Réfléchir autour des considérations didactiques de l'univers social (Monney et al, 2020) PDF
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2020
Nicole Monney, Catherine Duquette, Christine Couture, Hans Boulay
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Summary
This document discusses the inclusive approach to education and the current assessment practices in social studies education. The paper highlights the need for more inclusive evaluation methods, emphasizing formative assessment and considering the specificities of teaching methodologies.
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HTTP://DX.DOI.ORG/10.18224/EDUC.V22I1.8606 ARTIGOS TEMÁTICOS RÉFLÉCHIR AUTOUR DES CONSIDÉRATIONS DIDACTIQUES DE L’UNIVERS SOCIAL POUR FAVORISER DES PRATIQUES...
HTTP://DX.DOI.ORG/10.18224/EDUC.V22I1.8606 ARTIGOS TEMÁTICOS RÉFLÉCHIR AUTOUR DES CONSIDÉRATIONS DIDACTIQUES DE L’UNIVERS SOCIAL POUR FAVORISER DES PRATIQUES ÉVALUATIVES PLUS INCLUSIVES: QUOI, POURQUOI ET COMMENT?* Nicole Monney** Catherine Duquette*** Christine Couture**** Hans Boulay***** Résumé: L’approche inclusive est un enjeu à l’heure actuelle dans nos sociétés qui croient en l’éducabilité universelle. Or, l’évaluation des apprentissages reste encore dans une vision de sanction, et le retour du résultat chiffré n’a pas aidé. Par consé- quent, les pratiques évaluatives des enseignants prônent encore une vision qui vise à classer les “bons élèves des moins “bons”. Cet article présente le déroulement d’une recherche collaborative menée auprès de quatre enseignantes du primaire. Les résultats issus de journées de réflexion et d’entrevues semi-dirigées ont permis de réaliser un portrait évolutif des pratiques des enseignantes et de dégager des pistes de réflexion pour une évaluation plus inclusive. La conclusion confirme l’importance de l’évaluation formative pour favoriser l’approche inclusive et insiste sur l’impor- tance de bien considérer les spécificités de la didactique pour pouvoir mieux cibler les objets d’apprentissage. * Recebido em 08.02.2020. Aprovado em 27.10.2020. ** Professeure au Département des sciences de l’éducation à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC). E-mail: [email protected]. *** Professeure de didactique de l’histoire au Département des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC). E-mail: [email protected] **** Chercheure associée au CRIFPE (Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante). E-mail: [email protected]. ***** Étudiant à la maitrise en éducation au l’Université du Québec à Chicou- timi (UQAC). E-mail: [email protected]. , Goiânia, v. 23, p. 1-27, 2020. 1 Mots-clés: Évaluation des apprentissages. Univers social. Rétroaction. Didactique. Recherche collaborative. CONTEXTE: L’IMPACT DE LA NOTE EN POURCENTAGE SUR LES PRATIQUES EVALUATIVES DES ENSEIGNANTS ET SUR LA REUSSITE DES ELEVES D epuis 2003, l’évaluation des apprentissages au Québec est encadrée par une politique qui se centre sur trois valeurs: la justice, l’égalité et l’équité (GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, 2003). La valeur d’équité est celle qui rejoint une approche plus inclusive de l’école. Elle sous-tend le respect des caractéristiques des élèves et des groupes. Elle permet de différencier l’évaluation des apprentissages et de s’assurer de la réussite éducative de tous les élèves. En s’appuyant sur ces valeurs, le ministère de l’Éducation du Québec (GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, 2003) propose deux fonctions à l’évaluation: la fonction d’aide à l’apprentissage et la fonction de reconnaissance de la compétence. La première fonction a une portée pédagogique puisque l’intention est d’aider l’apprentissage. L’évaluation devient ainsi un moyen de planifier l’apprentissage, de le dia- gnostiquer et de le réguler (LAURIER, 2014). La deuxième fonction, celle de reconnaissance des compétences, a une portée plus administrative et “conduit à des actions qui revêtent un caractère plus formel” (LAURIER, 2014, p. 37). Au Québec, le régime pédagogique exige des enseignants de communiquer des résultats en pourcentages (article 30.2) (GOUVER- NEMENT DU QUÉBEC, 2019). Par ailleurs, pour plusieurs disciplines, dont l’univers social (regroupant l’histoire et la géographie), un seul ré- sultat est consigné dans le bulletin pour l’ensemble des trois compétences. Cette procédure a pour effet de dissiper la progression de l’élève dans chacune des compétences puisque la note en pourcentage résulte d’une moyenne de l’ensemble des traces collectées. Ainsi, elle ne permet pas de rendre compte du développement des compétences chez l’élève. Certains auteurs ont soulevé les effets négatifs de la note qui aurait plutôt tendance à provoquer chez l’élève de l’anxiété, une impression d’in- compétence et un désengagement vis-à-vis de l’école (ISSAIEVA, CRAHAY, 2010). Hadji (2015) constate que la note est un point de repère commode qui permet des comparaisons faciles et qui peuvent devenir stigmatisantes. Elle sert surtout au classement des élèves, mais elle ne dit rien des acquis concrets ou des difficultés particulières d’un élève. Par conséquent, le choix de réunir l’ensemble des compétences pour une discipline en donnant un , Goiânia, v. 23, p. 1-27, 2020. 2 résultat en pourcentage semble ne pas correspondre aux valeurs proposées par la politique d’évaluation des apprentissages (GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, 2003). Comment respecter l’équité si les élèves sont automati- quement comparés les uns aux autres et si le résultat dissipe les acquis? La note en pourcentage aboutit à une normalisation des résultats avec des élèves performants, des élèves moyens et des élèves en difficulté. Il importe ainsi de poursuivre la réflexion autour d’une fonction de l’évaluation plus inclusive qui vise l’aide à l’apprentissage plutôt que le classement et la comparaison. L’approche Inclusive en Education L’approche inclusive référait autrefois à l’intégration scolaire des élèves en situation de handicap ou présentant des troubles de l’apprentis- sage. Aujourd’hui, la définition s’est quelque peu élargie pour englober tous les élèves et s’assurer que l’école offre les mêmes chances à tous (AKKARI et BARRY, 2018). Au Québec, en lien avec l’idée d’une approche inclusive, l’article 22 de la Loi sur l’instruction publique (GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, 2019, n..) stipule que “Il est