d’entreprise. M.ERRASSAFI 19 2015-2016 MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme La typologie des systèmes techniques de Woodward L’âge et la taille de l’organisation (Peter W. Blau et le groupe d’Aston) Plus l’organisation est importante et ancienne, plus la division du travail est prononcée (taylorisme), plus le degré de formalisation est élevé (Weber), plus la standardisation est importante (technostructure selon Mintzberg). En effet, en vieillissant, les entreprises vont naturellement accroître leur taille et leur structure va se complexifier. Le dirigeant de la jeune entreprise d’hier, l’entreprise se Degré d’incertitude Degré de complexité Structure matricielle Structure divisionnelle Structure fonctionnelle Eléments de cours F.K© développant, optera plutôt pour une structure plus complexe dans laquelle il conservera difficilement un lien direct avec ses salariés : C’est le deuxième âge de l’entreprise qui voit l’embauche de responsables par fonction. Ainsi, plus la taille de l’entreprise va augmenter, plus les activités vont se diversifier et s’autonomiser. L’entreprise va tendre vers une structure divisionnelle. A ce titre, le groupe d’Aston démontre que plus la taille de l’organisation est grande plus l’organisation est découpée en fonctions, plus les activités sont spécialisées et formalisées. La stratégie Pour Alfred Chandler Alfred Chandler a noté que des changements de stratégie oblige l’entreprise à modifier sa structure. Quand elle décide de se spécialiser elle a très souvent une structure fonctionnelle alors que quand elle se différencie elle choisit une structure divisionnelle Alfred D. CHANDLER a observé de grandes firmes. M.ERRASSAFI 20 2015-2016 MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme o L’évolution des stratégies se fait par phases successives (expansion, intégration, diversification). o Il y a dépendance entre stratégie et structure : 1 – L’entreprise nouvelle, peu structurée, assurant une seule fonction (production, distribution, …) cherche l’expansion du volume d’activité pour fonder sa croissance. 2 - Après une implantation mono-site, l’entreprise cherche l’expansion géographique dans son activité initiale => renforcement de la coordination administrative ; 3 - Intégration verticale => mise en place d’une organisation par grandes fonctions ; 4 - Croissance par diversification des activités => organisation par divisions. o La structure suit la stratégie (création / suppression de filiales, réorganisations internes) : création / suppression de filiales, réorganisations internes... o L’évolution de la structure suit un cheminement du type : Nouvelle stratégie → Nouveaux problèmes administratifs → Baisse des résultats → Nouvelles structures → Hausse des résultats Pour John Child, la théorie de la contingence structurelle implique que l’environnement détermine les structures organisationnelles de sorte que les personnes, en l’occurrence les gestionnaires, semblent avoir très peu de marge de manoeuvre. Child (1972), un des chercheurs du groupe d’Aston, dénonce cette position. Selon lui, les choix stratégiques que les gestionnaires exercent leur permettent de contrôler en partie leur environnement (figure 3.7). Il est donc impératif de faire une place au choix stratégique dans le modèle de la contingence afin de reconnaître le rôle des gestionnaires. Certes, l’environnement contraint l’organisation des structures, mais par la prise de décision, les gestionnaires contribuent à l’ajustement de l’entreprise à son environnement. La contingence et le rôle des choix stratégiques selon Child M.ERRASSAFI 21 2015-2016 MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme La contingence interne : le rôle de l’environnement Dans ces théories les auteurs introduisent le rôle actif de l’environnement sur les structures d’organisation. Ils identifient les variables qui ont un impact majeur sur la structuration des organisations. En développant une conception relativiste de la structuration des organisations, ces théories s’opposent à l’idée de principe ou de modèle d’organisation universel exposé par la théorie classique. Burns & Stalker et l’environnement Ces deux chercheurs anglais publient en 1964, The management of innovation. Burns & Stalker ont étudié les facteurs explicatifs de la structure d’entreprises industrielles. Ils s’intéressent donc à l’environnement de ces organisations pour en sélectionner les éléments essentiels. Leur constat est que c’est la nature de l’environnement en général qui explique la forme choisie par les organisations. Si la technologie ou le marché sont stables, qu’ils n’évoluent plus, les structures d’organisations le sont aussi. Par contre, si l’environnement est marqué par l’incertitude et la complexité, les organisations vont tenter de trouver la structure qui leur paraît le plus adapté. Selon Burns & Stalker la variabilité de l’environnement permet de distinguer deux grandes structures pour les organisations : Le choix d’une structure Burns & Stalker insistent sur le fait que quelque soit la structure adoptée, il n’en existe pas de meilleure que d’autre. Elles sont simplement plus ou moins adaptées à l’environnement. Or, ces deux structures ne sont quasiment jamais pures, toute organisation pratique un mélange. L’idée de base est qu’une organisation peut mettre sa survie en cause si elle n’a pas une structure adéquate. Le bon fonctionnement peut être handicapé par une structure trop rigide ou trop complexe. La compétitivité peut être menacée par une faible valorisation du travail. Burns & Stalker défendent l’idée qu’une organisation doit changer si son environnement change. Mais, ils rappellent qu’il faut privilégier une solution contingente : le changement doit être maîtrisé pour être efficace. La théorie de la contingence structurelle permet d’expliquer les stratégies de nombreuses entreprises (leur évolution structurelle en particulier) et d’identifier les facteurs essentiels à considérer dans l’environnement. Mais, en fondant leur raisonnement sur la non- généralisation de leur théorie ils la condamnent à ne pas être un outil de décision. M.ERRASSAFI 22 2015-2016 MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme Lawrence & Lorsch et l’adaptation Lawrence et Lorsch (1967) approfondissent les idées de Woodward, ainsi que celles de Burns et Stalker. Ils se posent la question suivante : quelles sortes d'organisation sont nécessaires pour faire face aux différents environnements de l'entreprise ? Pour y répondre, ils examinent, entre 1963 et 1966, dix entreprises américaines ayant des environnements différents en matière d'incertitude et de diversité technique (six entreprises dans l'industrie chimique, deux dans le secteur de l'emballage et deux dans le secteur de l'industrie alimentaire). Ils constatent que les organisations s'adaptent à leur environnement par un double mécanisme de différenciation et d'intégration de leurs structures. C'est en effet en se fractionnant en différentes fonctions pour se spécialiser