Procédure pénale 2023-2024 PDF
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2023
Philippe Collet
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Ce document présente un aperçu de la procédure pénale. Il aborde les aspects généraux de la procédure et ses différentes étapes, ainsi que les sources légales qui la régissent dans le contexte des années 2023-2024. Il met également en avant l'oscillation entre la protection des individus et la sécurité publique.
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Année 2023-2024 Pr. Philippe COLLET Procédure pénale Interro écrite de 45 minutes (jusqu’à l’action publique exclue, TD + CM), pas de DM, + galop. Examen final : cas pratique sûr. Si achat...
Année 2023-2024 Pr. Philippe COLLET Procédure pénale Interro écrite de 45 minutes (jusqu’à l’action publique exclue, TD + CM), pas de DM, + galop. Examen final : cas pratique sûr. Si achat ouvrage (cf. bibliographie), ouvrage à jour (2023). Réforme du Code de procédure pénale actuelle, instituée par Éric Dupont-Moretti. Code vierge absolument INTRODUCTION Section I - Généralités sur la procédure pénale Dans un État attaché aux libertés individuelles, le Législateur n’a pas pour seul objectif de déterminer les infractions pénales et les peines afférentes. Autrement dit, définir les comportements qu’il considère anti- sociaux et fixer les peines applicables à leurs auteurs. C’est l’objet du droit pénal de fond, substantiel. Le Législateur doit encore préciser les modalités selon lesquelles va s’exercer la réaction sociale en cas de violation de tel ou tel interdit. Tel est l’objet de la procédure pénale. On la définit comme l’ensemble des règles relatives à la constatation des infractions ainsi qu’à l’identification, l’appréhension, la poursuite, et le jugement de leurs auteurs. Selon MM. GUINSARD et BUISSON, la procédure pénale se définit comme la mise en œuvre du droit pénal de fond par des lois de forme, à tous les stades de la réaction sociale, dès la commission de l’infraction, en tout cas dès sa révélation, et sans pour autant aller jusqu’à un procès devant une juridiction de jugement. Ainsi le procès pénal se distingue des autres types de procès (civil, commercial, etc.) en ce qu’il vise à découvrir l’auteur d’une infraction, le juger, et le cas échéant, indemniser de la victime. Le point de départ du procès pénal est donc la découverte de l’infraction. Par la suite, la procédure peut suivre différentes voies. Elle peut déboucher sur une résolution amiable du litige entre l’auteur et la victime de l’infraction. Il s’agit de la médiation pénale. Elle peut déboucher sur une procédure de jugement rapide, par exemple la comparution immédiate (CI) : pour des délits dont la culpabilité de l’auteur est flagrante, et souvent pour des récidivistes. Elle peut déboucher sur une procédure longue et complexe qui démarre par une enquête de police, se poursuivre par une information judiciaire* (= instruction = instruction préparatoire) et s’achever devant une juridiction de jugement* (*pas traités cette année). Si l’une des parties est insatisfaite, elle pourra exercer divers recours. Interjeter (= relever) appel puis renvoyer en cassation, voire effectuer une demande une révision. La poursuite et le jugement d’une infraction peuvent donc suivre différents chemins qui dépendent surtout de la gravité des faits commis. Ainsi, le jugement d’une contravention est souvent simple et rapide. PP - S5 1 Année 2023-2024 Pr. Philippe COLLET A l’inverse, le jugement d’un crime nécessite des investigations approfondies. Aucun élément ne doit échapper à la Cour d’Assises ou la Cour criminelle départementale. Leur fonction est de juger la personne renvoyée devant elles. C’est pourquoi une information criminelle est obligatoire pour les crimes. Pour cerner le contenu de la procédure pénale, il faut déterminer l’organisation et le rôle des autorités chargées de la répression de même que les règles relatives au déroulement des poursuites pénales. Les difficultés d’application sont majeures. Idéalement, il convient de protéger la société en punissant tous les coupables, mais il faut en même temps protéger les libertés individuelles en ne punissant que les coupables. Or, ces objectifs demeurent antagonistes. La punition de tous les coupables est un puissant élément de protection sociale. En ce sens les règles de procédure sont rigoureuses. Mais ces règles risquent d’atteindre des innocents car rigoureuses. Il faut alors se souvenir de la formule du Pr. Emile GARÇON : « Je préfère voir 10 coupables en liberté plutôt que de savoir un innocent puni. » A l’inverse, la sauvegarde de la liberté individuelle conduit à choisir des règles de procédure libérales. Mais si la criminalité en profite, des réformes deviennent nécessaires. Illustration avec la Loi du 9 mars 2004, dite « Perben II » relative à la criminalité et à la délinquance organisée. L’histoire de la procédure pénale est donc une oscillation entre ces 2 objectifs. Elle révèle que les transformations sociales et politiques qui ont affecté notre société se sont toujours accompagnées d’un affaiblissement des prérogatives pénales des victimes d’infraction et corrélativement, d’un accroissement des prérogatives de l’État agissant par le biais de ses représentants. Cette évolution a donné lieu à 2 types de procédures : Procédure accusatoire. La procédure accusatoire apparaît favorable aux accusés (lato sensu). Elle est déclenchée par une accusation. C’est la plus ancienne des procédures pénales. On la retrouve à Rome ou dans la France féodale. Procédure inquisitoire. Elle apparaît favorable à la répression (aux intérêts de la société). On la trouve dans la procédure ecclésiastique, devant les tribunaux de l’Inquisition, ou bien dans les ordonnances royales (ex : Grande Ordonnance Criminelle de 1670). Elle possède les caractères inverses de la procédure accusatoire. Procédure accusatoire Procédure inquisitoire Initiative Absence d’initiative de la sociétéLa société prend l’initiative de la dans les poursuites victime, poursuite, qui est confiée à un autre personne ou système magistrat. Le Juge peut se saisir d’accusation populaire. soit d’office, soit à la suite de la dénonciation. Débats Oraux, publics et contradictoires Procédure secrète, écrite (pas de défense orale, on statue sur pièces) et non contradictoire Egalité des accusé et accusateur L’accusé et l’accusateur sont sur L’accusé n’est plus sur un pied un pied d’égalité d’égalité avec son accusateur. PP - S5 2 Année 2023-2024 Pr. Philippe COLLET Place du Juge Juge n’est qu’un arbitre, il ne Le mis en cause sera privé de dirige pas le procès. Il se liberté, c’est le juge qui prononce selon son intime recherche lui-même les preuves conviction (toujours le cas en de l’infraction, au besoin par des droit pénal français) selon les moyens coercitifs éléments produits par les parties. Similarité au procès civil Le procès pénal se déroule comme un procès civil Avantages En raison des caractères oral, Protection de la société ++ public et contradictoire, la personne poursuivie dispose du maximum de garanties pour se défendre. Elle discute librement des charges portées contre elle. Inconvénients Ce type de procédure protège Sacrifie les intérêts de la défense mal la société, l’auteur de et favorise les erreurs judiciaires. l’infraction ne se voit poursuivi qu’en présence d’un accusateur. De plus, le délinquant pourra tenter par le biais de promesses d’acheter le silence de l’accusateur. Difficultés pour produire les preuves. La procédure pénale française est un mix des 2. Elle a longtemps été régie par le Code d’instruction criminelle de 1808. Ultérieurement, une tendance accroît les garanties de la défense. Exemple : loi Constant du 8 décembre 1897. Par la suite, réaction dans un sens plus rigoureux. Le Code actuel (le Code de procédure pénale) date de 1958, et s’est efforcé de synthétiser les différents courants. Loi importante : Loi Guigou du 15 juin 2000 renforçant la présomption d’innocence et les droits des victimes, a ajouté un article préliminaire qui contient les principes directeurs de la procédure pénale, plusieurs fois modifié depuis. Il s’agit par exemple des caractères équitables et contradictoire de la procédure, de la préservation de l’équilibre des droits des parties, de la présomption d’innocence, de la nécessité et la proportionnalité des mesures de contrainte qui doivent être prises sur décision ou sous le contrôle effectif de l’autorité judiciaire. Section II - Les sources de la procédure pénale I- La Loi et le règlement Le principe de la légalité criminelle, conçu à l’origine pour s’appliquer à la détermination des infractions et des peines afin de lutter contre l’arbitraire du Juge, s’applique aussi à la procédure pénale. Aux termes de l’article 34 de la Constitution, « La Loi fixe les règles concernant la procédure pénale, la création de nouveaux ordres de juridictions, et le statut des magistrats. » De façon générale, la procédure pénale et l’organisation de la justice pénale relèvent du domaine de la Loi. PP - S5 3 Année 2023-2024 Pr. Philippe COLLET Les règles afférentes à ces matières trouvent principalement leur source dans le Code de procédure pénale et le COJ. Il faut ajouter certaines dispositions spécifiques sur la délinquance des mineurs dans le CJPM entré en vigueur en 2021. On trouve aussi le Code de justice militaire et le Code des douanes. La place du règlement reste limitée en procédure pénale, compte tenu de l’article 34 de la Constitution. Elle consiste dans la mise en œuvre des lois. Le Code de procédure pénale contient des décrets d’application pris en Conseil d'Etat (articles R-1 et suivants du Code de procédure pénale) et des décrets simples (articles D-1 et suivants). Il comprend aussi des dispositions dont la source se trouve dans des arrêtés (articles A-1 et suivants). Se pose la question de l’application des règles de procédure civile dans le procès pénal. Depuis la Constitution de 1958, les règles de procédure civile et la compétence entrent dans le champ d’application des décrets tandis que la procédure pénale relève de la loi. Conséquence : il n’est pas possible en principe de faire appel aux dispositions du CPC pour combler les lacunes éventuelles que comporterait le Code de procédure pénale. Pourtant, cela est parfois admis pour une disposition qui n’est « que l’expression d’une règle fondamentale » ou dérogation de la Loi. Exemple : article 10 alinéa 2 Code de procédure pénale qui prévoit l’application des règles de procédure civile aux mesures d’instruction ordonnées par le Juge pénal sur les seuls intérêts civils. Autre exemple sur le texte relatif à la composition pénale : article 41-2 Code de procédure pénale sur la