L'enterrement de ma mère OCR PDF
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Summary
This story recounts the funeral of the author's mother in the village of Louboulou, Congo-Brazzaville. The author, returning from Paris encounters the community's traditions, including the extended period of mourning. The atmosphere is described as one of sadness and community support.
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Lenterrement de ma mére CHAPIN T oiease e eee mins 7 Chapitre 11 aces once nema ki eset erties 51 Chapitre 12 suseemeees 54 Chapitre 13. 2... 2... cece eee cees 60 Chapitre 14 a ey ...
Lenterrement de ma mére CHAPIN T oiease e eee mins 7 Chapitre 11 aces once nema ki eset erties 51 Chapitre 12 suseemeees 54 Chapitre 13. 2... 2... cece eee cees 60 Chapitre 14 a ey Chapitre 1 Aujourd9hui, c9est le jour de l9enterrement de ma mére. Je crois bien qu9il va pleuvoir d'un moment 4 l9autre. Dans notre village, on pense que c9est la pluie qui efface les péchés d9une personne décédée. C9est un jour triste aujourd9hui. Méme les oiseaux semblent perdus dans le ciel. Je les vois s9envoler maladroitement et se poser sur les arbres en regardant vers moi. Il y a du monde devant notre case. Tout le village est lå. I y a aussi les habitants des autres villages qui sont venus. Personne n9est allé aux champs. Les commercants ont fermé leurs magasins depuis midi. Des femmes chantent et pleurent. Des hommes jouent aux cartes et boivent de I9alcool de mais. Le village de Louboulou va bientét dire adieu å ma mére et l9accompagner jusqu9au cimetiére, sa derniére maison ou elle reposera pour toujours... Pendant six jours, les villageois ont dormi 7 expliqué qu9on devait encore attendre parce devant notre case, jusque dans la rue. IIs ont mangé par terre. La nuit, ils ont allumé des que jétais le seul enfant que la défunte avait bougies et préparé du café et du thé. laissé. Il n9y aurait pas d9enterrement tant que je ne serais pas arrivé. Cette veillée a trop duré. Quand le chef du village parle, tout le Pourtant, å Louboulou, une veillée ne dure monde lui obéit. Alors, les vieux sont allés au que deux jours. Or les villageois m'attendaient milieu de la forét pour chercher des plantes qui depuis plus d9une semaine. empéchent un cadavre de pourrir... Six jours de veillée, cela a dépassé les limites pour un cadavre qu9on ne gardait pas a I9hdpi- tal, mais au village, devant notre case, au milieu de la foule. Je suis venu de Paris. C9est un long trajet. Plus de six mille kilo- métres séparent la France de mon pays d9ori- gine, le Congo-Brazzaville. Ce pays est situé au centre de l9Afrique noire, 4 c6té du Gabon, du Cameroun et de l9ancien Zaire qui est devenu aujourd9hui la République Démocratique du Congo. | Dans notre village, Louboulou, on a cru pen- dant longtemps que je ne viendrais plus. Que je n9assisterais pas aux funérailles. Les villa- geois ont méme demandé qu9on enterre vite le corps de ma mére qui commengait 4 se décom- poser a cause de Ja chaleur. Le chef du village n9était pas d9accord. Il a 8 Chapitre 2 Louboulou est un petit village perdu dans la forét et les montagnes du Sud du Congo-Braz- zaville. Plus de trois cents habitants vivent lå. On les appelle les Louboulois. Les cases sont rondes et construites avec de la terre cuite. Elles se suivent les unes aprés les autres le long d'une grande route. La terre de notre village est rouge et poussiéreuse mais trés féconde. Les moutons et les cochons vivent dehors. Les poules et les coqs dorment sur les branches des arbres. I] fait chaud du mois d9octobre au mois de mai: c'est la saison des pluies. Pendant les autres mois, le village, comme tout notre pays, traverse une petite sécheresse. Le vent souffle a cette période. Les paysans préparent les 8champs et attendent avec impatience l9arrivée de la saison des pluies. Une grande case, que nous appelons la Case & palabres, a été construite 4 Louboulou. C'est la que le Chef du village et plusieurs vieux réglent les problémes des habitants : des disputes entre époux, des conflits d9héritage, de terrains, ou méme des vols d9animaux ou de fruits. 10 La Case å palabres est le tribunal de notre vil- Un train passe dans le village une fois tous lage. A Vintérieur, il y a surtout des masques et les quinze jours. C9est un train qui vient de. des statuettes qui effrayent les enfants et méme Brazzaville, la capitale politique, et qui va jus- les adultes.On ne doit pas mentir quand on qu9a Pointe-Noire, la ville économique de notre entre dans cette case. On laisse les chaussures pays. L9arrivée de ce train est l'occasion pour dehors. On se lave les mains dans une grande les villageois de vendre aux voyageurs des cuvette posée a l9entrée. On doit dire la vérité, bananes, des oranges ou des mangues. car les masques et les statuettes représentent Le passage du train est une grande féte chez nos ancétres et leur colére est impitoyable. nous. On se presse devant la petite gare. On se Le Chef du village et les membres de ce tribu- donne rendez-vous lå. Les filles se font belles. nal sont des sages. Ils ont la barbe et les cheveux Les garcons portent leurs plus beaux véte- tout blancs. Ils s9expriment au nom des nos ments. Les joueurs de tambours se mettent en ancétres avec qui ils discutent la nuit dans leurs rang sur le quai. On chante. On danse. Les réves. Ce sont les ancétres qui disent å ces vieux enfants n9écoutent plus leurs parents, ils courent comment juger les problémes des Louboulois. partout et font du bruit. Les sages ne parlent pas comme tout le monde. Ils ont appris 4 parler avec des proverbes. Et le Quand le train arrive, on crie, on se bouscule. public les applaudit et les respecte... Les Louboulois vendent des fruits de la région. Certains voyageurs descendent méme du train A Louboulou, il y a un marché, une infirmerie, pour discuter avec les villageois. D9autres trois magasins d9alimentation ot les villageois demandent de l'eau a boire. viennent acheter du riz, du poisson, du pain et Le train peut mettre plus de trente minutes a les autres aliments. Dans notre village il y a la gare, il suffit d9aller donner un cadeau au aussi une gare, une école primaire, un collége. conducteur. Le coup de sifflet du chef de gare I n9y a pas de lycée. Les jeunes qui finissent r9arréte pas l9agitation des villageois. Ils d9étudier au collége doivent aller vivre dans un aiment que la féte continue, qu'elle dure des internat, 4 deux cents kilométres, pour pour- heures entiéres. Mais le train doit pourtant suivre leurs études. partir. Le chef de gare écarte les enfants sur les bords de la voie ferrée. La féte est terminée. Le Chapitre 3 train démarre sous les applaudissements des villageois. Ils le regardent avec regret dispa- raitre dans la forét et les montagnes pendant que le conducteur salue tout ce monde. Je suis arrivé au Congo-Brazzaville hier dans la Les Louboulois devront