que les organisations s'adaptent à leur environnement. Toutefois, cette différenciation peut avoir des effets néfastes sur l'atteinte des buts communs de l'organisation ; il convient alors d'intégrer les fonctions par différents mécanismes de coordination. Ainsi, ils proposent les règles d'organisation suivantes, qui marqueront des générations d'étudiants en design organisationnel : d'abord, regrouper les activités qui ont les mêmes orientations vis-à-vis de l'environnement ; ensuite, choisir les meilleurs moyens d'intégrer la structure organisationnelle : hiérarchie, contacts directs entre gestionnaires, comités, services de liaison, règles interdépartementales, etc. M.ERRASSAFI 23 2015-2016 MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme 1.3. Les théories de la prise de décision : de l’hypothèse de rationalité aux apports récents de la neurobiologie… comment décider dans un environnement de plus en plus incertain ? A. l'hypothèse de la rationalité dans la décision De l'homo oeconomicus… La théorie économique orthodoxe fait l'hypothèse de rationalité économique, qui serait le fait de l'« homo œconomicus ». Selon cette hypothèse, les individus cherchent à satisfaire leurs besoins au mieux : on dit qu'ils sont maximisateurs. Cette hypothèse va légèrement plus loin que celle de la simple satisfaction des besoins, puisqu'elle implique que les individus sont capables de classer leur choix par ordre de préférence (raisonnement par le coût d'opportunité). Le producteur dispose de toute l’information pour prendre la décision optimale qui maximise son profit : allocation optimale des ressources ; substitutions optimale des facteurs de production… …à l'hypothèse de la rationalité limitée (Simon) Simon va développer à partir des hypothèses des courants néo-classiques une construction éthologique du processus de décision dans l’entreprise et focalise ce processus sur l’acteur et non plus sur l’hypothèse de la main invisible de la concurrence. Il propose deux "déblocages" de la conception de l’entreprise comme lieu privilégié de la décision rationnelle : Premier déblocage Le comportement de l’homme est induit par l’information. L’acteur réagit aux stimuli informationnels. Au sein de l’entreprise, le fonctionnement dépend de la position relative des acteurs. Le manager qui décide influe sur l’exécutant pour qu’il agisse de façon efficace et coordonnée. C’est un comportement qualifié d’administratif. C’est le résultat d’un choix des acteurs selon leur place dans l’organisation. Les choix ne sont pas raisonnés, mais procéduraux et choisir une action implique une renonciation à une autre action. C’est un processus de sélection dit «réflexe». Les actions ne sont pas guidées par une pensée rationnelle mais par l’habitude, l’ethos. L’homme n’est pas considéré comme un individu, un sujet, mais comme un acteur. Deuxième déblocage Puisque la rationalité de l’individu est limitée, l’organisation doit aider et soutenir la pensée de l'individu. - L’acteur doit être immergé dans une boucle information/décision pour ne rien laisser passer et pour pouvoir décider ; - L’information doit être organisée car son accès est limité sur le marché. La réflexion de l’acteur est limitée par son environnement qui conditionne sa décision. Le problème se construit en même temps que l’acteur le résout. Chacun se détermine en fonction de ce qu’il imagine être la stratégie de l’autre. La connaissance de toutes les options étant impossible, l’acteur ne doit pas rechercher une solution optimale mais satisfaisante. La décision sera prise par rapport aux options connues, donc le résultat de la décision influencera l’environnement. La rationalité individuelle est limitée par les habitudes et les réflexes, les valeurs, la perception du contexte, la conception des objectifs à atteindre, l’étendue des connaissances et informations. Il ne peut être rationnel au regard des buts de l’organisation que s’il est M.ERRASSAFI 24 2015-2016 MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme capable d’y arriver par sa propre voie, en ayant une connaissance claire des buts de l’organisation et une information claire des conditions de ses actions. Conclusion La conclusion peut se résumer par cette équation : moyen + but + information = comportement Cela implique que l’organisation détient une partie de la solution : c’est l’information car elle alimente la décision. Limites : le modèle du décideur émotif C'est justement dans les décisions non structurées que l'on va trouver la première limite aux travaux de Simon. Comme il n'y a pas de règle de décision, le dirigeant va le plus souvent faire appel à des experts ou à des conseillers pour préparer la décision. Notre histoire économique et politique est malheureusement traversée par de très nombreuses décisions prises à contre temps ou en dépit du bon sens élémentaire. En effet, les agents trient de leur propre chef l'information qui leur parvient et l'interprète ce qui constitue un biais possible, l'exemple malheureux de certaines décisions de trading ou de consulting peut l'illustrer. Ces biais sont d'autant plus importants que la personne est "formatée" par une façon préconçue d'analyser ou de juger. Les matrices d'analyse de certains cabinets de conseil ont ainsi souvent montré leurs limites. La complexité et le nombre importants d'informations limitent M.ERRASSAFI 25 2015-2016 MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme également ce processus. C.E. Lindblom (professeur à Yale et spécialiste de l'incrémentalisme) l'explique ainsi : "J'identifie tout à fait la "rationalité limitée" de H. Simon à son idée que, lorsque les problèmes deviennent trop complexes, nous franchissons les frontières de la rationalité." Selon lui, si on a trop de choses en tête, on ne parvient pas à les gérer. Il faut en diminuer le nombre. En diminuant le nombre, on entre dans un espace de rationalité dont on sort si le nombre est trop important. Le cloisonnement organisationnel constitue aussi une limite à la prise de décision rationnelle, car il instille une vision fragmentée, parfois représentative des intérêts d'un groupe et non de la collectivité. De plus, toute décision requiert un certain niveau de compétence et on a bien souvent confié des décisions importantes à des agents qui ne le possédaient pas (quelques erreurs très couteuses en vies humaines auraient pu être évitées avec des généraux compétents lors de la première guerre mondiale). Enfin le modèle souffre de ne pouvoir expliquer les phénomènes d'innovation et de changement brutal puisqu'il repose sur une hypothèse selon laquelle les décisions sont conditionnées par les structures et procédures existantes. Enfin, il ne prend pas en compte les jeux d'acteurs et les stratégies politiques des groupes pour imposer une décision. A ce niveau, certains chercheurs se sont focalisés sur les décisions absurdes comme principal biais à l'approche de la rationalité organisationnelle. Christian Morel a consacré un ouvrage aux décisions absurdes ("les