procédure d’injonction de payer selon les règles du CPC. II- La jurisprudence et les grands principes Malgré cette hégémonie de la loi sur la procédure pénale, le principe de légalité connaît depuis plusieurs années un déclin notamment du fait de la concurrence d’autres sources formelles. Les PGD ou les principes généraux de la procédure pénale, ou encore « un principe général, un règle fondamentale » fondent parfois les solutions jurisprudentielles en matière de procédure pénale. Exemple : Les ordonnances des juges d’instruction (droit à la parole en dernier de la personne poursuivie ou de son avocat, loyauté de la preuve) même si désormais, l’article préliminaire du Code de procédure pénale et l’article 6 de la CEDH permettent souvent au Juge de consacrer de telles solutions sans recourir à ces principes. III- La Constitution Un autre mouvement + important réside en la constitutionnalisation du procès pénal. La jurisprudence du Conseil constitutionnel s’est largement développée. Lorsqu’il réalise son contrôle sur les lois de procédure pénale, le Conseil constitutionnel a pu dégager une jurisprudence abondante qui définit les limites de l’action du Législateur. Par exemple, on peut citer la décision du 2 février 1995 relative à l’injonction pénale (demande la mise en place de procédures de jugement accélérées). Des parlementaires avaient soumis au Conseil constitutionnel une loi qui autorisait le Procureur de la République à faire des injonctions au délinquant qui a avoué les faits reprochés. Le Conseil constitutionnel s’est fondé sur le principe constitutionnel de la présomption d’innocence, des droits de la défense et de PP - S5 4 Année 2023-2024 Pr. Philippe COLLET l’autorité judiciaire gardienne de la liberté individuelle. Il a affirmé que les mesures susceptibles de faire l’objet d’une injonction ne pouvaient être prises par le Parquet mais exiger la décision d’une autorité de jugement. Le Conseil constitutionnel déclare contraire à la Constitution l’injonction pénale et le Législateur a repris son projet, le modifiant conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Adoption de la loi du 23 juin 1999 créant la composition pénale. Pourtant, la loi du 23 mars 2019 consacre des entorses à cette décision. Cela montre que le Conseil constitutionnel ne se contente pas d’écarter les lois de procédure pénale inconstitutionnelles. Il suggère parfois en plus au Législateur les modifications qui doivent être apportées pour rendre la Loi conforme à la Constitution. La constitutionnalisation de la procédure pénale a été encore accélérée par la QPC depuis le 23 juillet 2008. Cette dernière autorise tout justiciable à soulever devant le Conseil constitutionnel l’inconstitutionnalité d’une loi. Illustration : décision du 30 juillet 2010 la procédure française de GAV (700/800 k par an) est inconstitutionnelle, au motif que la personne gardée à vue ne bénéficiait pas de l’assistance effective d’un avocat et que son droit de garder le silence ne lui était pas notifié. Le Conseil constitutionnel a laissé au Législateur le soin de modifier la procédure de la GAV dans un délai de 11 mois. Adoption de la loi du 14 avril 2011 relative à la GAV, loi actuelle. IV- Le droit international Le déclin du principe de légalité criminelle provient de l’internationalisation des sources de la procédure pénale. Elle prend des formes diverses. A. Les juridictions internationales La procédure pénale suivie par les juridictions internationales, notamment la CPI (La Haye) qui est compétente pour juger des crimes internationaux très graves (génocides, crimes de guerres, etc.). B. Le droit de l’UE La procédure pénale subit l’influence du droit de l’UE en application du Traité de Lisbonne, pour faciliter « la reconnaissance mutuelle des jugements et décisions judiciaires ainsi que la coopération policière et judiciaire dans les matières pénales ayant une dimension transfrontière. » (Article 82 §2 TFUE). Des directives interviennent en procédure pénale pour établir des règles minimales communes aux différents États membres (objectif d’harmonisation). Exemple : directive 2012-13 UE du 22 mai 2012 relative au droit à l’information dans le cadre de la procédure pénale. Depuis le Traité de Lisbonne, la Charte des droits fondamentaux proclame des droits, déjà garantis par la CEDH. Par exemple, l’interdiction de la torture et des peines, traitements inhumains ou dégradants (article 3), droit à la liberté et la sûreté (article 6), droit au respect de la vie privée (article 7), la présomption d’innocence (article 48 §1). La jurisprudence de la CJUE (Luxembourg) exerce une influence limitée sur la procédure pénale par rapport à la CEDH. C. Le droit européen PP - S5 5 Année 2023-2024 Pr. Philippe COLLET Le déclin de la Loi s’explique surtout par l’influence croissante de la CEDH. Les traités internationaux ayant une autorité supérieure à celles des lois (article 55 Constitution), les règles internes doivent se conformer aux règles externes. La Cour EDH (Strasbourg) peut être saisie par tout État signataire de la CEDH mais aussi par tout citoyen qui s’estime victime d’une violation des garanties de celle-ci, après épuisement des recours de voies internes, sauf inutilité du recours. Ses arrêts s’imposent aux États membres mais ne remettent pas en cause la chose jugée. En cas de condamnation de la France par la CEDH, une voie de recours spécifique a été instituée par la loi du 15 juin 2000 : c’est le réexamen d’une décision pénale consécutif au prononcé d’un arrêt de la CEDH. Depuis une loi du 20 juin 2014, ce recours est associé à la demande de révision (articles 622 et 622-1 CPP). Du point de vue de son contenu, la CSDHLF pose plusieurs principes et protège de nombreux droits. Article 3 de la convention prohibe les tortures (« actes d’une particulière cruauté ») et traitements inhumains (torture bien vu) ou dégradants (atteintes à la dignité). Plusieurs États européens dont la France sont régulièrement condamnés par la Cour de Strasbourg. Exemple : Arrêt du 28 juillet 1999, Sieur Selmouni c/ France pour des blessures graves présentées par une personne à l’issue de sa GAV. Torture. De tels actes peuvent provoquer la nullité de la procédure. Article 5 consacrant le droit à la liberté et à la sûreté. Une privation de liberté ne peut intervenir que dans des cas limitatifs visés au § 1 de cet article. Exemple : en cas de détention régulière après condamnation par un tribunal compétent, ou en cas d’arrestation ou détention en vue d’être conduit devant l’autorité judiciaire compétente « lorsqu’il y a des raisons plausibles de soupçonner que la personne a commis un infraction -un suspect- ou des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir après son accomplissement ». L’intéressé doit alors être aussitôt traduit devant un Juge ou un magistrat habilité à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d’être jugé dans un délai raisonnable ou libéré pendant la procédure (article 5 §3). La personne arrêtée bénéficie de droits (article 5 §4) : o Être informée dans le plus court délai et dans une langue qu’elle comprend des raisons de son accusation et de toute accusation portée contre elle. o Recourir devant un tribunal pour qu’il statue à bref délai sur sa mise en détention et ordonne sa remise en liberté si la détention est illégale. Les termes « arrestation » et « détention » doivent être pris dans le sens européen article 5 applicable à la GAV, à la détention provisoire. Idem pour le terme « recours » (=/= voie de recours). Une détention est arbitraire aussitôt que les conditions de la privation de liberté posées par une législation nationale ne sont pas respectées, mais leur respect ne signifie par pour autant que la privation de liberté n’est pas arbitraire au sens de la CEDH. Exemple : arrêt du 6 novembre 1980, Guzzardi c/ Italie. Article 6 garantit le droit à un procès équitable, intéressant toute personne objet d’une accusation en matière pénale. L’accusé au sens européen est celui qui a reçu une notification officielle par une autorité compétente du reproche d’avoir commis une infraction pénale ainsi que celui contre lequel il existe des soupçons ayant entraîné des répercussions importantes notamment au vu des PP - S5 6 Année 2023-2024 Pr. Philippe COLLET actions menées ensuite par les autorités compétentes. CEDH, 27 février 1981, Deweer c/ Belgique. Cette qualité peut être reconnue à un gardé à vue (48h droit commun et 96h droit exorbitant, voire 144h en cas de risque imminent de terrorisme) ou une personne placée en détention provisoire, mais aussi à un témoin suspecté à celui contre lequel une enquête de police est ouverte, ou même à un condamné. L’article 6 s’applique donc aussi lors de la phase policière, et à tout suspect au sens large. Les garanties qui sont offertes à l’accusé (eu) sont exposées : o La cause doit être entendue par un tribunal indépendant et impartial (article 6 §1) et doit être entendue publiquement, équitablement, et dans un délai raisonnable. L’accusé est par ailleurs présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie (article 6 §2) o Pour la défense, il doit disposer du temps et des facultés nécessaires pour préparer sa défense. Il peut se défendre lui-même, désigner un avocat commis d’office, au besoin gratuitement, ou même désigner un défenseur quelconque. Il peut interroger ou faire interroger des témoins à charge et obtenir la convocation et interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge (article 6 §3) Article 8 consacre le droit au respect de la vie privée. Autorise une ingérence de l’autorité publique lorsque « prévue par la loi, elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la défense de l’ordre et la prévention des infractions. » Il peut en résulter des limites à la possibilité de visiter, perquisitionner et saisir, ainsi que d’intercepter des correspondances écrites ou émises par la voie des télécommunications. L’atteinte à ce droit qui résulte de ces actes d’investigations doit être proportionné au but légitime poursuivi et être prévu par le droit national en cause. Exemple : arrêts CEDH, 24 avril 1990, Kruslin et Huvig c/ France Condamnation des écoutes téléphoniques françaises. L’article 8 s’oppose également aux procédés de géolocalisation dans certaines hypothèses. Arrêt CEDH, 2 septembre 2010, Uzun c/ Allemagne. Article 10. Protège la liberté d’expression. Ce texte peut entraîner des conséquences analogues, notamment en matière de perquisitions et saisies de locaux de presse ou de journalistes ou pour les autres investigations au regard du secret des sources des journalistes. Arrêt Cour de cassation, ch. crim, 6 décembre 2011 Il y a nullité des réquisitions du parquet ordonnant d’identifier les n° de téléphone de personnes soupçonnées livrer à des journalistes des informations sur une procédure en cours (affaire des Fadettes). Conclusion : Les sources de la procédure pénale, avec l’internationalisation et la constitutionnalisation, augmentent depuis les années 1990. La procédure pénale ne se limite plus aujourd'hui au seul Code de procédure pénale. Elle trouve sa source dans de nombreux textes, constitutionnels ou internationaux, tels qu’ils sont appliqués par le Juge. La chambre criminelle de la Cour de cassation utilise elle-même des conventions internationales pour écarter une loi de procédure pénale qui leur serait contraire. Exemple : Cour de cassation, ch. crim, 6 mai 1997. PP - S5 7 Année 2023-2024 Pr. Philippe COLLET Section III - L’évolution de la procédure pénale Depuis une trentaine d’année, de nombreuses lois ont modifié le CPP. La matière est en perpétuel chantier, les réformes se succédant à un rythme impressionnant. A force de multiplier les réformes et de les empiler, la procédure pénale est devenue de plus en plus complexe et donc de moins en moins lisible. Au fil des réformes, le Législateur a développé des procédures particulières qui s’appliquent à la délinquance et la criminalité organisées, aux infractions économiques ou au proxénétisme. La doctrine évoque « une procédure pénale bis » ou parle du « dédoublement » ou « éclatement » de la procédure pénale. Cela rend plus difficile la compréhension de cette matière, déjà technique. 