attendre deux matinée. C9était le cinquiéme jour de la veillée semaines pour revoir un autre train au village... de ma mére. Je me rappelle que pendant mon voyage, dans l9avion de la compagnie aérienne Air Zee Afrique, Vimage de ma mére est revenue dans mes pensées. Ses yeux semblaient me fixer. J9ai cru entendre sa voix. Je me suis revu tout petit, CS lorsqu9elle me prenait dans ses bras, me soule- Ss vait et me portait sur son dos. J9ai aussi revu ma mére quand elle venait me prendre devant SR Yécole du village. Elle discutait souvent ise quelques instants avec notre maitre. Je ne sais See pas ce qu9ils se disaient. Elle lui donnait des cadeaux, comme tous les parents d9éléves. Chez nous, un maitre d9école est une personne honorable. C9est lui qui apprend aux enfants le respect des grandes personnes. C9est lui qui leur apprend également comment affronter les difficultés de la vie. Le maitre d9école est aussi important que le chef du village ou les anciens. Pendant que ma mére discutait avec notre maitre, j9attendais. J9étais pressé de rentrer. 15 Et nous repartions å la maison. pere, commesi celui-ci était toujours vivant. Ma mére disait qu9elle avait une surprise J8écoutais avec curiosité ce qu9elle racontait. pour moi. Je devinais déja cette surprise : elle Elle disait 4 mon pére qu9elle s9occupait de moi avait préparé un plat de porc avec des et que je travaillais bien a l9école. Elle lui racon- bananes. C9était le plat que je préférais, elle le tait ce qui se passait dans notre village. Elle savait. Nous mangions tous les deux sur une disait par exemple que le vieux Tossi, un des petite table, prés de la fenétre ou la lumiere du chefs de notre village, était mort 4 cent ans ou jour s9éloignait doucement. Nous mangions en que le Gouvernement avait construit un h6pi- silence devant le portrait de mon pére accroché tal au village ; ou encore, que plusieurs habi- au mur. C9est une vieille photo encadrée. C9est tants de Louboulou se rendaient en ville pour la seule image de mon pére que nous avions 4 chercher du travail. la maison. Ma mére me montrait cette photo en Elle disait aussi qu9elle attendait la saison disant que je ressemblais 4 mon pére. J9avais seche pour travailler dans nos plantations. Elle les méme yeux, le méme front et le méme sou- se plaignait de la vie qui devenait chére. Elle rire que lui. félicitait le chef du village qui était, selon elle, Et la nuit tombait enfin dans le village... un homme juste et qui venait nous voir. Ma mére ouvrait ensuite un panier dans Dans l9avion qui m9a ramené au Congo-Braz- lequel elle avait mis un plat de mouton aux zaville, je me suis souvenu qu9é Louboulou, a bananes. C9était le plat préféré de son mari. quelques métres de notre case, il y avait la tombe Elle ouvrait une petite marmite et sortait des de mon pére. assiettes et des cuilléres en bois. Elle sortait Quand jétais tout petit, ma mére et moi aussi une bouteille de vin de palme. Avant de nous allions balayer cette tombe avant la sai- manger, elle arrosait la tombe de mon pére son des pluies. avec ce vin. Puis, elle s9asseyait et m9appelait. Le jour de la féte des morts, nous allions Nous mangions en jetant de gros morceaux rendre visite 4 mon pére avec des fleurs rouges de viande de mouton sur la tombe. Je n9avais et jaunes que nous déposions sur sa tombe. pas trés faim. Mais je devais manger. Je n9arri- Jentendais soudain ma mére parler 4 mon vais pas toujours. Et ma mére disait que mon 16 17 pere était triste parce que je ne mangeais pas. C9était un rendez-vous important pour nous. Puis, l8appétit me revenait aussit6t... Avant d9y aller, ma mére nvhabillait de véte- ments neufs qu'elle avait achetés en ville. Elle Ces conversations avec mon pére pouvaient cirait mes chaussures et peignait mes cheveux. durer des heures. Ma mére riait d9abord et cela Je devais apprendre mes lecons et les réciter au métonnait beaucoup. Puis elle se mettait a cimetiére pour que mon pére soit fier de moi. pleurer et essuyait ses larmes en me tournant Je récitais mes cours d'histoire, de géographie, le dos. Elle m9avait toujours caché ses larmes. les poémes de Victor Hugo ou les fables de La Elle savait qu9en la voyant pleurer je pleurais Fontaine... aussi. Pendant que ma mére parlait sur la tombe de mon pére, je m9asseyais un peu plus loin, par terre, et je regardais s9envoler les papillons. Ma mére m9appelait ensuite pour que je dise au revoir 4 mon pére. Je ne savais pas quoi dire. Je m/arrétais et elle me poussait vers la tombe. 4 Michel, dis au revoir å ton papa, il t9écoute, disait-elle. Je r9arrivais pas a parler å une personne que je ne voyais pas. En ce temps-la, j'imaginais que mon pére se cachait sous terre. Je voulais le voir en vrai. Je ne 9avais pas connu, puisqu9il était mort quelques mois aprés ma naissance... Chaque année nous devions donc revenir devant la tombe de mon pére pour lui dire bonjour. Nous passions toute la journée la. 18 d9eux. Dans notre village, le cimetiére est un Chapitre 4 lieu sacré. Nous passons devant sans parler. Tout le monde respecte ces hommes, ces femmes et ces enfants qui ne sont plus de ce monde. Ce sont eux qui nous protégent. Avant Je suis sår que mon pére nous écoutait et nous de boire de l9eau ou du vin, il faut verser un accompagnait dans notre vie de tous les jours. peu par terre pour qu9ils puissent aussi boire. Je peux méme dire que c'est gråce å mon pére Sous terre, ils ont trés soif. que je suis arrivé en France of je vis actuelle- ment. Je me rappelle que mon pére m/avait aidé Je penserai toujours que les morts ne nous méme en étant mort depuis des années. Je quittent jamais. On ne me croira peut-étre pas, peux le dire maintenant. Je repense parfois a ce car certaines personnes s'imaginent que les qu'il a fait pour moi le jour de mon examen. Je morts disparaissent aprés qu9ils ont été enter- venais d9avoir dix-sept ans et j/allais me pré- rés. Non, les morts ne nous abandonnent pas. senter au Baccalauréat. Le lycée que je fréquen- Ils sont avec nous. Ils vivent avec nous. Ils sont tais était A deux cents kilométres de notre vil- dans les marchés, au milieu de la foule, dans la lage. Je vivais å 9internat. Pendant les vacances, brousse, derriére les cases, partout ou les je retournais 4 Louboulou par le train pour vivants se trouvent. Nous pouvons oublier les rendre visite 4 ma mere. morts, mais eux ne nous oublient pas. Ils Cette année-la, j'étais donc revenu au village reviennent dans nos réves. C9est grace a eux depuis quelques jours seulement. Je voulais que le village ne subit plus la sécheresse. C9est rester prés de ma mére afin de préparer mon aussi grace 4 eux que nous vivons trés long- Baccalauréat. temps sur terre puisqu9ils prient pour nous, Je relisais mes lecons. Mais ma meére pour notre santé. Ma mére me le répétait sou- s8inquiétait lorsqu9elle s9apercevait que le jour vent et je continuerai a lui