Synthèse des Questions 2-70-77 PDF

Summary

Ce document analyse la question de la primauté du droit international et du droit européen sur le droit national. Il présente différents points de vue, y compris celui de l'ordre juridique international, de l'ordre juridique européen et des États. Les concepts juridiques abordés sont la Convention de Vienne sur le droit des traités, ainsi que différents arrêts et décisions de juridictions européennes.

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Ester B. – 2022/2023 Directives : non directement applicables en principe, mais parfois oui (rare) Décisions adressées à des particuliers : généralement directement applicables Décisions de portée générale : examen au cas pa...

Ester B. – 2022/2023 Directives : non directement applicables en principe, mais parfois oui (rare) Décisions adressées à des particuliers : généralement directement applicables Décisions de portée générale : examen au cas par cas. Pdv des États, et en particulier de l’État belge : c’est essentiellement au juge national que se pose la question de l’effet direct : car c’est lui « qui doit vérifier s’il est en mesure de résoudre directement un litige sur la base de la disposition internationale, ou si différentes solutions sont possibles, parmi lesquelles (le législateur) doit faire un choix » Si le juge national est amené à considérer que la norme internationale n’est pas directement applicable : l’État engagera sa responsabilité sur le plan international s’il ne respecte pas son engagement international Þ art 27 Convention de Vienne sur le droit des traités : l’État ne peut invoquer les dispositions de son droit interne pour échapper à ses engagements conventionnels Chapitre 4 : la primauté Section 1 : position du problème Supposons qu'une règle de droit international fasse partie du droit objectif d'un ordre juridique national : qui, de la règle internationale ou interne, prime en cas de conflit ? Þ Si, sur une même question, le droit international et le droit interne apportent des réponses divergentes (conflit de normes), laquelle va primer ? c quoi la réponse ? Section 2 : les points de vue en présence Il y a plusieurs questions à se poser : - Quels sont les termes du conflit ? Quelles sont les sources juridiques, les dispositions en présence ? - Quelle a été la solution apportée ? - Quelle est la source, le fondement de cette solution ? Jurisprudence ? Législation ? - Quelles conséquences en découlent ? Point de vue de l’ordre juridique international : Les termes du conflit : disposition internationale VS disposition nationale La solution apportée : primauté du droit international sur le droit interne Þ Pour le juge international, le droit international prime le droit interne. Cette position se comprend car, en l’absence de primauté, l’existence du droit international serait menacée : un État pourrait violer de manière unilatérale une norme de droit international, qui perdrait tout caractère contraignant La source / le fondement de la solution : conventionnel L’article 27 de la Convention de Vienne : « une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant la non-exécution d’un traité » 70 Ester B. – 2022/2023 Les conséquences qui en découlent dans les ordres juridiques nationaux : Le droit international ne se soucie pas de la manière dont les États reconnaissent cette primauté. Þ Conception dualiste : Il affirme sa primauté au sein de l’ordre juridique international, tout en laissant les États maîtres quant à la manière de la traduire dans leurs ordres juridiques internes respectifs. Mais si un État ne respecte pas la primauté du traité qu’il a conclu, il pourrait voir sa responsabilité engagée sur la scène internationale. Point de vue de l’ordre juridique européen : Les termes du conflit : disposition européenne VS disposition nationale La solution apportée : primauté du droit européen sur le droit national La source / le fondement de la solution : jurisprudentiel La primauté du droit européen n’est pas consacrée dans les traités. C’est la Cour de justice qui l’a affirmée dans plusieurs arrêts de principe, dont les arrêts Costa c. Enel du 15 juillet 1964, Internationale Handelsgesellschaft du 17 décembre 1970 et Simmenthal du 9 mars 1978. Les conséquences qui en découlent : écartement de la règle interne contraire Le droit européen (UE) se prononce sur la