décisions absurdes, sociologie des erreurs radicales et persistantes" chez Folio en 2002). Il s'est demandé comment les individus peuvent prendre des décisions radicalement opposées aux buts recherchés. Pourquoi des avions détournés à la suite d'un violent orage font-ils demi-tour pour reprendre la trajectoire initiale alors que la réserve de carburant est insuffisante (et va les conduire au crash) ? B. Des approches composites aux approches alternatives Des approches composites L'incrémentalisme logique est une description réaliste des processus de décision qu'on doit à Quinn et Senge. L’approche est centrée sur le dirigeant qui doit être "habile". La décision est le fait de plusieurs sous-groupes en situation de "jeu" et qui s'appuie sur des schémas logiques. Les soussystèmes sont en phase comme il est postulé dans l'approche système chère à Peter Senge ("la danse du changement" 1999) et la décision se prend "naturellement". On parle d'incrémentalisme car la décision est fractionnée en une série de choix partiels, avec un mélange de rationalité et d'approche informelle. Quinn propose même un mode opératoire en 3 phases (lancement, activation de la décision et consolidation). La mise en avant des comportements d'acteurs : l'école politique (Cyert et March) Disciples de SIMON ils se sont efforcés, au travers d'un célèbre ouvrage : "A behavioral theory of the firm" (1963), de donner un caractère opératoire aux idées de SIMON. Ils décrivent toutes les organisations comme des processus dynamiques et continus de prises de décisions. Cyert et March ont mis en place la théorie du comportement de l’entreprise qui repose sur 4 principes de base pour la prise de décision : * La quasi-résolution des conflits : - rationalité locale : chaque unité dans l’entreprise doit s’efforcer de résoudre son problème pour elle-même à son niveau, à travers la délégation (de décisions) et la spécialisation dans les buts et les décisions. Cela permet à l’entreprise de passer d’une situation comportant de nombreux problèmes complexes et imbriqués, de nombreux buts conflictuels, à une série de problèmes simples et localisés. M.ERRASSAFI 26 2015-2016 MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme - le traitement séquentiel des problèmes : c'est un traitement des problèmes les uns après les autres sans chercher à les fusionner. * L'élimination de l’incertitude : une entreprise a à faire face à de nombreuses incertitudes (ex. : le marché). Pour ces auteurs, l’entreprise doit chercher à éliminer pas à pas les incertitudes qui se présentent; elle ne doit faire aucune anticipation, aucun plan à moyen ou long terme. Souvent, l'entreprise cherche à éliminer les incertitudes en négociant avec son environnement. * La recherche de la problématique : il s’agit d’approfondir l’étude des problèmes pour en dégager la solution et surtout pour pallier au principe de la rationalité des décisions. * L'apprentissage : les entreprises adaptent leur comportement dans le temps à partir du résultat des actions passées. Le modèle de la poubelle : une remise en question complète des modèles classiques March, Cohen et Olsen ont élaboré ce modèle après une étude sur le fonctionnement des universités américaines, en 1972. Ils présentent certaines organisations comme des « anarchies organisées » dans lesquelles se rencontrent des flux indépendants, par hasard. Dans ces organisations, le processus de décisions ressemble à des poubelles dans lesquelles on a jeté de nombreux éléments qui se rencontrent de manière fortuite. Certaines opportunités de choix rendent possibles les prises de décision : ce sont des comités, réunions, conseils dans lesquels des acteurs différents se rencontrent. Le contenu des « poubelles » est fait des problèmes que les participants souhaitent voir pris en compte. Certains autres participants vont apporter des solutions à travers des projets personnels, idées de développement. Ce modèle séduit car il apporte des solutions parfois innovantes dans des situations de blocage après tentative de résolution par des méthodes rationnelles. Ce modèle postule qu’une décision ne peut s’expliquer que parce qu’on envisage l’ensemble des problèmes et solutions possibles. Les structures formelles ou informelles dans lesquelles les flux sont gérés sont des lieux de débat fondamentaux. Cependant, l’idée même de décision disparait, mettant en avant plutôt certaines actions, au détriment de décisions réelles. Parfois donc l’organisation peut se retrouver en situation de blocage, de confusion voire d’illusion de décision (car elle agit, mais mal). De plus, comme toute approche anarchique, elle n’est pas modélisable et semble difficile à expliquer, voire justifier. C. des approches « humaines », des neurosciences au rôle de l’émotion dans la décision La neuroéconomie, une approche récente, centrée sur la décision et ses explications Le courant de la neuroéconomie est né de la collaboration d’économistes et de neuroscientifiques, dans la mise en place d’expériences nombreuses sur les choix faits par les agents, en particuliers les consommateurs et les décideurs. C’est, à la fois, la remise en cause de modèles classiques de la décision et l’apparition de l’IRM (imagerie par résonance magnétique), qui a permis ce développement. On a donc parlé d’économie « comportementale », car ce courant cherche à mesurer l’effet des facteurs psychologiques dans la prise de décision. La neuroscience serait donc au service de l’économie (Camerer « neuroeconomics : how neurosicence can inform economics », journal of Economic Litterature, Mars 2005). Les apports des neurosciences : le rôle de l’intuition et de l’émotion Apparemment opposés aux modèles rationnels figurent ceux qui considèrent que la décision est entièrement fondée sur les intuitions. La prise de décision intuitive est abordée de manière très sérieuse dans les années 80 (« Making management decisions : the role of M.ERRASSAFI 27 2015-2016 MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme intuition and emotion » Academy of Management Executive, Février 1987). La prise de décision intuitive se fonde sur un processus inconscient qui se nourrit de l’expérience accumulée. En fait, certains auteurs démontrent la complémentarité de cette approche avec l’approche rationnelle, en particulier à travers l’exemple du jeu d’échec ou de la stratégie d’entreprise. Les grands maîtres aux échecs peuvent mener cinquante parties en même temps et les grands stratèges, enchaîner de nombreuses prises de décisions stratégiques dans un temps très court (Minzberg l’a démontré en étudiant l’emploi du temps des dirigeants de multinationales). L’expérience et l’expertise permettent de reconnaître très vite une configuration donnée et d’utiliser le vécu et les données accumulées pour décider (le fameux « effet d’expérience » du management). 