2 illustrations : loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la Justice (cf. commentaire Vergès) et loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire qui réforment de nombreux textes du CPP. D’autres réformes sont par ailleurs attendues : - Le projet de loi d’orientation et de programmation pour la Justice 2023-2027 - La LO relative à l’ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire adoptée par l’Assemblée nationale le 18 juillet 2023. La tendance, de manière générale, est à l’accroissement des droits des personnes suspectes ou poursuivies même si parfois sont prévues des règles plus fermes compte tenu du développement de la criminalité. Sur 30 ans, la Convention EDH a imposé dans les pays du Conseil de l'Europe une conception humaniste de la procédure pénale. En France, de nombreuses dispositions du CPP constituent des applications de la CEDH. Par exemple, le régime juridique des écoutes téléphoniques (articles 100 à 100-7 CPP) inséré dans le Code par une loi du 10 juillet 1991 après la condamnation de la France par la Cour EDH dans les arrêts CEDH, 24 avril 1990, Kruslin et Huvig c/ France. S’agissant de la conventionnalité de la GAV française, la question se pose. Au cours des enquêtes de police ou judiciaires, c’est le Procureur de la République qui contrôle la mesure, lors des 48 premières heures (24h renouvelables 1 fois). Le Juge européen a considéré que le Procureur de la République n’est pas une autorité judiciaire indépendante apte à contrôler la GAV (car liée au Garde des Sceaux) CEDH, 23 novembre 2010, Moulin c/ France. La CEDH correspond à un modèle plutôt accusatoire de la procédure pénale. Elle est d’inspiration anglo- saxonne, en témoignent les concepts mous qu’elle utilise telle la procédure équitable ou le délai raisonnable. L’objet assigné au procès pénal est moins de découvrir la vérité (qui est le but de la procédure pénale) que de respecter un rituel judiciaire résumé par le principe de l’égalité des armes. Le CPP, conformément à la philosophie inquisitoire, assigne au procès pénal l’objectif de la découverte de la vérité, dans le respect des droits de la défense. Ces 2 modèles sont donc en décalage sinon en contradiction. En définitive, les droits des personnes suspectes ou poursuivies ont progressé de façon significative eu égard au renforcement des exigences constitutionnelles et européennes, en témoigne la progression spectaculaire de la notion du droit de garder le silence. PP - S5 8 Année 2023-2024 Pr. Philippe COLLET La procédure pénale demeure propice aux violations de Droits de l’Homme. Les condamnations répétitives de la France par la Cour EDH en sont la preuve, concernant actes de tortures et tutti quanti, les abus de privation de liberté, abus de la longueur de la détention provisoire notamment, la durée excessive des procédures, les violations de la présomption d’innocence, ou des droits de la défense, alors qu’il faut protéger la personne, indépendamment de son statut : témoins (les yeux et oreilles de la Justice), suspects, prévenus, accusés, ou condamnés. PP - S5 9 Année 2023-2024 Pr. Philippe COLLET PARTIE I - Le cadre du procès pénal Titre I - L’organisation judiciaire pénale Cette organisation suppose d’examiner le principe de l’unité des justices civile et pénale, les acteurs du procès pénal, et quelques règles générales de compétences (qui relèvent de l’ordre public). Chapitre I - L’unité de la justice civile et la justice pénale Clé de voûte de notre procédure depuis le CIC de 1808 (Code pénal 1810). Il se traduit par l’unité des juridictions civiles et répressives. Les tribunaux répressifs appartiennent à l’ordre judiciaire et non administratif, alors que certains auteurs soutiennent que le droit pénal appartient au droit public. Ces 2 juridictions sont placées sous le contrôle unique de la Cour de cassation. Objectif d’unification des solutions sur des problèmes communs sauf divergences entre chambres. En outre, les liens entre les 2 justices sont renforcés par l’identité des juridictions : les mêmes magistrats sous des casquettes différentes statuent alternativement au civil et au pénal. Le TJ est également le TC. La Cour d'appel est une juridiction tantôt civile (chambre des appels civils, chambre sociale), tantôt pénale (chambre des appels correctionnels). Cette même unité existe avec les juridictions pénales d’instruction. La chambre de l’instruction (supérieur du Juge d’instruction) est une chambre de la Cour d'appel. Le Juge d’instruction et le Juge des enfants sont rattachés au TJ. Cette unité se reflète dans l’organisation du Ministère public (= parquet). Procureur de la République et Procureur général près la Cour d'appel s’occupent des procès civil et répressifs. Seule la présence de jurés en Cour d’Assises (ne jugeant cependant pas l’action civile) contredit le principe de l’unité. A l’unité des juridictions civile et pénale s’ajoute l’unité des magistrats civil et répressif. Ce sont des fonctionnaires dotés d’un statut particulier garantissant leur indépendance (surtout pour ceux du siège). Cela induit l’idée qu’au cours de leur carrière, les magistrats sont appelés à exercer dans toutes les juridictions judiciaires (siège ou parquet) devant toutes les juridictions civiles ou pénales. Il existe cependant une spécialisation croissante en matière répressive. Exemple : les magistrats spécialisés en matière économique et financière (abus sociaux, prise illégale d’intérêt). PP - S5 10 Année 2023-2024 Pr. Philippe COLLET Chapitre II - Les acteurs du procès pénal La procédure pénale présente la particularité par rapport à la procédure civile de séparer les autorités de poursuite, d’instruction et de jugement. La poursuite appartient au parquet. L’instruction est confiée à des magistrats spécialisés (dont le Juge d’instruction). Le jugement est rendu par des juridictions différentes selon la nature de l’infraction, et composées de juges n’ayant pas participé à l’instruction. Principe traditionnel énoncé par l’article préliminaire du CPP depuis la loi du 15 juin 2000, du moins pour la séparation des poursuites et du jugement. A ces 3 autorités, il faut ajouter la police dont le rôle est capital car dans la plupart des cas, la poursuite ne peut avoir lieu que si le parquet dispose d’éléments de faits lui permettant de prendre sa décision. Ces éléments seront recueillis par la PJ qui agit sous la direction du Procureur de la République (article 12 CPP). Ainsi, les autorités intervenant au cours d’une procédure pénale peuvent être nombreuses. Section I - Les autorités de police, de poursuite et d’instruction On peut regrouper ces autorités car elles participent toutes à la constitution du dossier de l’affaire pénale, qui sera apprécié par la juridiction de jugement. Le parquet, représenté par le Procureur de la République demandera généralement à la PJ d’intervenir, sauf s’il s’agit d’une contravention, ou si l’auteur des faits est déjà identifié. Au vu du résultat de l’enquête menée, il saisira ensuite un Juge d’instruction chargé de mettre en état l’affaire dans 2 cas de figure : - S’il s’agit d’une affaire correctionnelle complexe à élucider, nécessitant beaucoup d’investigations - S’il s’agit d’un crime (information obligatoire : article 79 CPP). I- L’autorité de PJ D’après le Code des collectivités territoriales, la police a le soin d’assurer les sécurité, salubrité et tranquillité publiques, bref elle doit maintenir l’ordre public. Mais cette fonction correspond davantage à la PA qu’à la PJ. La police se dédouble en PA et PJ. A. La distinction entre PA et PJ Autorités différentes : - PA sous l’autorité administrative (Ministre de l’Intérieur pour les policiers) - PJ sous l’autorité du Procureur de la République (article 12 CPP) et sous la surveillance du Procureur général (supérieur du Procureur de la République) (article 13 CPP) et sous le contrôle de la chambre d’instruction (articles 13 et 224 CPP). PP - S5 11 Année 2023-2024 Pr. Philippe COLLET Objectifs différents : - PA : prévenir les infractions - PJ : lorsque la PA échoue. Aux termes de l’article 14 CPP, « elle est chargée suivant les distinctions établies au présent titre, de constater les infractions à la Loi pénale, d’en rassembler les preuves, et d’en rechercher les auteurs tant qu’une information n’est pas ouverte. Lorsqu’une information est ouverte, elle exécute les délégations des juridictions d’instruction et déferre à leurs réquisitions. (Commission rogatoire du Juge d’instruction) » Reste que la distinction PJ/PA reste parfois complexe. Par exemple, le gendarme fait de la PA en régulant la circulation. Mais il accomplit un acte de PJ en constatant une infraction. Comment qualifier certaines interventions équivoques ? Selon la jurisprudence administrative, toute activité liée à une infraction est une activité de PJ. Le Conseil d'Etat affirme que l’opération de PJ échappe à la compétence du Juge administratif pour ce qui est de la réparation du dommage (CE, 11 mai 1951, Baud). Si l’activité n’est pas liée à une infraction, on est présence d’une opération de PA. Compétence du Juge administratif (Tribunal des conflits, 7 juin 1951, Noualek). Le critère est le but de l’opération de police, c'est-à-dire l’intention dans laquelle les autorités ou le