question de savoir comment la primauté qu'il affirme doit être reconnue au sein des différents ordres juridiques internes. Arrêt Costa c. Enel : En vertu de cette jurisprudence, le juge national a donc l'obligation d'évincer (= écarter) toute règle de droit national contraire au droit européen. Þ vision moniste : Ensemble, le droit européen et national forment un seul ordre juridique hiérarchisé, au sommet duquel trône le droit européen. à + voir p168, 169 syllabus Point de vue des États : - Les États pratiquant un dualisme strict : un traité ne peut être appliqué, au sein de l’ordre juridique interne, qu’après avoir été transformé par une loi en une norme de droit interne. 71 Ester B. – 2022/2023 Donc, la question de la hiérarchie entre normes internationales et nationales ne se pose pas : « puisque l’une et l’autre catégories de normes se trouvent dans des pyramides distinctes, elles ne sont jamais susceptibles d’entrer en conflit et la question de leur rang hiérarchique n’a pas de sens » Þ Le traité devenant une loi comme les autres, il peut être modifié ou abrogé par toute loi postérieure. Le juge national est alors contraint d’appliquer la loi postérieure, contraire au traité, tandis que la responsabilité de l’état peut être engagée sur la scène internationale. En pratique, les juges anglais tentent de limiter le conflit traité- loi en interprétant la loi à la lumière des exigences posées par le traité. - Les États pratiquant une certaine forme de monisme juridique (ou un dualisme atténué) : Les termes du conflit : traité VS norme de droit interne La source / le fondement de la solution : Constitution ou jurisprudence, selon les États La solution apportée : variable Tantôt le traité est placé au même niveau que la Constitution, tantôt au même niveau que la loi, tantôt encore entre la loi et la Constitution… Rares sont les États qui acceptent sans condition la primauté du droit international sur leur Constitution. Plusieurs pays posent des limites à cette primauté sous la forme de "réserves de constitutionnalité" (cf. le cours de droit constitutionnel) Attention : ne pas confondre avec les réserves qui peuvent être émises par les États dans le cadre du processus d'élaboration d'un traité. Conséquences qui en découlent : éventuel engagement de la responsabilité internationale Si une norme étatique contrarie la primauté du droit international, elle ne pourra en aucun cas être annulée par le juge international. Par contre, l’état qui en est l’auteur risque d’engager sa responsabilité sur le plan international. - En Belgique : Source/fondement de la solution : jurisprudence La Constitution belge est muette sur la question de la primauté. Tendance générale : tendance à la primauté du droit international À part la position de la Cour constitutionnelle, la Belgique admet très largement la primauté inconditionnelle du droit international. Þ De ce point de vue, elle se démarque des autres États La conflit traité-loi : l’arrêt Le Ski du 27 mai 1971 La question du conflit traité-loi a été résolue avec cet arrêt. à ANNEXE 22 - attention de bien distinguer les conclusions générales de l'arrêt lui-même Les faits : la société en cause a payé des droits spéciaux sur l’importation de produits laitiers en provenance d’États membres. Ces droits ont été perçus sur la base d’arrêtés royaux, qui 72 Ester B. – 2022/2023 ont par la suite été validés, pour le passé, par une loi du 19 mars 1968. Or, l’article 12 du TCEE interdisait aux États membres d’établir entre eux de nouveaux droits à l’importation ou taxes d’effets équivalents. Se fondant sur la contrariété de la loi du 19 mars 1968 à l’article 12 du TCEE, la société agit en répétition de l’indu et exige le remboursement des droits perçus. Les termes du conflit : traité VS loi La Cour affirme que ce n’est pas parce qu’il y a une loi d’assentiment que le conflit traité–loi doit s’analyser comme un conflit entre 2 lois. En effet, la loi d’assentiment ne présente aucun caractère normatif ; elle n’enlève pas au traité sa nature de traité. La solution apportée : primauté de la disposition internationale directement applicable Le critère destiné à résoudre le conflit traité-loi est un critère hiérarchique : Þ Annexes : « Attendu que, lorsque le conflit existe entre une norme de droit interne et une norme de droit international qui a des effets directs dans