1.4. L’approche systémique des organisations http://socioeconomie.skynetblogs.be/ Les théoriciens de l’organisation ont souhaité dépasser l’opposition entre l’approche classique et celle des relations humaines. La notion de système a pu permettre d’unifier à nouveau la théorie des organisations. A. La théorie des systèmes Modéliser l’organisation L’approche systémique repose sur l’utilisation d’outils de plusieurs disciplines et principalement des sciences exactes (« dures »). Ex : cybernétique (régulation des systèmes complexes), informatique, électronique … Les auteurs de ce courant proviennent d’horizons variés, d’où la largeur de leur vision. Ludwig von Bertalanffy est un biologiste, la Théorie générale des systèmes a été publiée en 1968. C’est la reprise d’un article de 1951. Elle a pour but d’utiliser pour les sciences humaines les mêmes bases que pour les sciences naturelles. Les organisations sont des systèmes c’est à dire des phénomènes complexes dont les composantes sont reliées entre elles et dont les comportements sont orientés vers un but. La somme des parties n’explique pas le tout. Von Bertalanffy distingue deux types de systèmes : - le système ouvert : touché par un flux perpétuel de relations avec l’environnement - le système fermé : ne subit pas l’influence de son environnement L’organisation est donc un système ouvert qui peut être modélisé selon des lois générales. Von Bertalanffy en découvre deux : - l’entropie : le nombre des états que peut prendre un système diminue avec le temps - la néguentropie : les états que prend le système se complexifient avec le temps Jay Forrester est un ingénieur qui publie en 1961 Industrial dynamics. Il présente une modélisation de l’entreprise comme un système d’équations différentielles utilisé en simulation pour le valider ou non. Forrester identifie les propriétés d’un système : - un système est concret : il comporte des hommes, des machines … - un système est finalisé : il poursuit un but - un système est organisé : il a une structure - un système est dynamique : il évolue (selon les principes entropie/néguentropie) - un système est régulé M.ERRASSAFI 28 2015-2016 MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme Cette dernière idée est essentielle : la régulation d’un système consiste à gérer les flux de l’organisation. Selon Forrester il existe trois grands modes de régulation : ð régulation par anticipation ð régulation par alerte ð régulation par erreur La théorie des systèmes donne un rôle primordial à la rétroaction (feedback) car elle peut stabiliser le système ou le perturber Une méthode appliquée En management, deux grandes applications de la systémique se sont répandues : ð les systèmes d’information (Le Moigne) décrit la manière de collecter, traiter et faire circuler les données brutes ou transformées dans les organisations. Le système d’information doit fournir la meilleure information, au bon moment, à la bonne personne, pour prendre une décision efficace ð les systèmes de pilotage (Mélèse) décrit le processus de contrôle de gestion mis en œuvre dans une organisation. Quelles sont les informations techniques, comptables, financières … qu’il faut analyser pour être performant ? Quels ratios faut-il retenir pour chacun de ces indicateurs ? Les concepts de la systémique sont solides et traduisent bien la réalité des organisations : les finalités, les interactions, la complexité, la dynamique … sont caractéristiques des problèmes rencontrés par les managers. De plus, la méthodologie de la systémique est très efficace (un peu comme la concurrence parfaite) puisqu’elle fournit un modèle de base de la régulation qu’on peut ensuite appliquer à toute situation quitte à modifier les outils de la régulation. La systémique permet d’identifier les différents niveaux de l’organisation : la notion de sous- système permet de montrer qu’une organisation dans son ensemble résulte d’un processus de coordination de ses éléments. On ne peut négliger les composantes d’un système car elles influencent la régulation de l’organisation. Ex : une personne qui refuse de faire passer une information (Vivendi), une personne qui ne veut pas l’entendre (Sécurité nationale) … Seulement, la systémique n’a permis que de créer des modèles abstraits de résolution de problèmes. C’est pourquoi la gestion n’a retenu que deux grandes applications pratiques. Cette théorie est utilisée pour formuler un diagnostic ou créer un programme d’aide à la décision. Mais elle ne donne que des solutions hypercomplexes ou simplifiées et devient inopérante. La systémique est devenue victime de son succès : des vulgarisations simplificatrices ont fait perdre le sens initial de la démarche (de Rosnay). Les auteurs de base sont passés de la systémique à d’autres champs d’investigation : la pensée complexe ou les systèmes informatiques pour approfondir leurs théories. Emery & Trist et l’approche socio-technique des organisations Fred Emery & Eric Trist sont des ingénieurs anglais chercheurs en psychologie sociale. Ils travaillent au Tavistock Institute à Londres et mènent des recherches sur l’extraction du charbon dans les mines anglaises. Ils publient en 1972 Towards a Social Ecology. Suite à l’introduction de nouvelles machines, la production a baissé surtout dans certains groupes de travail. Les nouvelles technologies employées ont conduit à introduire une organisation taylorienne du travail : spécialisation et paiement aux pièces. Les groupes qui fonctionnent selon cette logique voient leur productivité chuter et l’ambiance de travail se M.ERRASSAFI 29 2015-2016 MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme dégrader surtout par rapport à la situation précédente marquée par une forte intégration sociale. On constate des conflits, de l’absentéisme, des erreurs … Cependant certaines équipes n’ont pas adopté cette organisation. Les salariés sont impliqués activement, sans division du travail, répartition de la rémunération, des tâches enrichies et une auto- organisation. Dans ces groupes, on ne retrouve pas les problèmes de production et de climat social. La notion d’équipe et d’entraide est primordiale. D’autres expériences menées au Tavistock Institute confirmeront ces résultats. Emery en fait la synthèse dans un ouvrage de 1969, Systems thinking. Ils tirent plusieurs conclusions : - l’organisation fera des choix qui ne dépendent pas du contexte technique - l’organisation ne dépend pas que des hommes au travail - les contraintes techniques et sociales interagissent - l’organisation doit clairement établir ses limites Cette approche est qualifiée de socio-technique car elle permet de dépasser l’école classique et l’école des relations humaines en les unissant. Elle est à l’origine d’un courant de pensée dont les postulats n’ont jamais été remis en cause jusqu’à présent. M.ERRASSAFI 30 2015-2016 MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme I. Les approches néo-classique des organisations : le modèle empirique Constituée autour des auteurs comme A.P. Sloan , O. Gélinier et P.F. Drucker, l’école néo- classique des organisations correspond à un mouvement empirique qui se développe à la fin de la seconde guerre mondiale. L'école