donner raison. de examen n9était plus loin. Nous devions Elle me disait surtout qu'il fallait respecter aller parler de cela å mon pére... les morts. Qu9il ne fallait pas dire du mal Nous sommes arrivés devant la tombe. Ma 20 21 x mére a dit 4 mon pére qw'il devait m'aider. Elle ma mére qu'il était fier de cette réussite a lui a demandé de me montrer dans un réve les laquelle il avait contribué. Il a rappelé que sujets qui seraient proposés a ]9examen. javais été, dans ma vie scolaire, trés timide Elle a beaucoup parlé. Elle croisait ses bras et mais aussi trés assidu. fermait les yeux. De temps 4 autre, elle s9age- A Louboulou, ma réussite a été un grand nouillait pour que mon pére puisse bien événement. l9entendre. Et nous avons récité ensemble des priéres Vai quitté le Congo quelques mois aprés. avec une bible qu9elle a ouverte. Ma mére a Je ne suis plus revenu dans mon pays depuis pris un peu de terre sur la tombe de mon pére. dix ans å cause de la guerre qui opposait le Elle l9a enroulée dans du papier et me I9a don- Nord et le Sud. C9est une guerre qui nous a née. J9ai mis cette terre dans ma poche. tous attristés. Nous ne comprenions pas que 4Garde cette terre jusqu9au jour de I9exa- les gens d9un méme pays puissent s9entretuer men, ton pére sera avec toi et te dictera tout ce pour une histoire de pouvoir politique. I que tu devras écrire ce jour-la... _parait que les gens du Sud n9acceptaient plus d9étre dirigés par les gens du Nord depuis C9est par la radio que nous avons appris que > Yindépendance du Congo-Brazzaville. Et les javais réussi mon baccalauréat. Ma mere était populations ont pris les armes pour se battre contente. Elle a remercié mon pére. dans les rues. Une semaine aprés la bonne nouvelle, un En France, j8écoutais les informations a la homme, envoyé par le Gouvernement, est radio. Aucun avion n/atterrissait dans notre venu au village. I a annoncé 4 ma mére que pays. Le téléphone et les autres moyens de YEtat m9avait accordé une bourse pour aller communication étaient coupés. On disait qu9il étudier en France. y avait des milliers de morts et des gens qui se Le Chef du village m9a félicité. Il a dit que je réfugiaient dans la forét. serais quelqu9un de trés important et que j8irais Je ne savais plus ce qu9étaient devenus ma trés loin dans les études. Notre ancien maitre mére et mon oncle... d9école primaire s9est aussi déplacé pour dire a 22 Chapitre 5 Oui, je n9ai pas vu mon pays et mon village depuis dix ans. Et maintenant, j'y allais pour enterrer ma mére. Dans I9avion qui me rame- nait au Congo-Brazzaville, j'étais en train de réver en regardant la photo de ma mére que javais dans mes mains. J9ai remis doucement la photo dans la poche de ma veste. J9ai essayé de ne plus penser 4 cet événement, aux funé- railles qui m9attendaient dans notre village. Je n9ai pas pu dormir. J9ai pris un journal. Je Vai refermé tout de suite. Je me suis souvenu du jour ov j'ai appris que ma mére était morte... C9est mon oncle maternel qui m9a annoncé au téléphone que ma mére venait de quitter ce monde. Pour me téléphoner, il avait pris le train et était allé jusqu9a Pointe-Noire. Au village, il n9y a pas de téléphone. Il a demandé aux Ser- vices des renseignements internationaux de la poste mon numéro de téléphone. J9étais trés surpris de l9entendre. Et, il m9a parlé. Il a dit que ma mére avait chacun. Ils ont compté leur nombre de dents. Ils courageusement lutté contre une longue mala- ont touché leurs muscles pour voir s9ils étaient die et qu9elle n9avait pas voulu que je sois au durs ou mous. Ils ont dit que les jeunes avaient courant de son hospitalisation, pour ne pas me des muscles durs et les vieux des muscles mous. causer de la peine. A la fin, ces Francais ont décidé de Tåge Apres un long silence, j'ai dit que ce n9était qwils donnaient aux habitants. pas possible, que ma mére ne pouvait pas Pour ma meére, ils ont dit qu9elle était née mourir comme ca. Elle était encore jeune. vers 1932 ! C'est vrai que je n9ai jamais su son age. A Je suis sår qu9il y a eu beaucoup d9erreurs en l9époque ow elle était née, il n9y avait aucun ce temps-la. Ma mére était toujours jeune mal- bureau qui notait les naissances. Les hommes gré les années qui passaient. Je ne me rappelle et les femmes de ces années-la n9ont pas d9acte pas avoirvu un seul cheveu blanc sur sa téte. de naissance. Pour savoir leur age, il faut se C9est pour cela que je n9ai pas voulu croire a sa rappeler les événements qui se sont passés le mort que mon oncle m9annongait... jour de leur naissance. Ainsi, ma mére me disait qu9elle était née le Lorsqu9il m9a téléphoné, mon oncle a eu du jour ot on avait vu pour la premiére fois des mal 4 m9apprendre la nouvelle. Il a beaucoup Blancs dans notre village. C9étaient des reli- hésité. Il s9est demandé ce que serait ma réac- gieux qui venaient parler de Dieu aux habi- tion. Ila dit « Alld » plusieurs fois. tants de Louboulou. Seuls les vieux peuvent se Je n9ai pas répondu. souvenir encore de ce jour-la. J9ai raccroché brusquement le téléphone. Quelques années plus tard, quand ona instal- Jai eu 8impression que tout sur Terre s9était lé un bureau pour enregistrer les naissances et arrété, que la nuit était brusquement tombée les morts du village, on a demandé 4 tout le autour de moi. Je suis resté debout, le regard monde de venir s9inscrire pour avoir un acte de baissé. J9ai toujours pensé, jusqu9a ce jour de naissance. Ce sont les Francais qui ont donné a malheur, que tout le monde pouvait mourir, chaque villageois un 4ge. Ils ont regardé tout le sauf ma mére. La mort ne pouvait jamais venir monde de trés prés. Ils ont mesuré la taille de la prendre. 26 Mon oncle a donc téléphoné une deuxiéme J8ai préparé mes affaires dans un sac de fois et m9a dit: voyage. Je n9ai pas oublié de prendre la photo 4 Garde ton calme, Michel, nous'nous occu- de ma mére avec moi. Marie-Jeanne, ma petite pons de tout. amie, n9a pas pu m9accompagner 4 |9aéroport, Je ne Vai pas écouté. II m9a informé qu9on elle travaillait ce soir-la dans un restaurant. mattendait au Congo-Brazzaville, dans notre Elle m9a appelé avant pour me souhaiter un village, pour l9enterrement. Tous les villageois bon voyage et beaucoup de courage. ont donné un peu d9argent pour me payer le Je suis arrivé trés tét a V9aéroport Roissy voyage qui cotte træs cher. Je n9avais plus qu9a Charles-de-Gaulle. Je n9ai méme pas remarqué aller récupérer mon billet d9avion å la compa- les gens qui allaient et qui venaient. Je n9ai pas gnie aérienne Air Afrique, å Paris, sur l9Avenue écouté le bruit des voyageurs qui devaient des Champs-Elysées. prendre le méme avion que moi. Je n9ai pensé qu9a ma mére. Chaque fois que jai vu une Un jour avant mon départ au Congo, je suis femme noire habillée avec des vétements afri- allé å 9 Avenue des Champs-Elysées pour reti- cains, mon cceur s9est mis a battre trés fort. Je rer le billet