du devoir de l’enseignement […] de contribuer à la formation intellectuelle et au développement intégral de la personnalité de chaque élève qui lui est confié”. Cela signifie que peu importe les différences ou les difficultés de l’élève, c’est à l’enseignant de s’adapter pour s’assurer que l’élève réussisse à sa mesure. Dans ce contexte, selon Prud’homme et al. (2011), l’enseignant qui s’inscrit dans une approche inclusive, reconnait la diversité comme légitime et croit à “l’éducabilité universelle”. Il propose des situations d’apprentissage flexibles et dynamiques qui s’intègrent dans une approche socioconstructiviste. Et, finalement, il adopte une posture qui favorise l’éducation à la citoyenneté démocratique. Dans cette perspective inclusive, il ne s’agit plus de s’appuyer sur la note pour évaluer la performance de l’élève, mais bien de mettre en place des situations qui permettent à l’élève de progresser de façons cognitive, physique et affective (POTVIN, 2014). L’acte d’évaluer prend donc la forme d’une évaluation qui accompagne l’apprentissage de l’élève et qui informe l’enseignant des adaptations à mettre en place. L’importance de Favoriser L’évaluation Pour Aider L’apprentissage et Favoriser L’inclusion La fonction de l’évaluation pour aider l’apprentissage réfère à l’évaluation formative ou “formative assessment” introduite par Scriven , Goiânia, v. 23, p. 1-27, 2020. 3 (1967). Celle-ci permet de distinguer la démarche d’accompagnement de l’élève durant la séquence d’enseignement de la démarche évaluative axée sur la sanction des apprentissages en fin de séquence (DUNN et MUL- VENON, 2009). L’évaluation formative est considérée comme un levier à la réussite scolaire par plusieurs auteurs (HADJI, 2015). L’évaluation formative s’intègre dans les activités quotidiennes de l’enseignement. Elle n’intègre pas nécessairement l’usage de tests papier-crayon et elle prône les évaluations informelles comme l’observation, le questionnement et la rétroaction à l’élève (DIEDHIOU, 2013). Par sa forme, elle se centre sur la compréhension de l’élève et elle oblige l’enseignant à structurer ses activités pour mieux inclure l’ensemble des élèves de la classe. Il n’est pas question ici d’adapter l’évaluation des apprentissages, mais bien de saisir chaque occasion pour aider l’élève à progresser. L’évaluation formative joue le rôle sentinelle en veillant quotidiennement sur la progression des élèves et en avertissant rapidement l’enseignant des difficultés qui peuvent survenir. L’enseignant peut ainsi s’assurer de proposer des activités qui favorisent la progression de l’élève. Il y a là un lien à faire avec l’école inclusive qui considère que les difficultés des élèves sont amenées par la situation dans laquelle l’élève est plongé (GAREL, 2010). En d’autres termes, l’élève peut réussir si on s’assure de bien lui montrer la cible à atteindre (STIGGINS, 2009) et de mettre en œuvre les activités nécessaires pour qu’il puisse l’atteindre. Bien que cette fonction de l’évaluation formative existe depuis longtemps, les enseignants rencontrent encore plusieurs difficultés à l’in- tégrer dans leurs pratiques et semblent prioriser l’évaluation chiffrée au terme d’une séquence d’enseignement (LAURIER, 2014). Le fait de devoir consigner des notes chiffrées lors de la remise du bilan des apprentissages trois fois par année pourrait expliquer les difficultés des enseignants (LE- GENDRE, MORISSETTE, 2014). Cependant, la politique d’évaluation des apprentissages (GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, 2003) n’a pas changé et elle prône les mêmes valeurs et les mêmes fonctions de l’évaluation des apprentissages. Il y a donc lieu de poursuivre la réflexion pour arrimer les valeurs de la politique, l’évaluation formative et l’obligation de remettre une note en pourcentage dans un bulletin unique. Dans ce contexte, trois chercheures issues de disciplines différentes (didactiques et évaluation des apprentissages), en collaboration avec des enseignants du primaire, ont mené une recherche collaborative pour développer des pratiques évaluatives favorisant l’évaluation formative tout en s’arrimant aux attentes du bulletin unique. Cet article présente le , Goiânia, v. 23, p. 1-27, 2020. 4 déroulement de la première année d’une recherche collaborative et vise à: 1) présenter le portrait initial des pratiques évaluatives en univers social (US) d’enseignantes au primaire; 2) décrire l’ajustement de ces pratiques évaluatives durant le projet de recherche; 3) dégager des pistes de réflexion pour favoriser une évaluation des apprentissages plus inclusive. Les Pratiques Evaluatives en US Depuis plusieurs années, les didacticiens de l’histoire s’intéressent aux processus et aux démarches conduisant à la construction de connais- sances (DUQUETTE, LAUZON, ST-GELAIS, 2017; MARTINEAU, 2010) et ce, plus particulièrement, depuis l’intégration du concept de la pensée historique (PH) comme objet d’apprentissage dans les programmes d’US au Canada et à l’international (BUGNARD, 2016). La PH est considérée comme étant la forme de pensée critique à développer chez les élèves en classe d’US, car elle permet de s’éloigner d’une simple mémorisation du contenu historique et géographique pour miser sur le développe- ment des habiletés d’analyse et d’interprétation des traces du passé (DUQUETTE, 2015; MARTINEAU, 2010; SEIXAS et MORTON, 2013). Depuis leur refonte, les programmes d’US du primaire et du secondaire du Québec soulignent l’importance de développer la PH des élèves (GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, 2016, 2009, 2001). Or, les recherches menées au Québec montrent que les enseignants intègrent peu la pensée historique en classe et préfèrent un enseignement visant la mémorisation de connaissances factuelles (ARAÚJO-OLIVEIRA, 2014). L’un des facteurs pouvant expliquer la situation serait les difficultés associées à son évaluation tant formative que dans un contexte de certifi- cation (ERCIKAN et SEIXAS, 2015; BUGNARD, 2016). Parmi celles-ci, il semble qu’un flou persiste dans les objets à évaluer puisque le programme d’US mise sur l’évaluation des compétences tandis qu’une large part de l’évaluation prescrite par les cadres d’évaluation des apprentissages cible la maitrise des connaissances (DUQUETTE, 2015; GOUVERNE- MENT DU QUÉBEC, 2011). Les enseignants sont donc confrontés à des documents proposant des visées en partie contradictoires, ce qui ne fait qu’ajouter à la confusion. Par conséquent, en ciblant difficilement les objets d’apprentissage et en ne sachant pas quoi évaluer, on peut se questionner sur l’accompagnement offert aux élèves par les enseignants pour les aider à progresser dans les compétences en US, et ce, dans un contexte plus inclusif. , Goiânia, v. 23, p. 1-27, 2020. 