néo-classique s'inscrit dans le cadre défini par les classiques. D'une part, son approche est empirique, dans la mesure où les principaux auteurs conceptualisent des théories à partir de multiples expériences réalisées au sein d’une activité de conseil en management. D'autre part, elle adopte une attitude pragmatique car l’empirisme des auteurs a pour objectif de dégager des principes normatifs de management à partir d’observations concrètes réalisées dans les entreprises. L’école néo-classique remet en cause, en premier lieu, la séparation jusqu’ici existante entre la théorie et la pratique organisationnelle. Consultants en management, les auteurs de l’approche empirique ont cherché à intégrer les nouveaux besoins des firmes dans leurs analyses : répondre à l’évolution des besoins des consommateurs, faire évoluer la fonction marketing, tenir compte des changements sociaux et autres. A travers l’analyse de cas concrets, ils ont particulièrement travaillé sur le rôle de la direction générale, sur la fonction de management ainsi que sur les structures organisationnelles. Le mouvement empirique s’appuie sur cinq grands postulats à l’origine des « principes d’action pour lemanagement » : Le principe classique de maximisation du profit est jugé irréaliste, La direction par objectifs permet d’organiser l’activité autour de véritables équipes de travail. Il s’agit d’une approche de l’entreprise en termes de responsabilités s’appuyant sur une hiérarchie d’objectifs clairement définis, La décentralisation des responsabilités et des décisions s’accompagne généralement d’une départementalisation par produit principalement pour renforcer une logique marketing dans les firmes. L’approche de la prise de décision est envisagée par une décentralisation à partir de la répartition des responsabilités, La motivation par la compétitivité est un principe admis par les auteurs néo- classiques qui mettent l’accent sur la nécessité d’aider les acteurs de l’entreprise à réaliser leurs ambitions dans la structure, Le contrôle par analyse des écarts est rendu nécessaire par la principe de décentralisation verticale (hiérarchique) et horizontale (niveaux de participation aux décisions). Les unités décentralisées doivent être autonomes, tout en rendant régulièrement des comptes sur la réalisation des objectifs à la hiérarchie, qui n’intervient qu’en cas de dysfonctionnements ou d'exceptions (résultats anormaux, incapacité temporaire du chef d'unité,...). 1. Apports de P. Drucker au management : la direction par objectif (DPO) Ses idées partent de l’observation des pratiques managériales qui ont fait le succès des entreprises américaines depuis 30 ans. Il est persuadé que leur réussite réside dans le fait « qu’elles connaissaient – et cernaient – précisément leur domaine d’activité, qu’elles savaient quelles étaient leurs compétences et comment concentrer leurs efforts sur la réalisation de leurs objectifs ». Trente ans plus tard, Peters et Waterman aboutiront aux mêmes conclusions… M.ERRASSAFI 31 2015-2016 MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme Le Prix de l'excellence de Thomas Peters et Robert Waterman publié en 1983. Les huit attributs de l’excellence des entreprises 1. Elles ont le parti pris de l'action. 2. Elles restent à l'écoute du client. 3. Elles favorisent l'autonomie et l'esprit novateur. 4. Elles la productivité sur la motivation du personnel. 5. Elles se mobilisent autour d'une valeur clé. 6. Elles s'en tiennent à ce qu'elles savent faire. 7. Elles préservent une structure simple et légère. 8. Elles allient souplesse et rigueur. La réputation de P. DRUCKER tient à l’étendue de son champ d’investigation. Les thèmes qu’il aborde vont de l’étude de la pratique du management à l’analyse des grandes questions économiques, politiques et sociales de notre temps, débordant largement le champ de réflexion traditionnel de l’organisation. Il a été le premier à se rendre compte que les objectifs d’une entreprise lui sont extérieurs – créer un marché et y satisfaire le consommateur –, à considérer comme essentiel le processus de décision, le premier à affirmer que la structure doit suivre la stratégie et le premier à voir – et à dire – que le management doit passer par la direction, par les objectifs et l’autocontrôle. Dans cette perspective, il définit les nouvelles attributions du management : - fixer des objectifs clairs, opérationnels et motivants, afin que chaque maillon de la chaîne accomplisse sa part du travail. - rendre le travail humain productif, et veiller à la satisfaction au travail de chacun(e). - gérer les impacts et les conséquences sociales. Il propose de regrouper le travail de tout manager autour de 5 tâches principales : Fixer des objectifs Analyser et organiser le travail dans une structure cohérente Motiver et communiquer Mesurer les performances et élaborer des normes Former les autres et se former lui-même. A cet effet, dans « La pratique de la direction des entreprises ». éd. d’Organisation, 1966 ».P. DRUCKER préconise la mise en place dans les entreprises d’une Direction par Objectifs (DPO). Ces objectifs se répartissent, entre : - les objectifs organisationnels : destinés, dans leur atteinte, à réduire l’écart entre un état présent et un état futur, tel que désiré par les dirigeants de l’entreprise. - les objectifs individuels : résultats attendus d’une personne, dans le cadre des fonctions dont elle a la responsabilité, et concourant à l’atteinte des objectifs organisationnels. M.ERRASSAFI 32 2015-2016 MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme Les objectifs n’ont de sens que s’ils sont liés à des critères, qui permettent de quantifier et mesurer les résultats. La performance individuelle résulte, quant à elle, de l’écart, constaté en fin de période entre les objectifs et les résultats (R/O) obtenus par le salarié. De même, ils doivent tout à la fois être opérationnels et motivants, multiples et concerner toutes les fonctions clés de l’entreprise. Le manager doit également éviter les erreurs trop fréquentes que sont : - la parcellisation des tâches - l’inégalité des charges de travail (trop peu ou trop de travail) - la création de fonctions purement honorifiques - la définition trop étroite des postes de travail et fonctions - l’organisation du travail du haut vers le bas En résumé, la pensée de P. DRUCKER s’articule autour de 6 postulats : 1. Le profit maximum n’est pas une fin en soi pour l’entreprise. Elle ne constitue qu’un moyen de se développer. D’où la notion de centre de profit et de structure comptable décentralisée qui s’ensuit. 2. La décision doit être prise le plus près possible du terrain. Les salariés doivent, à cet effet, être formés à la prise de risque. 3. L’éventail de subordination doit être le plus étalé possible, afin de permettre au responsable hiérarchique de se consacrer à sa mission. 4. La décentralisation doit se combiner à des objectifs clairement défini. 5. La décentralisation implique la mise en place d’un contrôle tant interne (contrôle de gestion) qu’externe (audits externes). 