d9avion. J8avais quelques ¬conomies me disais que cette femme pouvait tre ma mere. å la banque, je pouvais moi-méme acheter ce Et je fermais les yeux. billet, mais dans notre pays on aide toujours celui qui vient d9avoir un malheur. Il ne faut Lheure du départ de l9avion était arrivée. Les pas refuser cette aide. gens s9embrassaient. Ils se disaient au revoir. Moi je suis resté lå, seul: Jai retiré mon billet d9avion a l9agence de voyages. Le départ était prévu a vingt-deux Je me suis levé. J9ai regardé 4 droite comme si heures, l9arrivée au Congo, å cing heures du jattendais quelqu9un. Et j'ai vu que j9étais tou- matin. jours seul. Je suis retourné å la maison, dans ma petite J'ai pris mon petit sac et je me suis avancé chambre du quatorziéme arrondissement de pour m9aligner derriére d9autres voyageurs. Paris. On a contrélé mes papiers et mon billet. On 29 m9a dit de changer mon passeport a mon retour en France. I allait bient6t étre périmé. Jai dit aux agents que jallais au Congo pour enterrer ma mére. Ils ont trouvé cela normal, ils ne m9ont rien dit. Je suis enfin passé et jai suivi un long cou- loir pour arriver jusqu9a l9avion. Des hétesses mont accueilli en souriant. J9ai aussi souri, car ce n9était pas de leur faute si ma mere r'était plus vivante. On dit dans mon vil- lage qwil ne faut pas montrer å tout le monde qu9on est malheureux. Il faut cacher sa peine. Une hétesse m9a montré mon siége prés de la fenétre. A cdté de moi, je n9ai vu personne. Peut-étre qu9un voyageur n9a pas pu étre a Y'aéroport a temps. Je me suis assis avec mon sac sur les genoux. J8ai encore sorti la photo de ma mére pour la regarder. C9était une ancienne photo. J9aimais bien, sur cette photo, son sourire et ses cheveux tirés en arriére. J9aimais aussi ses yeux ronds et noirs. Ma mére m9a donné cette photo il y a dix ans quand je partais pour la France. Elle m9a dit ce jour-la de ne pas oublier de l9'agrandir. Mais je ne Vai pas agrandie. Je l'ai gardée comme elle me l9a donnée. Je me disais qu9en Yagrandissant, la photo ne serait plus la méme. Je ne verrais plus les mémes traits de ma mere. 30 Vai remis la photo dans ma poche et jai pris le journal. Je n9ai pas pu le lire. Chapitre 6 Lavion a décollé et a quitté la France pour Afrique... L9avion est arrivé au Congo-Brazzaville å cing heures du matin. Nous nous sommes arrétés d9abord a Libreville, au Gabon. Beaucoup de voyageurs sont descendus dans ce pays voisin. Ils étaient heureux d9étre arrivés. Ils riaient, s9embrassaient. Je me suis dit que ce n9était pas, comme moi, pour un enterrement qu9ils se rendaient chez eux. J9ai admiré leur joie, leur gaité. J9aurais aimé étre A leur place, arriver au Congo-Brazzaville en riant, en embrassant ma famille... Aujourd9hui c'est le jour de l9enterrement. Jai Vimpression d9entendre des voix qui viennent de loin. Je me dis que seules les feuilles mortes qui tombent des arbres pour- ront comprendre a quel point je redoute de me retrouver seul. Je n9ai pas la force de marcher ni de regarder loin devant moi. Je suis épuisé comme si je n9aurais pas dormi depuis des jours. Je baisse les yeux chaque fois que me revient le visage de ma mére. Je l9imagine assi- se au bord de la riviére, avec des pagnes noirs. 32 33 Pie Et moi je cours aussitåt aprés elle pour essayer porter car ces gens ont tous été proches de ma de la tirer de la mort avant qu9il ne soit trop mére depuis sa maladie, jusqu9a sa mort. eae ee tard. Mais ce ne sont que mes penséeg qui se bousculent. Je sais que ma mere quittera ce Mon oncle aussi est venu vers moi. monde lorsque le village la conduira tout 4 Il ma tenu par le bras et m9a dit de le suivre V9heure au cimetiére. derriére notre maison. Les villageois se sont écartés pour nous laisser passer. Ils m9ont Il va pleuvoir. Je souhaite vraiment qu'il pleuve applaudi afin de m9encourager dans cette dou- pour le repos de ma mére. Je ne suis pas trés leur. inquiet, car les villageois ont tout préparé pour Mon oncle a pris un bout de tissu blanc et I9a que tout se passe bien. Pour I9instant, je suis noué autour de mon bras. C'est notre facon de assis, avec mon oncle, å quelques métres de porter le deuil. Mais c9est aussi pour éviter que notre case. Nous attendons la suite des événe- ma mére qui est décédée ne vienne me prendre ments... pour m9emmener dans le pays des morts. Il est dit dans notre village que, quand un mort voit Hier, quand je suis arrivé 4 Louboulou, tous les son enfant qui souffre, il vient le prendre pour villageois sont venus me rencontrer. J9ai vu du Yemmener avec lui. Avec ce bout de tissus monde dans la rue et devant notre maison. Les autour de mon bras, ma mére ne pouvait pas vieilles femmes qui se reposaient sous les s8apercevoir que j8avais du chagrin. arbres ont recommencé a pleurer lorsqu9elles mont vu descendre du camion avec mon sac de voyage. Elles ont couru vers moi en criant. Elles m9ont touché la téte. C'est une facon, chez nous, de souhaiter la bienvenue 4 quelqu9un qu9on n9a pas vu depuis longtemps. J9ai eu un peu peur de tout ce monde. Et je me suis dit que je n9avais pas de raisons de mal me com 34 35 C'est lå qu9on allait remettre ma mére quand Chapitre 7 les vieilles femmes du village auraient fini de la laver dans la riviére et de lui mettre le pro- duit qui empéche les morts de pourrir. Des femmes avaient entouré ce lit et elles chan- taient en agitant des mouchoirs en lair. Elles Derriére notre maison, mon oncle a commencé a chassaient aussi les mouches et les insectes. me parler. Il a dit que pour V9instant je ne pou- Mon oncle m9a donné une chaise. Je me suis vais pas voir ma mére parce que les vieilles assis prés de lui. I a voulu me dire plusieurs femmes du village étaient allées å la riviere avec choses. II a hésité, comme d9habitude. Ala fin, le cadavre pour le laver et Vhabiller. J9ai répon- il m9a raconté la souffrance de ma mére a du A mon oncle que je ne souhaitais pas voir le Vh6pital de Pointe-Noire. cadavre de ma mere. Je ne supporterais pas de Vai écouté sans poser de questions. J'ai la voir morte, immobile et les yeux fermés. appris qu9elle était restée 4 hépital de Pointe- Mon oncle n9était pas d9accord et m9a dit: 4 Michel, tu dois faire un effort pour voir ce Noire pendant un mois. C9était lå-bas que les villageois allaient lui rendre visite. cadavre, c'est ta mére. Fais-le, je t9en prie, car Ma mére souffrait du coeur. Elle n9avait plus tu ne la reverras plus. Je lui ai promis de regarder le cadavre de ma beaucoup de sang dans le corps. Ses pieds mére. Nous sommes retournés devant la mai- enflaient. Elle n9arrivait méme plus 4 parler. Elle ne reconnaissait plus les gens qui venaient son, au milieu des villageois. Ils m9ont tous dit la voir å 9hépital. On avait coupé tous ses che- bonjous, un å un, en se mettant a genoux devant moi. C9est pour nous une maniére de veux. Elle avait maigri, car elle ne mangeait partager le malheur. Quand quelqu9un se met a plus. Quand on la forcait de manger un peu, genoux, on lui touche la téte et on Yaide a se elle vomissait. relever en lui disant merci. Elle avait dit 4 mon oncle de ne surtout pas m9appeler en France pour me dire qu'elle était Devant la porte de notre maison, jai vu un lit a V/hépital. Elle était såre qu9elle allait vite gué- rir et que nous nous reverrions bientét. avec des draps blancs et des bougies allumées. 