5 CADRE CONCEPTUEL: L’ANGLE DE LA PLANIFICATION DE LA PLANIFICATION POUR ARRIMER DIDACTIQUE DE L’US ET L’EVALUATION DES APPRENTISSAGES La planification se définit comme le moment où l’enseignant intègre une description détaillée de l’intention par rapport aux objets d’apprentissage ciblés et de ses stratégies pour amener les étudiants à ac- quérir ces apprentissages (DUNKACKE, JENSSEN et BLÖMEKE, 2015). Pour cet article, le concept de planification est repris en trois questions: le quoi, le pourquoi et le comment. Chacune de ces questions permet d’intégrer les éléments de la didactique de l’US et de l’évaluation des apprentissages, et de planifier une séquence d’enseignement comprenant plus d’une activité. La planification se fait en boucles itératives où l’en- seignant répond à l’une et l’autre de ces questions. Le Quoi: Identifier les Objets D’apprentissage et Définir les Critères D’évaluation Le quoi consiste à identifier les objets d’apprentissage liés à la didac- tique de la discipline et à définir les critères d’évaluation (STIGGINS, 2009). Les objets d’apprentissage liés à la didactique sont issus du pro- gramme de formation de l’école québécoise (GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, 2009; 2011; 2001). Trois compétences sont visées en US: Lire l’organisation d’une société sur son territoire, Interpréter le changement dans une société et sur son territoire, S’ouvrir à la diversité des sociétés et de leur ter- ritoire (GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, 2001). Les objets d’apprentissage soutenant le développement de ces compétences y sont présentés en termes de connaissances, de démarches, de stratégies, de techniques et d’habiletés. On entend par connaissances les savoirs déclaratifs et conceptuels relatifs aux évènements du passé et dont l’analyse permet de mieux comprendre la société d’aujourd’hui (JADOULLE, 2018). Les démarches sont associées au modèle de la pensée historique qui, selon Martineau (2010), fait référence à une démarche de recherche hypothéticodéductive où l’élève est amené à questionner le passé, trouver une hypothèse, collecter des données, les analyser pour trouver une réponse au problème de départ (GOUVERNE- MENT DU QUÉBEC, 2009). Les stratégies associées à l’enseignement de l’US ne sont pas prescriptives (GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, 2001), mais plutôt suggérées en fonction des visées du programme. Elles sont liées à la résolution de problème et aux savoirs conceptuels. La progression des , Goiânia, v. 23, p. 1-27, 2020. 6 apprentissages en US cible six techniques propres à la discipline devant faire l’objet d’apprentissage en classe. Finalement, les habiletés sont liées à la PH, donc aux opérations intellectuelles pour la mettre en œuvre, à savoir: établir des causes et des conséquences, identifier les continuités et les changements, replacer les actions des acteurs du passé dans leur bon contexte historique et établir des liens entre le passé et le présent (SEIXAS, 2005). En évaluation des apprentissages, planifier le quoi consiste à iden- tifier sur quoi porteront les rétroactions faites à l’élève (DIRKSEN, 2013). Cette étape est essentielle afin de s’assurer du critère de pertinence de l’évaluation qui permet de juger du caractère plus ou moins approprié des traces observées en s’assurant de l’alignement entre ce qui sera enseigné et ce qui sera évalué (DE KETELE et GÉRARD, 2005). Les cadres d’évalua- tion proposent des critères officiels (GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, 2011). Le critère d’“utilisation des connaissances” est précisé au moyen de sept opérations intellectuelles telles que présentées dans la figure 1. Figure 1 - Le quoi: identifier les objets d’apprentissage et les critères d’évaluation Source: Conception des auteurs. , Goiânia, v. 23, p. 1-27, 2020. 7 Le Pourquoi: Entre les Priorités Didactiques et la Fonction de Régulation de L’évaluation des Apprentissages Le pourquoi intègre les priorités didactiques à atteindre (GON- ZALEZ, GOMEZ, 2014). En didactique de l’US, les priorités sont à la fois conceptuelles, méthodologiques et affectives. Les priorités concep- tuelles concernent le développement des savoirs abstraits “permettant de désigner une catégorie d’objets, circonscrite par un ensemble de caractéristiques communes” (JADOULLE, 2018, p. 248). Ces concepts sont évolutifs dans le temps et permettent de décoder le passé et le présent. Les priorités méthodologiques font référence à l’apprentis- sage d’une méthode de recherche nécessaire au développement de la pensée critique. Enfin, les priorités affectives font référence aux besoins de construction identitaire associés à l’enseignement de l’US. Les élèves amorcent, au primaire, la construction de leur nous-social et par conséquent, ils se questionnent sur leurs origines. Les cours d’US ont donc un rôle dans la construction identitaire en permettant aux élèves de se situer dans le temps et dans l’espace. Cela entraine également une forme de jugement éthique où les élèves sont amenés à adresser les actions du passé, les juger comme acceptables ou non pour ensuite déterminer les actions à prendre dans le futur (SEIXAS, MORTON, 2013). Le pourquoi, en évaluation des apprentissages, soulève la ques- tion de la fonction qu’elle occupe. Dans un contexte où l’on souhaite une évaluation plus inclusive, la fonction de l’évaluation des appren- tissages consiste à offrir des rétroactions régulières afin que l’élève puisse réguler rapidement ses apprentissages et que l’enseignant puisse réorienter ses activités (DE KETELE, 2010). La figure 2 reprend l’en- semble des concepts du pourquoi en arrimant l’US et l’évaluation des apprentissages. , Goiânia, v. 23, p. 1-27, 2020. 