6. La motivation est à l’origine du dépassement, qui permet la compétitivité de l’individu et du groupe. 2. Alfred Pritchard SLOAN Né en 1875, Alfred SLOAN est le fils d’un négociant en thé, café et cigares de New-York. A l’issue d’études d’ingénieur en électricité au M.I.T, il prend la direction de la Hyatt Roller Bearing et est nommé à la direction de General Motors, à l’occasion du rachat de son entreprise par cette dernière, en pleine crise de l’industrie automobile en 1923. Il occupera cette fonction durant 23 ans, avant de devenir Président de G.M. jusqu’en 1956. Il développe, dans cette entreprise, un modèle d’organisation basé sur la décentralisation fédéraliste : - décentralisation des activités opérationnelles (ingénierie, production, vente), pour lesquelles les divisions disposent d’une large autonomie, - centralisation des décisions de gestion et de la définition de la politique générale. Grâce à ce modèle, dont la mise en place se caractérisera par une succession de périodes de centralisation et de décentralisation, A. SLOAN redresse General Motors en 3 ans et fait renouer son entreprise avec la croissance durant toutes les années où il préside à sa destinée. M.ERRASSAFI 33 2015-2016 MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme Vingt cinq ans plus tard, Ford adopte le même modèle de fonctionnement et se redresse en 5 ans, tout comme la General Electric dans les années 50. Les idées de A. SLOAN regroupées dans A.P. SLOAN « Mes années à la General Motors. Hommes et Techniques » en 1964 s’inspirent largement de l’analyse fonctionnelle de la direction, telle que proposée par Fayol , mais à l’échelle d’une grande entreprise. Son modèle de management hérite, lui, du concept de management impersonnel, très centré sur la tâche. Son modèle d’organisation, mis en place chez General Motors, peut se résumer ainsi : - la coordination doit être réalisée par le biais de comités, représentatifs de tous les services. - les divisions sont libres de leurs décisions, organisées en centres de profit. Elles peuvent, tout à la fois, commercer entre elles ou avec la concurrence (pièces détachées). - les finances et le contrôle de gestion sont uniformisés et centralisés. 2. Apports de Octave GÉLINIER : la direction participative par objectif (DPO) Né en 1916, O. GÉLINIER a passé pratiquement toute sa carrière à la CEGOS. Critiquant la théorie macro-économique, il énonce une théorie de l’entrepreneur basée sur deux idées force : la concurrence et l’innovation. Il leur adjoint ultérieurement la finalité humaine (sociale). Il défend l’idée d’objectifs, qui selon lui permettent : - la délégation des pouvoirs et de l’autorité - la définition des responsabilités - l’intégration des services - la définition de la structure - la supervision hiérarchique - la motivation des salariés Ces objectifs prennent place au sein d’un système de gestion dans lequel la politique générale est définie pour les 5 à 7 ans à venir, et les programmes et budgets déterminés pour 2 ans, avec réactualisation annuelle. La structure de l’entreprise s’organise autour de 4 types de services… Les services opérationnels ou services d’exploitation Les services d’état-major Les services fonctionnels (comptabilité, ressources humaines…) Les services fournisseurs (transport, logistique…) M.ERRASSAFI 34 2015-2016 MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme …qui interagissent selon 4 types de relations : Les relations hiérarchiques Les relations de conseil et de soutien Les relations fonctionnelles Les relations de fournisseur Les relations intra-groupes doivent être favorisées au détriment des relations inter-groupes (cette dernière se montrant beaucoup moins efficace). Le modèle du management de O. GÉLINIER s’articule autour de 7 idées maîtresses : 1. La structure détermine l’efficacité, plus que ne le font les techniques de production 2. Faire confiance à la concurrence, favoriser l’émulation 3. Encourager la rentabilité, en tant qu’expression de la contribution de l’entreprise à la production de la société 4. Déléguer et motiver dans un climat de confiance propice à la motivation et à l’efficacité de tous 5. Être factuel dans l’appréciation des situations de travail, s’appuyer sur les résultats 6. Favoriser la flexibilité de l’organisation 7. Ne pas recourir à l’approche micro-économique classique, trop réductrice Ces thèses se caractérisent par un style de management mettant en avant : - l’utilité de l’innovation, sans laquelle les profits se dégradent - le changement permanent au niveau de la structure (le rôle du management est avant tout de gérer le changement) - l’utilité de la concurrence, comme moteur de l’innovation - le droit à l’information pour tous les salariés - des structures à dimension humaine (250 à 500 personnes) - la responsabilité sociale de l’encadrement - l’intéressement collectif aux résultats des divisions - la protection de l’emploi - la valorisation des tâches d’exécution par la création de groupes semi-autonomes M.ERRASSAFI 35 2015-2016 MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme Chapitre 3. LES THEORIES DE LA FIRME La firme est une des institutions majeures du capitalisme – et sans doute son institution dominante – depuis la fin du XIXe siècle, malgré la référence privilégiée au marché qui reste la marque du discours économique contemporain. Peu d’historiens ou d’économistes remettraient en question l’affirmation de Chandler, selon laquelle la grande entreprise moderne a joué « le rôle le plus fondamental dans la transformation des économies occidentales ». Mais savoir ce qu’est véritablement une entreprise est plus complexe qu’il n’y paraît. La firme a connu des transformations profondes tout au long de l’histoire du capitalisme. Elle est en effet devenue, dans les économies contemporaines, un système sophistiqué reposant sur des configurations organisationnelles complexes, et des réseaux de relations et de pouvoirs multiformes. On ne doit pas s’étonner, dans ces conditions, de ce que l’analyse de la « nature » et des caractères de la firme moderne soulève de nombreuses questions et ait suscité de multiples écrits. Les théories de la firme par Olivier Weinstein - Idées économiques et sociales- 2012/4 (N° 170) Partie 1 - La firme dans le modèle néoclassique : la boite noire Qu'il s'agisse de la théorie de l'équilibre général ou de celle des marchés, la firme s'y trouve réduite à peu de chose : elle est assimilée à un agent individuel , sans prise en considération de son organisation interne. Elle ne fait que transformer de manière efficiente des facteurs de production en produits et s'adapter mécaniquement à son environnement. Elle est en quelque sorte un objet inexploré, en d'autres termes une boîte noire… A. L'entreprise : "une boîte noire" Dans la théorie néoclassique, le comportement de l'entreprise est assimilé à celui de l’entrepreneur, propriétaire de l'entreprise. L'entrepreneur est un agent rationnel qui cherche à maximiser son