l’ordre juridique interne, la règle établie par le traité doit prévaloir » La Cour affirme la primauté d’une disposition d’un traité directement applicable (l’article 12 du TCEE) sur une loi (celle du 19 mars 1968). La solution vaut aussi pour toutes les règles de droit hiérarchiquement inférieures à la loi : une disposition internationale directement applicable (en ce compris celles issues d’un acte de droit dérivé) prime toute norme et acte individuel ayant rang inférieur à la loi. Les conséquences qui en découlent : l'écartement de la loi contraire Þ Annexes : « Attendu qu’il résulte des considérations qui précèdent que le juge avait le devoir d’écarter l’application des dispositions de droit interne qui sont contraires à cette disposition du traité » En cas de conflit traité-loi, le juge doit donc refuser d’appliquer la loi, que celle-ci soit antérieure ou postérieure au traité. La source/le fondement de la solution : jurisprudentiel (arrêt Le Ski). Mais comment la Cour de cassation justifie-t-elle la primauté qu'elle affirme? L’arrêt Le Ski la justifie par : « la nature même du droit international conventionnel » Þ Conception moniste, incompatible avec le pluralisme juridique, car la Cour de cassation s’en remet à l’ordre juridique international pour savoir ce que le juge 73 Ester B. – 2022/2023 interne doit faire en cas de conflit traité-Constitution. Elle nie donc l’existence d’ordres juridiques distincts (pluralisme juridique). Le conflit traité-C° : La controverse doctrinale : Certains auteurs d’inspiration moniste plaident en faveur de la primauté du droit international sur la C°. D’autres, d’inspiration dualiste, se fondent sur l’article 195 C° pour défendre la primauté de celle-ci sur les traités. Þ Une loi portant assentiment à un traité, même s’il est incompatible avec la C°, est adoptée à la majorité simple. Or, la C° ne peut être modifiée qu’en vertu de l’article 195, fixant à deux tiers le quorum de présence et de vote. Donc, on ne peut pas admettre qu’un traité puisse modifier la C°, sinon cela voudrait dire qu’on peut outrepasser l’art 195 simplement en adoptant une loi d’assentiment. Les divergences jurisprudentielles : 1. La position de la Cour de Cassation : primauté du droit international et du droit de l’Union européenne, primaire et dérivé, sur la C° Þ Résolument moniste Les termes du conflit : traité et droit dérivé VS Constitution La solution apportée : primauté des traités et du droit européen dérivé sur la Constitution La source/le fondement de la solution : trois arrêts ANNEXE 23 : (1) L’arrêt du 2 juin 2003 reconnaît la primauté de l’ensemble des règles de droit européen (droit primaire comme dérivé) sur les règles constitutionnelles. Il fonde cette primauté sur deux arrêts de la CJCE : l’arrêt Costa et l’arrêt International Handelsgeselschaft. (2) L’arrêt du 9 novembre 2004 affirme que « la Convention européenne des droits de l'Homme prime la Constitution », sans justification (3) L’arrêt du 16 novembre 2004 : la Cour de cassation déclare explicitement que toute convention qui a un effet direct prime la Constitution, sans justification 74 Ester B. – 2022/2023 à La solution prétorienne retenue dans ces arrêts est soit non-justifiée, soit fondée sur la jurisprudence européenne. Lorsqu’elle prétend s’adosser à un PGD induit du droit international, plus précisément de « la nature même du droit international », la Cour de cassation s’expose à la même critique que celle adressée à son arrêt Le Ski : celle d’un « court-circuit logique propre à la théorie moniste » Les conséquences qui en découlent : écartement de la disposition constitutionnelle contraire 2. La position du CE : primauté du droit européen dérivé sur la C°, sur le fondement de l’art 34 C° - SCACE : arrêt Orfinger du 5 novembre 1996 (ANNEXE 24 - distinguer arrêt et observations) Faits : Les requérants poursuivaient l’annulation de l’arrêté royal litigieux en raison de sa contrariété à l’article 10, alinéa 2, de la Constitution. Cet arrêté ouvrait en effet, sous certaines conditions conforme à l’article 39 TCE tel qu’interprété par la CJCE, l’accès aux emplois publics belges aux citoyens de l’Union européenne, alors que l’article 10 de la Constitution l’interdit, sauf exception prévue par la loi. Les termes du conflit : droit européen tel qu'interprété par CJUE VS Constitution Il revient au CE