personnel de police ont agi. Il en découle que : - Toute action entreprise en raison d’une infraction déterminée relève de la PJ. - Pour les infractions sur le point d’être commises, si la police est avertie sur l’opération qui est sur le point d’être commise, ou si la police ne sait pas si l’infraction va être commise ou non, ce sont des actes de PJ. - Il y aura acte de PJ dans les cas où les faits ne sont en rien délictueux mais la police croit à une infraction. Exemple, une voiture en stationnement régulier. La police croit qu’il est irrégulier et fait enlever le véhicule par la fourrière. Opération de PJ car l’agent a cru à l’existence d’une infraction et a eu l’intention de la réprimer. Théorie de l’apparence vraisemblable. Un acte de PA peut devenir un acte de PJ. L’inverse est plus rare mais peut arriver. Un même acte peut appartenir à l’une ou l’autre des catégories selon le but recherché. Par exemple, en cas de contrôle d’identité. S’il est réalisé dans le cadre d’une opération de maintien de l’ordre, alors c’est un acte de PA. Mais s’il tend à identifier l’auteur d’une infraction, alors c’est un acte de PJ. Idem pour les interceptions téléphoniques judiciaires (écoutes téléphoniques). Des écoutes administratives peuvent être autorisées par le PM sur proposition écrite et motivée du Ministre de la défense, du Ministre de l’Intérieur ou du Ministre chargé des douanes. Mais lorsqu’elles sont prescrites par le Juge d’instruction (articles 100 et suivants CPP), ce sont des écoutes judiciaires. B. Les membres de la PJ PP - S5 12 Année 2023-2024 Pr. Philippe COLLET Concernant l’organisation, les fonctions de PJ sont pour l’essentiel exercées par la Police et la gendarmerie nationales. La gendarmerie nationale est une institution militaire ayant un rattachement organique et budgétaire au Ministre de l’Intérieur depuis la loi du 3 août 2009. Son statut militaire la distingue de la police. Elle a une direction générale, et est divisée en gendarmerie départementale et gendarmerie mobile. La Police nationale est placée sous l’autorité du Ministre de l’Intérieur avec un relais du directeur général de la PJ ayant autorité sur plusieurs directions et services actifs de police. Il existe aussi les SRPJ, les circonscriptions de police urbaine, les commissariats principaux et de quartiers, et les postes de police. Cette activité de PJ est exercée par des personnes distinctes (article 15 CPP) ayant des pouvoirs plus ou moins importants. L’article 16 énumère en les classant en plusieurs catégories les OPJ. Ces 2 articles ont été modifiés par la loi du 24 janvier 2023. 1. Les OPJ Les OPJ sont : - Maires et leurs adjoints (dans les communes où il n’y a ni commissariat de police, ni brigade de gendarmerie) - Officiers et gradés de la gendarmerie - Gendarmes comptant au moins 3 ans de service dans la gendarmerie - Inspecteurs généraux, commissaires de police et officiers de police Outre les missions précitées (article 14 CPP), ils doivent encore, conformément à l’article 17 CPP : - Recevoir les plaintes et dénonciations - Procéder aux enquêtes préliminaires - Exercer les pouvoirs qui leurs sont octroyés en cas de crime ou délit flagrants. Depuis la loi du 23 mars 2019, les plaintes peuvent être déposées par voie électronique. Depuis la loi du 24 janvier 2023, toute victime d’une infraction peut déposer plainte par un moyen de télécommunication audio-visuelle garantissant la confidentialité de la télécommunication. Les OPJ peuvent solliciter directement le concours de la force publique pour l’exécution de leurs missions. Ce sont eux qui décident du placement d’un individu en GAV ou d’une perquisition. Ils sont tenus d’informer sans délai le parquet des infractions dont ils ont connaissance. Dès la clôture de leurs opérations, ils doivent lui faire parvenir l’original ainsi que la copie des PV dressés. 2. Les APJ (agents de police judiciaire) Ce sont des gendarmes n’ayant pas la qualité d’OPJ ou des fonctionnaires des services actifs la police nationale n’ayant pas la qualité d’OPJ. Ils ne peuvent exercer les fonctions dévolues aux APJ que s’ils sont affectés à un emploi comportant cet exercice. PP - S5 13 Année 2023-2024 Pr. Philippe COLLET Leurs missions se trouvent à l’article 20 CPP. « Ils secondent dans leurs fonctions les OPJ, constatent les crimes, délits ou contraventions et en dressent procès-verbal, reçoivent par procès-verbal les déclarations qui leur sont faites par toutes personnes susceptibles de leur fournir des indices, preuves et renseignements sur les auteurs et complices de ces infractions. » Ils ne peuvent cependant pas décider d’un placement en garde à vue. 3. Les APJA Ce sont des APJ adjoints (article 21 CPP, modifié par la loi du 18 juin 2023). Ce sont les fonctionnaires des services actifs la police nationale qui ne remplissent pas les conditions de l’article 20, les gardes champêtres, les agents de police municipale, etc. Ils doivent seconder les OPJ dans l’exercice de leurs fonctions et rendre compte à leur chef hiérarchique de toute infraction dont ils ont connaissance. Ils se doivent également de constater, en se conformant aux ordres de leurs chefs, les infractions à la loi pénale et de recueillir tous les renseignements en vue de découvrir les auteurs de ces infractions, le tout dans le cadre et dans les formes prévues par les lois organiques ou spéciales qui leur sont propres. Etc. 4. Les assistants d’enquête Créés par la loi du 24 janvier 2023. Ce sont des fonctionnaires de police ou agents chargés de certaines fonctions de PJ. Ils doivent aider OPJ et APJ et constater les infractions. Ce sont les gardes champêtres (articles 22 à 27 CPP) pour les atteintes forestières ou à la propriété rurale. Article 28 CPP renvoie à certaines lois particulières. C’est le cas des agents des services fiscaux ou des douanes. Ces derniers ne peuvent que constater des infractions relevant de leur domaine de compétence. Les articles 28 et suivants ont été modifiés par la loi du 16 juillet 2023. Les OPJ ont compétence dans les limites territoriales où ils exercent leur activité habituelle. Ils peuvent cependant se transporter sur toute l’étendue du territoire afin d’y poursuivre leurs investigations et procéder à des auditions, perquisitions et saisies. Cela après information du Procureur de la République saisi de l’enquête ou du Juge d’instruction (dans le cadre de l’information judiciaire). Ils doivent être assistés d’un OPJ territorialement compétent si l’autorité en question le décide. C’est même possible hors France avec l’accord des autorités concernées. Enfin, les membres de la PJ peuvent engager leur responsabilité pénale, civile et disciplinaire dans le cadre de leurs fonctions. Responsabilité pénale. Elle ne peut être engagée (article 6-1 CPP) « que si le caractère illégal de la poursuite, de la décision intervenue ou de l’acte que l’APJ ou l’OPJ a accompli a été préalablement constaté par une décision de la juridiction répressive devenue définitive, ou en application des voies de recours prévues par la Loi ou le règlement. » Responsabilité disciplinaire. PJ exercée sous la direction du Procureur de la République, et sous la surveillance du Procureur général, et sous le contrôle de la chambre de l’instruction (article 13 CPP). Le Procureur général note les OPJ et peut les sanctionner (jusqu’au retrait de leur habilitation d’OPJ). La chambre de l’instruction peut prononcer une interdiction contre un membre de la PJ PP - S5 14 Année 2023-2024 Pr. Philippe COLLET temporaire ou définitive d’exercice de ses fonctions. Cumul possible avec sanctions de supérieurs. Sanction administrative (bœuf carottes) possible (IGPN et tutti quanti). II- L’autorité de poursuite Cette autorité accomplit les actes de procédure nécessaires à la constatation des infractions et l’arrestation leurs auteurs. Elle exerce l’action publique. Seules certaines personnes sont autorisées à accomplir l’acte de poursuite : le parquet, et les fonctionnaires de certaines administrations. Le parquet s’oppose aux magistrats du siège. Le magistrat du parquet est un magistrat (il est recruté par le même concours professionnel que le Juge) mais il n’est pas un Juge, il est un magistrat debout. Tout Juge est un magistrat mais tout magistrat n’est pas un Juge. On le retrouve en matière civile et pénale mais c’est en matière pénale qu’il a un rôle fondamental. Il est demandeur à l’action publique, c'est-à-dire partie principale, nécessaire et privilégiée au procès pénal. Article 31 CPP : « Le ministère public exerce l’action publique et requiert l’application de la loi dans le respect du principe d’impartialité auquel il est tenu. » Nommés sur décret du Président de la République sur proposition du Garde des Sceaux après avis simple du CSM. Article 28 Ordonnance du 22 décembre 1958 régissant le statut de la magistrature. « Le Garde des sceaux conduit la politique pénale déterminée par le gouvernement, et veille à la cohérence de son application sur le territoire de la République. » A. Hiérarchie du Ministère public Le Parquet est hiérarchisé. Article 35 alinéa 1 : « Le procureur général veille à l’application de la loi pénale dans toute l’étendue du ressort de la Cour d'appel et au bon fonctionnement des parquets de son ressort. » Article 39 alinéa 1 : « Le procureur de la République représente en personne ou par ses substituts le Ministère public près le Tribunal judiciaire. » Au sommet de la pyramide se trouve le Ministre de la Justice. Près la Cour de cassation, le Procureur général près la Cour de cassation + des premiers avocats généraux + des avocats généraux pouvant recevoir des ordres du Ministère de la Justice. En revanche, le Procureur général près la Cour de cassation n’a pas autorité sur les membres de parquets généraux près les Cours d'appel ni sur ceux des parquets du TJ. Près les Cours d’appel, on trouve le Procureur général près la Cour d’appel + les avocats généraux + les substituts du procureur général (substituts généraux). Près les juridictions du 1er degré, on trouve le Procureur de la République + procureurs adjoints + substituts du Procureur. Près les Tribunaux de police, pour les contraventions de 5ème classe, Procureur de la République ou ses substituts. Pour les autres contraventions, Procureur de la République, commissaire de Police, ingénieur des eaux et forêts, ou un chef de district. Près la Cour d'Assises, 1 membre du parquet général lorsque la Cour d'Assises siège dans la ville de la Cour d'appel, soit un membre du TJ si la Cour siège dans une autre ville. PP - S5 15 Année 2023-2024 Pr. Philippe COLLET Parquets spécialisés : - Loi du 6 décembre 2013 a instauré auprès du tribunal judiciaire de Paris un Procureur de la République financier (et des substituts). Attributions