8 Figure 2 - Le pourquoi: entre les priorités didactiques et la fonction de régulation de l’évaluation des apprentissages Source: Conception des auteurs. Le Comment: Entre les Considérations Didactiques et la Démarche D’évaluation En didactique de l’US, les démarches qui mènent à la construction des savoirs sont aussi importantes que les savoirs à acquérir (ÉTHIER et DALONGEVILLE, 2005; SEIXAS, 2005). Le comment consiste à prendre en compte les considérations didactiques pour réfléchir à sa séquence d’enseignement et aux activités qui vont l’intégrer. De manière générale, en US, les recherches montrent l’importance de privilégier les approches mettant les élèves en action afin de respecter l’épistémologie de la dis- cipline (SEARS, 2014). Il faut que les élèves soient amenés à faire de , Goiânia, v. 23, p. 1-27, 2020. 9 l’histoire plutôt que simplement consommer des récits déjà construits. La recherche et l’analyse des sources historiques, textuelles et iconogra- phiques sont requises pour amener les élèves à construire et déconstruire les récits historiques de manière autonome (SEIXAS, MORTON, 2013; DUQUETTE, LAUZON, ST-GELAIS, 2017). Du côté de l’évaluation, le comment consiste à choisir les démar- ches d’évaluation. Selon De Ketele (2010), trois démarches peuvent être utilisées: sommative, descriptive et herméneutique. Selon la démarche, l’enseignant utilise les ressources qu’il a à sa disposition pour offrir une rétroaction à l’élève. On entend par “ressources” des instruments d’évaluation, des traces collectées durant l’activité, et autres possibilités. La figure 3 reprend l’ensemble des concepts arrimés ensemble. Figure 3 - Le comment: entre les considérations didactiques et la démarche d’évaluation Source: Conception des auteurs. , Goiânia, v. 23, p. 1-27, 2020. 10 Le quoi, le pourquoi et le comment se travaillent en simultané et de manière non linéaire. La figure 4 représente les éléments du cadre conceptuel évoqués précédemment. Figure 4 - Arrimage entre les concepts didactiques de l’US et l’évaluation des apprentissages Source: Conception des auteurs. , Goiânia, v. 23, p. 1-27, 2020. 11 MÉTHODOLOGIE: L’APPROCHE COLLABORATIVE POUR RÉFLÉCHIR AUX CONSIDÉRATIONS DIDACTIQUES ET À L’ÉVALUATION FORMATIVE Cette recherche s’inscrit dans un modèle de recherche collaborative qui vise la coconstruction de connaissances sur les pratiques en cours et en développement entre chercheurs et praticiens (DESGAGNÉ, 1997). Ce modèle demande de prendre en compte le point de vue des enseignants en favorisant le maillage d’expertises (BEDNARZ, 2013). Elle a pour caractéristiques de produire des résultats qui présentent une double vraisemblance des résultats (DUBET, 1994). Dans cette perspective, les résultats issus de la première année d’un projet de recherche (CRSH: programme développement-savoir: 2017-2019) réalisé en collaboration avec des enseignants du primaire sont présentés. Équipe de Recherche L’équipe de recherche compte trois chercheures: une experte de l’évaluation des apprentissages, une didacticienne de l’US et une chercheure ayant une expertise en recherche collaborative. Deux conseillers pédagogiques porteurs des dossiers de l’US et de la ST intègrent également le groupe. Finalement, l’équipe comprend six enseignantes du primaire qui en sont à leur deuxième projet de recherche avec l’équipe (FUQAC-2015-2017). La collaboration est donc déjà bien établie. Devis Méthodologique La recherche a commencé en décembre 2017 dès l’obtention de la certification éthique de la part de l’université d’attache (CE-602-184- 07). Afin d’en arriver à un maillage d’expertise, le devis méthodologique intègre des journées de réflexion en équipe et des entrevues semi-dirigées. Le tableau 1, présente le devis méthodologique comprenant les outils de collecte et les axes développés lors des communautés de pratiques et des entrevues semi-dirigées. , Goiânia, v. 23, p. 1-27, 2020. 12 Tableau 1 - Devis méthodologique Collecte de Outils de Dates Axes développés données collecte Les objets d’apprentissage en US (quoi) Entrevue Février Canevas Planification de l’US (quoi, pourquoi semi-dirigée 2018 entrevue 1 et comment) (60-75 min.) Planification de l’évaluation des apprentissages Journée de Planification des apprentissages en Décembre Canevas de réflexion US (quoi, pourquoi et comment) 2017 focus group (6 heures) Critères d’évaluation (quoi) Objets d’apprentissage en US (quoi) Rétroactions sur les apprentissages (pourquoi) Journée de Mars Canevas de Critères d’évaluation en US (quoi) réflexion 2018 focus group Démarches de l’évaluation et les (6 heures) ressources (comment) Communication aux parents (pourquoi) Entrevue Critères d’évaluation (quoi) Mai Canevas semi-dirigée Rétroactions aux élèves (pourquoi) 2018 d’entrevue 2 (60-75 min.) Démarche d’évaluation (comment) Source: Conception des auteurs. Chacun de ses axes était développé en profondeur selon les élé- ments du cadre conceptuel présenté plus haut. Plus précisément, en décembre 2017, une première journée de réflexion a permis de cerner les pratiques des enseignantes, présenter les critères d’évaluation en US, et les opérations intellectuelles et proposer une clé de planifica- tion par le biais des critères d’évaluation. Les échanges ont permis également de clarifier les priorités et les démarches en US. L’analyse des données de cette première communauté a permis d’identifier un premier signe de réflexion autour du quoi et de constater comment la diversité des élèves était prise en compte. En février 2018, une première entrevue semi-dirigée d’une durée de 60 à 75 minutes a été menée auprès de chaque enseignante. Le canevas, comportant quelques questions ouvertes, comprenait deux axes: la plani- fication des objets d’apprentissage et la planification de l’évaluation des , Goiânia, v. 23, p. 1-27, 2020. 