profit en minimisant les moyens utilisés. L'entreprise est ainsi considérée comme une " boîte noire " transformant des facteurs de production. Dans ce modèle, la firme n'existe pas en tant que telle. Il n'y a que des individus établissant des relations d'échange entre eux. Ceci explique le fait qu'il n'y a pas de théorie propre de la firme dans l'approche néoclassique qui analyse cette dernière à travers la théorie des prix et de l'allocation des ressources. La place centrale est occupée par la recherche des conditions de l'équilibre général, pour une économie sans friction et donc sans coût de transaction. Il s'ensuit que cette théorie a banni de ses préoccupations la stratégie, l'organisation et le management… B. Les limites de l'analyse néoclassique L'approche en terme de " boîte noire " repose sur des hypothèses réductrices, voire irréalistes concurrence et information parfaites ; divisibilité des facteurs de production ; rationalité parfaite des agents ; absence de progrès technique. M.ERRASSAFI 36 2015-2016 MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme De plus Le comportement de l'entreprise est assimilé à celui de son propriétaire, lequel est supposé ne poursuivre qu'un seul objectif, la maximisation de son profit. La théorie néoclassique standard traite comme un agent individuel ce qui est clairement une entité collective, en lui prêtant de plus un principe de comportement, la maximisation du profit, qui est hétérogène au principe d'utilité censé fonder l'ensemble des comportements individuels1 Il s'agit donc d'une vision très restrictive de la finalité et des buts de l'entreprise qui ne prend pas en compte ni la réalité ni la complexité des comportements. C. Le perfectionnement de la théorie néoclassique de l'entreprise Par souci de réalisme et devant l'importance croissante du rôle du management présentant l'entreprise comme une organisation complexe, les économistes ont reformulé plusieurs hypothèses de la théorie néoclassique : o l'hypothèse de concurrence parfaite ; o la maximisation du profit comme objectif unique ; o l'hypothèse de l'information parfaite ; o la rationalité parfaite des agents. 1. La remise en cause du modèle : vers une approche comportementale de la firme o Dans la réalité, les décisions prises par un agent économique peuvent affecter la satisfaction des autres. o La concurrence est dite alors " imparfaite " 2. Le profit n'est pas toujours maximisé Berle et G. C. Means (1933) - L’une des caractéristiques de la firme "moderne" était la séparation entre les propriétaires (ou actionnaires détenant le capital de la société) et les dirigeants (managers) salariés de l'entreprise, qui eux mêmes sont à l'origine d'importantes décisions. - La séparation croissante entre les propriétaires ou actionnaires et les dirigeants-managers a des effets sur le niveau de profit atteint. - Si les détenteurs du capital recherchent la maximisation du profit, les managers peuvent privilégier leurs propres intérêts (croissance de l'entreprise, prestige personnel). W. Baumol (1959) "Business Behavior, Value and Growth" Si les dirigeants estiment que leurs revenus dépendent davantage des ventes que du profit réalisé, ils privilégieront cet objectif. L'hypothèse de Baumol est que, un niveau de bénéfice étant posé et considéré comme suffisant pour assurer le niveau de rémunération minimum attendu par les actionnaires, l'objectif de la firme sera de maximiser ses ventes ce qui peut être assimilé a l'objectif d'accroître (ou au moins de maintenir) ses parts de marché. M.ERRASSAFI 37 2015-2016 MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme Robin Marris (1964) « Le capitalisme managérial », Le véritable objectif de la firme est celui de la maximisation de son taux annuel de croissance. Avec cette hypothèse, il prouvera que les vagues de concentration industrielles constatées aux Etats-Unis ayant souvent conduit à la baisse des taux de profit, se justifient plutôt par l'objectif de maximisation de croissance. 3. L’imperfection de l'information o Il est désormais plus réaliste de considérer que l'accès à l'information n'est pas gratuit o De plus, à l'intérieur des entreprises, tous les agents ne disposent pas du même niveau d'information, certains agents étant mieux informés que d'autres. o Il faut donc prendre en compte les " asymétries d'information ".Une asymétrie d'informations désigne la situation d'un marché dans lequel une des parties prenantes détient une information que les autres ignorent ou dont ils ne sont pas persuadés. Georges A. AKERLOF : Théorie de la sélection adverse (…) L'étude d'Akerlof sur l'information asymétrique est centrée sur les marchés dans lesquels les vendeurs connaissent mieux que l'acheteur la qualité du produit vendu. Akerlof prend pour exemple l'achat d'une voiture d'occasion. Il démontre ainsi que l'on peut aboutir à une « antisélection » (adverse selection) des mauvaises voitures au détriment des bonnes. Dans son célèbre article publié en 1970, The Market for Lemons : Quality Uncertainty and the Market Mechanism (Le Marché des « tacots » : incertitude sur la qualité et mécanisme de marché), il explique pourquoi, comment et avec quelles conséquences l'asymétrie d'information détériore le fonctionnement des marchés. Il suggère que de nombreuses institutions économiques ont vu le jour afin de s'auto-protéger des conséquences de l'antisélection, et notamment les vendeurs de voitures d'occasion qui n'hésitent pas à proposer des garanties afin de mettre en confiance le consommateur. Or, ce dernier sait pertinemment qu'il existe des automobiles de mauvaise qualité. Les vendeurs proposent un prix moyen pour les bonnes occasions comme les mauvaises. Les propriétaires de bonnes occasions refusent de vendre à ce prix, tandis que les propriétaires de tacots y voient une aubaine. Les premiers retirent ainsi leur voiture de la vente et il ne reste plus sur le marché que ces fameuses voitures en ruines. Dans le cadre des pays en développement, l'analyse d'Akerlof met en évidence un second élément : les taux d'intérêt sont souvent exorbitants parce que le prêteur ne dispose pas d'une information adéquate concernant la solidité financière de l'emprunteur. http://www.universalis.fr/encyclopedie Le principe de l’aléa moral L’aléa moral Dans le cas des phénomènes d’ « antisélection » il a été question des situations où l'asymétrie d'information intervient ex-ante, au moment de la conclusion du contrat, elle concerne la nature et la qualité des biens offerts sur le marché mais il est difficile d'anticiper le comportement de l'acheteur après avoir acheté (ex-post). On parlera alors de «comportement caché», «d'aléa moral» ou de «hasard moral». Cette absence de connaissance parfaite du comportement après achat conduit à une situation où le marché ne peut être traité de façon globale. Chaque cas devient un cas particulier. Prenons un autre exemple souvent cité en économie de l’assurance, celui de l'assurance contre l’incendie et le vol. La question qui se pose au