fixées par le CPP. Ce magistrat a une compétence nationale. En revanche, il n’exerce ses compétences de ministère public que pour les affaires concernant ses attributions. - Loi du 23 mars 2019 institue un Procureur de la République anti-terroriste qui a plénitude de compétences en matière de terrorisme. Mise en place le 1er juillet 2019. Parquet compétent sur l’ensemble du territoire pour les crimes et délits terroristes, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, et les crimes et délits relatifs à la prolifération des armes de destruction massive. Installé à Paris. B. Limites et conséquences de la hiérarchie Il résulte de cette subordination hiérarchique que les magistrats du MP ont l’obligation d’informer leurs supérieurs directs (Décision QPC CC, 14 septembre 2021 jugeant conforme à la Constitution le dispositif de remontée d’informations des magistrats du parquet vers le Garde des sceaux). Le Parquet est tenu de prendre des réquisitions écrites conformes aux instructions qui lui sont données. Ses membres sont tenus d’obéir aux supérieurs car ils sont amovibles et révocables à la différence des magistrats du siège qui sont inamovibles. Les membres du Parquet peuvent être déplacés, rétrogradés, voire révoqués par le Garde des Sceaux, après avis du CSM. Cette subordination hiérarchique connaît des limites : - Décision CC, QPC, du 8 décembre 2017 Conseil constitutionnel a décidé que le magistrat du parquet est indépendant dans l’exercice de ses fonctions. - Ensuite, le devoir d’obéissance envers les supérieurs comporte 2 limites. o Existent les pouvoirs propres des chefs de parquet. Cela signifie que le supérieur ne peut pas se substituer au subordonné, même en cas de désobéissance. Autrement dit, un acte relatif à la mise en mouvement de l’action publique ne peut être effectué que par le chef de parquet auquel la Loi donne compétence pour agir. Cependant, des sanctions disciplinaires sont possibles. En revanche, la subordination se trouve plus importante au sein d’un même parquet. Les substituts sont tenus de se conformer aux instructions du Procureur, qui peut se substituer à eux. Conflits rarissimes en pratique. o Adage « La plume est serve mais la parole est libre ». Cela signifie que l’obéissance est nécessaire pour les actes écrits pendants la procédure (exemple : réquisitoire à fin d’informer) mais il a y a indépendance, au moins de principe, pour le développement oral de l’accusation à l’audience (article 33 CPP : « Le parquet développe librement les observations orales qu'il croit convenables au bien de la justice. »). Cela permet au Parquet de modeler ses réquisitions orales sur le contenu des débats. Que penser de cette dépendance ? Au départ, on s’est dit qu’il faudrait rendre le Procureur indépendant. Des propositions de loi ont été proposées en ce sens dès les années 1990. La France a finalement choisi un solution minimaliste comparé à certains États ayant coupé ce lien (Espagne et Italie). Le lien existe PP - S5 16 Année 2023-2024 Pr. Philippe COLLET toujours mais il est interdit au Garde des Sceaux d’adresser au Parquet des instructions aux fins d’un classement sans suite (loi du 25 juillet 2013) La révision constitutionnelle de juillet 2008 ne met pas fin au lien entre pouvoir exécutif et autorité judiciaire. La formation compétente du CSM ne donne toujours qu’un avis consultatif que le gouvernement n’est pas obligé de suivre, même s’il est désormais appelé à donner un avis consultatif avant la nomination des procureurs généraux. Les parquetiers ne sont pas indépendants. Le problème de l'indépendance de la Justice est au niveau du Parquet. Avant, c’était la République des copains, les amis des Gardes des Sceaux s’en tiraient tout le temps avec un classement sans suite. Depuis 2013, ce n’est plus possible. Pourtant, la réforme du statut du parquet devrait intervenir compte tenu des arrêts Medvedyev contre France rendu par la CEDH les 10 juillet 2008 et 29 mars 2010, ainsi que l’arrêt CEDH, 23 novembre 2010, Mme France Moulin c/ France. Enfin, l’arrêt Cour de cassation, du 15 décembre 2010. Pour la Cour de Strasbourg comme la Cour de cassation, le Ministère public n’est pas une autorité judiciaire au sens de l’article 5 § 3 de la Convention car il ne présente pas les garanties d’indépendance et d’impartialité pour ce texte, et qu’il est partie poursuivante. Or, ces garanties sont inhérentes à la notion de magistrat au sens de la Convention. Conseil constitutionnel pas d’accord, il considère que « l’autorité judiciaire comprend à la fois les magistrats du siège et du parquet. » CC, décision du 30 juillet 2010. La loi du 25 juillet 2013 relative aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et de mise en œuvre de l'action publique apporte quelques modifications. Elle modifie l’article 31 CPP : « Le ministère public exerce l’action publique et requiert l’application de la loi dans le respect du principe d’impartialité auquel il est tenu. » Elle supprime les instructions individuelles et affirme l’obligation pour le parquet d’être impartial. Est-ce suffisant pour mettre droit français en conformité avec la jurisprudence européenne ? Le professeur pense qu’il faut réformer le CSM et le statut du parquet afin de lui assurer son indépendance dans des conditions analogues dans des conditions similaires aux magistrats du siège. Depuis loi organique du 8 août 2016, de nouvelles garanties existent : - La loi renforce l'indépendance et l’impartialité du magistrat. Les Procureurs généraux près la Cour d'appel ne sont plus nommé en Conseil des ministres mais par décret présidentiel simple. - En outre, les JLD (Juges des libertés et de la détention) sont nommés par le Président de la République sur proposition du Garde des Sceaux après avis conforme du CSM. - Par ailleurs, un collège de déontologie distinct du CSM est chargé de rendre des avis sur toute question déontologique individuelle et d’examiner les déclarations d’intérêt des magistrats qui lui sont soumises. C. Caractères du Ministère public S’agissant à présent des autres caractères du Parquet : PP - S5 17 Année 2023-2024 Pr. Philippe COLLET - Irrécusable. Logique car il est partie au procès et en constitue la partie principale et indispensable. Les magistrats du siège et les jurés en Cour d'Assises peuvent être récusés. - Irresponsable. S’il exerce l’action publique à tort, il ne peut être condamné ni aux frais, ni à des DI. - Indivisible. Les membres d’un même parquet forment un ensemble. L’acte accompli par l’un d’eux l’est au nom du parquet tout entier. Sorte de fongibilité. Dès lors, les membres du parquet peuvent se remplacer pendant l’affaire. Différence avec les magistrats du siège. - Indépendant vis-à-vis des juridictions d’instruction et de jugement. De fait, les Juges ne peuvent adresser aux magistrats du parquet ni blâme ni injonction. Ils ne peuvent pas non plus se saisir d’office en matière pénale. Ils doivent donc attendre que le ministère public ait exercé l’action publique. L’auto-saisine n’est possible qu’exceptionnellement, par exemple en cas de délit ou contravention commis à l’audience. - Indépendant des justiciables et parties lésées. Il n’est pas tenu d’agir sur simple plainte. Il n’est pas non plus lié par le retrait de la plainte, sauf lorsqu’elle est une condition à l’engagement des poursuites pénales (article 6 alinéa 3 CPP). D. Fonctions du Ministère public Partie au procès pénal et représente la société. Il met ou non en mouvement l’action publique, Reçoit les plaintes et dénonciations, et apprécie les suites à leur donner (articles 40 et 40-1 CPP). Il dirige l’activité des OPJ et APJ du ressort de son tribunal (Article 39-3 CPP : « Dans le cadre de ses attributions de direction de la police judiciaire, le procureur de la République peut adresser des instructions générales ou particulières aux enquêteurs. Il contrôle la légalité des moyens mis en œuvre par ces derniers, la proportionnalité des actes d'investigation au regard de la nature et de la gravité des faits, l'orientation donnée à l'enquête ainsi que la qualité de celle-ci. Il veille à ce que les investigations tendent à la manifestation de la vérité et qu'elles soient accomplies à charge et à décharge, dans le respect des droits de la victime, du plaignant et de la personne suspectée. ») Il est aussi chargé des exécutions des décisions de justice. Chargé de la prévention (de la délinquance, etc.). Le parquet propose aussi une peine en cas de CRPC. Le parquet n’est pas le seul à pouvoir engager des poursuites pénales. Les administrations habilitées sont assez nombreuses. Article 1 alinéa 1 CPP vise de façon plus générale, parmi les titulaires de l’action publique « les fonctionnaires auxquels elle est confiée par la Loi », ce que font des dispositions spéciales dans d’autres codes. Ce peut être l’administration des contributions directes pour poursuivre les infractions en matière de contributions, ou l’administration des douanes pour les infractions douanières, par exemples. PP - S5 18 Année 2023-2024 Pr. Philippe COLLET La partie civile peut déclencher l’action publique en déposant plainte avec constitution de partie civile devant un juge d’instruction, ou en procédant à une citation directe devant le TC. Arrêt Ccass, ch. crim , Laurent-Atthalin, 8 décembre 1906. « La constitution de partie civile adressée au Juge d’instruction met obligatoirement en mouvement l’action publique. Ainsi, le particulier lésé dans ses intérêts peut, chaque fois qu’une instruction se révèle nécessaire, suppléer la carence du parquet. » Règle capitale jamais remise en cause par la suite (articles 1 et 85 CPP). Cette plainte n’est pas une plainte simple (devant un commissariat par exemple) mais une plainte consignée (au cas où abus du droit de porter plainte). III- Les autorités d’instruction On se limitera aux juridictions d’instruction de droit commun. Elles existent à un double degré : le Juge d’instruction, auquel peut être associé le JLD, au 1er degré, et la chambre de l’instruction au 2nd degré. A. Le juge d’instruction Il a été institué par le CIC de 1808 avec des pouvoirs considérables. Il été reconduit par le CPP sans limiter véritablement ses pouvoirs. On lui reproche essentiellement 2 choses : - Sa toute-puissance. - Son inexpérience. La fonction correspond souvent au 1er poste à la sortie de l’ENM. La loi du 5 mars 2007 a tenté d’apporter un remède avec la collégialité de l’instruction. L’idée est bonne d’avoir plusieurs juges plutôt qu’un seul mais l’institution d’une collégialité pour toutes les affaires donnant lieu à une information judiciaire est irréaliste au regard du coût financier que celle-ci implique. Conséquence le dispositif n’est jamais réellement entré en vigueur (juste pour les affaires très graves). Le juge d’instruction est un magistrat du tribunal judiciaire qui constitue la juridiction d’instruction du 1er degré, juridiction à juge unique. Il est nommé par décret du PDR sur proposition du Garde des Sceaux après avis conforme de la formation compétente du CSM. Ses fonctions sont limitées à 10 ans dans le même tribunal. Il peut être révoqué selon les mêmes formes en qualité de juge d’instruction. Mais en tant que magistrat du siège, il reste inamovible et irrévocable. Le juge d’instruction est assisté d’un greffier. Il ne peut, à peine de nullité, participer au jugement des affaires pénales dont il a connu en sa qualité de juge d’instruction (article 49 alinéa 2 CPP) Elle illustre la séparation des fonctions d’instruction et de jugement qui concourent à la sauvegarde de l’impartialité des décisions rendues. Devant le magistrat instructeur (juge d’instruction), la personne poursuivie se nomme le mis en examen. Le terme inculpé a été supprimé depuis le 4 janvier 1993, qui est moins neutre (culpa : faute). Article 81 alinéa 1 CPP : « Le juge d'instruction procède, conformément à la loi, à tous les actes d'information qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité. Il instruit à charge et à décharge. ». Au terme de l’information, si le mis en examen n’est pas renvoyé devant la juridiction de jugement, il bénéficie d’un non-lieu. S’il existe à son encontre des charges suffisantes, il est renvoyé devant la PP - S5 19 Année 2023-2024 Pr. Philippe COLLET juridiction compétente (tribunal de police, correctionnel ou assises). On parle d’indices, qui deviennent des charges puis des preuves. Pour certaines catégories d’infractions, il existe des juges d’instruction spécialisés : En matière de terrorisme, l’article 706-17 CPP attribue une compétence concurrente à celle du juge normalement saisi au pôle de l’instruction de Paris. Celui-ci exerce sa compétente sur l’étendue du territoire national. Pour éviter les conflits de compétence, le procureur de la République près le tribunal judiciaire autre que celui de Paris peut pour les infractions de terrorisme requérir du juge d’instruction qu’il se dessaisisse au profit de la juridiction d’instruction de Paris. En matière économique et financière, l’article 704 CPP attribue l’instruction de certaines affaires d’une grande complexité à un tribunal dont la compétence peut être étendue au ressort de plusieurs CA. Exemple : opérations de blanchiment liées à un trafic de stupéfiants, les délits prévus par le code des douanes ou le code de la consommation, etc. La compétence territoriale du juge d’instruction : son ressort est en principe celui du tribunal auquel il appartient. Selon l’article 52 CPP, les critères de rattachement sont assez nombreux. On a comme critère le lieu de l’infraction, la résidence de l’une des personnes soupçonnées d’avoir participé à l’infraction, le lieu d’arrestation de l’une de ces personnes, même lorsque cette arrestation a été opérée pour une autre cause, le lieu de détention de l’une d’elles. Ce texte a été complété par la loi du 3 juin 2016. Il dispose in fine que pour les infractions mentionnées à l’article 113-2-1 Code pénal, est également compétent le juge d’instruction selon le cas du lieu de résidence ou du siège des personnes physiques ou morales mentionnées au même texte. La loi du 5 mars 2007 a voulu renforcer l’efficacité des cabinets d’instruction en mettant en place des pôles de l’instruction (article 52-1 CPP). Les juges de l’instruction composant un pôle de l’instruction sont seuls compétents pour connaître des informations donnant lieu à une co-saisine dans les conditions prévues aux articles 83-1 et 83-2 CPP. L’avenir du juge d’instruction apparaît incertain, il dépend du choix que l’on peut faire entre juge d’instruction ou juge de l’instruction. Le juge d’instruction : il confond en sa personne un enquêteur et un juge système actuel, donc juridiction à juge unique. Il mène ses investigations et après les avoir terminées, apprécie les suites à leur donner : non-lieu ou renvoi devant une juridiction de jugement. Le juge de l’instruction : il n’exerce qu’une fonction juridictionnelle. Il contrôle une instruction faite par des enquêteurs placés sous l’autorité du Ministère public. Une partie de la doctrine souhaite la disparition, du moins dans sa forme actuelle, du juge d’instruction (GUINCHARD et BUISSON). B. Le juge des libertés et de la détention PP - S5 20 Année 2023-2024 Pr. Philippe COLLET Il est institué depuis la loi du 15 juin 2000. Depuis sa création, toute décision relative à la détention provisoire d’une personne mise en examen lui appartient (article 137-1 CPP). On a dépouillé le juge d’instruction de ce pouvoir. Le JLD est un magistrat important, il peut être le président du tribunal judiciaire. C’est un magistrat expérimenté qui a un regard nouveau sur l’affaire. L’idée générale a été de confier les décisions relatives à la détention provisoire, mesure souvent contestée pour son utilisation abusive, à un magistrat expérimenté. Le JLD est assisté d’un greffier lorsqu’il statue à l’issue d’un débat contradictoire. Sa compétence est étendue en-dehors de la détention provisoire : il rend les décisions de placement en détention provisoire, de prolongation de cette dernière ou de remise en liberté après un refus du juge d’instruction. Il intervient en matière de perquisition et de visite domiciliaire (surtout dans les enquêtes préliminaires) mais aussi de garde à vue, c'est-à-dire pour la prolongation exceptionnelle du délai en matière d’enquête pour criminalité organisée (jusqu’à 96h : pour les 24h du début, c’est le procureur de la Rep, 24h d’après c’est encore le parquet puis les 48h suivantes, c’est le JLD). Hors procédure pénale stricto sensu, il intervient pour le maintien des étrangers en zone d’attente. Le JLD ne peut, à peine de nullité, participer au jugement des affaires pénales dont il a connu, selon l’article 137-1 alinéa 3 CPP. Ici encore, cette règle vise à sauvegarder l’impartialité de la décision qui sera rendue au fond. Ch. crim., 8 décembre 2009 (TD 1) : Un JLD qui a statué sur la requête du Procureur de mise en détention provisoire d’un prévenu ne peut composer la juridiction de jugement en comparution immédiate du même prévenu. C. La Chambre de l’Instruction Elle constitue le second degré de l’instruction. Avant la loi du 15 juin 2000, c’était la « chambre d’accusation » car le double degré d’instruction était obligatoire en matière criminelle. On l’avait supprimée car elle validait toujours ce qui était dit au 1er degré. Le double degré d’instruction n’est donc plus que facultatif, il y a eu création d’un recours contre les arrêts de Cour d’assises. Cette juridiction a perdu une partie importante de ses attributions en matière de mise en accusation. Il s’agit de la formation pénale d’instruction de la Cour d’appel. La personne poursuivie est le mis en examen et elle renvoie devant la juridiction compétente selon l’infraction. A défaut, c'est-à-dire si elle estime les charges insuffisantes, elle rend un arrêt de non-lieu. Composition de la chambre de l’instruction : 3 conseillers dont un qui préside, ayant rang de président de chambre, affecté exclusivement à ce service avec dérogation possible à cette règle dans les cours d’appel comptant moins de 3 chambres (article 191 alinéa 5 CPP). La compétence de la chambre d’instruction est diversifiée : Connaît des appels formés contre les ordonnances du Juge d’Instruction et du JLD Statue sur les demandes en nullité des actes de procédure Conserve une compétence en matière criminelle : PP - S5 21 Année 2023-2024 Pr. Philippe COLLET o Soit sur saisine du Procureur général estimant que la qualification reconnue par le Juge d’instruction est erronée (article 195 CPP), soit s’il y a lieu à réouverture de l’information sur charge nouvelle (article 196 CPP), o Soit à l’occasion d’un appel en vertu de son propre pouvoir d’évocation car elle estime que le juge d’instruction juge mal l’affaire Ccass, ch. crim., 22 janvier 2019. Rôle en matière d’extradition des étrangers Juridiction disciplinaire : contrôle de l’activité des OPJ et APJ et éventuelles sanctions. Pour sa part, le Président de la chambre de l’instruction doit surveiller le bon fonctionnement des cabinets d’instruction du ressort de la Cour d’appel. Il filtre les appels contre les ordonnances du Juge d’instruction qui refuse une mesure d’instruction ou une expertise demandée par les parties. L’ordonnance qu’il rend est insusceptible de recours (article 186-1 alinéa 3 CPP), ce qui reste en contradiction avec les droits de la défense et le droit à un recours. Le président visite les maisons d’arrêt une fois par trimestre. D. De quelques juridictions spécialisées Pour les mineurs, l’information judiciaire obligatoire est conduite soit par un Juge d’Instruction ou un Juge des enfants en cas de délit ou de contravention de 5ème classe. Il y a une spécialisation des acteurs recherchée par le CJPM. Les appels formés contre les décisions du Juge des enfants ou du Juge d’Instruction sont portés devant la Chambre de l’Instruction composée différemment. On a le conseiller délégué à la protection de l’enfance qui doit être présent. Pour juger le Président de la République, il existe la Haute Cour. Elle est formée par la réunion de l’Assemblée nationale et du Sénat. Désormais, c’est la responsabilité politique du chef de l’État qui est engagée dont la sanction est la destitution (articles 67 et 68 Constitution). La procédure suivie devant cette juridiction n’est plus une procédure pénale, il n’y a plus de recherche de la responsabilité pénale. Il existe également la Cour de Justice de la République pour juger les membres du gouvernement ayant commis crimes ou délits dans l’exercice de leurs fonctions. Une instruction est menée par les commissions d’instruction. Section II - Les autorités de jugement Il y a des juridictions de première instance et d’autres qui statuent en appel ou sur recours. I- Les juridictions de 1ère instance A. Le Tribunal de Police PP - S5 22 Année 2023-2024 Pr. Philippe COLLET Le Tribunal de police statue à juge unique, c’est un juge du Tribunal judiciaire. Il est assisté d’un greffier. La personne poursuivie est un prévenu. Si celui-ci n’est pas déclaré coupable, il est relaxé. B. Le Tribunal correctionnel Le Tribunal correctionnel est la formation pénale du Tribunal judiciaire qui a compétence pour juger les délits. La personne poursuivie est le prévenu. S’il n’est pas déclaré coupable, le tribunal le relaxe. Il dispose aussi de formations spécialisées dans certains domaines : terrorisme, infractions militaires, etc. Il connaît le principe de l’action publique en matière de délit (articles 381 et 464 alinéa 1 CPP), ainsi que de l’action civile en réparation du dommage causé par l’infraction (article 464 alinéas 2 et 3 CPP). Certains délits échappent cependant à sa compétence : délits causés par un mineur ou les délits connexes ou indivisibles avec un crime. Sa compétence s’étend aux contraventions connexes ou indivisibles au délit donc il est saisi (article 382 CPP). Composition du tribunal correctionnel : il siège en principe en formation collégiale, c'est-à-dire un président et deux assesseurs. Le tribunal correctionnel peut siéger à juge unique Formation est prévue pour certaines affaires correctionnelles visées à l’article 398-1 CPP. Les cas où le Tribunal correctionnel statue à juge unique sont énumérés dans une liste qui ne fait que s’allonger avec le temps : le vol, l’exhibition sexuelle, les délits prévus par le Code de la route, … Lorsqu’il statue à juge unique, il ne peut prononcer une peine correctionnelle supérieure à 5 ans (article 398-2 CPP). L’article 398-2 permet au juge unique de renvoyer l’affaire en formation collégiale, d’office ou sur demande des parties ou du parquet si le renvoi lui paraît justifié Complexité des faits ou importance de la peine susceptible d’être prononcée. Cette décision est une mesure d’administration judiciaire (MAJ) insusceptible de recours. L’article 398-1 rend obligatoire la collégialité si le prévenu a fait l’objet d’une mesure de détention provisoire ou est traduit selon la mesure de comparution immédiate. La formation collégiale est également prévue pour les délits énoncés à l’article 398-1 lorsqu’ils sont connexes à d’autres délits non prévus par cet article. C. La Cour d'Assises La Cour d’assises statue en 1er ressort. Elle est compétente pour les crimes. La personne poursuivie est un accusé. S’il n’est pas reconnu coupable des faits, il est acquitté. C’est une juridiction départementale : Cour d’assises à Paris et une par département. Son siège est en principe au chef-lieu du département. Ce n’est pas une juridiction permanente, elle se réunit par session, même s’il peut y avoir des sessions supplémentaires voire elle peut être amenée à siéger quasi en continu. C’est une juridiction collégiale marquée par l’échevinage : on a la cour proprement dite avec 3 magistrats professionnels dont le Président de la Cour d’Assises, et le jury composé de 6 citoyens-jurés. Le représentant du Parquet auprès de cette juridiction est désigné par le Procureur général près la Cour d’appel. Il y a également un greffier. Concernant le jury, les conditions d’aptitude sont énoncées à l’article 255 CPP : il faut être Français, âgé de + de 23 ans, savoir lire et écrire en français, être inscrit sur les listes électorales, et ne pas être frappé d’incapacité. PP - S5 23 Année 2023-2024 Pr. Philippe COLLET L’article 256 énonce les incapacités : les personnes condamnées pour crimes ou délits et dont la condamnation se trouve inscrite au bulletin n°1 du casier judiciaire. Sont également écartés ceux qui exercent certaines fonctions jugées incompatibles avec celles de juré (membres du gouvernement, du Parlement, du Conseil constitutionnel, magistrat de l’ordre judiciaire, fonctionnaire des services de police ou de l’administration pénitentiaire et militaire de la gendarmerie en activité de service, …). Il existe une dispense aux fonctions de juré les personnes âgées de + de 70 ans ou les personnes invoquant un motif grave reconnu comme valable par la commission (article 258 CPP). La désignation des jurés se déroule en plusieurs étapes : articles 259 et suivants CPP. Il y a un tirage au sort sur une liste annuelle établie au niveau départemental. Puis 30 jours avant l’ouverture de la session d’assises, il y a tirage au sort du jury de session. Il est constitué pour chaque affaire par tirage au sort sur cette liste de session. Pour certaines infractions comme le terrorisme ou les trafics criminels de stupéfiants, les jurés sont exclus : trop de pression à leur égard Cour d’assises composée que de magistrats professionnels. Article 706- 16 et suivants CPP. La Cour d’assises est compétente rationae materiae pour juger tous les crimes commis par des majeurs dont la compétence n’est pas attribuée spécialement à une autre juridiction. Elle a plénitude de juridiction, c'est-à-dire qu’elle a compétence éventuelle pour toute infraction même non criminelle comme pour tout accusé sauf les mineurs, qu’elle statue en 1er ressort ou un appel. Mais elle ne peut connaître d’aucune autre accusation (article 231 CPP). Elle a aussi compétence pour statuer sur l’action civile en prenant sa source dans le crime qu’elle juge. Même si elle prononce un acquittement, elle reste compétente pour accorder des DI sur le fondement de l’article 372. D. La Cour criminelle départementale La loi du 23 mars 2019 introduit un changement majeur : elle a institué à titre expérimental une Cour criminelle dans plusieurs départements. C’est juger un + grand nombre d’affaires criminelles et limiter les délais d’audiencement. Depuis le 1er janvier 2023, l’expérimentation a laissé place à la généralisation puisque cette juridiction est prévue par le CPP (articles 380-16 et suivants CPP). La Cour criminelle départementale est compétente pour juger les majeurs accusés d’un crime puni de 15 ou 20 ans de réclusion criminelle ainsi que les délits connexes, lorsqu’il n’est pas commis en état de récidive légale. Elle n’est pas compétente non plus s’il existe un ou plusieurs co-accusés ne répondant pas aux conditions prévues. Elle est composée de 5 magistrats professionnels avec un président et 4 assesseurs. Ils sont choisis par le 1er Président de la Cour d’appel. Les dispositions relatives au jury et jurés sont écartées. Cette cour renvoie l’affaire devant la Cour d’assises si au cours ou à l’issue des débats, elle estime que les faits constituent un crime puni de 30 ans de réclusion criminelle (article 380-20 CPP). II- Les juridictions statuant en appel ou sur recours A. La chambre des appels correctionnels PP - S5 24 Année 2023-2024 Pr. Philippe COLLET C’est la formation pénale de jugement de la Cour d’appel. Elle est composée par un président et deux conseillers à la Cour. La personne poursuivie est le prévenu. S’il n’est pas condamné, la Cour d’appel le relaxe. Cette juridiction statue sur les appels formés contre les jugements rendus par les tribunaux correctionnels ou les appels formés contre certains jugements rendus par les tribunaux de police. B. La Cour d’assises statuant en second ressort Elle est instituée par la loi du 15 juin 2000, et est effective depuis le 1er janvier 2001. On est en présence d’un accusé ou acquitté. C’est un appel criminel. L’appel est porté devant une autre Cour d’assises que celle ayant statué en 1er ressort : article 380-1 et suivants du CPP. Les magistrats y siègent ainsi que 9 jurés qui procèdent à un réexamen de l’affaire. C’est donc un appel particulier puisque la Cour d’assises réexamine l’affaire en entier. Mais l’article 380- 2-1 A créé par la loi du 23 mars 2019 énonce que l’appel formé par l’accusé ou le Ministère public peut indiquer qu’il ne conteste pas les réponses données par la Cour d’assises sur la culpabilité et qu’il est limité à la décision sur la peine. Dans ce cas, sont seuls entendus les témoins et les experts dont la déposition est nécessaire pour éclairer les assesseurs et les jurés sur les faits commis et la personnalité de l’accusé. Les personnes dont la déposition ne serait utile que pour établir la culpabilité ne sont pas entendues. Qui peut relever appel en matière criminelle ? En vertu de l’article 380-2 CPP, peuvent relever appel d’un arrêt de condamnation l’accusé sauf s’il a été condamné par défaut, et le Ministère public. Contre les arrêts d’acquittement, seul le Procureur général près la Cour d’appel ou ses substituts. Pour leurs intérêts civils uniquement, le civilement responsable et la partie civile. En cas d’appel du parquet, les administrations publiques lorsqu’elles exercent l’action publique. C’est la chambre criminelle de la Cour de cassation qui désigne la Cour d’assises d’appel dans le mois de l’appel. Sur le seul appel de l’accusé, la Cour d’assises statuant en appel sur l’action publique ne peut aggraver son sort (article 380-3 CPP). La loi du 23 mars 2019 a créé l’article 380-3-1 CPP : l’accusé doit comparaître devant la Cour d’assises statuant en appel dans un délai d’un an, à compter de l’appel si l’accusé est détenu ou de la date à laquelle l’accusé a été placé ultérieurement en détention provisoire en application de la décision rendue en 1er ressort. Le texte prévoit cependant des prolongations possibles. Mais si l’accusé n’a pas comparu devant la Cour d’assises avant l’expiration des délais prévus par ce texte, il y a une sanction qui est prévue : sa remise immédiate en liberté sauf s’il est détenu pour une autre cause (article 380-3-1 CPP). Si la Cour d’assises n’est pas saisie de l’appel contre la décision sur l’action publique, l’appel contre le seul jugement sur l’action civile est porté devant la chambre des appels correctionnels. La Cour d’assises statue sans les jurés quand elle ne se trouve saisie que du renvoi devant elle d’un ou plusieurs accusés uniquement pour un délit connexe à un crime (article 386-1). C. Chambre criminelle de la Cour de cassation PP - S5 25 Année 2023-2024 Pr. Philippe COLLET Elle se prononce sur les pourvois formés contre les décisions rendues en dernier ressort et elle statue exclusivement en droit. Elle examine la recevabilité du pourvoi et elle s’assure que les moyens de cassation développés sont sérieux. A défaut, elle déclare le pourvoi non admis. On a diverses formations avec plus ou moins de conseillers qui sont prévues : formation restreinte, de section, plénière. Depuis la QPC de 2008, la chambre criminelle a pour fonction de transmettre ou non les QPC au Conseil constitutionnel. Cette QPC doit porter sur une disposition législative applicable au litige ou à la procédure et constituant le fondement des poursuites. La disposition contestée ne doit pas avoir déjà été déclarée conforme à la Constitution sauf changement de circonstances. D. Cour de révision et de réexamen Depuis une loi du 20 juin 2014, la Cour de révision et de réexamen fusionne la commission de révision des condamnations pénales et la commission de réexamen d’une décision pénale consécutives au prononcé d’un arrêt de la CEDH (articles 623 et 623-1). 