13 apprentissages. Le premier axe comprenait sept questions qui abordaient les objets d’apprentissage ciblés, le choix de ces objets d’apprentissage, le temps de planification, la façon de planifier (en équipe, les éléments importants), les outils utilisés pour planifier, les priorités et les réalisations des élèves. Le deuxième axe comprenait cinq questions, à savoir les pra- tiques d’évaluation, la fonction de l’évaluation, les outils pour évaluer, les pratiques de rétroaction et les pratiques de planification de l’évaluation. Ces questions permettaient d’observer comment les enseignants prenaient en compte la diversité des élèves et quelle importance elles accordaient à l’évaluation formative. En mars 2018, une deuxième journée de réflexion a eu lieu, soit un mois après les entrevues. Le contenu de cette journée visait à présenter une synthèse du contenu des entrevues. Les enseignantes ont commenté les différents résultats présentés par les chercheures. La journée a permis d’échanger autour des critères d’évaluation en US et de mettre de l’avant l’interprétation que chacun en faisait. La question des types de rétroac- tions qui peuvent être réalisés a été abordée brièvement. Finalement, les enseignantes sont reparties avec un tableau dans lequel elles devaient intégrer les critères d’évaluation qu’elles ciblaient, décrire la situation d’apprentissage, identifier les questions posées aux élèves et identifier les réussites et les blocages que les élèves vivaient. En mai 2018, une deuxième entrevue semi-dirigée a eu lieu. Le cane- vas d’entrevue comprenait trois axes. Le premier axe consistait à échanger autour du tableau remis lors de la dernière journée de réflexion pour dégager les pratiques de rétroaction et pour observer comment les difficultés des élèves étaient surmontées par les enseignants. Le deuxième axe portait sur la rétroaction et comptait quatre questions: le moment des rétroactions, les cibles de la rétroaction, l’adaptation de la rétroaction par rapport à un élève, et l’objet sur lequel porte la rétroaction. Le dernier axe portait sur la planification des objets d’apprentissage et comptait six questions: l’objet d’apprentissage, la cible d’apprentissage, le processus de l’activité, la production finale de l’élève, la planification de la situation et les pratiques d’évaluation. Le but étant de collecter de l’information autour du quoi, du pourquoi et du comment en ce qui a trait à l’évaluation des apprentissages. Analyse des données L’analyse des transcriptions des entrevues et des documents est une analyse qualitative interprétative (SAVOIE-ZAJC, 2011). Elle est réalisée , Goiânia, v. 23, p. 1-27, 2020. 14 selon les phases proposées par L’Écuyer (1990). Elle est de type inductif délibéré. Elle est inductive, puisque les échanges avec les enseignantes nous ont amené vers l’émergence de nouvelles catégories comme la question de la compréhension de la discipline. L’analyse est également délibérée, car le cadre conceptuel propose déjà une certaine catégorisation précon- struite des données en définissant la planification par les angles du quoi, du pourquoi et du comment. Le codage des données est, par conséquent, mixte (VAN DER MAREN, 1995). RÉSULTATS En tout, six enseignantes ont participé au projet. Les propos de deux enseignantes n’ont pas été retenus puisque l’une d’elles, étant au premier cycle, n’évaluait pas son enseignement de l’US et que l’autre a participé au projet surtout dans le volet de l’enseignement des sciences et technologies. Les résultats présentent les propos de quatre enseignantes (E2, E3, E4, E6) qui ont créé des séquences en US. Pour chaque enseignante, nous avons retenu les dires qui abordaient l’une des trois parties du cadre conceptuel, à savoir: le quoi, le pourquoi et le comment. Les résultats sont présentés dans l’ordre chronologique de la collecte de données. Portrait initial des pratiques évaluatives de quatre enseignantes E2 est titulaire d’une classe de 6e année du primaire. Pour l’en- seignement de l’US, elle se fie à son matériel didactique. Cependant, elle n’est pas satisfaite, d’une part, parce que ce matériel n’est pas assez orienté vers la géographie et, d’autre part, l’obligation de remplir le cahier d’exercices démotive les élèves. Aussi, elle mentionne que les évaluations du cahier sont très difficiles. Elle a de la peine à poser un jugement sur la progression des élèves, particulièrement lorsque le résultat de l’évaluation est un “échec”. Elle soulève aussi le fait que les parents sont exigeants et qu’ils veulent comprendre “la note” de leur enfant. La justification est ardue puisqu’elle manque de traces et que l’évaluation du matériel didactique ne correspond pas nécessairement à ce qu’elle voit en classe. E3, est titulaire d’une classe de 6e année. Elle a structuré son enseignement autour de ressources différentes. Elle commence l’année avec la réalisation d’un cahier interactif qui consiste à intégrer des fiches reproductives sur les concepts de géographie. Ensuite, elle propose diffé- , Goiânia, v. 23, p. 1-27, 2020. 15 rentes activités comme des pièces de théâtre ou des jeux de rôle. Elle met à profit ces activités pour évaluer la communication orale. Elle reconnait que les évaluations du matériel didactique sont difficiles. Selon elle, le plus difficile est la mémorisation des faits pour les jeunes. Elle mentionne évaluer parfois l’US par le biais de “mots croisés”. E4 enseigne en 6e année. Comme ses collègues, elle utilise un maté- riel didactique pour l’enseignement de l’US. Elle s’appuie sur les activités du cahier pour sa planification. Elle soulève la difficulté des évaluations dans ce matériel. Pour y remédier, elle permet aux élèves d’utiliser leur livre pour les réaliser. E6 enseigne en 5e année. Elle suit un matériel didactique, mais dit ne pas utiliser l’évaluation proposée par le matériel. Elle crée sa propre évaluation. Pour aider les élèves à se préparer à l’évaluation, elle surligne les informations importantes dans les textes du matériel didactique. Ce- pendant, elle reconnait les limites de cette approche et souhaite trouver d’autres façons d’évaluer comme, par exemple, par le biais de productions écrites ou de pièces de théâtre. Le premier constat qui se dégage est le fait que toutes les ensei- gnantes ressentent le besoin de s’appuyer sur un matériel didactique pour enseigner l’US. En s’appuyant sur les activités, elles se centrent sur l’acquisition de connaissances déclaratives sans nécessairement avoir une réflexion autour des démarches didactiques de l’US (conceptualisation, recherche, résolution de problème). Étant uniquement sur l’acquisition de connaissances, les critères d’évaluation en lien avec l’enseignement de l’US - dont les opérations intellectuelles - sont absents. L’US est considéré avant tout comme la mémorisation d’un récit par le biais d’une suite de connaissances. Dans ce cas, il est plus difficile pour les enseignantes de faire des rétroactions aux élèves qui viseraient la régulation de l’apprentissage dans les démarches, les stratégies, les techniques et, encore, les opérations intellectuelles (habiletés). La diversité des élèves, les besoins de chacun d’entre eux, ne sont donc pas pris en compte. Première journée de réflexion Lors de la première journée de réflexion, deux enseignantes men- tionnent vouloir apporter certaines modifications à leur planification de l’enseignement de l’US. E3 explique que les élèves doivent représenter un ministère et défendre un projet de loi. , Goiânia, v. 23, p. 1-27, 2020. 