nom du «l’aléa moral » est celle de savoir si l'assuré prendra autant de précautions après s'être assuré qu'il en prenait avant pour éviter vol et/ou incendie. L'incitation à se protéger ne se trouve-t-elle pas réduite du fait d'être assuré ? On constate globalement que trop d'assurances favorisent la perte de précautions. Bien évidemment, l'existence d'un comportement caché modifie la nature de l'équilibre par rapport à celui observé là où les comportements sont rationnels et prévisibles. Le risque moral apparaît dans les situations où certaines actions des agents, qui ont une conséquence sur le risque de dommage, sont inobservables par les assureurs. M.ERRASSAFI 38 2015-2016 MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme Jonh Nash : Théorie des jeux 4. L'entrepreneur, un acteur doté d'une rationalité limitée (voir les théories de la décision) Partie 2 - Les approches contractuelles : la firme est un nœud de contrat La théorie des contrats se développe avec la volonté de dépasser certaines limites de la théorie néoclassique de la firme, sans pour autant la remettre radicalement en question. Elle a pour ambition de proposer une représentation plus réaliste de la firme et de façon plus générale, de définir la forme d'organisation la plus efficiente compte tenu du contexte, en particulier informationnel. Les approches contractuelles diffèrent en fonction de leur analyse des comportements des agents (rationalité limitée ou parfaite) et en fonction des hypothèses sur l'information dont les agents disposent (information parfaite ou asymétrique par exemple). L'unité entre ces travaux découle d'une conception commune des rapports économiques : ce sont des rapports contractuels entre des individus libres. Dans cette perspective, la firme se définit comme un système particulier de relations contractuelles. 2.1. La théorie des coûts de transaction R. COASE et la question de l'existence de la firme La théorie des coûts de transaction (TCT) tire son origine des travaux de Coase (1937) qui en a été l’un des précurseurs. Celle-ci (la théorie) constitue d’ailleurs l’un des courants dominants des nouvelles théories économiques de la firme que d’aucuns qualifient de nouvelle économie institutionnelle. L’auteur est parti d’un constat fait quelques années plus tôt par Roberston (1922) selon lequel, la vie économique cache des « îlots de pouvoir conscients dans un océan de coopération inconsciente ». En effet, alors que dans l’arène économique, la coopération entre agents économiques se fait de façon inconsciente via le système de prix, la coordination à l’intérieur de la firme est faite de manière plutôt consciente par l’autorité de l’entrepreneur. L’essence de la coordination M.ERRASSAFI 39 2015-2016 MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme par la firme, dira Coase (1937), se trouve dans la hiérarchie et la suppression du système de prix. Pour l’auteur, le recours au marché entraîne des coûts, qui sont constitués de coûts de découverte de prix adéquats et de coûts de négociation et de conclusion de contrats séparés, pour chaque transaction. Par conséquent, la coordination administrative par la firme s’impose parce qu’elle permet une économie de coûts (qualifiés plus tard par coûts de transactions par Williamson). L’argumentation principale de Coase trouve en fait son origine dans la question posée par l’auteur, qui était celle de savoir quelle était la nature de la firme et pourquoi existe-t-elle ? Selon l’auteur, les firmes existent parce qu’elles permettent de réduire les coûts de transaction, via un système de coordination fondé sur la hiérarchie, et l’auteur l’exprime en ces termes : « […] si un travailleur se déplace du service y vers le service x, ce n’est pas à cause d’un changement de prix relatif, mais parce qu’on lui ordonne de le faire ». 1.1.2. O. WILLIAMSON et la définition des coûts de transaction Les travaux de Williamson se situent explicitement dans le prolongement de ceux de R. Coase. Ces travaux vont permettre d'expliciter le concept de coût de transaction et préciser certaines hypothèses-clés pour comprendre en particulier dans quels cas la firme s'impose comme mode de coordination, c'est-à-dire dans quelles conditions l'intégration d'une activité dans la firme sera préférée au recours au marché. Williamson pose deux hypothèses relatives aux comportements des agents. (1) La rationalité limitée : les agents ont des capacités cognitives limitées. Lorsque l'environnement est complexe, ils ne peuvent pas envisager tous les événements possibles et calculer parfaitement les conséquences de leurs décisions. (2) L'opportunisme des agents : c'est une conséquence de la rationalité limitée. Comme le contrat ne peut pas prévoir toutes les alternatives possibles, un agent peut être tenté d'adopter un comportement opportuniste pour favoriser ses intérêts au détriment de ceux des autres. Rationalité limitée et opportunisme augmentent les coûts de transaction, en particulier de conception des contrats et de contrôle. Il distingue - opportunisme ex ante : se présente lorsqu’il y a tricherie avant passation du contrat entre les parties. (exemple : communication d’informations erronées par un vendeur). Cet opportunisme est possible à cause de l’asymétrie d’information due à la spécificité des actifs humains. Cet opportunisme renvoie au problème d’antisélection). - opportunisme ex post : se présente lorsqu’il y a tricherie dans l’exécution du contrat, ou à la fin du contrat (évaluation des actions des parties, question de la reconduction du contrat). Cet opportunisme est lié à l’incomplétude des contrats et à la rationalité limitée, mais aussi à la spécificité des actifs. Cet opportunisme renvoie au problème du hasard moral. Les caractéristiques des transactions selon Williamson « une transaction a lieu lorsqu’un bien ou un service est transféré à travers une interface technologiquement séparable. Une étape d’activité se termine et une autre commence. » M.ERRASSAFI 40 2015-2016 MODULE 1 : Théories de l’organisation et de la firme La transaction s’organise en trois temps : - une négociation initiale; - un contrat d’échange; - une résolution du contrat après que l’échange a eu lieu. Les caractéristiques de la transaction L’incertitude La spécificité des actifs. La fréquence Le coût O.E. Williamson distingue quatre types d’actifs spécifiques : la spécificité de site la spécificité de destination (dedicated assets) : la spécificité d’actifs physiques la spécificité d’actifs humains Et deux types de couts de transaction Les coûts de transaction ex ante comportent : - les coûts de négociation du contrat ; - les coûts de rédaction du contrat ; - les coûts de garanties. Les coûts de transaction ex post sont constitués par : - les coûts de mauvaise adaptation du contrat ; - les coûts de marchandage occasionnés par la divergence dans l’exécution du contrat - les coûts d’organisation et de fonctionnement associés aux structures de gouvernance auxquelles les parties s’adressent en cas de conflit ;