36 37 Et puis, un matin, le médecin est passé dans sa chambre pour lui donner des médicaments. Chapitre 8 Il a ouvert la porte et I'a vue couchée par terre. Elle ne bougeait plus. Elle ne respirait plus. Ses yeux étaient ouverts, mais elle était morte au moment ou le soleil se levait... Le chef du village est venu nous rejoindre. Il m9a salué. Il a aussi salué mon oncle. Nous avons beaucoup parlé dans notre langue. Ils ont remarqué que je parlais encore trés bien le bembé, la langue du pays, méme s'il y a de temps a autre des mots francais. Notre chef du village est un homme trés sympathique. C9est un grand sage comme les autres vieux. Tous ses cheveux sont blancs. Il a une petite barbe, des yeux ronds et curieux. Il n9est pas grand de taille. Sa voix est trés grave. Quand il prend la parole, il parle au nom de nos ancétres. II connait les traditions de notre village. Lorsqu9il y a un probléme, tout le monde lui demande son avis et il consulte les autres vieux. Si on ne trouve pas de solution, le chef réunit tous les vieux du village dans la Case a palabres. Le chef m9a expliqué que la population est restée jusqu9a présent prés de ma mére. Aprés, il a voulu savoir ce que je faisais en France. Je lui ai répondu que j9avais arrété mes études å cause de la vie qui n9est pas facile 39 pour un étranger en France. J9ai dit que je tra- ce jour-la, Marie-Jeanne cherchait des informa- vaillais la nuit dans une usine de voitures. Cela tions sur les peuples d9Afrique centrale. Elle me permettait d9avoir un peu d9argent et de est venue vers moi et m9a demandé le nom de payer le loyer de ma chambre. Le chef a été mon pays d'origine. Je lui ai dit que je venais décu. Il a regardé le ciel en se touchant la barbe. du Congo-Brazzaville. Elle a presque sauté de Jai bien vu la déception sur son visage. joie, car c'est un pays d9 Afrique centrale. C'est Il m9a dit d9essayer de continuer mes études un pays qui pouvait l9intéresser pour ses pour devenir un homme important dans notre recherches. village et dans notre pays. Nous avons discuté quelques minutes. Mais Et il a demandé brusquement si j9avais une il ne faut pas trop faire de bruit dans une petite copine en France. Cette question m9a mis bibliothéque. Il y a des gens qui lisent, qui tra- mal a l9aise. Je n9aime pas beaucoup parler de vaillent. Marie-Jeanne m9a demandé si j8étais ma vie privée. Je suis un timide, c9est mon d9accord que nous discutions dehors. J9ai aussi- défaut. tot accepté. Nous avons rangé nos affaires. Je suis resté silencieux. Mon oncle m9a forcé de répondre au chef. Nous sommes allés au bistrot Le Pére Tranquille, On doit toujours répondre aux plus agés, aux pas trés loin du restaurant ot: Marie-Jeanne tra- ainés. C9est cela le respect. vaille la nuit. Nous nous sommes assis dehors, Alors, j8ai parlé de Marie-Jeanne. Une fille sur la terrasse. Elle a commandé un café. Moi que Jaime et qui m9aime aussi. Elle est Fran- jai pris un sirop a la menthe, car il faisait Caise, rousse, grande avec des yeux marron. chaud ce jour-la. Elle étudie l'histoire des civilisations africaines Nous avons regardé les gens passer. a 9université de la Sorbonne. Dans la journée, Elle m9a d9abord remercié d9avoir accepté de elle va a la faculté. Le soir, elle travaille dans lui parler du Congo-Brazzaville et de l'Afrique un restaurant, Le Flunch des Halles, pour payer centrale. Elle a enregistré dans un magnéto- ses études, comme beaucoup d9étudiants. phone tout ce que je lui ai raconté. Je me sou- Nous nous sommes rencontrés a la biblio- viens que je lui ai parlé de ces peuples de petite théque Georges Pompidou. Je me rappelle que taille qu9on trouve dans nos foréts et qu9on 40 41 appelle les pygmées. Ces peuples vivent de la péche, de la cueillette et de la chasse. Ils ne connaissent pas la radio, la télévision, le train, le pain, le sucre ou les billets de banque. Ils n9ont jamais vu un miroir ou un match de foot- ball. Quand un avion passe dans le ciel, ils se mettent å crier, å pleurer. Ils se cachent sous les arbres et se disent que ce sont leurs dieux qui sont en colére contre eux. Vai donc parlé des pygmées a Marie-Jeanne. Elle a été surprise et a ri. Elle a dit qu9elle venait d9apprendre des choses. Je l9ai beaucoup regardée dans les yeux. Elle a rougi plusieurs fois et a baissé son regard. Elle m9a donné son numéro de téléphone. Je lui ai donné le mien. Nous nous sommes revus plusieurs fois. Depuis le jour de notre premiére rencontre, nous ne nous sommes plus quittés. Nous sommes devenus d9abord de grands amis. Et puis, nous avons vu que nous étions faits I9un pour l'autre. Marie-Jeanne est la premiére et la seule femme que je connais. Elle, elle avait déja connu les hommes. Elle a plus d9expérience que moi. Moi je ne connais pas d9autres femmes qu9elle. Quand nous passons dans la rue, les gens nous regardent. Marie-Jeanne est trés belle. Elle 42 me tient toujours par la main. Moi je me sens léances. Elle a été triste et m9a pris dans ses trés géné. C'est parce que dans notre pays, il ne bras. Elle m9a dit d9étre courageux pendant faut pas montrer aux autres qu9on s9aime. Les Yenterrement... jeunes gens doivent se cacher lorsqu9ils sont amoureux. Marie-Jeanne sait que cette maniére de vivre me dérange, mais elle veut que je me sente libre, que je ne m9occupe pas de ce que s9imaginent les autres. Je me suis finalement habitué avec le temps. J'ai dit au chef du village que Marie-Jeanne res- semble vraiment 4 une poupée, avec son regard doux comme un ange et ses cheveux qui tombent sur ses épaules. Jai dit aussi que je n9avais jamais vu les parents de Marie-Jeanne. Ils ne savent pas que nous sortons ensemble, car d9aprés Marie-Jean- ne, son pére, qui a pourtant travaillé en Afrique, n9accepterait pas que sa fille frequente un Africain. C'est pour cela que nous n9habi- tons pas ensemble depuis que nous nous connaissons. Elle loue une chambre dans le treiziéme arrondissement. Je ne suis jamais entré dans cette chambre. C9est aussi a cause des voisins qui peuvent en parler a ses parents. Je sais qu9elle m9aime. Cela me suffit. Quand je lui ai appris que ma mére était morte, Marie-Jeanne m9a présenté ses condo- 44 tures, de belles maisons alors que leur peuple Chapitre 9 meurt de faim et de pauvreté... J'ai dit encore au chef du village que lorsque je passe a Chdteau Rouge ou a la Goutte d'Or, jai Yimpression d9étre au centre de I Afrique. C'est Notre chef du village est un homme curieux. Il