16 L’enseignante veut voir ce qu’ils retiennent des projets de loi et quels changements ils sont capables d’interpréter. E4 souhaite utiliser la grille proposée pour évaluer trois opérations intellectuelles dans le cadre de la thématique “de 1900 à 1960”. Cette grille comprend la liste des élèves et les opérations intellectuelles. Les autres enseignantes ne semblaient pas nécessairement prêtes à faire des modifications dans leurs pratiques évaluatives restent centrées sur l’acquisition des connaissances en US. Leur priorité en termes d’enseignement de l’US est encore affective. Entrevue 1: le quoi, le pourquoi et le comment La première entrevue a eu lieu deux mois après la première com- munauté d’apprentissage. E2 et E4 commencent à cibler les objets d’apprentissage en lien avec l’US en réfléchissant à leurs situations d’apprentissage par le biais des critères d’évaluation de l’US. Toutes les deux ont également commencé à intégrer des moments de rétroactions par le biais d’observation ou encore, de cartes d’organisation d’idées. Par exemple, E2 cible la causalité comme objet d’évaluation, ce qui lui permet de penser à de nouvelles façons d’évaluer comme la “carte d’organisation d’idées”. Cette carte lui permet de “voir si mon enseignement n’est pas complet, on va aller retravailler, et là je vais les préparer [à l’examen] ”. E4 cible trois critères qui lui permettent de mieux orienter ses observations. Cependant, la priorité pour E4 est encore le volet affectif, mais pas nécessairement dans le sens didactique du terme. Du côté de E6, on constate qu’elle identifie certaines caracté- ristiques issues des connaissances en US. Cependant, E3 et E6 utilisent toutes les deux l’US pour évaluer des objets de la didactique du français, que ce soit la communication orale pour E3 ou la communication écrite pour E6. Deuxième journée de réflexion Les enseignantes mentionnent que la découverte des critères leur permet d’avancer dans la compréhension de l’enseignement de l’US. Elles prennent du recul par rapport aux examens et elles modi- fient certaines stratégies. Cependant, ce recul semblait ne pas plaire aux parents qui sont habitués à recevoir des examens notés dans une démarche sommative. , Goiânia, v. 23, p. 1-27, 2020. 17 Moi, dans un examen, j’ai fait ça dans US, il y avait des questions, mais, entre autres, il y avait “situer sur son territoire”. Je faisais venir le jeune et je le faisais avec lui. Je voulais qu’il m’explique le territoire, qu’il m’explique les attentes… Il vient, il me parle de la carte. Je fais un peu de changements et de causalités en même temps et il me parle d’autres choses… Sur ce numéro-là, j’ai donné une grande pondéra- tion… Il a fallu vraiment que je le détaille comme il faut, parce que je l’ai fait en prévision que je me ferais rebondir là-dessus (E2:Commu- nauté2_14-03-2018). À ce stade, pour les autres enseignantes, l’histoire est vue comme une succession d’évènements et il faut d’abord intégrer ces connaissances pour ensuite réaliser des opérations intellectuelles. Entrevue 2: le quoi, le pourquoi et le comment E2 a poursuivi sa réflexion autour du développement de la causalité chez l’élève en y ajoutant d’autres critères, comme celui d’établir des faits et de situer dans le temps. L’activité autour du musée des années 1980 ainsi que les pratiques évaluatives mettent également de l’avant la prise en compte de la compétence “interpréter le changement”: J’ai une grille avec ma causalité. J’allais rencontrer les élèves in- dividuellement lors du musée. J’ai dit: Vous allez préparer un objet… je leur avais expliqué ce que je voulais voir, vraiment entre les époques quand (comment?) on est rendu là. Ils avaient leur objet et ils me le présentaient […]. Elle est précise dans ses attentes et les explique aux élèves. Elle explique aussi comment elle a travaillé lorsque la source apportée par l’élève présentait des limites (SEIXAS et MORTON, 2013). Au lieu de laisser tomber une source difficilement traitable, elle place l’élève dans une démarche de résolution de problème et l’accompagne dans son question- nement. On peut y voir un changement dans les priorités (pourquoi) qui, dans ce cas, seraient liées aux priorités méthodologiques. L’enseignante E2 a mentionné également certaines techniques qu’elle travaillait (ligne du temps). Au terme de la recherche, l’analyse des propos de E2 permet de constater des liens solides entre le quoi, le pourquoi et le comment ainsi qu’entre la didactique et l’évaluation des apprentissages. Par ailleurs, ces liens solides permettent de mettre en évidence une meilleure attention par rapport à la diversité des élèves. Ses activités sont inclusives et ce n’est , Goiânia, v. 23, p. 1-27, 2020. 18 pas par le biais du questionnement et de l’accompagnement que l’élève réussit à atteindre les cibles d’apprentissage. E3 reste sur sa position d’évaluer l’acquisition de connaissances. E4 a mis en place le LapBook pour répondre à une priorité mé- thodologique. Elle voulait que les élèves prennent conscience qu’entre l’Afrique du Sud et le Québec, il y avait des différences, mais, aussi, des ressemblances. Elle a aussi pris en compte les priorités conceptuelles en misant sur les apprentissages antérieurs des élèves par rapport à des concepts comme le climat. Les compétences font également partie de sa planification. E4 présente de plus en plus de pratiques qui visent à tendre vers la démarche de recherche en US. Quant à ses pratiques évaluatives, elles se situent beaucoup plus dans une démarche descriptive et intègrent des rétroactions informelles. Au terme de la recherche, l’analyse des pro- pos de E4 permet de constater des liens qui se développent entre le quoi, le pourquoi et le comment ainsi qu’entre la didactique et l’évaluation des apprentissages. Son activité du LapBook vise aussi à offrir aux élèves la possibilité de pouvoir s’exprimer selon leurs besoins et leur personnalité. On perçoit ici un début d’approche inclusive. E6 se centre encore sur les connaissances pour l’évaluation des apprentissages. Elle enseigne des connaissances parce que l’examen est axé sur les connaissances, et ce, même si elle utilise déjà une grille d’ob- servation avec certains critères en US. La démarche évaluative est encore très sommative, mais cela provient de sa