18 magistrats de la CDC la composent. Son président est le président de la chambre criminelle. Chacune des chambres de la CDC y est représentée par 3 de ses membres. Au sein de cette cour, il y a une commission d’instruction des demandes en révision et en réexamen. III- Les juridictions de l’application des peines On en a au premier comme au second degré. Elles fixent les modalités de l’exécution des peines privatives de liberté ou de certaines peines restrictives de liberté après condamnation. Au 1er degré : Le JAP. C’est un magistrat du siège qui est assisté d’un greffier (article 712-2) Le TAP. Un président et deux assesseurs désignés parmi les JAP du ressort de la cour d’appel par son 1er Président. Il y a aussi un représentant du ministère public (article 712-3 CPP). Au 2nd degré : Chambre de l’application des peines de la Cour d’appel : un président et deux conseillers assesseurs (712-1 et 712 et suivants CPP). IV- Les juridictions d’exception S’agissant des juridictions pour mineurs, elles ont été développées par l’ordonnance du 2 février 1945, aujourd’hui abrogée. Il y a eu création d’un CJPM entré en vigueur le 30 septembre 2021. Le principe consiste en la spécialisation des juges et des juridictions pour les crimes, délits et contraventions de 5ème classe. C’est un PFRLR (Conseil constitutionnel, 4 août 2011). En revanche, il n’y a pas de spécialisation pour les 4 premières classes de contraventions : le Tribunal de police est compétent. PP - S5 26 Année 2023-2024 Pr. Philippe COLLET Il y a le Juge des enfants : il exerce des fonctions de Juge d’instruction (L11-1 et suivants CJPM) ainsi que de juridiction de jugement, il cumule les fonctions. Il est compétent pour les contraventions de 5ème classe et les délits ou les contraventions des 4 premières classes connexes à l’une des infractions précitées. Le Tribunal pour enfants : il est composé d’un Juge des enfants et de 2 assesseurs choisis conformément aux dispositions de l’article L251-4 du CJPM et des assesseurs supplémentaires peuvent être adjoints. Domaine de compétence : contraventions de la 5ème classe et les délits commis par les mineurs de moins de 13 ans ainsi que les crimes commis par les mineurs de moins de 16 ans ainsi que les contraventions des 4 premières classes commises par les mineurs quand connexes aux infractions précitées. Pour les crimes commis par des mineurs de 16 à 18 ans : la Cour d’assises des mineurs est compétente pour leur éviter le cadre d’un procès ordinaire : article L231-9 CJPM, notamment pour les cas de compétence. Pour les appels, il y a la Cour d’appel contre les décisions du juge des enfants et du tribunal pour enfants. L’affaire vient devant une chambre spéciale de la Cour d’appel (L231-6 du CJPM). Elle a compétence pour les décisions du Juge des enfants et du Tribunal pour enfant, pour les jugements du Tribunal de police rendus à l’égard des mineurs, les décisions du JLD rendues à l’égard des mineurs en matière de détention provisoire, sauf dans le cadre d’une information judiciaire. On trouve aussi des juridictions compétentes en matière d’infraction militaire ou d’infraction contre les intérêts fondamentaux de la nation (697 et suivants CPP et le Code de justice militaire). Il y a des distinctions entre les temps de paix et les temps de guerre. Il y a enfin la Cour de Justice de la République (articles 68-1 et 2 Constitution). Elle comprend 15 juges. Les membres du gouvernement sont responsables pénalement des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions et qualifiés crimes ou délits au moment où ils ont été commis. PP - S5 27 Année 2023-2024 Pr. Philippe COLLET SECTION 3 Chapitre III - Les règles générales de compétence en matière pénale La compétence est l’aptitude légale d’une juridiction à connaître d’un procès. Comme toutes les juridictions, les juridictions pénales sont soumises à des règles qui déterminent leurs compétences d’un point de vue personnel, d’un point de vue territorial ou/et matériel. On évoquera seulement les règles générales. Section I - La compétence normale I- La détermination de la compétence pénale La compétence pénale doit se déterminer sur 3 plans : Ratione materiae : compétence matérielle. Ratione personae : compétence personnelle. Ratione loci : compétence territoriale. A. La compétence matérielle Elle est déterminée par la nature de l’infraction pour les juridictions de droit commun : classification tripartite avec contravention, délit et crime (Cour d’assises ou Cour criminelle départementale). B. La compétence personnelle Elle est déterminée d’après la qualité de la personne : mineurs, ministres, etc. Cette qualité s’apprécie au jour où l’infraction est commise. C. La compétence territoriale Il faut distinguer les personnes physiques des personnes morales. Pour les personnes physiques : En matière contraventionnelle, est en principe compétent le Tribunal de police du lieu de commission ou de constatation de la contravention, OU du lieu de résidence du prévenu (article 522 CPP). En matière délictuelle, article 382 CPP est en principe compétent le Tribunal correctionnel du lieu de commission du délit, du lieu de résidence du prévenu OU du lieu d’arrestation ou de détention même si arrestation ou détention pour une autre cause. Il n’existe pas de préférence entre les différents tribunaux désignés compétents. La règle de la prévention, c'est-à-dire le premier tribunal saisi, réglera l’attribution de compétence sauf règlement de juge pour une meilleure administration de la justice. En matière criminelle, les règles sont les mêmes que celles exposées pour les délits mais la décision de mise en accusation est attributive de compétence. Pour les personnes morales : PP - S5 28 Année 2023-2024 Pr. Philippe COLLET La juridiction compétente est celle du lieu de l’infraction ou du siège de la personne morale (article 706- 42 CPP). Mais il y a des règles spéciales comme pour les infractions économiques et financières (article 704-1 ou 705 CPP) ou pour les actes de terrorisme (article 706-17 CPP). Il existe une compétence concurrente des juridictions spécialisées en ces matières : Paris avec le Procureur de la République anti-terroriste, le Pôle de l’instruction de Paris, etc. II- Le caractère juridique de la compétence pénale A. Le principe Les règles de compétence sont d’ordre public en matière pénale quelle que soit la nature de la compétence envisagée. Ainsi, les parties ne peuvent en principe, même si elles sont d’accord, déroger aux règles de compétence. En outre, l’exception d’incompétence peut être soulevée à tout auteur de la procédure, à tout stade de la procédure même pour la 1ère fois devant la Cour d’appel ou la Cour de cassation. Le Juge doit se déclarer d’office incompétent s’il s’estime incompétent. B. L’atténuation, la correctionnalisation judiciaire Pratique fréquente des parquets et juges d’Instruction qui suppose l’accord implicite des parties et du tribunal. Cela consiste à transformer un crime en délit. Le TC devient compétent. La création de la Cour Criminelle Départementale devrait ralentir cette problématique. Il est encore possible de contraventionnaliser des délits. Compétence du Tribunal de Police. Pour opérer cette correctionnalisation judiciaire, il suffit de passer sous silence une circonstance aggravante qui qualifiait le délit de crime. Exemple : Vol qualifié vol simple. Ou alors au moyen d’un autre procédé : modification de la qualification. Exemple : tentative de meurtre devient un délit de violence. Raisons : Cela car crainte de l’indulgence du jury : on substitue la certitude de la répression à sa sévérité. C’est d’ailleurs souvent la raison qui pousse le Législateur à transformer un crime en délit. On parle alors de correctionnalisation légale. La peine prononcée peut parfois être plus lourde en correctionnelle que devant la Cour d'Assises. Il existe aussi une finalité économique : la procédure d’assises est coûteuse. De plus, volonté de simplification et rapidité. Reste que la correctionnalisation judiciaire est contestable : - La supposée clémence du jury valait surtout à l’époque où le jury délibérait seul. PP - S5 29 Année 2023-2024 Pr. Philippe COLLET - Les arguments d’économie et de simplification conduisent à réduire à l’excès le rôle de la juridiction criminelle. La correctionnalisation risque de devenir systématique, affaiblissant finalement la répression. - Elle rend la répression inégale entre les différentes juridictions. En principe, la correctionnalisation judiciaire est illégale puisque les compétences sont des règles d’ordre public. Le TC saisi d’un crime doit donc, en principe, se déclarer incompétent, et « renvoyer le Parquet à mieux se pourvoir » sans pouvoir statuer au fond, en condamnant ou en relaxant. Articles 469 et 540 CPP. Mais en pratique, lorsque la correctionnalisation s’effectue avec l’accord implicite du Parquet, des parties et de la juridiction, l’incompétence n’est pas soulevée. Toutefois, en droit, l’arrêt sera cassé par la ch. crim. Ccass, ch. crim. 20 juillet 2011. Exceptionnellement, le Législateur a validé cette pratique lorsqu’un TC est saisi par un renvoi d’une juridiction d’instruction, alors que la victime constituée partie civile était assistée d’un avocat pendant l’information et pouvait donc relever appel du renvoi en application de l’article 186-3 CPP, le TC ne peut relever son incompétence. Sauf s’il résulte des débats que les faits qualifiés de délit non intentionnel constituent un crime du fait de leur caractère intentionnel (article 469). La Cour Criminelle Départementale devrait changer les choses. Section II - La compétence exceptionnelle Cas particuliers de certaines juridictions. En vertu de l’article 231 CPP, la Cour d'Assises a plénitude de juridiction sous réserve des dispositions de l’article 380-16 Code de procédure pénale (relatif à la Cour Criminelle Départementale). Les faits qu’elle connaît doivent être qualifiés de crimes dans la décision de mise en accusation. Compétente en premier ressort comme en appel. Arrêt ch. crim 29 juin 2022 sur le fondement de l’article 286-1 CPP, la Cour d'Assises saisie sur le seul renvoi de l’accusé auquel est reproché uniquement un délit connexe à un crime statue sans jury. La loi n’apporte pas de dérogation à l’obligation d’établir une feuille de questions et une feuille de motivation. Compétences exceptionnelles pour certaines infractions (uniquement pour l’attribution de la compétence territoriale). Exemples : - Pour l’abandon de famille (article 382 CPP), la juridiction du domicile ou de la résidence du créancier est également compétente. - Pour certaines infractions financières : juridiction spécialisée dans le ressort de certaines cours d’appel (articles 704, 704-1) + compétence concurrente du tribunal correctionnel de Paris (article 705). Et parfois même, compétence exclusive du procureur de la République financier, des juridictions d’instruction et de jugement de Paris (article 705-1 CPP). - Pour le terrorisme, articles 706-17 et suivants CPP : en plus de la compétence normale, le