lå que jachéte mes vétements, car ils sont veut tout savoir. Il a aussi voulu que je lui parle moins chers que dans les autres boutiques. de la ville de Paris. Je ne lui ai pas caché que les Africains de Je lui ai dit que c'est une grande ville, avec Paris vivent dans des conditions difficiles. Is des immeubles, des avenues, des autoroutes, doivent tous avoir une Carte de séjour. C'est un des monuments historiques. Il y a la-bas des papier qui leur donne le droit de rester en trains qui vont plus vite que le train qui passe France. Ce n9est pas facile d9obtenir ce papier. å la gare de Louboulou tous les quinze jours. Les étrangers se lévent a cing heures du matin La ville de Paris est trés peuplée. On rencontre pour aller attendre toute la journée devant les des gens venus du monde entier. Je lui ai dit bureaux de la Préfecture de Paris. A la fin, on qu'il y a des quartiers on I9on trouve beaucoup leur dit qu9on ne peut pas leur délivrer ce d9Africains : les quartiers de la Goutte d'Or, de document. On leur donne de longues explica- Chateau Rouge ou de Barbes. tions et on leur demande de revenir le lende- A Paris, il y a méme des marchés africains. main avec une liste de papiers qu9ils ne peuvent Notre chef avait l9air de trouver cela normal pas trouver en France. alors que cela m9avait surpris au début. On C9est pour cela que les étrangers qui n9ont peut acheter la-bas les vétements et les pro- pas de Carte de séjour doivent se cacher quand duits alimentaires venus directement des pays ils apercoivent la police dans la rue. Sinon, on africains. Les jeunes viennent se couper les les embarque dans un camion, on les met dans cheveux ou manger dans ces quartiers. Des un avion appelé charter, pour les renvoyer dans Africains se regroupent pour parler de leur leur pays. pays. Is critiquent les Présidents de la Répu- blique et les Ministres qui ont de belles voi- Jai raconté tout cela. 46 Mon oncle a écouté avec attention. Quant au chef du village, il a craché plusieurs fois par Chapitre 10 terre. C'est comme cela que, dans notre village, nous montrons que nous sommes vraiment en colére. Notre chef ne comprenait pas que la police puisse rechercher les Africains qui n9ont Soudain, les villageois ont poussé des hurle- pas de Carte de séjour alors que les Francais ne ments. Une grande panique. On a entendu du sont pas dérangés de cette facon en Afrique ot bruit partout. on les accueille avec hospitalité, respect et sans Le chef du village s9est levé. Il a pris un air leur demander un seul papier. Le chef du vil- grave. Il a donné des ordres en direction de la lage nous a rappelé qu9il avait été un ancien foule. combattant. Il s9était battu pour l9honneur de la Le silence est aussitét revenu. France pendant la Deuxiéme Guerre mondiale. Tout le monde s9est levé. Moi je suis resté Il avait toujours aimé la France méme s'il assis. Les femmes ont commencé une chanson. n9avait pas visité ce pays. Il aimait la culture Les hommes ont accompagné ce chant. francaise. Il aimait les personnages de I9His- Tout cela a duré plus de quinze minutes. J'ai toire de France comme Napoléon ou le Général entendu des villageois pleurer comme si c9était de Gaulle... leur mére qui venait de mourir. J'ai eu un peu honte que mes larmes ne puissent pas couler depuis que je suis arrivé au village. Comment tous ces gens font-ils pour pleurer et verser beaucoup de larmes ? Mon oncle m9a dit que certaines femmes ressentaient de la pitié pour moi. Et c'est cela qui les faisait pleu- rer. Elles se disaient que j8allais rester seul. Sans pére. Sans mére. Cela suffisait pour les faire pleurer... Le chef du village a donné Vordre de s'asseoir. Tout le monde s9est assis. Il m9a dit que c9était Chapitre 11 maintenant a moi de me lever. Vai compris pourquoi il y a eu cette agitation générale: on avait ramené le cadavre de ma mére devant la maison aprés l9avoir lavé et Aujourd9hui, c'est le jour de l9enterrement. habillé dans la riviére. Le ciel est sombre. Une petite pluie tombe. Jai fermé les yeux. Je n9ai pas voulu voir ma Les arbres aussi sont tristes. Dans notre village mére couchée sur ce lit. on dit que les arbres nous écoutent et nous J'ai tremblé, jai transpiré. Je n9ai pas pu me regardent vivre. C'est pour cela qu9A Loubou- mettre debout. Mes pieds sont devenus trés Jou, nous ne coupons pas n9importe quel arbre lourds. de la forét. Quand nous en coupons un, nous Le chef de village m9a dit, pour une derniére devons en planter un autre, de la méme espéce, fois, de me lever et d9aller saluer ma mére. au méme endroit... Tout le monde a souhaité que je m9avance pres de ce lit. J9ai rassemblé toutes mes forces. Le ciel est vraiment sombre. Je me suis enfin levé. Dans quelques minutes, ma mére va Teposer Je me suis avancé d9un pas. dans le cimetiére, prés de mon pere qui Mon oncle était derriére moi. Il m9a un peu l9attend depuis des années. bousculé. Je me suis avancé de quelques pas Tout le monde est habillé en noir ou en encore, sans regarder devant moi. blanc. Ce sont les couleurs du deuil ici. Mon Arrivé au bord du lit, j'ai vu pour la premiére oncle m9a donné des vétements noirs. Il sont fois ma mére morte, et je suis resté immobile. un peu grands mais je les ai quand méme por- Pour la premiére fois aussi, jai versé des tés. Les vieilles femmes sont venues me mettre larmes... de la cendre mouillée sur le visage. C9est aussi une de nos coutumes. On doit mettre de la cendre mouillée sur le visage de Yorphelin pour qu9il ne soit pas trés triste. Je ressemble å 51 un homme maquillé. On a aussi maquillé mon mere n9entendra plus ma voix quand elle sera == oncle, mais avec du charbon. Cela veut dire sous terre. gue cest désormais lui qui sera mon plus Vai remarqué qu9on veut m9écouter. C'est proche parent. parce que chacun attend que je le remercie. Ce Les gens ne parlent pas å haute voix. Le jour rest pas si facile, il faut que je remercie tous de l9enterrement, on ne doit pas beaucoup par- ces gens au cimetiére. ler. I faut permettre au mort d9écouter les voix Ce qui me donne du courage c'est que le asa des ancétres qui vont l9accueillir dans l9autre chef du village est prés de moi. Il ne me quitte a monde. pas. Il me tient par la main comme si j9étais son Les villageois se parlent par des signes. Moi fils. Il a dit que lorsque nous irons au cimetiére, je ne comprends pas bien ce qu9ils veulent dire. je me mettrai devant avec mon oncle, juste Ils savent tous 4 quel moment nous allons nous avant les joueurs de tam-tams. Je marcherai diriger vers le cimetiére. doucement. Je battrai des mains au rythme de Les joueurs de tam-tams viennent de s9ali- la cadence de ces tam-tams. Cet enterrement gner devant notre maison. Ils sont plus doit aussi étre un moment de joie. Alors, il faut maquillés que moi. Ils portent des plumes de que je batte les mains, méme si je ne sais pas coq sur la téte. Ils n9ont pas encore