centration sur les connaissances et du besoin de réaliser des examens. Discussion et conclusion Les résultats ont permis de décrire le portrait initial et l’ajuste- ment des pratiques évaluatives en univers social (US) d’enseignantes au primaire. Différents constats découlent de l’analyse des résultats et nous permettent de dégager des pistes de réflexion pour favoriser une évaluation des apprentissages plus inclusive. Le premier constat met de l’avant l’importance de la dynamique étroite qui s’installe entre les objets d’apprentissage appartenant à la discipline et les critères d’évaluation (quoi). Le deuxième constat met de l’avant l’importance de considérer les spécificités de la didactique liée à la discipline enseignée pour adopter des pratiques évaluatives visant la régulation des apprentissages (pour- quoi). Le troisième constat est le fait que les démarches d’apprentissage et de l’évaluation ne peuvent changer que si les sphères du quoi et du , Goiânia, v. 23, p. 1-27, 2020. 19 pourquoi sont en adéquation avec les disciplines. Chacun de ces constats est discuté dans la suite du texte. La Dynamique Etroite Entre les Objets D’apprentissage de la Discipline et les Critères D’évaluation (Quoi) Le principe de cohérence dans l’évaluation des apprentissages (GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, 2003) suppose que l’évaluation devrait être en lien étroit avec les activités d’apprentissage en classe. Par- tant de ce principe, E3 et E6 proposent comme activité d’apprentissage en US une pièce de théâtre, mais leurs cibles d’évaluation concernent surtout l’apprentissage du français. Dans ce contexte, uniquement les connaissances déclaratives sont identifiées par les enseignantes. Ces deux enseignantes cernent plus difficilement les objets d’apprentissage tels que les stratégies, les démarches, les habiletés et les techniques. Par conséquent, les critères officiels pour évaluer l’US sont mis de côté. À l’inverse, E2 a pris conscience des objets d’apprentissage en US du- rant le projet de recherche. Elle a donc amorcé une réflexion sur ses activités d’apprentissage pour s’assurer que celles-ci correspondent à l’évaluation des apprentissages et, rapidement, les critères d’évaluation officiels en US se sont insérés dans sa planification. Stiggins (2008) mentionne que tout élève peut atteindre sa cible s’il la connait. La première étape pour s’assurer d’une évaluation cohérente qui permet à l’élève de connaitre sa cible est de s’assurer que l’enseignant cerne bien les objets d’apprentissage liés à la discipline. Cette première étape lui permet ensuite de choisir ses critères et de revoir ses activités d’ap- prentissage et d’évaluation (comment). Considérer les Spécificités de la Didactique Pour Adopter des Pratiques Evaluatives Visant la Régulation des Apprentissages (Pourquoi) Lorsque E2 a pris conscience de ses difficultés à travailler le lien de causalité avec ses élèves, elle a remis en question l’ensemble de son activité d’apprentissage. Elle a pris conscience que l’enseignement de l’US demandait des considérations didactiques particulières. Dans son cas, elle a choisi d’établir des priorités méthodologiques. En d’autres termes, lorsque les enseignants établissent des priorités conceptuelles, méthodologiques ou affectives, ils repensent entièrement leur façon , Goiânia, v. 23, p. 1-27, 2020. 20 d’enseigner l’US. Ils modifient leur représentation de l’enseignement comme une suite d’évènements chronologiques pour une représenta- tion qui prend en compte toute la dimension d’interprétation du passé par le biais de démarches de recherche, de résolution de problème et de conceptualisation. Ainsi, les enseignants optent pour des démarches issues de la didactique de l’US (comment). Ce qui est intéressant dans cette modification du pourquoi est que l’évaluation des apprentissages se modifie également. Ainsi, si on revient à E2, en modifiant ses prio- rités (pourquoi), elle modifie également la fonction de l’évaluation des apprentissages. L’enseignante a intégré l’évaluation par entrevue qui lui permet de rétroagir durant les activités, elle a ajouté des moments d’ob- servation et d’échanges pour accompagner l’élève dans ses apprentissages et elle a opté pour une grille qui lui permet de garder des traces au fur et à mesure des activités. Elle s’inscrit dans une approche inclusive qui prend en compte la diversité de chaque élève. L’évaluation n’est plus là pour sanctionner, mais bien pour accompagner chaque élève dans la progression de ses compétences. Nous avons constaté des changements sensiblement identiques chez E4. Transformer les Démarches en US Et En Evaluation des Apprentissages (Comment) en Réfléchissant D’abord au Quoi et au Pourquoi Les résultats obtenus dans ce projet de recherche ont mis de l’avant que les enseignants commençaient toujours par réfléchir au comment en choisissant des activités “plaisantes”. Or, cette façon de faire les éloigne des priorités de la discipline et des objets d’apprentissage en US. Lors- qu’ils planifient l’évaluation, elle se réalise à la fin de l’activité. Ainsi, ils vivent une ambigüité: d’un côté l’activité “plaisante” (pièce de théâtre, production écrite, etc.) ne correspond pas aux démarches de l’US et, de l’autre, seules les connaissances déclaratives sont vues. La seule option qui a du sens pour évaluer est l’examen portant sur l’acquisition des connaissances. Dans ce contexte, les élèves qui ont plus de difficultés à mémoriser sont en situation d’échec. Lorsque les enseignantes modifient leur compréhension de la discipline en optant pour des priorités et des objets disciplinaires, les activités prennent systématiquement une autre forme pour s’ancrer dans une approche de recherche. Pour évaluer les élèves, les enseignants modifient leurs stratégies et choisissent des moyens qui s’inscrivent dans une démarche descriptive de l’évaluation. Ainsi, , Goiânia, v. 23, p. 1-27, 2020. 