de résoudre la question « de la compatibilité entre la Constitution et l’interprétation donnée à une disposition du Traité […] » La solution apportée : primauté du droit européen Þ Solution proche de celle de la Cour de cassation : la primauté du droit européen dérivé (l’interprétation donnée par la CJCE à l’article 39 du TCE) sur la Constitution. La source/le fondement de la solution : art. 34 C° « l’exercice de pouvoirs déterminés peut être attribué par un traité ou par une loi à des institutions de droit international public ». Þ Insérée en 1970, cette disposition déroge à l’art 33 C° en vertu duquel « tous les pouvoirs émanent de la Nation (et) sont exercés de la manière établie par la Constitution » 75 Ester B. – 2022/2023 L’art 34 autorise un traité ou une loi à transférer à une organisation internationale l’exercice de compétences que la Constitution ou des lois prises en vertu de celle-ci confient aux organes de l’État, des Communautés ou des Régions. Þ Ce fondement est cependant discutable, car détourné de ce qui motiva l'adoption de l'article 34 par le constituant. Les conséquences qui en découlent : la disposition européenne tient lieu de norme de référence à partir de laquelle on peut réaliser le contrôle de conformité - SLCE : primauté du droit dérivé sur la Constitution 3. La position de la Cour constitutionnelle : la seule à ne pas s’incliner devant le droit international et européen sans aucune nuance Les termes du conflit : traité VS Constitution La solution apportée : distinction en fonction du type de saisine, sur recours en annulation ou sur question préjudicielle : - Sur recours en annulation : primauté de la Constitution La source/le fondement de la solution : art. 3, § 2 LSCC Þ Cet article habilite la Cour à contrôler, dans le cadre d’un recours en annulation, la conformité d’une loi, d’un décret ou d’une ordonnance portant assentiment à un traité aux dispositions constitutionnelles dont elle assure le respect. La Cour va donc contrôler la compatibilité du contenu du traité lui-même avec la Constitution. C.C., n° 62/2016, 28 avril 2016 (ANNEXE 25), cons. B.8.5 Les conséquences qui en découlent : Le délai raccourci de recours en annulation pour les lois d’assentiment est destiné à éviter qu’une loi d’assentiment ne soit annulée à un moment où la Belgique aurait déjà ratifié le traité sur lequel elle porte : la Belgique serait engagée sur le plan international, mais ne pourrait pas appliquer le traité dans l’ordre juridique interne. - Sur question préjudicielle : primauté de la Constitution, sauf dans certains cas La source/le fondement de la solution : jurisprudentiel + art. 26, § 1er bis LSCC Vu l’absence de délai pour saisir la Cour d’une question préjudicielle, elle pourrait être amenée à se prononcer sur la constitutionnalité d’une loi, d’un décret ou d’une ordonnance portant assentiment à un traité liant déjà l’État. Mais ça ne l’a pas empêchée de se déclarer compétente pour examiner, sur question préjudicielle, la constitutionnalité d’une loi portant assentiment à un traité international. Mais le législateur spécial est intervenu : La loi spéciale du 9 mars 2003, modifiant la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, exclut désormais que la Cour puisse être saisie, par voie préjudicielle, de la question de la constitutionnalité des actes législatifs portant assentiment à un traité constituant de l’Union européenne, à la Convention européenne des droits de l’Homme ou à l’un de ses protocoles additionnels (article 26, § 1, bis : attention à bien annoter cet article !) 76 Ester B. – 2022/2023 Les conséquences qui en découlent : le législateur spécial a voulu que les traités visés à l’article 26, § 1, bis de la loi spéciale priment la Constitution. --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Les termes du conflit : droit européen dérivé VS Constitution La solution apportée : primauté du droit européen dérivé, sous réserve Þ Réserve : arrêt n° 62/2016 du 28 avril 2016 (cons. B.8.7): « L’article 34 de la Constitution n’autorise en aucun cas qu’il soit porté une atteinte discriminatoire à l’identité nationale inhérente aux structures fondamentales, politiques et constitutionnelles ou aux valeurs fondamentales de la protection que la Constitution confère aux sujets de droit » ANNEXE 25 77

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