commencé chanter comme les villageois. de jouer. Derriére mon oncle et moi, il y aura les joueurs de tam-tams, les vieux et les vieilles du Mon oncle et le chef du village me disent qu9au village. Aprés eux, il y aura les femmes puis les cimetiére, c'est moi qui dois dire un mot hommes et les jeunes gens de Louboulou. Der- d9adieu 4 ma mére. riére encore, il y aura les gens venus des autres Je ne m9attendais pas a cela. Je ne sais pas si villages, avec leur chef. jaurai le courage de dire ce mot. Tout cela a été bien arrangé. Chacun sait ot Je n9ai rien préparé et cela m9angoisse tout a il se mettra. coup. Je ne sais pas parler quand il y a beau- coup de monde autour de moi. Mais je dois quand méme parler aujourd9hui, sinon ma 52 ter. Je dois me dire que ma mére s9en va tout Chapitre 12 droit au Paradis. Je ne sais toujours pas ce que je vais dire au cimetiére. D9aprés le chef du village, je dois me tranquilliser puisque c'est ma mére qui me dic- tera les mots que je prononcerai lorsque le Les menuisiers de Louboulou ont fabriqué un moment sera venu... cercueil. Ils sont venus le déposer prés du lit. Je ne sais pas comment ces menuisiers ont fait pour que le cercueil brille malgré le mauvais Tout le village marche maintenant vers le cime- temps d9aujourd9hui. On a mis des draps tiére. On entend les tam-tams et les chants des blancs å Vintérieur et des bougies allumées femmes. tout autour. Le chef du village me regarde marcher. J9ai sc Des hommes forts ont soulevé le cadavre les yeux baissés au sol. Devant moi, il y a pour le mettre dans le cercueil. Ils ont croisé les quatre hommes qui portent le cercueil sur leurs a bras de ma mére et lui ont fait porter des gants épaules. Ils avancent comme s9ils comptaient blancs. Il ont ensuite redressé sa téte. Tout était leurs pas. Nous écartons parfois l9herbe pour nn maintenant parfait. On a dit aux gens de laisser passer. un petit passage... La pluie nous a tous mouillés. Mais nous seb et sommes contents parce qu9il pleut. Les péchés Je suis reparti m9asseoir 4 quelques metres de ma mére vont s9effacer. es pour réfléchir sur ce que je vais dire quand Nous avons dépassé une petite forét. Se nous arriverons au cimetieére. Le cimetiére se trouve juste en bas de la col- Le chef du village m9a suivi. Il m9a touché a line. J9ai jeté un regard derriére moi. Il y a du Yépaule et m9a pris dans ses bras. I a dit monde partout. Les gens avancent a petits pas. quelque chose que je n9ai pas compris. Certaine- On ne se bouscule pas. On a tout le temps. Le ment des paroles pour me réconforter. II m9a chef du village m9a expliqué pourquoi les gens conseillé de dire tout ce qui viendra dans ma marchent ainsi, sans se bousculer. C9est parce téte sans trop réfléchir. Je n9ai pas 4 m9inquié- qu'il ne faut jamais presser les morts d9aller au 54 55 cimetiére. Ils auraient Y'impression qu'on veut en plus. Il faut que je parle. Je regarde encore le se débarrasser d9eux. Et, ils iront sous terre chef du village. Il remue la téte. C9est donc le avec des regrets. Leur åme ne pourra pas étre moment. tranquille. Les autres morts de Yau-dela se Je peux maintenant parler... moqueraient de celui qu9on a vite enterré. i C'est pour cela que chez nous, on emmene lentement les morts au cimetiére. On doit leur montrer qu9on a encore besoin d9eux parmi Ma chére mére, nous. Quelques hommes nous ont devancés au Te voici maintenant pres de la porte du Paradis cimetiére. Ils sont en train de creuser la fosse pour aller å la rencontre de mon pére. Si ce voyage dans laquelle on va mettre le cercueil. est pour toi une délivrance, pour moi c'est une souf- Je les apercois, ces hommes qui travaillent france. avec des pelles å la main. Ils sont habillés en Je regarde ce ciel sombre et je ne trouve aucun blanc. Ils regardent vers nous. Il y a deux signe de joie sur cette Terre ou je vais désormais hommes a J9intérieur de la fosse et deux autres viore seul, sur les bords. Ils dégagent la terre. Dans quelques minutes, le lieu de repos de ma mere J9aurais aimé poursuivre mes études et te faire sera prét. honneur. Mais les circonstances de la vie ont décidé autrement. Personne ne peut savoir ce qu'il devien- Nous voici 4 l9entrée du cimetiére... dra demain. J9ai appris a étre un homme, a gagner Le chef du village me fait signe de la téte de ma vie en toute simplicité, sans envier le bonheur me rapprocher du cercueil qu9on a posé par des autres. Je suis sir que dans le ciel, tu ne cesse- terre, prés de la fosse. ras pas de vanter le fils que j8ai été pour toi, méme si Je me retourne. je ne suis pas devenu un homme important pour Je vois mon oncle derriére moi. Les villa- notre pays. geois m9entourent. Les tam-tams se sont tus. Je sais que j'ai abandonné mes études et que je Plus personne ne parle. La pluie tombe de plus n'ai plus la force de les continuer. Pour moi, je 56 57 considére cela comme un grand échec et je te lage, tout le monde fait partie de ma famille. C9est demande pardon, ce pardon que tu transmettras a pour cela que je ne me sens plus seul. Je suis ici mon pére lorsque vous allez vous revoir dans dans une grande famille. Ta mort m9a permis de le quelques minutes au Paradis... comprendre, maman. Quand je vais mourir & mon tour, je voudrais Repose en paix, et un grand bonjour å papa et a étre enterré prés de toi et de mon pére, a l9ombre de nos ancétres... ces arbres ou chantent les oiseaux de septembre. Ce jour-la, il va aussi pleuvoir pour que mes péchés s9effacent sur la Terre. Je deviendrai un ange et vous serez fiers de moi, votre fils unique... Je repars dés demain en France, mais je ne partirat pas de Louboulou sans prendre dans ma poche un peu de terre de ta tombe comme a l9époque ou tu m9emmenais parler devant la tombe de papa. Le jour ou j9aurai la chance et le bonheur d9avoir un enfant, je viendrai avec lui ici, et je vous parlerai tandis qu9il jouera a quelques métres de moi... Je ne vais pas terminer ces mots sans remercier tous les villageois de Louboulou, depuis le chef du village jusqu9au dernier nourrisson. Tout le village est la, ainsi que les habitants des autres villages. Je les remercie tous, car c'est dans la douleur qu9on compte le nombre de ses vrais amis. A aucun moment ces villageois courageux ne m'ont laissé seul. A partir d9aujourd9hui, je sais que dans ce vil- 58 années qui viennent. Mais je lui dis que je vien- Chapitre 13 drai réguligrement au village. Je lui présenterai Marie-Jeanne. Le chef du village me conseille de chercher une femme. Une femme du pays. Une femme Quatre hommes descendent le cercueil dans la de Louboulou. I dit qu9il peut me trouver cette fosse qu9ils recouvrent aussitåt en prenant de femme qui sera mon épouse et qui m9attendra la terre avec des pelles. Une croix en bois est méme si je reste en France pendant longtemps. fixée au-dessus de la tombe. Notre chef estime que c'est difficile de vivre Je prends un peu de