21 l’activité et l’évaluation deviennent beaucoup plus cohérentes, ce qui amène nécessairement une certaine souplesse pour modifier l’activité selon les besoins des élèves. Quelles Pistes de Réflexion pour Développer une Evaluation Plus Inclusive? L’approche inclusive, comme définie au début de cet article, part des principes que l’enseignant croit en l’éducabilité de l’élève, qu’il propose des situations s’inscrivant dans la théorie du socioconstruc- tivisme et qu’il favorise l’éducation à la citoyenneté démocratique (PRUD’HOMME et al., 2011). Les résultats de cette recherche nous amènent à proposer des pistes pour chacun de ces principes. Le premier principe est celui que l’enseignant croit en l’éducabilité de l’élève. Cela signifie que tout élève peut réussir si l’enseignant met les moyens en place. L’évaluation formative dans une fonction de régulation permet d’améliorer l’accompagnement à l’élève et elle permet à l’ensei- gnant de se questionner sur les situations d’apprentissage mises en place. Or, pour accompagner l’élève et répondre à ses besoins, il importe de bien choisir la cible d’apprentissage. Cette compréhension de la cible ne peut se faire sans une réflexion approfondie autour de l’épistémologie de la discipline enseignée. En histoire, le but n’est pas de mémoriser un ensemble de dates, mais bien de développer la pensée historique (PH) par le biais du développement d’opérations intellectuelles. Alors que la mé- morisation peut placer les élèves en échec, le développement d’opérations intellectuelles se réalise dans un continuum à la mesure de ce que l’élève réussit à faire. Par exemple, établir des faits peut se faire à partir d’images pour les élèves en difficultés de lecture et par des textes historiques pour les élèves ayant plus de facilité. L’idée est d’offrir un ensemble de documents parmi lesquels l’élève pourra choisir selon ses besoins et sur lesquels il s’appuiera pour élaborer son interprétation. L’enseignant réajustera le tir au fur et à mesure de ses observations pour ajouter de l’information ou en supprimer selon les besoins de l’élève. Mais, pour réussir à bien doser l’information et les besoins de l’élève, il est primordial qu’il connaisse la cible de l’apprentissage (le quoi) qui, dans le cas de cette recherche, est les opérations intellectuelles faisant office de critères d’évaluation dans les cadres d’évaluation (GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, 2011). Le deuxième principe réside dans le fait que l’enseignant suggère des situations s’inscrivant dans le socioconstructivisme. Les résultats de , Goiânia, v. 23, p. 1-27, 2020. 22 cette recherche ont mis de l’avant que les enseignants étaient prisonniers des manuels didactiques et que leur utilisation les amenait à favoriser un enseignement plutôt collectif et une évaluation axée sur la bonne réponse et la sanction des apprentissages. En ayant une cible d’apprentissage plus claire, les enseignants étaient en mesure de modifier leurs situations d’apprentissage et de se donner beaucoup plus de liberté. Cette liberté a facilité l’évaluation formative chez certains enseignants et ils ont été en mesure d’offrir un suivi régulier à l’élève sur sa progression. La question n’est plus de savoir quel élève réussit ou pas au terme d’une situation, mais plutôt que dois-je mettre en place pour qu’il réussisse et comment puis-je aller chercher l’information qu’il me manque pour juger de sa progression? Le dernier principe est celui de favoriser la citoyenneté démocra- tique. En optant pour le développement de la PH et en développant les opérations intellectuelles, on dote les élèves d’un esprit critique et ont leur donne la possibilité de s’exprimer par rapport à l’histoire. L’histoire n’est pas un récit d’évènements immuables, mais bien le portrait d’un regard porté par un pan de la population sur un évènement. Ce portrait peut être débattu, déconstruit et reconstruit. L’élève apprend à inter- préter le récit à partir de points de vue différents, y compris le sien. Ce processus ne peut se faire sans avoir recours à une évaluation formative qui porte sur le processus plus que sur la réponse finale. Et, en optant pour une évaluation du processus, automatiquement, l’enseignant se retrouve à engager avec l’élève: un échange sur la compréhension des concepts et sur sa capacité à se positionner et à argumenter, lesquels constituent des éléments essentiels au développement d’une citoyenneté démocratique. En conclusion, pour favoriser une approche inclusive, il im- porte de penser l’évaluation à partir des considérations didactiques, de travailler étroitement avec les enseignants pour s’assurer de leur compréhension de la discipline (le quoi et le pourquoi) et de favoriser des équipes de recherche multidisciplinaires intégrant des didacticiens et des spécialistes de l’évaluation des apprentissages. Finalement, le projet présenté dans cet article se poursuit actuellement pour une deuxième année. Les résultats préliminaires nous permettent de croire que la transformation des pratiques se poursuit et que les enseignants adopteront des pratiques évaluatives qui favorisent la régulation des apprentissages et, par le fait même, des pratiques plus inclusives de l’enseignement. , Goiânia, v. 23, p. 1-27, 2020. 23 REFLECTING ON THE DIDACTIC CONSIDERATIONS SURROUNDING SOCIAL STUDIES TO PROMOTE MORE INCLUSIVE ASSESSMENT PRACTICES: WHO, WHY AND HOW? Abstract: The inclusive approach has become a topical issue given our so- cieties’ current belief in universal educability. Yet the assessment of learning is still understood from a standpoint of certifying student learning, and the move back to number grades has not helped. The result is that teachers’ assessment practices continue to promote a vision geared toward ranking students as “good” or “not so good”. This article presents a collaborative study conducted with four primary teachers. The results, stemming from reflection days and semi-structured interviews, help sketch an evolving portrait of teachers’ practices, and point to avenues of reflection to foster more inclusive assessment. The conclusion confirms the importance of for- mative assessment in promoting the inclusive approach, and emphasizes the value of taking the specificities of didactics into account in order to better determine the objects of learning. Keywords: Assessment of learning. Social studies. Feedback. Didactics. Collaborative research. Nous remercions le Conseil de recherche des sciences humaines d’avoir subventionné ce projet (2017‑2019). Nota 1 Le projet portait à la fois sur l’enseignement de l’US et sur l’enseignement des ST. Toutefois, les résultats présentés dans cet article portent uniquement sur l’US. Références AKKARI, A.; BARRY, V. Pour une école inclusive: des intentions aux réalisations. Revue internationale d’éducation de Sèvres, Sèvre, France, n. 78, p. 37-46, 2018. 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