terre que je mets dans avec une Européenne, car nos cultures sont une poche de mon pantalon. Je m9éloigne vers opposées. Il ne comprend pas que jusqu9alors la tombe de mon pére. Je prends aussi un peu je n9aie pas rencontré les parents de Marie- de terre que je mets dans l'autre poche. Jeanne. Nous allons tous maintenant retourner au 4 Tu es en train de perdre du temps pour village. rien, a dit le chef d9un ton triste. Je voudrais rester seul quelques minutes au J'ai expliqué qu9en Europe, quand on s9aime cimetiére, prés de ma mére et de mon pere. et qu9on est majeur, on peut méme se marier Mon oncle et le chef du village s'y opposent. Je sans Yavis des parents. J9aime Marie-Jeanne. Je les suis. me sens bien avec elle... Les tam-tams reprennent. Les femmes recommencent å chanter. Tout ce Nous voici devant notre case. monde va dormir encore deux ou trois jours Les villageois s9installent et parlent entre eux devant notre maison. Moi, je dois partir dés en regardant vers moi. Beaucoup commentent demain. Je n9ai pas eu un long congé dans ce que j'ai dit au cimetiére. Moi je ne me rap- Yusine out je travaille en France. On ne m'a pelle méme plus comment tout cela m9est venu donné que trois jours. dans la téte. Je n9ai pas réfléchi. J9ai laissé les Mon oncle regrette que mon séjour soit bref. mots venir. C'est ma mére qui a då me souffler Il pense qu'il ne me reverra pas dans les les mots et les phrases. Je n9avais plus peur. 60 61 J9avais oublié que plusieurs centaines de per- Je partirai demain en fin de matinée. sonnes m7 écoutaient. La population viendra me donner un peu Et j'ai commencé a parler. d9argent.Je refuserai mais le chef du village et Mon oncle et le chef du village ont pleuré. mon oncle me diront d9accepter. Personne ne les avait vus pleurer jusqu9a ce jour... I fait nuit å présent. Nous mangeons un mouton que le chef du Mon oncle demande que nous rangions les village a choisi dans son bétail. Il est en face de affaires que ma mére a laissées. Il y a surtout moi, assis par terre. I me donne les derniers ses vétements et ses chaussures. Nous allons conseils avant que je ne quitte le village. les jeter dans la riviére comme il est de cou- D9abord, je ne dois pas regarder en direction du tume dans le village. cimetiére. Cela porterait malheur et empécherait Mon oncle emménera chez lui les ustensiles ma mere d9entrer au Paradis. En plus, ma mére de cuisine, la table, les chaises et d'autres pourrait me suivre jusqu9en France. Ensuite, je petites choses. I pourra les utiliser avec son dois m9efforcer de ne pas étre trop triste. Cela épouse. Méme si sa femme ne peut pas avoir ferait venir le fantéme de ma mére dans le vil- d9enfants, il a toujours refusé d9épouser une lage. Enfin, je dois rester pendant plus de trois deuxiéme femme comme beaucoup d9hommes mois sans avoir de rapports sexuels avec mon du village le font. I aime ma tante. C'est une amie pour respecter la mémoire de ma mere. femme gentille. Elle aussi est restée pres de ma J9écoute le chef du village. C'est un sage. mere, avec les autres femmes du village. Elle Tout ce qu'il dit, ce sont nos ancétres qui le rest pas venue vers nous parce que, pendant disent... les funérailles, les femmes doivent étre d9un cété et les hommes de autre. On ne doit pas se mélanger. Ce soir, je vais dormir avec les villageois dehors, devant notre maison. La veillée va conti- nuer méme aprés mon départ pour la France. 62 aq Ee t plus chers de ce village et que chaque maison Chapitre 14 ici sera la mienne. Il dit que c9est avec joie que les Louboulois m9attendront chaque année. IIs iront tous les mois devant les tombes de mes parents. Le jour s9est levé. Le chef annonce qu9il a un cadeau pour moi. C9était hier ]9enterrement de ma mére. J9ai du Les villageois sont curieux. Ils s9agitent pour mal a imaginer qu9elle est maintenant sous terre, voir de prés ce cadeau. Le chef sort un bracelet peut-étre méme en train de s9étouffer. J9ai fabriqué avec des poils d9éléphant. I me le fait envie de me rendre seul au cimetiére ce matin. porter å la main droite et me dit : Mais je sais que ce n9est pas une bonne déci- -4 Ce bracelet t'accompagnera en Europe. Il sion car, si un villageois me croise en chemin, attirera la chance. Personne ne te fera du mal cela pourrait le choquer et il le raconterait a dans le pays des Blancs. Lorsque tu auras une tout le monde. Je dois donc accepter le repos difficulté, tu n9auras qu9a prononcer le nom de de ma mére et me dire qu9il y a une autre vie, notre village et tous les ancétres viendront A meilleure et éternelle qui l9attend. ton secours. Avec ce bracelet, les Blancs vont te Pourtant, je ne suis pas du tout tranquille. donner un bon travail et les parents de Marie- Quelque chose me tracasse depuis que je me Jeanne vont chercher a te rencontrer pour suis réveillé: je dois prendre un camion qui s9excuser de leurs craintes, car je sais que tu es arrive tout 4 Y'heure 4 Louboulou. Je dois le un étre bon, honnéte et droit. prendre pour aller 4 Pointe-Noire. De lå, j8irai a Nous aurons toujours une pensée pour toi. Yaéroport. L9avion d9Air Afrique décollera pour Ne nous oublie pas. Un homme qui oublie ses Paris vers vingt-trois heures. origines est un homme perdu. Rappelle-toi la parole de nos ancétres qui dit que l'eau chaude Tout le village est lå. On m9applaudit. Je sens n9oublie jamais qu9elle a été froide. Reviens donc des larmes qui vont couler. Le chef demande de temps 4 autre dans ce village qui est ton un moment de silence. I commence un dis- berceau... cours. Il rappelle que je suis Yun des fils les Les villageois applaudissent. 64 65 Je regarde le bracelet quelques minutes. Je recevoir. Je suis fier de le porter. prends mon sac de voyage et je m9avance vers Maintenant que j'ai cet objet qui me protége, mon oncle. Ma tante n9est pas 1a. Elle est au la premiére chose que je ferai quand je vais milieu des autres femmes. Je la vois venir vers voir Marie-Jeanne, c9est de lui demander d9étre moi. Tous les villageois me touchent la téte ma femme. Elle ira en vacances avec moi, pour me dire au revoir. l'année prochaine, en Afrique... Mon oncle pleure encore. Le chef du village reste un peu 4 l9écart. Je vais partir... Le camion klaxonne. Il y a beaucoup de voya- geurs dans le camion. Des gens des autres vil- lages. Je monte en poussant quelques marchan- dises. Les applaudissements des Louboulois conti- nuent alors que le camion vient de démarrer. Je vois le paysage défiler devant mes yeux. Mes larmes coulent beaucoup. C9est comme si javais abandonné mes parents. Mais je sais qu9ils seront avec moi méme en France. Je repense å Marie-Jeanne. Elle m9a manqué. Je suis content de la rejoindre et de lui raconter que l9enterrement de ma mére s9est bien passé. Je regarde encore le bracelet que le chef du vil- lage m9a donné. On ne le donne pas 4 n9im- porte qui. Beaucoup de villageois aimeraient le 66